M. Paul Blanc, rapporteur. Et des HLM de M. Repentin !
Mme Isabelle Pasquet. … qui considèrent que ces normes entraînent des surcoûts trop importants.
Comment pouvons-nous nous satisfaire de cette situation ? Comment accepter que la seule réponse à nos concitoyens en situation de handicap, qui veulent se rendre à la mairie, à l’école, à l’université, réside dans des solutions plus indignes les unes que les autres, comme le fait de passer par des sous-sols ou d’emprunter, comme le souligne l’Association des paralysés de France, l’APF, dans un communiqué de presse, par des locaux à poubelles ?
Cette association, profondément choquée par ces articles, a engagé une grande campagne médiatique dénonçant celles et ceux qui, en adoptant ces articles, les priveraient de leur liberté de circulation. Intitulée « des bâtons dans les roues », elle exprime clairement les conséquences qu’aurait l’adoption de ces deux articles.
Pour notre part, nous considérons que notre pays doit avancer rapidement vers la voie de l’accessibilité universelle, c'est-à-dire d’une conception de l’espace public et privé permettant à toutes et à tous de se mouvoir, tout simplement de vivre, sans que leur handicap, leur état de santé ou encore leur âge soit un facteur limitatif.
Ce concept « universel » devrait être, dans le contexte d’un pays où l’espérance de vie s’allonge, une chance face au défi que constitue la perte ou l’absence d’autonomie.
En lieu et place, vous nous proposez un nouveau recul : nous ne pouvons l’accepter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux, sur l’article.
Mme Sylvie Desmarescaux. Monsieur le président, je ne peux accepter les propos scandaleux que vient de tenir Isabelle Pasquet à notre endroit.
Nous avons tous ici la volonté de tout mettre en œuvre pour rendre les locaux accessibles, dans la cité comme dans les logements.
Vous nous mettez plus bas que terre, madame Pasquet, en prétendant que nous ne voulons pas répondre aux exigences de la loi de 2005. Je me porte en faux contre cette assertion sans fondement.
Nous n’avons subi aucune pression des lobbies, que ce soit des résidences de tourisme ou des résidences pour les logements étudiants.
Mais, soyons clairs, la conception de l’accessibilité universelle, que, à vous entendre, vous auriez sans doute appliquée de façon extraordinaire, ne peut absolument pas être mise en pratique dans certains cas.
En tant que présidente de l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle, je puis vous dire que le rapport que nous avons rendu a été élaboré en concertation avec tous les membres de cet organisme et les associations de handicapés. Bien évidemment, tout n’est pas parfait, j’en suis consciente, mais je suis certaine que nous avons tous la volonté de rendre la cité accessible à tous.
Vos propos sont vraiment inadmissibles à l’égard des élus que nous sommes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, sur l’article.
M. Éric Doligé. Il y a vraiment des choses que l’on ne peut pas laisser dire dans cette enceinte et je tiens à remercier Sylvie Desmarescaux de ses propos que j’approuve totalement.
Je veux dire également combien j’ai apprécié l’intervention de notre collègue Anne-Marie Escoffier, que j’ai écoutée tout à l'heure avec beaucoup d’intérêt. Elle a en effet admis que nous étions confrontés à toutes sortes de difficultés et qu’il fallait faire preuve de bon sens et de pragmatisme en prévoyant des règles plus réalistes et moins contraignantes. Ses propos étaient à l’opposé de la démagogie qui règne ici sur certaines travées.
Puisque mon rapport a été cité à deux reprises – il ne contient d’ailleurs que des propositions qui seront ensuite examinées, amendées, discutées et sont donc susceptibles d’évoluer – je vais expliquer à Yves Daudigny la manière dont j’ai procédé.
J’ai reçu les membres de l’Association des maires de France, de l’Association des régions de France, notamment son président, dont on connaît les sensibilités politique, de l’ADF, l’Assemblée des départements de France, les maires ruraux et bien d’autres encore. Tous ont souligné les problèmes en matière d’accessibilité auxquels ils étaient confrontés et nous ont demandé de faire des propositions de nature à y porter remède. Je n’ai fait que retranscrire dans mon rapport, avec des mots choisis, les propos qui ont été tenus par ceux-là mêmes qui appartiennent à votre sensibilité politique, mon cher collègue, qu’il s’agisse aussi bien du président de l’ADF que de celui de l’ARF, sans parler des maires ruraux.
Les propositions que je formule traduisent les propos des présidents de conseils généraux, dont la majorité est à gauche, et des présidents de conseils régionaux, dont la quasi-totalité est également à gauche. Je pourrais vous donner les comptes rendus des auditions, et vous verrez que leurs propos ont été extrêmement précis. Après six ans d’application de la loi de 2005, ils n’ont engagé que 4 milliards d’euros sur les 20 milliards prévus. Ils se demandent donc comment ils vont faire pour engager les 16 milliards d’euros durant les quatre prochaines années pour réussir à mettre en œuvre cette loi à l’horizon 2015. C’est une vraie question, et nous avons le droit d’en débattre afin de trouver des solutions.
Je ne vous dis pas que les solutions que je propose sont les bonnes ; peut-être y en a-t-il d’autres ! Mais de là à dire, comme l’a fait notre collègue Isabelle Pasquet, que certains font passer les handicapés par les locaux à poubelles, il y a une marge ! Moi aussi, j’ai été meurtri par ces propos scandaleux ! Enfin, chers collègues, est-ce que l’un d’entre nous, dans sa commune, son conseil général, ses écoles, fait passer les handicapés dans le dédale des sous-sols et des locaux à poubelles ?...
Mme Isabelle Pasquet. C’est la vérité !
M. Éric Doligé. Qui le fait ? C’est scandaleux de raconter de telles choses ! Nous sommes tous parfaitement capables de gérer ces problèmes de manière intelligente, …
M. Éric Doligé. … avant même que la loi ne rende l’application du dispositif obligatoire.
M. Éric Doligé. Je vous invite, ma chère collègue, à retirer vos propos ; j’espère qu’ils ont dépassé votre pensée !
Mme Isabelle Pasquet. Non ! Je ne fais que répéter ce que m’ont dit les associations ! Je n’invente rien !
M. Éric Doligé. En tout cas, je pense que je vais publier des extraits de certaines des auditions que j’ai conduites, car c’est de la pure démagogie que de dire que les articles 12 bis, 12 ter et 12 quater vous heurtent ! Si vous saviez ce que m’ont dit les représentants de ces instances sur le sujet, vous seriez particulièrement surprise ! Mon rapport est soft ; j’aurais pu retranscrire mot à mot ce qui m’a été dit, en citant les personnes ; je m’en suis dispensé, et à certains moments je le regrette.
Lundi prochain, nous examinerons une proposition de loi relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique. Je vais me régaler ! Je vais pouvoir vous montrer comment certains de nos collègues prônent en public des principes auxquels ils se disent attachés et comment en privé ils tiennent des propos différents, du genre : comment on va faire… cela va coûter cher ! Venez, mes chers collègues, à cette séance ! Nous allons dire ouvertement ce que certains pensent tout bas sans oser le dire tout haut ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.
M. Jean Desessard. Ce que vous venez de dire, mon cher collègue, ne va pas du tout dans le sens du discours du rapporteur !
Qu’il y ait une contradiction entre les principes et le point de vue des gestionnaires, quoi de plus normal ! Cela a existé de tout temps ! Il y a les principes, nous sommes là pour les édicter en légiférant, et puis il y a le gestionnaire qui doit les appliquer mais qui est parfois ennuyé par les choix qu’il doit faire. Cela n’empêche que le législateur doit prendre des positions très claires.
Même si le rapporteur affirme se reconnaître dans vos propos, ceux-ci sont quelque peu différents des siens.
On pouvait penser au départ qu’il s’agissait de régler des exceptions, des cas isolés, pour lesquels il n’y avait pas d’autre solution ; c’était compréhensible. Mais ce que vous venez de nous exposer, monsieur Doligé, est fort différent. Vous venez de nous confier que la quasi-totalité des représentants de l’ADF et de l’ARF vous ont demandé de changer les règles. Mais là, c’est ouvrir les vannes !
Les nombreuses personnes, de gauche, de droite, que vous avez rencontrées …
M. Éric Doligé. De gauche !
M. Jean Desessard. … ont exprimé l’envie de ne pas appliquer le dispositif prévu. Mais alors, il ne s’agit plus d’exception !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il y a quelque confusion sur cette question. Je vais donc essayer de remettre les choses en place, et mon explication vaudra avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 7 et 9 de suppression de l’article.
Avec beaucoup d’humour, Éric Doligé a stigmatisé, à juste titre, les contradictions des sénateurs socialistes et communistes. Les mêmes qui, en tant qu’élus locaux demandent des arrangements, une fois dans cet hémicycle s’arc-boutent sur les principes.
Pour ma part, je n’entrerai pas dans cette discussion, me bornant à parler de la loi telle qu’elle est, car l’intervention de Mme Pasquet m’a semblé tout à fait étonnante.
Levons un malentendu : aujourd'hui, s’agissant des logements neufs, les textes prévoient une obligation d’accessibilité totale pour les parties communes. Cette règle n’est pas remise en cause. Ne nous racontez donc pas d’histoires sur les circuits imposés aux handicapés dans les locaux de poubelles ! L’accessibilité des parties communes est une disposition intangible de la loi.
Le texte dont nous débattons actuellement prévoit une obligation d’adaptabilité totale pour les parties privatives, c'est-à-dire les logements eux-mêmes, et non pas d’accessibilité.
Cela signifie que le logement n’est pas directement accessible, le promoteur n’ayant pas l’obligation, par exemple, d’équiper directement la salle de bains d’une douche de plain-pied, mais que celle-ci pourra être adaptée par des travaux simples, qui ne touchent pas au gros œuvre. Ainsi, on pourra facilement remplacer la baignoire d’origine – les parents de jeunes enfants préfèrent une baignoire à une douche ! – par une douche de plain-pied parce que les arrivées d’eau et les évacuations auront été conçues dès l’origine pour permettre une telle évolution.
Ces dispositions sont parfaitement adaptées aux logements ordinaires loués à l’année dans la mesure où elles permettent à une personne handicapée de se porter acquéreur d’un appartement ou d’une maison neuve ou de louer ce logement en sachant qu’elle pourra l’adapter à ses besoins à moindres frais.
Selon vous, ces mêmes règles devraient s’appliquer aux logements occupés temporairement, les logements de vacances ou les logements étudiants. Mais c’est faire une fausse promesse aux personnes handicapées ! Vous leur faites croire qu’il y aura accessibilité alors qu’il s’agit d’adaptabilité. D’ailleurs, comment voulez-vous qu’elles fassent faire des travaux pour sept jours de location ? Tout cela n’a aucun sens !
Pour notre part, nous proposons une vraie accessibilité. En effet, le législateur prévoit qu’un certain nombre de logements soient non plus adaptables, mais accessibles. Je ne sais pas si j’arrive à me faire bien comprendre ! Pourtant, c’est simple et évident ! C’est une véritable avancée pour les personnes handicapées que nous proposons : plutôt que d’avoir un parc de logements adaptables, une partie du parc sera accessible. C’est clair, non ?... (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
C’est pourquoi j’indique par avance que j’émettrai un avis défavorable sur les deux amendements identiques nos 7 et 9, car ils constituent un recul pour les personnes en situation de handicap.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par Mme Pasquet, MM. Fischer et Autain, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 9 est présenté par Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Daudigny et Le Menn, Mmes Alquier, Printz et Schillinger, M. Desessard, Mme Blondin, M. Jeannerot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour défendre l’amendement n° 7.
Mme Isabelle Pasquet. Étant donné les réactions de nos collègues, je ne jetterai pas d’huile sur le feu et me contenterai de faire une explication de vote sur ces amendements identiques, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l'amendement n° 9.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Comme ma collègue Isabelle Pasquet, je ne développerai pas mon argumentation, préférant me concentrer sur l’amendement suivant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Blanc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Le Gouvernement a déjà fait part de son avis défavorable.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Hier, nous avons examiné une proposition de loi pour le développement de l’alternance.
Durant tout l’examen de ce texte, on n’a cessé de nous dire qu’une partie des mesures prévues avaient été approuvées par les partenaires sociaux. Certes, on ne peut que se satisfaire que les élus écoutent les partenaires sociaux. Mais j’estime que nous les écoutons également. À croire qu’il ne s’agit pas des mêmes ! Nous écoutons également les associations et, en l’espèce, les associations de handicapés.
Je n’ai pas inventé l’histoire des locaux à poubelles. Je n’ai fait que répéter ce que ces associations m’ont confié, parce qu’elles sont indignées de constater de telles situations.
M. Paul Blanc, rapporteur. Et nous, nous sommes indignés d’entendre de tels propos !
Mme Isabelle Pasquet. Il en va de même pour l’expression « citoyen de seconde zone » que j’ai utilisée tout à l'heure, madame la secrétaire d’État. Les handicapés se sentent vraiment parfois comme des citoyens de seconde zone.
C’est en ce moment le cas des membres de l’APF, l’Association des paralysés de France, qui sont obligés de suivre nos débats dans le salon Victor-Hugo, parce que les tribunes ne sont pas accessibles aux handicapés !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. Paul Blanc, rapporteur. La loi prévoit qu’il y ait des aménagements !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame la ministre, bravo pour votre démonstration sur les tuyaux dans les salles de bains, mais l’article 14 ter A n’en est pas plus limpide pour cela !
Permettez-moi de donner lecture du principal paragraphe de l'article 14 ter A : « Pour les logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière dont la gestion et l’entretien sont organisés et assurés de façon permanente, un décret en Conseil d’État, pris après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, fixe les exigences relatives à l’accessibilité prévues à l’article L. 111-7 et aux prestations que ceux-ci doivent fournir aux personnes handicapées. »
On parle ici non pas d’adaptabilité, mais d’accessibilité ! Un décret fixera les exigences : il peut soit les augmenter – et je n’ai pas compris dans les propos du rapporteur qu’il allait en être ainsi ! –, soit les réduire, et l’intervention de notre collègue Éric Doligé allait plutôt dans ce sens.
Même si vous nous avez fait une brillante démonstration, comme à votre habitude, madame la ministre,…
M. Jean Desessard. … celle-ci ne répond pas à la question que nous avons posée.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 9.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 10, présenté par Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Daudigny et Le Menn, Mmes Alquier, Printz et Schillinger, M. Desessard, Mme Blondin, M. Jeannerot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La première phrase du premier alinéa de l’article L. 111-7-1 du code de la construction et de l’habitation est complétée par les mots : « en vertu du principe de conception universelle ».
L'amendement n° 11, présenté par Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Daudigny et Le Menn, Mmes Alquier, Printz et Schillinger, M. Desessard, Mme Blondin, M. Jeannerot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
avis
par le mot :
accord
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Tout à l’heure, j’ai bien écouté notre collègue Paul Blanc.
M. Paul Blanc, rapporteur. C’est bien !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Il nous a effectivement signifié qu’en 2005 il était vraiment opposé aux dérogations dans le bâti neuf. C’est dommage que depuis…
Il nous a dit aussi qu’il avait dû, la mort dans l’âme, accepter aujourd’hui les substitutions dans les bâtiments neufs. Je trouve dommage qu’on en soit arrivé là !
Au cours de la discussion générale, j’ai cité des déclarations du Gouvernement : selon Mme Bachelot-Narquin, l’accessibilité reste un principe irréfragable. « C’est pourquoi l’accessibilité est un domaine primordial », a dit M. Sarkozy lors de la deuxième conférence nationale du handicap, le 8 juin 2011.
Ces déclarations vont tout à fait dans le sens des engagements pris par la France. Je pense à la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et au décret n° 2010-356 du 1er avril 2010 portant publication de la convention relative aux droits des personnes handicapées, qui engage notre pays à promouvoir et à appliquer le principe de « conception universelle ».
De plus, l’Union européenne a rendu opposable, pour ses propres instances, la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Par conséquent, ladite convention pourra être invoquée devant la Cour européenne de justice, mettant ainsi la France en porte-à-faux.
Alors, madame la ministre, pourquoi s’être engagé en signant cette convention si c’était pour revenir en arrière aujourd’hui ?
On a beaucoup entendu, dans cet hémicycle et ailleurs, un argument économique que l’on peut effectivement concevoir : celui d’un surcoût éventuel.
Actuellement, une réflexion est lancée avec le débat national sur la dépendance. À cette occasion, d’ailleurs, madame la ministre, vous vous rendez dans toutes les régions. Ainsi, vous êtes venue dans ma circonscription, les Pyrénées-Atlantiques. L’accessibilité des personnes dépendantes se rapproche de celle des personnes handicapées.
Le fait que les personnes devant bénéficier d’espaces accessibles seront de plus en plus nombreuses renforce la nécessité d’appliquer dès aujourd’hui le principe de conception universelle, afin d’éviter d’avoir à rattraper un retard faute d’anticipation.
J’en viens à l’argument du surcoût. Dans un rapport d’octobre 2008 intitulé Design for all : implications for bank operations, la Banque mondiale estime entre 15 % et 20 % les pertes de marchés touristiques en raison de l’inaccessibilité des infrastructures. Quand on connaît la place et l’importance du tourisme en France, on ne peut qu’être surpris par cet article 14 ter A.
Il est de plus précisé dans ce rapport que, lorsqu’il existe – ce qui n’est pas toujours le cas – un surcoût lié à l’accessibilité dans la construction de bâtiments neufs, ce surcoût n’excède jamais 1 % de la construction totale.
Aussi, et c’est l’objet de l’amendement n° 10, est-il nécessaire d’affermir et de concrétiser le principe de conception universelle en l’intégrant au code de la construction et de l’habitation.
En effet, l’accessibilité des bâtiments fait partie intégrante de l’approche inhérente au développement durable. Son importance a notamment été soulignée dans l’article 3 de la loi dite Grenelle I, lequel inscrit dans ses objectifs la prise en compte systématique de l’accessibilité.
Cet amendement est de nature à mettre fin aux nombreux régimes dérogatoires qui restreignent la portée du principe de conception universelle.
L’amendement n° 11 est relatif à l’avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Nous préférerions qu’il s’agisse d’un accord. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Blanc, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 10.
Elle est également défavorable à l’amendement n° 11, car le Conseil national « consultatif » des personnes handicapées ne peut donner qu’un avis consultatif, et non un accord.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.
J’ajoute que la notion de « conception universelle » amène également à traiter de la question de tous les handicaps. À se concentrer sur l’article 14 quater, peut-être a-t-on quelque peu oublié cet aspect-là.
M. Paul Blanc, rapporteur. Tout à fait !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Madame Annie Jarraud-Vergnolle, vous parliez de nos compatriotes handicapés moteurs, mais il faut penser aussi à ceux qui, parce qu’ils sont aveugles, autistes ou déficients intellectuels, voient leurs conditions d’accessibilité rendues singulièrement difficiles.
M. Guy Fischer. On n’a jamais dit le contraire !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. L’effort du Gouvernement porte précisément, Sylvie Desmarescaux le sait bien, sur cet aspect des choses, afin que l’ensemble de nos compatriotes handicapés, sans exclusive, puissent participer totalement à la vie et à la citoyenneté dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Je voudrais revenir sur l’amendement n° 11.
En tant que rapporteur de la première grande loi sur le handicap, la loi Veil du 30 juin 1975, à l’Assemblée nationale, j’ai eu le grand honneur de participer à la création du Conseil national consultatif des personnes handicapées.
M. Guy Fischer. Il y a très longtemps de cela !
M. Jacques Blanc. Mon cher collègue, deux dates sont importantes.
La première, c’est justement celle du 30 juin 1975, date de la première grande loi sur le handicap. Valéry Giscard d’Estaing était président de la République et Jacques Chirac, Premier ministre. Je suis très fier d’avoir été le rapporteur de cette loi, adoptée le 17 juin 1975.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. Jacques Blanc. La seconde date est celle du 11 février 2005. Il a fallu attendre jusque-là pour faire adopter la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
M. Éric Doligé. Sous Jacques Chirac !
M. Jacques Blanc. Effectivement, Jacques Chirac était président de la République et Jean-Pierre Raffarin, ici présent, Premier ministre.
Entre-temps, des présidents et des gouvernements socialistes se sont succédé. Qu’avez-vous fait ?
M. Paul Blanc, rapporteur. Rien !
M. Jacques Blanc. Pratiquement, rien.
M. Guy Fischer. Provocateur !
M. Jacques Blanc. Je suis assez fier de le dire ici, nous pouvons sans aucun complexe, en conscience, dire que nous, nous avons fait le maximum pour les personnes handicapées, en les respectant et sans chercher à les utiliser à des fins partisanes !
Permettez-moi de profiter de mon temps de parole pour rendre hommage à Paul Blanc, un médecin qui connaît les problèmes des handicapés.
Au sein de votre commission, madame la présidente Muguette Dini, et dans cet hémicycle, il a transmis des messages très forts. Parfois, il est arrivé qu’il ne soit pas bien traité... Pourtant, il mérite non seulement notre respect, mais aussi un peu de notre admiration, comme cela a été dit.
Lui qui a décidé de ne pas se représenter aux élections sénatoriales il peut être fier de ce qu’il a accompli au Sénat. Pour ma part, je sais ce qu’il nous a permis de faire au conseil régional de Languedoc-Roussillon. Certes, c’est du passé, mais son action au Sénat est d’actualité. Bravo à Paul Blanc ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Permettez-moi de revenir sur les propos de Mme la secrétaire d'Etat concernant notamment l’accessibilité des personnes handicapées. Je prendrai deux exemples qui, précisément, n’ont rien à avoir avec l’accessibilité physique.
Le premier concerne les sous-titreurs, qui connaissent des difficultés en raison de la diminution d’un quart de leurs interventions concernant tant le sous-titrage par télétexte pour les malentendants que l’audiodescription pour les malvoyants.
Le deuxième exemple est celui de la précarité des auxiliaires de vie scolaire, ce qui ne permet pas de rendre accessible l’école ordinaire à l’ensemble des enfants orientés par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, la CDAPH.
Madame la secrétaire d'État, je suis tout à fait d’accord avec vous pour assurer une accessibilité à l’ensemble des personnes, cela quel que soit leur handicap. J’ai travaillé pendant trente ans dans le domaine du handicap, j’ai dirigé des établissements ; par conséquent, je connais ce secteur-là. Une adaptation est effectivement nécessaire pour permettre l’accessibilité, quel que soit le handicap des personnes.
Par conséquent, ce n’est pas à moi qu’il faut rappeler que le handicapé physique n’est pas le seul concerné par cette proposition de loi. Tous les handicaps doivent l’être !
M. Paul Blanc, rapporteur. Bien sûr !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. M. Jacques Blanc nous a rappelé les deux dates historiques et a rendu hommage à M. Paul Blanc. C’est très bien, mais il n’a pas répondu à la question principale soulevée par l’amendement n° 11 !
Vous avez créé, avez-vous dit, le Conseil national consultatif des personnes handicapées. Mais c’était pour lui donner un pouvoir !
M. Paul Blanc, rapporteur. C’est un conseil consultatif !
M. Jacques Blanc. Il est consultatif, comme son nom l’indique !
M. Jean Desessard. S’agissant d’une exception, vous auriez pu accepter de lui donner un pouvoir. Vous n’avez pas seulement créé ce Conseil pour lui demander un avis de temps en temps : il faut quand même lui donner la possibilité de décider !
Après avoir cité deux dates historiques, j’attendais que vous preniez date aujourd’hui pour que ce Conseil donne désormais son accord, et pas simplement un avis. Vous avez raté une occasion d’entrer dans l’histoire, monsieur Jacques Blanc !