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Loi de finances rectificative pour 2011
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011.
Article 1er (suite)
M. le président. Dans la discussion de l’article 1er, nous avons entamé l’examen de quatorze amendements faisant l’objet d’une discussion commune. Quatre d’entre eux ont d’ores et déjà été présentés.
L’amendement n° 62, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, et ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° L’article 885 I bis est abrogé ;
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Par cet amendement, nous proposons de supprimer la disposition par laquelle des pactes d’actionnaires permettent à ceux qui constituent ce que l’on appelle le noyau dur de l’actionnariat d’une entreprise de diminuer leur contribution à l’ISF à proportion de leur participation.
Cette exonération des intérêts minoritaires, instaurée par la loi pour l’initiative économique du 1er août 2003, dite loi Dutreil, n’a pas, semble-t-il, rencontré un grand succès, malgré les assurances contraires qui figuraient à l’époque dans le rapport sur le fondement duquel elle avait été créée. Le nombre de contribuables faisant jouer le dispositif Dutreil est en effet limité. À en croire l’évaluation des voies et moyens associée à la loi de finances, il s’élève à 12 700 ménages, pour un coût global de 132 millions d'euros en dépense fiscale.
S’agissant du dispositif de l'article 885 I quater du code général des impôts, son coût est de 119 millions d'euros pour 10 700 ménages déclarants.
Ces dépenses fiscales sont d’ailleurs étonnamment stables depuis plusieurs exercices fiscaux. On se situe donc sur un profil correspondant à un peu plus de 1,5 % des redevables de l’ISF qui font jouer des dispositifs pourtant déjà relativement anciens et, de fait, peu utilisés.
Le pacte d’actionnaires concerne au premier chef les actionnaires minoritaires et non impliqués dans la gestion courante de l’entreprise : c’est d’abord une technique d’optimisation fiscale pour celles et ceux dont le rapport avec l’entreprise se limite à la perception de dividendes.
Il serait intéressant de procéder à l’évaluation économique et sociale d’un tel dispositif. Il faut se rappeler que la presse se fit l’écho, dans le courant de l’été 2007, d’une étrange coïncidence ; il s’est trouvé en effet qu’à l’époque où le dispositif Dutreil voyait le jour, l’épouse de ce regretté ministre, aujourd'hui cadre à l’international du groupe LVMH, exerçait des responsabilités au sein du groupe Wendel et participait à un montage fait, semble-t-il, sur commande.
Il convient de noter que le pacte d’actionnaires « version Dutreil » ressemble comme deux gouttes d’eau au pacte familial qui a engagé les héritiers de Wendel au sortir de la guerre franco-prussienne de 1870 ; mais c’est sans doute un pur hasard…
Au demeurant, nous aimerions comparer la pertinence du dispositif avec le nombre d’emplois réellement créés dans les entreprises concernées, avec leurs performances économiques, avec ce que ces entreprises ont fait, entre autres, en termes de diversité de recrutement, de préservation du cadre de vie et d’environnement.
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° L’article 885 I ter est abrogé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement est, il est vrai, d’une portée plus réduite que celui que vient de présenter Thierry Foucaud si l’on se réfère à la dépense fiscale occasionnée, mais il participe de la même réflexion quant à ses attendus.
Le dispositif de l’article 885 I ter du code général des impôts vise à permettre aux souscripteurs de capital de petites et moyennes entreprises de bénéficier d’une exonération de ces parts sociales dès lors que les apports se font soit sous forme de numéraire, soit en nature.
Apparemment, les contribuables à l’ISF sont assez peu gagnés à la nécessité de financer des PME puisque le dispositif n’est sollicité que par une dizaine de milliers de contribuables, nombre à comparer aux 600 000 assujettis ou déclarations enregistrés.
Je ne suis d’ailleurs pas certaine que le contenu de la réforme présentée par le Gouvernement y change grand-chose, surtout maintenant que la cotisation de chacun va se réduire de manière sans cesse croissante, au fur et à mesure de l’élévation de la valeur du patrimoine imposable.
On peut même penser, et c’est là une forme de retournement dialectique assez intéressant, que la réduction du taux d’imposition au titre de l’ISF va conduire les contribuables à la paresse intellectuelle et sans doute à la prise de risque minimal s’agissant de leurs placements futurs.
Dans ce cadre, l’article 885 I ter risque fort de connaître une destinée fatale. Ne perdons pas de temps pour rectifier comme il se doit l’assiette de l’ISF en supprimant tout simplement cet article.
M. le président. L’amendement n° 210 rectifié, présenté par MM. Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Vall et Tropeano, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après la première phrase du dernier alinéa de l’article 885 S, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Le montant de cet abattement ne peut excéder 300 000 euros. »
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Nous proposons, par cet amendement, d’instaurer un plafond à l’abattement de 30 % appliqué sur la valeur de l’immeuble occupé à titre de résidence principale en vertu de l’article 885 S du code général des impôts. Ce plafond, fixé à 300 000 euros, permettrait de bénéficier de l’intégralité de l’abattement, dès lors que la valeur de l’immeuble est inférieure à 1 million d’euros.
On voit bien, en effet, que plus la valeur de la résidence principale est élevée, plus cet abattement bénéficie au propriétaire. Nous proposons donc de le plafonner à 300 000 euros, ce qui revient à n’assujettir à l’ISF la résidence principale qu’à partir de 1,6 million d’euros lorsqu’elle constitue l’intégralité du patrimoine.
Nous croyons ce plafonnement nécessaire au regard de la justice contributive. Plus on a un patrimoine élevé, plus on doit, me semble-t-il, contribuer aux charges publiques.
Enfin, l’adoption de cet amendement apporterait de nouvelles ressources fiscales à l’État.
M. le président. L’amendement n° 64, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement s’attaque au cœur du dispositif mis en place par l’article 1er du collectif budgétaire et conduisant à la réduction sensible du produit de l’ISF.
Je tiens à mettre en évidence ici la mystification selon laquelle la spéculation immobilière serait à l’origine de l’entrée sous l’empire de l’ISF d’un nombre croissant de contribuables.
Ainsi, de plus en plus de contribuables de l’ISF seraient des cadres supérieurs, devenus, grâce à leur travail, propriétaires de leur appartement, dont la valeur les aurait fait passer au-dessus du plancher de l’ISF. Une telle assertion est en fait, dans la très grande majorité des cas, parfaitement inexacte.
Il est évident, et personne ne le conteste, que le patrimoine des « petits » contribuables à l’ISF – le mot « petit » étant à appréhender au regard de la situation globale des intéressés, car il faut tout de même posséder un bien immobilier d’une valeur supérieure au million d’euros pour être assujetti à cet impôt ! –...
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Des riches !
M. Bernard Vera. ... est essentiellement constitué de leur habitation principale.
Il se produit ce que l’on sait : plus la fortune s’élève, plus elle est immatérielle et représentée par x titres, parts sociales d’entreprises et biens immobiliers de rapport.
Or la valeur moyenne des biens immobiliers des plus « modestes » des contribuables de l’ISF n’est pas de 1,5 million d’euros, réduits à 770 000 euros avec l’abattement sur la résidence principale – ce qui représente tout de même un très bel appartement ! –, mais se situe plutôt, selon le rapport Carrez, aux alentours de 365 000 euros, c’est-à-dire fort loin du seuil de déclenchement de l’imposition.
Cette allégation selon laquelle il faut réduire l’ISF pour en préserver les redevables les plus modestes victimes de la spéculation immobilière masque mal le double objectif politique que poursuit le Gouvernement : premièrement, regagner la confiance, y compris électoralement, des couches dites « moyennes supérieures », c’est-à-dire les 300 000 « petits » redevables de l’ISF et les 200 000 contribuables susceptibles d’y être soumis ; deuxièmement, faire plaisir aux plus fortunés.
Les plus riches voient en effet leur taux maximal d’imposition passer de 1,8 % à 0,5 % ; pour quelques personnes, cette baisse est productrice d’une réduction spectaculaire de l’imposition. Avec un patrimoine de 30 millions d’euros, par exemple, le gain dépasse 300 000 euros, presque l’équivalent d’un SMIC par jour !
La démonstration est simple à faire : 1,7 million d’euros taxés à 0,25 %, cela donne 4 250 euros, et 27 millions taxés à 0,5 % produisent 135 000 euros, soit au total, 139 250 euros d’impôt, là où il faut aujourd’hui, en principe, acquitter 458 300 euros !
Ces chiffres nous permettent de faire l’économie de toute autre démonstration. Rendre ainsi près de 70 % de l’impôt dû à un tel contribuable ne nous paraît pas supportable !
M. le président. L’amendement n° 211 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Vall et Tropeano, est ainsi libellé :
Alinéa 6
I. – Compléter la dernière ligne de la première colonne du tableau par les mots :
« et inférieure à 16 000 000 € »
II. – En conséquence, compléter le même tableau par une ligne ainsi rédigée :
Égale ou supérieure à 16 000 000 € |
0,75 |
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Cet amendement vise à établir une troisième tranche d’ISF pour les plus gros patrimoines, égaux et supérieurs à 16 millions d’euros, en leur appliquant un taux de 0,75 %.
En effet, il n’est pas concevable que le détenteur d’un patrimoine se situant entre 3,2 millions et 3,4 millions d’euros soit soumis au même taux d’ISF que celui qui détient un patrimoine de 16 millions d’euros ou plus.
Notre amendement repose ainsi sur un souci de justice fiscale, un souci qui semble partagé dans cet hémicycle.
En outre, la création d’une troisième tranche permettrait d’assurer de nouvelles ressources fiscales à l’État, ce qui ne serait pas un luxe en ces temps de déficits chroniques.
M. François Marc. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 68, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. L’alinéa 7 vise à plafonner l’ISF pour 2011 au plus bas pour les redevables les plus modestes de cet impôt. Il est vrai que ces 300 000 petits contribuables à l’ISF, ces « pauvres riches » souvent victimes de la spéculation immobilière, constituent bien la cible principale de la réforme.
Qu’en est-il précisément d’un redevable de l’ISF dont le patrimoine est compris dans les limites de la première tranche du tarif ? Cette première tranche couvre les patrimoines compris entre 800 000 euros et 1,310 million d’euros. Cela représente donc 510 000 euros, taxés au maximum à 0,55 %, soit exactement 2 805 euros.
Entrons dans le détail. Un contribuable disposant de 1 million d’euros de patrimoine est redevable de 1 100 euros au titre de l’ISF. Chacun en conviendra, cela démontre le caractère éminemment confiscatoire de l’impôt de solidarité sur la fortune ! Avec 100 000 euros de plus, le redevable devra payer 550 euros supplémentaires… Excusez du peu !
À la vérité, les contribuables de la première tranche du tarif de l’ISF sont loin de supporter une charge fiscale insurmontable. Il est vrai qu’ils représentent un cœur de cible électoral au plus haut point intéressant pour le locataire de l’Élysée, de plus en plus préoccupé par sa réélection, et qui sent bien que le discours de 2007 sur la « valeur travail » ne pourra pas servir deux fois.
Dans les faits, le Gouvernement redonne peu aux contribuables de l’ISF concernés, mais il espère qu’ils seront compréhensifs. Seuls 40 millions d’euros sont en cause dans cet alinéa 7, mais cela fait tout de même plus de 310 000 électeurs !
En complet désaccord avec votre présentation cataclysmique de la fiscalité du patrimoine, nous ne pouvons que rejeter ce lissage du tarif de l’ISF ainsi réformé.
M. le président. L’amendement n° 65, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Voilà encore une injustice, qui se teinte d’indécence !
Après la suppression de la déduction de l’impôt sur le revenu de la demi-part accordée aux parents isolés n’ayant plus d’enfant à charge, celle de la demi-part accordée aux couples mariés, la limitation de la demi-part fiscale accordée aux veuves, la volonté de faire travailler gratuitement les bénéficiaires du RSA, la volonté de fiscalisation des accidents du travail et autres « fantaisies fiscales », le capital et les plus riches sont, une fois encore, toujours plus avantagés.
Si l’on suit votre raisonnement, il n’y a point de petites économies, car la France est gravement malade de ses déficits. Faut-il rappeler que la réduction du rendement de l’ISF constitue, quoi qu’il arrive, une moins-value de 1,8 milliard d’euros à partir de 2013 ?
La politique fiscale que vous menez tend à vous faire oublier qu’aux termes de l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’égalité devant l’impôt signifie que la « contribution commune doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».
Les personnes éligibles au paiement de l’ISF ont, à notre sens, une certaine faculté contributive... et elle n’est pas des moindres !
Le principe du respect de la faculté contributive, de valeur constitutionnelle, a d’abord conduit à l’institution d’impôts proportionnels, puis d’impôts progressifs. Le principe même de progressivité de l’impôt a également valeur constitutionnelle, contrairement au principe d’injustice fiscale, qui n’a pas de fondement.
Le principe du doublement de l’abattement pour personne à charge sur l’ISF ne présente aucune justification économique au regard du manque à gagner qu’il induit ni aucune justification juridique au regard des principes constitutionnels que je viens de rappeler. Subsiste donc une justification idéologique, entendue exclusivement par la menue part de la population qui peut louer une République dont ne subsiste, semble-t-il, que le nom !
M. le président. L’amendement n° 69, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 16 à 21
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Les alinéas 16 à 21 tendent à délivrer les « petits » redevables de l’ISF, ceux dont le patrimoine sera taxable à 0,25 %, de l’obligation de formuler une déclaration spécifique.
Jusqu’à cette année, mai était un mois difficile pour les contribuables à l’ISF. En effet, ils devaient à la fois déposer leur déclaration contrôlée et acquitter rapidement le montant de la cotisation correspondante, le dépôt valant ouverture immédiate de la procédure de recouvrement. La campagne de recouvrement durait jusqu’à la fin du mois de juin et les contribuables récalcitrants faisaient ensuite l’objet de procédures contentieuses.
Il est donc question, dans le projet de loi, de permettre aux « petits » contribuables de l’ISF de se dispenser de la procédure de déclaration et de se contenter d’une déclaration en bonne et due forme dans le cadre de la déclaration de revenus. Cela signifie surtout que la faculté sera ouverte à ces redevables de s’acquitter de leur obligation de déclaration par télédéclaration et de solliciter, par la même occasion, le droit de l’acquitter sous la forme de mensualités, à l’instar de l’IRPP.
Cet article 1er entraînera donc, cette année, de sérieux coûts de trésorerie puisque l’ISF de 2011, reporté à septembre, sera plus faible, tandis qu’il sera possible de l’acquitter, sans pénalités, jusqu’en octobre !
On ne s’y prendrait pas autrement pour justifier, le moment venu, la suppression pure et simple de l’ISF !
M. le président. L’amendement n° 66, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 49 à 52
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Dans le droit fil de la position que nous venons de défendre sur les alinéas 16 à 22, nous présentons un amendement de suppression des derniers alinéas de l’article 1er.
Il s’agit ici, une fois encore, de complaire aux petits contribuables de l’ISF.
Les personnes dont il s’agit sont tout de même susceptibles de posséder un appartement d’une valeur de 3,5 millions d’euros, soit un logement parisien de 250 mètres carrés habitables situé dans un quartier comparable à celui où se trouve le palais du Luxembourg. On imagine aisément la souffrance quotidienne et les pénibles conditions de vie de pareils redevables !
Et voilà qu’on leur propose de bénéficier de nouvelles conditions de déclaration de leur impôt grâce au report de la date d’ouverture des procédures contentieuses et à la mise en place anticipée de modalités de déclaration allégées d’un certain nombre d’opérations. Tout se passe un peu, au demeurant, comme si le caractère sommaire des éléments demandés aux contribuables était le plus sûr moyen de créer les conditions d’un recouvrement « approximatif » des droits, tout en fermant les yeux sur quelques errements des redevables...
Nous ne pouvons accepter que la loi organise les conditions d’un moindre recouvrement de l’ISF ; or telle sera probablement la conséquence des procédures que je viens de décrire.
Au surplus, la discussion a clairement montré que, si les plus « modestes » des contribuables assujettis à l’ISF ne vont gagner que 1 750 euros grâce à la réforme, l’allégement sera bien plus important pour les patrimoines les plus élevés, et singulièrement pour ceux, de loin les plus nombreux, qui n’ont jusqu’à présent pas réclamé le bénéfice du bouclier fiscal. Jolie réforme, c’est certain, que celle qui rendra des millions d’euros à Mme Bettencourt ou à Mme Meyers, sans même que celles-ci aient le moindre effort à fournir pour dissimuler tout ou partie de leur patrimoine aux rigueurs du fisc !
En tout cas, il est difficilement admissible que le Gouvernement entoure les hauts patrimoines d’une telle sollicitude alors même que le reste de la société souffre de la lourdeur des droits indirects et de la réduction des dépenses publiques.
Le présent amendement vise donc à remédier à ce qui s’apparente bel et bien à une inégalité de traitement entre les contribuables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les quatorze amendements qui ont été présentés ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° 60 est encore pire que la suppression de l’article puisque son adoption alourdirait l’ISF par rapport à la situation existante. La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement n° 51 rectifié ter, qu’a présenté Jean Arthuis, est bon dans son principe.
Mme Nicole Bricq. Mais pas dans son application !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Toutefois, je me demande s’il est réaliste dans le contexte bien spécifique de cette année 2011.
Mme Nicole Bricq. Intéressant…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Surtout, je rappelle que le parti pris de cette réforme est de s’en tenir au champ bien défini de la détention et de la transmission de patrimoine.
Cependant, il est tout à fait souhaitable que ce débat rebondisse dès le projet de loi de finances pour 2012, car il existe beaucoup de bons arguments en faveur de la création d’une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu s’appliquant au-dessus d’un seuil suffisamment élevé de revenus. L’exemple de plusieurs pays voisins – l’Allemagne, la Grande-Bretagne – montre que la mise en place d’un tel dispositif est loin d’être antinomique avec une stratégie fiscale visant à favoriser la compétitivité.
Dans l’immédiat, toutefois, la commission des finances estime, monsieur le président Arthuis, que cet amendement devrait être retiré.
L’amendement n° 67 doit, lui, être rejeté, car son adoption renforcerait encore davantage le caractère antiéconomique de l’ISF, en frappant les biens professionnels. Je rappelle qu’aucun Gouvernement n’a instauré un tel dispositif depuis la création de l’impôt sur les grandes fortunes, en 1981.
L’amendement n° 61 vise à inclure les œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF. Il s’agit, là encore, d’une mesure que personne n’a prise depuis 1981. Au demeurant, notre collègue Alain Fouché a, lui aussi, par son amendement n° 109 rectifié bis, souhaité susciter un débat à ce sujet.
S’il était possible, mes chers collègues, de faire une distinction claire, juridiquement bien établie, entre l’art « patrimoine » et l’art « placement », voire « spéculatif », nous pourrions sans doute abonder dans le sens des auteurs de ces amendements.
Cependant, il nous faut garder à l’esprit ce que représenterait, en termes de risques d’hémorragie patrimoniale pour notre pays, l’inclusion des œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF ; ce qu’une telle mesure signifierait, par exemple, pour les propriétaires de monuments historiques meublés, ou encore les lourdes conséquences qu’elle pourrait emporter pour la compétitivité de la place de Paris dans le domaine de l’art.
Au passage, je rappelle que, sur la base de la proposition de loi que Yann Gaillard et moi-même avons présentée en 2008, et qui reviendra bientôt en discussion au Sénat, nous nous préparons à modifier certaines règles du jeu en ce qui concerne l’organisation des ventes aux enchères publiques, afin de contribuer à ce que la place de Paris garde son rang et améliore sa compétitivité. Il est clair que l’adoption des amendements nos 61 et 109 rectifié bis aurait des conséquences très négatives pour l’activité et l’emploi dans ce secteur.
La commission des finances souhaite donc que, après les explications et échanges nécessaires, ces deux amendements puissent être retirés.
L’adoption de l’amendement n° 62, qui vise à supprimer les « pactes Dutreil », fragiliserait la stabilité du capital de nombreuses entreprises ; elle menacerait donc la continuité de leur politique et, par conséquent, risquerait d’avoir une incidence négative sur l’emploi. Cet amendement doit donc être rejeté.
L’adoption de l’amendement n° 63 renforcerait le caractère antiéconomique de l’ISF en abrogeant l’exonération des titres reçus en contrepartie de souscriptions au capital de petites et moyennes entreprises, telle qu’elle est actuellement prévue par l’article 885 I ter du code général des impôts.
Le vote de l’amendement n° 210 rectifié aboutirait, je souhaiterais en convaincre le président Collin, à refaire de la résidence principale un sujet de crispation pour de nombreux redevables de l’ISF, alors que l’aménagement raisonnable que nous proposons aujourd'hui vise précisément à vider cette querelle, ou du moins à la rendre sans objet. En effet, est-il logique et normal que, si l’on possède une résidence principale, parfois depuis longtemps, on doive puiser chaque année dans ses revenus pour régler un impôt proportionnel à l’élévation des prix sur un marché auquel on peut être complètement étranger ?
Le vœu de la commission des finances est, par conséquent, que l’amendement n° 210 rectifié soit retiré.
L’amendement n° 64 s’attaque au cœur de la réforme puisqu’il vise à supprimer la modification du barème. La commission y est donc défavorable.
L’amendement n° 211 rectifié vise à instaurer une troisième tranche d’ISF pour les plus gros patrimoines. Son adoption alourdirait d’environ 50 % le montant dû par les contribuables concernés au titre de l’ISF. Cela poserait des problèmes en termes de compétitivité et de risque de délocalisation des patrimoines, d’autant que l’allégement de l’ISF proposé par le Gouvernement s’accompagne de la suppression du bouclier fiscal. Il est même, dans l’esprit des concepteurs de la réforme, la contrepartie de celle-ci : c’est seulement grâce à l’abaissement des taux de l’ISF à 0,25 % et 0,5 % que la suppression du bouclier fiscal ne présente que des risques minimes au regard de l’attractivité de notre territoire.
La commission des finances souhaite donc que l’amendement n° 211 rectifié puisse, lui aussi, être retiré.
L’amendement n° 68 vise à supprimer un mécanisme utile, le « lissage ». Son adoption créerait un effet de seuil incompréhensible pour les contribuables. L’absence d’un tel « lissage » fut d’ailleurs l’un des reproches adressés à la réforme lorsqu’elle fut divulguée : nombre d’entre nous ont reçu des courriers de personnes possédant un patrimoine d’une valeur tout juste supérieure à 1 300 000 euros. Cet amendement doit donc être rejeté.
L’amendement n° 69 est totalement idéologique puisqu’il vise à supprimer les dispositions allégeant les déclarations de patrimoine des plus petits redevables de l’ISF. Son adoption conférerait donc un caractère punitif à l’ISF, ce qui est, à nos yeux, complètement incompréhensible.
L’amendement n° 66 doit, lui aussi, être rejeté, car il vise à supprimer plusieurs dispositions fondamentales de la réforme.