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Limite d'âge de fonctionnaires
Adoption d'un projet de loi, en procédure accélérée, dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, relatif au maintien en fonctions au-delà de la limite d’âge de fonctionnaires nommés dans des emplois à la décision du Gouvernement (projet n° 409, texte de la commission n° 473, rapport n° 472).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État auprès du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, chargé de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis à cette heure extrêmement matinale, pour examiner le projet de loi relatif au maintien en fonctions au-delà de la limite d’âge de fonctionnaires nommés dans des emplois à la décision du Gouvernement.
L’objectif du Gouvernement est de faire en sorte que les ressources humaines de l’État puissent servir au mieux l’intérêt général, autrement dit, que l’État puisse s’appuyer au bon moment, au bon endroit, sur les agents publics les plus adaptés à l’exercice d’une mission et disposant des meilleures compétences. Le présent texte vise à répondre à ces préoccupations, légitimes, de bonne gestion des ressources humaines.
La finalité du projet de loi est simple : permettre au Gouvernement de maintenir en poste certains hauts fonctionnaires qui ont atteint la limite d’âge, afin qu’ils soient en mesure d’assurer la continuité de leur action quand les circonstances l’exigent.
Jadis, un président du Conseil avait déjà souligné la nécessité de maintenir en poste un certain nombre de fonctionnaires : c’était en 1936, lors d’un débat au Parlement, et il s’agissait de Léon Blum. Comme d’autres, il avait bien vu que la limite d’âge imposée aux agents publics conduit à un effet couperet, qui a pour conséquence de radier d’office et sans délai les fonctionnaires l’ayant atteinte.
Si cette règle a une portée générale qu’il ne faut pas remettre en cause, elle doit pouvoir être adaptée de façon limitée dans le cas des emplois à la décision du Gouvernement.
Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, combien l’expérience est une richesse. Elle est un atout que la puissance publique doit pouvoir mettre à profit, a fortiori dans certaines situations particulières, que ce soit dans une structure ou dans une zone géographique.
Permettez-moi brièvement de prendre un exemple concret, car il s’agit bien de répondre à des situations réelles.
Imaginons un ambassadeur qui atteint la limite d’âge alors même que le pays où il représente notre pays connaît une crise mettant en jeu les intérêts de celui-ci. Faut-il qu’il soit radié d’office, nonobstant la situation ? N’est-il pas raisonnable qu’il puisse mettre à profit sa connaissance du terrain, des acteurs, des problématiques de la crise ?
Nous pensons que, sous certaines conditions bien définies, il peut être opportun que cet ambassadeur soit maintenu à son poste, pour une durée limitée, afin d’assurer la gestion de la crise.
Pour ce faire, un nouveau texte législatif est indispensable.
En effet, le maintien en fonctions au-delà de la limite d’âge d’un fonctionnaire occupant un emploi à la décision du Gouvernement n’est actuellement possible que dans des cas très particuliers.
Tout d’abord, depuis la loi du 31 décembre 1987, il est possible de maintenir en activité les titulaires d’un emploi à la décision du Gouvernement à partir de trois mois précédant l’achèvement d’un mandat présidentiel et jusqu’à trois mois après le jour de début du mandat du président élu.
Ensuite, un fonctionnaire qui n’a pas atteint la durée des services liquidables définie à l’article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peut être maintenu en fonctions, de manière à lui permettre d’atteindre cette durée.
Cet état du droit ne nous satisfait pas. Il souffre d’un manque de lisibilité et de cohérence. Il en résulte, en outre, des situations que nous ne pouvons accepter. Ainsi, il conduit à un traitement différentiel des titulaires des emplois à la décision du Gouvernement selon qu’ils sont ou non fonctionnaires. À l’heure actuelle, le Gouvernement peut maintenir en poste un non-fonctionnaire, car il n’est soumis à aucune limite d’âge.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la loi ne peut se satisfaire de telles différences. Il est nécessaire de bâtir une règle commune pour les emplois à la décision du Gouvernement.
Mais je veux être parfaitement clair : en aucun cas un texte législatif ne saurait légitimer le recours systématique à des dérogations au dispositif relatif à la limite d’âge instauré dans la fonction publique.
Plusieurs options étaient envisageables pour maintenir certains hauts fonctionnaires à leur poste.
Fallait-il revenir sur le cadre général de limite d’âge pour les emplois à la décision du Gouvernement ? Nous ne le pensons pas. Nous proposons que le maintien en fonctions de certains hauts fonctionnaires corresponde à une décision exceptionnelle, prise au cas par cas et strictement encadrée.
Quatre conditions sont fixées pour le maintien en poste d’un haut fonctionnaire placé dans cette situation.
La première d’entre elles est absolument fondamentale : la décision doit être prise « à titre exceptionnel » et justifiée par « l’intérêt du service ».
Par ailleurs, une telle décision nécessite l’accord du haut fonctionnaire concerné et repose sur un acte de nomination de même forme que celui par lequel il a été originellement nommé à ce poste.
Est également prévue une limite temporelle. Le maintien en activité d’un haut fonctionnaire ne doit pas pouvoir excéder une durée maximale de deux ans à compter du jour où il doit, compte tenu des droits qui lui sont applicables, quitter ses fonctions. Il s’agit d’éviter le risque d’un vieillissement structurel des détenteurs des emplois les plus élevés dans la fonction publique.
Enfin, le Gouvernement conserve naturellement le pouvoir discrétionnaire de révoquer l’agent à tout moment.
Ces quatre conditions permettent d’encadrer la décision de maintien en fonctions du haut fonctionnaire et apportent les garanties nécessaires à la dérogation que nous vous demandons d’accepter. Elles réduisent de facto le champ d’application du texte qui vous est soumis.
Rappelons que celui-ci ne concerne que les agents publics occupant l’un des emplois supérieurs mentionnés à l’article 25 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.
La liste de ces emplois a été fixée par un décret du 24 juillet 1985. Il s’agit, notamment, des secrétaires généraux, des directeurs d’administration centrale, des délégués interministériels, des recteurs d’académie, des préfets, des ambassadeurs, des recteurs et des chefs de certains corps d’inspection. On sait que le Conseil d’État ne s’y limite pas mais, en tout état de cause, on peut estimer le nombre d’emplois concernés à 600.
Compte tenu des encadrements fixés par le projet de loi, une telle décision ne pourrait s’appliquer qu’à un nombre très limité d’agents publics, quelques unités tout au plus chaque année.
Il s’agit donc bien d’une décision exceptionnelle, répondant à des circonstances exceptionnelles, et cela dans l’intérêt du service.
Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous dire à quel point je suis sensible à votre travail, comme d’habitude de qualité, et de vous remercier, vous qui êtes un fin connaisseur des questions de la fonction publique, de votre rapport éclairé.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Au cours de ce propos liminaire, j’espère, mesdames, messieurs les sénateurs, avoir déjà apporté quelques éléments de réponse aux questions que vous pourriez vous poser. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Sénat est saisi en premier du projet de loi tendant à reculer la limite d’âge des fonctionnaires occupant un emploi supérieur, pour lequel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée.
En 2009, l’âge moyen de départ à la retraite des agents de la fonction publique d’État était de 59,7 ans. Il variait entre 60,9 ans pour les fonctionnaires appartenant à un corps de catégorie sédentaire et 56,5 ans pour ceux de catégorie active. Entre 2003 et 2009, il a augmenté de treize mois.
Alors qu’ils peuvent demander à partir à la retraite à l’âge de 60 ans ou de 62 ans depuis la réforme de 2010, certains fonctionnaires demeurent en activité jusqu’au jour où ils atteignent la limite d’âge du corps auquel ils appartiennent. Cette dernière est fixée à 65 ans, sauf texte contraire. Elle sera progressivement reculée à 67 ans, en application de la loi portant réforme des retraites adoptée en 2010.
En 2009, environ 4,9 % des fonctionnaires partant à la retraite avaient 65 ans et plus.
Les limites d’âge sont régies par la loi du 13 septembre 1984 et par des textes épars. Plusieurs dispositions applicables à l’ensemble des fonctionnaires prévoient le maintien de ces derniers en activité au-delà de l’âge limite. Ces dérogations reposent sur des critères liés soit à la situation familiale, soit à la carrière du fonctionnaire.
Ainsi, la limite d’âge peut être reculée d’une année par enfant à charge ou par enfant handicapé, dans la limite de trois ans. De même, lorsque le fonctionnaire était parent d’au moins trois enfants vivants à l’âge de 50 ans, il peut demander à bénéficier d’un recul de la limite d’âge d’une année. Celui qui peut bénéficier des deux mesures doit choisir la plus favorable des deux.
Il existe également une dérogation liée à la carrière du fonctionnaire. Ainsi, la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a permis à ceux qui ne peuvent se prévaloir de 160 trimestres d’activité de demander, sous réserve de leur aptitude et de l’intérêt du service, à être maintenus dans les cadres jusqu’à atteindre l’ancienneté requise, mais sans pouvoir excéder une durée de dix trimestres.
Cette disposition m’a d’ailleurs conduit à examiner la situation des chercheurs et à m’interroger sur le risque de leur expatriation, qui fut médiatisé naguère au travers du cas du professeur Luc Montagnier. Or l’impact de la limite d’âge sur les directeurs de recherche doit être relativisé : un grand nombre de scientifiques relèvent d’un statut de caractère privé, qui leur permet de poursuivre leur activité sans véritable contrainte d’âge. Ceux qui relèvent d’un statut public peuvent prolonger leur travail de recherche dans le cadre de l’éméritat.
Il n’a donc pas paru utile d’aller plus loin dans cette voie à l’occasion de l’examen du présent texte.
En revanche, les auditions ont permis de constater que de nombreux chercheurs éprouvaient les plus grandes difficultés à atteindre la durée requise de 160 trimestres. En effet, ils ont le plus souvent commencé à travailler tardivement et passé plusieurs années à l’étranger. Certains établissements publics à caractère scientifique et technologique, comme le CNRS, ne permettent pas à leurs chercheurs de bénéficier du dispositif de carrières incomplètes, privilégiant le recrutement de jeunes chercheurs. Il y a là un véritable problème, qui justifierait que nous approfondissions notre réflexion sur cette situation.
En 2009, sur 68 167 agents de la fonction publique d’État partant à la retraite, plus de 3 000 ont bénéficié des dispositifs de report de la limite d’âge liés aux critères familiaux et un peu plus de 900 du dispositif de carrières incomplètes.
En outre, des dérogations à la limite d’âge sont propres à certaines catégories de fonctionnaires.
Ainsi, un fonctionnaire qui occupe un emploi supérieur et qui atteint la limite d’âge dans les trois mois précédant la fin du mandat du Président de la République peut être maintenu en activité.
Une disposition similaire est applicable aux fonctionnaires territoriaux titulaires d’un emploi pouvant être pourvu directement par l’organe exécutif de la collectivité territoriale à laquelle ils sont attachés : si le renouvellement du mandat de l’assemblée délibérante intervient dans les dix-huit mois suivant le jour où le fonctionnaire a atteint la limite d’âge, celui-ci peut poursuivre sa mission.
Par ailleurs, afin d’assurer la continuité du service public, les magistrats de l’ordre judiciaire peuvent être maintenus en activité jusqu’au 30 juin suivant la date à laquelle ils ont atteint la limite d’âge. Il en est de même pour les enseignants.
Enfin, peuvent être maintenus en activité en surnombre jusqu’à 68 ans les magistrats et les professeurs de l’enseignement supérieur.
Une autre dérogation à la limite d’âge résulte de la jurisprudence administrative, le Conseil d’État ayant précisé, en 2001, qu’un fonctionnaire pouvait être maintenu dans son emploi de préfet au-delà de la limite d’âge jusqu’à la nomination de son successeur si cette mesure est « rendu[e] nécessaire par des circonstances particulières liées aux responsabilités qui lui sont confiées ».
Le présent projet de loi tend donc à remédier aux insuffisances qui ont été constatées et à mieux encadrer les dérogations aux limites d’âge applicables aux fonctionnaires occupant des emplois supérieurs.
Mes chers collègues, le texte qui vous est soumis ne vise, comme M. le secrétaire d'État vient de le rappeler, que les emplois supérieurs définis par l’article 25 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État. Il s’agit, par exemple, des préfets, des ambassadeurs, des recteurs ou encore des directeurs d’administration centrale.
Ce qui caractérise ces emplois, dont on estime le nombre entre 500 et 600, c’est que leur nomination est laissée à la discrétion du Gouvernement. Ils peuvent être occupés indifféremment par des fonctionnaires ou des non-fonctionnaires ; ces derniers ne sont pas assujettis à la limite d’âge.
Les titulaires des emplois supérieurs sont des relais importants de la politique gouvernementale. Or les fonctionnaires qui occupent ces emplois demeurent soumis aux mêmes règles en matière de limite d’âge que celles qui sont applicables à n’importe quel autre agent de l’État. Cette situation peut, dans certains cas, se révéler problématique pour l’application de la politique menée par le Gouvernement et pour la continuité du service, en particulier lorsque le fonctionnaire titulaire de cet emploi, atteint par la limite d’âge, possède des compétences et une expérience telles qu’il est difficilement remplaçable dans l’immédiat. Le projet de loi tend à remédier à cette difficulté.
Le dispositif proposé ne devrait concerner chaque année que quelques fonctionnaires – moins d’une vingtaine. En outre, le maintien en activité ne sera pas systématique, comme M. le secrétaire d'État vient de le préciser. Plusieurs conditions devront être remplies. Ainsi, il faudra que le fonctionnaire occupe l’un des emplois supérieurs précités au moment où il atteint la limite d’âge. Son maintien dans ses fonctions devra être justifié par l’intérêt du service et recueillir son accord. La durée de la prolongation dans l’emploi devra être précisée dans la décision de nomination et ne pourra dépasser deux ans. Enfin, le fonctionnaire demeurera révocable à tout moment et sans justification.
Mes chers collègues, ce dispositif est apparu à votre commission des lois comme une voie médiane entre la suppression de toute limite d’âge pour ces fonctionnaires et le rétablissement d’une limite d’âge élevée. Je rappelle d'ailleurs que celle de 70 ans a été supprimée voilà seulement quelques années.
Ce texte permettra donc d’atténuer la différence de traitement entre les titulaires de ces emplois selon qu’ils bénéficient ou non d’un statut de fonctionnaire. En effet, pour ceux qui n’entraient pas cette catégorie, les contraintes n’existaient pas.
La commission des lois vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter sans modification le projet de loi qui nous est soumis.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’objet du présent projet de loi, constitué d’un article unique, tient dans son titre : « Maintien en fonctions au-delà de la limite d’âge pour les fonctionnaires nommés dans des emplois à la décision du Gouvernement ».
Les hauts fonctionnaires nommés à la décision du Gouvernement pourront être maintenus dans leur poste – au cas par cas, dans l’intérêt du service et avec leur accord –, de quelques mois à deux années supplémentaires au-delà de la limite d’âge qui leur est applicable. Cette dernière est aujourd'hui de 65 ans. Avec la réforme des retraites de novembre 2010, elle passera progressivement à 67 ans pour les pensions prenant effet à compter du 1er juillet 2011.
Ainsi, à terme, les ambassadeurs, les préfets, les directeurs d’administration centrale, les recteurs, les ingénieurs de l’armement ou les médecins des armées et quelques autres responsables nommés par le Gouvernement, pourront, dans des cas particuliers, grâce à ce projet de loi, rester en poste jusqu’à 69 ans.
En effet, on nous propose non pas de permettre, pendant une courte période, l’anticipation du passage de la limite d’âge de 65 ans à 67 ans, en attendant que se produisent naturellement les effets de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, qui se feront sentir progressivement au fil des générations successives, mais bien de rendre une mesure immédiatement applicable, à discrétion, pour porter l’âge limite, à terme, à 69 ans.
Les emplois à la décision du Gouvernement visés par ce texte sont donc ceux auxquels peuvent accéder, sans autre condition que l’âge, des fonctionnaires ou des non-fonctionnaires. Ils sont pourvus par décret du Président de la République en conseil des ministres.
Ces nominations sont « essentiellement révocables », et cela à tout moment. Les emplois à la décision du Gouvernement ne constituent pas des corps de fonctionnaires, même s’ils sont pourvus généralement par détachement.
L’objectif de ce projet de loi, tel qu’il est indiqué dans l’exposé des motifs, est « de pouvoir faire face à des situations où l’intéressé dispose de qualités, de compétences et d’une expérience faisant qu’il est difficilement remplaçable… » – on n’est pas allé jusqu’à écrire qu’il est irremplaçable ! – « …, à court terme, dans les fonctions qu’il occupe. Ces situations peuvent notamment être liées à une mission qui a été confiée à l’intéressé ; elles peuvent aussi tenir à un contexte particulier dans la zone géographique où l’intéressé exerce son autorité ou dans la structure qu’il dirige ».
La lecture de cet exposé des motifs laisse sceptique, et plusieurs points méritent des éclaircissements. J’aborderai donc successivement les six éléments qui paraissent préjudiciables à une bonne gestion de l’administration : le texte ne va pas dans le sens d’un rajeunissement des cadres ; les motifs du recours à la procédure accélérée restent mystérieux ; la question de l’inféodation de l’administration se pose à l’évidence ; la notion de « situations imprévisibles » ne paraît pas pertinente ; des adaptations nombreuses de la règle des 65 ans sont déjà possibles ; enfin, le cas des non-fonctionnaires, appelé à la rescousse de ce projet de loi, m’apparaît comme une chimère.
Premièrement, ce texte ne va pas dans le sens d’un rajeunissement des cadres !
En premier lieu, nous nous interrogeons sur le nombre des emplois concernés par ce projet de loi. Dans son rapport, M. Jean-Pierre Vial affirme que « selon les données fournies par l’étude d’impact, on peut estimer entre 500 et 600 le nombre d’emplois supérieurs » – à 20 % près, donc ! Cette imprécision montre bien que le projet de loi et l’étude d’impact qui l’accompagne ont été bouclés dans l’urgence.
Monsieur le secrétaire d'État, je serais donc curieux de connaître le nombre exact des emplois nommés à la décision du Gouvernement.
Parmi ces hauts fonctionnaires, ce sont les générations nées de 1947 à 1949 qui sont les plus représentées ; sur 162 ambassadeurs, la moyenne d’âge est de 58 ans. En outre, pour les ambassadeurs et les préfets nés dans les années cinquante, les âges sont bien répartis.
D’ici à la fin de l’année 2013, quelque 30 ambassadeurs sur 162, une vingtaine de préfets sur 100 environ et une quinzaine de recteurs sur 30 atteindront 65 ans ou plus, comme nous le révèlent les graphiques de l’étude d’impact. Des postes, même si leur nombre est probablement très restreint, seront donc occupés par des personnes si qualifiées qu’elles pourront conserver leur emploi jusqu’à 69 ans.
Au regard des emplois et des situations visés, une prolongation de deux ans de l’activité au-delà de la limite d’âge peut paraître longue. On est en droit de se demander ce qui la justifie, même s’il s’agit d’un délai maximum.
Ce texte ne va donc dans le sens ni d’un rajeunissement, ni d’un renouvellement, ni d’une modernisation des cadres de la haute fonction publique. Il est de nature à retarder le remplacement des effectifs.
Avec humour, le site Lesechos.fr, commentait ainsi ce projet de loi : « On savait que la valeur n’attendait pas le nombre des années. On sait désormais que, pour le Gouvernement, elle n’est pas rattrapée par le poids des ans. » (Sourires.) Dans le contexte de raréfaction des postes de promotion pour cause de « révision générale des politiques publiques », cette possibilité offerte aux hauts fonctionnaires de rester en activité jusqu’à 69 ans est un non-sens !
Deuxièmement, pourquoi recourir à la procédure accélérée, sinon pour permettre l’adoption d’une loi de circonstance ?
L’inscription à l’ordre du jour de ce texte selon la procédure accélérée, alors que, chacun le sait, il sera selon toute vraisemblance adopté conforme par l’Assemblée nationale, alors que le calendrier législatif est déjà très chargé – ce qui nous contraint d’ailleurs à examiner ce texte en plein milieu de la nuit ! – et alors que nous sommes à un an de l’élection présidentielle, ne manque pas de nous surprendre.
Comment ne nous interrogerions-nous pas sur cette précipitation ? Parmi les personnes concernées par ce projet de loi, la presse, qui, naturellement, s’est emparée du sujet, cite Christian Lambert, préfet de Seine-Saint-Denis – un département que je connais bien –, qui aura 65 ans en juin prochain et qui est un proche de Nicolas Sarkozy, ainsi que Jean-Luc de La Sablière, qui aura 65 ans en novembre 2011, ambassadeur en Italie et ancien conseiller diplomatique de Jacques Chirac.
Toutefois, c’est le nom du préfet Christian Lambert qui est le plus unanimement repris pour motiver cette urgence invoquée par le Gouvernement.
Les titres de la presse sont sans équivoque : « Petit arrangement législatif pour maintenir le préfet en fonctions », affirmait Le Monde du 21 avril dernier. « Un mois et une loi pour sauver Lambert, le super-préfet du 93 », annonçait Rue 89 le 5 mai dernier.
Pourtant, en tant qu’élu de la Seine-Saint-Denis, je m’interroge sur le caractère « irremplaçable » de ce préfet, qui lui-même a été nommé après la mutation de M. Nacer Meddha, resté en poste à peine plus d’un an, preuve que le Gouvernement n’avait pas laissé de temps au temps pour ce préfet puisse administrer sereinement le département. D’ailleurs, la Seine-Saint-Denis est un département où les préfets tournent beaucoup trop vite !
Mme Éliane Assassi. Ils valsent !