M. Dominique Braye. Nous n’avons pas de leçons à recevoir des communistes ! Vous avez 100 millions de morts sur la conscience, pas nous ! Nous sommes plus humanistes que vous...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela suffit ! Taisez-vous !
Mme Catherine Tasca. Cessez de vous en prendre aux communistes !
M. David Assouline. Il faut le faire taire !
M. Dominique Braye. Les communistes ont 100 millions de morts sur la conscience !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Vous aussi, vous avez soutenu des régimes totalitaires, et vous en soutenez encore aujourd’hui ! Combien de morts avez-vous sur la conscience ? Taisez-vous donc !
M. Dominique Braye. Pas de leçons !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Ce sont des constats, non des leçons...
M. le président. Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Depuis que ce projet de loi a été présenté, trois ministres se sont succédé devant nous. Chacun a fait assaut de zèle et de surenchère dans les déclarations trompeuses, les discours sécuritaires, anti-immigrés, et les propos xénophobes, le plus zélé en la matière étant M. Guéant, ici présent.
Monsieur le ministre, je ne répéterai pas les propos inadmissibles, idéologiquement et politiquement détestables, que nous avons tous pu lire ou entendre.
M. Dominique Braye. Surtout quand vous les déformez !
Mme Josiane Mathon-Poinat. « Le Front national ne nous sert pas de boussole », dites-vous. Il me semble tout de même que vous cheminez sur les mêmes sentiers et que vous allez dans le même sens ! De tels propos jettent le discrédit sur la classe politique tout entière, et surtout sur le parti politique que vous tentez de représenter.
M. Dominique Braye. Les communistes donnent des leçons de droits de l’homme, maintenant ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. Oui, monsieur Braye, je suis fière de défendre ici les droits de l’homme ! Heureusement que nous sommes là...
M. Dominique Braye. On aura tout entendu !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Depuis le début de cette discussion, nos ministres n’ont pas lésiné sur les amalgames, contribuant ainsi à inoculer des idées de peur et de division dans l’opinion publique.
On a pu ainsi relever des amalgames entre étrangers en situation irrégulière et demandeurs d’asile, entre assimilation et intégration, entre immigration et insécurité, entre gens du voyage et Roms. Tous ces amalgames relèvent de la provocation, voire du brouillage politique et sociologique !
Mes chers collègues, il s’agit ici non d’une réforme banale de la réglementation relative aux étrangers, mais d’un tournant à la faveur duquel le Gouvernement instaure des régimes d’exception permanents à l’encontre des étrangers, renonçant au principe d’égalité des êtres humains inscrit dans notre Constitution et dans tous les textes internationaux dont les auteurs n’avaient d’autre but, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, que d’interdire le racisme d’État.
Ce sont les fondements même de notre République et de sa Constitution qui sont remis en cause.
En tant que parlementaires libres de nos choix – d’après la Constitution, aucun mandat impératif ne peut nous lier ... –, demandons-nous si cette énième réforme est utile ! Je pense, pour ma part, que nous avons besoin non de ces lois qui renforcent les peurs et les haines xénophobes, mais de politiques ouvertes sur l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Permettez-moi, tout d’abord, d’en revenir aux fondements juridiques de cette motion tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que ce projet de loi vise à renforcer la politique d’intégration en faveur des primo-arrivants et des candidats à l’acquisition de la nationalité française, et la charte des droits et devoirs, en particulier, représente un objectif extrêmement fort.
J’ajoute, sur le fond, que ce texte vise à transposer trois directives que la France a l’obligation d’intégrer dans son droit positif.
La commission émet donc un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas adopter cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je souhaite aider M. Braye à mettre à jour son dictionnaire des citations. Vous souvenez-vous de celle-ci, mes chers collègues : « Mieux vaut Hitler que le Front populaire ! » ?…
Ensuite, pour répondre à M. Braye sur l’introduction du scrutin proportionnel dans notre système électoral, je rappelle que, lors des élections législatives de 1988 – des élections au scrutin majoritaire ! – le Front national obtint un député, un seul. Il s’agissait en l’occurrence d’une députée, Yann Piat, qui avait remporté l’élection pour une raison simple : le président RPR du conseil général du Var avait déclaré, à l’époque, qu’il préférait voir élu un député du Front national plutôt qu’un député socialiste. Après le retrait des candidats du RPR, cette candidate était donc arrivée en tête dans toutes les circonscriptions du Var, à l’exception de celle de Fréjus, fief de François Léotard.
Il convient donc de recadrer notre discussion ! Il n’est guère utile de nous jeter à la tête des arguments fallacieux, car le sujet qui nous occupe est politiquement grave.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils n’ont pas l’air de trouver cela grave !
M. Pierre-Yves Collombat. Tout n’est pas aussi joyeux que vous semblez le croire, et nous traversons une phase très délicate. Les critiques exprimées par les groupes de gauche à l’encontre de ce texte sont tout à fait justifiées : il ne faut pas tenter le diable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, d’une motion n°2.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (n° 393, 2010-2011).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la motion.
M. Jacques Mézard. Je tiens tout d’abord à vous remercier, monsieur le rapporteur, des propos que vous avez tenus : si nous sommes loin de partager toutes vos conclusions, je salue votre rigueur – au sens positif du terme ! –, en particulier vis-à-vis de l’Assemblée nationale.
Mes chers collègues, suffit-il d’accumuler les lois pour résoudre les problèmes ? Notre réponse est non !
Une bonne loi est celle qui n’est pas, chaque année, rectifiée, modifiée.
Une bonne loi est celle qui, par des mesures de bon sens, recueille, à défaut d’une adhésion unanime, un consensus respectueux.
Une bonne loi est celle qui, pour le citoyen, est lisible, compréhensible, et qui simplifie au lieu de compliquer.
Une bonne loi est celle qui est juste pour celui auquel elle est appliquée, qui rassemble et ne provoque pas la rupture.
Monsieur le ministre, la sensibilité politique que vous incarnez assume la responsabilité gouvernementale depuis neuf années. Dans le monde rural, on dirait : « C’est un bail ! ». En tout cas, c’est un temps largement suffisant tant pour mener une politique que pour en tirer le bilan.
On aurait pu penser que les critiques acerbes dirigées, en 2002, contre ceux qui avaient gouverné de 1997 à 2002 conduiraient le Gouvernement, s’agissant de dossiers aussi importants que celui de l’immigration, à prendre des lois fondatrices, et donc à trouver des solutions pratiques visant à remédier aux dérives prétendues.
Qu’en est-il ? Nous nous retrouvons avec un nouveau catalogue législatif, et des chiffres de l’immigration illégale en augmentation.
Nous examinons en effet la sixième loi relative à l’immigration depuis 2002. Avant le présent texte, quatre lois ont substantiellement modifié la politique d’immigration : la loi du 26 novembre 2003 relative – déjà ! - à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité ; la loi du 10 décembre 2003 relative au droit d’asile ; la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, qui a concrétisé le concept d’immigration choisie ; la loi du 20 novembre 2007 relative – encore ! - à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, dont la mesure emblématique, mais neutralisée de fait, concernait les tests ADN ; c’était l’arbre qui cachait la forêt...
Pourquoi autant de lois sur le même thème ont-elles été présentées depuis 2002, alors qu’une seule, objet peut-être d’une réflexion plus approfondie, aurait suffi à concrétiser votre projet politique ?
La réponse, nous la connaissons tous : c’est un choix de communication politique.
Immigration, identité nationale et sécurité forment une trilogie à vocation médiatique, destinée à entretenir le feu pendant neuf ans. Nous ne pensons pas que ce soit la bonne méthode, et nous ne sommes pourtant pas de ceux qui prônent le laxisme. L’un des nôtres, notre collègue Jean-Pierre Chevènement, l’a démontré par les faits lorsqu’il était ministre de l’intérieur. Vous-même, monsieur le ministre, avez pu en juger dans l’exercice de vos fonctions préfectorales antérieures.
Il est incontestable que la question de l’immigration sera pour longtemps prégnante dans la gouvernance de nos nations du Nord, du fait d’une explosion démographique mondiale incontrôlée, voire favorisée par nombre de traditions religieuses, et des problèmes de la production et de la distribution des ressources énergétiques, des ressources alimentaires et de l’alimentation en eau auxquels est confrontée notre planète ; dans les vingt-cinq ans à venir, probablement 4 milliards d’hommes sur terre seront en situation dite pudiquement de « stress hydrique ». Ne nous étonnons donc pas qu’il y ait de plus en plus de pression en matière d’immigration !
Pour faire face à ces défis, nous considérons pour notre part qu’il convient de définir une politique qui, dépassant la diversité des sensibilités, concilie le respect absolu des droits de l’homme et l’équilibre à la fois sociologique et économique de notre société.
Cette politique doit nécessairement être définie tant sur le plan national que sur le plan européen ; la situation actuelle entre la Tunisie et l’Italie en est une illustration frappante.
Oui, nous persistons à dire que l’intégration signifie le respect par les immigrés des lois de la République laïque, lois qui incluent des devoirs aussi bien que des droits. Ceux qui voudraient entrer en France pour continuer à vivre et à agir selon les lois de leur pays d’origine font, pour nous, fausse route.
Notre République, c’est vrai aussi, ne peut accueillir tous ceux qui frappent à sa porte – ou, surtout, qui passent à travers ! – dans n’importe quelles conditions et pour faire n’importe quoi. Mes chers collègues, nous savons tous, en tant qu’élus de terrain, qu’une politique d’immigration raisonnée et raisonnable impose des choix prospectifs en matière de logement, d’éducation, de formation. Nous savons qu’en matière d’urbanisme et de logement social, la mixité sociale est primordiale. Or, depuis des décennies, sous les gouvernements de différentes sensibilités, ces principes n’ont pas été observés ; ils ne le sont d’ailleurs toujours pas aujourd'hui.
Voilà quelques jours, un reportage d’une des grandes chaînes de télévision françaises montrait un immigré sans papier recevant sa feuille d’impôt sur le revenu…Quelle incohérence ! Et cela continue…
Le dépôt de la présente motion répond à notre souhait que le texte soit renvoyé à la commission, en application de l’article 44 du règlement. À nos yeux, plutôt que cette accumulation de dispositions législatives, un bilan objectif sur le dossier de l’immigration est indispensable, bilan qui, à ce jour, n’a pas réellement été effectué.
Comme vous l’avez indiqué dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, il suffit pour s’en convaincre de se reporter au septième rapport du secrétariat général du Comité interministériel du contrôle de l’immigration au Parlement de mars 2011, rapport que vous avez préfacé vous-même ; nous n’en avons toutefois pas la même interprétation.
Vous y écrivez d’ailleurs : « C’est dans l’application rigoureuse des objectifs de lutte contre l’immigration clandestine que peut vivre la tradition d’accueil et d’intégration de la France ». Nombre d’entre nous pourraient souscrire à ces propos. Il est vrai que nous étions alors au mois de mars et qu’il n’était encore point question de réduire l’immigration légale !
Cependant, le rapport – au demeurant instructif – démontre la difficulté que représente l’évaluation du nombre réel de clandestins ;…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par définition !
M. Jacques Mézard. … ils seraient, dit-on, entre 200 000 et 400 000 en France. Notre territoire serait pourtant le sixième pays d’accueil, avec 6,7 millions d’immigrés, ce qui n’est pas extraordinaire pour un État qui occupe le cinquième rang des puissances mondiales. Ces chiffres expliquent vraisemblablement le changement soudain de cible, puisqu’est désormais visée aujourd’hui l’immigration légale.
Lorsque le député Éric Ciotti déclare au journal Le Parisien – ses propos ont été publiés dans l’édition du 8 avril –, s’agissant des étrangers, que « [l]a source la plus importante aujourd’hui, c’est très clairement le regroupement familial », c’est la preuve assez surréaliste qu’il s’agit d’une opération médiatique. En effet, le rapport de 2011 sur l’immigration démontre, en page 61, que le nombre des personnes admises au titre du strict regroupement familial est en constante diminution.
M. Richard Yung. C’est exact !
M. Jacques Mézard. Le renvoi à la commission est également rendu nécessaire compte tenu des modifications apportées successivement au projet de loi initial. Citons, par exemple, l’introduction en première lecture à l’Assemblée nationale d’un amendement du Gouvernement sur la déchéance de nationalité et les volte-face qui ont suivi. Nous nous réjouissons que cette disposition ait été supprimée au cours de la navette.
Mes collègues et moi-même avions attiré l’attention en première lecture sur un certain nombre de propositions qui nous paraissaient discutables sur le plan constitutionnel. Chers collègues, souvenez-vous de ce qui s’est passé s’agissant de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2 : la décision du Conseil constitutionnel a démontré que nous n’avons pas toujours tort sur les questions de cet ordre…
Le renvoi à la commission se justifie, en outre, par les nombreuses différences d’appréciation que consacrent les textes respectifs de la commission des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Les députés sont en grande partie revenus sur les modifications importantes votées par le Sénat, pour la plupart d’entre elles sur proposition de la commission des lois. Cela a notamment été le cas en matière de délivrance du titre de séjour et d’acquisition de la nationalité française par déclaration.
Les députés ont également supprimé l’acquisition automatique de la nationalité française à dix-huit ans pour les enfants nés en France de parents étrangers et ayant leur résidence habituelle en France. Ils ont aussi supprimé la présomption de nationalité française fondée sur la délivrance d’une carte nationale d’identité.
L’Assemblée nationale a rétabli le dispositif réprimant les « mariages gris » qu’elle avait initialement voté. Mais que dire, en droit, de la notion de « fraude au sentiment » ? Je m’étais d’ailleurs exprimé sur le sujet en première lecture. Une telle notion a un caractère flou et son application pratique posera nombre de problèmes, nous n’en doutons pas !
S’agissant des zones d’attente ad hoc, l’Assemblée nationale est revenue au texte qu’elle avait voté en première lecture : elle a ainsi supprimé la condition de durée, rendant de fait ces zones potentiellement pérennes, ce qui constitue une création tout à fait originale. La notion de « meilleur délai » doit s’apprécier, pour le Sénat, « compte tenu du nombre d’agents de l’autorité administrative et d’interprètes disponibles ». Les députés n’en ont fait qu’une raison parmi d’autres en introduisant, monsieur le président de la commission des lois, l’adverbe « notamment ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas bien !
M. Jacques Mézard. Je ne vous le fais pas dire !
S’agissant du contentieux des mesures d’éloignement, le projet de loi inverse l’ordre d’intervention du juge administratif et du juge judiciaire. Les députés ont rétabli les dispositions qu’ils avaient votées en première lecture, celles du Gouvernement, en prévoyant que le juge des libertés et de la détention interviendra au terme d’un délai de cinq jours pour prolonger la rétention, au lieu du délai de quarante-huit heures voté par le Sénat.
Pour ce qui concerne la procédure suivie devant le juge des libertés et de la détention lorsqu’il est saisi par l’administration pour prolonger la durée du maintien de l’étranger en zone d’attente ou en centre de rétention, l’Assemblée nationale – là aussi, c’est important – a supprimé le régime de purge des nullités introduit par le Sénat et qui n’aurait visé que les nullités formelles tout en supprimant la notion de nullité substantielle, inopérante par nature en matière de privation de liberté.
L’Assemblée a rétabli les dispositions prévoyant qu’aucun nouveau moyen ne pourrait être soulevé pour la première fois en appel des décisions du juge des libertés et de la détention.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais nous parlons du texte de la commission !
M. Jacques Mézard. Oui, monsieur le président de la commission, mais nous pouvons tout de même aussi parler de ce qu’a voté l’Assemblée nationale, car cela nous intéresse !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous demandez le renvoi à la commission, mais celle-ci a travaillé sur tous ces sujets !
M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jacques Mézard. Je vous remercie, monsieur le président ; il ne faudrait pas que le président de la commission prenne le relais de M. Braye !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas sur le même ton ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. N’allez par réveiller l’ire de M. Braye ! (Nouveaux sourires.)
M. Jacques Mézard. Je salue le travail de notre rapporteur, rigoureux dans le bons sens du terme, ainsi que je l’ai déjà souligné, et tentant d’éviter certains excès, certaines dérives.
C’est ainsi que la commission des lois a souhaité revenir sur les dispositions introduites à nouveau par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, monsieur le président de la commission.
Elle a d’abord à nouveau supprimé les dispositions du projet de loi visant à restreindre la possibilité ouverte à des étrangers malades, atteints de pathologies particulièrement lourdes, de bénéficier d’un titre de séjour pendant le temps nécessaire à leur traitement.
Ensuite, concernant le maintien en rétention des étrangers en instance d’éloignement, elle a tenté de trouver une position intermédiaire avec celle de l’Assemblée nationale en prévoyant que l’intervention du juge des libertés et de la détention aurait lieu dans un délai de quatre jours.
Par ailleurs, elle a rétabli le texte voté en première lecture par le Sénat en matière de « mariages gris ».
Enfin, elle a supprimé les dispositions prévoyant l’exonération des employeurs de bonne foi en matière d’infractions à la législation sur l’emploi des salariés étrangers.
De fait, nombre de dispositions de ce texte vont au-delà des obligations imposées par les trois directives communautaires ici transposées ; vous vous êtes déjà exprimé sur ce point, monsieur le ministre, mais je souhaite y revenir.
L’article 23, qui transpose l’interdiction de retour, impose à l’administration de prononcer une telle mesure, alors que, dans la directive Retour, il n’était question que d’une faculté.
Parallèlement, cet article prévoit huit hypothèses fondant le refus de l’administration d’accorder un délai de départ volontaire, alors que la directive entend au contraire limiter la privation de liberté : « Toute rétention est aussi brève que possible […] ».
De la même façon, l’allongement à quarante-cinq jours de la durée de rétention ou la création de zones d’attente flottantes ne correspondent pas aux dispositions communautaires. Les directives précisent que doit systématiquement être appliqué le droit national plus favorable. Or, en l’espèce, l’effet cliquet joue à rebours.
Que penser in fine de tout cela, d’une politique migratoire qui, depuis 2002, est structurée autour d’un discours et d’actes contradictoires ?
Lors de la conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement, tenue à Rabat les 10 et 11 juillet 2006, le futur Président de la République déclarait : « J’ai la conviction profonde que l’immigration africaine, sous certaines conditions, peut être une chance aussi bien pour l’Europe que pour l’Afrique ». Il fixait également des objectifs, que nous aurions pu partager. Verba volant…
Mes chers collègues, nous considérons que les flux d’immigration doivent être régulés, et ce dans l’intérêt également de ceux que l’on accueille. Nous estimons qu’une politique d’immigration ne peut être menée qu’avec responsabilité et humanisme, dans le respect des droits fondamentaux, et ne doit en aucun cas être instrumentalisée pour servir des buts par trop électoralistes.
La Nation, monsieur le ministre, n’a pas de problème d’identité à résoudre avec elle-même ; elle a besoin, et plus encore dans ces moments de crise extérieure et de doute intérieur, d’être rassurée, de ne pas vivre au quotidien dans la rupture et le conflit.
À nos yeux, le présent projet de loi ne remplit pas un tel objectif. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite purement et simplement à le renvoyer à la commission. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. J’ai précédemment démontré comment, au fil de la navette, entre les deux lectures à l’Assemblée nationale et le texte que présente la commission des lois aujourd’hui, nos travaux ont permis de progresser dans le sens du respect des droits de chacun de façon juste et équilibrée.
L’avis de la commission est par conséquent défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 2, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n'est pas adoptée.)