M. Francis Delattre. Ah oui !
M. Didier Guillaume. À quoi sert de constituer une communauté de communes ou une communauté d’agglomération composée de cantons et de communes pauvres ? Ce n’est pas en associant deux pauvres que l’on obtiendra un riche !
M. Gérard Collomb. Eh oui !
M. Didier Guillaume. Si nous voulons vraiment rééquilibrer la situation dans nos départements et nos régions, nous devons construire des intercommunalités tenant compte de l’ensemble des structures financières des communes.
Je le répète, il n’y a aucune fatalité. Alors que chaque jour les collectivités locales sont stigmatisées – elles dépenseraient trop, les élus seraient trop nombreux –, je reste persuadé qu’elles sont non pas un problème, mais une chance pour la France.
Si la commune de Clichy-sous-Bois ou les collectivités locales de Lozère ont les moyens d’investir, elles le feront ; des fonds seront alors injectés dans l’économie locale, dans le tissu des PME et des PMI, qui, elles, contribueront à la création de richesses et d’activités. C’est absolument indispensable !
Pour notre pays, l’une des façons de retrouver la croissance est de donner aux collectivités locales les moyens d’investir, non pas pour le maire ou le président de l’exécutif, mais pour mettre en place en tout point du territoire des services publics forts. Pour ce faire, il faut non pas détricoter telle ou telle politique, tirer je ne sais quel petit bout de ficelle,…
M. Didier Guillaume. … mais élaborer une grande réforme fiscale, prenant en compte la péréquation, l’autonomie fiscale et financière, les dotations.
L’Allemagne, où la situation est différente, a été citée. La France, elle, est une et indivisible, mais elle est aussi diverse. On ne gère pas la région Rhône-Alpes comme l’Auvergne, la Basse-Normandie ou la Haute-Normandie.
M. Jean-Michel Baylet. Ou Midi-Pyrénées !
M. Roger Karoutchi. Ou l’Île-de-France !
M. Didier Guillaume. C'est la raison pour laquelle cette grande réforme fiscale, que nous appelons de nos vœux, sera la réponse globale à toutes les petites modifications qui nous sont proposées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il y a un sujet qui nous concerne tous en tant qu’élus locaux dans les régions, les départements et les communes, c’est bien celui des crédits relatifs aux relations avec les collectivités territoriales. C’est une question sensible mais ô combien difficile, car rien n’est plus important que les relations entre l’État et les collectivités. Or, chacun le sait, le rôle de nos collectivités territoriales est primordial en période de crise économique.
Comme la plupart des intervenants, j’élargirai mon propos puisque la mission que nous examinons ne porte que sur une petite partie – seulement 2,5% – de l’effort financier de l’État en faveur des collectivités territoriales.
Au préalable, il est nécessaire de rappeler que la crise des finances publiques que traverse notre pays nous oblige à consentir un effort de discipline budgétaire sans précédent, et ce à tous les échelons. Cet effort, qui sera nécessairement collectif, est indispensable si nous voulons atteindre l’objectif que nous nous sommes fixé de remettre nos finances publiques sur la voie de l’équilibre et respecter, dans les années à venir, les critères du pacte de stabilité.
Dans ces conditions, il apparaît essentiel que les collectivités territoriales participent à cet effort. À cette fin, le Gouvernement leur a demandé une contribution de 200 millions d’euros, contribution qui est proportionnelle à la part des concours de l’État aux collectivités locales dans le budget général.
En dépit de ce contexte, la majorité de gauche au Sénat a souhaité, voilà quelques jours, revenir sur ces mesures d’économie et les a supprimées. Bien évidemment, chacun devra prendre ses responsabilités. Après le vote qui va intervenir, la dotation globale de fonctionnement devrait à nouveau croître de 0,2 %, soit 77 millions d’euros ; 64 millions d’euros et 13 millions d’euros financeront la péréquation au profit respectivement des départements et des régions.
Tout à fait conscient de la part extrêmement importante que prennent les collectivités locales dans l’investissement public – plus de 70 % –, le Gouvernement avait trouvé une position mesurée, qui permettait de limiter au maximum les conséquences financières sur les collectivités. Dans le projet de loi de finances initial pour 2012, le gel des concours budgétaires, atteignant un niveau équivalent à celui de cette année, devait permettre de sanctuariser certaines dotations, tout en réalisant des économies.
En matière de péréquation verticale, je note avec satisfaction une progression de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale de 4,6 %, alors que les mécanismes de péréquation horizontale sont renforcés avec la mise en place du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, dont les critères d’attribution devraient favoriser les zones rurales.
Pour terminer, je voudrais saluer l’intervention du Premier ministre, le 22 novembre dernier, lors du quatre-vingt-quatorzième congrès de l’Association des maires de France.
La crise, les nouvelles règles prudentielles des banques sur les fonds propres et la faillite de la banque Dexia ont entraîné un durcissement des crédits accordés aux collectivités. Le groupe BPCE a estimé qu’il manquerait 5 milliards d’euros aux collectivités en 2011 pour boucler leur programme de financement. Afin d’y remédier, le Gouvernement a débloqué 3 milliards d’euros via la Caisse des dépôts et consignations. François Fillon, ayant pris note de l’inquiétude des élus, a annoncé que l’enveloppe de 3 milliards d’euros de prêts sur fonds d’épargne mise à disposition des collectivités par la Caisse des dépôts et consignations jusqu’au 31 mars 2012 pourrait être portée à 5 milliards d’euros.
Enfin, s’agissant de la création d’une agence de financement des collectivités, que l’ensemble des associations d’élus réclament, et qui est, selon moi, une très bonne initiative, le Premier ministre ne s’est pas dit opposé à cette création et a demandé au Gouvernement de préparer un rapport sur le sujet pour la mi-février.
La diversification de l’offre de financement des collectivités territoriales apparaît aujourd’hui essentielle.
Monsieur le ministre, je voterai le projet de budget, car, au regard de la situation économique sans précédent depuis des dizaines d’années à laquelle notre pays est confronté, il est indispensable d’adopter les mesures que propose le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.
M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission budgétaire « Relations avec les collectivités territoriales », qui représente à peine 5 % des concours de l’État, s’inscrit dans un contexte de rigueur et de maîtrise des déficits publics sans précédent. En son sein, les dotations font l’objet d’une répartition par catégorie de collectivités territoriales. Les trois premiers programmes concernent les communes, les départements et les régions ; le dernier regroupe les concours spécifiques versés à certaines collectivités et les coûts de fonctionnement de la Direction générale des collectivités locales.
Aujourd’hui, notre objectif commun est de remettre nos finances publiques sur la voie de l’équilibre et du désendettement pour garantir la souveraineté de la Nation, préserver notre potentiel de croissance et la compétitivité de nos entreprises. Aussi, à l’heure où des efforts sont demandés à tous nos compatriotes afin de participer au redressement de nos finances publiques, les collectivités territoriales se doivent également de prendre part à ce redressement.
Le gel triennal sur la période 2011-2013 des transferts de l’État, hors fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée et compensation de la réforme de la taxe professionnelle, prévu par la loi de programmation des finances publiques s’applique non seulement aux 2,56 milliards que représentent les crédits de cette mission, mais également aux autres concours financiers de l’État.
Cet effort, les collectivités territoriales n’ont pas d’autre choix que d’y souscrire au vu de la situation économique, tout en obtenant l’assurance que l’État honorera ses engagements, autrement dit renforcera la solidarité, compensera les effets des différentes réformes fiscales et assurera une péréquation équitable entre les territoires.
Gageons que le dispositif de mise en application de la péréquation horizontale ne sera pas techniquement ingérable sur le terrain. La dotation d’équipement des territoires ruraux, mise en œuvre en 2011, avait pour objet de simplifier les critères d’éligibilité et de calcul des enveloppes départementales ainsi que les modalités de gestion.
Or, outre une enveloppe insuffisante pour faire face aux demandes des communes, la mise en place de cette dotation cette année a posé des difficultés du fait des pertes d’éligibilité de communes et d’établissements publics de coopération intercommunale consécutives à la modification des critères.
Force est de le reconnaître, ces dernières années, les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l’État ont dû assimiler des réformes fiscales complexes à instaurer in situ.
Dans une période budgétaire tendue, l’inflation normative est vécue d’autant plus difficilement par les élus qu’elle s’applique parfois avec rigidité sans tenir compte des contextes locaux. Au lieu de protéger et d’assurer une sécurité juridique, l’excès de normes devient source d’instabilité, crée des charges nouvelles et obère la dynamique territoriale.
J’espère donc que la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales, déposée par notre collègue Éric Doligé, sera rapidement examinée par la Haute Assemblée.
Les collectivités territoriales jouent un rôle essentiel dans la cohésion sociale et territoriale. Ainsi, les élus des communes rurales de mon département, par exemple, doivent, malgré des budgets restreints, investir pour l’avenir, assurer les services publics de proximité et de solidarité, tout en veillant à ne pas alourdir leur fiscalité et à ne pas endetter les générations futures.
Le gel en valeur des concours financiers de l’État aura des incidences sur l’investissement public local, qui représente, rappelons-le, 70 % de l’investissement public. Dans les périodes de ralentissement de l’activité, la commande publique est, nous le savons, indispensable pour soutenir le volume d’investissement des entreprises. Lors d’une séance de questions orales, j’appelais déjà l’attention du Gouvernement sur les difficultés d’accès au crédit pour les collectivités locales. Mes inquiétudes sont confirmées aujourd’hui.
Pour répondre aux besoins de financement des collectivités territoriales d’ici à la fin de l’année, l’État a mis à leur disposition, via la Caisse des dépôts et consignations, 3 milliards d’euros. Je prends acte avec satisfaction, tout comme mon ami Bernard Fournier, de l’annonce faite par le Premier ministre lors du Congrès des maires de France selon laquelle ce montant serait porté à 5 milliards d’euros.
Dans le même temps, le Gouvernement a décidé la création, au début de l’année prochaine, d’une banque publique des collectivités territoriales, filiale de la CDC et de la Banque postale. Parallèlement, l’Association des maires de France a un projet d’agence de financement des investissements locaux.
Au regard de la situation de la zone euro, il nous est désormais très difficile d’avoir une visibilité quant aux perspectives à moyen et à long terme en matière d’investissement et d’évolution de la fiscalité.
Dans ce contexte de rigueur budgétaire, la stabilité du présent projet de budget doit être saluée. Gageons que nous pourrons très rapidement donner des signes d’encouragement positifs aux élus. C’est pourquoi je voterai les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Candidatures à une commission sénatoriale, à un office parlementaire et à quatre délégations parlementaires
M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation :
- des trente-neuf membres de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois ;
- des dix-huit sénateurs membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ;
- des trente-six membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ; de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ; et de la délégation sénatoriale à la prospective ;
- et des vingt et un membres de la délégation sénatoriale à l’outre-mer désignés à la représentation proportionnelle, les vingt et un sénateurs d’outre-mer étant membres de droit.
En application des articles 110 et 8, alinéas 2 à 11, du règlement du Sénat, les listes des candidats présentés par les groupes ont été affichées.
Elles seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
5
Loi de finances pour 2012
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.
Relations avec les collectivités territoriales
Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales
(suite)
M. le président. Dans la suite de l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », la parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux au préalable m’adresser à ceux qui ont laissé entendre que l’État pourra continuer à l’avenir de donner toujours plus aux collectivités territoriales.
Quels que soient les résultats des prochaines échéances électorales, aucun de ceux qui espèrent exercer des responsabilités ne peut laisser croire que l’État ouvrira les vannes pour alimenter en continu l’ensemble des collectivités, à travers une péréquation exclusivement verticale. En effet, personne ne peut faire abstraction du contexte actuel, marqué par une crise générale qui grève nos finances publiques.
C’est dans ce contexte que nous poursuivons le développement la péréquation verticale. Celle-ci – plusieurs intervenants l’ont rappelé – continue de progresser de manière substantielle. Ainsi, la dotation de solidarité urbaine, la DSU, augmentera au moins de 60 millions d'euros, ce qui représente une hausse de 4,6 % ; la dotation de solidarité rurale, la DSR, progressera elle aussi de 4,6 %, avec 39 millions d'euros supplémentaires. Ces deux dotations ont plus que doublé depuis 2004 : elles s’élevaient alors, respectivement, à 635 millions d’euros et à 420 millions d'euros ; l’an prochain, elles atteindront respectivement 1,371 milliard d'euros et 891 millions d'euros.
Au total, la péréquation verticale représentera 3 milliards d'euros dans la dotation générale de fonctionnement, la DGF, des communes – via la DSU, la DSR et la dotation nationale de péréquation, la DNP –, 1,4 milliard d'euros dans la DGF des départements et près de 200 millions d'euros dans la DGF des régions. Voilà la réalité !
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, en dépit d’une conjoncture difficile, le Gouvernement ne se contente pas de maintenir des taux importants de péréquation verticale, il continue d’augmenter cette dernière.
Certains évoquent parfois avec lyrisme la péréquation horizontale qui sera mise en place dans le bloc communal, pour un montant de 250 millions d'euros la première année. Si l’on compare ce montant avec les 3 milliards d'euros que représente la péréquation verticale pour les communes, on comprend tout de suite que la péréquation horizontale n’a pas vocation à se substituer à la péréquation verticale.
La péréquation horizontale, c'est-à-dire la recherche d’une plus grande équité entre les collectivités, est un sujet qui nous mobilise tous depuis des années. Les nombreuses interventions dans cet hémicycle ainsi que les multiples rapports rédigés sur le sujet témoignent de l’engagement du Sénat en la matière. Reste que plusieurs orateurs – je pense notamment à Dominique de Legge, à Claude Dilain, à Benoît Huré et à Jean-Pierre Sueur – ont insisté sur le fait que la péréquation horizontale revient à prendre des moyens à des collectivités dites « riches » – elles ont toujours du mal à accepter ce qualificatif – pour les donner à des collectivités dites « fragiles », pour ne pas dire « pauvres ».
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est la solidarité !
M. Philippe Richert, ministre. En effet !
L’an dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances, le Sénat – toutes travées confondues – s’est opposé au report à l’année 2013, souhaitant que l’échéance intervienne dès 2012 et que les principes soient fixés dès 2011.
M. Benoît Huré. Tout à fait !
Mme Sylvie Goy-Chavent. Vous aviez rédigé un rapport brillant, monsieur Jarlier !
M. Philippe Richert, ministre. L’Association des maires de France, l’AMF, plaidait elle aussi pour la mise en œuvre de la péréquation horizontale.
M. Benoît Huré. La situation actuelle n’a que trop duré !
M. Philippe Richert, ministre. Permettez-moi de vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que le seul objectif du Gouvernement est de mettre en musique les demandes du Sénat et de l’AMF.
Nous avons donc réfléchi aux critères permettant de distinguer, d’une part, les collectivités « riches » et, d'autre part, les collectivités « fragiles ». En l’occurrence, il y a deux approches : soit on considère l’ensemble des communes et établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, comme une seule strate, soit on distingue différentes strates.
Nous avons défini environ 4 000 blocs territoriaux constitués soit d’un EPCI à fiscalité propre et de ses communes membres, soit d’une commune isolée. Ces blocs sont répartis en strates en fonction non pas de leur statut ou de leur régime fiscal mais de leur population.
Deux raisons ont motivé le choix du Gouvernement.
Tout d'abord, si nous avions instauré un mécanisme de péréquation horizontale – ce sont 250 millions d'euros, je le rappelle, qui seront répartis – sans distinguer de strates, le système aurait été inéquitable, car la contribution des blocs communaux et intercommunaux les plus importants aurait été particulièrement lourde. Sans strates, les collectivités de plus de 200 000 habitants paieraient 93 millions d'euros dès 2012, contre 13 millions d'euros dans le système que nous proposons.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est une blague !
M. Philippe Richert, ministre. La stratification permet donc d’instaurer un certain équilibre.
Ensuite, la stratification permet de tenir compte des charges particulières. En effet, nous le savons tous, les bourgs-centres et les villes-centres supportent des charges de centralité. Or celles-ci ne sont pas les mêmes dans une commune de 200 000 habitants ou plus et dans une commune de 20 000 habitants ou dans un village.
La stratification répond donc à un double souci : garantir une certaine équité dans la répartition des charges – je pense aux grandes agglomérations – et tenir compte des charges de centralité spécifiques qui pèsent sur certaines collectivités.
Les collectivités étant ainsi définies et réparties en strates, il restait à fixer des critères permettant d’évaluer leur richesse.
Nous proposons d’agglomérer l’ensemble des revenus du bloc territorial. Je le rappelle, ce bloc est constitué, soit d’un EPCI à fiscalité propre et de ses communes membres, soit d’une commune isolée. Cela signifie que, s'agissant des EPCI, nous intégrons non seulement le potentiel financier de la structure intercommunale, mais aussi celui des différentes communes qui la composent.
Je précise qu’il s'agit d’un potentiel financier élargi : il inclut l’ensemble de la fiscalité locale, sauf les taxes affectées, ainsi que les dispositifs de compensation de la suppression de la taxe professionnelle – la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, et le Fonds national de garantie individuelle de ressources, le FNGIR – et les dotations forfaitaires des communes membres. Je le répète, nous avons voulu prendre en compte l’ensemble des ressources d’un territoire donné.
J’en viens aux principes qui détermineront la répartition des ressources du fonds de péréquation entre les différentes collectivités récipiendaires.
Trois critères seront pris en compte : le potentiel financier, les revenus – notamment ceux des ménages – et la fiscalité locale. Pourquoi avons-nous retenu ces trois critères ?
Le potentiel financier, c'est-à-dire la richesse, est l’indicateur majeur pour déterminer le prélèvement comme le reversement, mais, au-delà, il faut évidemment aussi tenir compte des charges.
Or les charges, tout au moins les charges sociales, sont en partie liées aux revenus des foyers. Plus la moyenne de ces revenus est faible, plus l’effort collectif nécessaire en matière d’équipements et de services est important. Le niveau moyen des revenus des ménages sur un territoire donné est donc représentatif des besoins sur ce territoire.
Quant à l’effort fiscal, à savoir le taux d’imposition, nous l’avons également retenu, car il y a encore des territoires où ce taux est de 0,5 %, leurs ressources étant telles qu’ils n’ont pas à mettre en œuvre la péréquation.
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est vrai !
M. Philippe Richert, ministre. Sur la base de ces principes, nous avons fait – en nous fondant, notamment, sur des rapports produits par le Sénat – une simulation, laquelle a été soumise, qu’on me permette de le rappeler, au Comité des finances locales.
Lorsque le bilan de cette simulation fait apparaître à certains qu’ils seront donateurs,…
M. Francis Delattre. Rackettés !
M. Philippe Richert, ministre. … et non récipiendaires, cela suscite évidemment quelques réactions, notamment de la part de ceux qui jugent inadmissible la mise en place de cette péréquation horizontale. Et d’aucuns parlent effectivement de racket…
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous donne mon sentiment personnel : l’équité, à l’échelle de notre pays, compte tenu des grandes disparités de ressources entre territoires, ne pourra pas être obtenue par l’application de la seule péréquation verticale, même si celle-ci est importante puisqu’elle représente, je le rappelais, 3 milliards d'euros pour le bloc communal. Même dans cinq ans, nous serons loin de cet ordre de grandeur avec la péréquation horizontale.
Il serait dépassé de s’en tenir à l’idée que les collectivités locales qui, pour diverses raisons, ont un peu plus de ressources que les autres n’ont pas à contribuer à l’atténuation des disparités entre des territoires qui parfois se jouxtent.
C’est dans cette direction que nous nous proposons d’aller, mesdames, messieurs les sénateurs, et, monsieur Collomb, nous allons le faire de façon progressive. Il n’est évidemment pas question de passer directement de zéro à un milliard ! Nous allons procéder par étapes raisonnables, soit 250 millions d'euros par an pendant cinq ans, ce qui nous laisse la possibilité d’ajuster si nécessaire.
Vous parlez, cher Gérard Collomb, de l’effort de solidarité entre la ville de Lyon et les communes fragiles de son agglomération et, bien sûr, entre les différents quartiers à l’intérieur de la ville elle-même. C’est tout de même la base de tout développement à l’échelle d’une intercommunalité, et il serait illogique d’attendre une solidarité d’origine plus lointaine sans la pratiquer d’abord sur place !
M. Benoît Huré. D’abord !
M. Philippe Richert, ministre. Pour autant, monsieur le sénateur-maire, cher ami (Exclamations amusées)…
Mesdames, messieurs les sénateurs, M. Collomb et moi-même travaillons souvent ensemble !
Mme Jacqueline Gourault. Nous plaisantions, monsieur le ministre !
M. Philippe Richert, ministre. Entre nous, monsieur Collomb, ce n’est pas parce que, à l’intérieur de l’agglomération de Lyon, il y a des villes ou des territoires plus fragiles que d’autres, réalité que vous avez rappelée avec votre verbe et vos convictions, que globalement la richesse de cette agglomération ne dépasse pas la moyenne dans la strate correspondante. Je pense par exemple à Dunkerque, qui a été cité ce matin.
Est-il complètement illogique qu’un effort soit demandé à une agglomération dès lors que son potentiel financier est de 50 % supérieur à la moyenne de sa strate ? À titre personnel, je ne peux imaginer que nous prônions tous les jours la solidarité et la péréquation, mais que nous ne tentions pas de résoudre des problèmes aussi concrets grâce à des mesures à peu près adaptées.
À ce propos, je reconnais, et je le regrette avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous n’arrivons pas à appréhender aussi finement que nous l’aurions voulu ces problèmes.
Benoît Huré estime ainsi qu’il faudrait prendre en compte, en plus de tout le reste, le pourcentage des personnes âgées, celui des ménages sociaux, le taux de chômage, la longueur des voiries… Mais si nous le faisons, nous nous retrouverons à nouveau dans la situation que Jean-Pierre Sueur a décrite ce matin : nous arriverons à un panel si large que le dispositif en deviendra illisible.
C'est la raison pour laquelle nous avons retenu ces trois indicateurs, dont l’un représente de façon simple le poids des charges pour une collectivité.
Dans ce contexte, quelles propositions ai-je à vous faire, quelles sont les mesures que nous pourrions, le cas échéant, mettre en œuvre pour être encore plus efficaces ?
En premier lieu, nous proposons un plafonnement, justement pour éviter que, notamment lors de la première année de mise en œuvre, la ponction n’aille au-delà du raisonnable.
Nous avions établi ce plafonnement à 15 % ; nous l’avons abaissé à 10 %. Certains, comme vous, cher Charles Guené, proposent de le ramener à 15 %, mais dans le même temps il est aussi demandé ici de différer jusqu’à 2013…
M. Benoît Huré. Pas par les mêmes !
M. Philippe Dallier. Ce sont les autres qui paient !
M. Philippe Richert, ministre. La fixation du plafonnement à 10 % est motivée par le souci de ne pas aller trop loin, mais aussi par le souci de procéder progressivement pour se réserver la possibilité de faire des ajustements complémentaires les années suivantes si par hasard nous devions constater les excès que vous avez été plusieurs à évoquer.
En deuxième lieu, nous pourrions envisager une modification de la part respective accordée à chacun des trois critères que nous avons pris en compte, revenus des ménages, potentiel financier et effort fiscal.