M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier, auteur de la question n° 1403, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
M. Alain Fauconnier. Madame la secrétaire d’État, la situation des personnes handicapées ne laisse personne indifférent sur ces travées. Nous le constatons tous les jours dans nos collectivités territoriales.
C’est pourquoi un point très particulier les concernant nous préoccupe. Il s’agit de la réforme des modalités d’évaluation des ressources prises en compte pour le calcul des droits à l’allocation aux adultes handicapés, ou AAH, organisée par le décret n° 2010–1403 du 12 novembre 2010, et entrée en vigueur depuis peu.
Avant cette réforme, en effet, les frais professionnels étaient calculés soit forfaitairement, à hauteur de 10 % des revenus, soit sur les frais réels, en suivant le barème fiscal en vigueur. Or, selon les responsables des associations de personnes handicapées et les intéressés eux-mêmes, il semblerait que seuls les frais forfaitaires de 10 % soient désormais retenus, ce qui serait moins avantageux pour les intéressés.
Auparavant, l’AAH était accordée en fonction des ressources annuelles, que l’on travaille ou non. La Caisse d’allocations familiales, ou CAF, effectuait alors un abattement à hauteur de 10 % des revenus ou des frais réels de la personne handicapée et de son conjoint. Ces revenus ne devaient pas atteindre un plafond de ressources. Ce plafond était égal à 8 892 euros – soit le montant mensuel multiplié par douze – pour une personne seule, au double pour un couple. On y ajoutait 4 446 euros par enfant à charge.
Pour le calcul de l’AAH, la CAF faisait la différence entre ce plafond de ressources et les revenus après abattement. Elle divisait ensuite ce montant par deux et obtenait l’allocation mensuelle.
Aujourd’hui, pour les handicapés qui travaillent – la réforme ne concerne pas ceux qui ne travaillent pas –, la déclaration de ressources se fait trimestriellement et l’abattement des frais réels est supprimé, ce qui est très désavantageux pour les personnes travaillant loin de leur domicile, en particulier en milieu rural. De plus, les primes éventuelles, comme le treizième mois, ne sont plus lissées sur l’année, elles sont déclarées chaque trimestre. Les bénéficiaires ne touchent donc plus le même montant d’AAH et les abattements supplémentaires ne représentent plus rien par rapport à la suppression des frais réels et à la trimestrialisation des revenus.
À l’heure où le pouvoir d’achat des Français est en situation de baisse généralisée, il n’est pas acceptable que l’État accentue cette baisse au sein des populations les plus fragiles, parmi lesquelles figurent les personnes handicapées.
Ma question est donc double. Le Gouvernement a-t-il fait procéder à une évaluation sérieuse des conséquences financières de cette réforme sur les personnes handicapées bénéficiaires de l’AAH ? De quelle manière envisage-t-il de rectifier le dispositif instauré pour éviter que ces bénéficiaires de l’AAH ne soient les perdants de cette réforme ?
Après tant d’effets d’annonce par les gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans, les associations de personnes handicapées ne cachent plus, aujourd’hui, leur déception. Depuis les difficultés d’intégration à l’école et dans le monde du travail, en passant par les difficultés liées aux normes d’accessibilité, jusqu’à la réforme de l’AAH, les problèmes se sont accumulés, et les associations de personnes handicapées entendent désormais que le Gouvernement fasse preuve de plus de franchise à leur sujet.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le sénateur Fauconnier, depuis le 1er janvier 2011, les modalités de calcul de l’AAH ont été modifiées afin de simplifier et de rendre plus avantageux le mécanisme d’intéressement permettant de cumuler AAH et salaire et de le rendre plus équitable entre les personnes handicapées, quel que soit leur taux d’incapacité permanente.
Désormais, la nouvelle réglementation permet aux allocataires qui peuvent exercer une activité professionnelle, même à temps très partiel, de cumuler l’allocation avec des revenus d’activité, et ce jusqu’à environ 132 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance, contre quelque 110 % auparavant. C’était une revendication des personnes handicapées : elles ont obtenu gain de cause.
Par ailleurs, les bénéficiaires de l’AAH percevant des revenus tirés de l’exercice d’une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail bénéficient depuis janvier 2011 d’un réexamen de leur droit à l’AAH tous les trois mois. Cela permet, grâce au remplissage d’une déclaration trimestrielle de ressources, d’ajuster de manière très réactive le montant de l’AAH en fonction des fluctuations, parfois très évolutives sur de courtes périodes, des ressources des intéressés. Cela est particulièrement vrai pour les personnes affectées d’un handicap psychique.
Pour concevoir un mode de calcul trimestriel de l’AAH à partir de règles de traitement des ressources – qui reposent en grande partie sur le traitement par l’administration fiscale des ressources déclarées annuellement pour le calcul de l’impôt sur le revenu –, il a été nécessaire, en effet, d’ajuster certaines modalités, dont la possibilité de choisir entre le forfait de 10 % au titre des frais professionnels ou la déclaration en euros des frais réels constatés sur une année civile.
En l’occurrence, l’intéressé n’étant pas en mesure, en cours d’année, de pouvoir se déterminer sur son intérêt à opter pour l’un ou l’autre des systèmes, il est apparu préférable d’intégrer d’office l’abattement de 10 % au titre des frais professionnels dans le mécanisme de traitement des ressources déclarées trimestriellement.
Ce choix est favorable aux bénéficiaires. Cela leur évite de procéder à un calcul complexe et de prendre un risque quant à la stratégie à adopter en fin d’année à partir des montants précis des dépenses de frais professionnels. En outre, il permet d’éviter d’éventuels indus d’AAH qui seraient constatés plusieurs mois plus tard et qui seraient susceptibles de mettre en difficulté le bénéficiaire en fragilisant l’équilibre de ses finances, ce qui n’est évidemment pas le but de l’opération.
Je rappelle enfin, concernant la revalorisation du montant maximal de l’AAH, que celui-ci a été revalorisé six fois depuis 2008. Depuis le 1er septembre 2011, son montant est de 743,62 euros, soit près de 20 % de plus par rapport à décembre 2007. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, cette revalorisation se poursuivra en 2012 et portera l’augmentation de l’AAH à 25 % par rapport à décembre 2007, conformément aux engagements pris en ce domaine par le Président de la République.
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.
M. Alain Fauconnier. J’entends votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais je vous transmettrai une lettre, à laquelle je souhaiterais que vous répondiez, d’une correspondante qui m’indique avec précision qu’elle perd 150 euros par mois depuis la mise en place de la réforme.
Je ne peux pas laisser dire que cette réforme est systématiquement favorable aux bénéficiaires de l’AAH. Je renouvelle donc ma demande d’une évaluation des conséquences de la réforme, pour faire en sorte que les quelques cas qui se trouvent défavorisés par elle puissent se voir proposer une solution rapide.
Je comprends tout à fait que la situation économique actuelle est telle que Bercy cherche à glaner quelques euros ici ou là.
M. Alain Fauconnier. Je pense néanmoins que cet argent doit être trouvé ailleurs.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Nous allons nous pencher sur ce cas, monsieur le sénateur.
durée d'engagement des abonnés de téléphonie mobile
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 1367, adressée à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.
M. Jacques Mézard. Je souhaitais attirer l’attention M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation sur la question de la durée d’engagement pour les souscripteurs d’un abonnement de téléphonie mobile.
En effet, 75 % des abonnés souscrivent aujourd'hui un engagement de deux ans, ce qui a pour conséquence de freiner significativement leur mobilité et donc la concurrence dans le secteur de la téléphonie mobile. À ce titre, l’avant-dernier observatoire trimestriel de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, montre la percée de nouveaux opérateurs, dits « MVNO », ou Mobile Virtual Network Operator, sur le marché national, qui se distinguent des trois grands opérateurs dits « de réseau » car ils ne possèdent ni de spectre de fréquence propre ni d’infrastructures de télécommunication. Ces MVNO achètent des minutes de téléphonie aux opérateurs traditionnels qu’ils revendent ensuite à leurs clients.
Après avoir longtemps stagné, la part de marché de ces nouveaux opérateurs a connu une forte progression au cours des derniers mois. Si l’offre des MVNO s’est significativement améliorée, cette hausse s’explique aussi par l’opportunité, pour certains consommateurs, de résilier leur abonnement sans frais à la suite de la hausse de la TVA. La rapide progression de ce mode opératoire montre donc que la fidélité des abonnés est aujourd'hui contrainte, ce que nous savons tous pour l’avoir largement constaté.
C’est pourquoi nous considérons qu’il importe de réduire la durée maximale d’engagement à douze mois au lieu de vingt-quatre – mesure que l’ARCEP a recommandée dès 2006 –, ce qui aurait pour conséquence de dynamiser la concurrence et de favoriser l’arrivée prochaine sur le marché d’un autre opérateur. Dans la lignée des mesures visant à renforcer les droits et la protection des consommateurs, cette mesure paraît tout à fait adaptée. Je souhaite donc savoir quelles sont les intentions du Gouvernement à ce sujet.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. Je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Frédéric Lefebvre pour son absence. Il préside aujourd’hui le T20, réunion des ministres du tourisme des vingt principales économies mondiales.
Il partage votre souhait de renforcer les droits et la protection du consommateur. C’est même une priorité du Gouvernement, puisque, à cette fin, Frédéric Lefebvre a élaboré et défendu un projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, adopté par l’Assemblée nationale le 11 octobre dernier.
Frédéric Lefebvre m’a toutefois chargé de vous dire que l’idée d’interdire aux opérateurs de proposer des offres engageant le consommateur au-delà de douze mois lui semblait inopportune et risquerait même d’aboutir au résultat inverse à celui que vous recherchez.
Tout d’abord, remettre en cause ces pratiques aurait une incidence directe sur les équilibres économiques du marché, car la durée d’engagement est la contrepartie du subventionnement du terminal.
Limiter la durée maximale de l’engagement pourrait donc, au lieu de favoriser les consommateurs, leur nuire de deux façons. Cela engendrerait d’abord une forte hausse des prix des terminaux. En outre, la qualité du service proposé par l’opérateur pourrait être dégradée à moyen terme car la remise en cause du modèle économique pourrait fragiliser sa capacité à investir dans le développement de ses infrastructures.
Pour renforcer la protection des consommateurs, il importe en revanche que le consommateur soit protégé contre toute forme d’abus et mieux informé afin de pouvoir faire jouer efficacement la concurrence. Depuis l’adoption de la loi Chatel, il peut mettre fin à son contrat sans pénalité excessive. Le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, cité précédemment et actuellement en navette, contient une mesure obligeant les opérateurs à proposer une offre sans engagement. Cela vient améliorer la transparence sur la valeur exacte du terminal, indépendamment de l’engagement.
Enfin, pour que le consommateur soit mieux informé, le même projet de loi impose aux opérateurs de lui proposer une fois par an des conseils personnalisés.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Un certain de nombre de progrès dans la protection du consommateur est effectivement à constater, mais il faut dire que nous partons de très loin en matière de téléphonie ! Ces progrès sont en outre, aujourd'hui, très insuffisants. Une fois encore, la réponse qui nous est apportée porte plus sur la protection des grands opérateurs que sur celle du consommateur, avec, naturellement, les conséquences financières qui en découlent.
Monsieur le secrétaire d’État, le texte dont vous avez parlé, qui a été adopté par l’Assemblée nationale et que nous étudierons bientôt au Sénat, est tout à fait révélateur de cet état de fait, même s’il apporte en effet quelques progrès. Il en va de même en ce qui concerne le démarchage téléphonique, puisque, au lieu de protéger le consommateur, ce texte protège les centres d’appel.
C’est un débat qui n’est pas clos et qui, manifestement, démontre que nous ne sommes pas tout à fait sur la même longueur d’onde.
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, auteur de la question n° 1387, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Robert del Picchia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voulais ce matin attirer votre attention sur la mise en œuvre de l’exit tax par les États-Unis.
Pour résumer, je rappellerai simplement que cette taxe d’expatriation vise les personnes renonçant soit à leur citoyenneté américaine, soit à leur statut de résident permanent aux États-Unis et disposant de revenus et d’un patrimoine importants.
Elle touche en particulier nos ressortissants quittant les États-Unis pour aller travailler ailleurs ou pour venir prendre leur retraite en France.
Le fait générateur de cet impôt est déterminé non pas par la cession des biens détenus par le contribuable, mais par le transfert du domicile fiscal hors des États-Unis.
Une vente virtuelle de l’ensemble des actifs non seulement aux États-Unis, mais des actifs mondiaux de l’expatrié est réputée être effectuée le jour précédant l’expatriation, c'est-à-dire le jour où il quitte les États-Unis. La plus-value est taxée à la valeur de marché sur la fraction supérieure à 600 000 dollars, soit moins de 500 000 euros.
Pour les pensions, il y a soit une retenue à la source au taux de 30 %, soit une taxation sur la valeur actuelle des pensions latentes sans abattement, ce qui est le cas, semble-t-il, pour les anciens fonctionnaires internationaux.
Le montant de cette taxe est tel que certains de nos compatriotes ne peuvent plus rentrer en France et sont de facto contraints de rester aux États-Unis ou de prendre la nationalité américaine.
Cette situation, outre qu’elle porte atteinte aux libertés individuelles de nos concitoyens, prive la France de contribuables qui sont, pour certains, particulièrement aisés et pourraient aider au dynamisme de notre économie par leurs dépenses ou à l’augmentation des ressources publiques par leurs impôts. Il est donc souhaitable qu’ils puissent ramener leurs avoirs des États-Unis vers la France.
N’ayant pas pu obtenir de réponse claire de la part de l’ambassade des États-Unis, je souhaiterais avoir des précisions sur l’assiette et le taux de cette taxe américaine s’agissant, d’une part, des biens mobiliers et immobiliers et, d’autre part, des pensions de retraite.
Je voudrais également savoir si la convention fiscale franco-américaine permet d’éviter une double imposition à l’ensemble de nos ressortissants. Et qu’en est-il pour les fonctionnaires internationaux, auxquels cette convention ne s’applique pas ?
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous m’indiquer quelle est la position de nos partenaires européens sur cette taxe américaine ? Le gouvernement français entend-il appliquer le principe de réciprocité ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. Monsieur le sénateur Robert del Picchia, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui ne peut pas être présent aujourd’hui et vous prie de bien vouloir l’en excuser, m’a chargé de répondre à votre question.
Vous faites part de votre préoccupation à propos de nos compatriotes qui ont exercé pendant plusieurs années une activité professionnelle outre-Atlantique et qui sont désormais susceptibles d’être assujettis à la taxe d’expatriation mise en place aux États-Unis lors de leur retour en France.
Le Gouvernement est évidemment soucieux des intérêts de ses concitoyens et reste particulièrement vigilant quant au règlement des difficultés auxquelles ils pourraient être confrontés.
Dans son principe, la taxe d’expatriation, la fameuse exit tax, mise en place en 2008 frappe, sous certaines conditions, les revenus, biens et gains des résidents qui renoncent à la citoyenneté américaine ou à leur statut de résident.
Comme vous le savez, cet impôt est prélevé sur certaines pensions et sur le patrimoine détenu dans le monde par les intéressés.
Dans sa mise en œuvre pratique, cette taxation nécessite toutefois de tenir compte de certains critères tenant à la vie personnelle, aux revenus et au statut juridique des personnes concernées. Aussi, afin d’en connaître les modalités précises d’application eu égard à leur situation particulière, celles-ci pourront utilement se rapprocher de l’Internal Revenue Service, ou IRS, l’agence fédérale américaine chargée de la fiscalité et de l’application de la réglementation interne, plutôt que du ministère français de l’économie et des finances, monsieur le sénateur.
Par la suite, ces personnes pourront se rapprocher des services de Bercy si elles estiment subir une double imposition justifiant un examen par leurs soins.
Enfin, je tiens à vous préciser que, lors de la négociation de l’avenant du 13 janvier 2009 à la convention fiscale entre la France et les États-Unis, la France a obtenu le droit de pouvoir mettre en place des impositions à la charge d’anciens résidents de France. Il y a donc réciprocité.
D’ailleurs, l’article 48 de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 a introduit une disposition visant, sous certaines conditions, à taxer certaines des plus-values des résidents qui transfèrent leur domicile hors de France, et ce à compter du 3 mars 2011.
Ces éléments témoignent, me semble-t-il, de la volonté de la France de préserver les intérêts de ses ressortissants installés à l’étranger, de garantir un équilibre dans ses relations avec ses partenaires et de défendre au mieux ses intérêts financiers.
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
Il est vrai que certains de nos compatriotes ont déjà fait appel aux services des taxes américaines pour obtenir des explications.
Mais il reste tout de même des points litigieux.
Prenons l’exemple des pensions latentes, qui ne sont pas encore perçues puisqu’elles sont calculées sur l’espérance de vie de la personne. Lorsque des résidents quittent les États-Unis, ils doivent donc payer la taxe sur ces pensions, qu’ils toucheront seulement si les estimations quant à leur espérance de vie se vérifient !
Pour ma part, j’aimerais savoir comment nos compatriotes vivant aux États-Unis perçoivent une telle situation.
D’ailleurs, j’ai une interrogation. Nous avons intégré une dérogation à la convention fiscale entre la France et les États-Unis afin d’éviter les cas de doubles impositions. Mais nous n’avons pas exigé la réciprocité.
Certes, et vous l’avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, la nouvelle législation permet de taxer les résidents américains dont les avoirs quittent le territoire français, mais à un niveau plus faible que ce qui se pratique aux États-Unis.
modalités de calcul de la taxe foncière pour favoriser l'investissement et la modernisation de l'immobilier de production
M. le président. La parole est à M. François Patriat, auteur de la question n° 1392, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. François Patriat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question porte sur un cas particulier, mais qui illustre parfaitement les difficultés rencontrées par les territoires pour maintenir une activité industrielle, même avec la participation des collectivités locales.
Je participais hier aux états généraux de l’industrie à Dijon, en compagnie de Mme la préfète. Quelles réponses pouvons-nous apporter lorsque nous sommes confrontés à des situations comme celle dont je voudrais à présent vous entretenir ?
Je souhaite en effet vous interroger sur le calcul de la taxe foncière afin de ne pas pénaliser l’investissement et la modernisation de l’immobilier de production, notamment dans les cas de la réhabilitation de sites industriels à la suite de sinistres. C’est évidemment un cas particulier, mais qui a des conséquences importantes.
Je voudrais évoquer Gewiss. Originaire d’Italie, plus précisément de Bergame, ce groupe spécialisé dans les matériels électriques a une usine dans un petit canton de 2 000 habitants en Côte-d’Or, dont c’est d’ailleurs l’unique activité ; quatre-vingts personnes sont employées à la fabrication de chemins de câbles.
À la suite d’un sinistre majeur dû à la neige en 2006 qui a entraîné la destruction de ses ateliers, le groupe a été dans l’obligation d’investir 12,5 millions d’euros pour relancer son activité, avec la participation de la région et du département, à hauteur respectivement de 1,5 million d’euros et de 700 000 euros. Mais l’entreprise a vu en contrepartie ses impôts et taxes foncières augmenter de manière très importante, passant de 334 000 euros en 2007 à 545 000 euros en 2010.
Certes, et je le comprends bien, une telle augmentation résulte du mode de calcul de la taxe foncière, qui est assise sur la valeur de l’investissement, et non sur la valeur marchande de l’immeuble.
Mais, dans ce cas précis, et face à cette pression fiscale supplémentaire, les actionnaires italiens du groupe Gewiss s’interrogent aujourd'hui sur la pérennité du site, qui, je le rappelle, emploie aujourd'hui quatre-vingts personnes. À l’époque du sinistre, ils voulaient fermer l’usine, d’autant qu’elle est assez éloignée du site d’origine. Finalement, celle-ci a été reconstruite pour devenir un pôle d’excellence. Mais les responsables s’interrogent sur sa pérennité au vu des conditions financières qui leur sont imposées.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, est-il possible, dans de tels cas particuliers, d’envisager un réexamen des modalités de calcul de la taxe foncière, afin de ne pas pénaliser l’investissement, surtout lorsqu’il s’agit de fixer l’activité des entreprises et de permettre leur développement dans nos territoires ?
Je vous rappelle qu’il s’agit d’un canton situé à la lisière d’un territoire difficile, le Morvan. C’est la seule activité qui demeure aujourd'hui. Je vous laisse imaginer ce qui se passerait si l’usine venait à fermer, pour les raisons que je viens d’indiquer, après avoir investi 12,5 millions d’euros.
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est venu en Bourgogne en compagnie du Président de la République voilà quelques mois, et nous avons abordé le sujet de manière très constructive. Je précise que notre région a perdu 22 000 emplois, dont 10 000 emplois industriels, depuis le début de la crise en 2008.
Par conséquent, je ne voudrais pas que cette usine soit de nouveau menacée de fermeture.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. Monsieur le sénateur François Patriat, M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui ne peut pas être présent aujourd’hui et vous prie de bien vouloir l’en excuser, m’a chargé de répondre à votre question.
Comme vous vous en doutez, il s’agit d’un sujet qui m’intéresse particulièrement, compte tenu des fonctions qui sont les miennes.
Vous avez appelé l’attention du Gouvernement sur les conséquences de la modernisation de l’outil de production sur le niveau de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Vous déplorez notamment que la réhabilitation des sites industriels se traduise pour les entreprises concernées par une hausse de la cotisation de taxe foncière dont elles sont redevables.
Je voudrais tout d’abord vous rappeler que les entreprises industrielles sont les grandes gagnantes de la suppression de la taxe professionnelle – il me semble que vous ne l’aviez pas votée, à l’époque ! – et de son remplacement par la contribution économique territoriale, la CET.
Cette contribution se compose de la cotisation foncière des entreprises, la CFE, fondée sur les bases foncières, et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, dont le taux est fixé au niveau national selon un barème progressif.
Les équipements et biens mobiliers, qui sont particulièrement importants dans les entreprises industrielles, sont désormais exclus de la base imposable et les entreprises industrielles bénéficient en outre d’un abattement de 30 % sur la valeur locative des immobilisations industrielles.
Au total, la suppression de la taxe professionnelle a considérablement réduit la charge fiscale des entreprises : la cotisation des 2,9 millions d’entreprises imposées à la taxe professionnelle est allégée de près de 5 milliards d’euros en régime de croisière, en tenant compte de l’effet sur l’impôt sur les sociétés ; vous savez bien d’ailleurs que certains ne se sont pas privés de le faire remarquer. La société Gewiss a bénéficié de cette réforme.
Je vous rappelle que les valeurs locatives servant de base à la taxe foncière sur les propriétés bâties sont évaluées, pour les établissements industriels, selon la méthode comptable, c’est-à-dire à partir des données qui figurent à l’actif du bilan des entreprises.
En fait, la valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière correspond seulement à 8 % de leur prix de revient. Cette valeur locative est retenue dans l’assiette de la taxe foncière après application d’un abattement de 50 %.
Par ailleurs, en application de l’article 1383 du code général des impôts, les constructions nouvelles, reconstructions et additions de construction bénéficient, durant les deux années qui suivent celle de leur achèvement, d’une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties.
Pour les immeubles industriels, cette exonération s’applique, jusqu’en 2010, aux parts régionales et départementales et, à compter de 2011, à la part départementale de taxe foncière sur les propriétés bâties. La société Gewiss en a également bénéficié.
Il ne nous paraît pas possible d’aller au-delà.
Toutefois, monsieur François Patriat, je trouve votre question extrêmement pertinente, en particulier dans la perspective du débat ouvert dans votre région sur la « démondialisation ». Nous touchons là aux limites d’une telle idée.