Article 1er
(Non modifié)
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Les articles L. 4622-2 et L. 4622-4 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 4622-2. – Les services de santé au travail ont pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. À cette fin, ils :
« 1° Conduisent les actions de santé au travail, dans le but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ;
« 2° Conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d’éviter ou de diminuer les risques professionnels, d’améliorer les conditions de travail, de prévenir la consommation d’alcool et de drogue sur le lieu de travail, de prévenir ou de réduire la pénibilité au travail et la désinsertion professionnelle et de contribuer au maintien dans l’emploi des travailleurs ;
« 3° Assurent la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail, de la pénibilité au travail et de leur âge ;
« 4° Participent au suivi et contribuent à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire.
« Art. L. 4622-4. – Dans les services de santé au travail autres que ceux mentionnés à l’article L. 4622-7, les missions définies à l’article L. 4622-2 sont exercées par les médecins du travail en toute indépendance. Ils mènent leurs actions en coordination avec les employeurs, les membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel et les personnes ou organismes mentionnés à l’article L. 4644-1. » ;
2° La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie est complétée par des articles L. 4622-8 à L. 4622-10 ainsi rédigés :
« Art. L. 4622-8. – Les missions des services de santé au travail sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de santé au travail comprenant des médecins du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels et des infirmiers. Ces équipes peuvent être complétées par des assistants de services de santé au travail et des professionnels recrutés après avis des médecins du travail. Les médecins du travail animent et coordonnent l’équipe pluridisciplinaire.
« Art. L. 4622-9. – Les services de santé au travail comprennent un service social du travail ou coordonnent leurs actions avec celles des services sociaux du travail prévus à l’article L. 4631-1.
« Art. L. 4622-10. – Les priorités des services de santé au travail sont précisées, dans le respect des missions générales prévues à l’article L. 4622-2, des orientations de la politique nationale en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail, d’amélioration des conditions de travail, ainsi que de son volet régional, et en fonction des réalités locales, dans le cadre d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens conclu entre le service, d’une part, l’autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents, d’autre part, après avis des organisations d’employeurs, des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et des agences régionales de santé.
« Les conventions prévues à l’article L. 422-6 du code de la sécurité sociale sont annexées à ce contrat.
« La durée, les conditions de mise en œuvre et les modalités de révision des contrats d’objectifs et de moyens prévus au premier alinéa sont déterminées par décret. » ;
3° L’article L. 4622-8 devient l’article L. 4622-15 ;
3° bis Le chapitre III du titre II du livre VI de la quatrième partie est complété par un article L. 4623-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 4623-8. – Dans les conditions d’indépendance professionnelle définies et garanties par la loi, le médecin du travail assure les missions qui lui sont dévolues par le présent code. » ;
4° L’intitulé du chapitre IV du même titre II est ainsi rédigé : « Actions et moyens des membres des équipes pluridisciplinaires de santé au travail » ;
5° Le même chapitre IV est complété par un article L. 4624-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 4624-4. – Des décrets en Conseil d’État précisent les modalités d’action des personnels concourant aux services de santé au travail ainsi que les conditions d’application du présent chapitre. » ;
6° Le titre IV du livre VI de la quatrième partie est ainsi modifié :
a) À son intitulé, après le mot : « Institutions », sont insérés les mots : « et personnes » ;
b) Il est ajouté un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Aide à l’employeur pour la gestion de la santé et de la sécurité au travail
« Art. L. 4644-1. – I. – L’employeur désigne un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise.
« Le ou les salariés ainsi désignés par l’employeur bénéficient, à leur demande, d’une formation en matière de santé au travail dans les conditions prévues aux articles L. 4614-14 à L. 4614-16.
« À défaut, si les compétences dans l’entreprise ne permettent pas d’organiser ces activités, l’employeur peut faire appel, après avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, en son absence, des délégués du personnel, aux intervenants en prévention des risques professionnels appartenant au service de santé au travail interentreprises auquel il adhère ou dûment enregistrés auprès de l’autorité administrative, disposant de compétences dans le domaine de la prévention des risques professionnels et de l’amélioration des conditions de travail.
« L’employeur peut aussi faire appel aux services de prévention des caisses de sécurité sociale avec l’appui de l’Institut national de recherche et de sécurité dans le cadre des programmes de prévention mentionnés à l’article L. 422-5 du code de la sécurité sociale, à l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics et à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail et son réseau.
« Cet appel aux compétences est réalisé dans des conditions garantissant les règles d’indépendance des professions médicales et l’indépendance des personnes et organismes mentionnés au présent I. Ces conditions sont déterminées par un décret en Conseil d’État.
« II. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret. »
I bis. – Le 6° du I entre en vigueur à la date de publication des décrets prévus au II de l’article L. 4644-1 du code du travail et au plus tard le 1er juin 2012.
II. – L’habilitation d’intervenant en prévention des risques professionnels délivrée avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi vaut enregistrement, au sens de l’article L. 4644-1 du code du travail, pendant une durée de trois ans à compter de la date de promulgation de la présente loi.
III. – À l’issue d’un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, les clauses des accords collectifs comportant des obligations en matière d’examens médicaux réalisés par le médecin du travail différentes de celles prévues par le code du travail ou le code rural et de la pêche maritime sont réputées caduques.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. Notre pays est la lanterne rouge de l’Europe dans la plupart des indices de santé au travail. Par exemple, les ouvriers continuent à vivre moins longtemps que les cadres, et dans des conditions sanitaires et médicales moins favorables que celles des autres catégories socioprofessionnelles.
Le groupe CRC-SPG n’entend donc pas nier qu’il existe aujourd’hui un besoin criant de réformer la médecine du travail. Je l’ai dit tout à l’heure, le nombre de personnes atteintes de maladies professionnelles augmente et la pénurie de médecins du travail est connue depuis longtemps.
Les vingt dernières années ont été marquées à la fois par des crises médicales majeures, causées par les conditions de travail – je pense notamment à la contamination par l’amiante – et par une diminution constante des effectifs de médecins du travail ; à cet égard, je partage les inquiétudes qu’a exprimées M. Godefroy. Dans le même temps, la responsabilité des pouvoirs publics a été engagée du fait de leur carence fautive dans la prise de mesures de prévention des risques liés à l’exposition des travailleurs aux poussières d’amiante. Bref, tout est à reconstruire.
À notre sens, cette reconstruction doit être menée en concertation avec les partenaires sociaux, et non contre eux, comme cela se passe aujourd’hui, même si, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, la majorité des organisations syndicales souhaitent que soit adoptée la petite partie qui sera mise aux voix aujourd'hui.
Réformer la médecine du travail dans un sens favorable aux salariés était donc un projet ambitieux, puisque tout ou presque était à repenser.
Nous n’étions pas hostiles à la création d’un corps de médecins du travail sous la tutelle de la sécurité sociale, que certains ont proposée à Mme Dini. Cependant, en cette matière comme s'agissant des conséquences sociales de l’inaptitude, la proposition de loi n’est pas assez ambitieuse. Pire, tant par la manière dont elle définit les missions de la médecine du travail que par l’organisation qu’elle prévoit, la proposition de loi tend à créer le trouble et à renforcer la prédominance des employeurs sur les représentants des salariés, au détriment de la santé de ces derniers.
Je regrette par exemple que, en contradiction avec les dispositions de la directive européenne du 12 juin 1989 sur la sécurité et la santé des travailleurs au travail, la présente proposition instaure une confusion entre les compétences des médecins du travail et celles de l’employeur. Les activités d’aide à l’employeur pour la gestion de la santé et de la sécurité au travail relèveront ainsi de la responsabilité de l’employeur, tandis que la surveillance de la santé des travailleurs reviendra aux médecins du travail.
Tout cela nous conduit à nous interroger, monsieur le ministre. À qui revient, au final, la mission, capitale pour les salariés, d’assurer la prévention, c’est-à-dire d’éviter que l’activité professionnelle ait une conséquence sur la santé physique ou psychique des salariés ? S’il revient aux équipes pluridisciplinaires d’apporter des réponses médicales, les employeurs ne peuvent se détourner de ce sujet ; ils ne peuvent se contenter de gérer les risques, ils doivent en prendre conscience et s’efforcer, par tous les moyens, notamment par des modifications des conditions et des modes d’organisation du travail, d’éviter que ces risques se réalisent.
Toutefois, en confiant à la présidence des services de santé au travail, SST, qui échoit automatiquement au représentant du patronat, la charge de définir les priorités de ces services, vous transférez l’essentiel des missions actuellement confiées aux médecins du travail aux directeurs et présidents des SST, tout en déresponsabilisant les employeurs.
Lors de l’examen de cette proposition de loi en première lecture, certains de nos collègues appartenant à la majorité ont justifié cette disposition en soutenant, comme Mme Payet vient de le faire, que, le financement de la médecine du travail étant à la charge des patrons, il n’était pas illogique qu’ils président les SST. Cependant, raisonner ainsi revient à oublier que, si les employeurs financent la médecine du travail, c’est parce que c’est le travail lui-même qui porte atteinte à la santé des travailleurs. On ne peut se prévaloir d’un mode d’organisation du travail qui affecte, blesse et parfois tue les salariés pour justifier la prépondérance patronale !
Nous considérons de même que la faculté donnée aux employeurs de nommer des salariés pour « s’occuper », en lieu et place du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, CHSCT, des questions de santé et de prévention, constitue un recul démocratique sans précédent et une mesure inquiétante. En effet, contrairement aux membres du CHSCT, ces salariés ne seront pas protégés et seront donc vulnérables face aux décisions arbitraires de l’employeur. Peu formés, non protégés et ne disposant pas des mêmes prérogatives que les CHSCT, on voit mal comment ils pourraient être vraiment utiles en matière de préservation de la santé des salariés.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l’article 1er.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l’article.
M. Jean-Pierre Godefroy. L’article 1er précise que les services de santé au travail, SST, « ont pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ». À cette fin, ils doivent notamment conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les mesures nécessaires pour prévenir et réduire la pénibilité au travail.
Lors de l’examen de la réforme des retraites, vous vous en souvenez, les dispositions relatives à la prise en compte de la pénibilité ont fait l’objet de vifs débats.
À l’époque, nous avions dénoncé un dispositif à la fois profondément injuste et bien trop limité. De fait, ce dispositif est injuste dans la mesure où il ne vise que les salariés souffrant d’une incapacité physique de travail, écartant ainsi ceux qui ont vu leur espérance de vie réduite par l’exposition à des produits cancérigènes sans qu’il y ait de traces physiques pour l’attester. Il est également limité, puisqu’il ne s’agit que d’accorder une retraite anticipée de quelques mois à des personnes pourtant usées et cassées par leur travail et qui, pour la plupart d’entre elles, se retrouvent exclues du marché du travail dès la cinquantaine. La situation de certains employés de la verrerie de Givors, appartenant à l’entreprise BSN, illustre ces effets différés.
Aujourd’hui, nous pouvons ajouter que ce dispositif, entré en vigueur il y a tout juste une semaine, est très restrictif, dans la mesure où les conditions pour en bénéficier sont draconiennes et où la constitution du dossier s’apparente à un parcours du combattant. Pour l’instant, ce sont moins de 400 dossiers qui ont été déposés dans les caisses de retraite, alors que, je vous le rappelle, le dispositif était censé concerner 30 000 personnes par an, pour un coût de 300 millions d’euros. Signalons au passage que, dans de nombreuses caisses, les assurés n’ont pas pu déposer leurs dossiers avant le 1er juillet, au motif que les caisses n’étaient « pas prêtes ».
Il est certes trop tôt pour dresser un bilan définitif. Toutefois, monsieur le ministre, je constate que tout a été fait pour limiter la population concernée. J’en veux pour preuve les décrets d’application, qui ont tant durci le dispositif que beaucoup d’assurés s’en trouvent aujourd’hui exclus.
En outre, pour ceux qui peuvent encore y prétendre, fournir les pièces justificatives relève du parcours du combattant. C’est ainsi que les salariés dont le taux d’incapacité est compris entre 10 % et 20 % doivent notamment justifier de 17 années d’exposition à des facteurs de risque précisément décrits : contraintes physiques marquées – manutention de charges, postures pénibles, etc. –, travail de nuit, environnement agressif – bruit, agents chimiques, etc. Or il n’est pas simple de retrouver ces attestations, parfois anciennes, d’autant que certaines entreprises ont disparu entre-temps ; ce problème s’est posé pour les victimes de l’amiante.
Voilà ce que je tenais à dire, monsieur le ministre, avant que nous examinions les amendements déposés sur l’article 1er, qui doit prendre en compte les effets différés de la pénibilité du travail.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er.
En effet, celui-ci prévoit de confier à l’employeur, sans contre-pouvoir suffisant, la gestion des services de santé au travail, SST. Et pour cause : cet article 1er n’a pas fait l’objet de négociations avec les partenaires sociaux, mais exprime la seule position du MEDEF, qui est partisan d’un affaiblissement du rôle de la médecine du travail dans l’entreprise.
Alors que, en première lecture, le Sénat avait retenu l’idée d’une gestion alternée, garantissant l’indépendance des SST, l’Assemblée nationale a modifié le texte en prévoyant que ces services soient administrés par un conseil dont la présidence reviendra obligatoirement au représentant des employeurs.
Cette dilution de la responsabilité des médecins et cette restriction de l’indépendance des SST illustrent la reprise en main de la médecine du travail par les employeurs et traduisent une régression sans précédent de cette médecine.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Les auteurs de cet amendement, qui vise à supprimer l’article 1er, le justifient par leur opposition au système de gouvernance que l’article 1er instaurerait. Or ce système est instauré par l’article 3 et non par l’article 1er. En effet, ce dernier se contente de définir les missions des SST et de consacrer la notion d’équipe pluridisciplinaire.
Supprimer l’article 1er signifie donc supprimer la pluridisciplinarité. Celle-ci doit au contraire être reconnue et renforcée. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° Conduisent des actions préventives et de diagnostic en santé au travail, dans le but d’éviter toute altération de la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ;
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous souhaitons, par cet amendement, faire figurer le terme de « prévention » parmi les missions des SST. En effet, la préservation de la santé au travail doit inclure la prévention, qui désigne une action en amont afin d’empêcher l’altération de la santé. Or si, à cette tribune, plusieurs personnes ont insisté sur la notion de prévention, le terme n’est pas inscrit dans l’article 1er.
Force est de constater que, aujourd’hui, la prévention est bien souvent conçue comme une meilleure information dispensée aux travailleurs ou même aux chefs d’entreprise et aux cadres chargés d’encadrer des équipes de salariés. Or il est important de dépasser la simple information pour mener des actions : il faut que le médecin du travail puisse intervenir et organiser des formations. Par exemple, pour prévenir l’apparition de troubles musculo-squelettiques, il est fondamental d’apprendre aux salariés travaillant sur des postes informatiques comment se tenir face à l’écran.
Par cet amendement, nous voulons affirmer qu’il ne suffit pas de parler de prévention pour empêcher l’altération de la santé. C’est pourquoi il faut inscrire la notion de prévention dans la loi.
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et en vue d’éviter la survenue de pathologies à effet différé
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Notre amendement a pour objet de mentionner la prévention des pathologies à effet différé parmi les actions que conduisent les SST.
L’article 1er indique que les SST ont pour mission de suivre les travailleurs tout au long de leur parcours professionnel, afin d’éviter toute altération de leur santé. Toutefois, le parcours professionnel affecte la santé des travailleurs au-delà de leur seule période d’activité : le salarié qui part en retraite n’est pas une autre personne ; son corps ne se métamorphose pas, mais conserve les effets des conditions de travail auxquelles il a été soumis.
Notre amendement s’appuie notamment sur l’expérience acquise en matière d’exposition à des substances cancérogènes. L’exposition à l’amiante, aux éthers de glycol, à des poussières de bois ou de ciment, à des adjuvants chimiques, comme ce peut être le cas dans l’industrie agro-alimentaire, par exemple, provoque des pathologies pouvant se déclarer jusqu’à trente-sept ans après l’exposition.
Un nouveau scandale est d’ailleurs en train d’éclater, comme je l’ai mentionné tout à l'heure. En effet, après avoir, pendant des décennies, respiré des substances toxiques sans protection appropriée, les ouvriers retraités des verreries de la vallée du Gier sont atteints, dans des proportions anormales, de cancers des voies respiratoires et digestives.
L’un des retraités atteints, qui connaît parfaitement son état et sait quelle sera l’issue, nous a dit : « Pour moi, c’est trop tard. Mais, pour ceux qui sont encore dans les verreries, il faut qu’on fasse quelque chose. Je ne veux pas qu’ils crèvent comme nous autres. » C’est un propos, monsieur le ministre, que j’avais déjà entendu dans la bouche d’ouvriers contaminés par l’amiante !
Ce type d’événements interroge la médecine du travail. Il est indispensable d’orienter son action vers la prévention de ces situations, tant par l’action dans les entreprises en direction des employeurs, des salariés et des intervenants extérieurs, que par la recherche et la transmission des observations faites par les praticiens.
Je relève qu’à l’alinéa 5 il est fait mention de la prévention en matière de consommation d’alcool et de drogue sur le lieu de travail. C’est un aspect certes non négligeable, et je souscris pleinement à ces actions – Anne-Marie Payet le sait bien –, mais il y a bien d’autres comportements qui ont un effet différé sur la santé.
De plus, il est bien évident que, si le mal-être au travail peut être la cause de la consommation, au travail ou ailleurs, d’alcool ou de drogue, la consommation reste le fait du salarié.
Nous proposons d’aller au-delà de ce ciblage un peu trop restreint et de donner un rôle prépondérant à la médecine du travail, en partenariat avec les spécialistes d’autres disciplines, dans la recherche des causes des pathologies qui frappent les retraités. Ce serait d’ailleurs, monsieur le ministre, un élément d’intérêt professionnel et intellectuel important pour revaloriser la médecine du travail aux yeux des étudiants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. L’amendement n° 2 a pour objet d’apporter des modifications rédactionnelles. Par exemple, à la place du verbe « préserver », les auteurs de l'amendement préfèrent employer l’expression « actions préventives ».
En outre, l’amendement reprend l’expression « éviter toute altération de la santé », qui est déjà inscrite à l’alinéa 3.
Il me semble plus important de permettre à cette réforme d’entrer en vigueur, car elle répond à une véritable urgence, plutôt que d’apporter des modifications essentiellement rédactionnelles.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Le Sénat a déjà rejeté en première lecture un amendement identique à l’amendement n° 32, la précision apportée ne paraissant pas nécessaire. Sont en effet uniquement visées les pathologies à effet différé, ce qui est redondant avec la mission générale de préservation de la santé des travailleurs de la médecine du travail.
L’avis de la commission est également défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les deux amendements.
Madame David, je ne suis pas sûr de vous convaincre, mais, très sincèrement, il me semble que l’amendement n° 2 est satisfait.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Élaborent, en lien avec les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, un document retraçant les risques professionnels auxquels les salariés ont été exposés ou ont pu être exposés durant leur activité professionnelle. Ce document est remis aux salariés une fois qu’ils ont cessé leur activité professionnelle.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Le présent amendement prévoit la création d’un document retraçant les risques professionnels auxquels les salariés ont pu être exposés durant l’exercice de leur activité professionnelle.
Ce document est adressé de manière obligatoire à tous les salariés qui cessent leur activité professionnelle et est élaboré en lien avec les comités d’hygiène et de sécurité.
Les maladies professionnelles ne se déclarent pas nécessairement pendant l’exercice de la profession : elles peuvent mettre de nombreuses années à se développer et n’apparaître ainsi qu’une fois l’activité cessée.
Dans de tels cas, le salarié doit apporter la preuve du lien direct entre son ancienne activité et sa maladie, lien très complexe à établir, mais qui conditionne malheureusement la réussite d’une action en responsabilité contre l’employeur.
L’élaboration du document dont nous proposons la création dans cet amendement aura pour effet de faire perdurer la responsabilité de l’employeur au-delà des seules périodes d’activité et donc de faciliter les démarches engagées à fin de réparation des torts causés aux employés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Il est défavorable, car l’amendement est déjà satisfait.
En effet, l’article 60 de la loi portant réforme des retraites prévoit que le médecin du travail constitue un « dossier médical en santé au travail », qui retrace les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis, ainsi que les avis et propositions du médecin du travail.