Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Article 17
Après l’article 706-175 du code de procédure pénale, il est créé un titre XXXIII ainsi rédigé :
« TITRE XXXIII
« DE LA PROCÉDURE APPLICABLE EN CAS « D’ACCIDENT COLLECTIF
« Art. 706-176. – La compétence territoriale d’un tribunal de grande instance peut être étendue au ressort d’une ou plusieurs cours d’appel pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des délits prévus par les articles 221-6, 221-6-1, 222-19, 222-19-1, 222-20 et 222-20-1 du code pénal, dans les affaires qui comportent une pluralité de victimes et sont ou apparaîtraient d’une grande complexité.
« Cette compétence s’étend aux infractions connexes.
« Un décret fixe la liste et le ressort de ces juridictions, qui comprennent une section du parquet et des formations d’instruction et de jugement spécialisées pour connaître de ces infractions.
« Art. 706-177. – Au sein de chaque tribunal de grande instance dont la compétence territoriale est étendue au ressort d’une ou plusieurs cours d’appel, le procureur général et le premier président, après avis du procureur de la République et du président du tribunal de grande instance, désignent respectivement un ou plusieurs magistrats du parquet, juges d’instruction et magistrats du siège chargés spécialement de l’enquête, de la poursuite, de l’instruction et du jugement des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-176.
« Au sein de chaque cour d’appel dont la compétence territoriale est étendue au ressort d’une ou plusieurs cours d’appel, le premier président et le procureur général désignent respectivement des magistrats du siège et du parquet général chargés spécialement du jugement des délits et du traitement des affaires entrant dans le champ d’application de l’article 706-176.
« Art. 706-178. – Le procureur de la République, le juge d’instruction et la formation correctionnelle spécialisée du tribunal de grande instance visés à l’article 706-176 exercent, sur toute l’étendue du ressort fixé en application de cet article, une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52, 382 et 706-42.
« La juridiction saisie demeure compétente, quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l’affaire. Toutefois, si les faits constituent une contravention, le juge d’instruction prononce le renvoi de l’affaire devant le tribunal de police compétent en application de l’article 522.
« Art. 706-179. – Le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que ceux visés à l’article 706-176 peut, pour les infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-176, requérir le juge d’instruction de se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction compétente en application de l’article 706-176. Les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations par le juge d’instruction. L’ordonnance est rendue huit jours au plus tôt et un mois au plus tard à compter de cet avis.
« Lorsque le juge d’instruction décide de se dessaisir, son ordonnance ne prend effet qu’à compter du délai de cinq jours prévu par l’article 706-180 ; lorsqu’un recours est exercé en application de cet article, le juge d’instruction demeure saisi jusqu’à ce que soit porté à sa connaissance l’arrêt de la chambre de l’instruction passé en force de chose jugée ou celui de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
« Dès que l’ordonnance est passée en force de chose jugée, le procureur de la République adresse le dossier de la procédure au procureur de la République près le tribunal de grande instance compétent en application de l’article 706-178.
« Le présent article est applicable devant la chambre de l’instruction.
« Art. 706-180. – L’ordonnance rendue en application de l’article 706-179 peut, à l’exclusion de toute autre voie de recours, être déférée dans les cinq jours de sa notification, à la requête du ministère public ou des parties, soit à la chambre de l’instruction si la juridiction spécialisée au profit de laquelle le dessaisissement a été ordonné ou refusé se trouve dans le ressort de la cour d’appel dans lequel se situe la juridiction initialement saisie, soit, dans le cas contraire, à la chambre criminelle de la Cour de cassation. La chambre de l’instruction ou la chambre criminelle désigne, dans les huit jours suivant la date de réception du dossier, le juge d’instruction chargé de poursuivre l’information. Le ministère public peut également saisir directement la chambre de l’instruction ou la chambre criminelle de la Cour de cassation lorsque le juge d’instruction n’a pas rendu son ordonnance dans le délai d’un mois prévu au premier alinéa de l’article 706-179.
« L’arrêt de la chambre de l’instruction ou de la chambre criminelle est porté à la connaissance du juge d’instruction ainsi qu’à celle du ministère public et notifié aux parties.
« Le présent article est applicable à l’arrêt de la chambre de l’instruction rendu sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 706-179, le recours étant alors porté devant la chambre criminelle.
« Art. 706-181. – Les magistrats mentionnés à l’article 706-178 ainsi que le procureur général près la cour d’appel compétente peuvent demander à des assistants spécialisés, désignés dans les conditions prévues par l’article 706, de participer, selon les modalités prévues par cet article, aux procédures concernant les délits entrant dans le champ d’application de l’article 706-176.
« Art. 706-182. – Le procureur général près la cour d’appel, dans le ressort de laquelle se trouve une juridiction compétente en application de l’article 706-176, anime et coordonne, en concertation avec les autres procureurs généraux du ressort interrégional, la conduite de la politique d’action publique pour l’application de cet article. » – (Adopté.)
Article 18
(Non modifié)
I. – Au deuxième alinéa de l’article 706-107 du code de procédure pénale, les mots : «, à l’exception de celle visée à l’article L. 218-19 du code de l’environnement, » sont supprimés.
II. – Le second alinéa de l’article 706-108 du même code est supprimé. – (Adopté.)
Article 19
L’article 693 du même code est ainsi modifié :
1° À la fin de la seconde phrase du premier alinéa, les références : « les articles 697-3, 705, 706-1 et 706-17 » sont remplacées par les références : « les articles 628-1, 697-3, 705, 706-1, 706-17, 706-75, 706-107, 706-108 et 706-176 » ;
2° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« La juridiction de Paris exerce une compétence concurrente à celle qui résulte du premier alinéa. Lorsque le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que celui de Paris requiert le juge d’instruction saisi d’une infraction entrant dans le champ d’application du chapitre Ier du présent titre de se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction de Paris, les articles 628-2 et 628-6 sont applicables. » – (Adopté.)
chapitre viii
Développement des procédures pénales simplifiées
Article 20
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 495 est ainsi rédigé :
« Art. 495. – I. – Le procureur de la République peut décider de recourir à la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale pour les délits mentionnés au II lorsqu’il résulte de l’enquête de police judiciaire que les faits reprochés au prévenu sont simples et établis, que les renseignements concernant la personnalité de celui-ci, et notamment ses charges et ses ressources, sont suffisants pour permettre la détermination de la peine, qu’il n’apparaît pas nécessaire, compte tenu de la faible gravité des faits, de prononcer une peine d’emprisonnement ou une peine d’amende d’un montant supérieur à celui fixé par l’article 495-1 et que le recours à cette procédure n’est pas de nature à porter atteinte aux droits de la victime.
« II. – La procédure simplifiée de l’ordonnance pénale est applicable aux délits suivants, ainsi qu’aux contraventions connexes :
« 1° Le délit de vol prévu par l’article 311-3 du code pénal ainsi que le recel de ce délit prévu par l’article 321-1 du même code ;
« 2° Le délit de filouterie prévu par l’article 313-5 du même code ;
« 3° Les délits de détournement de gage ou d’objet saisi prévus par les articles 314-5 et 314-6 du même code ;
« 4° Les délits de destructions, dégradations et détériorations d’un bien privé ou public prévus par l’article 322-1 et le premier alinéa et le 2° de l’article 322-2 du même code ;
« 5° Le délit de fuite prévu par l’article 434-10 du même code, lorsqu’il est commis à l’occasion de la conduite d’un véhicule ;
« 5° bis (nouveau) Le délit de vente à la sauvette prévu par les articles 446-1 et 446-2 du même code ;
« 6° Les délits prévus par le code de la route ;
« 7° Les délits en matière de réglementations relatives aux transports terrestres ;
« 8° Les délits prévus au titre IV du livre IV du code de commerce pour lesquels une peine d’emprisonnement n’est pas encourue ;
« 9° Le délit d’usage de produits stupéfiants prévu par le premier alinéa de l’article L. 3421-1 du code de la santé publique ;
« 10° Le délit d’occupation de hall d’immeuble prévu par l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation ;
« 11° Les délits de contrefaçon prévus aux articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, lorsqu’ils sont commis au moyen d’un service de communication au public en ligne ;
« 12° Les délits en matière de chèques et de cartes de paiement prévus par les articles L. 163-2 et L. 163-7 du code monétaire et financier ;
« 13° Les délits de port ou transport d’armes de la 6e catégorie prévus par l’article L. 2339-9 du code de la défense.
« III. – La procédure simplifiée de l’ordonnance pénale n’est pas applicable :
« 1° Si le prévenu était âgé de moins de dix-huit ans au jour de l’infraction ;
« 2° Si la victime a fait directement citer le prévenu avant qu’ait été rendue l’ordonnance prévue à l’article 495-1 du présent code ;
« 3° Si le délit a été commis en même temps qu’un délit ou qu’une contravention pour lequel la procédure d’ordonnance pénale n’est pas prévue ;
« 4° (nouveau) Si les faits ont été commis en état de récidive légale. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article 495-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le montant maximum de l’amende pouvant être prononcée est de la moitié de celui de l’amende encourue sans pouvoir excéder 5 000 €. » ;
3° Après l’article 495-2, il est inséré un article 495-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 495-2-1. – Lorsque la victime des faits a formulé au cours de l’enquête de police une demande de dommages et intérêts ou de restitution valant constitution de partie civile conformément au deuxième alinéa de l’article 420-1, le président statue sur cette demande dans l’ordonnance pénale. S’il ne peut statuer sur cette demande pour l’une des raisons mentionnées au dernier alinéa du même article 420-1, il renvoie le dossier au ministère public aux fins de saisir le tribunal sur les intérêts civils. L’article 495-5-1 est alors applicable. » ;
4° Au troisième alinéa de l’article 495-3, les mots : « et que cette opposition permettra » sont remplacés par les mots : «, que cette opposition peut être limitée aux dispositions civiles ou pénales de l’ordonnance lorsqu’il a été statué sur une demande présentée par la victime et qu’elle permettra » ;
5° Après l’article 495-3, il est inséré un article 495-3-1 ainsi rédigé :
« Art. 495-3-1. – Lorsqu’il est statué sur les intérêts civils, l’ordonnance pénale est portée à la connaissance de la partie civile selon l’une des modalités prévues au deuxième alinéa de l’article 495-3. La partie civile est informée qu’elle dispose d’un délai de quarante-cinq jours à compter de cette notification pour former opposition aux dispositions civiles de l’ordonnance. » ;
6° Après la première phrase du premier alinéa de l’article 495-4, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« En cas d’opposition formée par le prévenu sur les seules dispositions civiles ou par la partie civile, le tribunal statue conformément au quatrième alinéa de l’article 464. » ;
7° Le second alinéa de l’article 495-5 est ainsi rédigé :
« Cependant, l’ordonnance pénale statuant uniquement sur l’action publique n’a pas l’autorité de la chose jugée à l’égard de l’action civile en réparation des dommages causés par l’infraction. » ;
8° Après l’article 495-5, il est inséré un article 495-5-1 ainsi rédigé :
« Art. 495-5-1. – Lorsque la victime de l’infraction est identifiée et qu’elle n’a pu se constituer partie civile dans les conditions prévues par l’article 495-2-1 ou lorsqu’il n’a pas été statué sur sa demande formulée conformément à l’article 420-1, le procureur de la République doit l’informer de son droit de lui demander de citer l’auteur des faits à une audience du tribunal correctionnel statuant conformément au quatrième alinéa de l’article 464, dont elle sera avisée de la date, pour lui permettre de se constituer partie civile. Le tribunal statue alors sur les seuls intérêts civils, au vu du dossier de la procédure qui est versé au débat. » ;
9° (nouveau) Les articles 495-6-1 et 495-6-2 sont abrogés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le garde des sceaux, je le répète, vous avez profité de ce projet de loi pour inscrire encore et encore dans la loi des procédures simplifiées. C’est inacceptable, tant sur la forme que sur le fond.
Notre collègue François Zocchetto a souligné, lors de la réunion de la commission des lois, que les procédures accélérées de jugement ont ceci de positif qu’elles permettent de réduire le délai entre la commission des faits et le prononcé de la peine.
Certes, je vous l’accorde, les délais de jugement sont souvent trop longs, bien trop longs. Mais faut-il ne considérer la question que sous l’angle de l’accélération des procédures ? La véritable question n’est-elle pas celle des véritables moyens de la justice, celle qui est aujourd’hui au premier plan de l’actualité judiciaire ? Ne faut-il pas en finir avec cette inflation pénale, que cet article comme le suivant contribuent d’ailleurs à favoriser ?
Si la majorité cessait enfin d’augmenter en permanence les incriminations, les audiences seraient moins nombreuses et les tribunaux moins encombrés. Voilà des questions qui méritent réflexion.
Les chefs de juridiction, dites-vous, emploient ces procédures simplifiées ; les juges les valident. Mais il faut bien qu’ils s’en sortent d’une manière ou d’une autre, compte tenu de l’indigence des moyens qui leur sont alloués !
Il n’est plus possible de contourner la question des moyens au mépris du respect des droits fondamentaux, qui est au cœur des missions de la justice. Les procédures expéditives mettent à mal le principe du débat contradictoire, le droit à l’audience comme l’individualisation de la peine ou le sens de celle-ci. C'est la raison pour laquelle nous les refusons totalement.
On entend régulièrement le Président de la République asséner l’idée que l’opinion publique veut une justice rapide. Mais la justice de la République ne doit pas avoir pour fondement une opinion publique dont les peurs sont montées en épingle par médias interposés. Son fondement, c’est d’être équitable, et nos concitoyens veulent une justice équitable !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est ce qu’exige le respect des droits des prévenus, comme celui des victimes.
Je m’inquiète d’ailleurs de constater que notre justice pénale est en train de changer de nature, devenant progressivement, insidieusement même, puisqu’il n’y a pas eu débat, accusatoire. Les procédures simplifiées, expéditives, y participent largement. C’est donc bien la question du sens que nous voulons donner à notre justice qui est posée. Et le danger nous guette, avec ces dispositions qui, insidieusement, petit à petit, modifient l’économie globale du dispositif judiciaire.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 24 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 42 est présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour défendre l’amendement n° 6.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié.
M. Jacques Mézard. Je l’ai dit, nous sommes hostiles à un tel élargissement du champ d’application de l’ordonnance pénale.
J’ai rappelé qu’il s’agissait d’une procédure écrite non contradictoire : il n’y a donc jamais aucun entretien avec l’auteur des faits. La décision du parquet s’impose sans qu’il y ait accord ou reconnaissance des faits ; on n’est donc pas là, monsieur le garde des sceaux, dans le cadre d’un aveu. Il y a simplement une enquête, avec les risques d’erreur qui peuvent bien entendu s’y attacher et les conséquences qui, le cas échéant, en découlent. Certes, il ne faut pas toujours chercher le mal là où il n’existe pas, mais un certain nombre d’erreurs sont tout de même régulièrement commises au cours des enquêtes.
Ce qui a été dit par M. Badinter au sujet de l’ordonnance pénale, lors de la présentation de la question préalable, correspond parfaitement à la réalité.
On nous répond toujours en invoquant la faculté d’opposition. Mais nous qui recevons tous un certain nombre de nos concitoyens le savons bien : la notification de la décision qu’ils ont entre les mains est rédigée dans un jargon très peu compréhensible !
M. Alain Gournac. Illisible !
M. Jacques Mézard. Sans même parler du délai, ils ne comprennent pas ce que signifie le terme « opposition ».
Par conséquent, on peut tout à fait concevoir qu’une telle procédure existe, mais à condition de ne pas sortir de l’épure. Or l’élargissement qui nous est proposé nous paraît excessif et dangereux.
Force est d’ailleurs de constater que cet élargissement s’inscrit dans une tendance générale de la Chancellerie, et l’on voit quels sont les inspirateurs de la philosophie qui la sous-tend !
Je terminerai en citant un extrait de la page 109 du rapport : « Plus récemment, notre collègue Bernard Saugey, rapporteur de la loi du 12 mai 2009 précitée, a observé que, si la procédure de l’ordonnance pénale a montré son utilité dans le traitement de contentieux extrêmement simples (tels que les infractions au code de la route notamment), votre commission considère qu’elle n’est pas nécessairement adaptée pour des contentieux plus complexes, en particulier dans le cadre du traitement en temps réel des affaires pénales où l’analyse du parquet se fonde exclusivement sur les éléments recueillis au cours de l’enquête de police. »
Bien sûr, on veut toujours désengorger les tribunaux, mais il y a tout de même là un problème bien réel, un vrai danger, et ce n’est pas une question de clivage entre la droite et la gauche.
C’est pourquoi je souhaite qu’on n’aille pas dans ce sens-là.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour défendre l’amendement n° 42.
M. Jean-Pierre Michel. Je me suis déjà expliqué dans la discussion générale et Robert Badinter l’a également souligné : nous sommes hostiles à l’extension du champ de ces procédures, qui font de l’audience un luxe, un élément résiduel dans la justice pénale.
Dans ma permanence, je vois depuis des années de nombreuses personnes qui ont reçu des ordonnances pénales, notamment pour des infractions en matière de chasse et de pêche. Or, comme le disait mon collègue Mézard, l’ordonnance pénale reflète la position des gendarmes, en tout cas de ceux qui relèvent les infractions ; il n’y a donc aucune contestation possible, alors que les amendes sont parfois très élevées et les conséquences, assez graves. Mais il n’y a, en pratique, aucun moyen de discuter l’ordonnance : on ne peut faire autrement que d’admettre la version des gendarmes !
Par conséquent, restons-en à ce qui existe aujourd’hui. N’étendons pas encore l’ordonnance pénale, ni le plaider-coupable, ni les possibilités de transaction pénale. C’est le sens de cet amendement et de ceux qui portent sur les articles suivants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. L’article 20 du projet de loi a en effet pour objet d’élargir le champ des infractions permettant de recourir à l’ordonnance pénale. Sans entrer dans les détails, je rappelle que la commission a bien encadré cette extension.
Ainsi, le champ des infractions concernées est élargi à un petit nombre d’infractions relativement simples à établir et à caractériser : vols simples, dégradations de biens publics ou privés, port d’arme de sixième catégorie, etc.
Le parquet ne pourrait avoir recours à cette procédure que pour des faits « simples et établis » et « de faible gravité ».
Enfin, le montant de l’amende susceptible d’être prononcée serait limité à 5 000 euros.
En outre, cela a été dit au cours de la discussion générale, la commission des lois a souhaité qu’il ne puisse pas être recouru à cette procédure lorsque les faits sont commis en état de récidive légale.
Par conséquent, la rédaction actuelle de l’article 20 permet vraiment de bien encadrer l’extension du champ d’utilisation de l’ordonnance pénale.
En réalité, la question posée par les auteurs de ces amendements et des suivants porte sur l’existence même de ces procédures simplifiées dans notre droit pénal. Mais l’objet de cet article n’étant pas de refondre totalement le droit pénal, la commission est défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il est vrai que la procédure de l’ordonnance pénale est une procédure simplifiée. Mais je rappelle que ce n’est pas le ministère public qui fixe la peine : c’est le président du tribunal. (M. Jacques Mézard fait un geste de la main qui paraît signifier que le président du tribunal se contente de signer l’ordonnance.) Non, monsieur Mézard, vous qui avez défendu les juges du siège tout au long du débat, vous ne pouvez pas dire ça !
M. Alain Gournac. Il faut être sérieux !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Absolument !
L’ordonnance pénale provient non du parquet, mais du président du tribunal. Si ce dernier accepte d’y recourir, c’est bien parce qu’il a jugé que, les faits étant suffisamment établis par l’enquête et la personnalité de la personne mise en cause suffisamment bien définie, un débat contradictoire n’était pas nécessaire.
Je rappelle qu’il n’est pas possible de prononcer une peine privative de liberté par le biais de l’ordonnance pénale ; seule une amende peut être infligée.
Je peux tout entendre, mais, pendant tout le débat sur la garde à vue, on m’a dit qu’il fallait un juge du siège ! Eh bien, là, il y en a un, et ce n’est pas le procureur qui fixe la quotité de l’amende !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. M. le garde des sceaux a raison : c’est le juge du siège qui décide. Mais, il le sait très bien, en matière pénale, il y a plusieurs trains et, compte tenu de leur nombre, il faut un triage, avec un aiguillage. L’aiguillage, c’est le parquet ! Qui trie ? Le parquet ! Qui choisit la procédure à suivre ? Le parquet !
En pratique, c’est au substitut de permanence, celui qui reçoit les dossiers, qu’il revient de décider que tel dossier doit aller à l’instruction, que tel autre relève de la comparution immédiate, tel autre de l’audience à jour fixe, etc. Lorsque c’est l’ordonnance pénale qui est retenue par le substitut, il transmet le dossier au juge, mais en fait c’est le parquet qui décide.
Voilà comment les choses se passent dans les tribunaux !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je n’avais rien dit, monsieur le ministre. Vous m’avez fait un procès d’intention, alors que je n’avais rien avoué ! (Sourires.)
Nous sommes là au cœur de l’un des problèmes fondamentaux que pose ce texte, car il s’agit d’une extension considérable du champ de l’ordonnance pénale.
Cela a été rappelé, on peut concevoir une telle procédure pour des infractions simples. Or, y compris dans le texte de la commission, on va jusqu’au délit de vol. Certes, le procureur y recourt sous le contrôle du juge, mais on sait sous quelles contraintes la justice fonctionne actuellement ! On peut parfaitement imaginer qu’un procureur décide que toutes les affaires de vol sans circonstances aggravantes relève de l’ordonnance pénale : cela montre bien qu’il y a tout de même là quelque chose de nouveau dans notre droit !
Pour un vol ou même pour un délit de fuite, l’audience présidée par un juge, en présence du public, était justifiée ; cela avait un sens ! Le fait de considérer que le port d’arme de la sixième catégorie ne relève pas d’une décision en audience n’est pas neutre du tout ; c’est même un changement considérable, et vous le faites passer en catimini. Or, selon moi, c’est grave !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6, 24 rectifié et 42.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)