M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« IV. – En cas de contentieux lié à l’altération ou à la dégradation de l’état de santé du salarié en lien avec son activité professionnelle, le refus de l’employeur de se conformer aux prescriptions du médecin lui est opposable. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. En l’état actuel de sa rédaction, l’article 2 permet à l’employeur de refuser d’appliquer les recommandations formulées par le médecin du travail sur les améliorations des conditions de travail ou les aménagements de postes qu’il conviendrait d’adopter pour que la santé d’un ou de plusieurs salariés ne soit pas altérée du fait de leur activité professionnelle.
Cette faculté de refus a de quoi surprendre – même si l’on peut se l’expliquer ! –, notamment dans le cas où rien n’est proposé en compensation, surtout si l’on considère que les préconisations du médecin reposent à la fois sur ses compétences particulières et que ses missions lui sont attribuées par décision des services de santé au travail, dont, je le rappelle, le président sera forcément un employeur et aura voix prépondérante.
Notre amendement a donc vocation à faciliter les démarches judiciaires des salariés dans l’hypothèse où ceux-ci seraient contraints d’engager une action en justice pour obtenir réparation d’un préjudice consécutif à une maladie ou un accident professionnel. Il s’agit de rendre opposable à l’employeur son propre refus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Nous retrouvons la notion d’« opposabilité », qui est juridiquement peu définie.
Sur la même question, l’Assemblée nationale a adopté une coordination beaucoup plus décisive à l’article 12 de la proposition de loi. Elle a étendu le champ des infractions aux règles relatives à la médecine du travail prévues à l’article L. 4745-1 du code du travail. Il s’agit d’une avancée concrète qui satisfait à l’objectif des auteurs de l’amendement. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
La section 2 du chapitre II du même titre II est complétée par un article L. 4622-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 4622-11. – Le service de santé au travail est administré paritairement par un conseil composé :
« 1° De représentants des employeurs désignés par les entreprises adhérentes ;
« 2° De représentants des salariés des entreprises adhérentes, désignés par les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.
« Le président, qui dispose d’une voix prépondérante en cas de partage des voix, est élu parmi les représentants mentionnés au 1°. Il doit être en activité.
« Le trésorier est élu parmi les représentants mentionnés au 2°.
« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. L’article 3 de la présente proposition de loi revêt une grande importance puisqu’il fixe les modalités de la gouvernance des services de santé au travail et qu’il est en grande partie à l’origine du refus des organisations syndicales de signer l’accord national interprofessionnel.
Force est de le constater, en revenant sur l’accord obtenu au Sénat et qui prévoyait une présidence alternée du conseil d’administration des services de santé au travail, vous avez radicalement changé la donne : le paritarisme que nous appelions de nos vœux est aujourd’hui singulièrement rétréci. Certaines organisations syndicales parlent d’ailleurs d’un « paritarisme de façade ».
Certes, on va désormais passer, s’agissant de la composition du conseil d’administration, d’une répartition nettement favorable aux employeurs – deux tiers des sièges pour les représentants du patronat, un tiers pour les représentants des salariés –, à une répartition strictement paritaire, mais on peut légitimement se demander à quoi cette avancée servira en définitive si le président du conseil d’administration, disposant d’une voix prépondérante, doit être toujours un employeur…
Rien ne sert en effet de renforcer la place des salariés dans la gouvernance des services de santé au travail s’il en résulte un usage systématique, par les représentants des employeurs, de leur droit de veto.
Dans la rédaction qui nous en est aujourd’hui soumise, l’article 3 n’est pas très éloigné des souhaits initiaux du MEDEF : que les représentants des salariés soient seulement associés et ne puissent pas voter. Sans doute le pourront-ils, mais la portée de leur vote sera limitée par la faculté donnée aux représentants des employeurs d’avoir le dernier mot : c’est un peu comme si leurs avis devaient être de simples vœux, dont la réalisation dépendrait du bon vouloir des employeurs…
Un tel dispositif ne peut nous satisfaire. Aussi avons-nous déposé plusieurs amendements tendant à rétablir la version de la proposition de loi qui résultait de nos travaux en première lecture.
Une présidence tournante garantirait l’indépendance des médecins du travail et l’adéquation des missions qui leur sont confiées aux besoins réellement constatés sur le terrain. Une alternance pourrait en effet conduire à la remise en cause d’un plan insuffisant ou mal construit.
Je veux enfin répondre, monsieur le ministre, à un argument que j’ai entendu et qui ne me paraît pas fondé. On a prétendu que le principe de l’alternance paritaire à la tête du conseil d’administration des services de santé au travail pourrait être inconstitutionnel. Or, s’il est contraire à la Constitution d’inscrire dans la loi que la présidence du conseil d’administration des services de santé au travail est exercée alternativement par un représentant des employeurs et un représentant des salariés, le schéma inverse, qui réserve la présidence aux seuls employeurs, l’est tout autant !
Pour ces raisons, nous ne pouvons pas voter l’article 3 dans sa forme actuelle, surtout si nous considérons le rôle important joué par le président d’un service de santé au travail dans la définition des priorités de ce service, c’est-à-dire de la politique de santé au travail applicable au sein des entreprises adhérentes. (M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 18 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 6
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 4622-11. - Le service de santé au travail interentreprises est administré paritairement par un conseil composé, à parts égales :
« 1° De représentants des employeurs désignés par les entreprises adhérentes ;
« 2° De représentants des salariés d'entreprises adhérentes désignées par des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel.
« Le président et le trésorier sont élus pour un mandat de trois ans, l'un parmi les représentants des organisations professionnelles d'employeurs et l'autre parmi ceux des organisations syndicales de salariés, en alternance. En cas de partage des voix lors de la première élection, le président est élu au bénéfice de l'âge.
« En cas de partage des voix, le président dispose d'une voix prépondérante.
« Il doit être en activité.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Nous avons déjà largement exposé notre position sur la gouvernance des services de santé au travail ; aussi n’entrerai-je pas dans les détails de la rédaction que nous vous proposons d’adopter. Il s’agit de revenir à la version de l’article 3 qui résultait des travaux en première lecture de notre assemblée.
Sur ce point, notre désaccord avec le Gouvernement est fondamental. Il reflète celui qui est apparu entre les organisations syndicales et les organisations patronales. Faut-il rappeler que celui-ci avait conduit à l’échec de la négociation et au refus des syndicats de signer l’accord national interprofessionnel ?
La question de la gouvernance occupe une place centrale dans ce débat. En effet, les missions des services de santé au travail sont définies par le conseil d’administration, lequel serait systématiquement présidé par un représentant des employeurs, celui-ci disposant d’une voix prépondérante.
Cette architecture inquiète les organisations syndicales, qui voient en elle une mise sous tutelle de la médecine du travail.
La présidence alternée, telle que nous l’avions proposée et obtenue, permettrait d’éviter une telle situation ; elle nous paraît être une mesure sage et utile.
M. le président. L'amendement n° 49 rectifié est présenté par MM. Collin, Baylet, Bockel et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 6
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. L. 4622-11. - Le service de santé au travail interentreprises est administré paritairement par un conseil composé :
« 1° De représentants des employeurs désignés par les entreprises adhérentes ;
« 2° De représentants des salariés d'entreprises adhérentes désignées par des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel.
« Le président et le trésorier sont élus pour un mandat de trois ans, l'un parmi les représentants des organisations professionnelles d'employeurs et l'autre parmi ceux des organisations syndicales de salariés, en alternance. En cas de partage des voix lors de la première élection, le président est élu au bénéfice de l'âge.
« En cas de partage des voix, le président dispose d'une voix prépondérante.
« Il doit être en activité.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Nous vous proposons de rétablir la version de la proposition de loi que nous avions votée en première lecture.
Celle-ci était fidèle à la position que notre assemblée avait très largement adoptée lors de la discussion de la loi portant réforme des retraites. Elle marquait une avancée notable dans le mode de gouvernance des services de santé au travail interentreprises. Nous avions prévu de confier alternativement les postes de président et de trésorier aux représentants des employeurs et des salariés.
Je tiens à rappeler que cette formule figurait en outre parmi les recommandations de la mission d’information du Sénat sur le mal-être au travail.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Françoise Laborde. Elle constitue un gage de protection efficace de la santé des travailleurs et aussi de gestion transparente des services de santé au travail interentreprises.
M. le président. L'amendement n° 42, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 6
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 4622-11. – Le service de santé au travail interentreprises est administré paritairement par un conseil composé, à parts égales :
« 1° De représentants des entreprises adhérentes, désignés par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ;
« 2° De représentants des salariés d’entreprises adhérentes désignées par des organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.
« Le président et le trésorier sont élus pour un mandat de trois ans, l’un parmi les représentants des organisations professionnelles d’employeurs et l’autre parmi ceux des organisations syndicales de salariés, en alternance. En cas de partage des voix lors de la première élection, le président est élu au bénéfice de l’âge.
« En cas de partage des voix, le président dispose d’une voix prépondérante.
« Il doit être en activité.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous proposons, nous aussi, de rétablir l’article 3 dans la version conforme à la position sur laquelle le Sénat s’était très largement accordé au moment de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites.
On a rappelé que la mission d’information du Sénat sur le mal-être au travail, que j’ai eu l’honneur de présider, avait recommandé cette position ; et elle l’avait fait à l’unanimité.
Mme Annie David. Absolument !
M. Jean-Pierre Godefroy. Une telle unanimité est d’autant plus significative qu’elle s’est rarement manifestement lors de l’examen au Sénat du projet de loi portant réforme des retraites. Il n’en est que plus regrettable que, à l’Assemblée nationale, la majorité n’ait pas retenu le dispositif adopté ici en première lecture.
Le texte, tel qu’il nous revient de l’Assemblée nationale, a l’apparence de l’équilibre, mais il n’en a que l’apparence. En réalité, le partage des fonctions qui nous est proposé ne change rien : le système demeure figé.
On nous dit que ce choix est lié à la responsabilité de l’employeur concernant la sécurité dans l’entreprise ; cela est vrai, mais seulement dans « son » entreprise ! Or c’est de services interentreprises qu’il est question. Et un employeur n’est pas responsable de ce qui survient dans une autre entreprise que la sienne. Le droit ne connaît aucune responsabilité collective des employeurs en matière de santé et de sécurité. L’argument n’est donc pas recevable.
Si l’on pousse à son terme le raisonnement qu’a tenu la majorité à l’Assemblée nationale, et que peut-être elle tient malheureusement ici, les SST, les services de santé au travail, ne devraient pas même disposer d’un conseil d’administration paritaire puisque les employeurs sont seuls responsables de la sécurité et de la santé dans les entreprises…
Mais, comme il faut bien maintenir les apparences, on a trouvé un biais, car il ne faut surtout pas abandonner la présidence du conseil d’administration ! Ainsi, le président choisit le directeur, lequel, aux termes de l’alinéa 2 de l’article 9 de la présente proposition de loi, « met en œuvre, en lien avec l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail et sous l’autorité du président, les actions approuvées par le conseil d’administration dans le cadre du projet de service pluriannuel ». Le médecin du travail n’est même pas mentionné ! Toute l’autorité est dans les mains du président, systématiquement issu des rangs des employeurs.
Il s’agit d’une caricature de paritarisme ! Le représentant des syndicats de salariés à qui va échoir le poste de trésorier sera pris dans un piège. Il n’aura aucune autonomie ; il n’aura que le droit de refuser sa signature, ce qui n’aura pas grande conséquence.
Sans doute la transparence sera-t-elle améliorée, et c’est déjà une avancée considérable au regard des pratiques que nous connaissons. Mais il n’y en a pas d’autre !
Le texte que nous avions adopté était à la fois juste et astucieux.
Juste, parce qu’une présidence tournante instaurait un vrai paritarisme, élément important de dialogue social et gage d’équilibre comme d’efficacité. Pourquoi ce qui vaut pour tant d’organismes paritaires à l’échelle nationale, comme l’assurance chômage, qui gère des milliards d’euros, ne pourrait-il pas valoir pour les services de santé au travail ?
Astucieux, parce que nous avions trouvé le moyen d’assurer une vraie parité et une vraie transparence, en soumettant également à l’alternance la fonction de trésorier : quand le président était un employeur, le trésorier devait être un salarié, et réciproquement.
Que restera-t-il de cette réforme ? La conviction que, pour certains, rien ne doit troubler un système bien établi ! Pourtant, derrière cette question, en apparence purement administrative, ce qui est en jeu, c’est la santé et la sécurité des travailleurs.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Préalablement à sa prise de fonctions, le président est tenu de recevoir une formation en matière de santé au travail dans les conditions prévues aux articles L. 4614-14 à L. 4614-16.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement de bon sens. L’article 3 accorde une voix prépondérante aux présidents des conseils d’administration des services de santé au travail interentreprises, dont nous avons bien mesuré qu’ils disposeront de pouvoirs très importants, y compris lorsqu’il s’agit de définir les priorités et les missions des services placés sous leur autorité.
En d’autres termes, fort d’un droit de veto, le président du conseil d’administration déterminera les missions confiées au SST, en particulier aux médecins du travail. Comme ce pouvoir ne s’exercera pas seulement à l’égard de l’entreprise qu’il dirige, il est possible qu’il ne dispose pas des éléments d’information, en particulier techniques, qui lui permettraient de prendre les mesures les plus adaptées pour préserver la santé des différents salariés concernés.
En première lecture, nous avions obtenu que les salariés nommés par l’employeur pour l’aider puissent bénéficier d’une formation s’ils en font la demande.
Si l’amendement n° 20 n’était pas adopté, nous nous trouverions dans une situation absurde : le donneur d’ordres serait encore moins compétent que la personne censée les exécuter…
Afin que les présidents des conseils d’administration des services de santé au travail soient, au contraire, en état de prendre les mesures les plus adaptées aux besoins des salariés, nous proposons qu’ils puissent, eux aussi, bénéficier d’une formation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Les amendements nos 18, 49 rectifié et 42 sont très proches. Ils tendent à rétablir le principe de la présidence alternée du conseil d’administration des services de santé au travail, exercée tantôt par un représentant des employeurs, tantôt par un représentant des salariés.
Cette question est certes importante, je n’en disconviens pas, mais je considère qu’il serait très dommageable, pour la médecine du travail elle-même, que l’ensemble de la réforme achoppe sur elle. L’apport essentiel de cette proposition de loi, ne l’oublions pas, est la reconnaissance de la pluridisciplinarité.
La crise que connaît la médecine du travail est profonde et sans précédent. C’est pourquoi la réforme doit être mise en œuvre de manière urgente.
De surcroît, la solution trouvée à l’Assemblée nationale marque une avancée décisive, qui me paraît aujourd’hui constituer un équilibre satisfaisant s’agissant de la gouvernance des services de santé au travail.
L’honnêteté doit enfin conduire à rappeler que la plupart des syndicats ne sont pas favorables à la présidence alternée.
La commission est, par conséquent, défavorable à ces trois amendements.
Pour ce qui est de l’amendement n° 20, je rappelle que le conseil d’administration est chargé de gérer le service de santé au travail, non de prendre des décisions qui relèvent de la compétence du seul médecin. Prévoir que le président du conseil d’administration serait tenu de recevoir une formation dans le domaine de la santé au travail est donc injustifié. Sans compter que, en tant qu’employeur responsable de ses propres salariés, il dispose déjà de certaines compétences.
L’avis est donc également défavorable.
Mme Annie David. Les entreprises sont diverses !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Il me semble que, avec le partage portant sur les fonctions de président et de trésorier, un véritable équilibre a été trouvé.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je comprends bien qu’on se dirige vers un vote conforme. De reste, cela avait été annoncé et nous nous en doutions déjà. Il reste que les arguments qui nous sont opposés ne sont vraiment pas convaincants.
Il est bien évident que le président du conseil d’administration du service de santé au travail est responsable de la santé des travailleurs de son entreprise. Mais, par définition, différentes entreprises sont représentées au sein d’un service de santé au travail interentreprises, et elles peuvent appartenir à des secteurs très divers. Dans ces conditions, le responsable de telle entreprise peut ne pas avoir connaissance des conditions de travail dans telle ou telle autre, ni savoir quelles mesures doivent être prises pour protéger la santé de ceux qui y travaillent.
Bien sûr, ce n’est pas le président seul qui prendra les décisions, mais c’est bien lui qui disposera d’une voix prépondérante et orientera les discussions au sein du conseil d’administration ! S’il décide de mettre en œuvre une politique, il aura les moyens de la faire accepter.
Il me paraît donc nécessaire qu’avant d’exercer ses fonctions il puisse acquérir une connaissance plus générale des conditions de travail, d’hygiène et de sécurité dans les entreprises.
Je regrette donc que même l’amendement n° 20 ne soit pas accepté.
Je regrette également que, à propos d’un débat aussi important et concernant la médecine du travail, qui a besoin d’une réforme d’ensemble – M. le ministre et Mme Payet ont raison sur ce point –, nous ne soyons pas davantage entendus.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je crois que, sur la médecine du travail, tout a été dit. Je souhaite donc élargir un peu mon propos.
Je regrette que notre assemblée, après avoir pris sur trois textes des positions tout à fait conformes aux souhaits de nos concitoyens, ait été conduite à se déjuger.
Au sujet de la fin de vie, notre débat fut très intéressant et très approfondi. La commission des affaires sociales avait émis un avis favorable sur la proposition de loi que j’avais eu l’honneur de présenter. Mais celle-ci est restée sans suite...
Au moment de la discussion de la loi relative à la bioéthique, le Sénat avait pris des positions conformes, me semble-t-il, aux souhaits des Français, et qui allaient dans le sens des évolutions de notre société. Vous avez été finalement contraints de revenir quelque peu en arrière.
Sur cette question de la médecine du travail, le Sénat avait adopté une position à mes yeux équilibrée en prévoyant la parité des sièges et la présidence alternée des services de santé au travail interentreprises, conformément aux recommandations de la mission sur le mal-être au travail.
Ayant travaillé sur chacun de ces trois textes, j’ai nourri l’espoir, à trois reprises, que le Sénat serait entendu à la fois par l’Assemblée nationale et par le Gouvernement, parce que les propositions de notre assemblée rejoignaient les aspirations de nos concitoyens.
Or, pour la troisième fois consécutive, nous sommes obligés de « battre en arrière », comme l’on dit dans la marine. C’est fort dommage !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Je voterai contre ces amendements, bien qu’ils aient pour objet, au moins pour trois d’entre eux, de revenir à la position initiale du Sénat.
La rédaction de compromis à laquelle nous sommes parvenus renforce considérablement le contrôle des salariés sur la gestion des services de santé au travail interentreprises puisqu’il est prévu que le trésorier ainsi que le président de la commission de contrôle seront élus parmi eux.
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« À titre expérimental, le conseil d’administration du service de santé au travail peut décider que le président et le trésorier sont élus, en alternance :
« - l’un parmi les représentants des entreprises adhérentes désignés par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ;
« - l’autre parmi les représentants des salariés des entreprises adhérentes, désignés par les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.
« Au 31 décembre 2017, le Gouvernement présente au Parlement un rapport d’évaluation sur l’application de cette disposition.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement fait suite à une discussion fort intéressante que nous avons eue en commission, à l’initiative de sa présidente, Muguette Dini, et de notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe
La question a été ainsi posée : n’est-il pas possible, dans les départements où les représentants des employeurs et des salariés semblent pouvoir se mettre d’accord, de procéder à une expérimentation de présidence et de trésorerie tournantes et alternées ?
C’est après avoir procédé à des consultations que nos collègues ont suggéré cette possibilité. Mais, si le texte est aujourd’hui voté conforme, le dispositif sera figé dans la loi et rien ne pourra être entrepris.
Au-delà de nos différences d’appréciation, ici, au Sénat, nous étions tombés d’accord sur une rédaction. C’est assez rare pour être souligné ; cela montre notre attachement au dialogue social et notre préoccupation à l’égard de la santé des salariés.
Les conclusions de la mission sur le mal-être au travail allaient dans le même sens.
Parce que cette solution, comme nous venons de le dire, est gage d’un vrai paritarisme, parce qu’elle permet une vraie transparence, parce qu’il n’y a aucune raison de ne pas appliquer dans les services de santé au travail ce qui se fait dans des organismes qui gèrent des milliards d’euros, nous étions favorables à cette présidence alternée.
J’ai cru comprendre que l’exercice de cette présidence par les seuls représentants des employeurs nous mettait tous plus ou moins mal à l’aise, alors que ce sont la santé, la sécurité et même la vie des salariés qui sont en jeu.
C’est pourquoi nous demandons que les partenaires sociaux puissent, s’ils le souhaitent, expérimenter une présidence alternée, dans le respect du dialogue social. À l’issue de l’expérimentation, celle-ci devra faire l’objet d’une évaluation afin que les partenaires sociaux rendent éventuellement le dispositif pérenne.
L’expérimentation était la clef de voûte de la politique du Gouvernement. Pourquoi, alors, ne pas autoriser, à titre expérimental, là où les partenaires sociaux le souhaitent, une présidence alternée des services de santé au travail ? Nous verrons bien si cela fonctionne ! Pour ma part, je serais prêt à en faire le pari, car je suis convaincu que, en matière de santé au travail, les employeurs comme les salariés ont les mêmes objectifs et doivent pouvoir s’entendre.