M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Godefroy, la jurisprudence est claire : la responsabilité de l’employeur implique une obligation de résultat. Le pouvoir de direction du chef d’entreprise ne se découpe pas, ne se partage pas, ne se délègue pas.
Tels sont les éléments que je puis vous apporter en tant que ministre, monsieur Godefroy. Bien sûr, le directeur général du travail, qui est présent, pourrait être encore plus précis, mais il n’a pas le droit de prendre la parole… (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Je voterai contre ces différents amendements, mais je tiens surtout à souligner que je regrette la suspicion dont font preuve, depuis le début de cette discussion, certains de nos collègues à l’égard des chefs d’entreprise.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme Isabelle Debré. Réfléchissez : quel est l’intérêt des chefs d’entreprise ?
Mme Annie David. De gagner de l’argent !
Mme Isabelle Debré. Leur intérêt, c’est que leurs salariés soient heureux dans leur travail, qu’ils soient en bonne santé (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.),…
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est un monde enchanté que vous décrivez là ! On voit le contraire tous les jours !
Mme Annie David. On ne vit pas chez les Bisounours !
Mme Isabelle Debré. … ne serait-ce, si l’on tient à leur prêter un comportement très calculateur, que dans un objectif de productivité et de rentabilité !
Je ne comprends donc pas cette suspicion à l’égard des chefs d’entreprise, et je tenais vraiment à dire que je la regrette. (M. André Reichardt applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 et 39.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Compléter cet alinéa par les mots :
et intervenant exclusivement dans ce domaine
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement a pour objet de parer à une évolution qui est préjudiciable au professionnalisme des organismes de prévention des risques.
Un mouvement de concentration et de rachat d’entreprises est en marche dans le secteur des organismes spécialisés dans la sécurité au travail. Il s’agit d’opérations de concentration dans les services aux entreprises, ayant pour objectifs la réalisation d’économies d’échelle et l’amélioration de la compétitivité. Pourquoi pas ? Mais il en résulte que ces organismes privés comportent différentes branches offrant divers services et que le secteur de la prévention des risques n’est plus qu’un centre de profits parmi d’autres.
Aussi, lorsqu’une entreprise fait appel aux services d’un tel organisme à titre de consultant, ce peut être dans des domaines très différents en même temps. On est alors en droit de s’interroger : n’y a-t-il pas un risque sérieux que les préconisations en matière de prévention et de protection des salariés d’une entreprise soient minorées, afin de préserver les autres marchés de consulting, des marchés souvent plus gratifiants et plus rémunérateurs ?
Nous devons prémunir les salariés contre cette dérive. C’est pour cette raison que nous proposons qu’il ne soit possible de recourir qu’à des entreprises intervenant uniquement dans la prévention des risques au travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement a déjà été présenté en première lecture et rejeté par le Sénat. Il prévoit que les intervenants extérieurs compétents en matière de prévention des risques professionnels auxquels peut faire appel un employeur devraient être des personnes « intervenant exclusivement dans ce domaine ».
Est-ce à dire qu’une personne habilitée, mais occupant 10 % de son temps à faire autre chose que de la prévention des risques, est moins compétente ? Ce qui est important, c’est la qualité de la procédure de reconnaissance de la qualification, et non pas une pratique « exclusive ».
En outre, qui contrôlera que l’intervenant intervient exclusivement dans ce domaine ?
La commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. J’entends les arguments de Mme le rapporteur, mais il est tout à fait possible qu’une société ait à réaliser, pour la même entreprise, une étude de productivité et une étude sur la santé des travailleurs. Je ne prétends pas qu’il soit impossible de combiner les deux, mais elles peuvent aussi être antinomiques.
Dès lors, on ne peut que s’inquiéter : l’étude de productivité risque d’être privilégiée au détriment de l’étude portant sur les risques professionnels. Cela vaut pour toute grande entreprise.
Il faudrait, pour le moins, prévoir que, en cas de contrat passé avec une société réalisant des études de productivité ou, par exemple, de réorganisation technique des chaînes de production, cette société ne puisse pas simultanément être sollicitée pour mener une étude sur la prévention des risques.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Je comprends la préoccupation de notre collègue Jean-Pierre Godefroy. Il reste que la précision qu’il veut apporter vise non pas des sociétés comme celles qu’il a évoquées, mais les personnes dont il est question à l’alinéa 28. Son amendement ne répond donc pas à sa préoccupation.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 51 rectifié est présenté par MM. Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 34
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 14.
Mme Annie David. Comme le rappelait notre collègue députée Martine Billard lors des débats à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a pris l’habitude de prévoir des dispositions législatives pour casser les accords signés entre les partenaires sociaux, et cela, bien sûr, en vue d’un alignement par le bas.
L’alinéa 34, que nous vous proposons de supprimer, prévoit ainsi que « les clauses des accords collectifs comportant des obligations en matière d’examens médicaux réalisés par le médecin du travail différentes de celles prévues par le code du travail ou le code rural et de la pêche maritime sont réputées caduques ». Cette disposition ne se justifie pas.
Comme vous le savez, les partenaires sociaux peuvent toujours renégocier un accord. Or le jeu de la hiérarchie des normes veut que, à partir du moment où la loi est modifiée, les accords ne puissent ignorer les nouvelles dispositions légales. Cependant, rien n’empêche de maintenir la partie des accords qui est plus favorable que la loi. C’est le principe même de notre droit du travail.
Par ailleurs, je profite de cette occasion pour répondre à notre collègue Isabelle Debré, qui nous a accusés, il y a un instant, de suspicion à l’égard des chefs d’entreprise.
Mme Isabelle Debré. Je n’ai pas porté d’accusations, ce n’est pas ma manière de faire : j’ai formulé des regrets !
Mme Annie David. Soit !
Quoi qu'il en soit, qu’elle me permette de lui répondre en évoquant la suspicion que les membres de la majorité nourrissent, par exemple, à l’égard des demandeurs d’emploi : ils les soupçonnent sans cesse d’être des fraudeurs ou de ne pas vouloir trouver de travail.
Mme Isabelle Debré. Je n’ai jamais dit cela !
M. Jean-Pierre Fourcade. Quel rapport ?
Mme Annie David. Et que dire de la suspicion que vous avez à l’égard des familles de demandeurs d’asile,…
Mme Isabelle Debré. Cela n’a rien à voir avec le texte !
Mme Annie David. … dont les motivations réelles seraient tout autres que ce qu’ils prétendent et que nous ne saurions donc accueillir chez nous ?
Mme Isabelle Debré. Je ne parle pas comme cela !
Mme Annie David. Eh bien oui, j’éprouve quelque suspicion à l’égard de certains employeurs…
Mme Isabelle Debré. Voilà !
Mme Annie David. …quand je vois autour de moi beaucoup de femmes et d’hommes souffrir de maladies professionnelles parce que leurs employeurs ont pris soin, non pas de la santé de leurs salariés, mais de leur propre portefeuille ! (M. André Reichardt s’exclame.)
Oui, je l’avoue, j’éprouve un peu de suspicion à leur égard !
Mme Isabelle Debré. Voilà qui est clair maintenant !
Mme Annie David. Et je ne la regrette pas : bien au contraire, je la revendique !
Mme Isabelle Debré. Eh bien, moi, je regrette cette suspicion !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 51 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement vise également à supprimer l’alinéa 34, par lequel vous remettez en cause les accords collectifs dérogatoires, en rendant caducs ceux qui comporteront des obligations en matière d’examens médicaux différentes de celles qui sont prévues par la loi.
Il s’agit là d’une véritable régression pour la santé des salariés, puisque seront notamment concernés les accords plus favorables que la loi. Je pense que c’est inacceptable.
Alors que vous voulez reculer l’âge de la retraite, il serait raisonnable que la médecine du travail joue son rôle pour que le salarié puisse partir à la retraite en bonne santé !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. L’alinéa 34, que tendent à supprimer ces deux amendements identiques, est une mesure transitoire permettant de mettre à jour les obligations en matière d’examens médicaux réalisés par les médecins du travail.
Il est en effet logique de remettre à plat, à l’occasion de la réforme en cours, ces dispositions diverses pour les rendre plus opérationnelles et efficaces. Peut-être serait-il d’ailleurs utile de prévoir une fréquence plus rapide pour certaines professions que les deux ans prévus aujourd’hui dans le code du travail ?
Cette période de nécessaire évaluation justifie cet alinéa et la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je voudrais à mon tour, m’immisçant en quelque sorte dans le dialogue impromptu qui vient de se nouer entre nos collègues Annie David et Isabelle Debré, répondre brièvement à celle-ci.
Ce que vous avez dit tout à l'heure à propos des employeurs, ma chère collègue, relève un peu de la Bibliothèque rose. Nous souhaiterions tous que les choses se passent comme vous le dites, mais ce n’est pas le cas !
Je vous rappelle que, dans ma région, sur un chantier de très important pour la production d’énergie dans notre pays, l’Autorité de sûreté nucléaire et l’inspection du travail ont tout récemment constaté de graves accidents du travail dissimulés !
Mme Annie David. Voilà la vraie vie !
M. Jean-Pierre Godefroy. L’entreprise principale a été amenée à renvoyer de façon expéditive dans leurs pays un certain nombre de salariés étrangers, car les conditions de sécurité et même les obligations du code du travail n’étaient pas remplies !
Bien évidemment, personne ici ne considère que tous les patrons, tous les responsables d’entreprise se soucient des risques professionnels ou de la santé de leurs salariés comme d’une guigne. Là n’est pas notre propos. En revanche, tout n’est pas rose !
Pour en revenir à l’exemple que j’ai pris, sur le chantier en question, deux personnes sont mortes à la suite d’un accident du travail en l’espace de trois mois !
Par conséquent, il est impossible de ne pas prendre en compte ces problèmes,...
M. André Reichardt. Mais pourquoi stigmatiser systématiquement ?
M. Jean-Pierre Godefroy. ... d’autant qu’ils en entraînent d’autres pour les familles de ces accidentés du travail. Or nos amendements visaient précisément à tenter d’éviter ces problèmes-là !
Mme Annie David. Exactement !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous n’avons pas une discussion littéraire ! Nous sommes à un moment important de l’examen d’un texte relatif à l’organisation de la médecine du travail, à la sécurité et à la santé au travail des salariés.
Permettez-moi néanmoins de vous dire que, selon moi, entre la Bibliothèque rose et Dickens ou Zola, il reste quand même de la place pour le dialogue social dans ce pays ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Isabelle Debré. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Dans le cas précis, c’était bien du Zola, monsieur le ministre !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 et 51 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Le chapitre IV du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail est complété par un article L. 4624-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 4624-3. – I. – Lorsque le médecin du travail constate la présence d’un risque pour la santé des travailleurs, il propose par un écrit motivé et circonstancié des mesures visant à la préserver.
« L’employeur prend en considération ces propositions et, en cas de refus, fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.
« II. – Lorsque le médecin du travail est saisi par un employeur d’une question relevant des missions qui lui sont dévolues en application de l’article L. 4622-3, il fait connaître ses préconisations par écrit.
« III. – Les propositions et les préconisations du médecin du travail et la réponse de l’employeur, prévues aux I et II, sont tenues, à leur demande, à la disposition du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués du personnel, de l’inspecteur ou du contrôleur du travail, du médecin inspecteur du travail ou des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale et des organismes mentionnés à l’article L. 4643-1. »
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. Cet article 2 organise le dialogue entre le médecin du travail et l’employeur, lorsque le premier constate la présence d’un risque pour la santé des travailleurs.
En effet, l’article L. 4624-1 du code du travail prévoit que le médecin du travail est habilité à proposer à l’employeur des mesures individuelles, notamment d’adaptation de poste, dès lors que l’activité professionnelle en question peut porter atteinte à la santé du salarié.
Il prévoit également que l’employeur est tenu de prendre en considération ces observations. Cette obligation est toutefois tempérée par la suite du deuxième alinéa de ce même article : bien que tenu de prendre en considération les remarques et propositions formulées par le médecin du travail, l’employeur n’est pas tenu de réaliser les adaptations proposées dès lors qu’il motive son refus.
L’article 2 de cette proposition de loi n’apporte en la matière que peu d’innovations, dans la mesure où il est précisé que les observations du médecin du travail doivent être formulées par écrit, tout comme le refus de l’employeur. Cette exigence de formalisme s’explique sans doute par une volonté de transparence, bien légitime en la matière. Mais celle-ci n’est que partielle puisque ces écrits ne sont pas automatiquement transférés aux CHSCT ou aux inspecteurs du travail, qui sont pourtant des acteurs incontournables s’agissant de la protection de la santé des travailleurs. Le CHSCT joue un rôle particulier dans le domaine de la prévention.
L’inspection du travail joue également un rôle important que l’on ne peut réduire à la phase de sanctions. En effet, si les agents de l’inspection du travail peuvent procéder à des rappels à la loi, ils ont également une mission de conseil importante en matière de prévention. Dans certains cas, les plus graves, dès lors que les travailleurs sont exposés à des dangers graves et imminents, ils peuvent aller jusqu’à saisir le juge des référés pour voir ordonnée toute mesure propre à faire cesser le risque, telle que la mise hors service, l’immobilisation, la saisie des matériels, machines, produits dispositifs ou autres.
Les compétences particulières de ces deux structures, certes différentes, supposent une circulation la plus fluide possible de l’information. Aussi regrettons-nous qu’en vertu de cet article les écrits du médecin du travail et de l’employeur ne soient tenus à disposition que sur demande. Dans une véritable perspective de prévention, il conviendrait, au contraire, d’exiger un transfert automatique.
Par ailleurs, l’alinéa 3 de l’article 2 prévoit, comme c’est déjà le cas, que l’employeur peut ne pas suivre les recommandations du médecin du travail. Or celles-ci reposent sur des compétences médicales et une expertise clinique du salarié. Par conséquent, de par son refus, même exprimé par écrit, l’employeur peut ne pas satisfaire à l’obligation qui lui incombe en vertu de la loi de tout mettre en œuvre pour préserver la santé des salariés.
Par ailleurs, nous regrettons que la loi ne prévoie pas de situations intermédiaires, par exemple la possibilité pour l’employeur de formuler des propositions d’adaptation de postes qui, si elles ne sont pas nécessairement celles qui ont été formulées par le médecin du travail, au moins s’en rapprochent. Cela aurait pourtant permis de tenir compte des exigences de préservation de la santé du salarié et d’éviter que la situation ne se conclue par une déclaration d’inaptitude dont nous connaissons tous les conséquences sociales sur les salariés.
Enfin, nous regrettons que le refus de l’employeur de se conformer aux préconisations du médecin du travail ne puisse pas être opposable à l’employeur dans l’éventualité où le travailleur malade engagerait une action en responsabilité.
Les évolutions intervenues en 2002 à l’occasion de l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation dans l’affaire Sté Everite c/ Gerbaud met en avant l’obligation de sécurité de l’employeur résultant du contrat de travail en matière d’accident ou de maladie professionnelle. Il résulte donc du contrat de travail que l’employeur est tenu à une obligation de résultat au regard de la santé de ses salariés.
Pour autant, bien que, selon la jurisprudence, l’employeur ne puisse pas s’exonérer de sa responsabilité au motif qu’il n’était pas informé du risque, la faute inexcusable de l’employeur ne se présume pas. La charge de la preuve de celle-ci échoit à la victime ou à ses ayants droit.
Nous considérons, pour notre part, que le refus de l’employeur de se conformer aux prescriptions du médecin du travail, qui est compétent en la matière, devrait être opposable à l’employeur, c’est-à-dire constituer la preuve du manquement à ses obligations.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le cas échant, il propose, en lien avec le médecin du travail, des solutions alternatives compatibles avec la prévention et la protection des salariés dont il a la responsabilité.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement va évidemment dans le sens de l’intervention que vient de faire ma collègue Isabelle Pasquet.
Il peut arriver que des employeurs soient en désaccord avec les préconisations du médecin du travail. Il peut aussi arriver que l’employeur approuve la nécessité de modifier les conditions de travail des salariés sans pour autant partager l’ensemble des préconisations formulées par le médecin du travail ; cela se produit même régulièrement dans les faits.
Tirant les conséquences de cette situation, nous proposons, par cet amendement, qu’en cas de désaccord entre le médecin du travail et l’employeur ce dernier puisse proposer des solutions autres que celles qui sont préconisées par le médecin, mais permettant toutefois au salarié concerné de bénéficier d’une adaptation de poste. Le salarié qui accepterait cette adaptation aurait naturellement la possibilité de renoncer ou bien d’accepter, et, si cette adaptation ne se révélait ni suffisante ni satisfaisante, de demander une nouvelle expertise du médecin du travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement tend à ajouter une phase supplémentaire dans la procédure créée par la proposition de loi pour instaurer un dialogue entre l’employeur et le médecin du travail en cas de risque pour la santé des travailleurs. À ce stade, il ne me semble pas utile de surcharger la procédure.
En outre, la phrase proposée dans l’amendement a une portée normative faible puisqu’elle ne s’applique que « le cas échéant ».
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je suis étonnée par ces deux avis défavorables car, pour une fois, ce que nous proposons est plutôt favorable à l’employeur ! (Sourires.) En effet nous proposons que, si ce dernier trouve les demandes du médecin un peu trop contraignantes, il puisse en faire d’autres qui le soient moins, pourvu qu’elles prennent en compte la santé du travailleur.
Ainsi, même quand nous proposons des aménagements qui vont dans le sens de l’employeur, nous ne sommes pas entendus ! C’est vraiment à ne plus rien comprendre, monsieur le président !
M. Jean-Pierre Godefroy. Sauf s’il faut à tout prix voter le texte conforme !
Mme Annie David. Certes !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
sont
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
transmises sans délais à l'inspecteur du travail ou au contrôleur du travail, au médecin inspecteur du travail ou aux agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale et des organismes mentionnés à l'article L. 4643-1 ainsi qu'aux membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou à défaut aux délégués du personnel.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. À l’occasion de mon intervention sur l’article 2, j’ai regretté que la démarche de transparence dans laquelle vous vous engagiez n’aille pas jusqu’à prévoir une communication automatique des courriers des médecins du travail et de l’employeur à l’inspection du travail et au CHSCT.
Ces courriers sont pourtant très importants dans la mesure où il s’agit de préconisations des médecins dans leurs missions de prévention, du refus de l’employeur de s’y conformer et donc, éventuellement, de la preuve que ce dernier a délibérément fait supporter un risque à ses salariés.
Avec cet amendement, nous proposons de rendre ce transfert automatique, afin que le CHSCT et l’inspection du travail puissent disposer de tous les renseignements utiles à leurs actions, tels que le déclenchement du droit d’alerte ou de retrait.
M. le président. L'amendement n° 41, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
sont tenues
supprimer les mots :
, à leur demande,
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Nous proposons que les propositions et préconisations du médecin du travail ainsi que la réponse de l’employeur soient systématiquement tenues à la disposition du CHSCT, des délégués du personnel, de l’inspecteur du travail, du médecin du travail et des agents des services de prévention de la sécurité sociale et des organismes de branche.
Il s’agit d’exiger, non que ces documents soient envoyés, mais qu’ils soient prêts à être transmis immédiatement en cas de demande des services mentionnés.
Cet amendement apporte en outre une clarification rédactionnelle : comment tenir, à la demande d’une instance, des documents à la disposition de celle-ci ? Ils sont tenus à disposition ou ils ne le sont pas ! À moins que cette maladresse rédactionnelle ne réponde à une intention... Devoir tenir des documents à disposition immédiatement et à tout moment empêche toute modification a posteriori, en cas de demande tardive.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. La présentation de l’objet de l’amendement n° 16 n’est guère nuancée et ses auteurs ne précisent pas que cet article crée une nouvelle protection pour les salariés, comblant par là même, à la demande des représentants des médecins du travail, un vide juridique.
Évidemment, les CHSCT et les délégués du personnel seront tenus informés de l’échange entre l’employeur et le médecin du travail, ne serait-ce que parce que ce dernier participe aux travaux des CHSCT.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 16.
L’amendement n° 41 apporte une précision rédactionnelle qui n’est pas décisive. En effet, au lieu d’écrire que les propositions du médecin du travail sont tenues, « à leur demande », à la disposition du CHSCT ou, à défaut, à celle d’autres personnes dûment mentionnées, il prévoit que ces propositions sont tenues à leur disposition. Supprimer les mots « à leur demande » n’est pas très utile. De toute façon, le médecin du travail participe aux réunions du CHSCT. Ce lien permettra de faire circuler les informations pertinentes.
La commission est donc également défavorable à l’amendement n° 41.