PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Engagement de la procédure accélérée pour l'examen de projets de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen :
- du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu, déposé ce jour sur le bureau de l’Assemblée nationale ;
- du projet de loi autorisant la ratification de l’accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication de plates-formes d’enchères communes et du projet de loi autorisant la ratification de l’accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication d’une instance de surveillance des enchères, déposés ce jour sur le bureau de notre assemblée.
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Demande d'un avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010, relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, et en application de l’article R. 131-6 du code de l’environnement, M. le Premier ministre, par lettre en date du 30 novembre 2011, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière d’environnement sur le projet de nomination de M. François Loos à la présidence du conseil d’administration de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).
Cette demande d’avis a été transmise à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Acte est donné de cette communication.
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Loi de finances pour 2012
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.
Enseignement scolaire
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Enseignement scolaire » (et articles 51 septies et 51 octies).
La parole est à M. Claude Haut, rapporteur spécial.
M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de rappeler l’importance de la mission « Enseignement scolaire » dans le budget de l’État : ses crédits s’élèvent à 62,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, ce qui correspond à un plafond de 981 206 emplois rémunérés par le ministère de l’éducation nationale.
Notre ancien collègue Gérard Longuet était, l’année dernière, rapporteur spécial des crédits de cette mission. Il avait alors déjà souligné des déficiences dans la gestion du ministère de l’éducation nationale. Ses observations sont, hélas, toujours d’actualité.
Elles portaient notamment sur quatre points, que je vais rappeler.
En premier lieu, concernant l’enseignement technique agricole, M. Longuet avait relevé, le 17 novembre 2010, lors de l’examen en commission des finances des crédits de la mission inscrits dans le projet de loi de finances pour 2011, que la contraction des emplois, « eu égard à la taille des établissements comme à leur répartition sur l’ensemble du territoire, conduit à des fermetures de classes ou de sites scolaires. […] Nous avons donc un vrai sujet quant à l’application de la diminution des effectifs dans l’enseignement technique agricole. »
En deuxième lieu, s’agissant des corrections techniques du plafond d’emplois du ministère de l’éducation nationale, à hauteur – excusez du peu ! – de 20 359 équivalents temps plein travaillé, M. Longuet indiquait que « le ministère de l’éducation nationale […] semble manifestement fâché avec la comptabilité. […] Contrairement aux années précédentes, le schéma d’emplois n’est pas justifié au niveau national mais est renvoyé à la responsabilité des académies. » Or, aujourd’hui encore, plus d’un an après l’engagement de la réforme, nous ne savons toujours pas comment les suppressions d’emplois ont été réparties entre les académies ! Monsieur le ministre, peut-être pourrez-vous apporter des réponses aux inquiétudes à ce sujet des enseignants, des parents et, bien sûr, des élèves ?
En troisième lieu, en ce qui concerne les suppressions d’emplois, M. Longuet observait qu’il conviendrait « sans doute d’interroger le ministre sur la soutenabilité à moyen terme » d’une telle politique. La question peut être reposée cette année !
En quatrième lieu, M. Longuet relevait que les plafonds d’emplois en exécution ne correspondent toujours pas aux prévisions de la loi de finances, le Gouvernement ne sachant procéder à temps à la « régularisation du désajustement constaté entre recrutements et départs ». En d’autres termes, le ministère de l’éducation nationale ne parvient pas à anticiper correctement les décisions de ses agents en matière de départ à la retraite, ni à ajuster en conséquence le nombre de postes offerts aux différents concours.
Par ailleurs, dans son rapport d’information du 21 juin dernier fait au nom de la mission commune d’information sur l’organisation territoriale du système scolaire et sur l’évaluation des expérimentations locales en matière d’éducation, notre collègue Jean-Claude Carle remarquait que les suppressions de postes donnaient « une certaine prime à la facilité ».
En dépit de toutes ces observations, le présent projet loi de finances poursuit la politique de suppression de postes, à hauteur, en 2012 et à périmètre constant, de 15 640 ETPT, ce nombre traduisant l’effet en année pleine des suppressions de postes de la rentrée 2011 et 14 000 nouvelles suppressions d’emploi prévues à la rentrée 2012. L’économie correspondante s’élève à 467 millions d’euros, soit l’équivalent de la non-revalorisation de 1 % du point d’indice de la fonction publique pour les personnels de l’éducation nationale.
Entre la loi de finances initiale pour 2008 et le présent projet de loi de finances pour 2012, 70 600 postes ont été supprimés dans l’éducation nationale, dont 68 000 postes d’enseignant et 2 600 postes dans le secteur administratif.
Pour les rapporteurs spéciaux, le rétablissement d’un grand nombre des postes d’enseignant supprimés depuis 2007 doit constituer une priorité, si l’on veut redonner au service public de l’éducation les moyens de ses ambitions.
En outre, la répartition des suppressions de postes entre le public et le privé ne nous paraît pas équitable. En effet, l’enseignement privé subit moins de 10 % des suppressions de postes, alors qu’il est d’usage de respecter un prorata de 20 % entre les créations ou les suppressions de postes dans l’enseignement privé et celles qui concernent l’enseignement public.
S’agissant toujours des effectifs, le nombre de professeurs contractuels n’est toujours pas connu avec précision ; nous savons seulement que, entre le 31 décembre 2005 et le 31 décembre 2010, il a augmenté de 76 %. Ces informations doivent bien sûr être rendues publiques, c’est la raison pour laquelle la commission des finances présentera un amendement tendant à prévoir la remise d’un rapport sur cette question au Parlement.
Les dépenses relatives aux heures supplémentaires constituent une dernière variable d’ajustement des emplois de l’éducation nationale. Celles-ci s’élèvent à 1,31 milliard d’euros pour l’année scolaire 2010-2011, soit une hausse de 3,1 % par rapport à l’année scolaire précédente. Ces sommes équivalent à la rémunération de 40 000 ETPT, ce qui est beaucoup, même si, bien entendu, toutes ces heures supplémentaires ne correspondent pas des heures d’enseignement. En tout état de cause, il faut y regarder de plus près.
Nous sommes confrontés à une question majeure : quelle école voulons-nous pour nos enfants ? Quels sont les moyens à la hauteur des enjeux ? À cet égard, en dehors de la dépense d’éducation par élève ou par établissement, qui est légèrement supérieure à la moyenne dans notre pays, les comparaisons internationales fournies par l’OCDE ne sont pas toujours flatteuses pour nous : les classes françaises comptent un nombre d’élèves plus élevé que celles des autres pays industrialisés, et le taux d’encadrement est en France inférieur à la moyenne des autres États de l’OCDE.
Pour justifier la suppression de postes d’enseignant, le Gouvernement avance des arguments démographiques : à moyen terme, le nombre d’élèves diminuerait, tandis que le nombre d’enseignants augmenterait. Le Gouvernement retient pour son calcul une période de vingt ans, allant de la rentrée scolaire 1990-1991 à la rentrée scolaire 2010-2011.
Ces chiffres sont, pour le moins, extrêmement contestables, puisqu’ils dépendent largement de la période retenue. En effet, depuis le début des années 2000, le nombre d’élèves scolarisés dans l’enseignement public du premier degré a augmenté, ce que ne font pas apparaître les modalités de calcul retenues par le Gouvernement, qui tendent à masquer quelques évolutions observées depuis 2002.
Par ailleurs, les évolutions moyennes masquent des tendances disparates : il faudrait pouvoir défalquer la création de dispositifs spécifiques d’encadrement des élèves en difficulté et/ou handicapés, dispositifs qui n’existaient généralement pas il y a vingt ans, pour apprécier avec beaucoup plus de précision l’évolution dans les autres classes.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous ne sommes pas convaincus par l’argument du Gouvernement selon lequel il y aurait plus d’enseignants pour moins d’élèves.
En conclusion, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat de rejeter les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial.
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon intervention en citant un extrait de l’article L. 111-1 du code de l’éducation : « Le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté. »
Aujourd'hui, ce droit à l’éducation ainsi défini est remis en cause, après cinq années de mise en œuvre d’une politique de restriction budgétaire et de déconstruction du service public de l’éducation. D'ailleurs, le projet de budget pour 2012 consacre un peu plus encore l’amoindrissement et la dénaturation de ce dernier.
À cet égard, je partage le constat formulé par notre collègue Claude Haut selon lequel les effectifs des personnels du ministère de l’éducation nationale rémunérés sur d’autres crédits que ceux du titre 2 sont également en baisse. Les contrats aidés des personnels d’assistance éducative correspondraient à 88 688 emplois dans le projet de loi de finances pour 2012, soit une diminution de 3 500 par rapport à 2011. Toutes les catégories d’emplois sont donc touchées, y compris les plus précaires.
Dans ce contexte, l’enseignement technique agricole connaît une évolution particulièrement inquiétante. En 2012, la suppression de 280 ETPT correspond à un taux de non-compensation des départs à la retraite de 68,3 %. C’est l’un des plus élevés du budget de l’État.
Par ailleurs, aucune mesure catégorielle n’est prévue dans l’enseignement agricole à la prochaine rentrée. En son sein, l’enseignement public est particulièrement menacé. Dans la mesure où il concerne 37 % des effectifs scolarisés, l’application de la règle de la parité entre l’enseignement agricole public et l’enseignement agricole privé devrait donc conduire à ce que les suppressions de postes dans le premier représentent 37 % des suppressions de postes dans l’ensemble de l’enseignement agricole, et non 60 %, comme c’est le cas. Cette situation a justifié la création d’un comité permanent de défense et de développement de l’enseignement agricole public.
Notre collègue Claude Haut évoquait à l’instant de graves carences dans la gestion du ministère de l’éducation nationale, révélant un manque de pilotage au plus haut niveau.
Je ne prendrai qu’un seul exemple des erreurs dites « techniques » relatives au nombre d’emplois corrigées dans le présent projet de loi de finances : pour les emplois des opérateurs, ces erreurs portent sur 824 ETP, soit un sixième de l’emploi total en leur sein.
À défaut de revaloriser l’ensemble de ses fonctionnaires, le ministère de l’éducation nationale privilégie l’adoption de mesures nouvelles. Ainsi, 165,4 millions d’euros sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 au titre de mesures de cet ordre, mais aucune précision n’est apportée quant à leur contenu, à leurs bénéficiaires ou aux politiques qu’elles sont censées contribuer à mettre en œuvre. On demande donc au Parlement d’accorder un blanc-seing au Gouvernement…
La politique sociale du ministère de l’éducation nationale n’est pas plus satisfaisante. Le montant alloué aux bourses, soit 570,6 millions d’euros, est en diminution de 6,8 %. La dotation des fonds sociaux, accordés par les chefs d’établissement aux familles les plus en difficulté, accuse un recul de 4,4 %. En outre, aucun objectif ni indicateur de performance ne permet de mesurer l’efficacité de ces crédits d’action sociale.
L’allocation de rentrée scolaire, l’ARS, versée sous conditions de ressources, aurait profité à 4,6 millions d’enfants à la rentrée 2011. Certes, les montants de cette allocation ont été revalorisés de 1,5 % pour cette même rentrée, mais ils sont notoirement insuffisants pour les élèves des lycées professionnels et devraient être davantage modulés selon les niveaux de scolarisation. Par ailleurs, le versement de l’ARS à la fin du mois d’août paraît trop tardif. Surtout, cette augmentation ne compense pas l’explosion des frais de rentrée scolaire à laquelle sont exposées les familles, comme l’a montré l’association Familles de France.
Suppressions d’emplois, sacrifice de l’enseignement public agricole, opacité et erreurs sur le nombre de postes ou encore sur les mesures catégorielles envisagées en 2012, réduction drastique des crédits d’action sociale : le budget de l’éducation nationale proposé pour 2012 ne correspond nullement à l’effort que devrait conduire notre nation pour assurer l’égalité des chances à tous les enfants.
Les politiques menées dans le domaine de l’éducation ne sont pas davantage satisfaisantes. Que dire de la suppression de milliers de postes d’enseignant dans les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED ? La suspension des allocations familiales, quant à elle, s’inscrit dans une logique consistant à surveiller et punir. La réforme du lycée conduit à une désorganisation et à une remise en cause du statut.
Je veux également exprimer mes craintes quant à la scolarisation en maternelle non obligatoire et à celle des enfants âgés de deux à trois ans, si tant est qu’elle existe encore.
Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis. Eh oui !
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. En dix ans, le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans s’est écroulé, passant de 34,6 % en 2000 à 13,6 % en 2010, alors que de 700 000 à 750 000 enfants pourraient être accueillis, selon les estimations que vous avez vous-même fournies, monsieur le ministre, le jour de l’examen de la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans. Je rappelle que vous avez censuré cette discussion en invoquant de façon abusive l’article 40 de la Constitution.
Pourtant, vous le savez, il est reconnu que la scolarisation en maternelle joue un rôle fondamental et contribue à la réussite du parcours scolaire. Or vous la réduisez à une variable d’ajustement budgétaire.
Enfin, la commission des finances est extrêmement attachée à une revalorisation du métier d’enseignant, au-delà de la problématique financière. Je pourrais évoquer le développement de l’emploi précaire, la diminution du nombre de candidats aux concours de l’enseignement, soulignée lors de la table ronde que Claude Haut et moi-même avons organisée le 11 octobre dernier avec des syndicats d’enseignants et des associations de parents d’élèves, ou encore les déclarations, de plus en plus fréquentes, de jeunes enseignants affirmant envisager de changer de métier au cours de leur carrière, avant même d’avoir commencé à exercer…
Ce sont autant de signes d’une certaine désaffection pour le métier d’enseignant, qui appellent à une association plus étroite des personnels à la politique éducative autour d’objectifs partagés.
Nous pouvons, nous devons assurer aux enseignants des conditions de travail qui leur redonnent à tous l’envie d’exercer le plus beau métier du monde, porteur des espoirs de notre jeunesse et de l’avenir de notre nation.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la commission des finances, confrontée à ce constat, mais aussi animée par l’espoir d’une autre politique qui mette l’humain au centre des préoccupations, propose au Sénat de rejeter les crédits de la mission « Enseignement scolaire », d’adopter, avec modification, l’article 51 septies, d’adopter, sans modification, l’article 51 octies et d’adopter un amendement portant article additionnel après l’article 51 octies. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis.
Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’examen du projet de loi de finances pour 2012, il apparaît que l’éducation nationale est dotée d’un budget d’environ 62 milliards d’euros, en progression de 0,86 % par rapport à l’an passé, ce qui porte à 6 % son augmentation sur l’ensemble de la législature.
Néanmoins, ne nous y trompons pas : il s’agit en fait d’une baisse de crédits, puisque, sur cette même période, l’inflation n’est même pas compensée.
En outre, cette prétendue augmentation de crédits est en trompe-l’œil, car elle résulte du glissement des dépenses de personnel. Ainsi, 550 millions d’euros supplémentaires par rapport au budget de 2011 sont consacrés aux pensions et non pas à de nouveaux moyens dont bénéficieraient les élèves.
À ce propos, je note que, par le biais du projet de collectif budgétaire pour 2011, le Gouvernement, arguant de disponibilités au titre des pensions, propose le transfert de 70 millions d’euros au profit de la masse salariale de l’éducation nationale et de la justice. Cela veut-il dire que des crédits de pensions peuvent être transformés en postes ?
Ainsi, après les réintroductions d’emplois et les défaillances du logiciel Chorus l’année dernière, une nouvelle opération de replâtrage est en marche…
Dans ces conditions, trois questions se posent : quelle est la valeur réelle du plafond d’emplois de la mission « Enseignement scolaire » ? Quel degré de sincérité peut-on accorder au budget de l’éducation nationale ? Les amendements votés par le Parlement sont-ils toujours pleinement pris en compte ?
Pour les années à venir, la commission de la culture souhaite beaucoup plus de transparence et de précision, en matière à la fois de justification et d’exécution des crédits.
Concernant la masse des crédits de personnel, je souhaite souligner le niveau particulièrement important des heures supplémentaires. En effet, plus de 1,3 milliard d’euros y est consacré, soit 10 % de plus qu’en 2008-2009. Ces crédits auraient pu être employés à d’autres fins : remise en cause de suppressions de postes de titulaire sur zone de remplacement, ou TZR, renforcement du taux d’encadrement dans l’éducation prioritaire, consolidation de l’accueil à l’école maternelle ou encore offre d’une véritable formation aux enseignants, pour faire suite, monsieur le ministre, à votre réforme ratée de la mastérisation…
À ce propos, nous apprenons avec satisfaction que le Conseil d’État vient d’annuler en partie votre arrêté du 12 mai 2010 portant sur les nouvelles modalités de formation. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Claudine Lepage. Très bien !
Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis. Ce désaveu cinglant vous oblige à revoir votre copie, ou plutôt ce qui n’était sans doute qu’un brouillon !
Monsieur le ministre, votre prétendu réalisme budgétaire a une limite, la loi, comme vient de le rappeler le Conseil d’État.
La commission de la culture est convaincue que, même dans un contexte budgétaire difficile, des moyens peuvent être mobilisés pour mener une autre politique, avec des priorités éducatives affirmées plutôt que des priorités financières présentées comme incontournables.
Par ailleurs, sur l’ensemble des crédits d’heures supplémentaires, 320 millions d’euros sont consacrés aux seules exonérations de cotisations sociales résultant de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA ». En revanche, moins de 130 millions d’euros doivent financer environ 30 000 emplois vie scolaire, ou EVS. Or ces derniers s’adressent surtout à des personnes éloignées de l’emploi, dont ils visent à permettre la réinsertion. Par conséquent, restreindre le contingent d’EVS ne peut qu’alourdir le nombre de chômeurs. De plus, parmi les EVS, ceux qui servent d’assistants aux directeurs d’école afin de les décharger de tâches administratives sont les plus touchés par les non-renouvellements. Il apparaît donc que les choix financiers du Gouvernement s’opposent directement à la politique de l’emploi et à l’accompagnement des élèves, deux actions pourtant plus que prioritaires.
La construction du présent budget privilégie décidément l’optimisation de la gestion et confond performance financière et performance éducative. Si le projet de loi de finances pour 2012 est voté en l’état, en cinq ans, 68 000 postes d’enseignant auront été supprimés, dont 28 000 dans l’enseignement primaire public.
Le constat est très net : la préscolarisation des enfants âgés de moins de trois ans est en voie d’extinction ; elle concerne seulement 5 % des effectifs en Seine-Saint-Denis. Les effectifs des classes augmentent à chaque rentrée : demain, 32, 33 ou 35 enfants par classe sera peut-être la norme. Année après année, les postes dans les RASED disparaissent.
La commission de la culture s’interroge sur l’articulation entre les recteurs et l’administration centrale, qui paraît très imparfaite. De l’aveu même des services de l’éducation nationale, elle ne permet pas « une identification précise, pour chaque levier d’efficience et pour chaque académie », de l’incidence de telle ou telle mesure. Comment peut-on alors prétendre améliorer la gestion d’année en année ?
Nous sommes obligés de constater que les résultats des évaluations sont défavorables, que les inégalités sociales se traduisent en inégalités scolaires et que les inégalités territoriales portent atteinte à l’ambition d’équité de notre école publique. Le pilotage territorial de certaines mesures paraît nettement insuffisant.
Il faut noter que les élus locaux ne sont consultés à aucun moment lors de la construction de ce budget. Tous leurs représentants se sont plaints de ne pas être traités comme des partenaires à part entière par le ministère. Pourtant, leur implication en faveur de l’école est totale et leurs contributions ne cessent de s’accroître au fur et à mesure du désengagement de l’État.
Enfin, s’agissant de la médecine scolaire, la Cour des comptes a récemment évoqué l’existence de déserts médico-scolaires. Pourquoi un tel échec ? Nous le savons : il est dû à des rémunérations trop faibles, à un statut trop rigide et à l’absence de perspectives de carrière valorisantes.
Monsieur le ministre, il est urgent de réagir et, comme le préconise le Conseil d’État au travers de sa récente décision, de reprendre le dialogue avec l’ensemble des acteurs concernés.
En conclusion, en l’absence d’une réelle politique éducative ambitieuse pour tous, étant donné le manque de lisibilité de la gestion administrative et l’abandon de la formation initiale et continue des enseignants, la commission de la culture et de l’éducation émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je sais que le ministre de l’agriculture, retenu par d’autres obligations, ne pouvait assister à notre débat de ce soir, mais je ne peux m’empêcher de regretter son absence. Cela étant, je connais son attachement à l’enseignement agricole.
Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit de consacrer à l’enseignement agricole 1,3 milliard d’euros, soit une hausse de 1,2 % des crédits de paiement et de 1,7 % des autorisations d’engagement. La levée de la réserve de précaution devrait, en outre, permettre d’éviter cette année les reports de charges. L’enseignement agricole est donc plutôt bien traité. Il paie toutefois son écot à la RGPP et prend pleinement sa part aux mesures de maîtrise de la dépense publique, notamment via l’optimisation de la gestion et la réduction de 10 % de ses crédits de fonctionnement à l’horizon 2013.
L’augmentation des crédits hors titre 2 résulte de l’évolution des subventions aux établissements de l’enseignement agricole privé. Ces dotations ont en effet été relevées, afin de prendre en compte les obligations juridiques découlant de l’application du code rural. Je me félicite de la volonté affichée par le ministre de l’agriculture de respecter les protocoles d’accord de 2009, signés pour régler des problèmes récurrents de reports de charges et de contentieux. La subvention pour 2012 aux établissements privés du temps plein risque toutefois d’être insuffisante pour assurer l’accueil de 1 300 élèves supplémentaires, que n’avait pas prévu le ministère. Il conviendrait que des marges de manœuvre puissent être dégagées pour remédier à la situation.
Mes chers collègues, j’aimerais rappeler mon attachement, en tant que rapporteur pour avis de la commission de la culture, au développement équilibré de toutes les composantes de l’enseignement agricole, qu’il s’agisse du public, du privé temps plein ou du privé rythme approprié. Elles ont chacune leurs spécificités et répondent de façon diversifiée et adaptée aux besoins des élèves, des familles et des territoires.
L’analyse des crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 me conduit à adopter une attitude d’optimisme prudent et vigilant pour ce qui concerne l’ouverture, en février prochain, de la négociation du prochain plan triennal. Je souhaite que tout soit fait d’ici là pour garantir la qualité du dialogue social au sein de l’enseignement agricole et éviter le blocage du Conseil national de l’enseignement agricole, qui, à deux reprises, n’a pu fonctionner cet automne.
En termes d’emplois, ce projet de budget prévoit la suppression de 280 postes, uniquement d’enseignant. Après ces nouvelles suppressions, l’enseignement agricole sera parvenu à un taux de non-compensation des départs à la retraite de 45,5 % sur trois ans. C’est donc un peu moins que la norme du « un sur deux ».
À première vue, les suppressions de postes paraissent difficilement tenables, mais elles coïncident en fait avec la fin de la rénovation de la voie professionnelle. En particulier, il faut tenir compte de la résorption du double flux d’élèves né du maintien transitoire de voies parallèles, l’une directe, l’autre via le brevet d’études professionnelles agricoles, le BEPA. En outre, la rationalisation de la carte des formations menée en collaboration avec l’éducation nationale réduira l’incidence des suppressions, qui devrait au final être plus mesurée que ce que l’on pouvait craindre. Mais il ne sera pas possible, à l’avenir, d’aller plus loin sans entraver durablement le développement de l’enseignement agricole. Tous les jeunes qui s’y destinent doivent pouvoir y trouver leur place.
En revanche, il faut souligner le bilan positif des ouvertures et des fermetures de classes. Le bilan net correspond, à la rentrée 2011, à l’ouverture de plus de 135 « équivalents classe ». Je me félicite de ce déploiement de l’offre de formation, qui répond bien à la mission d’aménagement et de revitalisation du territoire assignée à l’enseignement agricole. Saluons tout particulièrement le dynamisme de l’outre-mer, qui voit globalement s’ouvrir neuf nouvelles classes, s’ajoutant aux sept de l’an passé.
Enfin, il semble que les synergies avec le ministère de l’éducation nationale soient désormais systématiquement recherchées. C’est vrai à l’échelon central pour la définition des politiques éducatives, la mise en œuvre des réformes, les référentiels des formations et la conception des épreuves. Mais l’échelon régional est également très actif, si j’en juge par la mise en commun de locaux et l’optimisation de la carte des formations. Les échanges de services d’enseignants entre établissements de l’éducation nationale et établissements de l’enseignement agricole se développent également. Cette consolidation des coopérations entre l’éducation nationale et l’enseignement agricole s’opère dans le respect des spécificités de chacun, mais dans un esprit nouveau de coresponsabilité. Le développement de ces collaborations permettra de desserrer l’étau budgétaire, par l’optimisation des fonctionnements et des coûts.
En conséquence, à titre personnel et contrairement à la commission de la culture, je suis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)