M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Houel, rapporteur. Quelle que soit la position que l’on souhaite promouvoir auprès de l’Union européenne, il n’est pas possible d’inscrire dans le texte une telle injonction au Gouvernement. Cela n’entrerait pas dans le domaine de la loi tel que le définit la Constitution.
Je rappelle que les deux assemblées du Parlement disposent déjà de la procédure de l’article 88-4 pour exprimer leur position à l’égard de tout projet d’acte ou de tout autre document émanant d’une institution de l’Union européenne.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. Michel Billout. C’est bien dommage !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er bis (nouveau)
Il est créé une commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux.
Elle a notamment pour objet d’évaluer les risques environnementaux liés aux techniques de fracturation hydraulique ou aux techniques alternatives.
Elle propose les projets scientifiques d’expérimentation de forages employant la technique de la fracturation hydraulique définis à l’article 1er, et en assure, sous le contrôle de l’autorité publique, le suivi.
Cette commission réunit des représentants de l’État, des collectivités territoriales, des associations, des salariés et des employeurs des entreprises concernées. Sa composition, ses missions et ses modalités de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d’État.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Cet amendement témoigne de notre détermination à nous opposer à la façon dont a évolué la proposition de loi à la suite de son examen par notre commission de l’économie.
Comme nous vous l’avons déjà indiqué voilà quelques jours, nous estimons que la réécriture de l’article 1er constitue un recul très important par rapport aux objectifs affichés par les différentes propositions de loi déposées sur ce sujet.
En effet, alors que la proposition de loi déposée par nos collègues socialistes visait à interdire purement et simplement l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de roche-mère, l’Assemblée nationale a interdit la seule pratique de la fracturation hydraulique, tandis que la commission de l’économie du Sénat a autorisé cette pratique – je dirais même qu’elle l’a légalisée –, sous couvert de la nécessité de poursuivre la recherche.
Dans la même logique, notre collègue Claude Biwer a fait adopter en commission un amendement, devenu article 1er bis, créant une nouvelle structure appelée « commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux ».
Sous cette appellation se cache en réalité une structure chargée d’évaluer les risques environnementaux liés aux techniques de fracturation hydraulique ou aux techniques alternatives. On se moque de nous ! Les risques environnementaux liés à la fracturation hydraulique sont connus et reconnus. En outre, deux missions sont en train de travailler sur cette question : une mission parlementaire, qui a rendu hier un rapport contrasté, et une mission interministérielle, formée le 4 février dernier. Nous n’avons donc pas besoin d’une structure supplémentaire.
De plus, les éléments portés à notre connaissance justifient d’ores et déjà l’interdiction pure et simple de la fracturation hydraulique.
S’agissant des techniques alternatives mentionnées dans le présent article, qui font également l’objet de recherches, je me permettrais de poser à nouveau la question qui me semble essentielle : doit-on réellement poursuivre dans la voie d’exploitation d’une nouvelle énergie fossile, alors même que l’un des engagements du Grenelle de l’environnement consiste justement à réduire le recours aux énergies fossiles en raison de leur nature même ?
Ne pensez-vous pas que les besoins en recherche scientifique se situent principalement ailleurs, et notamment dans le domaine des énergies renouvelables ?
Quelques-uns d’entre nous ont rencontré hier matin au Sénat les responsables et dirigeants du syndicat des énergies renouvelables. Ces derniers nous ont fait savoir que les difficultés à développer l’éolien et le photovoltaïque étaient, en France, de plus en plus importantes. Je pense que là est le véritable sujet.
L’article 1er bis dispose que c’est cette nouvelle commission qui proposera à l’autorité publique les projets scientifiques d’expérimentation à mener. On frise le ridicule ! Il y a en effet fort à parier que ces projets lui auront été suggérés par les lobbies industriels, et notamment par de grands groupes, comme Total, dont on connaît les grandes préoccupations environnementales.
Je m’étonne en outre que cette commission, dans sa composition, ne comprenne pas de parlementaires. Nous ne connaissons d’ailleurs pas, sur le fond, les équilibres en termes de représentation, puisque les missions et la composition de cette instance seront fixées par décret en Conseil d’État, c’est-à-dire bien loin du Parlement.
Votre commission représente donc un pis-aller de participation et de transparence.
J’ajoute que la présence de représentants des collectivités territoriales au sein de la commission ne doit en rien dispenser le Gouvernement d’informer l’ensemble des élus, ainsi que les populations, des projets en cours dans les territoires.
Concrètement, nous contestons la visée générale de ces amendements, qui est bien de tordre l’équilibre de la proposition de loi. Certes, ces amendements n’ont pour le moment permis d’autoriser le recours à la fracturation hydraulique qu’à des fins de recherche. Pour le moment…
Vous rejoignez les conclusions du député François-Michel Gonnot. Vous estimez en effet, envers et contre tout, que nous ne pouvons nous passer de ce type de ressources, quand bien même le prix environnemental d’une telle exploitation serait irréversible et dramatique.
Les débats au sein de la commission ont également contribué à nous éclairer sur l’objectif de votre majorité : permettre, à plus ou moins longue échéance – visiblement, la plus courte serait la meilleure ! –, l’exploitation de cette ressource au nom de l’indépendance énergétique et de la sécurité d’approvisionnement du pays.
Tranquillement, à petits pas, vous ne cessez de détricoter le Grenelle de l’environnement. Vous continuez de refuser de reconnaître toute idée de développement durable comme élément constitutif de l’action publique et de faire prévaloir les intérêts économiques sur les impératifs environnementaux et sociaux.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter notre amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Houel, rapporteur. La commission ne peut bien évidemment être favorable à la suppression de la commission nationale, qui vise à garantir la transparence des projets d’expérimentation scientifiques prévus par l’article 1er. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Teston. Tu parles !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. La création de cette commission me paraît être une excellente idée. Elle permettra d’organiser la concertation avec l’ensemble des partenaires impliqués : je pense aux ONG, aux collectivités locales et, bien évidemment, aux parlementaires. Contrairement à ce que déclare M. Billout, c’est totalement dans l’esprit du Grenelle !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Houel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
Elle propose à l’autorité publique les projets scientifiques d'expérimentation définis à l'article 1er et, sous son contrôle, en assure le suivi.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Houel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'article.
M. Jean Desessard. Cet article vise à installer une commission dont l’objet principal consiste à « évaluer les risques environnementaux liés aux techniques de fracturation hydraulique ».
Y a-t-il seulement quelqu’un dans cet hémicycle qui ne soit pas convaincu de l’existence de risques environnementaux liés aux techniques de fracturation hydraulique ?
M. Didier Guillaume. Personne !
M. Jean Desessard. Et si oui, qui ?
M. Philippe Dallier. Ce n’est pas un argument !
M. Jean Desessard. Qui ?
Mme Nicole Bricq. Répondez !
M. Jean Desessard. Qui ?
M. Philippe Dallier. C’est bon, on a compris !
M. Jean Desessard. L’extrême toxicité des adjuvants chimiques qui se diffusent dans les sols et les nappes phréatiques n’est pourtant plus à démontrer. D’ailleurs, les industriels se refusent à en donner la liste exacte !
Mme Nicole Bricq. C’est vrai !
M. Jean Desessard. La consommation en eau, de l’ordre de dizaines de milliers de mètres cubes par puits, est exorbitante. Quel signe, en cette période où nos agriculteurs souffrent d’une sécheresse aussi sévère que précoce, comme c’est le cas dans votre région, monsieur le président !
M. le président. Absolument !
M. Jean Desessard. Pour finir, il existe une suspicion de risque sismique, qui commence à être prise très au sérieux depuis qu’un microséisme, probablement imputable à la fracturation hydraulique, s’est produit le 27 mai dernier à Blackpool, en Grande-Bretagne.
M. Jacques Blanc. Les travaux de la commission permettront de le déterminer !
M. Jean Desessard. En faut-il davantage pour discréditer cette technique ? Ne s’agit-il pas en fait de considérer, selon quelque modèle économique archaïque, que l’abondance de la ressource pourrait peut-être, par hasard, compenser le saccage de l’environnement ? Je pose la question !
M. Jacques Blanc. Vous n’y êtes pas !
M. Jean Desessard. Quant aux modalités pratiques de cette évaluation des risques environnementaux, elles consistent tout simplement à forer, c’est-à-dire à tester in situ les destructions irréversibles de l’environnement, un peu comme on l’a fait avec les plantations scientifiques d’OGM en plein champ. Le plus formidable dans cette histoire, monsieur le secrétaire d’État, c’est que vous nous présentez ces forages expérimentaux comme des déclinaisons du principe de précaution. Il fallait y penser !
Ne faudrait-il tout de même pas nous interroger sur l’opportunité de continuer à investir toujours davantage dans l’exploitation d’hydrocarbures fossiles, alors que nous avons aujourd’hui pleinement conscience de l’impasse environnementale, énergétique et économique où ces pratiques nous mènent ?
Si votre objectif est de lancer des recherches, sachez que le solaire, l’éolien et le démantèlement des centrales nucléaires sont des sujets d’avenir !
À ce sujet, M. Dallier m’a tout à l'heure interpellé sur l’indépendance énergétique. Je lui répondrai que les professionnels du syndicat des énergies renouvelables, que M. Poniatowski, président du groupe d’études de l’énergie au Sénat, nous a invités hier matin à rencontrer, nous ont assuré que les objectifs étaient réalisables. Il suffirait pour cela que le Gouvernement abandonne sa politique actuelle de yo-yo, d’octrois de subventions en retraits de subventions, vis-à-vis du solaire.
Cela signifierait alors que les industriels pourraient, avec le solaire, non seulement créer de l’énergie, mais aussi développer des emplois. Or cela est remis en cause par la politique gouvernementale !
Il en va d’ailleurs de même de l’éolien : le Gouvernement a apporté à ce secteur trop de restrictions pour qu’il puisse se développer.
Le syndicat des énergies renouvelables s’est plaint, hier, devant des sénateurs de tous bords, d’une politique gouvernementale incohérente à l’égard du solaire et de l’éolien.
M. Jacques Blanc. Vous manifestez contre les éoliennes !
M. Jean Desessard. Enfin, cette commission à laquelle vous tenez tant pourrait utilement se pencher sur l’origine des dysfonctionnements catastrophiques qui ont conduit à délivrer des permis qu’il faut abroger aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Blanc. Cela ne pourra pas se reproduire !
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas la première fois qu’il est proposé de créer, dans cet hémicycle, une commission ou un rapport ! (M. le secrétaire d’État acquiesce.)
Ce qui nous gêne dans le présent article, c’est l’objet même de la commission. Il pourrait s’agir d’évaluer l’impact de ces techniques ou d’émettre des avis, mais non : l’article institue une commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux !
Nous nous y opposons fermement pour la bonne et simple raison que tous les scientifiques, sans exception, et tous les élus qui se sont documentés s’accordent à dire que la fracturation hydraulique est néfaste pour l’environnement.
M. Jacques Blanc. On est d’accord !
M. Didier Guillaume. Nous avons plutôt le sentiment que cette commission est destinée à faire passer la pilule.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Didier Guillaume. Le Gouvernement s’est engagé dans l’opacité à signer ces permis voilà plusieurs mois. Après avoir recueilli plus d’informations, dans une plus grande transparence et à l’issue d’une forte mobilisation, tout le monde est conscient des conséquences dramatiques pour l’environnement. Cette commission est donc destinée à préserver quelques permis. Si nous en acceptons la création, nous ouvrons une brèche et la possibilité de l’exploration et de l’exploitation « des hydrocarbures liquides et gazeux » !
Il faut donc repousser l’article 1er bis. Sa suppression ne porterait pas atteinte à la proposition de loi, chers collègues de la majorité, elle fermerait simplement une brèche.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis, modifié.
(L'article 1er bis est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
I. – Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, les titulaires de permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux remettent à l’autorité administrative qui a délivré les permis un rapport précisant les techniques employées ou envisagées dans le cadre de leurs activités de recherches. L’autorité administrative rend ce rapport public.
II. – Si les titulaires des permis n’ont pas remis le rapport prescrit au I ou si le rapport mentionne le recours, effectif ou éventuel, à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, les permis exclusifs de recherches concernés sont abrogés.
III. – Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, l’autorité administrative publie au Journal officiel la liste des permis exclusifs de recherches abrogés.
IV. – Le fait de procéder à un forage suivi de fracturation hydraulique de la roche sans l’avoir déclaré à l’autorité administrative dans le rapport prévu au I est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, sur l'article.
M. Michel Billout. Les problématiques liées à l’exploitation des gaz et huiles de schiste n’ont été que trop longtemps passées sous silence, et c’est bien le problème aujourd’hui, puisqu’il nous faut légiférer dans l’urgence afin de parer à des dommages irréparables pour l’environnement. Cet aspect est d’ailleurs largement critiqué dans le rapport d’information de l’Assemblée nationale présenté hier.
Certes, comme le reconnaissait le 13 avril dernier le Premier ministre, dès le départ, « il s’agit d’une affaire mal conduite ». C’est le moins que l’on puisse dire ! Nous pourrions même ajouter qu’il s’agit d’une affaire mal conduite de bout en bout, puisque le débat au Sénat a été morcelé, faute de combattants dans les rangs de la majorité, mercredi dernier. Tout cela est déplorable !
Déplorables également les conditions dans lesquelles les populations et les élus ont été tenus à l’écart pendant des mois de toute information, tant des préfectures que, bien entendu, des industriels.
M. Jean Desessard. Bien sûr !
M. Michel Billout. Par exemple, dans mon département, la Seine-et-Marne, il aura fallu attendre le 30 mars dernier, soit près de deux mois après l’instauration de la mission interministérielle d’information sur le sujet, pour que le préfet réunisse les élus concernés devant les quatre ingénieurs de la mission. De surcroît, au grand regret des élus, il s’agissait ce jour-là non d’une réunion d’information mais d’une simple réunion d’écoute des doléances dans le cadre de la mission.
Le député Christian Jacob a choisi cette occasion pour annoncer sa proposition de loi. Il s’est engagé ce jour-là, en ma présence, devant M. le rapporteur et devant les élus seine-et-marnais, à obtenir l’interdiction totale de l’exploration et de l’exploitation des gaz et huiles de schiste.
Mme Nicole Bricq. C’est vrai !
M. Michel Billout. Je doute fort que les élus locaux reconnaissent aujourd'hui les engagements pris hier.
Car les deux propositions de loi déposées par des parlementaires de l’UMP seine-et-marnais ont été vidées de leur substance et ne régleront rien pour les communes et leurs habitants.
À ce titre, je trouve également que le contenu du rapport de notre collègue Houel témoigne de cette dualité entre les discours d’affichage et la réalité de l’action politique de la droite au pouvoir.
Cette proposition de loi aura en définitive été l’histoire d’une occasion manquée, celle de l’interdiction claire de l’exploitation et de l’exploration des hydrocarbures de roche. Elle témoigne parallèlement du mépris du Gouvernement et de la majorité parlementaire pour les élus, les populations, et de leur inconséquence au regard des risques réels, sérieux et irréversibles qu’engendre l’exploitation de ces hydrocarbures.
Les populations de mon département et les élus qui se sont mobilisés très fortement réclament des mesures claires et courageuses que n’offre pas le texte issu des débats à l’Assemblée nationale et en commission au Sénat.
Nous demandons une nouvelle fois très clairement l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des gaz et huiles de schiste ainsi que l’abrogation de l’ensemble des permis de recherches, lesquels sont loin d’être « muets », comme l’indique l’article paru hier dans Le Monde, contrairement à ce que vous aviez prétendu pour renoncer à leur abrogation.
Nous demandons également très clairement que tout permis fasse dorénavant l’objet d’une enquête publique, ce que vous refusez encore – c’est un comble !
L’exigence de transparence ne vaut pas uniquement en matière nucléaire, elle vaut pour l’ensemble des ressources énergétiques. Il s’agit en outre, selon les sénateurs de mon groupe, du corollaire de toute République fonctionnant selon des règles démocratiques.
La réécriture des deux premiers articles, en particulier, ouvre une brèche dans la posture d’affichage des propositions de loi déposées par mes collègues de l’UMP de Seine-et-Marne, en ciblant l’interdiction du recours à la fracturation hydraulique.
Si l’argument technique est recevable, cette précision a pour conséquence dramatique d’autoriser l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste par d’autres techniques, ou tout simplement par les mêmes techniques qui prendraient une autre dénomination telle que « la stimulation hydraulique »…
En outre, quelles seront les entreprises assez maladroites pour prétendre, dans les deux mois, recourir à la fracturation hydraulique ?
Il faut être clair et avoir le courage d’assumer vos positions. Celles-ci prennent, je vous le rappelle, le contre-pied de l’esprit même du Grenelle de l’environnement que le Gouvernement souhaitait pourtant porter comme une innovation majeure.
Nous constatons l’ampleur de l’attraction des lobbies pétroliers, qui obtiennent aujourd'hui la possibilité du maintien de permis de recherches concernant les hydrocarbures de roche, pour l’unique raison qu’il ne faudrait pas se priver d’une telle ressource, voire d’une telle source de profits !
Nous estimons également que, s’il est nécessaire de se poser la question de la sécurité de l’approvisionnement et de l’indépendance énergétique de la nation, cet élément ne peut être l’unique argument justifiant l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures engendrant des dommages irréversibles sur l’environnement.
Plus largement, nous sommes circonspects sur cette argumentation venant de la part de ceux qui prônent une libéralisation accrue du secteur énergétique, le démantèlement de l’entreprise publique et la venue d’opérateurs privés sur le secteur.
Nous estimons, pour notre part, que c’est cette perte de la maîtrise publique qui génère un risque grave dans la sécurité d’approvisionnement, et non la simple question de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures de roche.
Vous l’aurez compris, la question posée par cette loi n’est pas technique, elle est politique.
Vous avez réécrit l’article 2 par crainte que les industriels qui perdent leur permis ne se retournent contre l’État.
M. Philippe Dallier. Bien sûr !
M. Michel Billout. Nous ne pouvons adhérer à cet argument. Nous estimons, d’une part, que les intérêts en cause, notamment la préservation de notre patrimoine et de la santé publique, doivent primer sur toute autre considération.
M. Michel Billout. Nous considérons, d’autre part, comme l’écrit le quotidien Le Monde, que « les seuls qui se frottent les mains sont les avocats. Car les imperfections de ce feuilleton géré dans la précipitation se régleront vraisemblablement au tribunal administratif ou devant le Conseil constitutionnel ».
M. Philippe Dallier. Ce sera pire avec votre solution !
M. Michel Billout. Vous l’aurez compris, cet article ne peut emporter notre adhésion, et nous sommes contraints en l’état de voter contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Bravo ! Bonne intervention !
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l’article.
Mme Bariza Khiari. Avec cet article, on va, semble-t-il, essayer de contrôler ce qui auparavant se faisait en catimini. On va timidement demander aux industriels comment ils comptent exploiter les gisements qu’ils ont localisés. Cela tranche quelque peu avec l’opacité qui a régné lors de l’accord de permis d’exploration et d’exploitation !
J’aurais souhaité, dans un premier temps, que l’on explique dans la loi la technique de fracturation et que l’on précise les moyens utilisés de manière que soient interdits non seulement le nom, mais également la technique et tout ce qui s’en approche. Qui empêche en effet un industriel de modifier quelque peu la technique actuelle et de changer ainsi sa dénomination pour pouvoir exploiter à nouveau ces gisements ?
On semble oublier que les bénéfices en jeu sont considérables pour certains industriels qui pourraient se montrer peu scrupuleux. Ils pourraient ne pas hésiter à contourner la loi si elle comporte des approximations techniques. Une interdiction simple de l’exploration et de l’exploitation de gaz non conventionnels m’aurait semblé plus logique qu’une interdiction se référant à une technique. Moins on est précis et plus on prête le flanc à des contournements non désirés.
Je suis par ailleurs sceptique sur le montant des amendes : 75 000 euros, c’est bien peu au regard des profits que les grands groupes espèrent dégager de l’exploitation de ces gisements. Autant leur dire d’emblée : pour vivre heureux, vivons cachés, et surtout ne révélons pas ce que nous exploitons, ni comment nous le faisons. Les contrôles seront rares et les risques peu importants… J’aurais souhaité que la peine prévoie un arrêt immédiat du permis d’exploitation et d’exploration.
Cette proposition ne me semble pas à la hauteur des enjeux. Chers collègues, on sent que la majorité n’avait pas vu venir la mobilisation citoyenne et qu’elle essaie désormais de se rallier au combat pour donner le change.
Cette proposition est le symbole même de votre précipitation et de votre impossibilité à construire sur ce sujet une position ferme et intangible. Face à ces approximations et aux dangers pour nos territoires et pour la santé publique, nous nous opposerons à cet article, qui s’apparente ni plus ni moins à une autorisation de polluer !
Même s’il n’est pas prévu de forages dans Paris intra-muros, je rappelle que l’eau de la capitale est fournie par les nappes phréatiques de la Seine-et-Marne. C’est une très bonne raison pour que les élus parisiens votent contre cet article ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l’article.
M. Didier Guillaume. À l’origine, nous l’avons dit, lorsque M. Jacob et ses collègues ont déposé cette proposition de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale, ils envisageaient d’abroger purement et simplement les permis de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels.
Or le droit français, comme l’a rappelé notre collègue Desessard, n’opère aucune distinction entre les gaz conventionnels et les gaz non conventionnels, si bien qu’il est possible de procéder à des recherches sur des hydrocarbures non conventionnels en étant titulaire d’un permis de recherches classique. C’est ce point qui demande à être précisé.
Concrètement, l’article 2 de la proposition de loi permet uniquement de retarder l’abrogation de certains permis.
Il aurait été plus logique de procéder tout d’abord à une distinction juridique entre les hydrocarbures non conventionnels et les hydrocarbures conventionnels lors de la refonte du code minier, …
M. Jean-Jacques Mirassou. Bien sûr !
M. Didier Guillaume. … de remettre ensuite à plat l’ensemble des permis de recherches octroyés – comme l’avait annoncé le Premier ministre le 13 avril dernier et M. Jacob au début de la discussion à l’Assemblée nationale – et de réattribuer, enfin, les permis concernant les hydrocarbures conventionnels.
Cette méthode en trois temps aurait eu le mérite de la clarté, de la transparence, et nous aurait permis d’aller de l’avant sans prendre de risques pour l’environnement.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Didier Guillaume. De plus, la rédaction retenue ne nous convient absolument pas.
En premier lieu, cet article oblige les titulaires de permis exclusifs à remettre, dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport précisant les techniques qu’ils utilisent ou qu’ils envisagent d’utiliser pour effectuer ces recherches.
En second lieu, cet article abroge les permis exclusifs de recherches lorsque ce rapport n’a pas été remis ou lorsqu’il mentionne le recours à la technique de la fracturation hydraulique.
On s’en remet donc simplement aux déclarations des industriels alors qu’il appartient au Gouvernement d’exprimer une position claire. La transparence doit être la règle en matière de politique énergétique dans notre pays.
Le Gouvernement doit fixer des règles claires, justes et effectives afin d’encadrer les activités industrielles.
Hier matin, les deux rapporteurs de la mission d’information relative aux gaz et huiles de schiste de l’Assemblée nationale, Philippe Martin et François-Michel Gonnot, ont clairement indiqué – cela figure dans leur rapport – que la seule technique aujourd'hui envisageable pour exploiter les hydrocarbures de schiste est la fracturation hydraulique. Nos convictions s’en trouvent donc renforcées.
Nous l’avons déjà dit : il faut purement et simplement interdire l’exploitation des hydrocarbures de schiste. Les demandes de permis déposées et les permis délivrés par l’administration, que ce soit dans les annexes ou directement dans les permis – c’est aux juristes d’établir les choses clairement –, mentionnent, pour la plupart, l’usage de la technique de la fracturation hydraulique. Il est indiscutable que le Gouvernement, lorsqu’il a signé ces permis, était explicitement informé sur la technique employée !