M. Bernard Piras. Le Gouvernement aussi !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Que penseront-ils s’ils s’aperçoivent que certains sont exemptés de l’effort demandé à tous ?
Les collectivités locales ont des responsabilités éminentes, mais elles n’ont quasiment jamais vu leurs recettes baisser,…
M. Bernard Piras. Si, les dotations de l’État !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … sauf les droits de mutation à titre onéreux pour les départements entre 2008 et 2009. (Mme la rapporteure générale s’exclame.) Néanmoins, vous le savez, les droits de mutation à titre onéreux augmenteront cette année de manière très forte et retrouveront leur niveau d’avant la crise, ce qui n’est pas le cas de l’impôt sur les sociétés pour l’État.
Quand l’État voit ses dépenses diminuer, il fait des économies, mais pas sur le dos des collectivités locales, puisque la dotation globale de fonctionnement de toutes les collectivités a été sanctuarisée.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Non !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Si, elle a été sanctuarisée à son niveau de 2011, madame Bricq.
C’est toute la différence entre vous et nous !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Oui, et nous allons nous en expliquer !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Contrairement à vous, nous pensons que l’on ne peut dépenser plus que l’on ne crée de richesses. Des économies de fonctionnement s’imposent.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Vous dites cela maintenant…
M. Bernard Piras. Vous ne faites rien pour créer des richesses !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Les collectivités locales doivent donner l’exemple, comme l’État, l’hôpital, la sécurité sociale et l’ensemble des Français ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Bernard Piras. Des mots !
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, pour explication de vote.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, je m’exprimerai au nom du groupe UMP.
Comme l’a fait observer Mme la ministre, le pays traverse une grave crise. Le doute s’installe dans les esprits. Nous lisons tous les jours dans les journaux que certaine agence de notation serait peut-être sur le point de dégrader la note de la France. Or que se passe-t-il, en cas de doute ? Les taux d’intérêt augmentent !
Vous glosez sur la DGF et vous en demandez plus,…
M. Bernard Piras. Pas plus, mais pas moins !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Parfaitement !
M. Joël Bourdin. … mais, quand le déficit global de l’État et des collectivités locales s’accroît, les taux d’intérêt augmentent. À quoi bon réclamer un peu plus de DGF si cela doit accroître la dette et faire grimper les taux d’intérêt ?
Dans la situation actuelle, il convient au contraire de serrer les dépenses.
Bien évidemment, il n’est pas agréable, surtout au moment où se tient à Paris le Congrès des maires de France…
M. Joël Bourdin. … d’annoncer que la DGF sera indexée non sur le taux d’inflation, mais plutôt sur la moitié du taux de croissance. Agréable ou pas, là n’est pas la question, chers collègues : on vous demande aujourd’hui de donner l’exemple, et ce doit être un honneur pour nous tous que d’entendre cet appel à l’exemplarité.
M. Bernard Piras. L’honneur d’avoir mauvaise conscience, oui !
M. Joël Bourdin. Le groupe UMP, bien évidemment, votera contre ces amendements. Il faut resserrer les dépenses, y compris celles des collectivités locales. Il n’est pas facile de le dire aujourd’hui, mais nous le disons, sans démagogie ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. J’abonderai dans le sens de mon collègue Joël Bourdin. .
Notre collègue Éric Bocquet réclame en fait pour les collectivités locales un milliard d’euros de primes de rendement. Dois-je lui rappeler que nous avons alourdi les taxes et les impôts de plus de 5 milliards d’euros dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et que nous nous apprêtons à faire autant dans le projet de loi de finances ? Franchement, monsieur Bocquet, par les temps qui courent, Mme le ministre et Joël Bourdin l’ont excellemment dit, les collectivités locales doivent également donner l’exemple.
La seule question à se poser est la suivante : ces collectivités ont-elles la capacité de consentir cet effort supplémentaire ? Peuvent-elles se passer des 200 millions d’euros auxquels le Gouvernement leur demande de renoncer ? Globalement, je réponds oui. Individuellement, il faut regarder collectivité par collectivité.
M. Bernard Piras. Ah !
M. Philippe Dallier. Voilà pourquoi, en parallèle du projet de loi de finances, nous discuterons – enfin ! – de la réforme de la péréquation financière. Et cette réforme est à mettre à l’actif de la majorité gouvernementale.
Faut-il vous rappeler, mes chers collègues, que, dans le cadre de l’enveloppe normée, la dotation de solidarité urbaine en faveur des communes les plus en difficulté de nos banlieues a plus que doublé, passant de 600 millions d’euros il y a quelques années à plus de 1,3 milliard d’euros aujourd’hui ? Et la dotation de solidarité rurale a pris le même chemin. C’est le résultat de la politique de la majorité gouvernementale.
M. Bernard Piras. Avec beaucoup d’arbitraire !
M. Philippe Dallier. La décision prise l’année dernière, inscrite et gravée dans le marbre de la loi de finances pour 2011, de réformer cette année les dotations de péréquation, après un débat très intéressant au Sénat, est également à mettre à l’actif de notre majorité. Nous allons enfin réformer le système de péréquation, qui était relativement inefficace et n’aidait pas suffisamment les collectivités locales les plus pauvres.
Le projet de loi de finances pour 2012, même avec 200 millions d’euros de moins, permet aux collectivités locales les plus fragiles de voir leurs dotations progresser. En contrepartie, il sera demandé aux collectivités locales les moins défavorisées, pour ne pas dire les plus aisées, de faire un effort pour contribuer également au désendettement du pays.
Sur une enveloppe globale de 200 milliards d’euros, les 200 millions d’euros d’effort supplémentaire demandés aux collectivités locales, vous avez raison de le souligner, madame le ministre, ne sont pas hors de leur portée.
M. Bernard Piras. Cela fait beaucoup d’argent !
M. Philippe Dallier. Il faut que nous assumions nos responsabilités également ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Voilà trois semaines que, dans cet hémicycle, je vous entends remettre en cause les collectivités locales et stigmatiser leur train de vie.
M. François Patriat. Comme l’État, dites-vous, elles devraient donner l’exemple. Seulement elles n’ont pas attendu l’État pour le faire !
Les collectivités, madame la ministre, n’ont pas de train de vie.
M. Philippe Dallier. Pas toutes, mais certaines !
M. Roger Karoutchi. Si !
M. François Patriat. Les départements n’ont pas de train de vie
M. François Patriat. Les régions n’ont pas de train de vie !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais si, les cabinets sont pléthoriques !
M. François Patriat. Pour avoir l’honneur de présider une région depuis sept ans maintenant, je puis vous assurer, mes chers collègues, que 95 % des dépenses des régions sont consacrés à l’investissement. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Roger Karoutchi. Combien dites-vous ? (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. François Patriat. On a donné aux régions la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, mais les ressources baissent parce que les régions font en sorte que l’on consomme moins. Dans le même temps leurs dépenses s’accroissent : on leur confie les trains ; elles doivent payer l’électricité pour les lycées, pour les centres de formation d’apprentis ; elles doivent payer le fioul pour le chauffage, etc. Chaque année, ce sont autant de dizaines de millions d’euros en moins pour l’investissement.
C’est dans ce contexte, madame la ministre, que vous demandez aux collectivités de faire des économies, alors qu’elles sont déjà à la cape et qu’elles consentent des efforts au quotidien ! Certes, elles ont créé des emplois, mais uniquement pour assumer les transferts de compétences. La région que je préside aujourd’hui s’est vu confier la gestion des canaux par l’État, avec seulement un tiers du personnel nécessaire. Elle sera donc obligée d’embaucher !
Vous mettez les collectivités au pilori, vous leur faites les poches et en plus vous leur faites la morale ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Tout à fait !
M. François Patriat. Ce discours est indécent à l’égard des collectivités qui, chaque jour, consentent des efforts pour suppléer l’État.
Vous avez été ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, madame. Combien les régions consacrent-elles aux universités, qui ne relèvent pourtant pas de leurs compétences ?
M. François Patriat. Combien consacrent-elles aux maisons de santé, sans avoir la compétence « santé » ? Combien consacrent-elles au Grand emprunt ? Pourtant celui-ci ne relève pas de leurs compétences.
Oui, les régions sont présentes sur tous ces terrains et participent à toutes ces politiques, ainsi que vous le leur demandez, ce qui leur coûte efforts et sacrifices. Alors ne leur donnez pas de leçons de morale !
Les collectivités locales, aujourd’hui, font office d’amortisseurs de crise. Elles ne peuvent pas être en dessous de la barre qu’on leur a fixée. Elles assument les compétences qui leur ont été transférées, mais souvent elles vont bien au-delà. J’en veux pour preuve le Cancéropôle du Grand-Est, que je préside. Il est demandé à la région de payer les chercheurs, les matériels, les locaux. Et elle devrait en même temps donner l’exemple et faire des économies ?
Vous donnez un coup de rabot sur les ressources des collectivités et vous les mettez en difficulté tout en les accusant de trop emprunter et de trop dépenser. Mais, en réalité, que font-elles, sinon pallier les carences d’un État qui récolte aujourd’hui les fruits de la politique qu’il a pratiquée durant de nombreuses années ?
C’est la raison pour laquelle nous n’acceptons pas ce réquisitoire contre les collectivités. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Il y a décidément des vérités à rétablir inlassablement, puisque le message semble ne pas passer.
Alors que les collectivités représentent encore 70 % du total de l’investissement public dans notre pays, leur endettement ne compte que pour 10 % de notre dette publique globale. De surcroît, les collectivités sont dans l’obligation de présenter des budgets équilibrés, contrairement à l’État, qui, de toute façon, se serait affranchi de cette règle depuis longtemps.
M. Albéric de Montgolfier. Il fallait voter la règle d’or !
M. Éric Bocquet. Le redressement des comptes publics est une nécessité. Soit ! Mais nous sommes convaincus que les investissements des collectivités et le poids économique qu’elles représentent sont un levier efficace pour combattre la crise et faire reculer l’austérité. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Dallier. L’un n’empêche pas l’autre !
M. Éric Bocquet. Certains auraient d’ailleurs beau jeu de laisser entendre que « la gauche n’est bonne qu’à augmenter les impôts », ce qui, soit dit en passant, n’est pas en soi forcément mauvais (Ah ! sur les mêmes travées.), le tout étant de savoir à quoi sert la dépense.
M. Philippe Dallier. Quel aveu !
M. Francis Delattre. N’avouez jamais…
M. Éric Bocquet. Toutes les recettes fiscales nouvelles que nous pouvons dégager n’ont pas vocation, n’en déplaise à Bruxelles, à venir simplement réduire à due concurrence le déficit budgétaire. Il importe que nous en usions aussi pour créer les conditions d’une certaine forme de relance de l’activité économique.
C’est en ce sens que nous souhaitons majorer la DGF d’un montant plus important que prévu en vue de donner aux collectivités locales quelques moyens supplémentaires. Il s’agit notamment de renforcer, par ricochet, la capacité d’autofinancement de leurs investissements, élément crucial pour l’activité économique, singulièrement dans les secteurs du bâtiment, des travaux publics mais aussi de la métallurgie ou des industries du verre et du bois.
C’est bel et bien parce que les investissements publics locaux sont vecteurs et leviers de l’activité et de l’emploi qu’il importe de les favoriser.
Tel est le sens de notre amendement, que nous ne pouvons que vous inviter à adopter.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Nous ne sommes pas là pour arbitrer un match entre l’État et les collectivités locales. Personne n’a montré du doigt les collectivités locales ; certaines sont bien gérées, d’autres un peu moins bien. On ne peut pas mettre tout le monde dans le même panier ; il ne faut pas plus généraliser en cette matière qu’en d’autres.
Assistant depuis un bon moment au débat sur cette première partie du budget, j’ai constaté que l’imagination ne manquait pas pour augmenter les recettes, pour créer des taxes nouvelles. J’espère que l’on fera preuve d’autant d’imagination pour réduire les dépenses, et, à cet égard, j’attends avec impatience les amendements des groupes de la majorité de notre assemblée.
Nous savons en effet très bien qu’il faudra diminuer les dépenses, qu’on ne peut pas se contenter d’augmenter les recettes et les prélèvements sur les Français, car, même si l’on taxe les entreprises, ce sont tout de même les Français qui travaillent dans ces entreprises et qui, au bout du compte, vont payer l’addition !
J’attends donc de voir se déployer cette même imagination, mais pour la réduction des dépenses, cette fois. C'est la raison pour laquelle je ne pourrai pas voter ces amendements qui visent à augmenter la dépense, ce que, dans la période actuelle, je juge irresponsable.
Nous devons tous participer, individus, entreprises, mais aussi collectivités et État, au redressement de nos comptes. Je considère que l’effort qui nous est proposé n’est pas suffisant, madame la ministre. Il faut aller beaucoup plus loin et, personnellement je formulerai des propositions en ce sens.
On nous propose dans ces amendements d’augmenter les dépenses de l’État afin de procurer des recettes supplémentaires aux collectivités. Or un millième du budget des collectivités ne représente pas un effort extravagant, ni un objectif inatteignable. Chacun, en tant qu’élu local, doit se montrer responsable et, pour ma part, c’est un effort que je peux supporter. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je ne pourrai pas non plus voter ces amendements.
Je ne peux pas laisser dire que nous stigmatisons les collectivités locales, que nous les mettons au pilori, que nous leur faisons les poches (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.), que nous leur donnons des leçons de morale. C’est tout le contraire !
Ce qui nous sépare, chers collègues de la majorité sénatoriale, c’est que vous opposez systématiquement l’État aux collectivités territoriales (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Bernard Piras. Non, c’est l’État qui s’oppose aux collectivités territoriales !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est une conception complètement dépassée ; l’État et les collectivités territoriales doivent travailler ensemble et aller dans le même sens. On ne peut avoir qu’un discours de responsabilité face à la situation que nous connaissons aujourd’hui.
Reconnaissons-le, ces 200 millions d’euros ne représentent qu’un millième du budget consolidé des collectivités locales. Tout le monde doit participer à l’effort national. Soyez raisonnables ! C’est bien peu en comparaison des 86 000 emplois qui ont été créés dans les collectivités sur la période récente, un chiffre colossal ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Certains d’entre vous ont prétendu que cela n’avait eu aucune conséquence sur le fonctionnement des collectivités. Et vos dépenses de communication, souvent éhontées ? Et vos cabinets pléthoriques, vos multiples collaborateurs ? (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Bernard Piras. Et les services rendus à la population ?...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous n’avons plus les moyens de financer toutes ces dépenses. Il faut arrêter et dire franchement à nos concitoyens comment l’argent est dépensé.
M. Jacques Chiron. Et le budget du Gouvernement ?...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Dans ma petite ville, qui compte 20 000 habitants,…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Avec 20 000 habitants, ce n’est pas une petite ville !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … j’ai l’intention de faire ce que le Gouvernement souhaite, c'est-à-dire, par exemple, de me demander à chaque déplacement si j’ai besoin ou non d’une voiture de fonction, si je dois payer mon essence moi-même, et ainsi de suite. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Bernard Piras. Vous n’avez pas droit à une voiture de fonction !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je vais faire preuve de transparence envers mes concitoyens, ce que l’ensemble des élus des collectivités territoriales seraient bien avisés de faire, car nos concitoyens ont le droit de savoir.
Mais, le plus important à cet instant, c’est le message que je veux faire passer : cessez d’opposer l’État et les collectivités territoriales ! C’est dépassé ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR. - Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Bernard Piras. Depuis quatre ans, c’est vous qui n’avez de cesse de le faire !
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Madame la ministre, quand j’ai découvert que l’on allait demander 200 millions d’euros aux collectivités, vous savez que j’ai réagi. C’est normal, les collectivités, d’une manière générale, n’aiment pas que l’on touche à leurs capacités financières. Puis, dans les semaines qui ont suivi cette annonce, j’ai commencé à regarder les choses dans le détail, à réfléchir sur le sujet et à écouter les uns et les autres.
Je me suis aperçu qu’effectivement la situation n’était facile ni pour l’État, ni pour les entreprises, ni pour les citoyens, ni, bien évidemment, pour les collectivités. Nous étions donc tous dans la même situation.
J’ai ensuite regardé tous les jours ce qui se passait dans les conseils municipaux, j’ai lu la presse et j’ai constaté que les grandes comme les petites villes de mon département – je ne peux parler que pour lui – n’envisageaient pas cette année d’augmenter la fiscalité et avaient décidé de continuer à investir, à se développer, à mener un certain nombre d’actions. J’en ai conclu que, si elles étaient en capacité de le faire, c’est qu’elles devaient pouvoir réaliser quelques économies de-ci de-là.
Je constate également, puisque, comme un certain nombre d’entre nous, j’ai l’occasion chaque semaine de participer à des inaugurations, que nos territoires sont globalement bien équipés…
Mme Sylvie Goy-Chavent. Pas assez !
M. Éric Doligé. … et que ces équipements entraînent des frais de fonctionnement d’un certain niveau.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Cela dépend des collectivités !
M. Éric Doligé. Peut-être faut-il commencer à réfléchir sur le niveau de ces frais de fonctionnement et se dire que la situation actuelle nous impose de rechercher toutes les sources d’économies possibles.
Il est vrai, plusieurs intervenants l’on dit, que c’est plus facile pour certaines collectivités que pour d’autres, parce qu’elles n’ont pas les mêmes compétences. J’ai d’ailleurs écouté avec beaucoup d’intérêt notre collègue François Patriat décrire les différents champs investis par les régions. Je pense donc qu’il serait intéressant de travailler sur les compétences des collectivités.
M. Roger Karoutchi. Bien sûr !
M. Éric Doligé. J’ai le sentiment que, lorsque, en fin de semaine, nous rentrons dans nos circonscriptions, nous sommes nombreux à faire les mêmes constats et qu’une harmonisation, une réflexion entre collectivités serait souhaitable, car nous pourrions ainsi réaliser des économies.
Les compétences des départements et des régions ne se chevauchent, nous dit-on, qu’à 20 %. C’est peut-être vrai, mais 20 %, ce n’est pas rien sur la masse globale. En plus – vous connaissez la fameuse loi des 20-80 - ce sont souvent ces 20 % qui demandent 80 % de temps et d’efforts, car il faut gérer une multitude de petites opérations.
En ce qui me concerne, après mûre réflexion, madame le ministre, j’ai décidé de ne pas voter ces amendements, car je pense que nous devons tous contribuer à l’effort. Ce n’est pas facile et la réaction de tout un chacun, lorsqu’on lit dans le journal qu’un nouveau plan a été décidé, est plutôt négative. Puis, progressivement, on se rend bien compte, en comparant avec ce qui se passe dans un certain nombre d’autres pays, que nous avons de la chance de vivre dans une société telle que la nôtre, ce que savent bien d'ailleurs ceux qui viennent chez nous.
Madame le ministre, compte tenu des efforts auxquels nous allons consentir, je souhaiterais que l’on travaille sur les niveaux, les types de collectivités et les compétences qui leur sont dévolues.
L’État demande des efforts particuliers aux collectivités, qui doivent appliquer les décisions qu’exige le traitement de certaines situations. Ce matin, j’ai longuement parlé avec Albéric de Montgolfier des problèmes posés par les mineurs étrangers, dont la prise en charge représente un coût très élevé pour les collectivités, plus particulièrement pour les départements. Il y a, semble-t-il, un certain laxisme en la matière, puisque j’ai entendu dire que certains départements qui compteraient sur leur territoire un nombre important de mineurs étrangers sans papiers auraient tendance à les envoyer vers d’autres départements. Ce n’est pas acceptable et il faut absolument mener une réflexion en amont pour éviter que des charges nouvelles ne nous soient en permanence imposées.
Dans ma collectivité, nous allons réduire de 14 % pratiquement tous les postes de dépense, sauf dans le secteur social, qui continue d’augmenter. Mais 3 % de social en plus dans l’année, cela oblige à diminuer de 14 % tous les autres postes ! Chacun peut donc mesurer les efforts que cela requiert.
Nous allons les faire, ces efforts, et je demande à tout le monde dans ma collectivité de participer, mais je souhaiterais aussi, compte tenu du fait que ces 3 % d’augmentation des dépenses sociales ne viennent pas de la collectivité mais sont souvent dues à des charges extérieures, que l’État travaille avec nous pour les réduire. D’une manière générale, cette implication de l’État permettrait probablement aux collectivités de réduire leurs capacités financières avec moins de difficultés. (Mme la ministre acquiesce.)
M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, pour explication de vote.
M. Edmond Hervé. Nous sommes tous attachés au principe de solidarité qui doit exister entre l’État et les collectivités territoriales, madame la ministre. Je veux redire ici les efforts que les collectivités territoriales ont consentis dans tous les domaines, notamment dans la bonne utilisation de leurs ressources.
Très souvent, les uns et les autres, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous avons dû pousser la coopération intercommunale, parfois contre l’opinion, investir dans des domaines qui heurtaient l’opinion. Mais c’est le sens de notre responsabilité et je souhaiterais à cet égard qu’il y ait un peu d’objectivité entre nous.
Une divergence doctrinale fondamentale nous sépare : nous n’avons pas la même conception des collectivités territoriales. J’estime, avec mes amis, que les collectivités territoriales ont un rôle économique majeur. Preuve en est, madame la ministre, que, lorsque vous avez annoncé le plan de relance, toutes les collectivités territoriales ont répondu à l’appel.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Nous sommes bien d’accord !
M. Edmond Hervé. Au début des années quatre-vingt, les collectivités territoriales représentaient 8 % du produit intérieur brut, contre 12 % aujourd’hui. Lorsque nous parlons de relance économique, j’estime que le premier levier sur lequel nous pouvons agir, ce sont précisément les collectivités territoriales.
On dit que l’État est en difficulté. C’est vrai, il l’est, et pour différentes raisons. Mais je voudrais rappeler ici les efforts que font les collectivités territoriales au-delà d’une interprétation très stricte de leurs compétences.
Le secteur des services à la personne, par exemple, s’est énormément étendu, a beaucoup progressé. Prenez le cas précis d’une femme qui, après avoir purgé une peine de dix ans de prison, se voit proposer, à sa sortie, un logement HLM. On comprend bien qu’il ne s’agit pas alors uniquement de lui donner les clés de son logement ; cela suppose tout un accompagnement.
En ce qui concerne la politique de l’emploi, nous avons Pôle emploi, mais ce sont les maisons de l’emploi qui mènent toutes les négociations nécessaires. (Exclamations sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
Mme Sylvie Goy-Chavent. Je ne vois pas cela partout !
M. Edmond Hervé. Mes chers collègues, je n’ai interrompu personne. Je parle en fonction de mon expérience vécue et je ne lis pas un texte rédigé par d’autres !
Prenons la défense : voilà bien une compétence régalienne ; or les collectivités territoriales interviennent dans ce domaine. Notre ami François Patriat a eu parfaitement raison de parler des universités, des grandes écoles. Où en seraient les universités et les grandes écoles si les collectivités territoriales n’avaient pas investi dans ce champ ?
Il en va de même pour le logement.
J’ai présidé pendant très longtemps une communauté d'agglomération qui, depuis 2005, a consacré chaque année 50 millions d’euros à l'aménagement et au logement pour développer l’accession sociale à la propriété et la distribution de logements locatifs. C’est une mesure dont je suis très fier, car elle nous a permis de contrôler de manière très précise l'évolution du foncier et les éléments constitutifs des prix.
Vous avez, pour différentes raisons, affaibli les services déconcentrés de l'État. Qui va s’occuper maintenant de l’instruction des permis de construire ? C'est le b.a.-ba que tout maire connaît, et je ne vais pas développer plus longuement ce point, que je souhaitais seulement vous remettre en mémoire.
Prenons maintenant l’exemple du RMI et des départements. Souvenez-vous, mes chers collègues, madame la ministre, que, à l’origine, c’est non pas l'État qui a imaginé le dispositif du RMI, mais les collectivités territoriales, notamment la ville de Besançon, à la fin des années cinquante. Cela prouve bien que les collectivités territoriales sont capables d’inventer des choses tout à fait positives ! À l'origine, l’État finançait 70 % du dispositif du RMI ; aujourd'hui, ce taux est tombé à 30 % ! Et je pourrais multiplier les exemples.
Mes chers collègues, je vous ai entendus parler de la règle d'or. Mais vous avez déjà inscrit une magnifique règle d'or dans la Constitution, je veux parler du principe de l'autonomie financière des collectivités territoriales ! Or cela ne vous a pas empêchés de faire disparaître l'autonomie financière des régions et de réduire de manière considérable celle des communes, des intercommunalités et des départements ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)