M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je soutiens cet amendement.
J’ajoute qu’il me semble déceler une contradiction entre les explications données respectivement par la commission et par le Gouvernement.
Selon M. le rapporteur, le décret et la circulaire règlent le problème. Or vous nous dites, monsieur le ministre, que la question n’est pas là : toute personne étant soupçonnée d’avoir pu falsifier ses papiers, il faut lui demander d’autres documents pour pouvoir mener des investigations.
À ce moment-là, je vous objecterais, monsieur le ministre, que toute personne, qu’elle soit née en France ou à l’étranger, de parents français ou étrangers, qui veut faire renouveler un document d’identité est susceptible de présenter des papiers falsifiés. Il faudrait alors qu’elle puisse fournir également d’autres documents. Cela pose un problème : si tout un chacun est susceptible de produire des papiers falsifiés, il faut exiger de tous des documents supplémentaires.
Par conséquent, il n’y a pas de logique dans le refus que vous opposez à cet amendement.
M. le président. En conséquence, l’article 5 ter demeure supprimé.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas croyable ! Ils changent d’avis !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission n’a pas changé d’avis, madame Borvo Cohen-Seat !
M. Jean-Pierre Sueur. On l’a voté en première lecture ! Je ne comprends pas !
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ENTRÉE ET AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS
Chapitre IER
Dispositions relatives à la zone d’attente
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cette division et son intitulé.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Les dispositions du chapitre Ier font partie des mesures autonomes du présent projet de loi. Elles ne sont prescrites par aucune des trois directives déjà mentionnées et sont présentées comme la réponse à un fait divers qui s’est déroulé voilà déjà plus d’un an et qui ne s’est pas reproduit : la découverte d’une centaine de ressortissants syriens d’origine kurde sur le littoral corse.
Rien ne justifie l’assouplissement des conditions de création des zones d’attente, si ce n’est la volonté du Gouvernement d’empêcher l’accès au séjour de migrants qui sont déjà présents sur le territoire français.
En dépit des modifications adoptées à l’Assemblée nationale et en commission, les conditions de création des zones d’attente ad hoc ne sont pas acceptables.
Tout d’abord, le seuil de dix migrants ne correspond pas à la notion d’afflux massif telle qu’elle est définie par le droit communautaire.
En outre, la proposition de notre rapporteur de limiter à vingt-six jours la durée d’existence d’une zone d’attente spéciale peut être interprétée comme un allongement de la durée de maintien en zone d’attente.
Par ailleurs, il est à craindre que des régions très vastes ne soient converties en zones d’attente ad hoc.
Les dispositions du chapitre Ier portent aussi gravement atteinte au droit constitutionnel d’asile. Certes, les personnes placées dans les zones d’attente ad hoc pourraient solliciter l’admission au séjour au titre de l’asile. Cependant, elles seraient soumises à la procédure de l’asile à la frontière, qui consiste en un simple examen de la recevabilité de la demande.
Or, dans son avis du 5 juillet 2010, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, la CNDCH, a rappelé que « cette procédure ne présente toujours pas […] de garanties suffisantes permettant aux demandeurs d’asile d’exercer pleinement leur droit d’asile ».
Je rappelle en effet que, en cas de rejet de leur demande, les candidats à l’asile placés en zone d’attente peuvent être expulsés sous réserve d’un recours suspensif dans le délai de quarante-huit heures auprès du juge administratif, sans qu’ils puissent déposer une demande d’asile auprès de l’OFPRA.
Sachant que, en 2009, seuls 26,8 % des demandeurs d’asile à la frontière ont été autorisés à entrer sur le territoire, il est à craindre que les demandeurs d’asile qui seraient placés en zone d’attente ad hoc ne soient éloignés plus rapidement vers le pays dans lequel ils ont leur résidence habituelle, ce qui peut mettre leur vie en péril.
S’agissant des personnes placées en zone d’attente ad hoc qui ne solliciteraient pas l’asile, elles pourraient se voir notifier un refus d’entrée, exécutoire d’office, sauf si elles demandaient à bénéficier d’un jour franc, sans possibilité alors de solliciter un recours suspensif.
Enfin, les dispositions du chapitre Ier ne sont pas acceptables car des mineurs étrangers isolés pourraient être « enfermés » dans ces zones d’attente spéciales. Or, d’après le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, le placement en zone d’attente est particulièrement inadapté pour les mineurs. La création de zones d’attente risquerait notamment de porter atteinte au droit de ces mineurs à être représentés par un administrateur ad hoc.
Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, de supprimer les dispositions du chapitre Ier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression, d’autant qu’il vise l’ensemble du chapitre. L’examen des amendements suivants nous donnera l’occasion d’apporter des précisions sur les dispositions de celui-ci.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6
I. – (Non modifié) L’article L. 221-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent titre s’applique également à l’étranger qui arrive en Guyane par la voie fluviale ou terrestre. »
II. – Après le premier alinéa de l’article L. 221-2 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il est manifeste qu’un groupe d’au moins dix étrangers vient d’arriver en France en dehors d’un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d’au plus dix kilomètres, la zone d’attente s’étend, pour une durée maximale de vingt-six jours, du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu’au point de passage frontalier le plus proche. »
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l'article.
Mme Catherine Tasca. Cet article innove en ce qui concerne les zones d’attente.
Projet de loi après projet de loi – et nombreux ont été les textes relatifs à l’immigration au cours de cette mandature –le Gouvernement ajoute de nouveaux dispositifs à ceux qui sont actuellement en vigueur, sans qu’il soit toujours aisé de s’y retrouver. Mais surtout, chaque fois, le Gouvernement s’éloigne un peu plus du droit commun pour multiplier les dispositifs d’exception.
Ainsi, l’article 6 de ce projet de loi tend à instaurer les zones d’attente ad hoc afin de rendre légales des pratiques qui, hier, étaient considérées comme contraires au droit par le juge administratif.
Cet article a pour objet de transposer l’article 18 de la directive Retour, qui pose des conditions très précises à la création de zones d’attente provisoires. Nous ne le répéterons jamais assez, celle-ci n’est autorisée que « lorsqu’un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers soumis à une obligation de retour fait peser une charge lourde et imprévue sur la capacité des centres de rétention d’un État membre ou sur son personnel administratif et judiciaire ».
En contradiction avec la directive, qui évoque « un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants », le Gouvernement a fixé à « au moins dix » le nombre d’étrangers dont l’arrivée en France « en dehors d’un point de passage frontalier » autorise la constitution d’une zone d’attente d’exception.
Fixer ce seuil à dix personnes semble aussi en contradiction avec la notion de « charge lourde et imprévue » pesant sur la capacité des centres de rétention d’un État membre ou sur son personnel administratif et judiciaire évoquée par la directive. Cette contradiction explique sans doute le silence du projet de loi sur cet élément.
Enfin, le choix de fixer le seuil à ce chiffre permettant le déclenchement du dispositif de la zone d’attente interpelle ceux d’entre nous qui ont défendu la mise en œuvre du mécanisme de protection temporaire pour les réfugiés afghans au mois de février 2010. L’une des conditions nécessaires à la mise en œuvre du mécanisme de protection temporaire était un afflux massif de réfugiés qui puisse mettre en cause le bon fonctionnement des systèmes d’asile. Le Gouvernement nous avait alors répondu que, en dépit du fait que 9 000 Afghans étaient arrivés jusqu’en France au cours du premier semestre de 2009, ce nombre était insuffisant pour justifier le déclenchement de la procédure de protection temporaire.
Hier, on considérait donc que l’arrivée de 9 000 Afghans ne constituait pas un afflux massif : ils étaient trop peu nombreux pour bénéficier de la protection temporaire ; aujourd’hui, l’arrivée d’un groupe de seulement dix étrangers serait suffisante pour justifier la création d’une zone d’attente d’exception ! Il est clair que le Gouvernement a une appréciation très variable de ce que constitue une arrivée importante de migrants, selon qu’il s’agit de leur accorder des droits ou de leur appliquer des règles restrictives…
Non seulement tout lieu du territoire français constitue une zone d’attente potentielle, mais le choix a été fait par le Gouvernement de faciliter au maximum la constitution de ces zones d’attente en optant pour des critères très larges, quitte a être en contradiction avec la directive Retour. La volonté manifeste d’étendre largement le recours à ces zones d’attente marque à la fois une extension des mesures de privation de liberté et un recul du droit commun.
Ce choix me paraît contraire aux principes républicains dont vous dites pourtant faire le cœur de la charte des droits et devoirs du citoyen français que vous souhaitez imposer aux candidats à la nationalité française.
Ces zones d’attente, qui pourront surgir à tout endroit du territoire, compliqueront nécessairement le travail des associations qui apportent leur soutien aux migrants, notamment pour s’assurer du respect du droit d’asile : faut-il y voir une des motivations du dispositif ?
C’est pourquoi nous présenterons un amendement de suppression de l'article 6, ainsi que plusieurs amendements tendant à tout le moins à en récrire l’alinéa 4.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 149 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 183 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 10.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, cet amendement vient d’être fort bien défendu par ma collègue Catherine Tasca.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 149.
Mme Éliane Assassi. Cet article vise à créer la possibilité d’instaurer une zone d’attente ad hoc en cas d’arrivée sur le territoire français en dehors d’un point de passage frontalier d’un groupe d’au moins dix étrangers.
Les zones d’attente ad hoc sont des espaces juridiques fictifs destinés à accueillir des étrangers présumés ne pas être juridiquement admis à entrer en France malgré leur présence physique sur le sol français.
La création d’une telle zone est une mesure privative de liberté. L’arrivée d’un groupe d’au moins dix étrangers suffirait à la justifier, alors que les zones d’attente ad hoc sont actuellement créées dans les ports, les aéroports, les gares internationales et à proximité des lieux de débarquement en fonction des arrivées des migrants, afin de pouvoir enfermer ces derniers.
L’adoption de cet article aboutira simplement à une réduction des droits des primo-arrivants, au prétexte de lutter contre une prétendue immigration massive. En effet, le régime du séjour irrégulier est plus protecteur que celui de l’entrée irrégulière sur le territoire. C’est pourquoi maintenir ces migrants dans une zone d’attente permet de réduire leurs possibilités d’admission au séjour au titre de l’asile, dans des conditions d’exercice de leurs droits restreintes.
Nous ne sommes donc pas pour la multiplication des zones d’attente, bien au contraire ! Cela nous conduit à demander la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l'amendement n° 183 rectifié.
Mme Anne-Marie Escoffier. L’institution de zones d’attente ad hoc revêt une signification particulière dans le contexte que nous avons rappelé.
La libre circulation des personnes au sein de l’espace Schengen demeure pourtant un principe essentiel de la construction européenne, qui doit s’appliquer dans le respect absolu du droit d’asile.
Nous rappelons que nous sommes fermement attachés à ce que l’État puisse assurer la maîtrise des flux migratoires, mais dans le respect de la dignité des personnes souhaitant s’établir sur notre territoire.
Or, à l’évidence, les modalités d’institution des zones d’attente transitoires prévues à l’article 6 ne satisfont pas à cette condition, a fortiori quand nos collègues députés suppriment l’ensemble des modifications qu’avait apportées le Sénat et qui ont été fort heureusement réintroduites.
Nous rappelons aussi, à la suite de Mme Tasca, que l’article 18 de la directive Retour, censé être ici transposé, pose un certain nombre de conditions très précises, que ne reprend pas le présent article. Ainsi, la directive fait référence à un nombre « exceptionnellement élevé » d’étrangers, alors que le projet de loi fait mention d’un « groupe d’au moins dix étrangers ». De même, le présent texte ne comporte pas les notions de « charge lourde et imprévue » et de « mesures d’urgence ».
En somme, nous avons le sentiment que seront instituées des zones temporaires quasiment permanentes, pouvant être constituées à tout moment, en n’importe quel point de la frontière ou presque. Cela revient à banaliser la privation de liberté en tant que « mode de gestion ordinaire de l’immigration », comme le notait d’ailleurs la Commission nationale consultative des droits de l'homme dans son avis du 6 janvier dernier.
La rétention en zone d’attente est pourtant un régime de privation de liberté. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 25 février 1992, l’a clairement indiqué, considérant que conférer « à l’autorité administrative le pouvoir de maintenir durablement un étranger en zone de transit, sans réserver la possibilité pour l’autorité judiciaire d’intervenir dans les meilleurs délais [était] contraire à la Constitution ».
Nous demandons la suppression de l’article 6.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Le dispositif en question a pour objet de répondre à des situations exceptionnelles. La commission des lois a veillé à ce que l’existence de ces zones d’attente ad hoc soit bien limitée dans le temps. C’est pourquoi la durée de vingt-six jours a été fixée dans le texte, ce qui permet d’apporter une garantie supplémentaire quant au caractère non pérenne de ces zones d’attente.
Enfin, il est important de redire, puisque ce point semble avoir été contesté tout à l’heure, que les migrants concernés bénéficieront de l’ensemble des droits liés aux zones d’attente, notamment celui de demander leur admission sur le territoire français au titre de l’asile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Premièrement, cette disposition vise à répondre à des situations concrètes, telles que l’arrivée inopinée en Corse, au mois de janvier 2010, de 123 migrants.
Deuxièmement, je ne vois pas pourquoi le Gouvernement créerait des zones d’attente quand ce n’est pas nécessaire.
Troisièmement, nous n’inventons pas un régime nouveau, le régime des zones d’attente ayant été créé par la loi Quilès du 6 juillet 1992. La disposition proposée vise à adapter ce dispositif au cas d’étrangers qui entrent sur le territoire national en dehors d’un point de passage frontalier.
Il serait assez paradoxal de ne permettre le placement en zone d’attente que des seuls étrangers qui arrivent à la frontière par un point de passage répertorié.
Quatrièmement, le dispositif préserve les droits des migrants, comme M. le rapporteur vient de le dire. Ceux-ci pourront demander l’asile, ainsi que voir un médecin, communiquer avec un avocat ou recourir à un interprète. La commission des lois a d’ailleurs eu l’idée excellente de renforcer ces garanties en fixant une durée maximale de vingt-six jours.
Enfin, je précise à l’adresse de Mme Tasca que la directive Retour ne s’applique pas aux zones d’attente.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10, 149 et 183 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Les alinéas 1 et 2 de l’article 6 visent à permettre la création de zones d’attente aux frontières terrestres et fluviales de la Guyane.
Cette disposition a été introduite à l’Assemblée nationale par la voie de l’adoption d’un amendement de M. Christian Estrosi. Son objet est clair : freiner l’immigration en provenance du Brésil et du Surinam.
J’observe que ce dispositif n’a pas, semble-t-il, fait l’objet de la moindre concertation avec les parlementaires de Guyane.
En outre, il s’agit de frontières situées en pleine jungle, longues de quelque 1 200 kilomètres, la Guyane étant séparée du Surinam par le fleuve Maroni et du Brésil par l’Oyapock, à l’Ouest. Comment va-t-on s’y prendre, dans de telles conditions, pour créer une gigantesque zone d’attente comportant des structures d’hébergement assurant des prestations de type hôtelier ? Des questions de bon sens se posent ! À l’évidence, il s’agit d’une mesure surréaliste, qui ne peut prospérer.
D’autres solutions étaient envisageables. On sait que le département de la Guyane, ainsi d’ailleurs que celui de Mayotte, est exposé à une forte pression migratoire, comme en témoigne le dernier rapport sur les orientations de la politique de l’immigration et de l’intégration, qui indique que le nombre d’expulsions d’étrangers entrés illégalement en Guyane a augmenté de 86 % entre 2003 et 2009. Peut-être aurait-il été plus simple de commencer par développer une coopération avec le Brésil et le Surinam, plutôt que de monter une sorte d’« usine à gaz » en pleine jungle !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 12, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsqu’un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers vient d’arriver en France en dehors d’un point de passage frontalier, les articles L. 811-1 à L. 811-8 s’appliquent. »
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Il s’agit d’un amendement d’appel.
Nous proposons, en cas d’afflux massif de migrants, de recourir au mécanisme de la protection temporaire, qui a été instauré par une directive européenne de 2001, plutôt que de créer des zones d’attente ad hoc.
L’attribution de la protection temporaire apporte des garanties aux étrangers, qui se voient délivrer un document provisoire de séjour, assorti, le cas échéant, d’une autorisation provisoire de travail. Le bénéfice de la protection temporaire est accordé pour une période d’un an.
Par ailleurs, l’octroi de la protection temporaire ne préjuge pas la reconnaissance du statut de réfugié. À la fin de la période d’un an, les personnes concernées peuvent rentrer chez elles sans que cela pose de problèmes particuliers.
Alors qu’il est beaucoup question de l’afflux massif de ressortissants tunisiens ou libyens, nous entendons rappeler au Gouvernement l’existence d’un cadre juridique permettant de faire face au problème, à l’échelon européen qui plus est. Nul doute que nos amis Italiens apprécieraient le recours à une telle solution. Mais, pour l’instant, personne n’en parle ; peut-être ne veut-on pas résoudre ce problème…
Mme Éliane Assassi. Peut-être…
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Dans une situation exceptionnelle, lorsqu’il est manifeste qu’un nombre exceptionnellement élevé d’étrangers vient d’arriver en France en dehors d’un point de passage frontalier en un même lieu situé à proximité d’une frontière maritime ou terrestre, la zone d’attente s’étend, pour une durée maximale de vingt-six jours, du de découverte des intéressés jusqu’au point de passage frontalier le plus proche ».
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Le présent projet de loi a notamment pour objet de transposer la directive Retour, dont le paragraphe 1 de l’article 18 dispose que « lorsqu’un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers […] fait peser une charge lourde et imprévue sur la capacité des centres de rétention d’un État membre ou sur son personnel administratif et judiciaire, l’État membre en question peut, aussi longtemps que cette situation exceptionnelle persiste, décider d’accorder pour le contrôle juridictionnel des délais plus longs ».
Mais que faut-il entendre par « un nombre exceptionnellement élevé » de ressortissants de pays tiers ? Le projet de loi apporte une réponse : au moins dix. Or dix est peut-être un nombre élevé – encore que cela soit déjà discutable –, mais certainement pas exceptionnellement élevé !
Vous êtes donc en train de produire un texte qui, manifestement, sera entaché d’inconventionnalité. Nous vous mettons en garde contre ce risque et proposons une rédaction plus respectueuse de la directive.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Au début de cet alinéa, insérer les mots :
Dans une situation exceptionnelle,
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. D’après l’exposé des motifs du présent projet de loi, l’assouplissement des conditions de création de zones d’attente vise à répondre à des situations exceptionnelles.
Or les dispositions de l’article 6 ne font pas ressortir le caractère exceptionnel de l’extension de la faculté d’instituer des zones d’attente. Par conséquent, nous proposons de limiter la possibilité de créer des zones d’attente ad hoc, en reprenant dans la loi les termes de la directive Retour, qui conditionne explicitement la prise de mesures dérogatoires au droit commun à l’existence d’une situation exceptionnelle.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
groupe d’au moins dix
par les mots :
nombre exceptionnellement élevé d’
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Il est proposé, à l'article 6, de permettre la création d’une zone d’attente en cas d’arrivée sur le territoire en dehors d’un point de passage frontalier d’un groupe d’au moins dix étrangers.
Or cette notion, introduite en première lecture à l’Assemblée nationale, n’a aucun fondement juridique.
Il est en outre paradoxal de vouloir fixer à dix le seuil à partir duquel on peut considérer qu’il y a une arrivée massive d’étrangers sur le territoire alors que, à la fin de 2009, le Gouvernement avait considéré que l’entrée en France de plusieurs centaines de ressortissants afghans ne constituait pas un afflux massif et ne nécessitait donc pas la mise en œuvre des dispositions de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à la protection temporaire.
Afin de surmonter cette contradiction, nous proposons de reprendre dans la loi les termes de l’article 18 de la directive Retour, qui conditionne explicitement la prise de mesures dérogatoires au droit commun à la présence d’« un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers ».