compte rendu intégral
Présidence de M. Thierry Foucaud
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Boyer,
Mme Catherine Procaccia.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le Premier ministre a communiqué au Sénat, en application de l’article 2 de la loi n° 2011–156 du 7 février 2011 relative aux solidarités dans les domaines de l’alimentation en eau et de l’assainissement, le rapport sur les modalités et les conséquences de l’application d’une allocation de solidarité pour l’eau attribuée sous conditions de ressources, directement ou indirectement, aux usagers domestiques des services publics d’eau potable et d’assainissement.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Il est disponible au bureau de la distribution.
3
Financement de la sécurité sociale pour 2012
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2012 (projet n° 73, rapports nos 74 et 78).
Demande d’une suspension de séance
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Mon intervention doit être considérée à la fois comme un rappel au règlement et comme une réaction en tant que présidente de la commission des affaires sociales, soucieuse de défendre les intérêts de ses membres et le travail parlementaire.
Voilà deux heures, le Premier ministre, François Fillon, a annoncé à la télévision, lors d’une conférence de presse, son plan d’hyper-austérité, dont on percevait déjà les prémices, ici et là, depuis quelques jours.
Je m’indigne de ce mépris des parlementaires et du choix d’informer la presse avant la représentation nationale. Le travail parlementaire, c’est bien en commission et en séance publique qu’il a lieu.
Par ailleurs, je m’inquiète des répercussions évidentes que les mesures annoncées par le Gouvernement auront sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont nous sommes censés commencer l’examen dès à présent ; cela ne me paraît pas une façon sérieuse de travailler.
Les parlementaires que nous sommes, en particulier ceux d’entre nous qui sommes membres de la commission des affaires sociales, avons besoin, avant d’entamer sérieusement l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, de prendre connaissance dans le détail de l’ensemble des mesures qui ont été annoncées ce matin par M. Fillon.
Aussi, monsieur le président, je demande une suspension de séance afin de permettre à la commission de se réunir et d’auditionner les membres du Gouvernement ici présents, qui pourront ainsi nous apporter toutes les explications que nous en sommes en droit d’attendre pour légiférer en toute connaissance de cause.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. J’ai écouté avec attention Mme la présidente de la commission. Je voudrais simplement souligner que les mesures annoncées ce matin par le Premier ministre dans le cadre d’un plan complémentaire de réduction des dépenses publiques étaient nécessaires.
Madame la présidente de la commission, vous déplorez que nous n’ayons pas été informés plus tôt de ces mesures. Certes, mais je rappelle que la décision a été prise dès le mois d’août de revoir à la baisse l’hypothèse de croissance retenu dans le projet de loi de finances pour 2012. Cette révision était absolument indispensable et nous devons par conséquent prendre les mesures courageuses qu’appelle le contexte actuel en Europe.
Ce plan est rigoureux parce qu’il nous permet de consolider notre stratégie budgétaire tendant à un retour à 3 % du produit intérieur brut des déficits publics en 2013 et un retour à l’équilibre en 2016 (M. Jean Desessard s’exclame.), objectifs auxquels nous ne pouvons renoncer.
Ce plan est équilibré parce que les mesures annoncées par le Premier ministre nous permettront d’assainir nos finances publiques sans renoncer à notre modèle social. Il n’est pas question de réduire les pensions de retraite non plus qu’il n’est question de recourir au chômage technique dans la fonction publique, comme ce fut le cas dans d’autres pays.
Je ne doute pas que le Gouvernement présentera un projet de loi de finances rectificative et un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale ; chacun aura alors tout loisir de faire valoir ses différents arguments.
Au nom du groupe UMP, je tiens à saluer ces mesures courageuses. Il est toujours difficile de prendre des mesures lourdes dans une période économique tourmentée. Néanmoins, pour l’avenir de notre pays et pour l’avenir de nos propres enfants, nous sommes obligés d’en passer par là. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, mesdames et monsieur les ministres, mes chers collègues, après le plaidoyer de Mme Jouanno pour les annonces faites ce matin par le Gouvernement, je tiens à préciser que ces annonces, pour attendues qu’elles fussent, modifient de manière sensible le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous a été soumis.
Mme Christiane Demontès. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Parmi toutes les mesures qui ont été annoncées ce matin, j’en ai retenu trois.
La première porte sur l’âge de départ à la retraite à 62 ans, qui deviendra effectif en 2017 au lieu de 2018. Quel sera l’impact de cette mesure sur les comptes de 2012 et à l’horizon de 2018 ?
La deuxième est l’indexation des prestations familiales à hauteur de 1 %. Quelles seront les conséquences de cette mesure sur la branche famille, qui nous préoccupe, puisqu’elle n’est pas en bonne santé, si je puis m’exprimer ainsi ?
La troisième est l’abaissement de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, de 2,8 %, dans l’actuel projet de loi, à 2,5 %.
Il est clair que ces mesures ont des incidences sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui est non pas le texte de la commission des affaires sociales, mais celui que nous a transmis l’Assemblée nationale.
Il est difficile d’admettre que le travail parlementaire se déroule dans de telles conditions. Je ne comprendrais pas, en qualité de rapporteur pour avis de la commission des finances, que l’on engage le débat sans avoir présents à l’esprit ne serait-ce que les ordres de grandeur pour les comptes de la sécurité sociale pour 2012 – ainsi que pour les années qui suivent, puisque des projections à moyen terme ont été annexées au projet de loi de financement – et la manière dont les mesures annoncées vont s’insérer dans le présent PLFSS.
Nous ignorons, en effet, – et c’est une autre difficulté – comment le Gouvernement entend procéder. Déposera-t-il des amendements sur le présent PLFSS ? Présentera-t-il un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale dans les semaines ou les mois qui viennent ? Nous sommes dans le flou le plus total sur ce point.
Pour toutes ces raisons, je m’associe à la demande de suspension de séance de Mme la présidente de la commission des affaires sociales. Il faut effectivement permettre à la commission des affaires sociales de se réunir afin de chercher la vérité sur ce qui nous attend dans cette discussion et de mesurer les conséquences des annonces qui ont été faites ce matin. Cela me semble être la moindre des choses, ne serait-ce que pour la dignité du travail parlementaire.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Je me joins également à la demande de suspension de séance présentée par Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Comme vient de le rappeler M. le rapporteur pour avis, le Gouvernement a rendu public ce midi des annonces très importantes qui auront des conséquences non négligeables sur le présent PLFSS.
Je considère que nous ne pouvons pas entamer la discussion de ce projet de loi de financement en faisant comme si rien ne s’était passé. Il me semble donc légitime que le Gouvernement nous apporte des éclaircissements, avant que nous ne commencions la discussion de ce texte.
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Le groupe socialiste s’associe lui aussi à la demande de la présidente de la commission des affaires sociales.
Il ne serait pas sérieux d’engager un examen, assorti d’un vote, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale alors que les annonces du Gouvernement emportent des conséquences très importantes pour la suite de nos travaux.
Les trois ministres qui sont parmi nous aujourd’hui ne devraient me semble-t-il voir que des avantages à expliciter les mesures qui ont été évoquées par Mme Jouanno voilà quelques instants.
Une révision était nécessaire. Reste à savoir précisément sur quels points elle doit porter. Les éléments d’information dont nous disposons suscitent de nombreuses réticences, ne serait-ce que sur l’ONDAM, qui va évoluer à la baisse.
Il importe que les membres du Gouvernement présents aujourd’hui nous expliquent comment nous pourrons, dans les mois à venir, assurer le financement des hôpitaux, garantir la prise en charge de nos concitoyens dans de bonnes conditions, alors même que l’on nous annonce un plan d’austérité sans précédent.
Mes chers collègues, nous ne pouvons pas faire comme si ce plan n’existait pas. Travaillons avec sérieux ; mettons à plat, en commission des affaires sociales afin qu’elle puisse se prononcer, l’ensemble des dispositions proposées. Mais puisque nous sommes sérieux, toutes sensibilités politiques confondues, écoutons d’abord les trois ministres concernés nous exposer les motivations du Gouvernement et nous dire ce qu’ils préconisent pour rendre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale cohérent et crédible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, madame et messieurs les rapporteurs, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais prêcher pour que le Sénat discute du projet de loi de financement de la sécurité sociale directement en séance publique, et je vais vous expliquer pourquoi.
Vous avez demandé au Gouvernement, en commission des affaires sociales, de réviser à la baisse les prévisions de croissance de la masse salariale sur lesquelles est fondé le PLFSS, car vous considériez, à juste titre, qu’elles étaient trop optimistes.
M. Jean Desessard. Oui, on vous l’avait dit !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Cette discussion, nous l’avons eue en commission. Nous avons donc déjà débattu de ce point.
Le Président de la République a souhaité attendre la fin du sommet européen pour tirer les conséquences dudit sommet sur la situation de notre pays. Il a ainsi été décidé de revoir à la baisse les prévisions de croissance de la France et de les aligner sur celles de notre voisin allemand, à savoir 1 % au lieu de 1,75 %.
Cette baisse du taux de croissance a bien évidemment un effet quasiment arithmétique sur notre estimation de la progression de la masse salariale pour 2012. Nous considérons que cette progression sera plus faible. Aussi, elle sera ramenée par voie d’amendement, dans le cadre de ce PLFSS, de 3,7 % à 3 %. C’est le seul changement qui interviendra dans le présent PLFSS : aucune des autres mesures annoncées par le Premier ministre ne sera introduite par voie d’amendement. Elles figureront dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale que le Gouvernement présentera, d’ici à deux semaines, en conseil des ministres.
Dans cet intervalle, nous nous attacherons, avec Xavier Bertrand et Roselyne Bachelot-Narquin, à affiner les décisions qui ont été prises, je pense notamment à la baisse de l’ONDAM à 2,5 %, et que nous présenterons en priorité aux commissions des affaires sociales du Sénat et de l’Assemblée nationale. Il y aura donc un temps pour en débattre.
Dans le présent PLFSS, seules changent les prévisions de croissance, revues à la baisse, de la masse salariale. Cela nous conduira à vous proposer de dégrader le solde de ce PLFSS de 1,1 milliard d’euros, avec un solde ramené à 800 millions d’euros du fait des 300 millions d’euros de recettes supplémentaires qui ont été votés à l’Assemblée nationale.
Le reste du PLFSS qui a été présenté à la commission des affaires sociales ne change pas. Ce texte constitue une première étape sur la voie de la réduction du déséquilibre de la sécurité sociale. Dans deux semaines, le Gouvernement déposera un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, après avoir suivi le chemin démocratique : avis du Conseil d’État, présentation en conseil des ministres, avant examen par les commissions des affaires sociales du Sénat et de l’Assemblée nationale, puis en séance publique.
Ce chemin, sans brutalité, de concertation avec les parlementaires, est assez long. C’est pourquoi je vous invite à discuter le présent PLFSS, qui constitue une première étape, avant d’examiner, dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, toutes les mesures que le Premier ministre a annoncées ce matin.
Ensemble, ces deux textes constituent un bloc. Ce que nous voulons in fine, c’est ne pas dégrader nos soldes publics, et assurer, à la fin de l’année, un financement de la sécurité sociale avec un déficit inférieur à 14 milliards d’euros.
M. le président. Après avoir entendu Mme la présidente de la commission des affaires sociales, M. le rapporteur pour avis, les collègues, de la majorité et de l’opposition, qui ont souhaité s’exprimer, puis Mme la ministre, je vous propose, mes chers collègues, de suspendre la séance quinze minutes afin de permettre à la commission de se réunir et d’envisager, avec le Gouvernement, la suite qu’il convient de donner à nos débats.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à seize heures dix.)
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames et monsieur les ministres, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 est assez original et irréel, certes par la nature de la majorité nouvelle du Sénat, mais aussi parce que les données à partir desquelles le texte est équilibré sont fausses. Madame la ministre du budget, nous l’avions dit et vous en étiez convenu.
Nous devrions débattre en définitive d’un nouveau projet de loi de financement de la sécurité sociale, virtuel en quelque sorte : il repose sur des données qui sont rectifiées, réajustées, mais cette fois il n’est plus en équilibre. Il est difficile de combiner les deux.
Vous nous avez indiqué, madame la ministre, qu’il n’était pas possible, dans le respect du parcours démocratique des textes dans notre pays, de donner aujourd’hui au Sénat le détail des mesures qui viendront rectifier le projet de loi de financement de la sécurité sociale existant pour parvenir à la situation d’équilibre. Vous nous avez dit aussi que la déclaration faite ce midi par M. le Premier ministre avait justement pour objet d’éclairer le Sénat sur l’avenir du texte dont il discute aujourd’hui. Nous prenons acte de cette déclaration.
La commission des affaires sociales, mesdames et monsieur les ministres, a la volonté de débattre de ce texte. En effet, les enjeux sont importants pour nos concitoyens : il y va de leur santé, de leur vie professionnelle et familiale ; je pense notamment aux retraites ou encore aux accidents du travail et aux maladies professionnelles.
Nous allons donc, comme vous l’avez souhaité, reprendre le cours du déroulement de cette séance : nous allons vous écouter, mesdames et monsieur les ministres. Mais à l’issue de vos prises de parole, nous demanderons de nouveau une suspension de séance, de façon que les différents rapporteurs, y compris moi-même, puissent, à la lueur des éléments que vous leur fournirez, en espérant que vous leur présenterez à ce stade les amendements qui seront ensuite débattus, modifier leurs interventions.
Dans ces conditions, tout en ayant conscience de toutes les imperfections qui ont déjà été notées et du caractère irréel qui préside à l’examen de ce texte, nous pourrons entrer dans le vif du sujet, c’est-à-dire examiner les différents articles du texte.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je suis tout à fait d’accord avec cette solution, car elle présente l’avantage que le Sénat examine ce projet de loi, qui est le texte fondateur du financement de la sécurité sociale pour 2012.
Après nos interventions liminaires, nous vous présenterons le texte des amendements qui ont pour objet, dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, de rectifier les soldes au vu des nouvelles perspectives de croissance et des nouvelles prévisions de croissance de la masse salariale et donc de recettes des différentes branches de la sécurité sociale. Cette présentation aura lieu dans la formation que vous souhaiterez : soit en commission soit de manière plus informelle.
Nous pourrons ensuite reprendre l’examen de ce texte, qui est, je le rappelle, une étape décisive sur le chemin de la réduction du déséquilibre de notre sécurité sociale.
M. le président. La séance sera donc suspendue après les interventions de Mmes et M. les ministres.
Discussion générale
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les rapporteurs, monsieur le ministre et cher Xavier Bertrand, mesdames les ministres – chère Roselyne, chère Marie-Anne, chère Claude –, mesdames, messieurs les sénateurs, face aux turbulences qui secouent l’économie mondiale, la France doit garder le cap qui est le sien depuis le premier jour de cette crise. Ce cap, c’est celui du désendettement, avec un objectif clair : passer de nouveau sous la barre de 3 % de déficit en 2013 et atteindre l’équilibre budgétaire en 2016.
De fait, dans la situation actuelle de l’économie mondiale, la facilité n’a tout simplement plus sa place. Le temps est venu de le reconnaître et, je veux le croire, sur toutes les travées de cet hémicycle.
La France livre aujourd’hui une bataille décisive : celle de la crédibilité. Et nos meilleures armes, ce sont notre réalisme, notre constance et notre réactivité.
Le réalisme, c’est de tenir compte des évolutions de la situation économique et d’en tirer toutes les conséquences. La croissance mondiale ralentit, dans un climat d’incertitude : comme l’a annoncé le Président de la République, nous abaissons donc à 1 % notre prévision de croissance pour 2012, comme l’ont fait nos voisins Allemands.
La constance, c’est de ne changer ni nos objectifs ni notre stratégie : mesdames, messieurs les sénateurs, la France sera au rendez-vous de ses engagements. Le Premier ministre a annoncé aujourd’hui une série de mesures complémentaires, qui renforcent notre effort structurel de désendettement et qui nous permettront non seulement de ramener le déficit public à 4,5 % de la richesse nationale en 2012, mais aussi de revenir à l’équilibre en 2016, malgré le ralentissement de la croissance.
La réactivité, enfin, c’est de passer aux actes sans délai. Voilà pourquoi le Gouvernement déposera d’ici à deux semaines un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, traduisant les mesures rendues publiques ce matin.
Toutefois, comme je l’ai dit tout à l’heure, le PLFSS que je vous présente et ce texte rectificatif à venir forment un seul et même bloc, fondé sur une seule et même stratégie. Et le cœur de cette stratégie, c’est de faire des économies sur les dépenses publiques, car il s’agit du seul chemin réaliste pour parvenir au désendettement.
Il est impossible de revenir en arrière, et c’est pourquoi deux visions de la politique budgétaire se font face aujourd’hui. Ce PLFSS sonne l’heure de vérité : mesdames, messieurs de l’opposition, vous prétendez vouloir faire des économies. Mais ce ne sont que des paroles, car vos actes, ce sont encore et toujours de nouvelles dépenses, que vous ne savez financer que par des hausses d’impôts ! À l’inverse, la politique du Gouvernement, c’est encore des réformes et toujours des économies (M. Ronan Kerdraon s’exclame.), pour préserver notre croissance et notre modèle social.
Qu’entend faire votre commission des affaires sociales, nouvellement constituée ? Elle veut relever l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, de 2,8 % à 3,6 %. Cette mesure reviendrait à créer 1,2 milliard d’euros de dépenses supplémentaires ! En vérité, avec votre politique du « zéro réforme, zéro économie », vous ne réduiriez pas les déficits, vous les creuseriez !
Vous-même, monsieur le rapporteur général, vous semblez résigné à voir croître indéfiniment les dépenses sociales. Mais, je vous l’assure, ce n’est pas une fatalité : nos réformes ont permis de réaliser des économies considérables sans fragiliser un seul instant nos filets de protection.
Regardez l’assurance maladie : cette année encore, nous allons respecter l’ONDAM, cet objectif national qui, depuis sa création par Alain Juppé en 1997, n’était resté qu’un vœu pieux. Nos dépenses, nous les avons bel et bien maîtrisées, tout en préservant l’excellence d’un système de santé accessible à tous.
Nous devons ce résultat aux réformes que nous avons eu le courage d’engager, celles-là mêmes que vous avez combattues, mesdames et messieurs de l’opposition, et que vous voulez remettre en cause. Je pense notamment à la modernisation de la gouvernance des hôpitaux, menée par Roselyne Bachelot-Narquin puis par Xavier Bertrand, et à la coordination renforcée des soins, avec les agences régionales de santé. Toutes ces réformes nous permettent d’économiser plus de deux milliards d’euros par an.
Et cela se voit : aujourd’hui la France se situe parmi les pays qui maîtrisent le mieux les dépenses de santé : en la matière, elle figure au deuxième rang de l’OCDE. Par contraste, en 2001 et 2002, avec vos solutions, votre politique, notre pays était l’un des plus mauvais élèves de l’Europe : les dépenses augmentaient de 4,6 % ; il se plaçait au neuvième rang, derrière l’Allemagne, l’Italie, le Portugal et même la Grèce.
Quant à nos hôpitaux, leur situation s’améliore…
M. Jacky Le Menn. Vous croyez ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. … parce qu’ils réduisent leurs déficits, dont la somme totale s’élevait à 475 millions d’euros en 2007, et qui n’était plus que de 185 millions en 2010. Un peu partout en France, à Brest, à Reims ou à Toulouse, des centres hospitalo-universitaires retrouvent l’équilibre budgétaire. Allez-vous réellement dire aux Français que votre projet, c’est de faire plonger les comptes de ces structures dans le rouge ?
Ne comptez pas sur nous pour changer de direction : en 2012, nous continuerons à agir sur les dépenses ! Dans le PLFSS déposé par le Gouvernement, l’ONDAM est fixé à 2,8 %, mais nous irons plus loin encore – j’y reviendrai dans un instant. Nous avons d’ores et déjà pris toutes les mesures pour réaliser les 2,2 milliards d’euros d’économies nécessaires au respect de ce premier objectif, grâce aux dispositions que nous allons vous présenter cet après-midi. Et notre stratégie a été jugée crédible par le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie.
Nos efforts porteront en priorité sur les produits de santé et sur l’amélioration du fonctionnement de notre système de soins. L’action que nous menons en matière de médicaments est essentielle, Xavier Bertrand aura l’occasion de vous en parler.
Une chose est certaine : les économies d’ores et déjà prévues par ce PLFSS sur les dépenses d’assurance maladie reposent, à 90 %, sur l’industrie du médicament et sur le système de santé, dont nous améliorons les performances. Nous n’avons pas fait le choix d’augmenter le montant du ticket modérateur ni celui de procéder à des déremboursements massifs.
C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je n’accepte pas l’usage qui est fait d’études plus ou moins fiables relatives au renoncement aux soins. Je l’ai souligné devant la commission des affaires sociales du Sénat : la réalité, ce sont les Français chaque année plus nombreux à être couverts par une complémentaire santé ; ils étaient 91,5 % en 2004, ils sont 94 % en 2008.
M. Ronan Kerdraon. Nous n’avons pas les mêmes chiffres !
Mme Valérie Pécresse, ministre. La réalité, monsieur Kerdraon, c’est un reste à charge parmi les plus bas du monde et qui continue à diminuer : il est passé de 9,7 % en 2008 à 9,4 % aujourd’hui. La réalité, c’est un système de santé qui est sans doute le seul au monde à offrir les soins les plus avancés à tous les patients, quels que soient leurs moyens ou leur origine.
Et ce PLFSS renforcera encore l’accès aux soins : en effet, nous réduisons les déficits tout en renforçant l’aide à l’acquisition d’une assurance complémentaire santé, une aide que nous avons créée en 2005 et que nous n’avons cessé d’étendre depuis lors. Et cette année, en accord avec l’Assemblée nationale, nous relevons une nouvelle fois le plafond de ressources en deçà duquel il est possible d’en bénéficier.
Opposer la maîtrise des dépenses et l’accès aux soins, c’est purement et simplement absurde : c’est céder à la démagogie ; c’est renoncer à protéger notre modèle social. Le Gouvernement, lui, se battra jusqu’au bout pour le préserver grâce aux réformes.
Sur le chemin qui nous mène à l’équilibre des finances publiques, les recettes ne peuvent jouer qu’un rôle complémentaire. Cette conviction fonde notre stratégie depuis trois ans, et il suffit de voir les suggestions de votre commission pour le comprendre : il n’y a pas se solution alternative crédible !
Que nous proposez-vous, monsieur le rapporteur général ? Tout simplement de remettre en cause les allégements de charges sur les bas salaires ! Les 35 heures ont déjà amputé le pouvoir d’achat des Français, affaibli notre compétitivité et augmenté le coût du travail, que vous nous proposez aujourd’hui d’alourdir un peu plus encore, alors même que la croissance est fragile. Il s’agit, à mes yeux, d’un contresens dramatique, car ce sont les Français les moins qualifiés qui paieraient le prix d’une mesure dont le seul effet serait d’augmenter le chômage.
Et ce n’est pas tout : en remettant en cause la défiscalisation des heures supplémentaires, vous retireriez 450 euros par an aux neuf millions de Français qui travaillent plus pour gagner plus. C’est un point que vous passez toujours sous silence, mais je me dois de le rappeler : parmi les premières victimes de votre mesure « anti-heures supplémentaires », il y aura non seulement les ouvriers mais aussi les enseignants.