M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous avions soutenu le ministre !
Mme Nicole Bricq. Absolument ! Je l’ai dit !
Je ne m’attarde pas sur ce point, mais sachez qu’il reste des économies à réaliser dans votre budget, madame la ministre, et nous allons vous y aider !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et les allégements pour l’outre-mer : 5 milliards d’euros !
Mme Nicole Bricq. En ce qui concerne les niches fiscales, il suffit de consulter le rapport de notre collègue Gilles Carrez sur l’impôt sur les sociétés, qui fait la une de la presse économique aujourd’hui : vous avez de quoi faire !
Je n’évoquerai pas non plus la réforme des retraites, dont il est avéré qu’elle pénalise essentiellement les femmes, parce qu’elles ont des carrières hachées. Les dégâts de cette réforme, qui est entrée en vigueur, pour les femmes, les jeunes et les carrières longues sont considérables !
J’ajoute enfin la défiscalisation des heures supplémentaires, qui remonte à la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, qui nous coûte plus de 4 milliards d’euros et joue contre la création d’emplois – je ne le démontre pas, car je l’ai déjà fait à plusieurs reprises ! Les femmes, notamment les plus pauvres, sont essentiellement employées à temps partiel et relèvent du dispositif des heures complémentaires ; elles ne peuvent donc bénéficier des avantages accordés à ceux qui font des heures supplémentaires. Tout le monde sait que les pauvres sont d’abord des femmes, et des femmes qui travaillent !
Dans le cas présent, nous assistons au parachèvement de cette misogynie fiscale avec l’augmentation des droits de partage : lors d’un divorce, si l’un des conjoints souhaite conserver un bien immobilier acheté en commun, celui-ci donne lieu à compensation et, en général, c’est la femme qui souhaite conserver le logement, puisqu’elle a souvent la garde des enfants.
Prenons un exemple : un bien acheté par un couple au prix de 300 000 euros coûtera peut-être, quelques années plus tard, 600 000 euros, surtout dans une région comme l’Île-de-France, que vous connaissez bien, madame la ministre. Avec le nouveau taux de la taxe sur les partages, la femme devra payer le double pour son divorce, tout cela comme contrepartie de la baisse de l’impôt sur la fortune ! Voilà pourquoi j’ai parlé de « machisme fiscal », car ce mécanisme me paraît absolument honteux ! Cette prétendue réforme de l’impôt sur la fortune, qui vise à alléger un impôt qui frappe les plus aisés, est donc parfaitement scandaleuse, outre le fait que les finances publiques n’y retrouvent pas leur compte.
Monsieur le président de la commission des finances, je tiens également à m’attarder sur une mesure que la commission mixte paritaire a avalisée très rapidement, à savoir la baisse des cotisations au Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Parlons-en !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous faisons la chasse aux trésoreries dormantes !
Mme Nicole Bricq. Lors des débats dans cet hémicycle et en commission mixte paritaire, vous avez avancé l’argument de l’immobilier…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ils ont déjà dépensé l’argent !
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président de la commission des finances, madame la ministre, lors de l’audition organisée pour faire suite aux observations du rapport annuel de la Cour des comptes, le 23 mars 2011, M. Deluga, président du CNFPT, a déclaré : « Plutôt que d’imaginer une baisse de 10 % de la cotisation en la ramenant à 0,9 %,... »
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il fera des économies !
Mme Nicole Bricq. « … qui rendrait le CNFPT déficitaire dès la fin 2012, j’ai proposé trois pistes à mon conseil d’administration. D’abord de remettre à niveau notre parc immobilier, en acquérant un immeuble, dans le douzième arrondissement de Paris, pour regrouper l’ensemble des services du siège aujourd’hui répartis dans quatre sites […] ».
Il n’a jamais été question du huitième arrondissement, comme certains l’ont prétendu…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pourquoi installer ce siège à Paris plutôt qu’en province ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Pourquoi ne pas l’installer à Meaux ?
Mme Nicole Bricq. On pourrait évoquer d’autres opérateurs et d’autres ministères, je connais bien le dossier ! Il n’est donc pas vrai que le CNFPT prévoyait de déménager dans un arrondissement huppé de Paris !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il aurait pu s’installer porte de Bagnolet !
Mme Nicole Bricq. Le déménagement a eu lieu il y a quinze jours !
Vous avez fait preuve d’une certaine mauvaise foi : le montant de l’acquisition prévue s’élevait à 66 millions d’euros, si l’on ajoute la revente de deux mille mètres carrés dans le quinzième arrondissement, ces opérations permettront une économie annuelle de loyer de 4 millions d’euros !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le CNFPT a su trouver de l’argent pour se payer une page entière de publicité dans la presse !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Une page dans Le Monde ! Combien ça coûte ?
Mme Nicole Bricq. En tant que rapporteur spécial du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », j’ai souvent recommandé d’évaluer le bilan coûts-avantages de la location par rapport à l’acquisition. Souvent, l’acquisition s’avère beaucoup plus intéressante dans la durée, car elle évite de payer des loyers très onéreux !
Je ne reviens pas sur le fond, car nous avons déjà tout dit en première lecture : cette mesure va pénaliser les collectivités locales, notamment les petites communes, …
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Elles vont payer moins !
Mme Nicole Bricq. … au moment où elles ont de plus en plus besoin d’un personnel formé, face à la réforme des collectivités territoriales, de l’intercommunalité…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il ne faut pas faire d’intercommunalité ?...
Mme Nicole Bricq. … et de la fiscalité locale, qui n’offre aucune lisibilité pour les élus locaux, nous le constatons tous les jours !
Madame la ministre, tout n’est pas négatif dans les conclusions de la commission mixte paritaire…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vraiment ?
Mme Nicole Bricq. Bien sûr ! Je suis sévère, mais juste !
Le groupe socialiste avait fait adopter, lors de l’examen au Sénat, l’amendement concernant la TGAP « Granulats » : cette disposition a été maintenue par la commission mixte paritaire.
Et, puisque Mme la ministre a évoqué la « TIPP Grenelle », je rappelle que, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, nous avons fait reprendre, de concert avec nos collègues députés – Gilles Carrez, en particulier –, un amendement que notre groupe avait défendu en séance publique au Sénat, mais qui n’avait pas été adopté. La région Île-de-France devrait donc ainsi pouvoir disposer de 68 millions d’euros en lieu et place d’une recette nettement moindre.
Madame la ministre, vous assumez également une lourde succession dans ce domaine : vous avez rappelé qu’il fallait rester prudent, car des mesures de ce type ont un effet direct sur le prix des carburants à la pompe. Nous avons tenu récemment un débat sur la fiscalité pétrolière, vous pouvez vous y reporter : nous avons tous constaté que les distributeurs, qu’il s’agisse de Total ou d’autres, ne répercutaient pas la baisse des cours du brut sur les prix à la pompe, mais répercutaient très vite leur hausse. Cette constatation ressort de travaux de l’un des services placés sous votre autorité, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF.
Dans le cas qui nous occupe, l’affectation du produit de cette taxe constitue un juste retour pour la région Île-de-France par rapport au montage ingénieux, mais pas très correct, imaginé l’année dernière – le système dit des « trois étages » défendu par M. le rapporteur général –, qui permettait de financer la « bosse » de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, en effectuant un prélèvement sur le produit des taxes affectées soit à la Société du Grand Paris, soit à la région Île-de-France.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’était pourtant pas si mal !
Mme Nicole Bricq. Cette mesure constitue donc un juste retour. J’estime, en tout cas, qu’elle est équitable !
En termes de fiscalité locale, nous regrettons, pour notre part, une mesure insuffisante au regard des besoins.
La compensation des communes au titre de leur contribution fiscalisée aux EPCI sans fiscalité propre ne sera que provisoire et partielle – nous avions proposé qu’elle soit pérenne – puisque vous n’avez accepté une prorogation du bénéfice de la dotation d’équipement des territoires ruraux que jusqu’en 2013. Du reste, les collectivités territoriales commencent à y voir clair.
En termes de régulation budgétaire, le Sénat avait adopté, contre l’avis du Gouvernement, l’amendement de Mme Keller visant à transférer 200 millions d'euros sur les emplois des catégories les plus basses de l’éducation nationale. Vous en avez maintenu le principe en commission mixte paritaire, mais il a fallu toute l’ardeur du groupe socialiste – ce n’est pas dévoiler le secret de nos délibérations que de le dire – pour « arracher » 25 millions d'euros. Le public auquel cette mesure est destinée est comparable à celui du revenu de solidarité active, le RSA, puisqu’il s’agit d’emplois aidés dans les collectivités locales, particulièrement dans l’éducation nationale. Ne vous glorifiez donc pas trop de ce maintien : de 200 millions d'euros à 25 millions d'euros, le compte n’y est pas, il importait de le souligner.
En conclusion, nous n’avons aucune raison de changer d’avis entre le mois de juin et le mois de juillet ; c’est pourquoi, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste votera contre le projet de loi de finances rectificative tel qu’il résulte des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Madame la ministre, à titre personnel et au nom de mon groupe, je voudrais tout d’abord vous féliciter de votre brillante promotion au sein du Gouvernement. Vous aurez incontestablement du pain sur la planche, vous le savez, pour que les prochains budgets que vous nous proposerez recueillent notre adhésion. (Sourires.)
Avant de commencer mon propos, je voudrais également louer l’habileté de M. le rapporteur général de la commission des finances, qui, avec un accent martial et percutant, nous a expliqué que le « cadeau fiscal » était en fait un « aménagement raisonnable » de l’ISF. Quelle habileté sémantique !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Merci !
M. François Fortassin. Pour autant, cela ne signifie pas que ce projet de loi de finances rectificative soit bon : il y a bien entendu beaucoup à redire.
Certes, nous en sommes à la dernière étape d’un marathon, l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire, qui n’en constitue pas moins un moment décisif des travaux de notre assemblée. C’est l’occasion pour le Sénat d’apporter ou non son soutien à un texte qui, s’il comporte incontestablement quelques mesures intéressantes, est tout de même un texte fourre-tout, dans lequel la technique ne parvient pas à masquer les grandes orientations politiques.
Pour notre part, nous retenons deux choses : la fin du bouclier fiscal et l’allégement de l’ISF.
Sur le bouclier fiscal, je présenterai la situation de manière quelque peu humoristique. On nous a tellement répété que les opposants au bouclier fiscal, la mesure la plus intelligente du siècle, étaient des passéistes, des ringards, voire des attardés mentaux en matière financière, que je comprends mal qu’on l’ait supprimé !
Venons-en à l’impôt de solidarité sur la fortune. En France, tous ceux qui payent des impôts considèrent qu’ils en payent trop ! Mais est-ce dans la catégorie sociale de ceux qui acquittent l’ISF que l’on constate le plus de misère ? Si c’était le cas, cela se saurait… Ce n’est pas parce que les gens crient qu’ils ont forcément mal… Il existe dans notre pays des douleurs silencieuses qui ne parviennent pas à cacher la détresse d’un très grand nombre de nos concitoyens.
Certes, le texte issu de la commission mixte paritaire prévoit quelques mesures intéressantes, en particulier l’amendement de Mme Keller, qui a été partiellement accepté, mais il ne s’attaque pas aux véritables causes des maux dont souffrent les finances de la France.
D’année en année, depuis 2007, le Gouvernement a, d’une part, décidé d’un certain nombre de cadeaux fiscaux et, d’autre part, pris des mesures visant à réduire de manière permanente les recettes de l’État.
Il est assez extraordinaire que, dans notre pays, les collectivités territoriales, qui ont pourtant des charges importantes, connaissent une situation financière plutôt bonne en matière d’endettement, alors que l’État, d’année en année, se ruine un peu plus. On ne peut pas à la fois tarir les recettes et mener une bonne politique financière. En l’occurrence, il faudra tout de même que vous fournissiez des explications ! Les exonérations fiscales et les cadeaux fiscaux que l’on offre à longueur d’année réduisent les recettes et accentuent incontestablement le déficit.
Ce déficit a été qualifié de « colossal », d’« abyssal » – peu importe l’adjectif retenu – mais, en dehors de certaines déclarations quelquefois martiales, proférées ici ou là, affirmant qu’il faut le réduire, rien n’est fait pour augmenter les recettes.
Or, il n’y a pas de miracle ! L’Irlande, où les entreprises ne payaient pas d’impôts, a été citée pendant longtemps comme un modèle de réussite. Depuis, on l’a vu, ce pays se trouve dans une situation catastrophique, et ce n’est pas terminé. La France veut-elle suivre ce modèle ?
Je le dis très clairement, si les collectivités territoriales ont des finances globalement saines, c’est parce qu’elles n’accordent pas d’exonérations fiscales, ou très peu.
L’État n’a cessé de vouloir faire des cadeaux alors qu’il n’en avait pas les moyens, car, incontestablement, la croissance n’est pas au rendez-vous. En période de crise, ce n’est pas en parlant de vertu fiscale que l’on y parvient. On y parvient par des actes, qui sont quelquefois impopulaires. Notre pays mérite plus de solidarité et, d’abord, de solidarité fiscale.
Or, dans le projet de loi de finances rectificative qui nous est soumis, même amélioré par la commission mixte paritaire, on ne trouve pas cette notion de solidarité fiscale, ces recettes supplémentaires qui profiteraient aux plus pauvres de nos concitoyens, en situation de grande souffrance.
On nous a également objecté que, si nous ponctionnions trop les détenteurs de richesses, ils quitteraient notre pays et que nous accentuerions les délocalisations. Croyez-vous sincèrement, mes chers collègues, quelle que soit votre sensibilité politique, que les délocalisations ont été freinées par les cadeaux fiscaux ? Les délocalisations se poursuivent ! Autrement dit, cette situation, que vous avez voulue, n’a servi à rien !
C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, la majorité de mon groupe ne votera pas ce projet de loi de finances rectificative et s’opposera même avec une certaine fermeté à une attitude financière qui mène notre pays à la dérive. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, une question vient tout de suite à l’esprit, et sa pertinence, je dois le dire, ne se trouve aucunement remise en question au terme des travaux de la commission mixte paritaire.
Cette question est simple : dans quelle France vivons-nous pour que, face aux urgences sociales, à la persistance du chômage, à l’aggravation des difficultés de la vie pour un grand nombre de nos compatriotes, à la précarisation renforcée des conditions de vie de nombreux salariés, le Gouvernement ait jugé utile de procéder, et ce de façon prioritaire, à une réforme de la fiscalité du patrimoine ?
Face aux 2,6 millions ou 2,7 millions de chômeurs à temps plein de notre pays, face aux plus de 4 millions de chômeurs si l’on y ajoute les chômeurs à temps partiel, il était donc impératif de réduire la fiscalité du patrimoine et singulièrement l’impôt de solidarité sur la fortune, qui n’en constitue pourtant qu’un élément relativement secondaire !
En partant de pareils postulats, bien entendu, le texte que nous examinons aujourd'hui ne pouvait recevoir notre assentiment !
En une législature, le Gouvernement aura, à plusieurs reprises, abaissé les impôts, manifestant sa volonté de réduire les prélèvements obligatoires tout en concourant à la réduction des déficits publics…
Excusez ce détour mais, l’ironie n’étant pas forcément de mise, le résultat est aujourd’hui patent : le taux de prélèvements obligatoires n’a pas vraiment été réduit depuis 2007.
Quant au déficit, il semble en bonne santé puisque le présent collectif budgétaire l’arrête à plus de 90 milliards d’euros pour l’année, c'est-à-dire à quelque 600 milliards des francs d’avant l’euro, ou encore l’équivalent du produit global de la contribution sociale généralisée, près du double du rendement de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, et j’en passe !
Il faut croire qu’il y avait pourtant une « fenêtre de tir » pour réduire l’ISF, respectant en cela, si je puis dire, « le pacte caché de la nuit du Fouquet’s », c’est-à-dire les engagements que Nicolas Sarkozy avait pris auprès de ses plus sûrs soutiens le soir de son élection.
Comme la suppression de l’ISF ne faisait pas « bon genre » et risquait d’être interprétée par l’opinion comme un cadeau de plus pour les riches, bien sûr, on a fait autrement.
D’abord, dans la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, la loi TEPA, on a cherché à vider l’impôt de sa substance en abaissant le seuil de prise en compte de l’habitation principale et en inventant l’incroyable dispositif « ISF-PME » destiné à drainer l’épargne des contribuables vers les entreprises, et surtout à permettre à ces derniers de payer moins d’impôts, l’avenir des entreprises passant au second plan…
En effet, et je ne m’étendrai pas davantage sur ce point, l’expérience a montré que les contribuables versaient au dispositif juste ce qu’il fallait pour ne plus payer d’impôt, ou pour diminuer leur impôt, et que les organismes collecteurs faisaient ensuite un peu ce qu’ils voulaient de l’argent collecté, les PME se trouvant souvent en attente, sans succès, des versements effectifs.
La loi TEPA avait aussi « renforcé » le bouclier fiscal, mécanisme aussi peu opérationnel et efficace que le dispositif ISF-PME, en tout cas du point de vue des effets économiques et sociaux recherchés.
Et là encore, patatras ! Le dispositif qui devait permettre de régler le contentieux de la taxe d’habitation et de la taxe foncière des ménages les plus modestes s’est mué en petite mesure – seuls 20 000 sur les 36 millions de contribuables, au mieux, seront concernés, soit un demi-millième ou 0,005 % d’entre eux environ – et en gros cadeau pour les plus fortunés, les seuls contribuables assujettis à l’ISF captant, je le rappelle, 99 % des remboursements effectués !
Je ne reviendrai pas sur les chèques envoyés à Mme Meyer ou à Mme Bettencourt. Ils ont fait l’objet d’abondants commentaires dans la presse, et l’opinion publique a largement pu se faire une idée sur cette question.
La vérité, c’est que, loin d’être une mesure de justice, ce dispositif de piètre qualité fiscale, qui est peu utilisé, est devenu l’outil de remise en cause de l’impôt de solidarité sur la fortune, un bon impôt dont le rendement était pourtant de plus en plus élevé et qui fournissait une image de plus en plus fidèle de la progression du patrimoine moyen des ménages.
À ce stade de notre débat, mes chers collègues, je me pose une question.
Depuis plusieurs années, notamment depuis 2002, le nombre des contribuables assujettis à l’ISF est en hausse constante et régulière, ce qui entraîne une augmentation sensible du rendement de cet impôt. L’augmentation du patrimoine ainsi imposé s’est appuyée sur ses deux jambes habituelles : la valorisation des patrimoines immobiliers et la progression globale et continue des titres de placement et des actions.
Je me demande, chers collègues de la majorité, s’il faut nécessairement que vous soyez contrits en constatant que l’un des résultats des politiques que vous avez soutenues depuis 2002 a été un accroissement du nombre des fortunés et de la valeur unitaire et globale de leur patrimoine ?
Un enrichissement des ménages, une augmentation de la valeur des patrimoines, des placements juteux et rentables : ces résultats ne sont-ils pas les objectifs que cherchent à atteindre les tenants d’une politique libérale telle que celle que vous soutenez, chers collègues de la majorité ?
Et rendez-vous compte : le nombre de contribuables assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune va passer de 600 000 à 200 000 !
Dans votre grande sagesse, vous avez décidé de priver les caisses de l’État des 350 millions d’euros de recettes fiscales annuelles provenant de la première moitié des contribuables assujettis à l’ISF, lesquels deviendront non imposables. En outre, 220 millions d’euros – non financés, notons-le – seront abandonnés dans les mains des 200 000 contribuables qui auraient pu être assujettis à cet impôt mais ne le seront pas !
Parce que vous avez quelque peine à reconnaître que les politiques libérales que vous avez soutenues depuis dix ans ont enrichi une minorité, de plus en plus importante, de nos compatriotes, vous décidez de priver les caisses de l’État de 550 millions à 600 millions d’euros de recettes fiscales, et ce tous les ans à partir de maintenant ; si rien ne change, bien entendu…
Cela étant dit, les plus gros gagnants du loto « spécial riches » de ce collectif budgétaire sont les 300 000 contribuables qui continueront d’acquitter l’ISF, en particulier tous ceux qui n’ont jamais révélé leurs turpitudes juridiques et comptables en demandant à bénéficier du bouclier fiscal et qui se sont contentés de payer un ISF, certes élevé, mais dont la base avait été soigneusement élaguée par divers placements avisés, notamment dans quelques trusts et autres paradis fiscaux.
Pour eux, la disparition du bouclier fiscal sera sans conséquence, tandis que la réduction de 1,8 % à 0,5 % du taux de l’ISF rapportera tout de même 13 000 euros par tranche de patrimoine d’un million d’euros.
Taxer plus ceux qui gagnent le plus, avez-vous dit, madame la ministre…
Un contribuable déclarant un patrimoine de 3 millions d’euros paiera 12 255 euros de moins, soit l’équivalent d’un SMIC net annuel, ou peu s’en faut ! Un contribuable déclarant un patrimoine de 5 millions d’euros paiera 25 135 euros de moins, soit deux SMIC annuels et au moins autant que le revenu moyen déclaré au titre de l’impôt sur le revenu ! Un contribuable déclarant un patrimoine de 10 millions d’euros bénéficiera d’une remise encore plus importante – elle atteindra 83 250 euros –, soit environ sept fois le SMIC annuel. C’est sans doute ce que l’on appelle valoriser le travail !
Dès 2007, le Gouvernement s’était attaqué dans la loi TEPA à l’ISF par tous les moyens possibles – dons aux PME, bouclier fiscal, donations, et j’en passe. Face au succès mitigé des outils ainsi mobilisés, on est passé, in fine, à la solution radicale, c’est-à-dire à l’écrasement du tarif et à l’amélioration de sa « lisibilité ». Oui, le tarif est lisible, et visiblement destiné à réduire de manière sensible l’impôt dû.
Quand on pense que, avec son rendement supérieur à 4 milliards d’euros, l’ISF ne représentait jusqu’alors que 8 % des recettes de fiscalité du patrimoine !
Les parlementaires du groupe CRC-SPG, comme sans doute un grand nombre des contribuables concernés, attendent toujours une mesure forte concernant le premier impôt sur le patrimoine, à savoir la taxe foncière sur les propriétés bâties. Or, sur ce front, il n’y a pas grand-chose de neuf, à part la réévaluation quasi automatique des bases dans chaque loi de finances.
Cette taxe rapporte toujours plus et pèse de plus en plus lourd sur le revenu de ménages. Or ces ménages, dans leur grande majorité, n’ont pas un logement soumis à l’ISF. Mais rien ne bouge, rien n’est fait pour alléger la facture !
Au lieu de trouver 2 milliards d’euros pour élaguer l’ISF, n’aurait-il pas mieux valu, par exemple, alléger la taxe foncière sur les propriétés bâties des contribuables les plus modestes ? Vous ne le pouviez pas, nous avez-vous dit, madame la ministre. Quand on gouverne pour répondre aux attentes des plus fortunés, on ne fait évidemment pas ce genre de choix !
Que dire de plus des conclusions de la commission mixte paritaire ?
La France va prêter la main à l’une des plus scandaleuses opérations d’appauvrissement d’un pays et d’un peuple, à savoir le pseudo-plan de sauvetage de la Grèce, dans lequel nous mettons 1,5 milliard d’euros, et qui n’est rien d’autre que la mise en coupe réglée de la société grecque.
Et que l’on ne vienne pas nous parler de la stabilité de l’euro, laquelle serait mise à mal par le risque de défaut grec ! À qui va-t-on faire croire qu’un pays dont la dette publique ne représente que 1 % de la dette publique de l’ensemble des pays de la zone euro peut représenter un danger majeur ?
Qu’attend donc la Banque centrale européenne pour émettre de la monnaie et intervenir sur le marché primaire de la dette publique des États membres ?
Le remède imposé à la Grèce sera, tôt ou tard, pris en défaut. Il ne permettra pas à ce pays de redresser la barre. On aimerait bien parfois ne pas avoir à jouer les Cassandre… En tout cas, la participation de la France à ce plan est l’autre grande mesure du présent collectif budgétaire.
Pour terminer, je dirai quelques mots de la baisse de la cotisation du Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT. Je serai bref, car je partage l’opinion de ma collègue Nicole Bricq sur ce sujet. Il s’agit là encore d’une mesure purement comptable, mes chers collègues. Ce n’est pas avec ce genre d’expédient que l’on va résoudre le problème des ressources des collectivités locales.
Il s’agit d’une mauvaise mesure, à plus d’un titre, car le CNFPT a besoin de faire un effort particulier en matière de formation des agents, du fait de la technicité grandissante des métiers du secteur public local, à un moment où les compétences des collectivités sont appelées à s’étendre encore. En outre, il doit lutter contre la précarité de l’emploi, qui frappe assez lourdement la fonction publique territoriale. Enfin, cette mesure privilégie la comptabilité du présent aux dépens de l’exigence du futur proche, tout ce qu’il ne faut pas faire quand on gère les deniers publics !
En tout état de cause, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous ne voterons pas le projet de loi tel qu’il découle des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)