M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, l’agence de notation Standard & Poor’s vient de placer sous surveillance dix-sept pays de la zone euro, dont la France.
Se servant de tels avertissements, le Gouvernement nous explique désormais que seule sa politique de rigueur sera en mesure de soustraire notre pays à cette pression et de lui conserver sa note triple A. Mais qu’avez-vous donc fait hier pour que nous soyons au pied du mur aujourd’hui ?
Certes, la crise des dettes publiques au sein de la zone euro contraint tous les États à réajuster sans cesse leurs politiques publiques, en particulier leur politique budgétaire. Mais, depuis 2008 et depuis la crise des subprimes, première alerte d’une crise systémique particulièrement grave, que de temps perdu ! Malgré un environnement macro-économique fortement dégradé, vous avez trop longtemps compté sur des espérances de croissance pour rétablir les comptes publics. Le résultat, à ce jour, est un déficit estimé pour 2011 à 95,5 milliards d’euros. Quant à la croissance, elle va de nouveau se faire désirer l’année prochaine ; madame la ministre, vous le savez, nous nous orientons au contraire vers la récession.
Pour nos concitoyens, les conséquences sont douloureuses. Vous leur dites qu’ils devront faire des efforts, à l’instar des Irlandais, des Anglais, des Grecs. Je ne crois pas que les Français y soient opposés, dès lors que ce serait dans la clarté et selon un principe de justice fiscale.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Yvon Collin. Mes chers collègues, c’est dans cet esprit que le Sénat s’est évertué à modifier l’équilibre général du projet de loi de finances pour 2012.
Nous partageons tous l’objectif de ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2013. Nous n’avons d'ailleurs pas d’autre choix que celui de redonner à notre pays une dette soutenable. En revanche, pour y parvenir, plusieurs chemins sont possibles.
Madame la ministre, avec la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat – la loi TEPA –, devenue le symbole d’une politique très justement qualifiée par notre collègue rapporteure générale d’ « incohérente », d’ « injuste » et d’ « inefficace », le Gouvernement a choisi le sentier de l’injustice fiscale : ce dispositif coûtera encore 9,3 milliards d’euros en 2012.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Yvon Collin. Madame la ministre, au cours de ces dernières semaines, nous vous avons démontré que d’autres options étaient possibles pour instaurer une fiscalité plus juste, tout en réduisant le déficit : à l’issue de nos travaux, ce dernier s’élèverait à 55,1 milliards d’euros, contre 82,3 milliards d’euros dans la version adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale.
Tout au long des débats, les radicaux de gauche se sont associés à toutes les mesures de bon sens, qu’elles visent à renforcer la progressivité de l’impôt par la création d’une nouvelle tranche d’impôt sur le revenu, à pérenniser la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, à supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires ou encore à accélérer la suppression du bouclier fiscal. Nous avons également approuvé les mesures en faveur des collectivités locales, qui ont besoin d’avoir les moyens de jouer leur rôle d’amortisseur social, de surcroît en période de crise.
Enfin, je rappelle que nous avons aussi été très sensibles à l’adoption de la taxe sur les transactions financières, dispositif que le RDSE défend depuis longtemps au Sénat. Nous avions même déposé une proposition de loi en ce sens. Un tel instrument est indispensable ; sa concrétisation serait bien plus efficace, pour contribuer à réguler les marchés financiers, que les annonces bien souvent incantatoires de nos dirigeants sur la scène internationale.
L’accord intervenu hier entre Paris et Berlin n’est qu’une annonce supplémentaire : sur le fond, il ne fait que reprendre le paquet sur la gouvernance économique, adopté par le Parlement européen au 28 septembre 2011.
Oui, il nous faut un nouvel encadrement des budgets nationaux ; oui, il nous faut une surveillance plus crédible des déséquilibres budgétaires. Mais, si cette rigueur érigée en seule politique communautaire n’est pas accompagnée de dispositifs pertinents de relance, alors, madame la ministre, nous aurons échoué à reconstruire l’Europe comme un espace d’espérance et de progrès.
M. Roland Courteau. C’est sûr !
M. Yvon Collin. Dans ce contexte fragile, la majorité des membres du RDSE votera ce projet de loi de finances pour 2012, qui opère un virage bienvenu vers plus de solidarité et d’équité.
Pour terminer, je veux saluer la qualité du travail de la commission des finances et souligner tout particulièrement l’esprit constructif qui anime tous ses membres, sous la présidence éclairée de Philippe Marini.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Merci, mon cher collègue !
M. Yvon Collin. Je veux également rendre hommage à l’important travail fourni par notre rapporteure générale, Nicole Bricq, et la féliciter d’avoir trouvé, parfois dans la douleur, une porte de sortie honorable à l’éternel et très délicat problème de la péréquation. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur général, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de ce marathon budgétaire, mais il va naturellement reprendre très vite avec l’examen du collectif budgétaire de fin d’année.
Le moins que nous puissions dire, c’est que ce débat aura été riche ! Riche d’enseignements sur le fond, en raison de l’importance des sujets examinés et au regard de la gravité de la crise exceptionnelle que nous traversons, mais aussi riche en rebondissements. Ce débat fut très révélateur… au sens photographique du terme !
La Haute Assemblée a été, semble-t-il, transformée en un grand laboratoire…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous ne sommes pas des cobayes !
M. François-Noël Buffet. … photographique du programme qu’appliquerait la gauche si jamais elle gagne demain les élections ...
Un sénateur du groupe socialiste-EELV. Et alors ?
M. François-Noël Buffet. Nous ont ainsi été offertes, développées en commission et en séance, une succession de photographies, aux clichés parfois fortement contrastés selon l’inspiration des amendements. Nous disposons donc d’une vue d’ensemble assez représentative de ce qui attend les Français en matière économique et financière si la gauche devait arriver demain au pouvoir (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.), et cette exposition de photographies devient alors nettement moins enthousiasmante !
La première photographie révélée dans ce laboratoire nous permet de constater que la réduction de la dépense publique est passée à la trappe !
Dans les amendements adoptés ne figure aucune mesure d’économie, malgré la gravité de notre situation financière et notre niveau d’endettement. Vous ne semblez pas avoir pris la mesure de l’enjeu, ce qui est très inquiétant, et n’avoir pas compris que le mur de la dette, c’est le mur de la dépense ! Toute autre option ne serait que pis-aller ou palliatif et ne résoudrait pas le problème de fond.
M. Jean-Jacques Mirassou. Et vous ? Qu’avez-vous résolu ?
M. François-Noël Buffet. Or vous avez précisément retenu cette mauvaise option : pour réduire le déficit et continuer de financer toujours plus de dépenses, l’augmentation massive de la fiscalité est la seule option proposée.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Parce que vous en proposez une autre, vous ?
M. François-Noël Buffet. La seule mesure d’économie votée par la majorité sénatoriale est la suppression des crédits de vingt-deux missions sur trente-deux ! Autant dire que cette attitude n’est ni responsable ni sérieuse, car il ne s’agit pas d’une véritable recherche d’économies.
Le budget étant amputé des deux tiers des crédits de ses missions, des milliers de fonctionnaires ne pourraient être payés si le Parlement adoptait votre budget !
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Eh oui !
M. François-Noël Buffet. Autre constat révélateur : la photographie du budget qui sera adopté par le Sénat montre bien que la gauche est d’autant plus démagogique qu’elle sait que ce budget ne sera pas appliqué !
La démagogie n’a plus de limites : quand il s’agit de faire contribuer les collectivités territoriales à l’effort national de réduction des dépenses publiques, même pour 200 millions d’euros, soit un millième du budget consolidé des collectivités territoriales, la gauche s’y oppose ! Mais elle va plus loin encore, en augmentant de 450 millions d’euros les dépenses de l’État en faveur de ces mêmes collectivités ! Est-ce faire preuve de responsabilité dans la période actuelle ?
En revanche, quand il s’agit de voter la remise d’un rapport au Parlement sur les dépenses et l’endettement des collectivités territoriales, c’est la bronca ! Que craignez-vous donc ? Tous les jours, vous plaidez la transparence, vous la réclamez en permanence, mais quand il s’agit de la mettre en œuvre, votre attitude n’est plus la même !
Alors qu’en 2012, pour la première fois depuis 1945, les dépenses de l’État, hors dette et pensions, et les dépenses de personnel vont baisser, le rapport sur l’évolution de la dépense publique, annexé au projet de loi de finances pour 2012, montre que les effectifs des fonctionnaires territoriaux ont bondi de plus de 18 % entre 2002 et 2009 : hors effets de la décentralisation, les communes ont recruté plus de 86 000 agents de plus pendant cette période et les effectifs des structures intercommunales ont quasiment été multipliés par deux ! Mais quid de la totalité et du détail de ces dépenses et de l’endettement des collectivités territoriales ? Le Parlement, a fortiori le Sénat, représentant des collectivités territoriales, devrait en être informé précisément. Bien évidemment, il ne s’agit pas de stigmatiser certaines collectivités territoriales, …
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mais si !
M. François-Noël Buffet. … mais d’en appeler à leur responsabilité. Les efforts doivent être consentis par tous, et partagés par tous !
Face à cette photographie des dépenses, le cliché des recettes n’est pas triste non plus ! Que proposez-vous ? Un redoutable choc fiscal de 32 milliards d’euros pour nos concitoyens et nos entreprises ! Nous avons eu droit à un concours Lépine de niches fiscales, 23 en tout, et de taxes, 30 au total, après les 17 taxes que vous avez déjà votées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Madame le rapporteur général, force est de reconnaitre que vous avez beaucoup travaillé dans un laps de temps très court, et personne ne conteste, dans cet hémicycle votre compétence en la matière !
En revanche, permettez-moi de relever un problème de cohérence, tant sur la forme que sur le fond et, si ce n’est pas de l’incohérence, il s’agit sans doute d’une surenchère qui nous paraît tout à fait déraisonnée : par exemple, vous rendez pérenne la contribution sur les hauts revenus et créez en sus une nouvelle tranche supérieure d’impôt sur le revenu. Quitte à faire mal, deux taxes pour le prix d’une, c’est sans doute mieux !
En ce qui concerne les entreprises, vous additionnez des taxes sans aucune limite, jusqu’au niveau démesuré de 20 milliards d’euros, l’équivalent de la moitié du montant de l’impôt sur les sociétés ! Est-ce bien raisonnable ? Posez-vous la question : qui crée les emplois et la croissance, sinon les entreprises ? Ce choix est totalement irresponsable : c’est le meilleur moyen de casser la faible croissance que nous connaissons aujourd’hui et de déstabiliser notre économie.
Le Gouvernement, lui, l’a bien compris : la croissance demeure le meilleur remède aux déficits. Il s’agit donc de trouver un équilibre entre économies de dépenses, nouvelles recettes et préservation de la croissance, aussi ténue soit-elle. Avec le budget que vous nous proposez, cet équilibre est franchement rompu.
La préservation de la croissance passe aussi par le soutien à la consommation des ménages, que la politique du Gouvernement a permis de maintenir à un bon niveau jusqu’à présent, malgré le choc violent de la crise. Or les propositions de votre majorité se résument également à toujours plus d’impôts et de prélèvements sur les classes moyennes et les ménages.
La suppression des exonérations fiscales et sociales des heures supplémentaires en est un exemple emblématique : elle va représenter 3,2 milliards d’euros d’impôts supplémentaires pour 9 millions de salariés modestes, qui gagnent 1 500 euros en moyenne et perçoivent ainsi 450 euros de plus par an. Concrètement, il en résulte une perte de pouvoir d’achat pour une aide-soignante hospitalière qui assure une garde de plus, ou un enseignant qui travaille quelques heures de plus par mois.
Autre mesure emblématique : le rabaissement du seuil d’exonération des droits de successions de 159 000 euros à 50 000 euros. Par idéologie, sans doute, vous êtes revenus sur l’exonération des droits sur les successions qui concernait les Français des classes moyennes au patrimoine modeste : vous les pénalisez en remettant en cause cette exonération, car vous ne tenez pas compte du renchérissement de l’immobilier en zone urbaine tendue.
Nous sommes bien évidemment en désaccord total avec les choix de la nouvelle majorité sénatoriale. Nous avons néanmoins constaté un certain nombre de divergences dans ses rangs : faut-il rappeler les discussions sur le prélèvement perçu sur le Centre national du cinéma, les tergiversations sur l’extension au livre de l’éco-contribution à la charge des émetteurs de papier ou la question préalable déposée par le groupe communiste sur le budget 2012, qui eût conduit à ne pas débattre du tout de ce projet de loi de finances si elle avait été adoptée.
Franchement, la Haute Assemblée a révélé nombre de photos floues, y compris du point de vue idéologique. D’une part, elle colle à l’idéologie d’une gauche conservatrice, soignant son électorat en refusant l’instauration d’un jour de carence pour les fonctionnaires, alors que, faut-il le rappeler, trois jours de carence sont imposés aux salariés du secteur privé – la proposition du Gouvernement était donc nettement plus light !
D’autre part, elle ne colle plus du tout à une idéologie de défense des plus faibles, dont la gauche s’était pourtant fait le chantre, jusqu’à offusquer les associations de défense des mal-logés en refusant la taxation des loyers abusifs pour les micrologements, proposée par le Gouvernement, en contradiction d’ailleurs avec le vote émis par le groupe socialiste à l’Assemblée nationale, ce qui souligne une contradiction interne de plus...
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Et vous, vous gelez l’APL !
M. François-Noël Buffet. En conclusion, mes chers collègues, je tiens à rappeler que, face à un gouvernement qui assume ses devoirs et ses responsabilités dans un contexte difficile en préconisant des économies, la maîtrise des dépenses et la stabilité fiscale, …
M. Gaëtan Gorce. Alors, c’est plus de déficit !
M. François-Noël Buffet. … vous nous opposez toujours plus de dépenses et plus de taxes ! Voilà la différence idéologique qui nous sépare et sur laquelle, dans les mois qui viennent, les Français devront se prononcer ! C’est la raison pour laquelle le groupe UMP votera contre le budget que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis déjà plusieurs années, les sénateurs du groupe centriste du Sénat tirent la sonnette d’alarme, mettant en garde contre le péril auquel nos déficits publics nous exposent.
Lors de la discussion du présent projet de loi de finances, nous avons eu plusieurs fois l’occasion de rappeler quelques faits qu’on ne saurait éluder. Vous les connaissez tous : la dette publique représente près de 85 % de notre PIB, soit plus de 1 700 milliards d’euros, et nous avons souvent répété qu’il nous faudrait près de sept années consécutives de recettes fiscales pour parvenir à en rembourser le principal.
Eh bien, ce soir, nous devrions nous réjouir, mes chers collègues, car il semblerait que la nouvelle majorité sénatoriale nous ait entendus… (Exclamations ironiques sur les travées de l’UCR et de l’UMP.) En effet, le budget que nous allons voter est exceptionnellement excédentaire. Même les plus anciens d’entre nous n’ont jamais connu cette situation : un excédent de 137 milliards d’euros, alors que nous partions avec un déficit prévisionnel de plus de 81 milliards d’euros, reconnaissez-le, c’est une prouesse !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cela va au-delà de tous les espoirs !
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est très fort !
M. François Zocchetto. Cette prouesse, il faut la mettre en perspective avec le travail accompli par la nouvelle majorité sénatoriale depuis deux mois, soit près de 35 milliards d’euros de recettes supplémentaires, et donc une aggravation de notre taux de prélèvements obligatoires de 1,5 point. Il est vrai que la première partie du présent projet de loi de finances a été amendée avec un volontarisme rarement égalé !
Quant aux moyens alloués aux politiques publiques, c’est-à-dire les dépenses, ils détonnent au regard des précédents exercices. M. le président de la commission des finances l’a dit tout à l’heure, seules dix missions ont été adoptées, dont les plus stratégiques quant à la garantie du principe de continuité du service public… Je pense, par exemple, à la mission « Médias, livre et industries culturelles », dont les crédits ont été votés, tout comme ceux de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » ; certes, cette mission est importante, mais il en est tout de même d’autres au moins aussi importantes !
Pour autant, si ce projet de loi de finances devait être adopté sous sa forme actuelle, la plupart des fonctionnaires ne seraient pas payés en 2012, ce qui est quand même un peu ennuyeux lorsque l’État emploie pas moins de deux millions de personnes. Ainsi les juges ne seraient-ils pas payés puisque les crédits de la mission « Justice » ont été rejetés. Mais cela est-il bien grave, après tout ? Faut-il considérer qu’ils sont essentiellement habités par le sens supérieur de l’intérêt général ? Les policiers non plus ne seraient pas payés, bien que l’accomplissement de leur mission apparaisse comme une exigence absolue. Et je pourrais multiplier les exemples…
Dès lors, un constat semble s’imposer : nous nous sommes livrés, mes chers collègues, à un pur exercice de science-fiction, qu’aucune agence de notation n’aurait pu imaginer ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est nul !
M. François Zocchetto. Ce n’est pas un budget de rigueur ou de responsabilité que nous devons voter ce soir, c’est un fantasme néolibéral de disparition de l’État, purement et simplement ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)²
Le texte élaboré par le Sénat est en tout point incompatible avec celui qu’avaient adopté les députés. Au reste, nous savons d’ores et déjà que la commission mixte paritaire échouera et que, en fin de compte, c’est uniquement le texte des députés qui entrera en vigueur. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ne veulent pas augmenter les recettes !
M. François Zocchetto. De nos trois semaines de débats, il ne restera rien !
M. Roger Karoutchi. Rien !
M. François Zocchetto. Alors, bien sûr, on peut voir là un effet de l’article 45 de la Constitution et regretter que le bicamérisme ne soit pas davantage égalitaire : je suis d’ailleurs prêt à travailler sur ce sujet. Mais on peut aussi réfléchir tout simplement à la place qu’occupe le Sénat dans nos institutions actuelles. (Mme Catherine Procaccia approuve.) Nous connaissons tous le mot de Clemenceau selon lequel, « le temps de la réflexion, c’est le Sénat ».
Je regrette amèrement que nous tendions à devenir le lieu d’une mascarade généralisée, contraire à l’esprit qui préside au bon fonctionnement de nos institutions et de la République. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je vous le prédis : une telle attitude remettra très rapidement en cause l’existence du Sénat !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. Scandaleux !
M. François Zocchetto. Comment, dans une période de contrainte budgétaire, nos concitoyens pourraient-ils accepter de sacrifier annuellement 300 millions d’euros pour voir seulement le fonctionnement de la procédure législative entravé ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Nos débats de ces trois dernières semaines ont comporté une grande part d’absurdité et nous nous retrouvons maintenant face à l’évidence.
Le groupe UMP, c’est dans son rôle, soutiendra le Gouvernement et votera donc contre un budget caricatural et anémique, alors que la nouvelle majorité sénatoriale votera en faveur d’un texte vide de toute substance, mais plein d’arrière-pensées politiques.
Nous devons donc nous interroger, je pense que nous pouvons tous en convenir, sur la lisibilité du signal que le Sénat est en train d’envoyer !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et vous, que pensez-vous ?
M. François Zocchetto. Dans les quelques instants qui me restent, mes chers collègues, je me permettrai modestement de lancer un appel à la responsabilité de chacun. (Rires et remarques sarcastiques sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Depuis quelques semaines, le Sénat se prive de sa participation au débat national pour s’embourber dans des querelles partisanes et électorales dont nous devrions être protégés. Nous avons raté l’occasion d’apporter notre contribution à la conception des politiques publiques qui seront menées en 2012, alors même que la zone euro est en crise et que la perspective d’une faillite nationale se présente chaque jour comme une effrayante possibilité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La faute à qui ?
M. François Zocchetto. Il nous reste maintenant deux échéances pour tenter de limiter les dégâts que nous venons de causer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les dégâts, ce sont ceux de la politique du Gouvernement ! Une politique que vous soutenez !
M. François Zocchetto. La première, c’est la commission mixte paritaire, où nous pouvons encore essayer de sauver les dispositions les plus marquantes du débat que nous avons eu sur la mission relative aux relations de l’État avec les collectivités territoriales. Nombreux sont ceux, sur toutes les travées, qui pensent avec justesse que la péréquation sera l’un des enjeux majeurs de cette mandature sénatoriale. Intervenons donc lors de la réunion de la commission mixte paritaire pour faire valoir les quelques idées qui ont été émises au Sénat.
Je passe sur le fait qu’après un débat d’une grande technicité sur les amendements de la commission des finances le Sénat a tout simplement rejeté l’article 6 relatif à la dotation globale de fonctionnement, le jour même de l’ouverture du congrès de l’Association des maires de France.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est du côté droit de l’hémicycle que vous devez vous tourner !
M. François Zocchetto. Il nous faudra sauver l’essentiel, mes chers collègues ; il nous faudra surtout convaincre nos collègues députés, et ce ne sera pas facile.
La seconde échéance, c’est le projet de loi de finances rectificative visant à mettre en œuvre les dispositions annoncées le 7 novembre dernier par le Premier ministre dans le cadre du plan de sauvegarde de nos finances publiques. Ce collectif sera l’occasion de jauger la responsabilité de chacun d’entre nous, car il y va de l’intérêt supérieur de notre indépendance financière nationale.
Vous aurez compris que, au moment du vote sur le présent budget, pour les différentes raisons que je viens d’évoquer, les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine ne cautionneront pas une parodie d’aussi mauvais goût : nous ne voterons pas le texte qui nous est soumis ce soir. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à quelques mois de la fin du quinquennat, le Sénat, aujourd’hui majoritairement à gauche – Sénat inédit, certes, mais légitime, monsieur le président de la commission –…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Personne ne le conteste !
M. François Marc. … est appelé à se prononcer sur le projet de loi de finances pour 2012.
Nul n’ignore les difficultés dans lesquelles s’est trouvé le Parlement pour traiter d’un projet de budget insincère et profondément inéquitable.
Notre institution s’est pourtant mobilisée pour à la fois inscrire ce budget dans une vision moins irréaliste des choses et faire valoir des orientations politiques plus en phase avec les attentes de nos concitoyens, dans un contexte de crise qui frappe déjà durement les plus fragiles.
Plus de deux cent cinquante amendements ont été votés, souvent après avoir recueilli un avis défavorable du Gouvernement.
S’agissant des recettes, 108 amendements ont été adoptés, qui améliorent le solde budgétaire de plus de 11 milliards d’euros.
Ces amendements ne visent pas à créer, comme l’insinue Mme la ministre du budget, une multitude de taxes supplémentaires. Vous avez même évoqué en séance, madame la ministre, trente taxes supplémentaires. Eh bien, nous avons fait le décompte des taxes que vous avez créées depuis le mois de septembre : nous parvenons à un total de trente et une ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Richard Yung. Record battu !
M. François Marc. Je pourrais vous communiquer la liste, mais vous la connaissez certainement mieux que moi !
Nos amendements visent essentiellement à supprimer ou à diminuer les avantages indus qui ont été distribués, ces innombrables cadeaux fiscaux et autres niches créées par le Gouvernement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Christian Cambon. Ah, les niches… Les niches pour les riches !
M. François Marc. Qu’il soit rappelé ici pour mémoire que, depuis 2002, les gouvernements de droite ont créé ou élargi plus de 230 niches fiscales. (Huées sur les mêmes travées.) Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, aujourd’hui, en France, il n’existe pas moins de 538 mesures dérogatoires fiscales et sociales, dont il a été dit récemment, dans un rapport de Bercy, qu’elles étaient improductives pour la moitié d’entre elles, représentant 50 milliards d’euros par an. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)