M. Nicolas Alfonsi. … mais il faut nuancer le propos. En réalité, s’il emploie bien des personnels qui ont servi dans l’armée par le passé – c’est le cas d’environ la moitié des « encadrants » –, l’EPIDE est un dispositif civil, tourné vers l’insertion des jeunes et qui repose sur la pédagogie des travailleurs sociaux.
Par ailleurs, on suggère, sans le dire, qu’il s’agirait d’envoyer dans ces centres des mineurs multirécidivistes ou multiréitérants. C’est une erreur qui doit être corrigée : les cas visés par la proposition de loi, je vous en donne volontiers acte, monsieur le garde des sceaux, concernent des mineurs primo-délinquants ou ayant commis des actes de faible gravité, donc précisément des mineurs qui ne récidivent généralement pas et pour lesquels des mesures de prise en charge en milieu ouvert existent et sont tout à fait efficaces.
Entendons-nous bien, nous ne sommes pas opposés à ce que des mineurs puissent être accueillis en centres EPIDE, si cela correspond à un réel projet de réinsertion. Je relève d’ailleurs qu’il s’agit d’une possibilité depuis 2009, mais que le Gouvernement n’a jamais donné à l’EPIDE les moyens nécessaires.
Le rapport de Virginie Klès est sur ce point particulièrement éclairant.
En revanche, nous pensons que le volontariat est essentiel à la réussite du projet d’insertion. L’EPIDE n’est pas conçu pour accueillir des délinquants, que ce soit dans le cadre d’une alternative aux poursuites ou d’une alternative à la peine. Ce n’est pas sa mission.
Gardons-nous, dès lors, de toute confusion. Avec la PJJ et les associations habilitées, nous disposons d’un personnel de qualité, spécialement formé, dont le métier est précisément de travailler avec les mineurs délinquants sur les actes commis afin d’éviter la récidive. Ils n’y réussissent pas si mal, puisque, on l’a dit à plusieurs reprises, plus de 70 % des mineurs pris en charge par la PJJ ne réitèrent pas.
Cette proposition de loi est une marque de défiance à l’égard de ces personnels. On voudrait nous faire croire que les personnels de la PJJ ne sont pas suffisamment efficaces et que des militaires s’acquitteraient de cette tâche avec davantage de réussite que l’on ne s’y prendrait pas autrement.
En outre, je viens de rappeler que l’EPIDE n’a rien de commun avec cette caricature d’« encadrement militaire » que l’on nous présente souvent.
Je terminerai par quelques mots relatifs aux dispositions sur l’organisation de la justice pénale des mineurs.
En juillet dernier, le Conseil constitutionnel a pris une importante décision en considérant, au nom du principe d’impartialité, qu’un même juge des enfants ne pourrait plus désormais instruire une affaire et présider le tribunal pour enfants chargé de la juger.
Il s’agit là d’un bouleversement profond de l’organisation de la justice pénale des mineurs telle qu’elle était en œuvre depuis 1945.
Il ne m’appartient naturellement pas de critiquer cette décision. Toutefois, je veux souligner que l’adaptation de l’organisation judiciaire ne pourra pas se faire sans tenir compte du principe de continuité du suivi éducatif du mineur, qui irrigue le droit pénal des mineurs et l’ensemble de l’ordonnance de 1945.
Mme Catherine Tasca. C’est l’essentiel !
M. Nicolas Alfonsi. Ce que vous proposez ici est une réforme a minima. Les magistrats pour enfants ont des propositions à faire : il faut prendre le temps de la concertation, ce que le Gouvernement est en mesure de faire puisque le Conseil constitutionnel a fixé la date de l’abrogation au 1er janvier 2013.
Voilà autant de motifs suffisants, monsieur le garde des sceaux, pour voter, avec la majorité de mon groupe, la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli.
Mme Colette Giudicelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son intervention de 1847 sur les prisons à la Chambre des pairs, c'est-à-dire ici même, Victor Hugo affirmait : « Tout homme coupable est une éducation manquée qu’il faut refaire. La prison doit être une école. »
Cette phrase, sur laquelle au moins, j’en suis sûre, nous pouvons nous rassembler, prend tout son sens lorsque l’on évoque la question de la délinquance des mineurs.
La délinquance juvénile dans notre pays est un vrai sujet d’inquiétude. Elle est le résultat de la conjonction de plusieurs phénomènes.
Tout d’abord, la progression significative, depuis plusieurs années, du nombre de délinquants mineurs n’est pas contestable. Il faut tout de même rappeler que la part des mineurs dans la délinquance globale a été de 18,8 % en 2010.
Au total, le nombre de mineurs délinquants confiés à la Protection judiciaire de la jeunesse n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années ; son taux de croissance a été de 44 % entre 2002 et 2010.
Dans mon département, les Alpes-Maritimes, si l’on constate une baisse assez forte – près de 19 % – de la délinquance générale entre 2002 et 2010, la délinquance des mineurs se maintient, elle, à un niveau très élevé.
Ces éléments ne tiennent bien sûr pas compte de l’explosion des incivilités, qui restent trop souvent impunies et sont très mal vécues au quotidien par nos concitoyens.
Cette augmentation du nombre de délinquants mineurs est associée à un rajeunissement des auteurs des infractions et à une aggravation des actes de délinquance.
Les actes de violence des mineurs sont passés de 16 % à 22 % des mises en cause entre 2002 et 2010.
Il faut absolument arrêter ces processus avant que certains mineurs ne deviennent violents et, peut-être, irrécupérables.
Face aux jeunes primo-délinquants désocialisées, en échec scolaire, parfois confrontés à la démission totale des parents, nous devons apporter de manière urgente des réponses spécifiques.
Bien évidemment, nous devons continuer de privilégier les mesures éducatives plutôt que les dispositifs répressifs, comme l’impose l’ordonnance du 2 février 1945. Cela exige de mettre de nombreux outils à la disposition de l’autorité judiciaire.
C’est une erreur de penser que l’autorité judiciaire disposerait aujourd’hui d’un éventail formidable de solutions suffisamment larges pour répondre à toutes les situations : en dépit des différents dispositifs existants, les solutions apportées restent finalement peu variées.
Le contrat de service citoyen n’est pas seulement une alternative à la prison. Le texte tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale complète utilement l’ensemble des dispositifs existants entre, d’une part, les foyers classiques et, d’autre part, les centres éducatifs fermés, que nous avons créés en 2002.
Le contrat de service citoyen, que je défends, est effectivement le chaînon qui manquait à notre réponse pénale. Il participera au processus de resocialisation des mineurs primo-délinquants.
Il sera prononcé par le magistrat au titre de la composition pénale ou dans le cadre d’un ajournement de peine, voire d’une peine d’emprisonnement avec sursis accompagné d’une mise à l’épreuve.
Certes, plusieurs questions se posent.
Pour mettre en œuvre le contrat de service citoyen, était-il souhaitable de créer un nouveau type de centre de discipline et de réinsertion à côté des foyers, des autres structures d’accueil et des centres éducatifs fermés ?
À cet égard, je partage totalement les points de vue du député Éric Ciotti et du Gouvernement : il fallait tirer parti de l’existence et de l’expérience des centres gérés par l’Établissement public d’insertion de la défense, créé en 2005.
Ces établissements assurent déjà l’insertion sociale et professionnelle de jeunes adultes en difficulté, en risque de marginalisation et volontaires.
S’appuyant sur le programme dispensé au sein des centres EPIDE, le contrat de service citoyen a trois objectifs : assurer une mise à niveau en français, orthographe et mathématiques ; dispenser une formation civique et comportementale ; offrir une préformation professionnelle.
Ce programme a démontré son efficacité, puisque le taux de réussite dans les centres EPIDE est de plus de 80 % pour ceux qui ont eu le courage d’aller jusqu’au bout du parcours.
Seconde question, peut-on mélanger des publics très différents ? Aurait-on d’un côté des jeunes volontaires décidés à s’en sortir et, de l’autre, des jeunes délinquants irrécupérables qui ne le seraient pas ?
Le contrat de service citoyen ne s’adressera qu’à des mineurs âgés de plus de seize ans primo-délinquants ou ayant commis des faits d’une faible gravité et, surtout, ayant exprimé leur consentement.
La caractéristique essentielle du dispositif est, effectivement, qu’il repose sur le volontariat. Il n’y a pas de réinsertion, pas d’insertion possible sans adhésion de l’intéressé.
Dans ce cadre, il est essentiel que le juge s’assure de la réelle adhésion des jeunes concernés. Faisons donc confiance à la justice pour apprécier leur degré de motivation.
Contrairement à ce que nous avons pu entendre, la proposition de loi d’Éric Ciotti ne dénature nullement la vocation initiale des centres EPIDE, et cela pour deux raisons.
D’une part, il a toujours été prévu que les jeunes délinquants restent minoritaires dans les EPIDE. En réalité, ils ne dépasseront pas plus de 10 % des effectifs de chaque centre. Cela a été dit, 200 jeunes par an seront concernés dans un premier temps ; dès février 2012, les premiers d’entre eux seront accueillis.
D’autre part, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, « l’EPIDE et la Protection judiciaire de la jeunesse travaillent déjà ensemble à la réinsertion de jeunes qui, ayant purgé leur peine, souhaitent s’engager dans un projet de formation professionnelle ».
Pour l’ensemble de ces raisons, je suis favorable au service citoyen, ainsi qu’aux diverses dispositions contenues dans la présente proposition de loi.
Nous ne devons négliger aucune solution qui puisse faire régresser la délinquance, laquelle mine nombre de quartiers et de nos villes.
Pour ce qui est du présent débat, je regrette que la commission des lois se soit contentée de proposer au Sénat l’adoption d’une motion tendant à opposer la question préalable.
D’abord, recourir à cette procédure, c’est considérer qu’il est inutile de délibérer au fond. Vous empêchez donc par là même le Sénat, chers collègues, de jouer son rôle de réflexion sur un sujet important et vous le privez de la possibilité d’amender et d’enrichir le texte.
Vous auriez pu proposer un autre texte, un contre-projet, qui réponde à la question qui nous est posée aujourd’hui : quelles solutions proposons-nous pour répondre à la délinquance des mineurs ?
Enfin et surtout, je constate que vous ne formulez aucune proposition. Je le regrette vivement.
Pour l’ensemble de ces raisons, je ne voterai pas la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je suis tenté de commencer mon intervention par une question que j’ai déjà été amené à poser ces derniers temps : quelle est l’utilité réelle de cette proposition de loi ou, plutôt, est-elle vraiment indispensable ?
Au vu du nombre de textes qui nous ont été soumis ces derniers mois en matière de justice et de sécurité, on est en droit de s’interroger.
La délinquance des mineurs est un problème très important, et il ne s’agit pas ici de minimiser cette problématique, bien au contraire.
Il s’agit de s’interroger sur la pertinence de la méthode consistant à faire évoluer en permanence des textes sur des sujets qui nécessitent au contraire, me semble-t-il, un travail et une réflexion de fond.
Je ne dis pas qu’il ne faut pas rechercher des solutions innovantes en matière de lutte contre la délinquance des mineurs, mais est-il raisonnable de procéder à peu près tous les trois mois à des modifications de l’ordonnance de 1945 ?
Déjà, lors de l’examen du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, j’avais regretté l’abandon de fait du projet d’un code pénal des mineurs, qui avait été annoncé en 2008 et devait constituer la réforme d’ensemble de cette matière.
Mme Catherine Tasca. On en a pourtant bien besoin !
M. Yves Détraigne. Sauf erreur de ma part, on nous propose aujourd’hui de modifier pour la trente-troisième fois ce texte fondateur qu’est l’ordonnance de 1945, devenue au fil des ans d’une complexité qui nuit à la clarté et à la compréhensibilité de notre droit.
Pourquoi renoncer à une vraie réforme d’ensemble sur un sujet de fond, au profit d’un énième « rafistolage » de l’ordonnance de 1945 ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est juste !
M. Yves Détraigne. Laissons aux acteurs de ce secteur le temps de travailler et ne bouleversons pas tout en permanence.
Cette réflexion sur le temps doit être complétée par une réflexion sur les moyens financiers. À l’instar de ce qui s’est passé lors de la création des jurés populaires en matière correctionnelle, on nous annonce, dans un contexte budgétaire que nous savons tous extrêmement serré et auquel n’échappe pas le monde judiciaire, que ce service citoyen bénéficiera du « redéploiement » de 8 millions d’euros. Ne ferait-on pas mieux de renforcer les moyens existants plutôt que de redéployer 8 millions d’euros pour la mise en œuvre d’une mesure dont l’efficacité n’est pas démontrée ?
En effet, si la proposition de loi de M. Ciotti peut, à première vue, paraître séduisante, elle n’est pas sans inconvénients.
Son dispositif est assez simple : il s’agit de créer une nouvelle mesure pénale consistant en l’exécution par le mineur de plus de seize ans auteur d’une infraction d’un contrat de service en établissement public d’insertion de la défense.
L’idée paraît de prime abord intéressante, mais, comme cela a déjà été rappelé, le problème est de savoir si les centres relevant de l’EPIDE ne seront pas demain totalement déstabilisés par l’arrivée de ces mineurs délinquants. (Mme Sylvie Goy-Chavent approuve.)
Actuellement, ces structures fonctionnent bien. Ce constat est partagé sur toutes les travées, y compris par ceux qui avaient dénoncé la création de ces établissements.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
Mme Sylvie Goy-Chavent. Exactement !
M. Yves Détraigne. Mais peu importe ; l’essentiel est qu’aujourd’hui tout le monde soit d’accord sur le constat : ces structures sont utiles et donnent des résultats, notamment en matière de réinsertion par la formation professionnelle, puisque 73 % – Mme la rapporteure a évoqué tout à l’heure un taux de 40 % à 50 % – des jeunes qui vont jusqu’au bout du parcours parviennent à s’insérer.
Demain, les centres relevant de l’EPIDE devront accueillir des mineurs délinquants contraints de fait par une décision de justice, ce qui risque de remettre en cause leur attractivité et leur rôle et de perturber les jeunes ayant intégré ces établissements sur la base du volontariat.
Je sais bien que le texte ne prévoit pas formellement de contrainte pour le mineur délinquant, mais peut-on réellement parler de volontariat quand la conclusion d’un contrat dit « de volontariat pour l’insertion » permet d’obtenir un abandon des poursuites, un ajournement de la peine ou un sursis ? Je m’interroge donc, comme Mme la rapporteure, sur la portée de ce qu’elle a justement appelé un « consentement sous contrainte ».
C’est la critique majeure que l’on peut adresser à ce texte : le dispositif mélange des publics très différents, puisque les centres relevant de l’EPIDE accueilleraient à la fois des jeunes volontaires pour les intégrer et d’autres contraints par une décision de justice. La proposition de loi risque ce faisant de dénaturer la vocation initiale de ces centres, qui repose sur un recrutement de jeunes en difficulté sur la base du volontariat.
De plus, je m’interroge sur l’adhésion des personnels concernés. Selon moi, l’implication des acteurs de terrain dans la définition et la mise en œuvre des décisions politiques est indispensable à la réussite de celle-ci. Or les personnels des centres relevant de l’EPIDE semblent dubitatifs et inquiets face à cette proposition de loi.
Enfin, il me semble inopportun de susciter dans l’opinion publique des confusions quant au rôle des militaires dans notre société, lequel n’est pas de prendre en charge la délinquance des mineurs. Les militaires ne sont pas préparés à encadrer de jeunes délinquants.
Pour conclure, je ferai une remarque sur la forme.
On l’aura compris, en l’état, mon avis sur ce texte n’est pas favorable. Mais devait-on s’arrêter là ? Je ne le pense pas. Ce texte pouvait être amélioré, amendé. Des garanties complémentaires auraient pu – auraient dû – être introduites. C’est ainsi que le Sénat apporte une plus-value au travail de l’Assemblée nationale, c’est ainsi que nous jouons notre rôle de parlementaires !
Comme notre collègue Christian Cointat en commission, je regrette que le vote annoncé d’une motion tendant à opposer la question préalable nous prive définitivement de la possibilité d’améliorer le texte et de faire ainsi notre travail.
M. Louis Nègre. Bravo !
M. Yves Détraigne. Je ne pense pas que l’on puisse revaloriser le rôle du Sénat en procédant de cette manière ; bien au contraire ! (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Félix Desplan.
M. Félix Desplan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le problème des mineurs délinquants est réel. Il est sérieux et nous devons nous en préoccuper chaque jour un peu plus. Cela est vrai en métropole comme outre-mer. Un congrès consacré spécifiquement à ce fait de société se tiendra d’ailleurs en Guadeloupe avant la fin de l’année.
La création de centres relevant de l’EPIDE n’a pas été étendue aux départements d’outre-mer. Ces structures n’existent donc pas dans nos territoires, alors que, partout, le mal-être de notre jeunesse est patent. Est-ce le fait d’une négligence de nos gouvernants ? Est-ce le coût de fonctionnement de ces centres qui est en cause ?
Du reste, nous observons que, sur le territoire métropolitain, le dispositif prévu n’est pas totalement appliqué. En effet, si la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie autorise les centres relevant de l’EPIDE à accueillir des mineurs, tel n’est pas le cas dans les faits.
A-t-on pensé que le service militaire adapté, le SMA, pouvait à lui seul assurer dans les DOM la prise en charge de nos jeunes en difficulté sur le plan de la formation et de l’insertion professionnelles ?
Rappelons que le SMA est un dispositif militaire, dont le recrutement repose sur le volontariat et qui vient en aide aux jeunes ultramarins en difficulté. Ces derniers reçoivent une formation humaine, comportementale, scolaire et professionnelle, visant à les amener vers l’insertion dans la vie active civile, soit par le biais de contrats d’embauche, soit par l’entrée en formation professionnelle certifiante.
Toutefois, en moyenne, seul un candidat au SMA sur six est actuellement accepté. Il s’agit donc d’un système sélectif à destination de jeunes en difficulté mais présentant déjà un bon potentiel au regard de l’insertion.
Une montée en puissance de ce dispositif est prévue, puisqu’il est envisagé de doubler le nombre de ses bénéficiaires à l’horizon 2014, pour le porter à 6 000. Il ne faut pas, cependant, que cela se fasse au détriment de la durée et de la qualité de la formation donnée.
Les résultats peuvent être considérés comme très encourageants, avec un taux d’insertion variant de 64 % à plus de 80 % selon les départements. (M. Alain Gournac approuve.)
Est envisagé le lancement à l’horizon 2012-2013, en coopération avec l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, d’une solution d’insertion en France métropolitaine pour 1 200 jeunes volontaires domiens. Il est toutefois à craindre que le taux de réussite ne soit moindre pour ces jeunes éloignés de leurs centres d’intérêt et de leurs proches.
Mais, là aussi, ne sont concernés que les jeunes adultes de dix-huit à vingt-cinq ans en situation d’échec, à l’exclusion des mineurs. Quant aux mineurs délinquants, il n’existe pour eux aucune solution véritable.
Certes, la délinquance juvénile est, en pourcentage, moins importante dans les territoires ultramarins qu’en métropole. Certains chiffres en témoignent : ainsi, la part des mineurs dans les atteintes volontaires à l’intégrité physique est de 17,23 % dans les DOM, hors Mayotte, et de 21,50 % en métropole ; les mineurs représentent 28,53 % du total des mis en cause pour les atteintes aux biens dans les DOM, contre 33,76 % en métropole.
Cependant, on assiste aujourd’hui dans les DOM, les statistiques les plus récentes en attestent, à une forte croissance des comportements répréhensibles parmi les mineurs. Ainsi, en 2010, la part des mineurs dans les atteintes volontaires à l’intégrité physique a augmenté de 0,97 point dans les DOM, contre 0,5 point en métropole ; cette même année, la part des mineurs dans le total des personnes mises en cause au titre des atteintes aux biens a progressé de 1,66 point dans les DOM, contre 0,12 point en métropole.
Peut-on rester les bras croisés face à ce phénomène ?
M. Louis Nègre. Non !
M. Félix Desplan. Peut-on faire semblant de prendre à bras-le-corps la situation en recourant à des mesures d’affichage politique ?
MM. Alain Gournac et Louis Nègre. Non !
M. Félix Desplan. En Guadeloupe, pour l’année en cours, on a recouru aux travaux d’intérêt général, les TIG, dans une vingtaine de cas en moyenne par mois. Alternative à l’incarcération, censée éviter la récidive et destinée à organiser la réinsertion, cette mesure est prononcée à l’encontre non seulement des majeurs, mais aussi des mineurs, à titre de peine principale ou en complément d’une peine de prison avec sursis. Il s’agit d’effectuer un travail non rémunéré au bénéfice d’une association, d’une collectivité publique, d’un établissement public ou d’une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public.
Il est toutefois à noter que la dimension d’« intérêt général » du travail ne va pas de soi pour l’adolescent. Notamment, le choix du lieu d’exécution de la mesure apparaît important par rapport à l’objectif visé.
En Guadeloupe, comme dans les autres départements ultramarins, la mise en œuvre des travaux d’intérêt général connaît des carences multiples : dérives nombreuses liées à l’absence de réel suivi des jeunes concernés ; orientation vers un lieu d’exécution sans accompagnement approprié ; absence de bilan systématique à la fin de la période de prise en charge ; lieux d’exécution n’offrant pas de personnel encadrant capable d’intervenir sur les plans éducatif et social… En outre, nombre des adolescents effectuant des TIG sont des consommateurs de drogue, qui récidivent par la suite.
Des améliorations au dispositif des TIG peuvent être trouvées : il y faut de la volonté, certes, mais aussi des moyens en rapport avec les objectifs visés.
Parallèlement, la mise en place en outre-mer de centres relevant de l’EPIDE ne serait pas superflue. En effet, le taux de chômage des jeunes actifs de quinze à vingt-cinq ans y est tout particulièrement préoccupant, puisqu’il atteint 60 % dans plusieurs départements. La création de tels centres serait donc bienvenue pour accueillir tous ces jeunes en situation de détresse sociale. Toutefois, elle ne saurait constituer une véritable solution en vue de l’insertion des mineurs délinquants. Il convient à cet égard de poursuivre la réflexion afin de proposer d’autres solutions d’encadrement, plus adaptées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)