compte rendu intégral
Présidence de M. Bernard Frimat
vice-président
Secrétaire :
Mme Sylvie Desmarescaux.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010
Adoption définitive d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2010 (projet n° 672, rapport n° 674).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Valérie Pécresse, qui aurait souhaité pouvoir vous présenter elle-même ce projet de loi de règlement pour l’année 2010. J’aurai donc le plaisir et l’honneur de le faire en son nom et au nom du Gouvernement.
Dans un contexte de sortie de crise, le Gouvernement a engagé en 2010 des réformes porteuses de croissance et un important programme d’investissements destiné à renforcer la compétitivité de notre économie.
En 2010, également, dans le cadre de la solidarité européenne, la France a contribué au mécanisme de soutien des pays de la zone euro qui connaissaient, vous le savez, une situation financière préoccupante.
Les comptes 2010 de l’État présentés dans ce projet de loi de règlement retracent les enjeux financiers de ces événements et des politiques publiques engagées par notre pays.
Pour la cinquième année consécutive, la Cour des comptes a certifié les comptes de l’État, en émettant un avis favorable assorti de sept réserves. L’année dernière, je le rappelle, neuf réserves avaient été émises ; il y en avait douze lors de l’approbation des comptes pour 2008. Cela témoigne d’un dialogue constructif avec la Cour des comptes et d’efforts continus, qui se sont poursuivis en 2010, pour améliorer la qualité et la transparence de nos comptes.
Le résultat comptable de l’État pour l’année 2010 s’élève à moins 112 milliards d’euros. Ce résultat est en baisse de 12 milliards d’euros par rapport à celui de 2009. Cela s’explique principalement par les mesures transitoires liées à la réforme de la taxe professionnelle : vous le savez, elles ont conduit à verser en 2010 aux collectivités locales la totalité de leurs recettes, via le mécanisme de la compensation-relais, alors qu’une partie des acomptes versés au titre de la nouvelle fiscalité ne sera comptabilisée en produit dans les comptes de l’État qu’en 2011.
Ce résultat reste toutefois nettement moins dégradé que le résultat budgétaire, inchangé par rapport à celui qui a été présenté au mois de février et qui s’établit à moins 148,8 milliards d’euros. En effet, le Gouvernement a choisi de favoriser la croissance de long terme et d’apporter son soutien à la stabilité financière européenne, tout en préservant l’équilibre de long terme de nos finances publiques.
Ainsi, les dépenses au profit de la Grèce, sous forme de prêts, n’ont eu aucun impact sur le patrimoine de l’État. Pour autant, elles n’en étaient pas moins indispensables, et nous avons encore eu l’occasion de nous en rendre compte tout récemment.
Il en va de même des dépenses exceptionnelles au bénéfice d’investissements d’avenir, qui reposent majoritairement sur des opérations qui n’appauvrissent pas l’État, mais qui stimuleront au contraire notre croissance.
Concernant les dépenses ordinaires de l’État, je veux vous dire, monsieur le rapporteur général, que Valérie Pécresse, ministre du budget, a pris connaissance avec une très grande attention de votre analyse de l’exécution budgétaire en 2010.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Merci !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je sais que vous êtes appelé à poursuivre le dialogue avec le Gouvernement sur ce sujet, comme sur bien d’autres.
D’ores et déjà – je veux l’affirmer clairement devant vous –, il n’y a eu aucun relâchement de l’effort de maîtrise des dépenses en 2010. En dehors des investissements d’avenir et du plan de relance de l’économie, la dépense s’établit à 352,5 milliards d’euros, pour un plafond fixé à 352,6 milliards d’euros en loi de finances initiale. La norme de dépense a ainsi été strictement respectée.
Nous avons certes bénéficié, cette année-là, d’économies conjoncturelles, en particulier sur les charges de la dette. Mais je veux rappeler qu’elles ont principalement permis de financer des dépenses elles aussi exceptionnelles, notamment pour soutenir l’emploi par des politiques actives et pour absorber une hausse des dépenses de guichet, dont l’évolution reste étroitement liée à la conjoncture économique.
Pour l’essentiel, les événements qui ont marqué l’exécution 2010 ont pu être anticipés et intégrés dans la construction du budget 2011. Je pense en particulier à la revalorisation de l’allocation adulte handicapé à hauteur de plus de 700 millions d’euros, une mesure de justice particulièrement forte.
J’ajoute que, pour tenir compte du dérapage de 2010, la dotation des contrats aidés a été augmentée de 400 millions d’euros, alors que le volume de ces derniers va baisser en 2011.
Nous avons également assaini considérablement nos relations financières, en apurant totalement la dette de l’État envers le Crédit foncier de France et la sécurité sociale. Je précise qu’il n’y a eu dans cette opération aucun contournement de la norme de dépense, dès lors que nous avons utilisé une ressource ponctuelle pour solder des dettes anciennes, et non pour réduire les dotations versées par l’État à la sécurité sociale au titre de l’exercice 2010.
En matière de dépenses de personnel, l’équation budgétaire pour 2010 est désormais bien connue : elle a été marquée par les conséquences des moindres départs à la retraite constatés en 2009 et en 2010, qui ont toutefois été en partie compensées. Les suppressions d’emploi effectivement réalisées, soit 31 200 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, restent pour leur part légèrement en dessous des prévisions initiales, mais elles représentent néanmoins 6 500 suppressions de plus que celles qui ont réalisées en 2009.
Le cap du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a donc été pleinement tenu et il continuera de l’être, tant en 2011 qu’en 2012. Je rappelle qu’en 2010 tous les ministères ont respecté leur plafond d’emploi et se sont donc conformés à l’autorisation qui leur a été accordée par le Parlement.
Le dépassement constaté sur les dépenses de personnel a été, au final, plus limité que prévu, et s’élève sur l’ensemble de ces dépenses à 250 millions d’euros, soit 450 millions d’euros hors pensions.
Les gains bruts liés à la révision générale des politiques publiques et à la mise en place du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ont représenté une économie de plus de 800 millions d’euros, et le retour catégoriel lié aux suppressions de poste a été conforme à l’objectif de 50 % fixé par le Président de la République.
J’ajoute à ce sujet qu’il convient, de l’avis du Gouvernement, de distinguer l’effet des décisions antérieures à 2010, à l’instar des différents protocoles salariaux signés par le ministère de l’intérieur entre 2007 et 2009, et les mesures catégorielles liées à l’effort de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux en 2010.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les recettes fiscales nettes s’établissent pour leur part à 253,6 milliards d’euros à la fin de 2010. L’écart par rapport à la dernière prévision, qui était de 255 milliards d’euros lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, s’explique essentiellement par de moindres rentrées fiscales au titre du dernier acompte de l’impôt sur les sociétés, dont nous avons d’ailleurs tenu compte dans le premier collectif pour 2011 examiné par la Haute Assemblée.
Les recettes non fiscales, qui sont les plus liées à la situation économique, notamment les dividendes perçus sur les entreprises publiques ou sur la Coface, sont inférieures de 0,4 milliard d’euros aux prévisions. Elles s’établissent à 18,2 milliards d’euros.
Enfin, plusieurs événements ont joué favorablement sur le solde des comptes spéciaux.
Ainsi, la Grèce n’a pas mobilisé la dernière tranche des prêts que la France avait prévu de verser. Je rappelle qu’il s’agit de crédits évaluatifs, que nous ne pilotons pas de la même façon que les crédits budgétaires ordinaires. Au total, la France a ainsi accordé 4,4 milliards d’euros à la Grèce au cours de l’exercice 2010.
En outre, le solde du compte d’avance aux collectivités locales s’est amélioré d’environ 600 millions d’euros, en lien avec la révision à la baisse du coût de la réforme de la taxe professionnelle.
Concernant le bilan de l’État, la situation nette s’établit à moins 756,6 milliards d’euros en 2010. Elle recule donc de 92,5 milliards d’euros par rapport à 2009, principalement du fait de l’évolution de la dette. Toutefois, cette dernière évolue à un rythme nettement inférieur à celui qui a été constaté en 2009, puisqu’elle a enregistré une hausse de 79 milliards d’euros en 2010, contre 131 milliards d’euros en 2009.
L’intervention exceptionnelle des États membres de l’Union européenne, outre les prêts consentis à la Grèce, s’est aussi caractérisée par la mise en place du Fonds européen de stabilité financière et se traduit dans les comptes par une augmentation des engagements, hors bilan de l’État, de 1,1 milliard d’euros.
Enfin, la réforme des retraites a permis, dès 2010, de réduire le besoin de financement des retraites des fonctionnaires qui figure dans les informations de l’annexe des comptes de l’État. Il s’élève à 490 milliards d’euros en 2010, contre 598 milliards d’euros hors réforme des retraites.
Je dirai, pour terminer, un mot sur la performance, puisque le projet de loi de règlement est l’occasion, à travers l’examen des rapports annuels de performance, d’analyser en détail les résultats obtenus par les grandes politiques publiques.
Le Gouvernement prend note de l’ensemble des propositions formulées par la commission des finances à l’occasion de cet exercice, dont une part substantielle concerne le dispositif d’évaluation de la performance.
Nous avons privilégié, en 2010, la réduction du nombre d’indicateurs du budget de l’État – ils sont passés de près de 1 200 à un peu plus d’un millier –, afin de les resserrer sur les priorités et d’améliorer leur pertinence.
Le taux de renseignement des indicateurs, indispensable au bon contrôle du Parlement, se maintient à un niveau élevé : près de 90 %. Permettez-moi à ce titre de rappeler que ce taux n’était que de 50 % environ lors de la première présentation des rapports annuels de performance, en 2006.
Concernant les résultats eux-mêmes, ils sont en légère amélioration par rapport à l’année dernière, avec 69 % d’indicateurs affichant une évolution positive.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous pouvez le constater, l’exécution budgétaire de l’année 2010 qui vous est présentée dans ce projet de loi de règlement reflète la détermination du Gouvernement à effacer rapidement les stigmates de la crise, sans pour autant ignorer les enjeux liés à la compétitivité nationale et à la solidarité au sein de l’Union européenne. Les événements récents, tout comme la reprise de la croissance, sont venus nous donner raison.
L’année 2010 était une année charnière : nous avons progressivement mis fin aux dépenses conjoncturelles du plan de relance, qui ont permis de soutenir l’activité et de protéger autant qu’il était en notre pouvoir les Français de la crise. Dans le même temps, nous avons engagé des investissements structurels qui stimulent notre croissance potentielle. Ce basculement s’est opéré dans le plein respect des engagements que nous avions pris devant vous de maîtrise des dépenses courantes.
Nous poursuivons sur cette voie en 2011, et les bons résultats que nous enregistrons d’ores et déjà doivent nous encourager à aller plus loin dans cette direction que nous avons définie ensemble. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si le projet de loi de règlement ne suscite généralement pas une grande passion, pas plus au Parlement qu’à l’extérieur, c’est, me semble-t-il, pour deux raisons, une bonne et une mauvaise.
La mauvaise, c’est qu’il s’agit d’un texte rétrospectif, et que le passé n’est jamais passionnant pour les acteurs de la vie politique. Pourtant, à condition d’y consacrer du temps, l’examen du projet de loi de règlement, qui est le rapport de gestion de l’État, se révèle extrêmement utile, ainsi qu’en témoigne l’expérience de la commission des finances : cette dernière, sur l’initiative de Jean Arthuis, auditionne en effet systématiquement depuis plusieurs années les ministres, notamment sur leurs indicateurs de performance.
La bonne raison, c’est celle qui prouve le caractère obsolète de la loi de règlement : ce qui compte aujourd’hui, ce n’est pas tant le solde de l’État que celui des administrations publiques. Au regard de vos responsabilités antérieures, monsieur le secrétaire d’État, je ne vous apprendrai rien en disant que nous devons surtout, conformément aux engagements que nous avons pris, prouver notre capacité à respecter le pacte européen de stabilité et de croissance, laquelle doit évidemment s’apprécier au niveau non pas du seul État, mais de l’ensemble « maastrichtien » composé de l’État, de la sécurité sociale, des collectivités territoriales et des divers organismes d’administration publique.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Or, s’agissant du programme de stabilité et de croissance, rien dans notre système public ne permet aujourd’hui de confronter les objectifs aux résultats.
À cet égard, la loi de règlement fonctionne comme ces belles machines d’autrefois : une mécanique sophistiquée et bien huilée. Tout est paramétré et sans surprise.
Mais la loi de règlement n’est plus pertinente : si elle conserve une certaine utilité, elle ne peut cependant se substituer à une vraie reddition des comptes, qui seule permettrait de savoir si les engagements ont été respectés, si le cap de la convergence a été tenu, et si des arrangements, petits ou grands, n’ont pas été pris avec la vérité en cette période de sortie de crise.
Je me contenterai, monsieur le secrétaire d’État, de tirer cinq enseignements de ce projet de loi de règlement. Pour le reste, je me permets de renvoyer à mon rapport écrit, et je remercie nos collègues d’avoir participé nombreux, et très activement, aux travaux de la commission : les vieux animaux parlementaires que nous sommes, monsieur le secrétaire d’État, savent bien que, pour ce genre de textes, les séances de commission sont plus utiles que les séances plénières… (Sourires.)
Premier enseignement : une prévision de croissance prudente réserve d’agréables surprises en exécution. L’année 2010 en porte le témoignage : le Gouvernement, rompant en cela avec une longue série, avait en effet retenu une prévision minimaliste de croissance du PIB de 0,75 %. La réalité a finalement été bien meilleure, le taux constaté en exécution s’établissant à 1,5 %. Dès lors, il ne faut pas s’étonner que la loi de règlement soit bonne : elle ne fait que traduire la prudence de la prévision initiale !
Au final, le déficit des administrations publiques s’établit à 7,1 % du PIB, contre une prévision de 7,6 %. Il convient toutefois de relativiser cette « bonne performance » puisque, en 2010, seuls cinq États de la zone euro ont présenté un déficit plus élevé que celui de la France : la Grèce, l’Irlande, l’Espagne, la Belgique et la Slovaquie.
Nous pouvons toutefois nous réjouir d’avoir fait mieux que prévu. Nous devons aussi tenir compte des dépenses exceptionnelles, qu’il s’agisse de la réforme de la taxe professionnelle et, surtout, du plan de relance, qui ont perturbé les séries. Mais j’ai le sentiment que nous avons pris nos responsabilités dans la crise.
Deuxième enseignement : même si l’État a plutôt bien tenu ses dépenses en 2010 – la commission a pu constater qu’il n’était pas à l’origine de la dynamique des dépenses des administrations publiques –, il ne faut surtout pas relâcher l’effort.
Bien que les normes aient été respectées, n’oublions pas que, en 2010, avec un déficit de 149 milliards d’euros, le taux de couverture des dépenses du budget général par les recettes – c’est une vielle notion, mais il convient de s’y rapporter, avec les règles du bon sens – atteint un « point bas » historique, à 53 %, contre plus de 85 % en 2007. La crise est incontestablement passée par là. Ainsi, l’an dernier, à cette même période, nous commencions à vivre à crédit, et la situation a duré jusqu’au 31 décembre. Quant à l’encours de la dette nominale de l’État, il s’élevait à la fin de l’année 2010 à 1 212 milliards d’euros, en progression de 40 % par rapport à 2005.
Troisième enseignement : la contrainte budgétaire incite le Gouvernement à prendre des libertés avec les règles de gouvernance. Comme vous l’avez dit très justement, monsieur le secrétaire d’État, la norme de dépense retenue pour 2010 était le « zéro volume ». Elle a certes été respectée – je vous en donne acte –, mais au prix de quelques aménagements méthodologiques qui, s’ils se défendent, ne sont pas mineurs.
Tout d’abord, 70 milliards d’euros de dépenses « exceptionnelles », correspondant à la compensation relais, aux investissements d’avenir et au plan de relance, ont été retranchées de la norme.
Ensuite, le budget général a bénéficié d’économies de constatation sur la charge de la dette et sur les prélèvements sur recettes, lesquelles s’élèvent respectivement à 2 milliards d’euros et à 800 millions d’euros.
Enfin, dans le jeu éminemment complexe des relations financières entre l’État et la sécurité sociale, dont je renonce à comprendre en détail les mécanismes, je crois pouvoir dire que des dépenses ont été débudgétisées pour ne pas affecter la norme. Elles ne représentent certes que 1,4 milliard d’euros, mais je tenais à le souligner.
Je m’attarderai davantage sur les investissements d’avenir. Sans contester le rôle qu’ils peuvent jouer, à terme, en matière de compétitivité, ils ont néanmoins contribué à dégrader le déficit budgétaire de 35 milliards d’euros en 2010, même si l’arithmétique « maastrichtienne » ne retient que 700 millions d’euros pour les raisons que nous connaissons. La compétitivité de notre pays doit beaucoup au commerce extérieur – je ne vous apprends rien, monsieur le secrétaire d’État ! – et, à cet égard, le déséquilibre de notre balance commerciale s’apparente vraiment à une plaie béante.
Je m’interroge d’ailleurs, pour l’avenir, sur la conformité de ces pratiques au « plafond de dépenses » que prévoit la règle d’équilibre figurant dans le projet de loi constitutionnelle. Voilà un cas d’école qu’il serait intéressant d’analyser ! Admettons que la révision constitutionnelle soit votée et que le Conseil constitutionnel doive apprécier l’exécution budgétaire de 2010… Qu’adviendrait-il ? Je recommande aux facultés de se pencher sur ce sujet !
Quatrième enseignement : le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux n’a pas encore vraiment de traduction budgétaire concrète puisque, malgré la baisse des effectifs, la masse salariale continue de progresser en 2010. Comme nous le constaterons aujourd’hui même à l’occasion du débat d’orientation des finances publiques, la masse salariale ne commencera à régresser légèrement qu’en 2012. En 2010, 26 527 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, ont été supprimés, engendrant 808 millions d’euros d’économies. Mais la masse salariale a augmenté de 2 %, notamment sous l’effet de mesures catégorielles qui ont coûté 544 millions d’euros. Cela laisse à penser que le Gouvernement a raison de bloquer le point d’indice. Il n’y a en effet pas que le point d’indice : lorsque l’on considère le pouvoir d’achat et la revalorisation de la condition des fonctionnaires de l’État, il faut aussi tenir compte de l’ensemble des mesures catégorielles. Or leur impact sur les comptes publics est manifeste. Au final, les salaires auront donc globalement augmenté en 2010 de 0,7 %, et la charge budgétaire des pensions aura progressé de 5,2 %.
Cinquième et dernier enseignement : il est indispensable – c’est d’ailleurs une préoccupation constante de la commission des finances – d’améliorer l’information du Parlement sur le hors bilan de l’État.
Les principaux engagements hors bilan de l’État sont constitués par les engagements de retraites – 1 200 milliards d’euros –, la dette garantie par l’État – 138 milliards d’euros –, les garanties de protection des épargnants – 314 milliards d’euros – et les engagements fiscaux de l’État – 315 milliards d’euros.
Ces données ne sont pas toujours simples à évaluer, le plus important étant la permanence des méthodes utilisées afin que les séries de chiffres aient un sens. Mais, surtout, l’information du Parlement doit être améliorée. Or il n’existe pas de recensement exhaustif ni de consolidation des engagements hors bilan sur la base d’une méthodologie commune. Il n’est pas davantage possible de comparer les données d’une année sur l’autre. Lors de son audition, le 23 juin dernier, François Baroin a assuré la commission du concours de ses services pour améliorer cette situation.
Vous avez aussi fait état des réserves de la Cour des comptes, monsieur le secrétaire d’État. Je reconnais qu’elles ont tendance à se diluer au fil du temps. Mais il faut reconnaître que l’exercice est assez singulier, et que l’on ne peut pas comparer les auditeurs de la Cour des comptes et ceux qui se penchent sur les bilans des grandes sociétés internationales. C’est une juridiction qui fait avec ses méthodes, ses moyens et sa bonne volonté.
On peut aussi s’interroger sur la véritable signification de la certification des comptes de l’État. N’est-il pas plus important que les méthodes progressent et que le système d’information s’améliore ? Mais, après tant d’années de certification et tant de réserves formulées, avouez, monsieur le secrétaire d’État, que l’on peut légitimement s’interroger.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est un vrai sujet !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Les termes utilisés pour apprécier les comptes du secteur public ne recouvrent pas le sens qu’on leur donne habituellement dans le monde que je qualifierai de « normal », celui des entreprises et des marchés. Ce monde n’est certes pas parfait, loin de là, mais son évaluation a le mérite de répondre à des standards internationaux.
En conclusion, l’exercice 2010 est vraiment celui de la transition. Ce fut une bonne année pour la commission des finances, puisque ses membres ont eu le plaisir d’examiner quatre collectifs budgétaires ! (Sourires.) Plus sérieusement, si nous avons vu la sortie de crise économique s’amorcer, nous avons connu dans le même temps une nouvelle crise, celle des dettes souveraines de certains États de la zone euro.
Cette transition s’est amorcée à la fin de l’année 2010 et nous sommes toujours aujourd’hui dans cette phase délicate.
L’année 2010 devrait être le premier exercice de la « fin du double langage » - les membres de la commission des finances sont d’un naturel optimiste –, c’est-à-dire le premier exercice où l’on est contraint de dire la vérité et de faire ce que l’on a dit. Pour la première fois, en effet, la programmation pluriannuelle, sur laquelle le Parlement s’est prononcé lors du débat d’orientation des finances publiques, a été respectée et, pour la première fois également, le Gouvernement s’est politiquement senti le devoir de respecter cet engagement.
Monsieur le secrétaire d’État, ce projet de loi de règlement des comptes pour l’année 2010 comporte beaucoup d’aspects positifs. Il nous faut espérer que 2011 tienne vraiment les promesses de 2010 et que, dans cette période de redressement et de sortie de crise, nous fassions aussi bien. Surtout, il nous reste à concentrer nos espoirs sur l’année 2012 ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis 2007, les années budgétaires se suivent et se ressemblent toutes, comme l’illustre parfaitement l’examen approfondi du projet de loi de règlement des comptes pour 2010.
Ce rendez-vous annuel permet à notre assemblée de se prononcer sur la demande de validation des comptes de l’État. Cet exercice comptable n’a pas réellement d’influence sur les finances publiques à venir, en ce sens qu’il enregistre les données budgétaires et comptables transmises par les administrations chargées de l’application des dispositifs prévus en loi de finances et en loi de finances rectificative.
Néanmoins, il retrace en chiffres et en tendances l’état de nos finances publiques ainsi que la situation économique de la France et permet au Gouvernement de faire preuve non pas d’humilité mais bien d’autosatisfaction. C’est notamment le cas, par exemple, pour la réduction de 0,4 point du déficit entre 2009 et 2010 et pour la reprise de la croissance pour l’année 2010, avec une augmentation de 1,5 % du PIB, après une baisse de 2,7 % l’année précédente.
Ces chiffres, en apparence favorables, peinent en réalité à masquer les échecs et les failles d’une politique budgétaire menée par le Gouvernement depuis 2007 et les effets d’une crise qui se prolonge, en dépit des annonces d’embellies à venir.
Par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2010, les dépenses ont augmenté de 37,54 milliards d’euros. Cette hausse est essentiellement due au plan de relance, au programme « Investissements d’avenir » et au soutien à la Grèce.
Souvenons-nous, la Grèce, organisatrice, en 2004, des jeux Olympiques, offrait au monde l’image d’un pays jeune, dynamique, ambitieux, réconcilié avec son passé, et accueillait, dans un décor des plus fastes et une ambiance des plus festives, les délégations nationales sportives du monde entier. Aujourd’hui, ce pays est au bord du désastre politico-économique, en état de faillite publique, pressuré par ses créanciers, ruiné par une crise financière sans précédent, à la merci d’un destin qu’il ne maîtrise pratiquement plus.
Le texte sur lequel nous allons nous prononcer tout à l’heure est là pour nous rappeler que la France, comme les autres pays membres de la zone euro, participe au règlement de la facture grecque. Qu’on le veuille ou non, notre participation aux aides financières internationales pèse lourdement sur nos déficits.
Certes, la question des déficits n’est pas nouvelle, puisqu’elle empoisonne la vie politique française depuis le début des années quatre-vingt. Tous les gouvernements ont eu leur part de responsabilité car, à aucun moment, le Parlement n’a jamais réussi à voter un budget en équilibre. L’année 2010 échappe d’autant moins à la règle que la présentation récente du rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’exercice 2010, ainsi que la certification des comptes de l’État de 2010 par le Premier président de la Cour des comptes, confirment que notre pays est dans une situation budgétaire inquiétante.
D’un montant de 148,8 milliards d’euros pour 2010, soit 7,1 % du PIB, ce déficit historique est le deuxième plus important qu’ait connu la France depuis 1945. Le record fut en effet détenu en 2009, avec 7,5 % du PIB. La Cour des comptes, dans son dernier rapport, souligne fort justement que la diminution du déficit entre 2009 et 2010 est faible par rapport à celle que l’on constate dans les autres pays européens. Il est bien loin le temps où l’on se référait aux critères dits « de Maastricht » !
De plus, l’exercice 2010 se caractérise par une terrible dégradation de la dette de l’État : 81 milliards d’euros supplémentaires en douze mois. Et encore, si des opérations de trésorerie exceptionnelles, et qui ne pourront donc être reconduites chaque année, n’avaient pas été effectuées, la dette de l’État se serait accrue de 110 milliards ou de 120 milliards d’euros.
Notre dette atteint désormais 1 600 milliards d’euros, soit 82,3 % du PIB. Certes, l’Allemagne affiche un taux légèrement supérieur – 83,2 % –, mais son déficit étant beaucoup moins important que le nôtre – 3,3 % –, son endettement va donc se réduire plus rapidement. En outre, le taux de croissance de l’Allemagne est supérieur à celui de la France : 3,5 % contre 1,5 %.
Enfin, pour être complète, je me permettrai d’ajouter à cette dette publique de l’État l’immense fardeau de la dette sociale.
S’il est bon que les parlementaires, qu’ils soient de gauche ou de droite, soient attentifs à la gravité de la dette de notre pays, qu’elle soit publique ou sociale, il eût été plus sain et plus heureux pour l’avenir que le Gouvernement en prît toute sa part de lui-même et donnât à cette question toute l’importance qu’elle mérite.
Cette situation est d’autant plus périlleuse que la spéculation financière a repris comme par le passé. Les dirigeants des banques, ceux-là même que le Gouvernement a aidés avec l’argent des contribuables, engrangent de nouveau des profits colossaux qui, loin d’être réinvestis dans l’économie réelle, favorisent la formation d’une nouvelle « bulle financière » qui commence à enfler, alors même que l’économie française se remet très lentement du choc de 2008.
Face à cela, que constatons-nous pour 2010 ? Une dégradation de nos comptes due à plusieurs raisons majeures : d’une part, des choix fiscaux marqués par la persistance du bouclier fiscal et le maintien de niches fiscales dont l’intérêt économique reste fort discutable ; d’autre part, une maîtrise très imparfaite des dépenses, puisque, l’an dernier, l’essentiel de la baisse des dépenses a été dû à des facteurs avant tout conjoncturels, comme le souligne la Cour des comptes, qui n’a cessé d’exprimer des doutes sur la réalité d’une stricte application de la norme d’évolution des dépenses dite « zéro volume ».
Enfin, j’aimerais conclure mon intervention par quelques observations que m’inspire le projet de loi de règlement sur la situation financière des collectivités en 2010, notamment celle des départements.
Selon le projet de loi de règlement, la situation des comptes des administrations publiques locales s’est sensiblement améliorée. Comme le constate la Cour des comptes, les départements maîtrisent leurs charges, alors que les dépenses liées à l’action sociale sont encore en forte hausse, puisqu’elles représentent 65 % des dépenses de fonctionnement et ont augmenté de 4,7 % en 2010. Depuis 2008, les dépenses sociales ont crû de 17 %, alors que les compensations de l’État n’ont été que de 7 %.
La compensation par l’État du coût des prestations nationales de solidarité n’est rendue possible en 2010 que par l’augmentation des droits de mutation à titre onéreux. La Cour des comptes note que cette situation est « étroitement corrélée à une ressource conjoncturelle et volatile », formule quelque peu technique pour souligner le danger de la politique des gels de dotations par l’État.
In fine, c’est donc bien sur les départements que pèsent les obligations les plus lourdes et les moins maîtrisables dans le contexte budgétaire de 2010, à tel point d’ailleurs que non seulement les objectifs de péréquation entre les collectivités risquent de demeurer lettre morte, mais aussi que la plupart des départements hésiteront longuement avant d’engager des autorisations d’investissement pourtant nécessaires à la collectivité.
Compte tenu de toutes ces observations et des incertitudes qui pèsent sur l’avenir, la majorité du groupe RDSE, une fois de plus, ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur les travées du groupe socialiste.)