M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, « qui peut comprendre qu’on distribue plus de 80 milliards d’euros aux actionnaires – précisément 82,3 milliards d’euros en 2010 – et que, dans le même temps, on explique aux salariés qu’il n’y a pas de quoi augmenter les salaires ? » Je me permets, en toute modestie, de reposer cette question puisqu’elle émane, excusez du peu, de la plus haute autorité de l’État, et que tout le monde se la pose encore, particulièrement les salariés !
Il paraît, en effet, que l’objectif de l’article 1er du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, dont le parcours législatif s’achève aujourd'hui, n’est finalement pas d’augmenter le pouvoir d’achat, mais avant tout une question justice, d’équité et de meilleur partage de la valeur. C’est ce qu’a affirmé tout à l’heure M. le ministre.
Il est vrai que cet article prévoit seulement que les salariés dont l’entreprise verse des dividendes en augmentation sur les deux derniers exercices pourront bénéficier d’une négociation. Mais des échappatoires ont aussi été évoquées, par exemple par le biais du rachat de ses propres actions ou grâce à l’organisation de souscription d’actions à taux préférentiel.
Est-il possible que ce qui serait accordé d’une main soit discrètement repris de l’autre sur la participation ou la rémunération ? Comment pourra-t-on s’assurer qu’un tel système ne devienne pas un marché de dupes ? Nous verrons bien…
Quoi qu’il en soit, réjouissons-nous plutôt qu’après avoir donné aussi largement satisfaction à un syndicat de médecins libéraux le matin par la grâce de la proposition de loi « Fourcade », le Gouvernement se soucie un peu des salariés l’après-midi ! Inutile de jouer les Cassandre et surtout de donner à cette mesure plus d’importance qu’elle n’en a visiblement.
Nous sommes, en revanche, beaucoup plus inquiets de la contradiction aiguë à laquelle s’expose le Gouvernement au regard des prescriptions de sa dernière loi de programmation des finances publiques et de ce nouveau texte. La création de cette niche sociale supplémentaire devrait s’accompagner de la suppression d’une autre niche d’un montant équivalent. Je ne suis pas le seul à souligner ce point, la même remarque ayant été formulée sur différentes travées. Or tel n’est pas le cas. Il est vrai qu’on a oublié d’évaluer le coût de cette niche, ce qui ne suffit bien sûr pas à supprimer le problème, celui d’une nouvelle aggravation des déficits de l’État via le déficit de la sécurité sociale – nous pourrions en débattre – sur la seule initiative du Gouvernement.
Certes, il était à craindre qu’à force de multiplier les lois et les règlements comme les petits pains le Gouvernement finisse par ne plus s’y retrouver lui-même !
Cependant, il ne peut quand même pas avoir déjà oublié les raisons pour lesquelles il défendait, il y a seulement quelques jours, rien moins qu’un projet de réforme constitutionnelle pour s’empêcher lui-même de céder, dorénavant, à la tentation du déficit. Quelle performance ! Il n’aura cette fois même pas attendu que la réforme soit définitivement adoptée pour ne pas la respecter !
Nous avions, en effet, exprimé la crainte que cette « règle d’équilibre » des finances publiques, assortie d’un monopole institué au profit des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, ne suffirait pas à remplacer l’absence de volonté politique : ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale nous en fournit malheureusement l’exacte confirmation.
Bien que les articles « d’équilibre » des finances sociales ne soient plus, à ce stade, en débat, permettez-moi, pour conclure, de souligner le caractère peut-être prématuré de ces rectifications en cours d’année. Tel n’était d’ailleurs pas l’objet initialement prévu pour les lois rectificatives de finances sociales, destinées à consacrer une modification importante et brutale de contexte ou une évolution de grande ampleur.
Or le seul événement d’ampleur qui subsiste reste malheureusement la perspective de 17 milliards d’euros de déficit du régime général à l’horizon 2014 et l’absence chronique – que nous dénonçons régulièrement – de volonté et de projet du Gouvernement, qui se contente visiblement de prendre régulièrement la température de l’ONDAM et continue à saigner le patient au prétexte qu’il faut le purger pour son bien !
Comme l’a conclu tout à l'heure ma collègue Raymonde Le Texier, nous voterons contre ce texte, vous l’avez bien compris.
M. Alain Gournac. Vous avez tort !
M. Yves Daudigny. Qu’il me soit permis à cette tribune de te dire, chère Raymonde, combien j’ai apprécié, durant trois ans, la sincérité de ton engagement, la qualité de tes interventions – nous en avons eu une nouvelle preuve aujourd'hui – et la pertinence de tes analyses. À tes côtés, j’ai pu apprendre le travail parlementaire et enrichir ma réflexion. Je t’en remercie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Mes chers collègues, je m’associe à l’éloge adressé à Mme Le Texier.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, d’une part, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; d’autre part, étant appelé à se prononcer après l’Assemblée nationale, le Sénat procède à un vote unique sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements ayant reçu l’accord du Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
PROJET DE LOI DE FINANCEMENT RECTIFICATIVE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2011
PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL POUR L’ANNÉE 2011
Section 1
Dispositions relatives aux recettes des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement. Prime de partage des profits
Article 1er
(Texte du Sénat)
I. – Le II est applicable aux sociétés commerciales qui emploient habituellement cinquante salariés et plus, au sens des articles L. 3322-2 et L. 3322-4 du code du travail.
Lorsque plus de la moitié du capital d’une société commerciale est détenue directement par l’État ou, ensemble ou séparément, indirectement par l’État et directement ou indirectement par ses établissements publics, le II lui est applicable si elle ne bénéficie pas de subventions d’exploitation, n’est pas en situation de monopole et n’est pas soumise à des prix réglementés.
II. – Lorsqu’une société commerciale attribue à ses associés ou actionnaires, en application de l’article L. 232-12 du code de commerce, des dividendes dont le montant par part sociale ou par action est en augmentation par rapport à la moyenne des dividendes par part sociale ou par action versés au titre des deux exercices précédents, elle verse une prime au bénéfice de l’ensemble de ses salariés.
Toutefois, lorsqu’une société appartient à un groupe tenu de constituer un comité de groupe en application du I de l’article L. 2331-1 du code du travail, elle verse une prime au bénéfice de l’ensemble de ses salariés dès lors que l’entreprise dominante du groupe attribue des dividendes dont le montant par part sociale ou par action est en augmentation par rapport à la moyenne des dividendes par part sociale ou par action versés au titre des deux exercices précédents.
III. – La prime mentionnée au II du présent article est instituée par un accord conclu selon l’une des modalités définies aux 1° à 4° de l’article L. 3322-6 et à l’article L. 3322-7 du code du travail, au plus tard dans les trois mois suivant l’attribution autorisée par l’assemblée générale en application de l’article L. 232-12 du code de commerce.
Si, au terme de la négociation, aucun accord n’a été conclu selon les modalités mentionnées à l’alinéa précédent, un procès-verbal de désaccord est établi dans lequel sont consignées les propositions initiales de l’employeur, en leur dernier état les propositions respectives des parties et la prime que l’employeur s’engage à attribuer unilatéralement, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent. L’accord ou la décision unilatérale de l’employeur est déposé auprès de l’autorité administrative. À défaut de ce dépôt, la société ne bénéficie pas de l’exonération mentionnée au VIII du présent article.
Une note d’information est remise à chaque salarié concerné, précisant éventuellement les modalités de calcul de la prime ainsi que son montant et la date de son versement.
IV. – La répartition de la prime mentionnée au II du présent article peut être modulée entre les salariés en application des critères prévus à l’article L. 3324-5 du code du travail. L’accord prévu au premier alinéa du III peut appliquer les dispositions de l’article L. 3342-1 du même code. Cette prime ne peut se substituer à des augmentations de rémunération prévues par la convention ou l’accord de branche, un accord salarial antérieur ou le contrat de travail. Elle ne peut non plus se substituer à aucun des éléments de rémunération au sens des articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime versés par l’employeur ou qui deviennent obligatoires en application de dispositions législatives ou de clauses conventionnelles ou contractuelles.
V. – Le fait de se soustraire à l’obligation d’engager une négociation en vue de la conclusion de l’accord prévu au III du présent article est passible des sanctions prévues à l’article L. 2243-2 du code du travail.
VI. – Ne sont pas soumises aux obligations du présent article les sociétés ayant attribué au titre de l’année en cours au bénéfice de l’ensemble de leurs salariés, par accord d’entreprise, un avantage pécuniaire qui n’est pas obligatoire en application de dispositions législatives en vigueur ou de clauses conventionnelles et est attribué, en tout ou en partie, en contrepartie de l’augmentation des dividendes.
VII. – Les sociétés commerciales qui emploient habituellement moins de cinquante salariés et qui remplissent les conditions définies au II du présent article peuvent se soumettre volontairement aux dispositions du présent article à leur initiative ou par un accord conclu selon l’une des modalités mentionnées aux 1° à 4° de l’article L. 3322-6 du code du travail.
VIII. – Sous réserve du respect des conditions prévues au présent article, les primes mentionnées au II ou attribuées en application du VII sont exonérées, dans la limite d’un montant de 1 200 € par salarié et par an, de toute contribution ou cotisation d’origine légale ou d’origine conventionnelle rendue obligatoire par la loi, à l’exception des contributions définies aux articles L. 136-2 et L. 137-15 du code de la sécurité sociale et à l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.
L’employeur déclare le montant des primes versées à l’organisme chargé du recouvrement des cotisations de sécurité sociale dont il relève.
IX. – L’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale n’est pas applicable pour l’exonération mentionnée au VIII du présent article.
X. – Le II n’est pas applicable à Mayotte.
XI. – Le II est applicable aux attributions de dividendes autorisées à compter du 1er janvier 2011 au titre du dernier exercice clos.
Pour les attributions de dividendes intervenues à la date de promulgation de la présente loi, le délai prévu au III court jusqu’au 31 octobre 2011.
XI bis. – Jusqu’au 31 décembre 2012, les entreprises employant habituellement moins de cinquante salariés peuvent conclure un accord d’intéressement pour une durée d’un an.
Pour 2011, par dérogation à la règle posée par l’article L. 3314-4 du code du travail, la date limite de conclusion de cet accord est exceptionnellement portée au 31 octobre 2011 lorsque la période de calcul est annuelle.
XII. – Avant le 31 décembre 2012, le Gouvernement présente au Parlement un bilan des accords et des mesures intervenus en application du présent article. Ce rapport peut proposer des adaptations législatives découlant de ce bilan.
XIII. – Le présent article s’applique jusqu’à l’intervention d’une loi suivant les résultats d’une négociation nationale interprofessionnelle, au plus tard le 31 décembre 2013, sur le partage de la valeur ajoutée qui pourra notamment proposer des adaptations législatives dans le champ de la participation et de l’intéressement prévus aux titres Ier et II du livre III de la troisième partie du code du travail.
XIV. – (Supprimé)
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Section 2
Prévisions de recettes et tableaux d’équilibre
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Section 3
Dispositions relatives à la trésorerie
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SECONDE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’ANNÉE 2011
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M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. Monsieur le ministre, je tiens tout d’abord à vous remercier pour l’action menée par votre ministère en termes de justice sociale. Je remercie également notre rapporteur pour la qualité de son travail et la clarté de ses explications.
Ce projet de loi de financement rectificative retraçant l’évolution de nos comptes sociaux traduit l’amélioration de la situation économique de la France. Ces signes d’embellie, même s’ils sont encore modestes, sont encourageants pour le Gouvernement, qui doit poursuivre sa tâche ardue de redressement des finances publiques.
La prime créée à l’article 1er du projet de loi en est l’une des mesures phare, dont la presse s’est largement fait l’écho. En visant à garantir une répartition équitable de la valeur ajoutée, elle s’inscrit pleinement dans la politique de revalorisation du travail menée depuis 2007 par le Gouvernement.
Revaloriser la valeur travail, c’est reconnaître que, lorsque l’entreprise réussit, il est juste que les actionnaires mais également les salariés en soient récompensés. (Mme Annie David s’exclame.) Notre groupe approuve cette volonté de redistribution et d’amélioration du pouvoir d’achat.
Comme vous, monsieur le ministre, je tiens à rappeler mon soutien total à la participation et l’intéressement.
Certes, il s’agit d’une nouvelle niche fiscale, mais elle permettra d’injecter plusieurs milliards d’euros dans notre économie et donc de dynamiser notre croissance. Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, la mesure pourrait concerner 4 millions de salariés.
Mme Annie David. Sur combien !
M. Alain Gournac. Je sais, on a prétendu que ce n’était pas grand-chose, mais force est d’admettre qu’il s’agit d’une avancée majeure.
Notre Haute Assemblée, sous l’impulsion du rapporteur général de la commission des affaires sociales, Alain Vasselle, a souhaité assouplir un peu le dispositif et préciser certains ajouts de nos collègues députés. Le texte issu de la commission mixte paritaire retient cette rédaction dans une démarche très consensuelle dont il y a lieu de se réjouir, le texte étant étudié en procédure accélérée.
C’est pourquoi, mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe UMP votera avec enthousiasme en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 273 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l’adoption | 177 |
Contre | 152 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi est adopté définitivement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
9
Développement de l'alternance et sécurisation des parcours professionnels
Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi sur le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels (texte de la commission n° 736, rapport n° 735).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sylvie Desmarescaux, au nom de la commission mixte paritaire.
Mme Sylvie Desmarescaux, au nom de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 6 juillet dernier a adopté un texte commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels. Je regrette d’autant plus de n’avoir pu, pour des raisons médicales, participer à ses travaux qu’elle est parvenue à élaborer un texte équilibré, reflétant sincèrement les travaux de nos deux assemblées.
Avant que je n’évoque le fond du texte et les conclusions de la commission mixte paritaire, qu’il me soit d’abord permis de remercier mes collègues membres de la commission des affaires sociales et l’ensemble des sénateurs qui ont participé aux débats : ils nous ont permis d’aboutir à un texte qui apporte de véritables réponses aux jeunes.
Je remercie également M. Xavier Bertrand et Mme Nadine Morano de la confiance qu’ils m’ont accordée tout au long des débats, ainsi que notre présidente de la commission des affaires sociales de son soutien.
Je tiens aussi à saluer le travail qui est mené dans l’ombre par les administrateurs et les membres des cabinets ministériels : leur expertise, leur écoute et leur grande disponibilité m’ont été très précieuses.
J’en viens, maintenant, au fond du texte. Comme vous le savez, celui-ci est un exemple concret de la concertation qui peut être menée auprès des partenaires sociaux, avec lesquels les échanges ont été très riches.
Malgré le recours à la procédure accélérée, le texte a été enrichi, notamment grâce à l’apport de Françoise Férat et à l’implication de Jean-Claude Carle, dont nous connaissons les grandes compétences en matière de formation professionnelle.
Après une lecture unique dans chacune des deux assemblées, vingt-sept articles restaient en discussion. Ceux-ci portaient sur quatre grandes thématiques : le développement de l’alternance, l’encadrement des stages, les groupements d’employeurs, la création du contrat de sécurisation professionnelle.
En ce qui concerne le développement de l’alternance, sur proposition de Gérard Cherpion, rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, la commission mixte paritaire a rétabli la disposition selon laquelle la carte d’étudiant des métiers sera délivrée à certains titulaires d’un contrat de professionnalisation.
Il s’agit toutefois d’une mesure très précisément ciblée, avec deux conditions cumulatives : elle ne concernera que les personnes âgées de seize à vingt-cinq ans révolus, complétant leur formation initiale par un contrat de professionnalisation ; celui-ci devra en outre permettre d’acquérir une qualification officiellement reconnue et comporter une action de professionnalisation d’une durée d’au moins douze mois.
Cette mesure ne constitue donc pas la première étape d’une éventuelle fusion de l’apprentissage avec les autres formes de formation en alternance. Au contraire, la proposition de loi reconnaît la spécificité du statut de l’apprenti. Cette disposition a plutôt pour but de donner des droits similaires à des jeunes dont la situation, si elle n’est pas identique, est néanmoins très proche.
En revanche, la position du Sénat a été confirmée en ce qui concerne la suppression du label visant à reconnaître les efforts des entreprises en faveur des formations en alternance, dispositif trop complexe et source potentielle d’inégalités entre les entreprises.
L’ouverture des contrats de professionnalisation aux particuliers employeurs a également été maintenue dans le cadre d’une expérimentation de trois ans.
Enfin, les mécanismes nouveaux introduits sur proposition de Jean-Claude Carle, comme la consolidation de la passerelle entre la préparation d’un baccalauréat professionnel et d’un certificat d’aptitude professionnelle ou la transformation de la préparation opérationnelle à l’emploi en un véritable outil de remise à niveau des « décrocheurs », ont été sauvegardés.
Le texte que je vous proposerai d’adopter est donc fidèle à notre volonté, maintes fois exprimée dans cet hémicycle, de revaloriser l’apprentissage et les formations en alternance.
Les dispositions adoptées par le Sénat concernant l’encadrement des stages appelaient peu de modifications, si ce n’est d’ordre rédactionnel. Toutefois, la commission mixte paritaire a rejeté un amendement proposé par ses rapporteurs qui aurait encadré plus strictement les exceptions à la règle selon laquelle un stage ne peut durer plus de six mois. Le Gouvernement a proposé de rétablir cette mesure, et je le soutiens pleinement. Quoi qu’il en soit, l’encadrement des stages constitue une avancée sociale majeure pour tous les étudiants, car leur statut dans l’entreprise sera consacré et leur travail mieux valorisé.
Sur le thème des groupements d’employeurs, le texte de compromis reprend les modifications apportées par le Sénat.
Tout d’abord, l’entrée en vigueur des articles portant sur ce sujet est différée au 1er novembre prochain, afin de laisser aux partenaires sociaux la possibilité de poursuivre les négociations qu’ils ont récemment engagées.
Ensuite, l’encadrement de l’activité des salariés des groupements d’employeurs en faveur des collectivités territoriales, que nous avions souhaité renforcer, est aménagé, afin de ne pas trop pénaliser le développement économique des groupements tout en s’inscrivant dans le respect des règles qui forment le statut de la fonction publique territoriale.
Enfin, dans le respect de l’accord national interprofessionnel du 31 mai dernier, le texte n’apporte que des modifications mineures, de nature technique ou rédactionnelle, au contrat de sécurisation professionnelle.
Il convient de se féliciter que les deux dispositions nouvelles introduites par le Sénat aient été maintenues. Il s’agit, d’une part, de l’encadrement juridique du prêt de main-d’œuvre à but non lucratif, afin d’offrir un régime juridique protecteur aux salariés, d’autre part, de l’autorisation explicite accordée aux mineurs de seize ans et plus pour constituer une association afin de les encourager à s’engager dans la vie associative, mesure dont notre collègue Isabelle Debré avait pris l’initiative.
Au regard de ces éléments, je vous demanderai, mes chers collègues, d’approuver le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire : il apporte de véritables réponses aux difficultés d’accès au marché du travail que peuvent rencontrer les jeunes en formation ou les salariés cherchant à se reclasser. Par des mesures concrètes et rapidement applicables, il offre une plus grande sécurité dans le déroulement du parcours professionnel.
C’est pourquoi il ne faut pas manquer cette occasion d’assurer aux jeunes une formation professionnelle adéquate et aux salariés victimes des mutations économiques les meilleures chances de recommencer une nouvelle vie professionnelle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –. Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte issu des délibérations de la commission mixte paritaire est un texte équilibré, qui apporte des réponses concrètes pour développer l’emploi des jeunes. Je le dis d’autant plus librement qu’il est largement le fruit des efforts des parlementaires.
À cet égard, je tiens à remercier Mme la présidente Muguette Dini ainsi que Mme Sylvie Desmarescaux, qui vient de rendre aux collaborateurs du ministère un hommage que ceux d’entre eux qui sont présents aujourd'hui ont beaucoup apprécié et dont je lui sais moi-même particulièrement gré.
À ce stade, je rappellerai simplement quelques points essentiels.
Tout d’abord, vous le savez, l’emploi des jeunes est une priorité du Président de la République, du Gouvernement et de la majorité ; il devrait être aussi en être une pour l’ensemble de la société française. Je pense que nous en sommes tous ici convaincus, un pays qui n’offre pas d’avenir à ses jeunes, c’est un pays qui n’a pas d’avenir.
Le choix que nous faisons, c’est celui de l’apprentissage, car je reste persuadé que le véritable avenir des jeunes passe par l’entreprise.
À cet égard, le texte ouvre de nouveaux secteurs à l’apprentissage et à la professionnalisation, comme l’intérim, les emplois saisonniers ou, sous forme d’expérimentation, le particulier employeur. Il permet aussi d’apporter des réponses concrètes aux problèmes que rencontrent les jeunes apprentis et les entrepreneurs sur le terrain.
Par ailleurs, le texte transpose les articles de l’accord national interprofessionnel, l’ANI, du 7 juin relatifs aux stages. Délai de carence, plafonnement à six mois, interdiction de pourvoir un emploi lié à l’activité permanente de l’entreprise : autant d’avancées importantes que le Gouvernement souhaite compléter en proposant un amendement visant à calquer pleinement le texte sur celui de l’ANI, dans un souci de respect du dialogue social.
Le texte tend en outre à « libérer » le développement des groupements d’employeurs. Il nous permet ainsi de répondre à des demandes légitimes.
Enfin, la commission mixte paritaire a préservé l’équilibre du texte concernant le contrat de sécurisation professionnelle pour les licenciés économiques, qui constitue un outil efficace de reclassement voulu par les partenaires sociaux, par le Gouvernement et par la majorité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte marque notre ambition de faire reculer le chômage, singulièrement celui des jeunes, et il constitue une parfaite illustration de notre vision très pragmatique en nous permettant de répondre à ce défi essentiel par des mesures concrètes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)