M. Jean-Jacques Mirassou. … car ils sont sans doute terriblement sollicités – cela a été vrai à d’autres époques –, et que les sénateurs de l’opposition n’ont pas reçu, sur ce sujet, le même niveau d’information que ceux de la majorité.
Le Sénat s’honorerait en refusant de participer à ce qu’il faut bien considérer comme une mascarade !
Par ailleurs, l’élection du conseiller territorial passe par l’instauration d’un mode de scrutin injuste pour les femmes, cela a été dit. Le conseiller territorial uniquement décliné au masculin n’est sûrement pas le fait du hasard. C’est en effet à un recul de la parité que concourent ce tableau et ce projet de loi.
Dans leur communiqué commun du 23 octobre 2009, les présidentes des délégations aux droits des femmes du Sénat et de l’Assemblée nationale faisaient remarquer que, « dans le cadre des scrutins uninominaux, non soumis à des mesures paritaires contraignantes, les femmes sont toujours sacrifiées par les formations politiques ». Ce communiqué garde, au moment où je parle, toute sa pertinence.
L’ensemble de ces arguments, monsieur le ministre, mes chers collègues, ont largement été évoqués par les sénateurs socialistes, avant le vote de ce texte qui allait aboutir à la loi du 16 décembre 2010. Si j’ai tenu à les rappeler, c’est parce qu’ils sont encore plus d’actualité aujourd’hui.
D’abord, parce que les récentes élections cantonales, quoi que vous en disiez, ont été remportées par la gauche et ont apporté la démonstration de l’attachement très fort de la population à ses départements, à ses cantons et à ses conseillers généraux.
Ensuite, parce que les élus locaux sont maintenant parfaitement au courant des tenants et aboutissants de cette réforme, et donc des risques qu’elle fait courir à notre paysage institutionnel en créant de nouvelles strates là où elle prétend simplifier, tout en réduisant à néant cette notion de proximité à laquelle nous sommes tous tellement attachés.
Mais ce n’est pas tout. Cette réforme rebat aussi lourdement les cartes des blocs de compétences en retirant aux conseils généraux et régionaux les responsabilités qui, pour certaines, venaient de leur être confiées au prix de coûteuses adaptations. La réforme, de surcroît, planifie également à l’horizon 2015 la disparition de la clause de compétence générale, ce qui constitue une atteinte supplémentaire à la libre administration des collectivités territoriales.
Et ce n’est malheureusement pas fini car, dans tous les territoires, on se « frotte » maintenant à la refonte de l’intercommunalité qui, pilotée au pas de charge par les préfets, engendre un nouveau tollé, pleinement justifié dans de nombreux départements.
Cette refonte, quand elle est contestée, l’est parce qu’elle bat en brèche la responsabilité naturelle des élus locaux, et parce qu’elle doit être réalisée à marche forcée d’ici au 31 décembre 2011, sans donner la possibilité d’étudier les impacts majeurs des propositions préfectorales sur l’avenir des territoires concernés.
Dans ces conditions, ce volet de la réforme des collectivités territoriales privilégie la simple arithmétique d’une commande gouvernementale visant à faire disparaître autoritairement des structures locales tout en en créant d’autres.
Certes, tout le monde en conviendra, un nouveau pas doit être franchi dans l’intercommunalité pour garantir des projets de territoires plus cohérents et plus ambitieux ; mais tout cela doit se faire dans la plus grande concertation avec les élus locaux, sur la base du volontariat, et non à marche forcée et sûrement pas, en tout cas, en remplissant des cadres colorés issus de la seule imagination des préfectures et de la place Beauvau, dont le but inavoué est de nier la réalité cantonale et départementale.
Alors, et ce sera ma conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, pourquoi cette obstination à vouloir imposer une réforme contestée hier, aujourd’hui, et sans doute encore plus demain ?
Le Sénat, en votant contre ce tableau de répartition des conseillers territoriaux dans les départements et les régions, disqualifiera de fait le nouvel élu et, par la même occasion, cette réforme dangereuse et inutile. Tel est bien le sens de cette motion tendant à opposer la question préalable.
Il est encore temps, chers collègues, de faire preuve de courage et de lucidité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Mes chers collègues, l’exposé de M. Mirassou en apporte la démonstration, cette motion tendant à opposer la question préalable est en fait une contestation de la réforme des collectivités territoriales, notamment du rôle du conseiller territorial en tant que représentant du département et de la région.
Le Conseil constitutionnel a validé, je le rappelle, les dispositions votées par le Parlement. Nous ne débattons plus du tout des attributions du département et de la région, mais nous avons à nous prononcer sur le tableau qui a été partiellement annulé par le Conseil constitutionnel.
L’exposé fait par le représentant du groupe socialiste n’a aucun lien avec ce tableau, dont le contenu n’est d’ailleurs pas contesté par les auteurs de la motion.
La commission des lois vous invite donc à rejeter cette motion.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Mirassou a, dans son exposé, contesté une nouvelle fois la décision du Conseil constitutionnel. Or, ainsi que François-Noël Buffet l’a précisé lors de son intervention détaillée, le Conseil constitutionnel a validé la quasi-totalité du texte, la seule disposition mise en cause étant le tableau de répartition des conseillers territoriaux en ce qui concerne six départements.
Vous dites, monsieur Mirassou, que nous ne proposons qu’une modification « cosmétique ». De fait, nous ne modifions que ce qui a été invalidé par le Conseil constitutionnel. Il n’y a aucune raison que nous allions au-delà de la décision du Conseil constitutionnel, ou que nous nous en écartions. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil constitutionnel, tout le Conseil constitutionnel mais rien que le Conseil constitutionnel, telle est notre ambition ici.
Il est vrai que, au-delà des propos de M. Mirassou, les critiques ont été vives, envers le Conseil constitutionnel, notamment. Je pense à Pierre-Yves Collombat, qui y est allé très fort, critiquant tant les membres du Conseil constitutionnel que leurs délibérés, ou à Jean-Michel Baylet, qui est également allé très loin. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Ce n’est pas, vous le comprenez, à un membre du Gouvernement de critiquer le Conseil constitutionnel, l’une des plus hautes juridictions de la République.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est vrai, ils sont si gentils !
M. Philippe Richert, ministre. Il m’appartient de le respecter, quelles que soient les origines et, le cas échéant, les pensées personnelles de ses membres. Il en va de même pour les autres juridictions : qui pourrait imaginer que l’on critique une décision en matière pénale sous prétexte que l’un des juges aurait un engagement contesté ?
Nous devons respecter les jugements des plus hautes juridictions, et nous le faisons ; je remercie François-Noël Buffet de l’avoir rappelé avec force tout à l’heure.
En ce qui nous concerne, nous nous bornons donc, avec ce projet de loi, à apporter les précisions demandées par le Conseil constitutionnel.
Mais à cet instant je me tourne vers M. Masson, qui m’a interrogé sur le fonctionnement concret de la réforme. Cela constituera également une réponse à M. Mirassou ainsi qu’à certaines interrogations soulevées dans cette assemblée. Je vais donc préciser comment les choses se passeront, afin que ce point soit le plus clair et le plus transparent possible, et qu’il n’y ait aucun soupçon sur des méthodes qui ne seraient pas à la hauteur de notre démocratie.
La première chose que je souhaite souligner, c’est que le pilotage de ce travail, qui est sans précédent, car l’on n’avait jamais effectué de redécoupage d’une telle ampleur de nos territoires cantonaux, est assuré par le cabinet du Premier ministre en coordination avec le ministère de l’intérieur.
Nous proposerons donc des décrets, qui seront bien entendu pris après avis des conseils généraux et du Conseil d’État. Les sénateurs seront également consultés, ainsi que les députés, car il faudra faire en sorte que les territoires des nouveaux cantons soient compris à l’intérieur des circonscriptions législatives, ce qui implique qu’il y ait correspondance entre les limites des différentes circonscriptions électorales.
En ce qui concerne maintenant le calendrier, au rythme où nous travaillons actuellement, j’espère que le tableau de répartition des conseillers territoriaux aura été voté avant l’interruption de l’été, de sorte que nous pourrons faire des propositions d’ici à l’automne, d’abord pour les régions et les départements dans lesquels ne se dérouleront pas d’élections sénatoriales en septembre.
Le principe est donc d’une démarche en deux temps : après cette première phase durant laquelle nous travaillerons sur les régions dans lesquelles ne se dérouleront pas d’élections sénatoriales en septembre, nous passerons ensuite aux régions dans lesquelles ces élections auront eu lieu. Vous comprenez qu’une telle dissociation est indispensable afin que tout se passe dans la plus grande sérénité.
Je tiens à apporter une autre précision : nous devrons, vous l’aurez compris, avoir achevé ce travail avant le mois de mars 2013, dans la mesure où il faut respecter un décalage d’un an par rapport à l’élection des premiers conseillers territoriaux, en mars 2014.
En ce qui concerne les critères du redécoupage, le premier principe, que j’ai déjà mentionné, est que la délimitation des cantons doit respecter les limites des circonscriptions législatives ; cela est précisé par l’article 3 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Le second principe posé par cet article est que toute commune de moins de 3 500 habitants doit être entièrement comprise dans le même canton.
S’agissant maintenant du découpage proprement dit, le Conseil constitutionnel a précisé que le nombre de conseillers territoriaux rapporté à la population du département ne devait pas s’écarter de plus ou moins 20 % de la moyenne régionale. C’est le principe qui s’applique dans la définition du nombre de circonscriptions électorales pour l’élection des conseillers territoriaux, par département à l’intérieur de chaque région.
Toutefois, si le Conseil constitutionnel a validé l’écart de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne départementale pour les circonscriptions législatives, s’agissant des circonscriptions cantonales à l’intérieur du département, ce n’est pas le Conseil constitutionnel mais le Conseil d’État qui est compétent. Or ce dernier pose une obligation de limiter les écarts de représentation entre le canton le plus peuplé et le canton le moins peuplé. Le principe du tunnel de plus ou moins 20 %...
M. Pierre-Yves Collombat. Un gros tunnel !
M. Philippe Richert, ministre. … n’existe donc pas pour le Conseil d’État en ce qui concerne la répartition des nouvelles circonscriptions pour l’élection des conseillers territoriaux à l’intérieur d’un département : il y a seulement une obligation de limiter les écarts.
Mme Bernadette Dupont. À combien ?
M. Philippe Richert, ministre. Cela étant, nous n’avions jamais eu, dans toute l’histoire de notre pays, à faire face à une réforme aussi généralisée de la délimitation des cantons. De ce fait, au-delà du principe posé par le Conseil d’État, il n’existe pas aujourd’hui de règle générale qui s’impose de façon définitive. Nous devons donc veiller à ce que ce remodelage soit effectué sur des bases essentiellement démographiques, sous réserve des dérogations que le Conseil d’État admet lorsqu’elles sont motivées par des impératifs d’intérêt général.
Ces principes, qui serviront notamment à la détermination du nombre de cantons par circonscription, ont déjà été rappelés par le Gouvernement lors des débats sur la réforme des collectivités territoriales. Les critères seront, je vous le rappelle, ceux de la population de la carte cantonale actuelle, le nombre actuel de cantons dans les différentes parties du territoire départemental, le nombre de communes du département et des différents territoires qui le composent, ainsi que l’étendue géographique du département.
Tels sont les principes qui devront guider notre travail de préparation. Nous procéderons ainsi en plusieurs étapes. Il va de soi que les conseils généraux seront consultés, que les parlementaires concernés seront interrogés et que le Conseil d’État devra valider notre travail.
Je voudrais maintenant répondre à Pierre Jarlier, qui est intervenu au sujet de l’application de ces principes de découpage aux territoires de montagne et aux territoires ruraux. Je tiens en effet à préciser que nous serons bien entendu très attentifs à ces situations.
Pierre Jarlier aurait, pour sa part, préféré une autre démarche, faisant des établissements publics de coopération intercommunale, existants ou futurs, la base des nouveaux cantons, c’est-à-dire, je le rappelle, des circonscriptions électorales des conseillers territoriaux. Ce sont là des principes que nous ne devons pas perdre de vue à l’avenir. De fait, si, chaque fois que nous le pouvons, nous tenons compte des intercommunalités, je pense que nous ferons du bon travail.
Il s’agit également, je le répète, de tenir compte de la densité de population et des caractéristiques du territoire, selon qu’il s’agit en particulier de vallées ou des zones montagneuses. Il y a en effet un besoin de cohérence, notamment au niveau des territoires de vie.
Tout ce travail doit être accompli avec le souci de la transparence et de l’équité entre les territoires.
Mon propos a été un peu long, monsieur le président, mais je n’en serai que plus rapide sur certains amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu aux véritables questions de nature politique qui ont été posées. Vous apportez une réponse constitutionnelle, citant tantôt le Conseil d'État, tantôt le Conseil constitutionnel, et faisant superbement l’impasse sur les milliers d’élus locaux qui, depuis maintenant plus d’un an, s’élèvent contre cette réforme.
Je veux bien que, pour ce qui est du volet réglementaire, on donne toujours raison au Conseil constitutionnel, mais, en sa forme actuelle, votre réforme ne passe pas auprès des élus locaux et commence même à susciter de lourdes interrogations dans la population.
Pour revenir au Conseil constitutionnel, il est tout de même étrange qu’il ait fait un « zoom » microscopique pour le delta de trois unités que j’évoquais tout à l'heure, alors qu’il a négligé un dossier que vous connaissez bien, monsieur le ministre, à savoir la situation dans la région Alsace. De fait, à mon sens, il ne fera pas bon être citoyen du Haut-Rhin si la réforme est adoptée, dans la mesure où, lorsque les décisions se prendront à l’échelon régional, le rapport des forces sera tel que, huit fois sur dix, les décisions seront mécaniquement prises en faveur des élus du Bas-Rhin. (M. Christian Poncelet s’exclame.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Je m’étonne que le Conseil constitutionnel n’ait pas pris de loupe pour mettre en exergue cette distorsion par rapport au principe que vous évoquiez. (M. Éric Doligé proteste.)
S'agissant maintenant du reste de la réforme, vous parlez des élections sénatoriales, de l’été… Or j’ai assisté, comme beaucoup de parlementaires, aux réunions organisées par les préfectures pour expliquer comment allait être transformée la carte intercommunale. Et il n’y a ni concertation ni codécision, monsieur le ministre ; il s’agit, dans le meilleur des cas, d’une information délivrée au canon qui ne permet pas aux élus les plus concernés, maîtres de leur histoire et, un peu, de leur destin, de faire une projection chiffrée de ce qui les attend dans le cadre de la réforme de l’intercommunalité.
Tout cela pour dire que, au-delà des idées, des raisons, des pensées, il y a des arrière-pensées. Celles qui sous-tendent ce projet de loi nous sont connues, et je me permets de les rappeler : il s’opère ici un formidable retour sur trente ans de décentralisation, car l’État que vous représentez, monsieur le ministre, ne supporte pas l’émancipation des collectivités territoriales, à plus forte raison quand elles sont de la couleur de la gauche ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Le Conseil constitutionnel a jugé ; ne remettons pas en cause en permanence ses décisions !
Les élus, notamment les parlementaires, ont jusqu’à présent toujours manifesté le plus grand respect pour cette institution, au point même de la citer régulièrement en exemple. Je reste pour ma part convaincu que les membres du Conseil constitutionnel sont au-dessus de tout soupçon.
Monsieur Mirassou, vous prétendez que, demain, la voix du Haut-Rhin sera inaudible au sein du conseil régional d’Alsace, au motif que celui-ci sera composé de plus de conseillers issus du Bas-Rhin. Je suis Bas-rhinois, je préside actuellement la région, et je puis vous certifier qu’il ne me viendrait jamais à l’idée de raisonner en ces termes.
M. Éric Doligé. Bien sûr ! Il faut être socialiste pour avoir des idées pareilles !
M. Philippe Richert, ministre. Je ne cherche pas à opposer les territoires et je travaille évidemment pour l’ensemble de l’Alsace et des Alsaciens, comme je l’ai toujours fait, et bien avant d’être à la tête de la région.
Pourquoi les conseillers territoriaux voudraient-ils à tout prix défendre leur bout de territoire au conseil régional, sans tenir compte des intérêts de l’ensemble de l’espace dont ils ont la gestion ? Je suis choqué par cette vision parcellaire, qui tend à ramener le conseil régional aux dimensions d’une arène où s’opposeraient les différents territoires.
Je crois très franchement que les élus, en Alsace, mais aussi partout ailleurs dans notre pays, œuvrent pour le bien public. (Mme Esther Sittler et M. André Reichardt applaudissent.) Le territoire des conseillers régionaux, c’est la région ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’était avant !
M. Yves Chastan. Oui, avant la réforme !
M. Philippe Richert, ministre. Pour ma part, c’est la conception de l’action politique que je souhaite continuer à promouvoir. Je ne veux nullement privilégier l’un des départements de ma région au détriment des autres, et, en tant que président de région, j’entends au contraire défendre l’ensemble des territoires qui la composent. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Je ne me battrai pas sur les chiffres : on peut leur faire dire ce que l’on veut, et s’il est en partie vrai que les territoires ruraux ne seront pas représentés, demain, au sein des conseils régionaux, ils ne le sont pas davantage aujourd’hui. L’exemple de la région Midi-Pyrénées est éclairant : 6 Ariégeois sur 92 conseillers régionaux aujourd’hui, 15 conseillers territoriaux sur 251 demain, les proportions ne sont pas si différentes… Alors n’ergotons pas sur ce point !
En revanche, je m’inquiète vraiment des problèmes de fonctionnement que pourraient rencontrer ces assemblées.
Comment faire fonctionner un conseil régional composé de 250 élus ? Il va falloir nous l’expliquer, monsieur le ministre !
M. Bruno Sido. Nous sommes bien 340 dans cet hémicycle !
M. François Fortassin. Les séances plénières se réduiront à quelques grands-messes annuelles. On réunira deux fois l’an les conseillers régionaux pour étudier les dossiers et, pour le reste, la commission permanente décidera de tout, ou presque.
Bien que je ne sois pas favorable au non-cumul des mandats, croyez-vous vraiment qu’un conseiller territorial par ailleurs parlementaire puisse siéger au conseil général à Tarbes ou à Rodez, au conseil régional à Toulouse et au Parlement à Paris tout en faisant un travail efficace ?
Quant aux nouveaux présidents de conseil régional, je les plains sincèrement…Celui de la région Midi-Pyrénées verra ainsi débarquer chaque président de conseil général accompagné de ses troupes, sans compter la métropole toulousaine. Autant dire qu’il aura fort à faire en matière de distribution de chocolats et autres sucreries ! (Sourires.)
M. Didier Guillaume. C’est impossible !
M. Jean-Jacques Mirassou. Et s’il n’y avait que cela !
M. François Fortassin. Enfin, que deviendront ceux des départements qui auront été littéralement émasculés par les métropoles ? (Exclamations.) C’est bien de cela qu’il s’agit, mes chers collègues.
J’ai le sentiment que ceux qui vont voter la réforme le font avec l’enthousiasme du condamné qui marche à l’échafaud… Quant aux autres, ils ont bien des raisons de voter contre ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 9, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés contre cette motion.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 227 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, le règlement du Sénat prévoit que les motions de procédure sont présentées à titre individuel, et non par les groupes.
Je suis donc surpris que les deux motions de procédure que j’avais déposées en tant que sénateur non inscrit aient été écartées au profit d’autres motions, alors même que je fus le premier à les présenter.
Ce n’est pas la première fois que j’essuie un tel refus puisque, en dix ans de mandat sénatorial, jamais je n’ai pu défendre une exception d’irrecevabilité ou une question préalable. Et, à chaque fois, j’obtiens toujours la même réponse : la priorité est donnée aux motions déposées par les groupes.
Sauf que cette règle ne figure nulle part dans le règlement. Si l’on veut vraiment évincer les sénateurs non inscrits de toute possibilité de dépôt de motion, il faut le préciser clairement dans le règlement. Mais on ne peut pas, comme cela, inventer des règles !
C’est d’autant plus grave que les sénateurs non inscrits n’ont pas plus la possibilité d’expliquer leur vote sur les motions de procédure, ce qui les prive de toute possibilité d’intervention en la matière.
Mais il y a plus grave encore, car, en l’occurrence, la troisième motion qui nous est soumise, qui tend à renvoyer le texte à la commission des lois, a été déposée, et à bon droit – je ne vise pas ici les auteurs des motions - non par un groupe, mais par plusieurs de nos collègues ! Il n’y a donc aucune priorité qui vaille, et il s’agit tout simplement d’évincer les sénateurs non inscrits.
Je souhaiterais donc, monsieur le président, que vous fassiez très officiellement part de mon mécontentement au président Larcher, qui tient un double langage. Dans les courriers qu’il nous a adressés, il prétend en effet qu’il est obligé de donner la priorité aux groupes. Je veux bien, mais, en l’occurrence, il ne s’agit pas de cela : il n’y a pas de groupe, mais la motion a la priorité ! Cela commence à faire beaucoup !
M. le président. Je ne saurais accepter que l’on mette ainsi en cause le président du Sénat. Vos propos ont très certainement dépassé votre pensée, monsieur Masson.
Vous avez reçu une lettre en date du 27 mai, dans laquelle le président du Sénat explique, en se fondant sur le règlement, la décision constante de la conférence des présidents de donner la priorité aux groupes.
En ce qui concerne la motion n° 8, le président a considéré qu’il fallait appliquer aux motions tendant au renvoi à la commission le même principe qu’aux motions tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité et la question préalable, en faisant prévaloir le nombre de signataires.
Acte vous est donc donné de votre rappel au règlement, dont je saisirai personnellement le président du Sénat et dont nous débattrons lors de la prochaine conférence des présidents.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, d'une motion n° 8.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région (n° 552, 2010-2011).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la motion. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom de la grande majorité du groupe du RDSE et avec l’accord de la minorité, j’ai l’honneur de présenter cette motion tendant au renvoi du texte à la commission des lois.
Enfantée dans la douleur, la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 a commencé un parcours de vie maladif et chaotique dont nous avons perçu les symptômes lourds avant terme.
C’est donc très légitimement, en application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, que, par la motion que nous présentons à la Haute Assemblée, nous considérons qu’il est opportun de renvoyer ce texte à la commission des lois, considérant qu’une nouvelle réflexion est indispensable afin d’extraire de ce corps législatif fragile des éléments nuisant à son fonctionnement, en particulier, le conseiller territorial.
Il convient tout d’abord, selon nous, de relever ce que nous considérons comme des désaccords dans la forme.
Le texte qui nous est soumis fait l’objet d’une procédure accélérée. Il faut pourtant le remarquer, les élections territoriales ne sont programmées que pour 2014 ; l’urgence ne se justifie donc pas de ce point de vue.