Article 6
(Non modifié)
Aux articles L. 4271-1, L. 4271-2, L. 4271-3, L. 4271-4 et L. 4271-5 du code de la défense, la référence : « L. 2151-4 » est remplacée par la référence : « L. 2151-3 ». – (Adopté.)
Article 7
(Non modifié)
La seconde phrase du second alinéa de l’article L. 1424-8-4 du code général des collectivités territoriales est supprimée. – (Adopté.)
M. le président. Je constate que tous ces articles ont été adoptés à l’unanimité des présents.
Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que le dernier jour de ma vie parlementaire s’achève par le vote de la proposition de loi qui vient d’être soumise à notre examen.
L’humoriste Mark Twain disait : « Avec un bon compliment, je peux vivre deux mois. » Les compliments qui me sont adressés depuis vingt-quatre heures sont de très bon augure pour ma retraite, dont j’entends bien profiter un peu. Certes, il vaut mieux entendre les éloges de son vivant, car on ne profite évidemment pas de son éloge funèbre ! (Sourires.)
En tout cas, monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de vos propos très chaleureux et amicaux. Il est vrai que nous nous connaissons depuis longtemps. Je dois dire que j’ai beaucoup apprécié nos rapports et que je suis heureux de vous voir occuper les fonctions qui sont les vôtres aujourd’hui.
En cet instant, je tiens surtout à exprimer ma reconnaissance à la Haute Assemblée, où j’ai siégé durant vingt-huit ans. J’ai vécu ici des moments très exaltants et très forts, souvent poignants aussi. J’y ai rencontré, sur toutes les travées et dans toutes les formations politiques, d’éminentes personnalités. J’ai eu l’occasion de nouer des relations qui allaient au-delà des simples rapports de travail avec des collègues de bords très opposés. Cette expérience a été pour moi profondément enrichissante et elle m’aura profondément marqué.
J’ai également eu l’occasion d’apprécier la très grande qualité du personnel du Sénat, sans qui nous ne pourrions pas accomplir tout ce que ce nous faisons.
Le Sénat est souvent caricaturé et injustement décrié. Or c’est une assemblée où l’on travaille beaucoup, et ce dans une atmosphère de relative sérénité. C’est une assemblée où l’on s’écoute sans nécessairement s’invectiver. Nous pourrions parfois être un exemple pour d’autres instances ! En tout cas, le dialogue ici, je l’ai constaté, n’est pas un vain mot. Il se pratique au quotidien, que ce soit en commission ou dans l’hémicycle.
Le Sénat est véritablement le défenseur naturel des collectivités locales. Le travail qu’il accomplit les concernant est considérable. Les collectivités locales savent qu’elles ont ici des avocats qui plaident leur cause et qui essaient, à tout moment, de répondre à leurs questions.
Enfin, je pense que la plus grande qualité du Sénat est d’être le gardien des vertus républicaines. Il continuera de jouer ce rôle essentiel, j’en suis convaincu. Nul doute que nos successeurs – nous en aurons toujours, c’est une certitude – auront à cœur, tout en adaptant notre institution aux réalités du temps, de préserver la tradition de tolérance et d’écoute qui fait la force du Sénat.
Je tiens à dire combien j’ai été honoré d’être sénateur de la République. (Applaudissements.)
M. le président. Monsieur le président de la commission des affaires étrangères, au cours des seize années que j’ai passées au Sénat, nous nous sommes parfois affrontés, nous avons eu de vifs échanges (M. le président de la commission sourit.), mais toujours, comme vous l’avez rappelé, dans le respect de nos différences politiques. Nous avons la plus grande sympathie pour vous, et c’est avec un peu d’émotion, je l’avoue, que nous vous voyons partir. Sachez que nous ne vous oublierons pas. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à quatorze heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
8
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011
Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 (texte de la commission n° 742, rapport n° 741).
Dans la discussion générale, la parole est au rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Mme Muguette Dini, en remplacement de M. Alain Vasselle, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire n’a eu qu’un seul article à examiner – l’article 1er du projet de loi – puisque le Sénat n’avait apporté aucune modification aux quatorze autres articles de ce collectif, qui visaient à rectifier les prévisions de recettes, les tableaux d’équilibre et les objectifs de dépenses pour 2011.
Sur ce sujet d’ailleurs, alors que nous sommes à mi-année, nous voudrions, M. Vasselle et moi-même, nous féliciter non seulement du respect des objectifs votés en loi de financement mais également de la légère amélioration de la situation des comptes sociaux. En effet, le déficit pour 2011 pourrait s’établir à 19,5 milliards d’euros, ce qui représente une amélioration de près de 1,4 milliard par rapport aux prévisions initiales et de 4 milliards par rapport au déficit de 2010.
Dans une conjoncture de reprise modeste, c’est incontestablement une bonne nouvelle. Cela témoigne à la fois d’une meilleure tenue des recettes et, surtout, d’une vraie maîtrise des dépenses puisque l’ONDAM, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, ne devrait pas connaître, pour la deuxième année consécutive, de dépassement en 2011, malgré un objectif prévisionnel en progression ralentie par rapport aux années précédentes.
Cela étant, le niveau de déficit auquel nous sommes parvenus reste trop important. À moyen terme, il n’est pas soutenable : les prévisions annexées au présent collectif social font état d’un déficit annuel stabilisé à un peu moins de 20 milliards d’euros à l’horizon 2014.
Il conviendra donc certainement, au-delà d’une maîtrise accrue des dépenses, de s’interroger dans les mois qui viennent sur la mobilisation de nouvelles recettes au profit de notre système de sécurité sociale. Sa pérennité, que nous souhaitons tous, en dépendra.
J’en viens maintenant à l’article 1er, qui crée la prime de partage du profit. La commission mixte paritaire a adopté sans modification le texte du Sénat.
Cette prime, je vous le rappelle mes chers collègues, a plusieurs caractéristiques.
Elle s’imposera lorsqu’une société aura attribué à ses associés ou actionnaires des dividendes en augmentation par rapport à la moyenne de ceux versés au cours des deux exercices précédents.
Elle sera obligatoire pour les entreprises de plus de cinquante salariés et facultative sous ce seuil.
Elle s’appliquera dans les groupes : toutes les entités du groupe devront attribuer une prime si les dividendes augmentent dans la société de tête.
Elle devra bénéficier à l’ensemble des salariés des entreprises concernées mais pourra, comme la participation, être modulée en fonction du montant des salaires ou de l’ancienneté.
Le dispositif sera négocié dans chaque entreprise. En cas d’impossibilité de conclure un accord, la prime pourra être attribuée par décision unilatérale de l’employeur.
Elle ne pourra se substituer à aucune augmentation de rémunération prévue par ailleurs.
Son régime social est aligné sur celui de l’intéressement et de la participation : sous un plafond de 1 200 euros, elle sera exonérée de cotisations patronales et salariales de sécurité sociale mais assujettie à la CSG – 7,5 % –, à la CRDS – 0,5 % – et au forfait social – 6 %. Par ailleurs, comme pour l’intéressement et la participation, l’exonération dont la prime bénéficiera ne sera pas compensée aux organismes de sécurité sociale.
Enfin, ce dispositif est conçu comme une mesure pérenne qui s’appliquera pour toute attribution de dividendes décidée à compter du 1er janvier 2011. Une clause de rendez-vous est prévue pour permettre d’éventuelles adaptations législatives au regard de son application. Par ailleurs, si la négociation interprofessionnelle aboutit, une nouvelle loi pourra venir modifier le dispositif de la prime.
Le Sénat a apporté un peu de souplesse à ce dispositif, notamment pour l’année 2011, ainsi que pour l’accord d’intéressement que pourront conclure les entreprises de moins de cinquante salariés.
Par ailleurs, nous avons prévu que la nouvelle loi suivant la négociation interprofessionnelle sur le partage de la valeur ajoutée devra intervenir avant le 31 décembre 2013.
Selon les estimations du Gouvernement, cette mesure pourrait concerner 4 millions de salariés et représenter un apport, pour ceux-ci, de près de 2,8 milliards d’euros.
Nous espérons qu’en permettant l’injection de plusieurs milliards dans notre économie la prime contribuera à dynamiser la croissance. D’ailleurs, dans sa dernière note de conjoncture, l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, envisage un apport positif de cette prime sur le niveau des salaires du second semestre de l’année 2011.
Au demeurant, monsieur le ministre, nous sommes bien, malgré tout, en présence d’une nouvelle « niche ». Nous le regrettons, car la priorité aujourd’hui est avant tout de préserver les ressources publiques, afin de respecter la trajectoire du retour à l’équilibre que nous avons fixée dans la dernière loi de programmation des finances publiques.
C’est pourquoi il est impératif que la règle définie dans cette loi soit parfaitement respectée et que la nouvelle niche soit compensée, dès les prochaines lois financières, par la suppression d’une autre mesure dérogatoire, afin d’en neutraliser les conséquences pour les finances publiques.
L’examen de cette loi de financement rectificative de la sécurité sociale était une première. Ce nouvel exercice législatif est, à notre sens, très concluant. Il montre que toute réforme sociale dans le champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale ayant des conséquences financières certaines peut être présentée sous la forme d’un collectif social.
Une telle approche nous a paru avoir le mérite de la transparence et de la clarté. Puissent le gouvernement actuel et les suivants continuer à adopter cette démarche à l’occasion des prochaines réformes ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, beaucoup de choses ont déjà été dites sur la prime que le présent projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale institue. Le principe en est très simple : quand les dividendes versés aux actionnaires augmentent, les revenus des salariés doivent en faire autant !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Soyons clairs, une telle idée correspond plus à une logique de justice qu’à une logique de pouvoir d'achat. Même si le versement de la prime améliorera évidemment les revenus et, partant, le pouvoir d'achat des salariés, le dispositif se justifie d’abord par un souci d’équité. Il faut un meilleur partage de la valeur ajoutée dans notre pays.
Cela nous renvoie d’ailleurs à l’idée de « participation », à laquelle, compte tenu de l’engagement politique qui est le mien, je crois profondément, tout comme d’ailleurs à celle d’« intéressement », concepts éminemment porteurs et qui renforcent notre pacte social.
Le travail du Parlement a permis d’enrichir ce texte ; je salue notamment l’action d’Alain Vasselle et de Muguette Dini.
Ainsi, et cela correspond à un souhait qui était exprimé par nombre de dirigeants de PME, il sera à présent beaucoup plus facile de conclure des accords d’intéressement sur des périodes d’un an.
En outre, en cas de nouvelle négociation nationale interprofessionnelle sur le partage de la valeur, il sera possible d’adapter et de modifier le texte. En d’autres termes, même si le dialogue social n’a pas permis d’obtenir des avancées auparavant – ce que nous regrettons – nous lui offrons une nouvelle chance de trouver sa place, grâce à une négociation qui se tiendra jusqu’au 31 décembre 2013.
D’aucuns ont prétendu que les Français n’étaient pas favorables à ce texte. La vérité est tout autre. Selon les enquêtes qui ont été réalisées, 62 % des Français se déclarent favorables au principe de la prime et les trois quarts des dirigeants de PME indiquent clairement qu’ils sont disposés à l’accorder. Nous pouvons en tirer une leçon : des caricatures multiples n’empêchent pas le bon sens de triompher ! Et cette prime, dont le principe est inscrit à l’article 1er du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, est clairement porteuse de bon sens et de justice ! Je vous remercie d’y apporter votre soutien, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, cela ne vous surprendra pas, ayant voté contre ce projet de loi lors de son examen en première lecture, nous voterons de nouveau contre après la réunion de la commission mixte paritaire, dussiez-vous invoquer les fameux « 62 % de sondés » ou qualifier mon intervention de « caricaturale », monsieur le ministre.
En effet, la commission mixte paritaire n’a pas vraiment permis d’aboutir à une véritable répartition des richesses, comme nous l’appelions de nos vœux ; vous-même semblez pourtant y être attaché, monsieur le ministre.
Pour notre part, nous avons été surpris par certaines déclarations que nous avons entendues dans la discussion générale en première lecture.
Ainsi, monsieur le ministre, vous avez affirmé : « Il y a deux ans, au moment où notre pays traversait, comme le reste du monde, une crise d’une ampleur sans précédent, le Président de la République a voulu que s’engage une réflexion pour permettre une meilleure répartition des fruits de l’effort collectif. » Une telle déclaration appelle tout de même quelques observations.
D’abord, vous donnez voix à un rapport qui a été remis au Président de la République le 16 mai 2009 ; vous auriez pu trouver plus récent… Et on peut légitimement se demander pourquoi le Gouvernement a attendu plus de deux ans pour proposer enfin une mesure présentée comme devant renforcer le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Certains l’expliquent par la proximité de l’élection présidentielle… Je vous laisserai le soin de nous répondre sur ce point, monsieur le ministre.
Par ailleurs, ce rapport n’est pas exempt de critiques. En effet, pour justifier toute sa théorie selon laquelle la part des salaires n’aurait pas radicalement diminué dans le partage des richesses, il se fonde évidemment sur le chiffre le moins gênant : la valeur ajoutée au coût des facteurs de production. Cela permet de conclure que la baisse « n’atteindrait que deux à trois points de valeur ajoutée » sur la période étudiée.
Même si nous ne sommes pas d'accord sur le chiffre retenu, nous notons tout de même, à l’instar de Sylvain Lapoix dans un article de Marianne, que : « Trois points de baisse ramenés au PIB français représenteraient la bagatelle de 55 milliards à 60 milliards d’euros en moins pour les salaires. » Et là, on peut dire que c’est une perte sèche pour le pouvoir d’achat des salariés !
En outre, de nombreux économistes s’accordent à dire, à l’image de Michel Husson, que le véritable enjeu est celui de la répartition de la valeur ajoutée entre deux facteurs : les dividendes et les salaires.
Selon des données fournies par l’INSEE, les salaires nets représentaient 45,8 % de la valeur ajoutée en 1980, contre 37,4 % en 2008, soit une perte d’un peu plus de 8 %. Sur la même période, la part de la valeur ajoutée dédiée aux dividendes est passée de 3,1 % à 8,4 %, soit une progression de 5,3 %.
La tendance principale est un transfert des salaires vers les profits équivalant à 8,8 points de valeur ajoutée. Michel Husson précise : « Du côté des profits, la majeure partie de l’augmentation est allée au versement de dividendes. En 1980, les revenus ainsi distribués par les entreprises représentaient 4,2 % de leur masse salariale, et cette proportion est passée à 12,9 % en 2008. Autrement dit, les salariés travaillaient 72 heures par an pour les actionnaires en 1980. En 2008, c’est 189 heures. » Voilà le constat !
Enfin, ce projet de loi ne peut décemment pas être présenté comme étant la conséquence du rapport Cotis. En effet, celui-ci préconisait un partage des richesses en trois tiers : un tiers pour les salariés, un tiers pour les actionnaires et, enfin, un tiers pour l’entreprise. Voilà d’ailleurs qui devrait faire plaisir à notre collègue Serge Dassault, lui qui nous propose cela lors de l’examen de chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale…
Bien qu’une telle solution ne nous convienne pas complètement, car elle revient à rémunérer à l’identique travail et spéculation, elle est tout de même plus ambitieuse que la prime exceptionnelle au cœur de ce projet, une mesure unanimement dénoncée par toutes les instances dans lesquelles siègent les organisations syndicales représentatives, et pour cause !
Même si la loi précise que cette prime ne doit pas avoir d’incidence sur les augmentations de salaires, nombreux seront les employeurs qui considéreront avoir déjà satisfait à leurs obligations dans le cadre des négociations annuelles obligatoires ; vous le savez pertinemment, monsieur le ministre.
Pourtant, seules les augmentations de salaires, dès lors qu’elles sont notables, profitent durablement à l’économie, car elles sont réinjectées dans la consommation. Par ailleurs, elles sont à la fois égalitaires, car tous les salariés y ont droit, sécurisées, car il est difficile d’y revenir une fois qu’elles sont acquises, et justes, car le salaire doit rester la rémunération logique du travail que les salariés produisent.
C’est exactement l’inverse des primes, qui, elles, sont flexibles et individuelles et ne sont soumises à aucune cotisation sociale. Elles ne contribuent donc pas à financer ce formidable outil émancipateur qu’est la sécurité sociale, alors que vous annoncez dans le même temps le passage des quarante et une annuités aux quarante et une annuités et demie pour la retraite !
Vous présentez cette mesure comme automatique et technique, en oubliant au passage de préciser que la question principale est celle du financement de la sécurité sociale.
M. Alain Gournac. C’est dans la loi !
Mme Annie David. Les Français payent le prix de la multiplication des mesures d’exonérations et d’exemptions de cotisations sociales. Non content de ne pas vous attaquer résolument aux niches sociales, que la Cour des comptes dénonce comme étant les principales responsables du déficit de la sécurité sociale, vous en créez une nouvelle aujourd'hui.
Vous créez aujourd'hui une prime qui ne devrait pas dépasser les 700 euros et qui devrait ne concerner que 4 millions de salariés au maximum, mais que tous nos concitoyennes et concitoyens subiront.
Cela ne peut décemment pas s’appeler du partage de la richesse. En l’occurrence, 20 millions de salariés seront oubliés ; les retraités ou bénéficiaires de minima sociaux ne pourront rien espérer. Quant aux fonctionnaires, ils sont soumis depuis deux ans à un strict gel des salaires, c’est-à-dire à une baisse importante de leur pouvoir d’achat compte tenu de l’inflation.
Ce que veulent les salariés, et on les comprend, ce sont des augmentations de leur pouvoir d’achat, donc des augmentations de salaires. En 2010, le salaire mensuel de base a progressé en moyenne de 1,8 %. Mais, en tenant compte de l’inflation, la hausse n’aura été que de 0,3 %.
D’ailleurs, à l’occasion de l’adoption récente d’une proposition de loi relative à l’apprentissage par le Parlement, la majorité a adopté, avec votre soutien, une disposition permettant aux employeurs qui le souhaitent de proposer en lieu et place des heures supplémentaires une modification temporaire du contrat de travail d’un temps partiel à un temps plein.
Là encore, une telle mesure prend les apparences d’une fausse générosité. Bien entendu, les salariés seront ravis de pouvoir un temps bénéficier d’un temps plein. Mais que l’on ne s’y trompe pas : il s’agit là d’une mesure temporaire. Une fois les besoins passés, les salariés retourneront à leur précarité. Ceux qui ont le plus à y gagner, ce sont naturellement les employeurs, qui pourront ainsi se dispenser de la majoration de 25% applicable aux heures complémentaires. Mais, surtout, cela porte un mauvais coup à notre droit du travail, dans la mesure où la jurisprudence se fonde de manière constante sur la généralisation des heures complémentaires pour requalifier ces contrats à temps partiel en contrats à temps plein, une requalification qui, contrairement à votre mesure, est définitive.
Nous exigeons donc que les salaires, les traitements et les pensions soient augmentés. Les dépenses consécutives à une telle mesure profiteront naturellement aux salariés, mais aussi – faut-il le préciser ? – aux comptes sociaux.
Nous considérons également qu’il est grand temps d’ouvrir de nouveau le chantier d’un juste financement de la sécurité sociale. À l’occasion de l’examen de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011, le groupe CRC-SPG avait proposé par voie d’amendements des solutions rapides, concrètes et crédibles. Le rapporteur s’y est systématiquement opposé, renvoyant le débat au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Quant à vous, monsieur le ministre, vous avez refusé le débat en vous contentant, de manière quasi systématique, d’une réponse lapidaire : « défavorable ».
Or nous proposions de cesser progressivement les exonérations de cotisations sociales. Selon M. Vasselle, le rythme que nous proposions était trop rapide. Nous en tiendrons compte pour le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin que la majorité UMP du Sénat ne puisse pas s’abriter derrière un tel argument.
Pour autant, nous ne partageons pas l’idée selon laquelle la suppression de telles exonérations nuirait à l’emploi. Au contraire, nous savons que ce sont ces exonérations, parce qu’elles portent essentiellement sur les emplois peu ou pas qualifiés, qui créent des mécanismes dits de « trappes à bas salaires », donc de la précarité.
D’ailleurs, il serait intéressant que le Gouvernement nous remette prochainement un rapport effectuant le rapprochement entre les entreprises qui bénéficient le plus de ces exonérations et les dividendes qu’elles reversent à leurs actionnaires. Ces résultats pourraient nous surprendre. Nous pourrions ainsi découvrir que les « assistés », puisque le terme est à la mode, ne sont pas nécessairement celles et ceux auxquels on pense… auxquels vous pensez, monsieur le ministre.
Nous avons également proposé, là encore en vain, de responsabiliser socialement les entreprises, en modulant leur taux de cotisations sociales en fonction de leur politique salariale. Le principe est simple : les entreprises qui favorisent l’emploi et le rémunèrent correctement paieraient moins de cotisations sociales que celles qui préfèrent distribuer massivement les productions de richesses aux actionnaires.
Selon la Commission européenne, entre 1993 et 2009, le volume des cotisations sociales a augmenté de 19 %, tandis que le PIB, notamment en raison des gains de productivité, augmentait de 33 % et que les revenus financiers des entreprises et des banques progressaient de 143 %.
Par ailleurs, la part des produits financiers dans la valeur ajoutée des entreprises est désormais près de deux fois supérieure – 29 % contre 15 % – à celle de leurs cotisations sociales. Il faut donc inverser la logique. Pourquoi ne pas réfléchir à l’instauration d’une cotisation sociale sur les dividendes ? Est-il acceptable que les salariés paient les pots cassés de la crise alors que la ponction sur la richesse produite opérée par les actionnaires continuerait comme avant ? Pour qu’il n’en soit pas ainsi, nous pouvons élargir l’assiette des cotisations aux profits non investis ou établir une contribution spécifique sur les profits distribués.
De la même manière, et pour mettre fin aux techniques de contournement de financement de la sécurité sociale, nous avons proposé, là encore sans succès, de soumettre tous les revenus du travail, y compris les revenus indirects, à cotisations sociales.
Par là je vise, notamment, l’intéressement, la participation – vous avez eu l’occasion, il y a un instant, monsieur le ministre, de nous dire tout le bien que vous en pensiez – l’épargne salariale, le plan d’épargne retraite populaire, le PERP, ou le plan d’épargne pour la retraite collectif, le PERCO, qui sont exonérés, tout du moins partiellement, de cotisations sociales ; c’est d’ailleurs leur seule raison d’être.
Si ceux qui soutiennent la participation veulent parler répartition des richesses, qu’ils prévoient des mécanismes d’augmentation des richesses et de plafonnement de distribution des dividendes. N’oublions pas qu’en pleine crise, alors que des milliers d’emplois étaient détruits, les groupes du CAC 40 ont dégagé 75 milliards d’euros de bénéfices. Sur cette somme, 35 milliards d’euros ont été versés aux actionnaires sous forme de dividendes.
Les salariés ont l’impression qu’ils ont permis, par leurs efforts ou par les licenciements dont ils ont été victimes, à une minorité de personnes d’accaparer la majorité des dividendes produits.
Tout cela nous conduira, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, à voter contre ce projet de loi, non que nous entendions priver de cette prime les rares salariés concernés par elle,…
M. Alain Gournac. Quatre millions !
Mme Annie David. … mais parce que nous considérons que, loin de cette logique de communication, il serait possible d’instaurer un juste partage des richesses qui profiterait aux comptes sociaux, aux salariés et à l’investissement des entreprises. C’est ainsi que nous pourrons faire augmenter le pouvoir d’achat des salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, dont je salue la dernière intervention dans cet hémicycle.
Mme Raymonde Le Texier. Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, la Grèce avec une dette de 350 milliards d’euros, représentant 152 % de son PIB, fait trembler l’Europe. La dette de la France, elle, devrait atteindre 90 % de notre PIB en 2012, 100 % en 2014, et les prévisions du rapport de la Cour des comptes à l’horizon de 2025 sont plus que sombres.
Face à une situation tendue en matière de finances, au sein de l’Europe, comme en interne, le Gouvernement aurait pu décider de faire de ce premier projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale une occasion de poser de vraies questions. La santé, économie socialisée, ne peut-elle être gérée que de manière libérale ? Peut-on mener une vraie réforme des retraites sans repenser le travail à travers les âges de la vie, sans permettre aux jeunes d’accéder au marché de l’emploi et aux seniors d’y rester ? Est-ce que, face à la dégradation des comptes sociaux, de vrais axes d’interventions politiques ont été définis ?
Non, nous ne sommes réunis aujourd'hui que pour créer une nouvelle niche fiscale pompeusement baptisée « partage de la valeur ajoutée ». Qualifier cela de rééquilibrage entre le capital et le salariat est difficile à entendre.
La résolution des conflits entre le capital et le travail se fera par la politique salariale et non par une défiscalisation qui ne touchera potentiellement qu’entre 8 % et 16 % des salariés, si seulement leurs patrons le veulent bien...
Pendant ce temps, l’accès aux soins diminue, l’hôpital est en crise, la médecine de ville est aux abonnés absents, les urgences sont saturées, les assurés sont pressurés... Mais la situation des finances sociales ne donne pas lieu à des réformes autres que financières, qui se résument en un coup de rabot généralisé nettement plus porté sur l’écrêtage des droits des assurés sociaux que sur une exigence de justice en matière de participation des plus aisés aux sacrifices exigés de tous.
Le déficit social n’a pas atteint cette année les 20,5 milliards d’euros prévus et ne s’élève « qu’à » 19,5 milliards d’euros. Certes, mais faire un trou de moins dans la coque ne signifie pas qu’il faille se réjouir de l’état du bateau. Même si notre rapporteur, Alain Vasselle, sait dire les choses qui fâchent d’un ton patelin, il n’en reste pas moins que son propre constat n’est guère optimiste. Il l’a souligné lui-même : « Les trajectoires de déficit ne sont pratiquement pas modifiées ». Il précise que, dans le meilleur des cas, « le déficit du régime général […] s’élèverait encore à 17,7 milliards d’euros en 2014 », lequel alimentera une nouvelle dette sociale, « ce qui n’est pas soutenable dans la durée ».
Notons, toutefois, que ce même discours a déjà servi à chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale. Depuis le temps qu’un nouveau transfert n’est plus soutenable, mesdames et messieurs de la majorité, pourquoi en proposer systématiquement un ?
Mais il est vrai que cette prise de conscience n’était pas l’objet de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.
La commission mixte paritaire ne s’y est pas trompée. Un seul article faisait débat, celui sur l’instauration de la énième prime de circonstance, vendue comme un moyen de modifier le rapport entre le capital et le travail en faveur du travail. Comme si donner des étrennes avait le même sens que négocier une politique salariale dans une entreprise, comme si donner des étrennes en année préélectorale effaçait le bilan, remettait tous les compteurs à zéro et garantissait la réélection !
C’est ainsi que, sous couvert de justice sociale, vous vendez une prime qui ne concernera in fine au mieux que 4 millions de salariés sur les 25 millions de salariés que compte notre pays, une prime dont le montant dépend autant de la bonne volonté du patron que d’un calcul complexe aux variables aléatoires. En ne versant qu’une gratification, d’un montant allant de 1 euro à 1 200 euros, à un salarié sur six, vous occultez la situation réelle du marché du travail aujourd’hui et vous évacuez la question de la négociation salariale.
De surcroît, rien dans l’instauration de cette prime ne répond aux vrais problèmes de fonctionnement du marché du travail : les jeunes piétinent à sa porte, les seniors en sont éjectés avant soixante ans, et toute la productivité repose sur le segment des 24-59 ans, qui voient, à chaque bout de la chaîne, leur avenir se dégrader – réforme des retraites, précarisation de l’emploi, baisse du pouvoir d’achat, difficulté d’accès au service public...
Le tapage fait autour d’une « carotte » potentielle, qui ne toucherait qu’un sixième des salariés, mais ferait glisser le débat autour du partage de la valeur ajoutée de la question des salaires à celle d’une prime d’intéressement liée aux dividendes, est déjà un beau bénéfice pour les tenants de la droite dite « décomplexée ». Et de fait, elle l’est !
De plus, pour ne pas effaroucher les derniers esprits chagrins du MEDEF, les conditions qui accompagnent le versement de la prime sont peu astreignantes... Ainsi, une firme comme Total, par exemple, qui a réalisé un profit de 10 milliards d’euros en 2010 et qui ne paie pas d’impôts ne serait même pas concernée par le nouveau régime d’obligations !
Au cas où les mailles « adaptables » du filet auraient leurs limites, le montant de la prime est assorti de critères modulables : l’ancienneté, le niveau de salaire, le nombre de marche pour descendre à la cantine... voire peut-être, un jour, le mérite ! Ce serait alors l’aboutissement du nouveau partage de la valeur ajoutée pour le gouvernement de Nicolas Sarkozy !
Enfin, cette nouvelle prime ajoute une niche fiscale au dispositif boursouflé et complexe des niches fiscales et sociales dans leur ensemble, gouffre pour les finances publiques, qui se caractérise par des évaluations plus que légères et une efficacité très relative en matière d’emploi.
Grand pourfendeur de niches dans ses discours, le Gouvernement est bien plus timoré dès lors qu’il s’agit de mettre fin à des rentes de situation, timoré au point d’en créer de nouvelles…
C’est ainsi que, pour donner un semblant de contenu au bilan du Président de la République en matière de pouvoir d’achat, un instrument comme le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale est mobilisé. Face au péril de nos finances sociales, en revanche, le texte est muet : choix de priorité révélateur…
J’aurais préféré, pour ma dernière prise de parole dans cet hémicycle, que ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale vise des objectifs de solidarité face à la maladie, à la vieillesse, au chômage. Au lieu d’une ambition et d’une responsabilité gouvernementale à la hauteur, vous optez de nouveau, simplement, pour un effet d’annonce.
Malheureusement, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale qui nous est soumis aujourd'hui est l’antithèse de ce dont la France a besoin. Le groupe socialiste votera donc contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)