M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Didier Guillaume. Cela apparaît dans les documents fournis par la CADA, la Commission d’accès aux documents administratifs.
J’espère donc que le Gouvernement respectera les engagements pris par le Premier ministre le 13 avril à l’Assemblée nationale et procédera à l’abrogation de ces permis.
Je le répète, monsieur le secrétaire d’État : en voulant légiférer rapidement, vous avez confondu vitesse et précipitation. Après avoir délivré les permis de recherches dans l’opacité et la précipitation, vous souhaitez aujourd'hui faire adopter cette proposition de loi, non dans l’opacité cette fois, mais avec la même précipitation.
Nous vous demandons simplement de corriger une erreur : tout le monde sait désormais, le Gouvernement l’a reconnu, que ces permis ont été signés un peu vite, dans l’opacité, non pas pour mal faire, …
M. Jean Desessard. Tout le monde peut se tromper !
M. Didier Guillaume. … un ancien ministre l’a dit, et qu’il faut aujourd'hui rectifier le tir. Le Gouvernement et la majorité doivent corriger cette erreur et non la reproduire.
Ce débat très important doit se dérouler dans la transparence, la tranquillité et la sérénité, et non dans la précipitation.
Selon nous, cette proposition de loi est un texte d’affichage. Or nous voulons une loi efficace. Pour cela, il faut procéder à une refonte du code minier, lequel est, nous le savons tous, archaïque. Ce n’est qu’ensuite, et seulement ensuite, que nous pourrons aborder ce débat sereinement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. J’évoquerai pour ma part des préoccupations locales qui m’intéressent au plus haut point.
Il y a quatre ans, les habitants de la petite commune haute-garonnaise de Franquevielle ont été parmi les premiers à subir – je dis bien « subir » – un forage d’extraction de gaz de schiste. Mal et peu informés par la société chargée de l’extraction de la nature réelle des opérations, ils pensaient avoir « sous [leurs] pieds de l’or noir », comme le titrait à l’époque le quotidien local. Il s’agissait en fait de gaz de schiste.
La société Vermilion Pyrénées …
Mme Nicole Bricq. Ah ! On la connaît !
M. Jean-Jacques Mirassou. … avait reçu du Gouvernement l’autorisation de prospecter le sous-sol, au moment même où ce dernier s’apprêtait, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, à lancer le Grenelle de l’environnement.
L’exploitation du site de Franquevielle a duré près de deux ans, pendant lesquels une installation destinée à forer le sous-sol jusqu’à 2 600 mètres de profondeur a tourné jour et nuit en mobilisant une surface bétonnée de plus d’un hectare, soit presque l’équivalent de deux terrains de football.
Un an après le début des opérations, l’entreprise, réalisant qu’il n’y avait pas suffisamment de gaz pour assurer la rentabilité de l’exploitation, a tout stoppé, après avoir inévitablement causé des dégâts dans le sous-sol.
Pourtant, ce permis de forage, dit « permis de Foix », accordé à Vermilion Pyrénées, et qui couvre une zone de 549 kilomètres carrés située à cheval sur les Hautes-Pyrénées, la Haute-Garonne et l’Ariège, a été prorogé jusqu’en 2014. Il prévoit l’ouverture d’un deuxième site de forage en Haute-Garonne, à une trentaine de kilomètres du lieu précédent. Cette prorogation concerne également deux communes de l’Ariège : Mérigon et Le Mas-d’Azil. Et la liste n’est sans doute pas exhaustive.
Il aura fallu, comme l’a souligné Didier Guillaume, l’indignation et la mobilisation partout en France des citoyens, des élus locaux et de nombreuses associations environnementales pour que le Gouvernement reconnaisse avoir délivré, sans consultation préalable, des permis d’exploitation de gaz de schiste.
Une fois de plus, les citoyens et les élus ont été ignorés au nom de la recherche du profit. Cette affaire a donné lieu, lorsque le scandale a éclaté, à des déclarations plus qu’approximatives de MM. Borloo et Besson, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elles traduisaient un embarras évident. C’est du reste la raison pour laquelle le conseil général de la Haute-Garonne, conscient de la situation, a adopté le 21 avril 2011 un vœu s’opposant à toute délivrance de permis de recherches d’hydrocarbures non conventionnels dans le département.
Tout le monde reconnaît désormais que l’exploitation de cet hydrocarbure n’est pas, en l’état actuel de la technologie, compatible avec la protection et la sauvegarde de l’environnement, principes pourtant au cœur du Grenelle de l’environnement et officialisés dans la Charte de l’environnement.
Pour illustrer mon propos, permettez-moi de citer Rabelais, qui déclarait que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme », à plus forte raison, ajouterais-je, lorsqu’il y a la recherche du profit. Il est donc indispensable que les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux soient purement et simplement abrogés.
L’article 2 accorde deux mois après la promulgation de la loi aux titulaires de tels permis pour déclarer à l’administration s’ils entendent utiliser la technique de fracturation hydraulique pour leurs recherches. Dans l’affirmative, ces permis seront abrogés, soit dit en passant par ceux-là mêmes qui les ont précédemment accordés, ce qui supposera de leur part une sérieuse révolution intellectuelle !
Pour justifier cette démarche, l’État prétend que les permis délivrés ne précisaient pas le type d’hydrocarbures recherchés ni la technique employée. Or, comme vient de l’indiquer Didier Guillaume, on sait aujourd'hui que la technique employée était connue et qu’il s’agit bel et bien de la fracturation hydraulique.
Dès lors qu’aucune technique alternative n’est envisageable, pourquoi accorder un délai de deux mois avant d’interdire cette pratique ? Tout cela est éminemment bizarre et s’apparente à ce que l’on appelle en rugby un cadrage-débordement. Or tout le monde sait que, après le cadrage-débordement, le danger reste entier.
Cette proposition de loi, comme en témoigne son article 2, est un texte de circonstance. Elle est uniquement destinée à calmer l’orage qui gronde de plus en plus fort. En tout état de cause, elle ne permet pas de faire face aux véritables enjeux et d’agir de manière durable dans l’intérêt général.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas l’article 2 de cette proposition de loi, du moins pas dans sa rédaction actuelle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été développés par mes trois collègues avant moi, avec lesquels, du reste, je suis entièrement d’accord.
Je voudrais ici me faire l’écho de la révolte citoyenne – le mot n’est pas trop fort – d’un certain nombre d’habitants des trente communes de mon département concernées par le permis d’explorer dit « de Cahors ».
Cette mobilisation, qui est très forte, comme l’a indiqué tout à l’heure Jean Desessard, est relayée par les élus. Nos concitoyens, qui suivent nos débats, s’interrogent sur le contenu de cette proposition de loi et de son article 2, lequel revient sur un mode d’exploration particulièrement dangereux.
Tout ayant déjà été dit sur ce sujet, j’ajouterai simplement que nous ne sommes pas dans une posture politicienne ou politique. En tant qu’élus et citoyens responsables, nous souhaitons simplement faire connaître notre opposition à la proposition de loi, en particulier à son article 2, et relayer la véritable inquiétude qu’elle suscite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12, présenté par Mme Bricq, MM. Guillaume, Teston, Fauconnier, Sutour, Courteau, Mirassou, Chastan et Raoul, Mme Khiari, MM. Bérit-Débat et Daunis, Mme Voynet, M. Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Sous réserve de décision de justice ayant acquis autorité de chose jugée, les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux sont abrogés avec effet rétroactif.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Pour nous, cet amendement est nodal, puisqu’il vise à réécrire un article nocif.
Aux termes de cet article, tel qu’il est actuellement rédigé, les industriels qui ont obtenu des permis pourront les conserver s’ils déclarent simplement qu’ils n’ont pas l’intention de recourir à la technique de la fracturation hydraulique. Il suffit donc qu’ils adoptent une stratégie d’attente pour demeurer titulaires des permis et pour pouvoir reprendre plus tard leurs activités.
Au cours de la discussion générale, j’avais fait référence aux déclarations du président-directeur général de notre champion national, à savoir Total, devant l’assemblée des actionnaires du groupe. Je reprendrai aujourd'hui le texte de son intervention pour argumenter mon propos : « Ce qui a été voté » – c'est-à-dire le texte de l’Assemblée nationale – « n’exclut pas la possibilité pour les compagnies de rester titulaires de leurs droits, ce qui est d’ailleurs assez habile de la part des auteurs du texte. [...] On va garder nos droits et puis faire en sorte qu’un jour les gens comprennent qu’on [peut] faire de la fracturation hydraulique de manière propre ». Tout est dit !
Force est de constater que les permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures ne sont pas dédiés. Mme la ministre de l’écologie qualifie même ces permis de « muets ». Autrement dit, un permis exclusif de recherches peut être attribué pour rechercher des hydrocarbures conventionnels ou non. En clair, le détenteur d’un permis dit « conventionnel » peut faire de l’exploration d’hydrocarbures de roche-mère.
Le rapport d’étape interministériel en atteste : la recherche d’huile de roche-mère « s’opère à partir de permis exclusifs de recherches non dédiés. Ces permis ne distinguent pas le type de gisement recherché et l’on peut espérer trouver sur un même périmètre des accumulations traditionnelles et des gisements d’huiles de roche-mère à des horizons différents. [ …] Les recherches peuvent également être conduites sur le périmètre d’une concession accordée pour l’exploitation d’une accumulation traditionnelle. Ainsi, c’est à partir de la concession dite de “Champotran” » – bien connue en Seine-et-Marne – « que Vermilion REP a foré deux puits de recherches d’huile de roche-mère qui produisent actuellement quelques mètres cubes par jour ».
On voit bien que la confusion règne. On a du mal à savoir exactement qui fait quoi. Il faut clarifier cette situation. L’une des solutions est de prendre en compte la distinction entre hydrocarbures de roche-mère et hydrocarbures classiques. Ce n’est pas le choix qui a été fait dans la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. Les industriels devront se contenter de justifier de la technique qu’ils emploieront et de rien d’autre.
Aucune définition précise de cette technique ne figure d’ailleurs dans la proposition de loi. Il convient donc aujourd’hui d’abroger l’ensemble des permis plutôt que de permettre aux industriels de préserver des permis exclusifs de recherches non dédiés, comme le prévoit l’article 2 dans sa rédaction actuelle.
M. Jean Desessard. Absolument !
Mme Nicole Bricq. Je rappelle notre position : puisque les permis sont muets, le groupe socialiste veut les faire parler !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Quelle ambition !
Mme Nicole Bricq. Tel est l’objet des amendements que nous avons déposés visant à réformer le code minier.
D’ores et déjà, l’amendement n° 12 vise à exiger l’abrogation de tous les permis exclusifs de recherches, y compris lorsque les travaux de recherche ont déjà commencé. Autrement dit, cette mesure aura un caractère rétroactif.
M. le président. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par Mmes Labarre, Didier et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels sont abrogés.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement va évidemment dans le même sens que celui de Mme Bricq.
Le texte issu de l’Assemblée Nationale constitue un recul important par rapport à ce que la proposition de loi prévoyait initialement.
Comme l’indique le rapport intermédiaire récent du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies et du Conseil général de l’environnement et du développement durable, l’usage de la fracturation est nécessaire dans la phase de recherche, notamment des hydrocarbures liquides non conventionnels, pour établir les rapports d’évaluation financière.
Le présent article offre la possibilité d’un contournement important de la part des exploitants. La procédure du rapport remis dans les deux mois est extrêmement faible. Elle n’octroie aucune garantie sur les techniques utilisées. L’écriture actuelle ne prévoit pas de contrôle spécifique et ne garantit en rien des changements de procédure dans le temps.
Au final, le texte sorti de l’Assemblée nationale offre un boulevard aux industriels pour poursuivre l’exploration et démarrer l’exploitation des gaz et des huiles de schiste. Il suffira qu’ils déclarent ne pas polluer pour ne pas être pollueurs.
En effet, si l’article 1er prévoit de ne plus attribuer de nouveaux permis, l’article 2 n’abroge pas les permis en cours, comme s’en était pourtant gargarisé Christian Jacob. Il s’agit en fait de faire patienter en permettant l’exploration de façon à pouvoir démarrer l’exploitation sitôt les échéances de 2012 passées. Les industriels, soutenus par la droite, expliqueront ensuite qu’ils ont sécurisé leur procédé d’extraction et diminué le nombre de produits chimiques.
Interdiction de l’exploration et de l’exploitation et abrogation des permis distribués étaient pourtant les revendications essentielles de toutes celles et de tous ceux qui sont aujourd’hui mobilisés pour refuser le massacre de l’environnement, le gaspillage et la pollution des eaux souterraines, au moment où notre pays est de plus en plus confronté à un problème de réserve d’eau. Mais c’était sans compter l’intense lobbying exercé par les pétroliers et les gaziers, qui ont réussi à faire plier les députés UMP.
Mme la ministre essaie de nous convaincre, par un argumentaire juridique, de la nécessité de remplacer la rédaction initiale du texte, qui prévoyait de manière limpide l’abrogation des permis exclusifs accordés, par une sorte de digression difficilement justifiable, faisant référence à un rapport des opérateurs sous deux mois.
À l’issue des débats à l’Assemblée, il est clairement apparu qu’il s’agissait en fait d’une parfaite reculade pour laisser le champ libre aux opérateurs concernés. Puisque vous affirmez publiquement vouloir en finir avec l’exploration et l’exploitation des gaz de schistes, prenez donc vos responsabilités et écrivez-le clairement dans la loi en adoptant notre amendement !
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
roche
insérer les mots :
ou à tout autre technique nécessitant d'injecter dans la roche-mère des adjuvants chimiques ou une importante quantité d'eau
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Par cet amendement, nous souhaitons que l’interdiction visée à l’article 2 concerne non seulement le recours à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, mais également le recours à toute autre technique nécessitant d’injecter dans la roche-mère des adjuvants chimiques et une importante quantité d’eau.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, Mme la ministre avait émis un avis défavorable sur cette proposition, en déclarant : « Quand nous interdisons la fracturation hydraulique, ce n’est pas le mot mais l’opération elle-même, et nous saurions la reconnaître si elle était habillée différemment. »
Nous ne doutons pas que les services administratifs compétents feront preuve de discernement pour identifier la technique utilisée lors des demandes de permis. Cependant, nous souhaitons éviter tout risque d’erreur.
En effet, il n’est pas certain qu’une technique proche, produisant les mêmes effets néfastes sur l’environnement ou sur la santé des personnes, ne soit pas autorisée au motif qu’elle ne recouvrirait pas exactement la qualification de la technique de la fracturation hydraulique, celle-ci n’étant pas clairement définie juridiquement. Voilà d’ailleurs un motif d’importants contentieux, alors que vous prétendez les éviter…
Vous qui avez accompagné le Grenelle de l’environnement devriez savoir combien il est important de prendre de grandes précautions quand il s’agit de tels enjeux sanitaires et environnementaux.
Tel est le sens de cet amendement.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Houel, rapporteur. L’adoption de l’amendement n° 12 aurait pour effet d’annuler tous les permis de recherches d’hydrocarbures accordés en France, qu’il s’agisse d’hydrocarbures conventionnels ou non.
Mme Bariza Khiari. Oui ! C’est bien ce que nous voulons !
M. Michel Houel, rapporteur. Une telle abrogation aurait des conséquences juridiques et économiques difficiles à évaluer.
En abrogeant tous les permis de recherche avec effet rétroactif, ne risque-t-on pas de fragiliser les permis d’exploitation d’hydrocarbures conventionnels actuellement en vigueur, qui ont été attribués après une période de recherches ?
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, d’autant que la rédaction des articles 1er et 2 de la proposition de loi garantit le point essentiel, à savoir que la fracturation hydraulique ne sera pas utilisée dans le cadre de ces permis de recherches.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 23 rectifié.
En effet, la procédure de l’article 2, dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, puis par la commission de l’économie, garantit l’abrogation des permis dont le titulaire prévoit d’utiliser la technique de fracturation hydraulique. Une abrogation plus large serait difficile à mettre en œuvre, car, je vous le précise, il n’existe pas de « permis exclusif de recherche d’hydrocarbures non conventionnels ». Les permis de recherches ne mentionnent pas le type d’hydrocarbures recherché. Si cette information peut être indiquée dans le dossier d’instruction du permis, il serait difficile de dresser une liste, qui comporterait des risques d’erreurs ou d’arbitraire. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)
Enfin, l’avis de la commission est également défavorable sur l’amendement n° 6 rectifié.
En effet, les techniques décrites par cet amendement correspondent en fait à la fracturation hydraulique. Celle-ci étant bien connue et largement décrite, l’autorité administrative comme l’autorité judiciaire n’auront pas de difficultés à identifier le procédé utilisé, quel que soit le terme employé par l’industriel. Il ne me paraît pas souhaitable d’insérer ce genre de précision dans la loi, car cela risquerait d’être source plus d’erreurs que de sécurité juridique.
M. Michel Billout. Nous en reparlerons !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
Avec votre permission, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’aimerais vous réexpliquer en quoi consiste l’article 2.
Je vous rappelle que le Gouvernement souhaite clairement l’abrogation des permis utilisant la technique de la fracture hydraulique.
Le Gouvernement veut également sécuriser la procédure sur le plan juridique. En effet, il y a un risque de contentieux pouvant entraîner de lourdes conséquences financières et nous voulons épargner une telle facture à l’ensemble des contribuables.
C’est pourquoi nous soutenons l’article 2 dans sa rédaction actuelle et nous vous invitons, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’adopter.
Je voudrais également rappeler que les permis qui existent aujourd'hui ne distinguent pas les gisements conventionnels des non conventionnels.
Mme Nicole Bricq. Oui !
Mme Nicole Bricq. Non ! C’est le droit !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Certes, madame la sénatrice. Mais vous ne l’avez pas modifié lorsque vous étiez aux affaires !
Mme Nicole Bricq. Nous avons réformé le code minier !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Comme les permis qui existent aujourd'hui ne font pas cette distinction, nous avons besoin du dispositif prévu par l’article 2.
L’adoption de l’amendement n° 12 aboutirait tout simplement à l’arrêt immédiat de l’exploitation, par exemple, des puits de pétrole en Seine-et-Marne.
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Si c’est ce que vous souhaitez, dites-le clairement ! Et n’hésitez pas à expliquer aux Français que vous voulez faire augmenter leur facture de plusieurs centaines de millions d’euros !
M. Didier Guillaume. Mais elle augmente déjà aujourd'hui !
M. Claude Bérit-Débat. Et les Français savent très bien à qui ils doivent cette hausse !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est également défavorable sur les amendements nos 23 rectifié et 6 rectifié, pour les raisons que j’ai indiquées.
Nous souhaitons que, une fois le texte adopté, les industriels précisent clairement quelle technique ils comptent utiliser. Si c’est celle de la fracturation hydraulique, nous abrogerons les permis concernés. Autrement, nous les maintiendrons.
Vous affirmez que certains employeurs risquent de frauder.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Permettez-moi de vous rappeler deux éléments.
D’une part, l’amende prévue est de 75 000 euros pour les personnes physiques et de cinq fois plus pour les personnes morales.
D’autre part, comme vous êtes devenus des spécialistes de la question, vous savez certainement que la fracturation hydraulique nécessite des quantités d’eau astronomiques. Autant dire que le recours à cette technique n’est guère discret : quand on utilise des milliers de tonnes d’eau, cela se voit ! Nous aurons donc la capacité de vérifier s’il y a ou non fraude. Le Gouvernement sera évidemment extrêmement vigilant et donnera des instructions en ce sens.
Par conséquent, l’article 2 répond parfaitement, me semble-t-il, aux attentes des différents acteurs. Et, dès lors que nous sommes d'accord sur le fond, il ne me paraît pas nécessaire d’agiter des épouvantails en invoquant des risques pour inquiéter nos compatriotes à des fins purement politiciennes ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État feignent, depuis le début, d’ignorer notre argumentation et sa cohérence.
Notre groupe, tout comme, je crois, le groupe CRC-SPG, veut simplement faire droit à la déclaration du Premier ministre, qui a prôné devant la représentation nationale l’abrogation des permis et la remise à plat du système. C’est exactement ce que nous demandons.
Mme Nicole Bricq. Pas du tout !
Comme nous l’avons indiqué lors de la discussion générale, nous souhaitons l’abrogation des permis quelle que soit la technique utilisée.
Bien entendu, et c’est ce qui fait la cohérence de notre argumentation, même si vous refusez de l’entendre, il faut dans le même temps réformer le code minier, afin de rendre les permis explicites de telle sorte que le « conventionnel » puisse être autorisé.
Vous occultez le problème du code minier. La semaine dernière, Mme la ministre a pris un engagement : lorsque nous l’avons interpellée pour demander que l’ordonnance du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier puisse être examinée par le Parlement, comme le prévoit d’ailleurs la Constitution, elle nous a assuré que ce serait le cas avant l’été. Nous sommes aujourd'hui le 9 juin, et nous n’avons toujours aucune nouvelle à ce sujet.
Son collègue de l’industrie est en revanche plus loquace. Si Mme Kosciusko-Morizet n’a pas daigné répondre à la question que nous lui avons posée la semaine dernière, M. Éric Besson nous a affirmé que la réforme du code minier était « imminente ». Mais, comme vous le savez, l’« imminence »…
M. Jean-Jacques Mirassou. Est très relative !
Mme Nicole Bricq. … est parfois lointaine !
En réalité, je crois que le Gouvernement n’assume pas ses responsabilités et ne veut pas réformer le code minier. C’est tout le problème.
Pour notre part, nous demandons les deux : et l’abrogation des permis et la réforme du code minier. Faisons les choses dans l’ordre : mes collègues Jean-Jacques Mirassou et Didier Guillaume ont indiqué tout à l’heure dans quel ordre procéder.
Vous avez le droit de rejeter l’ensemble cohérent que nous proposons, mais n’affirmez pas que nous ne prenons pas, nous, nos responsabilités !
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, je ne peux pas laisser passer l’argumentation purement politicienne selon laquelle nous favoriserions l’augmentation du prix du carburant à la pompe !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est de la blague !
Mme Nicole Bricq. Écoutez donc votre collègue, encore ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Christine Lagarde s’offusquer de ce que les pétroliers ne répercutent pas les baisses de prix à la pompe quand il y en a ! D’ailleurs, la lumière n’a jamais été faite sur les mécanismes de formation des prix, à la hausse comme à la baisse.
En vérité, vous allez placer notre pays sous la dépendance d’une énergie fossile, alors que vous prônez exactement le contraire au niveau européen ! Pour notre part, nous ne voulons pas d’une nouvelle dépendance aux énergies fossiles. C’est un problème de fond, et il faudra bien en débattre devant les Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Rarement on aura vu un concentré – je n’ose dire un gisement ! – d’hypocrisie tel que dans cet article 2… (M. Jacques Blanc s’offusque.)
La question centrale, en effet, est bien la suivante : « Veut-on, oui ou non, abroger les permis ? »
M. Jean Desessard. Cet article propose, ni plus ni moins, de demander leur avis aux industriels eux-mêmes. C’est aux industriels d’indiquer s’ils projettent ou non d’utiliser une technique interdite ! Cela m’évoque les formulaires que l’on doit remplir dans les vols en direction des États-Unis qui demandent si on a l’intention d’assassiner le président ! La réponse est connue d’avance ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
La lecture des permis d’exploration d’ores et déjà accordés, que l’on a pu consulter notamment grâce à l’action opiniâtre de mon collègue député européen et ami José Bové, excellent parlementaire qui connaît bien la question,…