compte rendu intégral
Présidence de Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine,
M. Jean-Pierre Godefroy.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
3
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle a d’ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu’elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu ultérieurement lorsque le Gouvernement formulera effectivement sa demande.
4
Loi de finances rectificative pour 2011
Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011 (texte de la commission n° 694, rapport n° 693).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la ministre, permettez-moi tout d’abord de vous féliciter de votre nomination au poste de ministre du budget ; pour la commission des finances, c’est la responsabilité la plus éminente qui soit au sein du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Croyez bien que, dans vos tâches difficiles et parfois ingrates, vous pourrez compter sur l’appui de la commission des finances du Sénat, notamment pour réduire les déficits publics. Nous serons à vos côtés, intraitables, sur le chemin qui doit nous conduire, l’année prochaine, à réduire le déficit de 20 milliards d’euros.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Au minimum !
M. Philippe Marini, rapporteur. Je tiens aussi à rendre hommage à François Baroin, avec qui nous avons travaillé de façon si fructueuse au cours des derniers mois. Il a été un ministre du budget particulièrement présent, actif et pugnace. En ce début d’après-midi, nous allons mettre la touche finale à la réforme de la fiscalité du patrimoine que nous avons conçue ensemble.
En tant que ministre du budget, il a su conduire ce difficile dossier de manière à la fois résolue, volontaire et diplomatique ; il a su tracer son sillon au sein de l’exécutif et ensuite, avec le Parlement, aboutir à un résultat que nous pouvons considérer comme le meilleur possible dans le contexte actuel.
Tout d’abord, ce collectif budgétaire, je le rappelle, mes chers collègues, traduit notre engagement en faveur de la défense de l’euro. Nous sommes toujours dans une période marquée par la crise des dettes souveraines de certains États membres de la zone euro ; dans ce collectif budgétaire est prévu un relèvement de 111 milliards d’euros à 159 milliards d’euros du plafond de la garantie de l’État au Fonds européen de stabilité financière, sous réserve que l’accord soit signé par tous les États participants avant la fin de l’année.
Ensuite et surtout, ce collectif budgétaire est celui de l’aménagement raisonnable de l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune. Cet allègement était une nécessité économique ; il nous permet aussi de préparer utilement le débat sur la stratégie fiscale qui sera assurément l’un des temps forts de la période préélectorale puis électorale à venir.
Le dispositif retenu est le seul possible dans le contexte politique de 2011 : il consiste en un aménagement raisonnable de l’impôt de solidarité sur la fortune, financé par des mesures compensatoires relevant du même domaine de la fiscalité du patrimoine.
Pour préparer la suite, je ne doute pas, madame la ministre, que vous reprendrez à votre compte l’annonce faite par votre prédécesseur de mettre en place un groupe de travail sur la taxation des revenus exceptionnels. Bien d’autres réflexions devront naturellement être conduites.
La commission mixte paritaire a, dans l’ensemble, repris les apports du Sénat : elle a confirmé les mesures que nous avions votées s’agissant de la compensation de la disparition – avant qu’elle n’ait existé – de la taxe sur les résidences en France de nos compatriotes de l’étranger, plus généralement des non-résidents ; elle a précisé, à la suite du Sénat le régime fiscal des trusts ; elle a confirmé notre initiative concernant l’évolution de la fiscalité sur les contrats d’assurance vie les plus importants au décès du souscripteur.
Dans le cadre de ce collectif budgétaire, nous avons également fait valoir nos préoccupations sur certains points relatifs à la fiscalité des collectivités territoriales. Le Sénat a joué son rôle traditionnel de veille en la matière
D’abord, à l’initiative de Jean Arthuis, initiative que la commission mixte paritaire a confirmée, nous avons réduit le taux de cotisation des collectivités locales au Centre national de la fonction publique territoriale, dont le plafond va être abaissé de 1 % à 0,9 % : c’est une bonne nouvelle pour nos budgets communaux.
Ensuite, nous avons corrigé différentes scories de la réforme de la taxe professionnelle. Il s’agit tout d’abord des conséquences de la disparition des bases « équipements et biens mobiliers » sur les taux de contribution foncière des entreprises pratiqués dans les périmètres où existent des syndicats intercommunaux à contribution fiscalisée.
Le dispositif auquel nous avons abouti préserve complètement les intérêts des entreprises, lesquelles sont en quelque sorte « otages » de la réforme, et laisse aux communes le temps d’organiser le meilleur mode de financement possible pour leurs syndicats.
Il faut être conscient que ce dispositif devra sans doute être renouvelé et transposé, d’une façon ou d’une autre, aux établissements publics fonciers, qui se trouvent dans la même situation.
Par ailleurs, la commission mixte paritaire a, comme le souhaitait le Sénat, préservé le dispositif d’affectation aux communes d’une fraction du produit de la taxe générale sur les activités polluantes afférente aux granulats. Nous devrons toutefois probablement revenir sur cette décision à l’automne, pour éviter qu’elle ne soit une contrainte trop importante pour l’enveloppe normée des concours aux collectivités locales.
Ensuite, mes chers collègues, comme tout collectif budgétaire, celui-ci, dont le nombre d’articles est passé de vingt-trois à l’origine à soixante-quatorze au final, a été l’occasion de régler un certain nombre de divers problèmes concrets de la vie économique.
Nous avons ainsi contribué au combat d’Anne-Marie Payet, sénateur de la Réunion,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Combat remarquable !
M. Philippe Marini, rapporteur. … contre le tabagisme outre-mer, en prévoyant l’entrée en vigueur d’un système de licences pour la vente du tabac. (M. Denis Badré applaudit.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Enfin !
M. Philippe Marini, rapporteur. Sur l’initiative de nos collègues Denis Badré et Adrien Gouteyron, nous avons facilité le financement des chambres de commerce et d’industrie, tout en maintenant l’obligation pour ces dernières de signer des conventions d’objectifs et de moyens.
Madame la ministre, en dernier lieu, la commission mixte paritaire a abordé certaines questions significatives touchant à l’organisation et au fonctionnement de l’État.
Nous avons finalement limité à 2016 le terme du délai pour le recrutement dérogatoire par concours spécifique des magistrats des chambres régionales des comptes.
Nous avons préservé l’amendement voté au Sénat, sur l’initiative de notre excellente collègue Fabienne Keller, tendant à utiliser, à hauteur de 25 millions d’euros, des crédits actuellement dormants issus du dispositif du revenu de solidarité active, afin de financer des contrats aidés dans les écoles.
Enfin, nous avons institué un plafond d’emplois global pour les autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale sans toutefois que, du côté du Sénat, nous ayons beaucoup d’illusions sur les modalités pratiques de mise en œuvre de ce dispositif.
Au total, mes chers collègues, nous avons constaté une grande convergence de vues entre nos deux commissions des finances. Et vraiment, c’est toujours pour nous un plaisir que d’échanger nos arguments respectifs autour de la table de la commission mixte paritaire : c’est en effet la seule instance de la vie parlementaire où le Parlement est vraiment le Parlement…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur. … puisqu’il décide en dehors de la présence du Gouvernement et sans procès-verbal ! (Sourires.)
Aussi la commission des finances vous invite-t-elle, mes chers collègues, à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, avant toute chose, de vous assurer que c’est pour moi un honneur de représenter aujourd’hui le Gouvernement devant la Haute Assemblée, dans ce débat qui vient clore une discussion parlementaire forte et stimulante.
Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, la commission des finances aura une fois encore engagé un dialogue exigeant et constructif avec le Gouvernement.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nos dialogues sont toujours exigeants ! Toujours constructifs !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce sera pour moi un privilège que de poursuivre avec vous ce dialogue au cours des prochains mois.
Je souhaite également dès à présent rendre hommage à Christine Lagarde et à François Baroin, qui ont porté ce projet de loi de finances rectificative avec l’énergie et la force de conviction qui les caractérisent. Cette réforme de la fiscalité du patrimoine que nous parachevons aujourd’hui leur doit beaucoup ; je tenais à le souligner devant vous.
En effet – vous le savez –, cette réforme est d’abord le fruit d’un travail collectif : la commission des finances du Sénat avait en particulier attiré à maintes reprises l’attention du Gouvernement sur la nécessité de s’y engager ; aussi François Baroin a-t-il souhaité associer les parlementaires à sa conception, par l’intermédiaire d’un groupe de travail qui a d’emblée apporté sa marque à la réforme.
Vos débats, mesdames, messieurs les sénateurs, ont permis d’améliorer encore le texte qui vous était soumis. Je sais que vous avez eu dans cet hémicycle, avec François Baroin, des discussions souvent animées, parfois vives, mais toujours fécondes ; je tenais, là aussi, à vous en remercier.
Cet après-midi, nous allons donc parachever une réforme qui modifiera profondément le visage de notre fiscalité du patrimoine,…
M. François Marc. Pas dans le bon sens toutefois !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … qui sera désormais plus juste, plus simple et plus efficace sur le plan économique.
M. François Marc. Non !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Cette réforme repose sur un principe extrêmement clair : l’allégement de la taxation de la détention du patrimoine, en particulier pour les contribuables qui se situaient jusqu’à présent à la lisière de l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune ; en contrepartie, nous renforcerons l’imposition sur la transmission des patrimoines les plus importants.
Notre fiscalité sera donc plus juste, avec un impôt de solidarité sur la fortune recentré sur les patrimoines les plus importants. Elle sera ensuite marquée du sceau de la simplification, puisque les formalités auxquelles seront soumis les contribuables seront très nettement allégées. Enfin, elle sera plus efficace : si la taxation sera, certes, significative, elle ne s’apparentera pas pour autant à une spoliation qui nuirait non seulement à l’équité de notre système fiscal, mais aussi à la compétitivité de notre pays.
Je suis heureuse de constater que le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire s’inscrit, lui aussi, dans ces trois axes que le Président de la République avait lui-même définis pour la présente réforme, qu’il a voulue et lancée. C’est la raison pour laquelle, lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire à l’Assemblée nationale, je n’ai présenté que des amendements de nature technique ou rédactionnelle, destinés à tirer les conséquences du vote du Parlement. Ces amendements, au nombre de cinq, ont tous été adoptés et sont joints au texte soumis à la Haute Assemblée.
Comme le souhaitait le Président de la République, le texte adopté en commission mixte paritaire permettra de rénover en profondeur l’ISF et, en conséquence, de supprimer le bouclier fiscal.
Ce dernier avait en effet été conçu, vous vous en souvenez, pour limiter les effets pervers de l’ISF, que vous connaissez parfaitement. Je rappellerai simplement que l’assiette et le taux de cet impôt le rendaient extrêmement sensible à la hausse des prix de l’immobilier, ce qui conduisait à faire entrer dans le champ de l’ISF des foyers dont la résidence principale constituait l’essentiel du patrimoine. De même, le barème actuel aboutissait dans les faits à taxer de manière excessive des actifs au rendement faible. Quant aux modalités de déclaration, elles étaient excessivement complexes et faisaient naître une très forte insécurité.
Ces effets pervers ont été reconnus par tous les Gouvernements, de droite comme de gauche, je tiens à le souligner. C’est la raison pour laquelle nous avons tous cherché, année après année, à les corriger à la marge. Dès 1989, le principe d’un plafonnement en fonction du revenu avait ainsi été retenu. Et c’est dans cet esprit, mais sous une forme plus aboutie, qu’a été créé puis étendu le « bouclier fiscal », qui garantissait que nul n’aurait à payer plus de 50 % de son revenu en impôts directs.
Si, en 2007, nous avons eu le courage d’apporter une réponse, certes imparfaite mais pragmatique, à l’éternelle question des effets pervers de l’ISF, nous optons aujourd’hui, sous l’impulsion du Président de la République, pour une réforme plus profonde de l’imposition sur le patrimoine.
L’esprit qui nous anime reste le même : une croyance ferme dans le principe de justice fiscale. Nous allons jusqu’au bout de ce principe ! Nous sommes en effet convaincus qu’un système fiscal est juste lorsqu’il taxe plus fortement les plus hauts patrimoines. Mais nous savons aussi qu’un impôt qui devient confiscatoire perd toute légitimité. La justice et la spoliation ne peuvent faire bon ménage. Notre devoir consiste donc à trouver un équilibre entre la nécessaire progressivité de notre système d’imposition, qui doit taxer plus ceux qui gagnent plus, et le respect du travail et de la propriété de chacun.
C'est la raison pour laquelle nous avons proposé de refondre notre fiscalité du patrimoine et de supprimer le bouclier fiscal, tout en prévoyant, à destination des ménages modestes qui bénéficiaient de ce dernier, un dispositif spécial leur permettant d’entrer dans le champ d’un plafonnement particulier de la taxe foncière.
De même, le relèvement de 800 000 euros à 1 300 000 euros du seuil d’assujettissement à l’ISF permettra d’exclure tous les foyers dont le patrimoine se situait à la limite du champ d’imposition : l’élévation des prix de l’immobilier ne suffira donc plus à rendre un foyer redevable de l’ISF. Là encore, nous apportons des réponses pragmatiques à nombre de Français qui craignaient des répercussions fiscales à la hausse de la valeur de leur résidence principale, qui ne faisait toutefois qu’augmenter leur patrimoine de manière virtuelle.
Quant au barème de l’impôt de solidarité sur la fortune, il sera considérablement simplifié. Il n’y aura désormais plus que deux taux d’imposition : le premier sera de 0,25 % du patrimoine net quand la valeur de ce dernier est comprise entre 1,3 million et 3 millions d’euros. Pour un patrimoine de plus de 3 millions d’euros, ce sera un taux de 0,5 % qui sera appliqué.
Ce passage de six à deux taux seulement limitera en outre les effets de seuil et rendra l’impôt beaucoup plus prévisible pour les contribuables eux-mêmes. Il s’agit d’une véritable avancée : un impôt plus prévisible et fondé sur des principes compréhensibles, c’est un impôt plus légitime et mieux accepté. Et, en matière de fiscalité, plus encore qu’en toute autre matière, nous avons tout à y gagner.
Je sais que, sur certaines travées de cet hémicycle, on attache peu d’importance à cette question. C’est une erreur : oui, la solidarité fiscale est une exigence ; oui, l’imposition des patrimoines les plus importants est une nécessité sociale ! Au moment même où le redressement de nos finances publiques s’impose comme un impératif absolu, nous avons tous le devoir de contribuer à la réduction des déficits en fonction de nos facultés. Mais tous les contribuables, quel que soit le niveau de leurs revenus ou de leur patrimoine, ont aussi le droit de connaître le montant de leur impôt et d’en comprendre les fondements ; c’est la moindre des choses.
Pour notre part, nous avons fait des choix clairs : nous préférons taxer la transmission du patrimoine plutôt que sa détention. La réforme de l’ISF sera donc financée grâce à une taxation plus importante des donations et des successions pour les hauts patrimoines.
Ainsi, la réforme issue du compromis trouvé en commission mixte paritaire propose, d’abord, d’augmenter de cinq points les tarifs applicables aux deux dernières tranches du barème d’imposition des successions et donations consenties en ligne directe.
Elle propose ensuite de supprimer les réductions de droits de donation accordées en fonction de l’âge du donateur, sauf dans une hypothèse : lorsque le donateur transmet, avant l’âge de 70 ans, les titres de son entreprise en pleine propriété dans le cadre d’un engagement de conservation.
Elle propose enfin d’augmenter de six à dix ans le délai de rappel des donations. Ce régime a été aménagé par la commission mixte paritaire, afin d’instituer une entrée progressive des donations antérieures dans le mécanisme du rapport fiscal décennal.
Enfin, ce projet de loi étend le champ de la solidarité par l’impôt en luttant contre un certain nombre des pratiques qualifiées pudiquement « d’optimisation fiscale ». Je pense en particulier à l’exit tax, que nous venons de créer et qui permet de priver les exilés fiscaux du bénéfice de leur expatriation en les taxant comme s’ils n’avaient jamais quitté la France. En pratique, les plus-values constatées lors d’un transfert de domicile hors de notre pays seront bel et bien imposées.
Permettez-moi d’insister sur ce point, car, là aussi, il s’agit d’une avancée considérable en direction d’une plus grande équité de notre système d’imposition. Oui, la France se doit d’offrir un environnement fiscal compétitif. Mais être compétitif, c’est aussi se donner les mêmes armes que nos voisins européens pour lutter contre le zapping fiscal, qui conduit certains à profiter ici et là des dispositifs les plus attractifs et à mettre en concurrence les cadres nationaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, sur ce point également, nos débats ont été de très grande qualité ; ils ont permis d’affiner et de renforcer le dispositif que nous proposions.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En effet !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement prend donc acte, en la matière également, du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.
C’est dans le même esprit que le Gouvernement a abordé les autres dispositions de ce collectif budgétaire, en respectant donc très largement les choix du Parlement. J’en mentionnerai deux, particulièrement significatifs.
Je pense, tout d’abord, à l’affectation, dès cette année, du produit de la « TIPP Grenelle » à la région Île-de-France.
Mme Nicole Bricq. Le Gouvernement n’y est pour rien !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous le savez, il s’agit de compenser les pertes de recettes liées au lissage de la redevance sur les créations de bureaux. Cette disposition vise à éviter les variations d’imposition trop fortes pour certains contribuables.
Afin de compenser cette perte de recettes, votre assemblée a proposé d’attribuer à la région capitale une partie du produit de la taxe sur les locaux à usage de bureaux. Le Gouvernement s’est déclaré favorable à cette solution, qui permettait de ne pas augmenter le poids global des prélèvements obligatoires, mais d’en modifier simplement l’affectation.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est vrai !
Mme Valérie Pécresse, ministre. La commission mixte paritaire a choisi d’aller plus loin en donnant à la région Île-de-France la possibilité de disposer, dès cette année, de ce que l’on appelle la « TIPP Grenelle », autrement dit la possibilité d’augmenter la fiscalité sur l’essence. Cette décision est lourde de conséquences, parce qu’elle peut avoir une incidence directe sur les prix à la pompe et parce qu’elle intervient avec deux ans d’avance, au bas mot, sur le calendrier qui avait été envisagé par l’État et la région, dans le cadre du protocole d’accord sur le Grand Paris.
Néanmoins, le dispositif que vous avez retenu présente des garanties significatives, puisqu’il prévoit que les ressources supplémentaires dont disposera la région ne pourront être utilisées que pour investir dans l’amélioration du réseau de transports francilien. Il s’agit là, nous le savons tous, d’une priorité absolue pour les millions d’hommes et de femmes qui les empruntent chaque jour. Aussi le Gouvernement a-t-il décidé de s’en remettre à la sagesse du Parlement sur ce point.
Mme Nicole Bricq. Encore heureux !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous veillerons bien entendu à ce que les engagements gravés dans ce collectif soient bel et bien tenus !
Le second point que je souhaitais aborder concerne le report au 1er janvier 2012 de l’entrée en vigueur du relèvement du droit de partage.
Là encore, je comprends le choix de la commission mixte paritaire, qui a préféré décaler la date d’effet de ce nouveau régime : vous avez eu le souci de ne pas perturber les partages d’ores et déjà engagés, que ce soit à l’occasion d’un divorce ou d’une succession, et de ne pas changer les règles en cours d’année. De nouveau, je m’en remettrai donc à la sagesse du Parlement. Je me dois néanmoins de souligner que cette entrée en vigueur différée se traduira par une perte de recettes de 148 millions d’euros pour l’État en 2011 : l’amendement proposé par le Gouvernement à l’article d’équilibre sera donc le miroir fidèle de cette décision, ainsi que de quelques autres.
Les autres amendements du Gouvernement, adoptés hier par l’Assemblée nationale, sont de nature rédactionnelle ou destinés à lever les gages sur les mesures votées par le Parlement.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, les débats parlementaires ont permis d’enrichir et d’améliorer un texte qui, dans sa rédaction actuelle, me paraît pouvoir faire l’objet d’un consensus, du moins sur les travées de la majorité. Le Gouvernement s’en remet donc très largement au texte issu de la commission mixte paritaire et vous demande de l’adopter dans sa rédaction issue de la lecture effectuée, hier, par l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je ne vais pas aborder le débat de fond sur les finances publiques à l’occasion de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la loi de finances rectificative, puisque nous ouvrirons demain une nouvelle session budgétaire, en quelque sorte, avec le débat d’orientation budgétaire.
Je me contenterai donc de constater, comme M. le rapporteur général et Mme la ministre, que le déficit budgétaire se trouvera aggravé, après l’adoption de cette loi de finances rectificative, d’environ 700 millions d’euros par rapport au déficit prévu dans la loi de finances initiale.
Je ne dirai qu’un mot sur la réforme annoncée comme la mesure-phare de ce projet de loi de finances rectificative, à savoir la suppression du bouclier fiscal et l’allégement significatif de l’impôt sur la fortune, voulu en contrepartie par le Gouvernement. Des débats qui ont eu lieu depuis le début de la discussion de ce projet de loi de finances rectificative nous avons conclu que l’équilibre de cette réforme n’était pas assuré. En effet, celle-ci se traduira par un allégement très significatif de l’impôt sur la fortune, à hauteur de 1,8 milliard d’euros, non compensé par les recettes prévues.
Lors de la première lecture, nous avions déjà signalé que la mesure qui visait à compenser cet allègement significatif de l’impôt sur la fortune en faveur des contribuables les plus aisés par l’augmentation des droits de mutation à titre gratuit était néfaste, dans la mesure où le produit l’impôt sur la fortune obéit à une dynamique qui le conduit à augmenter régulièrement – pour atteindre plus de 4 milliards d’euros –, alors que cette recette évolue beaucoup moins vite.
Je souhaite cependant m’arrêter sur la mesure résultant d’une « coproduction » – pour reprendre l’expression à la mode – du Gouvernement et de sa majorité parlementaire, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, qui vise à compenser une partie de l’allégement de l’impôt sur la fortune par le doublement des droits de partage, ce que je trouve absolument scandaleux !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il ne s’agit pas d’un doublement !
Mme Nicole Bricq. Madame la ministre, en tant que ministre du budget, vous avez un héritage particulièrement lourd à assumer, je tiens à vous le rappeler, car M. Woerth avait fait très fort dans ce domaine ! Si j’insiste auprès de vous, c’est parce que ces mesures frappent prioritairement les femmes…
M. Woerth avait supprimé progressivement, avec l’appui de la majorité, la demi-part fiscale dont bénéficiaient des femmes, pour l’essentiel. Cette suppression est entrée en vigueur, elle sera progressive. Le ministre avait abusivement qualifié cette réforme de mesure d’équité et avait estimé que cette demi-part ne relevait pas des modalités de calcul de l’impôt, mais constituait une niche fiscale ! Dès demain, lors du débat d’orientation budgétaire, et lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, nous reprendrons globalement ce problème de dépense fiscale !