Article 66
Le chapitre II du titre VII du livre II de la huitième partie du même code est complété par deux articles L. 8272-2 et L. 8272-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 8272-2. – Lorsque l’autorité administrative a connaissance d’un procès-verbal relevant une infraction prévue aux 1° à 4° de l’article L. 8211-1, elle peut, eu égard à la répétition et à la gravité des faits constatés et à la proportion de salariés concernés, ordonner par décision motivée la fermeture de l’établissement ayant servi à commettre l’infraction, à titre provisoire et pour une durée ne pouvant excéder trois mois. Elle en avise sans délai le procureur de la République.
« La mesure de fermeture provisoire est levée de plein droit en cas de classement sans suite de l’affaire, d’ordonnance de non-lieu et de décision de relaxe ou si la juridiction pénale ne prononce pas la peine complémentaire de fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés, mentionnée au 4° de l’article 131-39 du code pénal.
« La mesure de fermeture provisoire peut s’accompagner de la saisie à titre conservatoire du matériel professionnel des contrevenants.
« Les modalités d’application du présent article ainsi que les conditions de sa mise en œuvre aux chantiers du bâtiment et des travaux publics sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 8272-3. – (Non modifié) »
Mme la présidente. L'amendement n° 119, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après la référence :
L. 8211-1,
insérer les mots :
elle peut solliciter auprès du tribunal de grande instance la nomination d'un administrateur provisoire afin de mettre fin aux recours au travail illégal et d'assurer le respect des droits des travailleurs illégaux. Le tribunal détermine la nature et la durée des missions de cet administrateur. À titre subsidiaire et uniquement en cas de récidive
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. L’article 66 permet à l’autorité administrative d’ordonner la fermeture provisoire d’un établissement pour une durée de trois mois au plus, sur la base d’un procès-verbal relevant l’infraction et au motif de la répétition et de la gravité des faits constatés ainsi que de la proportion des salariés concernés.
Cet amendement vise à prévoir une sanction intermédiaire.
Les mesures consistant à déclencher la fermeture administrative d’un établissement sur la base d’un procès-verbal constatant l’emploi d’étrangers sans autorisation de travail ne paraissent pas efficaces. Cette sanction semble dissuasive certes, mais les faits étant également difficilement constatables elle est tout aussi difficile à appliquer.
Dans l’hypothèse où l’établissement serait bel et bien fermé pendant trois mois, cela pourrait avoir des conséquences économiques dramatiques pour l’établissement concerné comme pour les employés. Il faut donc assurer prioritairement la protection de ces travailleurs.
Pour cela, l’autorité administrative devrait être en capacité de solliciter en premier lieu la nomination d’un administrateur provisoire. Cet administrateur tenterait de remplir une double mission : d’une part, il essaierait de mettre un terme à l’illégalité dans laquelle se trouve la société, en s’assurant qu’elle n’a plus recours à l’emploi illégal ; d’autre part, il s’efforcerait de faire respecter les droits des travailleurs employés illégalement en les redirigeant, notamment, vers des organismes appropriés.
En somme, il s’agirait pour l’administrateur provisoire de mettre fin à l’illégalité constatée tout en protégeant les premières victimes, les travailleurs étrangers employés en dehors du cadre légal.
Bien entendu, si l’entreprise concernée par la nomination de cet administrateur récidivait et persistait à embaucher des travailleurs en dehors du cadre fixé par le code du travail, alors, le dispositif prévu par l’article 66 s’appliquerait.
Cet amendement prévoit une sanction intermédiaire, efficace et compatible avec la fermeture administrative. L’objectif est double : il s’agit de protéger les travailleurs employés illégalement sans nuire immédiatement à la vigueur économique d’une société.
L’adoption de cet amendement renforcerait le dispositif prévu par l’article 66.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
La fermeture, je le rappelle, ne pourra être prononcée que pour des faits graves et concernant évidemment un nombre significatif de salariés.
Par ailleurs, la mesure, prononcée par le préfet, se veut être une réponse rapide pour faire cesser la commission de l’infraction. La fermeture ne peut être prononcée que pour une durée de trois mois au plus.
Je précise que les droits des salariés sont évidemment maintenus dans cette circonstance.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
La procédure de fermeture administrative proposée à l’article 66 vise à sanctionner une entreprise qui aurait commis des infractions lourdes et répétées.
La durée de la fermeture, qui, dans tous les cas, ne pourra pas excéder trois mois, sera proportionnelle à l’importance des infractions constatées. En même temps, les droits des salariés étrangers seront garantis par l’introduction d’une obligation selon laquelle ils devront être informés de leurs droits pécuniaires et salariaux. Les modalités d’information seront précisées par décret en Conseil d’État.
Il n’y a donc pas lieu de prévoir la nomination d’un administrateur provisoire. Bien que louable, cet amendement est totalement inutile.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 66.
(L'article 66 est adopté.)
Article 67
Le même chapitre II est complété par un article L. 8272-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 8272-4. – Lorsque l’autorité administrative a connaissance d’un procès-verbal relevant une infraction prévue aux 1° à 4° de l’article L. 8211-1, elle peut, eu égard à la répétition et à la gravité des faits constatés et à la proportion de salariés concernés, ordonner, par décision motivée prise à l’encontre de la personne ayant commis l’infraction, l’exclusion des contrats administratifs mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5 du code de justice administrative, pour une durée ne pouvant excéder six mois. Elle en avise sans délai le procureur de la République.
« La mesure d’exclusion est levée de plein droit en cas de classement sans suite de l’affaire, d’ordonnance de non-lieu et de décision de relaxe ou si la juridiction pénale ne prononce pas la peine complémentaire d’exclusion des marchés publics mentionnée au 5° de l’article 131-39 du code pénal.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
Mme la présidente. L'amendement n° 120, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
par un article L. 8272-4 ainsi rédigé
par les mots :
par les articles L. 8272-4 et L. 8272-4-1 ainsi rédigés
II. - Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 8272-4-1. – Lorsqu’une personne publique signataire d’un contrat mentionné aux articles L. 551-1 et L. 551-5 du code de justice administrative, a connaissance d’un procès-verbal relevant une infraction à l’interdiction prévue aux 1° à 4° de l’article L. 8211-1, elle peut par décision motivée prise à l'encontre de la personne signataire dudit contrat, résilier ce contrat à ses frais et procéder à de nouveaux appels d’offres pour la continuation de l’exécution du contrat précité. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement a pour objet de permettre à une personne publique, très souvent une collectivité territoriale, de mettre fin à un marché public en cours d’exécution lorsque l’entreprise qui a obtenu le marché s’est vu signifier un procès-verbal constatant une infraction relative à l’embauche de salariés étrangers sans autorisation de travail.
Il me semble important, lorsqu’une personne publique s’aperçoit que l’un de ses sous-traitants n’a pas respecté les clauses du marché et a employé des salariés en situation irrégulière, qu’il puisse être mis fin au marché. Ce serait une possibilité pour les collectivités d’assumer leurs responsabilités en la matière.
J’insiste, mes chers collègues, il y va de notre crédibilité à nous qui affichons nos intentions de traquer les filières et de sanctionner les patrons « voyous ».
On constate tous les jours que des travailleurs illégaux sont ouvertement présents sur des chantiers publics. Outre que cela fait mauvais genre, cela démontre surtout que, si vous avez une volonté, monsieur le ministre, c’est moins celle de vous attaquer au problème que de rendre toujours plus difficile la vie des travailleurs étrangers, ce que vous faites sans arrêt !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est satisfait par le droit en vigueur, en particulier par les articles 46 et 47 du code des marchés publics.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Eh oui !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet en conséquence un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 67.
(L'article 67 est adopté.)
Chapitre IV
Dispositions diverses
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TITRE V
DISPOSITIONS DIVERSES
Chapitre unique
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Article 74 bis
L’article L. 731-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Au second alinéa, après les mots : « l’informe », sont insérés les mots : « dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le bénéfice de l’aide juridictionnelle ne peut pas être demandé dans le cadre d’un recours dirigé contre une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant une demande de réexamen, lorsque le requérant a, à l’occasion d’une précédente demande, été entendu par l’office ainsi que par la Cour nationale du droit d’asile, assisté d’un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 121 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 174 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 200 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 121.
M. Richard Yung. Le présent amendement vise à supprimer l’article 74 bis car nous considérons qu’il est inique et injuste.
Depuis le 1er décembre 2008, l’aide juridictionnelle peut être octroyée à tous les requérants qui remplissent les conditions exigées, quelle que soit la régularité de leur entrée sur le territoire national.
La suppression de l’exigence d’entrée régulière sur le territoire français pour demander l’aide juridictionnelle date de la dernière loi relative à l’immigration élaborée en 2006 – on en fait une tous les ans ou tous les deux ans, il faut donc bien les avoir en tête – et déjà vous nous demandez de légiférer en sens inverse...
L’article 74 bis a été bien malmené par la navette parlementaire, une assemblée défaisant le travail de l’autre.
Cet article nous étant revenu dans sa version initiale, la commission des lois du Sénat a donc rétabli les modifications qui avaient été introduites en première lecture.
Avant que la commission des lois du Sénat n’y apporte ces quelques sages mais insuffisantes modifications, l’article 74 bis interdisait à un migrant de bénéficier de l’aide juridictionnelle dans le cadre d’un recours contre la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant la demande de réexamen de sa demande d’asile.
On comprend bien ce qu’induisait cette mesure : on laissait entendre que toute nouvelle demande de protection serait par nature abusive. Pourtant, après le rejet définitif d’une première demande d’asile, seule la présentation d’éléments nouveaux permet le réexamen d’une demande. C’est la règle générale.
Cette mesure est donc une atteinte grave au droit d’asile !
Les modifications apportées par la commission des lois ne sont pas de nature à garantir aux demandeurs d’asile le bénéfice d’un recours effectif devant la juridiction en étant défendus. En effet, l’aide juridictionnelle ne pourra plus être demandée devant la Cour nationale du droit d’asile, dans le cas d’une demande de réexamen, dès lors que le requérant aura, à l’occasion d’une précédente demande, été entendu par l’OFPRA ainsi que par la CNDA assisté d’un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle.
Selon le rapporteur, le fait de refuser à certains demandeurs d’asile la possibilité de demander l’aide juridictionnelle serait justifié par l’article 15 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres.
Bel exemple de ce que l’on fait dire à une directive européenne : tout et son contraire ! Je ne veux pas entrer dans une querelle d’interprétation der la directive ; il reviendra à la Cour de justice de l’Union européenne de se prononcer. Je n’entrerai pas non plus dans une querelle d’interprétation de l’article 15, mais je souligne que la directive, comme son intitulé l’indique, est relative, j’y insiste, à des « normes minimales ». Rien ne nous interdit donc d’aller plus loin !
C’est pourquoi nous proposons de conserver, dans notre droit national, la possibilité octroyée à tous les demandeurs d’asile de demander l’aide juridictionnelle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 174.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 74 bis restreint les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle des demandeurs d’asile devant la Cour nationale du droit d’asile, en rendant notamment inéligibles à l’aide juridictionnelle les demandes en réexamen des décisions de l’OFPRA devant la CNDA.
Pourtant, comme notre collègue Richard Yung vient de le rappeler, la jurisprudence du Conseil d’État a encadré la procédure de réexamen et fixé des critères précis pour la recevabilité d’une demande en ce sens.
Ainsi, le demandeur d’asile qui soumet des faits nouveaux a le droit de voir sa demande réexaminée et doit bénéficier, à ce titre, d’une admission au séjour et de conditions matérielles d’accueil. Le priver d’un conseil au titre de l’aide juridictionnelle serait une atteinte au droit au recours effectif.
Par ailleurs, la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 indique clairement, dans son article 32, que « si […] des éléments ou des faits nouveaux apparaissent ou sont présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié en vertu de la directive 2004/83/CE, l’examen de la demande est poursuivi conformément aux dispositions du chapitre II ».
Priver de l’aide juridictionnelle les demandeurs d’asile dont la demande de réexamen est recevable est donc inacceptable et injustifiable. Il s’agit, là encore, d’un véritable déni de droit.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 200 rectifié.
M. Jacques Mézard. L’article 74 bis a pour objet d’interdire à un demandeur d’asile de solliciter l’aide juridictionnelle dans le cadre du recours dirigé contre une décision de l’OFPRA rejetant une demande de réexamen lorsque le requérant a déjà bénéficié de cette aide devant l’Office ou la CNDA.
En réalité, nous sommes là devant une présomption de mauvaise foi.
Comme en première lecture, nous nous opposons à cet article, même si la commission des lois du Sénat en a assoupli, je le reconnais bien volontiers, les modalités par rapport au texte de l’Assemblée nationale. Rien ne justifie objectivement qu’un demandeur d’asile ne puisse pas solliciter l’aide juridictionnelle dans le cadre d’un tel recours.
Rappelons que la CNDA, créée il y a à peine deux ans, est déjà en suractivité. En instituant comme motif de renvoi la demande d’aide juridictionnelle après enrôlement, vous vous trompez de cible.
D’abord, ce motif de renvoi n’est pas le principal. Ensuite, vous écartez les raisons profondes de l’encombrement de la CNDA, et de l’OFPRA, d’ailleurs. La brièveté des délais et l’organisation des juridictions imposent, tout le monde le souligne, des conditions particulièrement chaotiques en matière de défense des dossiers, car les moyens nécessaires font défaut. Telle est la réalité !
Or, plutôt que de vous attaquer à ces problématiques complexes, mais essentielles, vous choisissez la facilité : restreindre le droit au recours effectif garanti à la fois par nos principes de valeur constitutionnelle et par l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et de libertés fondamentales.
Cette restriction, qui est tout à fait injustifiée, est d’autant plus regrettable que la directive du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres vise non pas les réexamens, mais les recours devant d’autres juridictions.
Tous ces éléments nous ont conduits à vous proposer, mes chers collègues, cet amendement de suppression de l’article 74 bis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 121, 174 et 200 rectifié de suppression, et ce pour des raisons de fond.
Tout d’abord, je rappelle que l’article 74 bis, qui a été introduit par l'Assemblée nationale, vise à encadrer et à rationaliser l’octroi de l’aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d’asile, dont le poids budgétaire, il faut bien l’admettre de façon objective, a été multiplié par cinq depuis qu’a été supprimée la condition d’entrée régulière sur le territoire.
Nos collègues députés ont souhaité exclure du bénéfice de l’aide juridictionnelle des requérants sollicitant le réexamen de leur demande d’asile, considérant que la plupart de ces demandes présentaient un caractère dilatoire.
Comme l’ont reconnu nos collègues qui se sont exprimés sur la question, la commission des lois a atténué ces dispositions, en réservant l’hypothèse d’un demandeur d’asile qui n’aurait pas été entendu en première demande par un officier de protection ou par la Cour nationale du droit d’asile. Ainsi définies, ces conditions nouvelles permettent de trouver un équilibre entre la nécessaire rationalisation de l’accès à l’aide juridictionnelle devant la CNDA et, bien évidemment, les garanties essentielles apportées au demandeur d’asile.
Au demeurant, ces dispositions paraissent parfaitement conformes aux dispositions de l’article 15 de la directive du 1er décembre 2005.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements identiques de suppression.
Je rappelle, à l’instar de M. le rapporteur, que la disposition prévue est strictement conforme au droit communautaire. Cette réforme est justifiée par un double objectif.
Tout d’abord, il convient d’améliorer le fonctionnement de la CNDA, en réduisant les délais de traitement, qui sont aujourd’hui excessifs. À cet égard, j’indique que le Gouvernement a d’ores et déjà pris des dispositions de nature à renforcer les moyens en personnels de la CNDA, avec pour objectif que les demandes formulées auprès de l’OFPRA et de la CNDA soient traitées en moins d’un an.
Ensuite, il importe de prévenir les recours abusifs dans la mesure où il apparaît, dans la pratique, que les recours en réexamen sont le plus souvent dilatoires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je veux bien accepter beaucoup de choses, mais j’aimerais avoir une précision.
Nous avons bataillé ici, lors de l’examen des crédits du ministère de la justice, pour maintenir le budget de l’aide juridictionnelle.
Aussi, pourriez-vous nous donner le nombre de demandes de réexamen concernées afin que nous connaissions l’amplitude des économies que nous allons réaliser ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Cet article doit être supprimé, car il est, à mon avis, inconstitutionnel.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. On verra !
M. Jean-Pierre Michel. Le recours est une voie d’appel. Or l’appel est un droit garanti par la Constitution et par les plus hautes juridictions. Priver une personne de l’aide juridictionnelle revient à l’interdire l’appel, ce qui me paraît totalement inconstitutionnel.
Et que l’on ne vienne pas nous parler ici de considérations budgétaires, car cela n’a rien à voir. La règle de droit prime la règle budgétaire !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Michel. Quant à l’appréciation portée sur les recours, je suis tout de même étonné de constater que certains d’entre nous ont le front de prétendre que des recours sont abusifs ou dilatoires.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On parle des demandes de réexamen !
M. Jean-Pierre Michel. Seule la juridiction concernée peut apprécier. En aucun cas il ne nous appartient de dire si tel est le cas ou on. Le droit d’appel est absolu…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas un appel !
M. Jean-Pierre Michel. … et nous ne pouvons pas le limiter. Cet article sera l’un de ceux dont nous contesterons la constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je suis désolé, mon cher collègue, mais le réexamen n’est pas un appel. Le dossier a déjà été traité, et c’est à la lumière de nouveaux éléments qu’une demande de réexamen est déposée.
M. Jean-Pierre Michel. S’il y a des éléments nouveaux, il s’agit bien d’un appel !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas un appel, puisque l’on reprend toute la procédure ! Il s’agit d’un nouvel examen de la demande, ce qui n’est pas tout à fait pareil. (M. Jean-Pierre Michel proteste.) Mon cher collègue, je ne peux pas vous laisser vous lancer dans des interprétations qui pourraient ne pas être confirmées par le Conseil constitutionnel…
M. Jean-Pierre Michel. Ce n’est pas grave ! Cela s’est déjà produit !
M. David Assouline. Cela peut vous arriver aussi !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Guéant, ministre. Monsieur le sénateur, je confirme l’interprétation du président de la commission des lois : il s’agit d’un réexamen et non pas d’un appel.
D’ailleurs, je souligne que ce réexamen peut intervenir après trois étapes d’examen :…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Claude Guéant, ministre. … une par l’OFPRA, une par la CNDA, et une, de nouveau, par l’OFPRA.
Madame Goulet, pour répondre à votre question, je puis vous dire que ce sont près de 2 000 dossiers de réexamen qui font l’objet d’une demande d’aide juridictionnelle, ce qui représente un coût annuel de 230 000 euros.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je souhaite, par cette explication de vote, appuyer celle de notre collègue Jean-Pierre Michel.
Nous n’allons pas ergoter sur les termes. Le recours est possible, ce qui signifie que toute personne a la possibilité de demander un nouvel examen. Lui refuser d’emblée le droit à l’aide juridictionnelle est totalement contradictoire.
Certes, nous nous exposons à être contredits, mais ce n’est pas bien légiférer que de décider de refuser aux personnes concernées la possibilité concrète d’exercer les voies de recours prévues par la loi.