Article 52 bis (nouveau)
L’article 800-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police sont à la charge de l’État et sans recours contre le condamné ou la partie civile, sous réserve des cas prévus aux deux derniers alinéas du présent article. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne condamnée est une personne morale, les frais de justice exposés au cours de la procédure sont mis à sa charge. La juridiction peut toutefois déroger à cette règle et décider de la prise en charge de tout ou partie des frais de justice par l’État. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-37 est présenté par M. Hervé, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-11 est présenté par Mme Tasca, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5, première phrase
Après les mots :
personne morale
insérer les mots :
à but lucratif
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-37.
M. Edmond Hervé, rapporteur spécial. Cet article ajouté par l’Assemblée nationale a trait aux frais de justice que les députés ont mis à la charge des personnes morales condamnées.
Il nous semble que sa rédaction est beaucoup trop extensive, car il convient de distinguer entre personnes morales à but non lucratif et personnes morales à but lucratif, qui seules devraient se voir appliquer ces dispositions.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-11.
Mme Catherine Tasca, rapporteur pour avis. Cet article revient sur le principe posé par l’article 800-1 du code de procédure pénale, selon lequel les frais de justice pénale ne peuvent jamais être mis à la charge de la personne condamnée et échoient à l’État. C’est ce qui gênant, au fond, dans sa rédaction actuelle.
Le Gouvernement propose d’introduire une exception à ce principe pour les personnes morales. Comme à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, il semble à la commission des lois que cette rédaction est beaucoup trop extensive et qu’il convient de la restreindre la dérogation aux personnes morales à but lucratif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-37 et II-11.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 52 bis, modifié.
(L'article 52 bis est adopté.)
Articles additionnels après l'article 52 bis
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L'amendement n° II-40 est présenté par M. Hervé, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-12 est présenté par Mme Tasca, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° II-16 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° II-19 est présenté par Mme Espagnac.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 52 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article 1635 bis Q du code général des impôts est abrogé.
II. - A. - Les deuxième et troisième alinéas de l'article 21-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques sont supprimés.
B. - L'article 28 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi modifié :
a) à la première phrase, après le mot : « juridictionnelle », la fin de cette phrase est supprimée ;
b) à la seconde phrase, après le mot : « achevées », la fin de cette phrase est supprimée.
III. - La perte de recettes pour le Conseil national des barreaux résultant de la suppression de la contribution pour l’aide juridique est compensée à due concurrence par la création et l’affectation d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-40.
M. Edmond Hervé, rapporteur spécial. Cet amendement tend à supprimer la contribution pour l’aide juridique, dont le montant s’élève à 35 euros.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-12.
Mme Catherine Tasca, rapporteur pour avis. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° II-16.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est également défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour présenter l'amendement n° II-19.
Mme Frédérique Espagnac. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° II-83 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 52 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L'article 1635 bis Q du code général des impôts est abrogé.
II. - La perte de recettes pour le Conseil national des barreaux résultant de la suppression de la contribution pour l’aide juridique est compensée, à due concurrence, par la création et l’affectation d’une taxe sur les contrats visés aux articles L. 127-1 et L. 127-2 du code des assurances.
La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. L’amendement est défendu, monsieur le président !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° II-83 rectifié ?
M. Edmond Hervé, rapporteur spécial. Dans le dispositif de cet amendement, il est fait référence à l’instauration d’une taxe compensatrice sur les contrats de protection juridique. Or ces contrats sont très divers, et il s’agit d’une notion assez floue, qui mérite d’être étudiée de façon plus approfondie.
C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de l'amendement n° II-83 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les cinq amendements ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-40, II-12, II-16 et II-19.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 52 bis.
Monsieur Alfonsi, l'amendement n° II-83 rectifié est-il maintenu ?
M. Nicolas Alfonsi. Non, je le retire, monsieur le président. Je suis d’accord avec M. le rapporteur spécial.
M. le président. L'amendement n° II-83 rectifié est retiré.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Justice ».
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et articles 49, 49 bis et 49 ter).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances, rapporteur spécial. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'ai l'honneur et le plaisir d’être le rapporteur spécial de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ; sans doute est-ce assez naturel pour le maire de la ville où a été signé l'armistice de 1918 ! (Sourires.)
Comme les années précédentes, le projet de budget de cette mission prend en compte la spécificité de ceux qui se sont battus pour la défense de nos valeurs. La baisse des crédits, de 4,3 %, est la conséquence logique de la diminution du nombre des bénéficiaires : en 2012, on comptera 15 250 titulaires de pensions militaires d’invalidité et 55 500 bénéficiaires de la retraite du combattant de moins.
Parmi les éléments saillants de ce projet de budget, qui s’établit à 3,17 milliards d’euros, figurent des revalorisations nouvelles.
En premier lieu, la retraite du combattant sera majorée de 4 points au 1er juillet 2012, pour atteindre 48 points. Elle concerne 1,2 million de bénéficiaires. Son montant atteindra 665 euros en 2012, contre 609 euros en 2011. Un gain de 15 points a été enregistré depuis 2006.
En second lieu, je veux insister sur la revalorisation annoncée du plafond de l’allocation différentielle en faveur du conjoint survivant, l’ADCS, servie aux conjoints survivants les plus démunis. Ce plafond sera porté à 869 euros en 2012, contre 834 euros actuellement.
Dans le cadre des efforts d'économie à consentir, l'Assemblée nationale a diminué de 27 millions d’euros, soit de 0,9 %, les crédits de la mission, et ce en deux temps. Cela représente surtout une possibilité de réduire les reports de 2011 sur 2012, sans que cela ait d’incidence concrète, me semble-t-il, sur l'exercice des missions du secrétariat d’État.
J'en viens à l’examen des programmes.
Les crédits destinés au programme « Liens entre la Nation et son armée » s'établissent à 117,9 millions d'euros. Ils permettront la poursuite de la réforme de la direction du service national, la DSN, avec notamment le transfert de la fonction archives au Service historique de la défense et, malheureusement – c'est une décision que je déplore ! –, le transfert de l’administration centrale de Compiègne à Orléans. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
C'est une décision à mes yeux regrettable, mais il faut l’accepter, d’autant qu’elle constitue une bonne nouvelle pour d’autres, n'est-ce pas M. Doligé ? (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. C'est Alençon qui aurait dû l’accueillir !
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. La nouvelle Journée défense et citoyenneté, la JDC, concerne 750 000 jeunes ; 97 % des jeunes d’une classe d’âge se font recenser et 93 % d’entre eux participent à la JDC. Par conséquent, environ 22 000 jeunes se trouvent encore dans ce qui a pu être qualifié de « trappe civique ». Monsieur le secrétaire d'État, il serait heureux que vous puissiez nous indiquer comment vous comptez remédier à cette situation.
Je souligne la poursuite de la rénovation des nécropoles militaires en vue du centenaire du début de la Grande Guerre, avec un effort exceptionnel de près de 5 millions d’euros.
Le programme « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », qui comprend l'action Administration de la dette viagère, est le principal de la mission. Ses crédits représentent 2,94 milliards d’euros. Les subventions aux opérateurs, en particulier à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC, sont reconduites.
Le budget du programme « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale » s'élève à 116 millions d’euros, avec des crédits de paiement en augmentation.
Monsieur le secrétaire d'État, où en est le décret unique sur la situation des orphelins de guerre ? Pouvez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement à ce sujet ?
Mme Nathalie Goulet et M. André Reichardt. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose d’adopter les crédits de la mission sans modification.
En ce qui concerne les trois articles rattachés, j’indique que l’article 49 vise à revaloriser la retraite du combattant. L’article 49 bis prévoit quant à lui la revalorisation de 360 points de la pension de réversion des conjoints survivants de grands invalides. Enfin, l’article 49 ter tend à prescrire au Gouvernement de remettre un rapport sur les modalités de révision du décret portant attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d’Afrique du Nord. La commission des finances vous propose d’adopter ces articles rattachés sans modification. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Gisèle Printz, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est un moment particulier du débat budgétaire. C’est, chaque année, l’occasion de témoigner notre reconnaissance à ceux qui ont servi la France au combat ou ont été victimes des différents conflits du xxe siècle et de confirmer leur droit à réparation.
La principale avancée de ce projet de budget pour 2012 est la revalorisation, qui était très attendue, de la retraite du combattant. Elle sera portée à 48 points au 1er juillet prochain. Pourtant, par cet artifice de calendrier, ce n’est qu’à partir de 2013 que les anciens combattants en profiteront pleinement, et il reviendra au gouvernement qui sera alors en place de pourvoir à son financement.
Plus généralement, le projet de budget pour 2012 s’établit à 3,17 milliards d’euros, soit une baisse de 4,34 %, c’est-à-dire de 143 millions d’euros, par rapport à 2011. À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a supprimé 26 millions d’euros de crédits supplémentaires. Dans ce contexte, faut-il se réjouir du maintien des droits acquis et ne rien demander de plus ? Les anciens combattants ont beaucoup donné à la France ; n’auraient-ils pas mérité un traitement privilégié ?
Nous le savons, leur déclin démographique est inexorable : le nombre des titulaires de la retraite du combattant baissera de 4,3 % en 2012, celui des allocataires d’une pension militaire d’invalidité de 5,2 %. Des marges de manœuvre financières pourraient donc être mobilisées au profit des bénéficiaires survivants.
La mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques s’est poursuivie cette année dans l’administration au service des anciens combattants. Il est désormais entériné que l’ONAC est devenu leur interlocuteur unique. Cela étant, durant la transition, la qualité du service rendu s’est dégradée : des problèmes informatiques ont considérablement ralenti la délivrance des cartes et de la retraite du combattant. J’aimerais donc que vous nous assuriez, monsieur le secrétaire d'État, que les dysfonctionnements seront corrigés dans les délais les plus brefs et que l’ONAC sera pérennisé.
C’est en matière d’action sociale qu’un effort supplémentaire devrait être consenti, ce qui n’est pas le cas. L’allocation différentielle en faveur du conjoint survivant a démontré toute sa pertinence, mais son plafond est trop bas pour sortir ses bénéficiaires de la pauvreté. Il n’existe aucun dispositif spécifique pour les anciens combattants les plus démunis, alors que 5 000 personnes sont potentiellement éligibles. Je regrette de nouveau que l’on n’ait pas tiré parti de la diminution des dépenses résultant de la baisse des effectifs des pensionnés pour donner à ces hommes et à ces femmes méritants un niveau de vie décent.
Il faut également dénoncer le caractère pour l’instant inopérant du mécanisme d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français : dix-huit mois après le vote de la loi, seulement deux indemnisations ont été accordées, tandis que cent vingt-sept demandes ont été rejetées.
En ce qui concerne le calendrier mémoriel, je suis opposée à l’idée du Président de la République d’instaurer une date unique de commémoration. Il ne faut pas s’acheminer vers la création d’un memorial day à la française qui remplacerait toutes les autres cérémonies commémoratives et effacerait la richesse de notre histoire.
En revanche, je continue de plaider pour que l’on choisisse la date du 19 mars, jour du cessez-le-feu en 1962, pour rendre hommage aux morts de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie. Celle du 5 décembre n’a aucune signification historique. L’année 2012 marquera le cinquantième anniversaire de cet événement : il est indispensable que les autorités civiles soient officiellement représentées au plus haut niveau lors des manifestations commémoratives.
Il reste des injustices à corriger en matière de droit à réparation. La carte du combattant n’est toujours pas accordée à ceux qui ont servi en Algérie pendant une période de quatre mois incluant la date du 2 juillet 1962, malgré la promesse qu’avait faite M. Falco, ancien secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants.
En ce qui concerne les opérations extérieures, les OPEX, en dépit d’une prise de conscience récente, il faut s’assurer que l’égalité des droits entre toutes les générations du feu sera bien réelle. Il faut aussi agir pour faciliter la réinsertion professionnelle des hommes et des femmes ayant servi lors de ces opérations.
Enfin, je profite de cette tribune pour évoquer les questions spécifiques à mon département, la Moselle. Notre histoire reste encore méconnue de nos compatriotes. La réparation du drame de l’annexion n’est pas encore complète : ainsi, la question de la ligne Curzon, située en Russie, n’est toujours pas réglée ; l’inégalité de traitement entre anciens prisonniers, selon qu’ils étaient détenus à l’est ou à l’ouest de cette ligne, est injustifiable, car les conditions de détention étaient identiques et la souffrance quotidienne pour tous. J’aimerais donc connaître les intentions du Gouvernement à ce sujet.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous l’aurez perçu, la commission des affaires sociales a porté un regard plutôt critique sur ce projet de budget, qui comporte des avancées en trompe-l’œil. Certaines politiques ont connu des résultats intéressants, s’agissant notamment de l’entretien et de la transmission du souvenir des soldats tombés pour la France et de la valorisation du patrimoine mémoriel.
Cependant, trop de problèmes ne sont pas encore réglés. C’est pourquoi nous avons donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », mais un avis favorable aux articles rattachés, qui répondent aux attentes du monde combattant. Je signalerai, au passage, que le rapport demandé à l’article 49 ter ne nous apprendra rien que nous ne sachions déjà : le bénéfice de la campagne double doit être accordé aux anciens combattants d’Algérie qui ont liquidé leur pension avant 1999 ; c’est une question de justice ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de budget des anciens combattants et victimes de guerre – on parle désormais des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » – aurait pu être le moins mauvais de cette législature, si son examen n’avait donné lieu, à l’Assemblée nationale, à d’odieuses manœuvres, sans précédent dans le cadre d’une discussion budgétaire relative aux anciens combattants. En matière de cynisme, on peut dire que le Gouvernement s’est surpassé !
En effet, non seulement le projet de loi de finances rectificative avait amputé les crédits pour 2011 de 12 millions d’euros, plan de rigueur oblige, mais vous avez en outre unilatéralement décidé de les « dégraisser » à l’avance de 14 millions d’euros au titre de 2012, au travers d’un amendement gouvernemental déposé à l’Assemblée nationale, en prétendant qu’ils ne seront pas consommés. C’est du jamais vu !
Ensuite, comme à votre habitude, vous avez utilisé l’argument détestable de l’érosion naturelle des effectifs pour réduire les crédits de cette mission de 4,52 % par rapport à 2011, soit une diminution de 143 millions d’euros.
La retraite du combattant atteindra enfin, il est vrai, 48 points d’indice, mais seulement au 1er juillet 2012 ! Nous reconnaissons que cette avancée n’est pas négligeable, mais il faut souligner qu’elle résulte surtout de la ténacité des associations représentatives des anciens combattants, qui, cette année comme les précédentes, nous ont fortement interpellés sur ce sujet. En outre, cette mesure est marquée du sceau de la mesquinerie, puisqu’il s’agit aussi d’économiser la valeur d’un demi-exercice budgétaire chaque année, sur le dos de ceux qui ont mis leur vie au service de la Nation. Ce n’est donc qu’à partir de 2013 que les anciens combattants en bénéficieront, puisque la retraite est versée semestriellement et à terme échu.
Au chapitre des avancées, nous relevons qu’une cinquantaine de veuves des plus grands invalides de guerre devraient voir leur situation s’améliorer, grâce à l’abaissement de 12 000 à 11 000 points du plafond pour bénéficier de l’augmentation de 360 points votée l’an dernier.
Pour autant, faut-il oublier les veuves d’anciens combattants beaucoup plus nombreuses qui survivent avec une allocation différentielle dont le plafond est fixé à 834 euros depuis le 1er avril 2011 et que vous avez promis, monsieur le secrétaire d’État, de faire relever par l’ONAC à hauteur de 869 euros ? Nous sommes encore bien loin du seuil de pauvreté, qui ne concerne d’ailleurs pas que les seuls conjoints survivants.
En effet, de nombreux anciens combattants subsistent aujourd’hui avec moins de 850 euros par mois. Nous souhaitons donc qu’ils puissent bénéficier, eux aussi, d’une allocation différentielle leur permettant de vivre à peu près dignement.
Ces semblants de victoires obtenus de haute lutte ne sauraient faire oublier les aspects dangereux de ce projet de budget, non plus que l’absence de réponse à des revendications anciennes, que le simple maintien des crédits au niveau de l’année 2011 aurait pu permettre de satisfaire en partie. Il en est ainsi, notamment, du bénéfice de la campagne double, du relèvement du plafond majorable de la rente mutualiste, de l’attribution de la carte du combattant aux anciens des OPEX, de l’octroi d’une indemnisation décente aux victimes des essais nucléaires : autant de sujets que je regrette de ne pouvoir développer dans le temps de parole de sept minutes qui m’est imparti.
Je note également qu’au travers de ce projet de budget se poursuit la réforme de l’ONAC, avec son deuxième contrat d’objectifs et de moyens, visant à « rationaliser l’organisation du travail », ainsi que la réforme de l’Institution nationale des Invalides, qui fait l’objet d’un contrat d’objectifs et de performance !
Comment peut-on se féliciter, à l’instar du Gouvernement, de la disparition quasiment achevée de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale de l’administration des anciens combattants et des directions interdépartementales des anciens combattants ?
L’ONAC devient, par la force des choses, l’interlocuteur unique des anciens combattants, parce que la RGPP a été honteusement appliquée, dans toute sa rigueur, à leurs institutions clés. La situation est surréaliste : par votre voix, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement en est à se féliciter de ne pas avoir osé remettre en question les avantages consentis à ces personnes !
Au titre des promesses non tenues, je voudrais encore évoquer le plafond majorable de la rente mutualiste, bloqué à 125 points depuis le 1er janvier 2007, encore loin des 130 points promis par un certain candidat à l’élection présidentielle de 2007… Je présenterai tout à l’heure un amendement portant sur ce point.
Nous pourrions également parler de l’attribution de la carte du combattant aux militaires arrivés en Algérie avant le 2 juillet 1962 et justifiant de quatre mois de présence sur le territoire algérien avant et après cette date.
Le décret du 29 juillet 2010, que le Conseil d’État vous a contraint de publier, accorde le bénéfice de la campagne double aux ressortissants du code des pensions civiles et militaires, anciens combattants d’Afrique du Nord, mais son article 2 impose une condition de participation aux actions de feu ! Pis encore, son dispositif ne concernera pas ceux qui ont liquidé leur retraite avant le 19 octobre 1999. Une telle mesure n’est pas de nature à assurer l’égalité des droits entre les combattants de tous les conflits.
Il faut également mentionner l’imposture que constitue le mécanisme d’indemnisation des nombreuses victimes des essais nucléaires français. La loi du 5 janvier 2010 est complètement inopérante. Comme vous l’avez reconnu vous-même, monsieur le secrétaire d’État, deux demandeurs sur 609 ont été admis à indemnisation ! Que pouvez-vous nous dire du nouveau décret qui serait en préparation et dont l’objet serait d’élargir les critères d’attribution à certaines maladies et à certaines zones géographiques ? Il serait souhaitable de créer une mission d’information sur ce dossier.
Je voudrais encore aborder la question de l’indemnisation des orphelins de victimes de la barbarie nazie. Bien qu’elle relève directement du Premier ministre, pourriez-vous nous donner quelques éléments sur la teneur du projet de décret ? Il me semble indispensable que l’indemnisation soit au moins ouverte aux orphelins dont les parents ont été tués pour faits de guerre ou de résistance, collective ou individuelle.
S’agissant enfin du calendrier mémoriel, le Président de la République a annoncé, le 11 novembre dernier, que, outre la commémoration de la fin du premier conflit mondial, serait à l’avenir rendu hommage à cette date à tous les morts pour la France, notamment en OPEX. Je suis, comme l’ensemble du groupe CRC, farouchement opposée à l’idée d’instaurer une journée unique de commémoration, remplaçant toutes les autres. De nombreux anciens combattants nous ont d’ailleurs affirmé, à l’occasion des cérémonies du 11 novembre, qu’eux aussi étaient opposés à une telle évolution.
En effet, toutes ces dates commémoratives sont le reflet de la richesse de notre histoire, la marque de notre respect et de la reconnaissance de la nation pour les sacrifices des différentes générations du feu.
À ce propos, nous célébrerons, en 2012, le cinquantième anniversaire du cessez-le-feu du 19 mars 1962, qui a débouché sur la fin de la guerre d’Algérie. Je tiens à redire la détermination de notre groupe à obtenir que la date du 19 mars, plutôt que celle du 5 décembre, dénuée de sens, soit officiellement retenue pour honorer la mémoire des militaires tombés en Algérie, au Maroc ou en Tunisie, et celle de toutes les victimes civiles d’avant et d’après le 19 mars 1962.
Ce choix permettrait d’enrayer une préoccupante dérive mémorielle, dont témoigne un exemple récent et particulièrement frappant : l’initiative, historiquement infondée et politiquement dangereuse, de transférer aux Invalides les cendres du général Bigeard.
En conclusion, j’indique que notre vote sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » dépendra du sort qui sera réservé aux amendements que j’ai déposés au nom du groupe CRC. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Rappel au règlement