M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est bien vrai !
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. … nous pensons, nous, aux besoins des politiques publiques, aux aides à la création, au soutien à apporter aux films et aux efforts à faire sur les critères pour achever la numérisation des salles et des films. Pourquoi, demain, ne pas penser aussi aux aides à l’accessibilité pour les handicapés ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il y a pléthore d’argent pour tout cela !
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Sauf que la numérisation, monsieur Marini, implique d’entreprendre des travaux, ce qui impose de tenir compte des règles d’accessibilité pour les handicapés ; et tous ces frais ne rentrent plus dans le périmètre des aides versées par le CNC…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il y a trop d’argent ! Aucun budget n’est mieux doté !
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Modifions les critères et vous verrez que nos collectivités seront très contentes !
Il est intéressant de considérer le point de vue du journal économique La Tribune, qui critique le CNC.
Dans un premier article, on lit que le CNC finance la production cinématographique en supprimant le risque. « Résultat : le nombre de faillites dans le secteur est “faible” : 3 % de liquidations en 2009. » Apporter des soutiens qui limitent les faillites à 3 %, depuis quand est-ce une mauvaise politique ?
Dans un second article, on lit que le CNC subventionne « la numérisation de films de patrimoine, dont la numérisation n’est pas jugée rentable par les détenteurs de droits. » Depuis quand demande-t-on à notre mémoire d’être rentable ? Et faut-il, en deçà d’un certain nombre d’amateurs et de chercheurs intéressés, laisser périr sur leurs vieux supports les chefs-d’œuvre d’hier ?
Mais nous savons aussi compter : 261 films ont été agréés en 2010, 200 millions d’entrées sont enregistrées chaque année et la part du cinéma français dans le monde s’élève à 36 % – ce qui représente des emplois.
Si le sous-amendement n° I-165 rectifié de la commission de la culture n’était pas adopté, mes chers collègues, peut-être les producteurs de grands films américains distribués en France qui sont taxés pour alimenter le CNC se mettront-ils eux aussi à faire leur compte… Ils penseront ceci : participer à un système destiné à soutenir le cinéma français, oui ! Mais contribuer à une taxe motivée par le soutien à la création et retrouver ses devises affectées ensuite à tel ou tel budget de l’État français, au nom de quoi ?
C’est la raison pour laquelle nous vous demandons de voter le sous-amendement que nous avons déposé. Faites-le non seulement pour le cinéma, la culture et la recherche, mais aussi parce que le CNC met en œuvre un mécanisme vertueux et mutualiste de perception-restitution. C’est une sorte d’épargne forcée pour garantir la création de demain. Ce système est incompatible avec une vision uniquement comptable, inadaptée au domaine de la culture !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.
M. David Assouline, rapporteur pour avis. Nous ne pourrons jamais répondre en quelques minutes à chaque argument technique avancé par le Gouvernement et la commission des finances. Disons donc les choses simplement : le mode de financement du CNC est vertueux. Vous, vous ne le dites pas, peut-être parce que vous voyez seulement ce qu’il rapporte ou ne rapporte pas.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On est capable de voir autre chose aussi !
M. David Assouline, rapporteur pour avis. Et nous, nous sommes incapables de compter ! À ceux qui s’occupent de culture, on reproche d’être un peu rêveurs : ils s’intéressent à ce qui est bon pour le livre ou le numérique, mais sans savoir que cela coûte. Eh bien, non ! Si la commission de la culture se bat sur deux ou trois amendements, qui ont souvent fait l’objet d’un consensus en son sein, c’est parce que c’est sa mission.
Dans le contexte très difficile que vit notre pays, on peut certes considérer que ces mesures ne sont pas très importantes. Mais regardez en Europe et dans le reste du monde : des villes sinistrées par la crise industrielle sont devenues attractives, compétitives et créatrices d’emplois grâce à la culture ! Je pense à Berlin, à Bilbao, à Lille ou à Metz, pour m’en tenir aux exemples que je connais à peu près.
Je veux vous convaincre, mes chers collègues, qu’il n’y a pas, d’un côté, les rêveurs de la commission de la culture et, de l’autre, ceux qui s’occupent des vérités de la finance. Surtout lorsqu’il s’agit de sommes finalement assez peu élevées en comparaison des cadeaux consentis par le Gouvernement, toujours aux mêmes ! Nous sommes nombreux à le répéter depuis plusieurs jours : il est question de milliards d’euros par-ci, de niches fiscales par-là…
Nous considérons, pour notre part, qu’il faut sanctuariser un certain nombre de choses qui marchent.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est pas un milieu très défavorisé…
M. David Assouline, rapporteur pour avis. Parce que le CNC a perçu des recettes importantes et qu’il dispose d’un fonds de réserve, la mesure de plafonnement serait justifiée ? Je dis : non ! C’est parce que ces fonds existent que le CNC est capable d’investir, d’anticiper et de réagir en cas de crise.
M. David Assouline, rapporteur pour avis. C’est pour cela que le cinéma français, grâce à notre principe d’exception culturelle, arrive à tenir le choc quand d’autres, comme le cinéma italien, ont quasiment rendu l’âme.
À ceux qui ne connaîtraient pas bien ce mécanisme, je veux indiquer, à la suite de Mme Blandin, que la taxe sur les entrées dans les salles de cinéma s’applique même aux films américains, déclenchant un mécanisme d’aide obligatoire à la création française. Je peux vous énumérer toutes les aides qui sont automatiquement versées. C’est la création française qui est ainsi encouragée.
Mme Blandin a insisté sur ce point : que fera le cinéma américain si, au-delà d’un certain plafond, les sommes versées sont utilisées non pas pour financer la création française, mais pour alimenter le budget de l’État ?
Vous m’avez dit, madame la ministre, que nous serons maîtres de l’affectation de ces sommes. Mais nous voulons simplement qu’elles soient réinvesties dans la culture. Et qu’on ne vienne pas nous dire, demain, que la culture n’est pas importante et que ces sommes financeront d’autres actions, moins essentielles à nos yeux !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le déficit, ce n’est pas un problème ! Dans ce domaine, on ne compte pas…
M. David Assouline, rapporteur pour avis. Je ne veux pas engager une polémique avec Mme la ministre, qui m’interrompt sans cesse, empiétant ainsi sur mon temps de parole. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
J’ai fait adopter hier un amendement visant à instaurer une taxe sur les cessions de chaînes de la TNT, qui, acquises pour rien du tout, sont ensuite revendues avec des marges monstrueuses. Si j’ai proposé la création de cette taxe au profit de l’État, c’est parce que j’ai à cœur moi aussi de réduire son endettement. La commission de la culture n’a pas en tête que la dépense, elle propose de récupérer de l’argent là où c’est possible, là où l’absence de taxation constitue à l’évidence une forme d’injustice.
Si nous proposons de nouvelles dépenses, nous mettons aussi en avant des pistes d’économies, parce que, oui, le pays se trouve dans une situation grave !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote sur le sous-amendement n° I-165 rectifié.
M. Jean-Pierre Leleux. Bien que j’aie toujours eu à cœur de soutenir la culture, en particulier le cinéma, je ne voterai pas le sous-amendement de la commission de la culture.
Dans le contexte actuel, il ne serait ni légitime, ni raisonnable, ni compréhensible que le CNC ne participât point aux mesures d’économie. D’ailleurs, l’exonérer de cet effort ne lui rendrait pas service et renverrait de lui une image négative. C’est la raison pour laquelle j’ai défendu un sous-amendement visant à plafonner le produit de la TST, qui, s’il est adopté, permettra au CNC d’abonder le budget général de l’État à hauteur de 70 millions d’euros. Je précise, pour rebondir sur les propos de M. Assouline, que les trois taxes directement affectées à la création, à la production et à l'entretien des salles ne sont pas visées.
Je propose donc de ne jouer que sur la part « distributeurs » de la TST, en la plafonnant, pour 2012, à 229 millions d'euros. Pourquoi cette seule année ? Parce que je souhaite que l'on réfléchisse à la fixation d’un nouveau taux. D’ailleurs, la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, constatant le caractère particulièrement dynamique – et même trop dynamique – de cette taxe, dont le rendement excède même les prévisions budgétaires du CNC, a estimé que son taux devrait être abaissé de manière à correspondre plus justement aux besoins de cet opérateur de l’État.
Telles sont les raisons pour lesquelles je forme le vœu que mon sous-amendement soit adopté. Ce dispositif représente une solution de compromis entre la position de la commission des finances et celle du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Compte tenu de la crise grave que traversent nos finances publiques, nous sommes tous conscients qu’un effort collectif doit être fourni, y compris par le CNC. C'est pourquoi, à la suite des explications qu’a données Jean-Pierre Leleux, nous ne soutiendrons pas l’amendement de Mme Bricq et le sous-amendement de M. Assouline.
J'aimerais dire au préalable quelques mots sur le CNC.
Nous aussi, monsieur Assouline, nous défendons la culture. Nous l’avons démontré au cours des semaines, des mois et des années écoulés. Chacun est bien conscient, dans cet hémicycle, des bienfaits de la culture ; là n’est donc pas l'objet du débat.
Madame la rapporteure générale, les propos quelque peu péjoratifs que vous avez tenus, avant la suspension de séance, à l’égard du CNC m’ont surprise. Tant les professionnels du secteur que les collectivités territoriales reconnaissent l'excellence du travail que mène cet opérateur. Vous connaissez le vaste plan de numérisation des salles, notamment celles d’art et d’essai, engagé sur tout le territoire ; vous connaissez aussi, d’ailleurs vous l’avez évoqué, le travail remarquable effectué par les différents pôles image dans l’éducation à l'image. Dieu sait si nous en avons plus que jamais besoin aujourd'hui !
M. le président de la commission, quant à lui, a tenu des propos plus amènes sur le CNC. Sans doute est-ce parce qu’il connaît bien le mode de fonctionnement de cet opérateur. Et puis je sais aussi que les organisateurs du festival du film de Compiègne ont été en contact avec le CNC. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Personne n’a le monopole de la culture ! (Sourires.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Le travail qu'effectue le CNC, aussi remarquable soit-il, mérite d'être reprécisé. Pour autant, il ne faudrait pas jeter le bébé avec l'eau du bain et mettre en péril, par des mesures inadaptées, un mode de fonctionnement satisfaisant. C’est pourquoi nous soutenons la démarche de notre collègue Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis chargé du secteur du cinéma, dont le sous-amendement présente notamment l’intérêt, comme il l’a rappelé, d’être une solution de compromis entre la position de la commission de la culture et celle de la commission des finances.
Tout d'abord, la mesure qu’il propose ne contrevient pas à la nécessaire rigueur budgétaire, puisque les économies ainsi réalisées seraient reversées au budget de l’État.
Ensuite, elle tient également compte de cet « écosystème » que forme le financement du secteur audiovisuel en excluant les taxes vertueuses du CNC, à savoir la taxe sur les entrées en salle de cinéma, la part « éditeurs » de la TST et la taxe vidéo.
Enfin, la mesure proposée par notre collègue assure une péréquation entre tous les maillons de la chaîne du film, de la production jusqu'à l'exploitation, en passant par la distribution. C'est bien ce mode fonctionnement qui assure à la fois la diversité et la force de la création française actuelle. Cela a été largement rappelé.
Ainsi, en proposant un écrêtement ciblé uniquement sur le compte de soutien à l’industrie des programmes, le COSIP, et pour la seule année 2012, nous nous donnons, me semble-t-il, les moyens d’évaluer réellement, dans un an, les effets de cette taxe. À ce jour, les estimations du Gouvernement quant à son rendement ne concordent pas tout à fait avec celles des fournisseurs d'accès à internet. Cette année de test n’est donc pas inutile pour en mesurer les effets.
Il faut rester attentif à la demande des fournisseurs d'accès à internet, qui, compte tenu du rendement de la taxe, plaident en faveur d’un abaissement de son taux.
Ce sujet a d’ailleurs été évoqué dans le cadre du forum d'Avignon, rencontres de la culture, de l’économie et des médias, par l'ensemble des opérateurs et des nouveaux entrants dans le financement de la culture, notamment du cinéma, qui plaident pour un financement plus équilibré.
Pour conclure, je rappelle que le Parlement européen a appelé, le 16 novembre dernier, les pays de l'Union européenne à aider financièrement, en augmentant ponctuellement les aides d'État, les petites salles de cinéma indépendantes à passer au numérique, au risque de les voir disparaître. C'est bien là une mission primordiale du CNC.
Les membres de l’Union centriste et républicaine, dans leur grande majorité, soutiennent le sous-amendement de Jean-Pierre Leleux, qui nous permet tout à la fois de conjuguer les efforts de rigueur budgétaire et de préserver un mécanisme vertueux.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Mme la rapporteure générale a souligné la complexité du sujet. C’est pourquoi il aurait été préférable, pour l'ensemble des organismes dont il est question ici, que nous l’approfondissions davantage, plutôt que de le traiter, dans le cadre du projet de loi de finances, par le biais d’un amendement de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cela fait un an que nous y travaillons !
Mme Marie-France Beaufils. Nous essayons de trouver des moyens supplémentaires, mais, en agissant dans la précipitation et sans un recul suffisant, pouvons-nous être véritablement certains que les propositions qui sont aujourd’hui avancées n’auront pas des effets tels que nous pourrions le regretter ?
Je me suis étonnée qu’on puisse affecter le produit d’une taxe à un objet différent de celui qui avait été initialement fixé.
Mme la rapporteure générale nous a annoncé que la commission des finances avait demandé à la Cour des comptes de se pencher sur la situation du CNC. Aussi, j’ai du mal à comprendre pourquoi, sans attendre les résultats de ce rapport, certains collègues proposent un plafonnement.
Comme l’a dit notre collègue Marie-Christine Blandin, certaines règles doivent nécessairement évoluer pour mieux prendre en compte la réalité du terrain. Pour notre part, nous voterons le sous-amendement de la commission de la culture, mais, globalement, cette façon quelque peu brouillonne de traiter ce sujet ne permet pas d’y voir clair dans les choix qui doivent être faits.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous arrivons au terme de cette séquence, si j’ose dire, fort attendue. Le débat de ce soir était déjà en germe lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011. À l’époque, la commission des finances avait estimé que la situation du CNC méritait un examen approfondi. C’est pourquoi elle avait formulé des propositions tendant à un plafonnement des ressources du CNC, le surplus étant reversé au budget général de l’État.
Je prie l'ensemble de nos collègues, en particulier ceux d'entre eux qui siègent à la commission de la culture, de croire que la commission a mené une analyse réfléchie, loin de toute improvisation. Lorsque nous avons examiné le texte du Gouvernement, lorsque nous l'avons confronté avec la réalité telle que nous la connaissons, avec les besoins liés à l’équipement des salles de cinéma, à la numérisation des supports, à la politique d'aide à la production cinématographique, nous avons considéré en notre âme et conscience qu'un organisme qui a la garantie que ses moyens progresseront de plus de 20 % d'une année sur l'autre est en mesure de répondre aux besoins.
Mes chers collègues, quel opérateur de l'État, quelle administration publique a la garantie que ses ressources augmenteront de 22 % ?
Lorsque nous avons constaté que le rythme de consommation des ressources du CNC n'était manifestement pas de nature à résorber une trésorerie disponible de 750 millions d'euros environ, nous avons accepté de souscrire à la méthode proposée par le Gouvernement, qui, lui-même, ne fait que reprendre à son compte la méthode que nous lui avions suggérée voilà un an, en l'élargissant et en la généralisant.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. N’exagérons pas les différences d'approche entre nos commissions. Nous sommes tous attachés à la production cinématographique française, qui est un élément important de notre personnalité et de notre attractivité sur le plan international. Elle touche des publics très variés. Dans cette enceinte, nous sommes tous attachés à la diversité de l'expression cinématographique dans nos communes, dans nos intercommunalités ou dans nos départements.
Reste que la proposition de la commission des finances est raisonnable. En ce qui me concerne, je voudrais dire – je ne le fais pas systématiquement, car elle exerce sa mission en son âme et conscience et bien souvent nos orientations diffèrent profondément – que Mme le rapporteur général a une approche profondément honnête et rigoureuse, comme il convient lorsque l’on examine une loi de finances. En effet, monsieur Assouline, nous sommes dans le cadre d’une loi de finances. Notre devoir est donc de prendre en considération les chiffres, même si nous savons que les valeurs culturelles ne se mesurent pas toujours de cette façon.
Mes chers collègues, la meilleure décision est de suivre la commission. Si le Sénat n’adoptait pas cette position, il pourrait se replier sur la proposition du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mes chers collègues – je m’adresse particulièrement à mes amis –, je ne voudrais pas que, par votre vote, vous participiez à l’appauvrissement du budget de l’État.
Madame Beaufils, vous regrettez que le produit de certaines recettes puisse être reversé au budget de l’État. J’appelle votre attention sur le fait que c’est tout de même le budget de l’État qui permet d’arrêter les choix politiques, de définir les priorités. Quelle que soit la majorité qui sera au pouvoir après l’élection présidentielle – je veux me projeter au-delà du 6 mai 2012 –, elle aura la responsabilité d’établir des priorités.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame Morin-Desailly, vous m’avez reproché l’usage de termes péjoratifs. Sachez que quand le sémillant président du CNC a déboulé dans mon bureau de rapporteure générale, il a commencé son intervention en me disant qu’il avait obtenu un arbitrage de l’Élysée. Et alors ? Pour ma part, je ne sais pas ce qu’est l’Élysée, mais je sais ce qu’est le budget de l’État ! À ma connaissance, les arbitrages entre ministres ont lieu chez le Premier ministre.
En tant que rapporteure générale, je considère que je suis chargée de défendre le budget de l’État. Si mes propos vous ont paru péjoratifs, je le regrette, mais je dois dire que j’ai été profondément choquée par ceux du président du CNC.
Cher David Assouline, comme vous, j’aime le cinéma, et peut-être plus qu’une autre. Vous avez fait référence au cinéma italien, qui a périclité. Il reste quand même capable de produire de grands films. Rappelez-vous Ginger et Fred de Fellini, interprété brillamment par Giulietta Masina et Marcello Mastroianni. Souvenez-vous de la dernière image de ce film magnifique : la vision de Rome avec toutes les antennes de télévision… Voilà pourquoi le cinéma italien a périclité !
Le cinéma français, quant à lui, a été sauvé par l’action d’un grand ministre de la culture, Jack Lang. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Si, tout le monde le reconnaît aujourd’hui !
Mais la question n’est pas là. En l’occurrence, il convient de défendre le budget de l’État pour aujourd’hui et pour demain.
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, pour explication de vote.
M. François Rebsamen. La culture est toujours un sujet sensible, et je comprends parfaitement la position de Mme la rapporteure générale, qui est dans son rôle avec toute la sévérité, dans le bon sens du terme, qui sied à la fonction.
Mes chers collègues, si nous avons tous défendu l’exception culturelle française avec succès en Europe et dans le reste du monde, c’est parce que nous considérons la création culturelle comme un élément fondamental.
Plusieurs intervenants ont fait valoir que la création cinématographique pourrait être menacée par une limitation des ressources du Centre national du cinéma et de l’image animée. J’avoue que je suis sensible à cet argument. En France, à la différence d’autres pays européens qui commencent à regarder avec intérêt les dispositions financières et juridiques que nous avons mises en place, il existe une exception culturelle permettant aux films français de continuer à rayonner, non seulement dans notre pays, mais aussi de par le monde.
Je voudrais d’ailleurs dire à Mme la rapporteure générale que son analyse rigoureuse des comptes publics doit exclure cette disposition, qui, d’après l’ensemble des membres du CNC et des créateurs que nous avons rencontrés, pénalisera la création cinématographique. Voilà pourquoi je soutiens le sous-amendement n° I-165 rectifié et j’approuve l’intervention de la présidente de la commission de la culture. Si un domaine peut être considéré comme prioritaire, car il crée du lien social et participe aujourd’hui à cette part du rêve français, c’est bien celui de la création culturelle !
Mes chers collègues, si chacun peut se déterminer librement, je pense que nous devons nous rassembler sur cette proposition. En effet, l’ensemble de la classe politique française a toujours défendu l’exception culturelle, notamment sur le plan européen. Il y a toujours eu consensus sur le sujet.
Nous ne devons pas baisser pavillon devant la situation budgétaire extrêmement difficile que nous connaissons. À cet égard, je rends hommage au travail qui a été effectué par la commission des finances, et particulièrement par Mme la rapporteure générale, dont la tâche, j’en ai bien conscience, n’est pas facile. Mais je suis convaincu que nous devons instaurer une exception budgétaire exceptionnelle pour cette exception culturelle.
Je réunis chaque année les auteurs, les réalisateurs et les producteurs de cinéma. Écoutez-les, ils sont l’image du cinéma français à travers le monde, une image que nous devons défendre !
Je pense que la baisse des recettes du CNC constituerait un handicap pour la création cinématographique.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. On ne les baisse pas !
M. François Rebsamen. Si, c’est une forme de plafonnement, tout le monde le sait !
Telles sont les raisons qui ont motivé mon intervention.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° I-165 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.
M. David Assouline, rapporteur pour avis. La majorité des membres de la commission de la culture considérait que le sous-amendement n°I-165 rectifié était plus complet que le sous-amendement n°I-214, qui représente pour son auteur une solution de compromis entre la position de Mme la rapporteure générale et celle de Mme la ministre.
En tout cas, nous voterons cet amendement de repli, car c’est mieux que rien. Cela nous permettra de sauver ce qui peut l’être.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-28 rectifié, modifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° I-29, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
C. – Le ministre chargé du budget informe les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances de chaque dépassement des plafonds institués par le présent article et du montant estimatif de recettes réaffectées au budget général entre la constatation du dépassement et le 31 décembre de l’année du recouvrement.
II. – Après l'alinéa 72
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Z quater. – Le premier alinéa de l’article 14 de la loi n° 2006-888 du 19 juillet 2006 portant règlement définitif du budget de 2005 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle justifie annuellement, pour chaque opérateur mentionné à l’article 16 ter de la loi n° … du … de finances pour 2012, le plafonnement des impositions affectées institué en application du même article. Ce plafonnement est motivé au regard de l’évolution de ces impositions et des autres ressources des opérateurs concernés, de leur situation financière et des missions qui leur incombent. »
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement, sur lequel nous devrions tous pouvoir nous rejoindre, vise à compléter le dispositif prévu par cet article afin d’améliorer l’information du Parlement.
D’une part, il tend à prévoir que les commissions des finances des deux assemblées seront informées de tout dépassement de plafond donnant lieu à réaffectation d’une partie du produit d’une taxe affectée.
D’autre part, il a pour objet de compléter le contenu de l’annexe jaune « Opérateurs de l’État » au projet de loi de finances, en prévoyant que cette annexe justifiera chaque année le plafonnement des taxes affectées aux opérateurs au regard du rendement de celles-ci, des autres ressources qu’ils perçoivent, de leur situation financière globale et des missions qui leur sont assignées.
Si vous adoptez cette mesure, mes chers collègues, le contrôle parlementaire s’exercera mieux.