Mme Nicole Bricq. Nous vous l’avions dit, ici même, avant !
M. François Baroin, ministre. Elle a sans doute oublié qu’en juin les principaux prévisionnistes, comme l’OCDE, s’accordaient tous sur le chiffre du Gouvernement ; le FMI prévoyait même une croissance en 2011 un peu supérieure à 2 %.
Vous écoutez les instituts quand les chiffres qu’ils donnent vous arrangent, vous ne les écoutez pas lorsqu’ils vont dans le sens du Gouvernement.
En fait, nous cherchons à nous adapter à l’évolution de notre activité économique en fonction de l’impact de ce que nous avons traversé au cours de l’été. Nous suivons ce chemin, qui ne va ni à gauche ni à droite, mais dans la bonne direction.
M. Foucaud nous a gratifiés d’une leçon d’économie tout à fait originale. Permettez-moi d’y revenir, monsieur le sénateur, car vos propos me paraissent symptomatiques d’un problème de fond qu’il nous incombe collectivement de régler aujourd’hui.
Vous avez fort justement rappelé que la dernière loi de finances équilibrée a été adoptée en 1973, et je ne peux que déplorer avec vous cet état de fait. Vous nous avez ensuite expliqué que les cotisations sociales ne constituaient pas un coût du travail mais qu’elles étaient la traduction naturelle de la solidarité nationale. Par là même, vous donnez une clé d’explication au laxisme budgétaire qui mine la France depuis trente ans.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le laxisme, ce ne serait pas la rémunération des dividendes mais les cotisations sociales… Vous êtes trop drôle !
M. François Baroin, ministre. La solidarité nationale ne tombe pas du ciel, monsieur Foucaud, elle a un coût et, pour qu’il soit supportable, il faut que l’État à la fois maîtrise les dépenses et assure les recettes sans peser sur l’activité des entreprises.
M. René-Pierre Signé. Sous Jospin, c’était équilibré !
M. François Baroin, ministre. Là encore, nous ne vous accompagnerons pas sur ce chemin de la facilité et de la démagogie.
Selon M. Badré, nous devons réduire notre dépendance au marché. Certes, mais les incantations de l’opposition contre la spéculation relèvent elles aussi de la démagogie et elles sont surtout hors du temps. Ce qui me frappe dans tout ce qu’ont dit ses représentants, c’est qu’ils sont malheureusement à la fois sourds à ce qui se passe et aveuglés par l’idéologie qui les anime.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et vous, vous n’êtes ni sourds ni aveuglés par une quelconque idéologie ?
M. François Baroin, ministre. Aucune de vos propositions, aucune de vos analyses ne correspondent à la réalité. Je le regrette parce qu’il y a en Europe des gouvernements socialistes, qui partagent vos convictions, par ailleurs respectables, même si nous les combattons…
M. René-Pierre Signé. On voit le résultat !
M. François Baroin, ministre. … parce que les solutions économiques proposées ne sont pas les bonnes, qui en l’occurrence n’ont pas la même approche que vous.
Voyez le gouvernement Zapatero : il a pris le chemin de la responsabilité et a adopté la règle d’or, et l’opposition de droite, responsable, a accompagné le gouvernement socialiste.
M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas la règle d’or qui va tout résoudre !
M. François Baroin, ministre. L’Espagne n’a fait que deux révisions constitutionnelles en trente ans, dont une il y a quelques jours pour inscrire dans la loi fondamentale la règle d’or,…
Mme Nicole Bricq. Laquelle ?
Mme Nicole Bricq. Appliquez-la !
M. François Baroin, ministre. L’Italie a fait la même chose. Lorsque l’on voit que l’ensemble des gouvernements convergent désormais vers une politique équilibrée, il devient difficile pour vous de demeurer dans ce qui est, je le maintiens, une posture plus qu’une réponse.
M. René-Pierre Signé. Nous n’avons pas besoin de leçons !
M. François Baroin, ministre. Monsieur Baylet, vous vous êtes interrogé sur la cohérence des mesures fiscales présentées en en dénonçant le saupoudrage, ainsi que l’absence de justice et d’équité de certaines d’entre elles.
Je ne reviens pas sur ce que nous avons dit, Valérie Pécresse et moi, à cette tribune. L’équité, vous la lirez à travers tout ce qui est mis en œuvre dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, dans l’addition des mesures concernant les hauts revenus, la suppression du bouclier fiscal, l’augmentation des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, l’alourdissement concernant le dispositif modernisé des plus-values immobilières.
Mme Nicole Bricq. La modification de l’ISF, c’était très équilibré !
M. François Baroin, ministre. Toutes ces mesures montrent que nous faisons porter une partie de l’effort sur les épaules de celles et de ceux qui ont le plus de moyens sans pour autant nuire à leur capacité d’être des acteurs et des agents économiques au service à la fois de la consommation et de l’investissement, lorsqu’ils sont à la tête d’entreprises qui ont permis la constitution de ce patrimoine.
Laissez-moi conclure une fois encore sur la règle d’or.
Madame Bricq, vous qui êtes porte-parole du parti socialiste sur ces sujets, vous n’avez manifestement pas compris – peut-être ne l’avez-vous pas lue – notre proposition de la règle d’or. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Je ne vous en veux pas. C’est assez significatif et révélateur de votre mode de fonctionnement. Vous contestez, vous condamnez, vous dénoncez, vous votez contre avant même de savoir de quoi on parle. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Dans cette règle d’or, nous parlons d’un « semestre européen », c’est-à-dire d’un rendez-vous qui a lieu dans tous les autres pays de l’Union européenne, qui permet d’associer le Parlement au Gouvernement pour engager des propositions en termes de perspectives de croissance, de réduction des déficits publics, d’atteinte de l’équilibre budgétaire. Ces sujets ne sont ni de droite ni de gauche, ce sont des éléments de bonne gestion.
Mme Nicole Bricq. Le Parlement a déjà débattu longuement de ces sujets !
M. François Baroin, ministre. La colonne vertébrale de cette règle d’or est constituée par une loi de programmation, qui donne une trajectoire et indique la politique à suivre pour atteindre l’équilibre budgétaire, avec un plafond de dépenses et un plancher de recettes.
Refuser cela veut dire que vous refusez le chemin de la réduction des déficits. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Or vous ne pouvez pas tenir dans le même temps deux discours opposés. Vous ne pouvez pas, d’un côté, affirmer que vous souhaitez être au rendez-vous de 2013 avec 3 % de déficit et, de l’autre, refuser la règle d’or. Vous ne pouvez pas durablement dire, en fonction du calendrier, que cette règle d’or vous convient ou non. Naturellement, elle vous convient si elle intervient après la présidentielle, mais pas ici et pas maintenant, comme je le disais tout à l’heure. Il vous faudrait un peu de cohérence.
Le Gouvernement vous tend la main,…
M. René-Pierre Signé. Le pyromane-pompier !
M. François Baroin, ministre. … il va continuer. Le Premier ministre mène des consultations ; elles sont sincères. Il ne s’agit pas d’un tour de passe-passe ou d’une malice particulière, mais de l’exercice d’une responsabilité qui doit être la même dans tous les pays de la zone euro. N’hésitez pas, dépassez vos principes et vos préceptes, allez au-delà de votre idéologie, accompagnez-nous sur ce chemin-là. Vous ne serez pas liés par les résultats du Gouvernement, vous ne serez pas liés par les résultats du quinquennat de Nicolas Sarkozy que vous aurez condamnés, vous serez juste liés par l’esprit de responsabilité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d’abord vous remercier pour ce débat de très grande qualité. Le Gouvernement est conscient des contraintes que ces délais resserrés d’examen ont fait peser sur vous ; la densité et l’intensité de nos discussions n’en sont que plus remarquables.
Je veux remercier tout particulièrement le président de la commission des finances, Jean Arthuis, ainsi que le rapporteur général Philippe Marini. Dans un esprit de responsabilité, la commission des finances du Sénat a approuvé sans modification ce second collectif. Je salue cette décision, car le mécanisme d’aide à la Grèce, tout comme le plan de réduction des déficits annoncé par le Premier ministre, ne peuvent pas attendre. La France doit montrer sa détermination à respecter sa trajectoire de finances publiques et à rester l’un des moteurs de la solidarité européenne.
Monsieur le président Arthuis, vous avez raison, nos débats ne sont pas clos. Ils se poursuivront mais, comme vous l’avez souligné, nous prenons aujourd’hui des mesures courageuses et adaptées à la situation.
J’ai bien noté, monsieur le rapporteur général, que vous auriez bien des questions à nous poser dans le cadre du projet de loi de finances. Nous ferons de notre mieux pour vous apporter toutes les réponses en temps voulu !
D’ores et déjà, je peux vous confirmer que l’effort supplémentaire annoncé par le Premier ministre s’explique par la nécessité de compenser la révision de nos hypothèses économiques, particulièrement celle de la croissance, afin de respecter nos objectifs de réduction des déficits. Nous faisons preuve aujourd’hui de prudence et c’est la raison pour laquelle le Gouvernement estime que notre déficit pourra être ramené en 2012 à 4,5 % du PIB, et non plus à 4,6 %, grâce à nos efforts.
M. René-Pierre Signé. Sûrement pas !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous ne fléchirons pas dans notre effort de maîtrise des dépenses. J’y ai déjà insisté, mais laissez-moi vous redire qu’en 2012, grâce à cinq années d’application du principe de non-remplacement d’un fonctionnaire d’État sur deux partant à la retraite, la masse salariale des fonctionnaires va baisser. C’est une première historique.
Je rappelle également que ce collectif prévoit l’annulation de 460 millions d’euros pour respecter strictement la norme du gel des dépenses de l’État en valeur, ou « zéro valeur ». Je rappelle également que le Premier ministre a annoncé un milliard d’économies supplémentaires en dépenses pour 2012. À mon tour, je vous donne rendez-vous durant l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2012 pour répartir ensemble ces efforts.
M. Jean-François Humbert l’a parfaitement dit, ce n’est pas en renvoyant dans un futur plus ou moins lointain des solutions hypothétiques, ce n’est pas en espérant trouver de petits arrangements avec les règles communautaires et les engagements pris par chacun des États membres que nous trouverons des solutions à la crise de la dette. C’est maintenant qu’il faut agir : c’est tout l’objet de ce collectif.
Ces efforts, monsieur Denis Badré, vous avez raison de le souligner, sont absolument indispensables. Je veux remercier l’ensemble du groupe Union centriste pour le soutien déterminé qu’il apporte aujourd’hui à l’action du Gouvernement. Cette question de la dette et des déficits vous est chère depuis longtemps. Vous avez raison de le rappeler, c’est bien de l’avenir de notre pays et des générations futures qu’il s’agit. Et c’est pour cette raison qu’aujourd’hui nous agissons à la fois avec détermination et rapidité.
M. Jean Bizet l’a souligné, des décisions tardives auraient pesé sur la compétitivité de notre économie. Aujourd’hui, le Gouvernement fait preuve avec vous de toute la réactivité nécessaire et je suis convaincue que cela aura un effet d’entraînement sur l’Europe.
Madame Fabienne Keller, vous l’avez souligné : les efforts supplémentaires doivent être également proportionnés et équitables. L’équité a été au cœur de toutes nos décisions, je dis bien : toutes. Aujourd’hui, nous demandons plus à ceux qui ont davantage : avec la hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, avec la réforme de l’abattement sur les plus-values immobilières, avec la contribution spéciale que nous demanderons aux très hauts revenus dans le projet de loi de finances pour 2012 et avec la suppression du bouclier fiscal.
M. René-Pierre Signé. Et aux restaurateurs, non ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. J’ai entendu vos propositions. Nous aurons ce débat en son temps et je sais que vous y tiendrez toute votre part. Mais vous ne pouvez pas nier l’importance de l’effort global qui est demandé aux ménages les plus aisés au nom de l’intérêt national.
Monsieur Fourcade, vous avez raison : la lutte contre la dette est bien une cause d’intérêt national. Du fait de la crise, notre endettement a certes augmenté, mais je tiens à rappeler qu’entre 2008 et 2010, au plus fort de la crise, la dette française et la dette allemande ont connu une augmentation comparable, de l’ordre de dix-huit points de richesse nationale, une hausse inférieure à la moyenne des autres pays européens.
M. René-Pierre Signé. Ensuite, c’est le dérapage !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Fourcade, je partage donc pleinement votre analyse : c’est bien en réduisant les dépenses publiques, en rétablissant l’équilibre des comptes sociaux et en revenant sur les exonérations injustifiées que nous nous désendetterons durablement.
S’agissant du financement de notre dette, je sais que vous portez un intérêt tout particulier à la question des obligations indexées. Je tiens seulement à rappeler qu’elles répondent à une demande des investisseurs qui nous permet de diversifier nos outils de financement et que la part des obligations assimilables du Trésor indexées est globalement stable dans notre politique d’émission.
Monsieur de Montesquiou, vous avez parfaitement raison de souligner la nécessité de poursuivre la réforme de l’État. Vous le savez, la RGPP nous permet d’ores et déjà d’économiser 15 milliards d’euros sur cinq ans, tout en améliorant la qualité du service rendu aux Français. Sans la réforme de l’État, nous n’aurions jamais pu réduire de 150 000 le nombre de fonctionnaires, en revenant ainsi sur des années de création de postes continue.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, si la décision de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux avait été prise dès 1997, nous aurions aujourd'hui 100 milliards de dette en moins, et le pays ne s’en porterait que mieux ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Ces réformes nous donnent aussi les moyens d’investir pour l’avenir. Aujourd’hui, tous les candidats à la candidature socialiste nous disent qu’ils comptent sur l’innovation pour soutenir la croissance. Ils ont quatre ans de retard, car cela fait quatre ans que nous agissons pour doper la croissance grâce à l’innovation ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je vous rappelle que la réforme des universités, la réorganisation du système de recherche, le crédit impôt-recherche, qui a été triplé, les 35 milliards d’euros d’investissements d’avenir affectés à l’enseignement supérieur et à la recherche répondent à cet objectif de donner à l’innovation et à l’intelligence toute la place qu’elles méritent au sein de notre politique économique. Toutes ces mesures, c’est au Président de la République et au Premier ministre que nous les devons !
Monsieur Baylet, vous vous interrogez sur la cohérence des décisions du Gouvernement, je vais vous apporter des réponses très claires. Notre plan anti-déficit repose sur trois piliers : le respect de nos engagements en matière de réduction des déficits ; la préservation de la croissance et de l’emploi, pour laquelle nous avons fait le choix, que nous assumons, de ne remettre en cause aucun des dispositifs fiscaux visant à favoriser la création d’emploi ; enfin, l’équité. Je le redis, 82 % de l’effort aujourd’hui demandé aux Français portera sur les grandes entreprises et les ménages les plus aisés.
Voilà les orientations du Gouvernement. Elles sont très claires. Je ne dirai pas la même chose de ce fameux « grand soir » fiscal que le parti socialiste nous promet sans cesse, sans jamais nous dire ce qu’il compte faire concrètement et qui devra en payer le prix. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Quand avons-nous dit cela ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame Bricq, lorsque vous évoquez les 50 milliards d’euros de suppressions de niches fiscales, à quoi pensez-vous ?
M. René-Pierre Signé. C’est vous qui avez mis la France dans le pétrin !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Sarkozy a promis la lune et nous avons récolté la pauvreté !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Et quels seront les territoires, les ménages, les entreprises qui vont payer ? (Mêmes mouvements.)
Madame Bricq, sortez de l’ambiguïté ! Cela dit, vous ne pourrez le faire qu’à votre détriment…
C’est pour cela que l’adoption de la règle d’or est une nécessité absolue. En effet, si les candidats socialistes promettent de nouvelles dépenses dans leurs programmes présidentiels, il faudra bien qu’ils affichent en face les recettes pour les financer !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et la République irréprochable ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il est totalement contradictoire de vouloir aujourd'hui réduire les déficits tout en promettant de nouvelles dépenses. On ne peut pas tenir les deux discours !
La règle d’or obligera tous les gouvernements, et tous ceux qui aspirent à gouverner, à faire preuve de la même sincérité, de la même crédibilité, du même esprit de responsabilité que le Gouvernement actuel et sa majorité ; c’est tout à fait souhaitable !
Chacun sera bien évidemment libre de promouvoir la politique qu’il souhaite mettre en œuvre, mais chaque candidat à l’élection présidentielle devra dire quand et comment il ramènera les comptes de la France à l’équilibre.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Travailler plus pour gagner plus, voilà ce qui nous avait été promis !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Si vous ne craignez pas la règle d’or, si vous êtes prêts à vous l’appliquer à vous-mêmes, votez-la dans un esprit de responsabilité et de protection des Français ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Propagande !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame Bricq, je sais l’intérêt que vous portez à la question, déjà évoquée, des niches fiscales, que vous connaissez trop bien…
M. René-Pierre Signé. Contrairement à vous !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … pour vous livrer à des caricatures. Alors, dites-nous quelles niches fiscales vous voulez supprimer ?
Mme Bariza Khiari. La baisse de la TVA sur la restauration !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Voulez-vous remettre en cause les avantages fiscaux des retraités ? Les allégements Fillon sur les bas salaires qui visent à compenser le surcoût des 35 heures ? Les réductions d’impôt pour frais de scolarité ? La non-fiscalisation des salaires des apprentis ? Les exonérations des prestations familiales ? Celles sur les indemnités des salariés licenciés ? La prime pour l’emploi ? Voilà les grandes niches fiscales coûteuses !
M. René-Pierre Signé. Il y en a d’autres !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Les exonérations de l’allocation aux adultes handicapés ? Les exonérations de taxe d’habitation pour les ménages les plus modestes ? Vous avancez des chiffres, mais dites-nous plutôt quelles niches fiscales sont concernées !
Pour notre part, nous avons fait le choix de ne pas toucher aux niches fiscales qui favorisent l’emploi – comme le crédit d’impôt recherche, les allégements Fillon, la TVA sur la restauration et les travaux ; nous ne touchons pas aux niches fiscales qui favorisent le pouvoir d’achat – comme le dispositif des heures supplémentaires ; nous ne touchons pas aux niches fiscales qui favorisent la cohésion sociale – comme les exonérations portant sur les prestations sociales et les minima sociaux ; nous ne touchons pas aux niches fiscales qui visent la cohésion territoriale, notamment en faveur des territoires les plus fragiles. Mais nous reparlerons de cette question lors de la discussion du projet de loi de finances. N’hésitez pas, madame Bricq, à sortir du bois : dites-nous quelles niches fiscales vous comptez supprimer ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Monsieur Foucaud, venons-en à cette pseudo-niche que vous invoquez en permanence, dont la suppression semble être votre réponse miracle à toutes les questions budgétaires : la niche Copé. Je tiens à vous dire qu’elle n’existe pas. Ce qui existe, c’est un standard européen de calcul de la fiscalité des plus-values. Aujourd'hui, la détaxation des plus-values sur les titres de participation est applicable dans dix-sept pays.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous n’avons pas entendu M. Sarkozy en parler au niveau européen !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame Borvo Cohen-Seat, si cette exonération était remise en cause, il n’y aurait plus d’assiette à taxer ! En effet, il serait extrêmement facile pour nos groupes industriels d’aller vendre leurs participations à l’étranger. Michel Charzat, qui, à ma connaissance, n’est pas un militant de l’UMP, avait dénoncé dans un rapport l’évasion fiscale liée à la fiscalisation des plus-values sur les titres de participation des entreprises, qui conduisait les entreprises françaises à vendre leurs titres à l’étranger. À quoi cela sert-il de dire que l’on pourrait obtenir des recettes en taxant ces plus-values ? Il n’y aurait plus d’assiette, et donc plus de recettes ! Je le répète, cette niche n’existe pas ; vouloir la supprimer ne constitue certainement pas la solution pour régler les problèmes de déficit budgétaire.
La seule mesure que nous puissions appliquer à ces ventes de participations, c’est celle que nous proposons, c'est-à-dire ajouter une quote-part pour frais et charges de 10 %. Elle représente un « frottement » fiscal tolérable pour les entreprises, qui ne les conduira pas à changer leur comportement. Nous obtiendrons ainsi des recettes supplémentaires, à hauteur de 300 millions d’euros, ce qui est bien loin des milliards d’euros d’économies que vous ne cessez d’annoncer.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, nous ne partageons pas, à l’évidence, les mêmes convictions que vous. Notre lecture de la réalité diverge même radicalement. Dans la discussion générale, vous avez montré que vous désapprouviez un certain nombre d’orientations du Gouvernement, s’agissant notamment de la maîtrise des dépenses publiques. Mais ne tombez pas dans la contradiction ! Si vous désapprouvez nos mesures de réduction des dépenses, vous ne pouvez prétendre en même temps qu’elles n’existent pas. À un moment donné, il faut choisir : soit vous êtes pour, soit vous êtes contre ; si vous êtes contre, c’est bien la preuve qu’elles existent !
Monsieur Marc, je voudrais vous rappeler que nos engagements en matière de réduction des déficits portent sur l’ensemble des administrations publiques : l’État, bien sûr, mais également les collectivités territoriales, les administrations de sécurité sociale et les organismes divers d’administration centrale. C’est la trajectoire d’ensemble qui compte et tous nos efforts nous permettront de la respecter scrupuleusement.
Monsieur Desessard, vous nous dites qu’il faut changer de politique. Pour notre part, nous pensons tout le contraire : aujourd’hui, ce qui fait la crédibilité et la fiabilité de notre politique, c’est la constance des efforts que nous conduisons depuis quatre ans.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec les résultats que l’on connaît !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Soyez certains que nous ne changerons pas de cap : nous tiendrons notre trajectoire de réduction des déficits, car c’est la seule voie possible, celle de la responsabilité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 22.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011 (n° 786, 2010-2011).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la motion.
M. Bernard Vera. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative dont nous débattons aujourd’hui ne comptait, à l’origine, que deux articles.
Le premier indiquait que rien ne changeait, ni les prévisions ni le cadrage de la loi de finances pour 2011. Le second visait à adapter la situation de notre pays à la mise en œuvre de la seconde tranche du plan européen destiné à la Grèce.
Avec ce nouveau plan, l’État va de nouveau endosser la responsabilité des banques et ajouter 15 milliards d’euros au montant de la dette publique.
À la fin de l’année 2001, la dette de l’État s’élevait à 653 milliards d’euros, largement détenue, à plus de 61 %, par les investisseurs domestiques. À la fin du mois de juillet 2011, elle atteignait 1 319 milliards d’euros, dont 65 % détenus par des non-résidents.
Ainsi, ce sont dix ans de gouvernements de droite, dix années de modération salariale dans la fonction publique, de réduction des dotations aux collectivités locales, dix années de cadeaux fiscaux, de baisses de l’ISF, de défiscalisation des heures supplémentaires qui ont conduit au doublement de la dette publique et au doublement de la part de cette dette détenue par les non-résidents. Et c’est la facture de cette politique que vous vous préparez à présenter aux Français avec votre nouveau plan d’austérité !
Comme en Espagne, en Italie ou en Grèce, vos éternelles recettes, qui ont déjà prouvé leur inefficacité, vont étouffer un peu plus la croissance, déjà atone, et détruire de très nombreux emplois.
Cette approche, par laquelle vous prétendez réduire les déficits en renforçant l’austérité, en contractant les dépenses publiques et les salaires et en privilégiant le remboursement de la dette, va conduire à des catastrophes économiques et sociales.
Les solidarités collectives sont attaquées, les services publics menacés, notamment ceux de l’éducation et de la santé. Et le présent projet de loi de finances rectificative vise tout simplement à continuer cette opération de démolition engagée voilà dix ans et qui sera à mettre au compte de votre bilan le moment venu, notamment au printemps 2012.
La dette n’a pas grand-chose à voir avec une crise qui a commencé bien avant l’été 2008 et qui atteint aujourd’hui un niveau exceptionnel. La Cour des comptes elle-même estime que seulement un tiers de la dette publique est lié à la crise.
En vérité, nombre des choix opérés dans un passé très récent ont accru la vulnérabilité de la France face aux pressions des marchés financiers.
Par ailleurs, il ne fait pas de doute que le rôle de la Banque centrale européenne dans le processus de création monétaire et de financement de l’économie a joué dans le sens de l’aggravation de la crise et d’un durcissement de ses effets.
Ainsi, dette et déficits seraient d’une importance telle qu’il vous a semblé nécessaire d’ajouter par lettre rectificative au présent projet de loi les premières mesures fiscales illustrant vos choix d’austérité, choix que vous confirmerez sans doute lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012.
Pourtant, la hausse de la TVA sur les parcs de loisirs est désormais abandonnée et la mesure tendant à accroître la taxation des plus-values de cession de biens immobiliers est revue à la baisse. Pour ma part, je regrette que, depuis plusieurs années, le Gouvernement, plutôt que de répondre aux problèmes des 1 300 000 demandeurs de logement, préfère se préoccuper des intérêts des 300 000 foyers fiscaux déclarant de telles plus-values.
Pis, cette mesure, présentée comme la « taxation des résidences secondaires », a été repensée de manière à surtout épargner les investisseurs et propriétaires possédant plus d’un appartement. Et elle ne consiste qu’à accroître l’assiette de l’imposition, dont le taux demeure par ailleurs inchangé !
Nul ne peut comprendre que vous vous contentiez, quand il s’agit de biens immobiliers, de modifier le montant de la plus-value à raison de l’érosion monétaire et de l’inflation, alors même que c’est une véritable « zone franche » qui est créée autour des plus-values mobilières !
Notre position de principe est la suivante : toutes les plus-values se valent et rien ne justifie que les opérations boursières spéculatives soient largement exonérées des efforts demandés aux propriétaires de biens immobiliers.
Or le Gouvernement déploie un arsenal de mesures destinées à répondre aux attentes des plus riches et des grands groupes, et il n’hésite pas à faire payer la facture aux couches moyennes et aux salariés.
Un gouvernement qui divise par deux le produit de l’impôt sur la fortune n’est pas qualifié pour parler de réduction des déficits et de la dette publique ! Un gouvernement qui, en 2009, a restitué 31 milliards d’euros aux entreprises, en vertu de dispositions exceptionnelles prétendument nécessitées par la crise, ne peut parler de bonne gestion des affaires publiques ni de réduction des déficits !
J’aborderai maintenant la question des dépenses.
À écouter les porte-parole du MEDEF, « les Français seraient prêts à entendre le langage de la vérité et sont convaincus de la nécessité de réduire les dépenses ». Les députés de la majorité ont confirmé cette appréciation : MM. Woerth et Mariton ont déclaré qu’il fallait « placer les dépenses publiques sur une trajectoire de réduction dès 2012 ».
Élu de l’Essonne, je peux vous décrire les conséquences de ce dogme de la réduction de la dépense publique dans mon département.
Les usagers des lignes B et C du RER risquent fort d’attendre encore quelque temps les investissements, en matériel comme en infrastructures, nécessaires à l’amélioration de la qualité d’un service de plus en plus mal rendu.
Les habitants des quartiers situés dans les zones dites « sensibles » du département vont voir les nécessaires opérations de rénovation du bâti repoussées.
Les efforts accomplis pour développer la vie sociale et culturelle, dont les habitants, les élus et les associations attendent légitimement qu’ils soient renforcés, seront quant à eux compromis.
Les patients de l’hôpital sud-francilien, comme de l’ensemble des hôpitaux essonniens, subiront une nouvelle détérioration des services rendus ainsi que l’insuffisance des moyens humains des établissements en regard des besoins.
La jeune population scolarisée de l’Essonne va voir se réduire l’« offre éducative », avec des écoles où l’on supprime les postes d’assistance administrative, avec des établissements scolaires où l’on ferme des classes, où l’on continue de supprimer des postes d’enseignants, comme le constatent en cette rentrée les parents et les enseignants de ma commune et de bien d’autres. Le suivi des élèves en difficulté et la prévention de l’échec scolaire, tout comme la qualité des services d’orientation, ne pourront que se détériorer.
Enfin, les participations de l’État pour la mise en œuvre du projet d’opération nationale du plateau de Saclay vont immanquablement se comprimer, au détriment de la recherche. Au final, ce sont les étudiants et les enseignants qui verront leurs conditions de travail et de transport se dégrader.
« Placer les dépenses publiques sur une trajectoire de réduction », c’est mettre à mal le sens même des politiques publiques, c’est-à-dire des contreparties que tous les contribuables sont en droit d’attendre des impôts et taxes qu’ils acquittent.
Il s’agit là d’un véritable hold-up, qui est accompli au détriment des contribuables de l’impôt sur le revenu, des consommateurs qui paient la TVA, des assurés sociaux qui acquittent des cotisations.
S’il faut réduire la dépense, que l’on commence donc par dégonfler la sphère sans cesse plus étendue des niches fiscales et des « modalités particulières d’imposition », qui engendrent par exemple une dépense de 106 milliards d’euros dans le cadre de l’allégement de l’impôt sur les sociétés. Or, mes chers collègues, 106 milliards d’euros, cela équivaut à la somme des deux budgets les plus importants de l’État, ceux de l’éducation nationale et de la défense.
Contrairement à vos affirmations, notre dépense publique n’est pas excessive.
Depuis 1981, la part des dépenses de l’État dans le PIB est restée relativement stable : autour de 22 %. Autrement dit, l’Etat dépense depuis cette date la même proportion de la richesse produite.
Par conséquent, c’est la baisse des recettes, provoquée par la baisse des impôts des plus fortunés et les exonérations de charges sociales pour les entreprises, qui explique la dette de l’Etat. Depuis 1981, les recettes de l’État sont ainsi passées de 22 % à 18 % du PIB.
À force de venir au secours des entreprises, et en définitive à force de leur permettre de délocaliser leurs activités et de sous-payer leur personnel, vous avez accru le déficit, lequel s’accumule aujourd'hui.
Vous préférez toutefois cette option à celle qui consisterait à revenir sur ce qui a été accordé aux plus grands groupes ainsi qu’aux ménages les plus aisés.
La majorité sénatoriale, par ses votes, par ses choix, par les orientations qu’elle a imprimées aux débats que nous avons eus depuis 2002, est coauteur et responsable de la situation désastreuse des finances publiques.
Dans le même temps, le Président de la République relance le débat sur la « règle d’or » budgétaire, en vue de graver dans le marbre de la Constitution le principe selon lequel des politiques d’austérité devraient être menées dans notre pays. Nous sommes opposés à l’inscription de cette règle d’or dans la Constitution comme à sa mise en œuvre dans la droite ligne des critères de convergence des traités de Maastricht et de Lisbonne.
Alors, quelles mesures convient-il de prendre pour inverser la tendance et créer les conditions du redressement des comptes publics ?
Nous ne sortirons pas de la crise des finances publiques si nous ne décidons pas de rompre avec l’inflation des dépenses fiscales, qui sont mises en place notamment depuis dix ans, et si nous ne nous engageons pas dans un recyclage intensif de ces dépenses fiscales en dépenses budgétaires nouvelles.
Permettez-moi de mentionner quelques priorités.
Il me semble impératif qu’un effort particulier soit accompli dans le domaine de l’éducation et de la formation. L’éducation des jeunes et la formation continue des salariés en activité doit être une priorité absolue et pourrait s’articuler autour d’un plan national pluriannuel de lutte contre l’échec scolaire et d’un vaste effort de requalification des salariés en activité, passant notamment par la validation et la reconnaissance des acquis professionnels.
Une autre priorité réside dans la mise en œuvre du schéma national des infrastructures de transport. Notre pays est à un moment de sa vie économique qui nous oblige à concevoir et mettre en œuvre une réorganisation de nos flux de transport, allant notamment dans le sens d’un transfert de plus en plus important des marchandises vers le fret ferroviaire, la voie d’eau et l’intermodalité.
Là encore, il ne faut pas se contenter des déclarations consensuelles du Grenelle de l’environnement : il est temps de passer aux actes. C’est dès aujourd’hui qu’il faut lancer les études, les travaux, les programmes de mise en œuvre du schéma national. De plus, ces chantiers assureront, dans bien des domaines, les emplois de demain.
Enfin, il est urgent de réorienter l’action de la Banque centrale européenne. Au lieu de dicter à la Grèce des politiques d’austérité insupportables pour son peuple, au travers de plans de sauvetage totalement inefficaces, au lieu de se contenter de racheter les titres sur le marché secondaire, la BCE devrait accorder aux États membres des prêts à des taux proches de zéro ainsi que les moyens nécessaires à un retour de la croissance, une croissance favorable à un développement durable.
Aucun pays ne peut espérer redresser ses comptes publics par accumulation de mesures d’austérité, pas plus la Grèce que la France.
Il convient de faire de nouveau l’usage le plus vertueux de l’argent public, celui de la dépense au profit des besoins collectifs de la société, de la population, au service du développement du pays.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à adopter cette motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances rectificative qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)