M. David Assouline. Il faut le dire !
Mme Éliane Assassi. Il va sans dire que cette politique a également un coût humain – je pense notamment aux nombreux décès de migrants en mer ou encore aux familles séparées en France.
Votre texte est d’une grande hypocrisie, monsieur le ministre. Après avoir effrayé l’opinion publique sur les dangers d’une invasion imminente d’immigrés, vous voulez lui faire croire que vous avez la solution miracle en présentant des mesures d’affichage idéologiquement dangereuses, à la limite de la constitutionnalité, alors même que vous savez pertinemment que l’Union européenne va avoir besoin d’une main-d’œuvre étrangère pour compenser la baisse de sa population active et combler les besoins structurels du patronat dans le bâtiment, l’agriculture ou encore le secteur tertiaire.
On estime ainsi que, à l’horizon 2040, la France devrait avoir besoin de dix millions d’immigrés pour pallier le vieillissement de sa population. Mais de cela, bien évidemment, vous ne parlez pas !
Vous omettez aussi de dire à nos concitoyens que les migrants sont davantage attirés par des pays comme le Canada ou les États-Unis, lesquels sont beaucoup plus accueillants que les pays européens, où les étrangers sont souvent victimes de discriminations et de racisme.
À titre d’exemple, un rapport du Bureau international du travail, le BIT, de 2007 dresse un tableau très sombre de l’état des discriminations ethno-raciales sur le marché du travail en France. Ainsi, « près de 4 fois sur 5, un candidat à l’embauche d’origine hexagonale ancienne sera préféré à un candidat d’origine maghrébine ou noire africaine, selon une enquête nationale par tests de discrimination conduite en France sous l’égide du BIT ». Ce constat est confirmé par les dossiers traités par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE.
Avec 6,7 millions d’immigrés environ en 2010, la France occupe, selon l’Institut national d’études démographiques, l’INED, le sixième rang mondial des pays accueillant le plus d’immigrés, après les États-Unis, la Russie, l’Allemagne, l’Arabie Saoudite et le Canada.
Par conséquent, c’est un leurre et une mystification de faire croire, d’une part, que nous allons être envahis et, d’autre part, que vous allez tout faire pour éviter cette prétendue invasion.
Mais vous allez encore plus loin, en déclarant vouloir désormais vous attaquer à l’immigration familiale et à celle de travail.
Non seulement vous souhaitez accentuer la logique engagée par les précédentes réformes, qui ont déjà restreint considérablement les conditions du regroupement familial, dont le dispositif est certainement le plus restrictif d’Europe – d’après le Mipex, le Migrant integration policy index, qui évalue les politiques d’intégration dans l’Union européenne, notre pays se situe au vingt-deuxième rang sur vingt-sept ! –, mais vous voulez vous en prendre à l’immigration choisie, celle du travail, pourtant prônée par Nicolas Sarkozy depuis 2005. Il s'agit là d’un revirement de taille, qui vous rapproche encore davantage des thèses du Front national.
S’agissant à présent du texte qui nous revient de l’Assemblée nationale, je regrette vraiment que les députés aient rétabli en deuxième lecture des dispositions que le Sénat avait en première lecture supprimées ou modifiées en les améliorant, réactivant ainsi des mesures dont nous nous serions bien passés. Je pense ici, en particulier, aux dispositions scandaleuses sur les étrangers malades, qui constituent une aberration en termes de santé publique ainsi qu’une atteinte à la dignité humaine et dont je souhaite qu’elles disparaissent définitivement – j’y insiste ! – de ce texte.
Certes, l’Assemblée nationale a fait machine arrière sur la déchéance de la nationalité pour les auteurs de crimes commis contre des personnes dépositaires de l’autorité publique, mais c’était bien là le moins qu’elle pouvait faire ! Cette mesure, à la constitutionnalité douteuse, faisait suite, je le rappelle, au discours ultra-sécuritaire prononcé par Nicolas Sarkozy à Grenoble. Fruit d’une incantation présidentielle, cette mesure n’a pas sa place dans notre législation.
Pour autant, ce recul ne doit pas nous faire oublier que les autres articles de ce texte demeurent dangereux. Souvenons-nous que les députés ont franchi un pas important en deuxième lecture, avec la remise en cause du droit du sol via la suppression du caractère automatique de l’acquisition de la nationalité française à l’âge de dix-huit ans, pourtant en vigueur depuis 1998.
Mes chers collègues, cette mesure n’est pas sans nous rappeler de mauvais souvenirs : je pense à une autre disposition tout aussi choquante, à savoir le recours aux tests ADN pour prouver la filiation dans le cadre du regroupement familial.
La vigilance doit donc rester de mise, me semble-t-il. Quand bien même le Sénat fait mine d’être plus protecteur des droits des étrangers que l’Assemblée nationale, nous ne sommes pas dupes.
Ainsi, s'agissant de l’article 17 ter, sous prétexte de clarification, M. le rapporteur feint d’être moins rigide, alors que, in fine, il réintroduit cette disposition, sans doute dans la perspective d’un éventuel accord avec les députés lors de la réunion de la commission mixte paritaire.
D'ailleurs, quid des futures conclusions de la CMP sur la nationalité ? Qui nous garantit que la remise en cause du droit du sol ne reviendra pas par la porte ? Qui nous assure qu’il n’en ira pas de même, dans certains cas, pour la déchéance de la nationalité ? La menace est d’autant plus sérieuse que le Gouvernement, par la voie d’un amendement fort heureusement rejeté ce matin en commission, s’acharne sur cette mesure.
On le voit : la droite parlementaire dans son ensemble approuve la logique portée par ce projet de loi en matière d’immigration.
Chers collègues de la majorité, vous êtes tous d'accord sur la maîtrise autoritaire des flux migratoires : d'une part, vous renforcez le concept d’immigration choisie, qui est symbolisée par la fameuse carte bleue européenne, et, d'autre part, vous multipliez les dispositions restrictives et répressives à l’encontre de tout étranger, que ce soit avant l’entrée de ce dernier sur le territoire ou, une fois qu’il est présent en France, lors de sa demande de titre de séjour, lors du renouvellement de ce document, lors de son expulsion et, enfin, lors de son bannissement.
Pour l’heure, votre texte, c’est « toujours plus » : plus d’immigration choisie, plus d’obstacles à l’intégration, à l’acquisition de la nationalité française, à la délivrance et au renouvellement des titres de séjour, entre autres !
Vous avez une vision étriquée du monde et de la France, celle d’un pays replié sur lui-même et se réduisant à l’Hexagone. Alors que vous prônez la mondialisation et la libre circulation des capitaux, vous êtes incapables de voir au-delà des frontières quand il s’agit d’êtres humains. Pis, vous agitez le chiffon de l’invasion, ce fantasme européen. (Mme Catherine Troendle s’exclame.)
Vous le savez, nous défendons quant à nous une tout autre conception de l’immigration, que je développerai à l’occasion de la présentation de nos amendements.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre ce condensé de mesures qui, dans la continuité des précédentes lois, visent encore et toujours à nier aux étrangers le droit de vivre en famille, à assimiler l’immigré à un fraudeur, à démanteler le statut des étrangers en rognant les droits de ces derniers et à bafouer le droit d’asile, le tout au mépris de nos principes constitutionnels et de nos engagements internationaux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis aujourd’hui en deuxième lecture d’un texte qui modifie très sensiblement notre corpus législatif en matière d’immigration.
Je ne reviendrai pas sur les objectifs visés par ce texte – ils ont été clairement exposés par M. le ministre, M. le rapporteur et Mme Escoffier –, sur lesquels existe un certain consensus, me semble-t-il, alors que des divergences profondes apparaissent sur les modalités de ce projet de loi.
En première lecture, le Sénat avait effectué un travail de fond sur l’ensemble des dispositions du texte. À de nombreuses reprises, il avait adopté des positions fortes, allant parfois à l’encontre de ce qui avait été décidé par les députés et des souhaits du Gouvernement.
À cet égard, je tiens à rappeler que le groupe de l’Union centriste a toujours exprimé nettement et unanimement son opposition à la proposition visant à étendre les cas de déchéance de nationalité. Nous avons longuement débattu de cette question en première lecture et le vote du Sénat a été clair.
Monsieur le ministre, nous avons entendu tout à l'heure vos propos pleins d’égards pour le Sénat. Je tiens à saluer la position qui a été retenue sur cette question par les députés, puisque ceux-ci ont entendu nos arguments et renoncé à une mesure qui me paraissait injustifiée.
Malheureusement, si nos collègues députés ont fait preuve de sagesse sur ce point, ils nous ont surpris par un amendement qu’ils ont introduit dans la discussion en deuxième lecture.
L’aménagement législatif dont il est question concerne un sujet qui semblait pourtant faire l’objet d’un consensus républicain : depuis 1889, et à l’exception d’une brève période récente, les enfants qui naissent en France de parents étrangers et qui vivent de façon continue sur le sol national deviennent automatiquement Français à leur majorité, c'est-à-dire, actuellement, à l’âge de dix-huit ans. Cette procédure a permis à de nombreuses personnes de devenir françaises sans que, à ma connaissance, se soit posé le moindre problème.
Je ne veux pas croire qu’il existe un lien entre l’adoption de cet amendement à l’Assemblée nationale et l’abandon de la déchéance de nationalité… Toutefois, force est de constater que ce sont peu ou prou les mêmes parlementaires qui ont porté ces différentes propositions.
Pour notre part, nous sommes persuadés que la modification apportée par les députés est critiquable tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme, tout d'abord, dans le cadre d’un examen en deuxième lecture, il est évident que cet aménagement ne respecte pas la règle constitutionnelle dite – l’image est curieuse, mais compréhensible par tous – « de l’entonnoir ». En effet, il s’agit d’une question nouvelle, qui ne peut être rattachée aux dispositions votées en première lecture par le Parlement.
Ce point a d’ailleurs été rappelé clairement par le rapporteur, François-Noël Buffet, au sein de la commission des lois. Sur le fond, les modifications introduites par les députés paraissent inopportunes et injustifiées. Je le répète, si elles étaient votées ou réintroduites, elles remettraient en cause sans raison valable un principe essentiel de notre droit de la nationalité. Notre commission a donc été très bien inspirée de rejeter – à l'unanimité, si ma mémoire est bonne – cette disposition.
Une deuxième question importante pose problème : le contentieux de l’éloignement. Le Gouvernement est parti du constat que celui-ci souffrait aujourd’hui de graves incohérences procédurales. Les praticiens, qu’ils soient magistrats ou avocats, savent bien que la situation en la matière n’est pas satisfaisante, et qu’il convient au plus vite de sortir de l’enchevêtrement qui caractérise ce contentieux.
Pour autant, dès les travaux en commission des lois, le Sénat avait fait part de ses réserves sur le report à cinq jours du délai d’intervention du juge judiciaire.
L’un des motifs de notre inquiétude était qu’un tel délai créait un risque d’inconstitutionnalité. Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous nous avez parfaitement expliqué que ce laps de temps comprenait les quarante-huit heures de la saisine et les soixante-douze heures qui seraient nécessaires au juge administratif pour se prononcer. (M. le ministre acquiesce.)
Toutefois, le juge administratif ne peut-il statuer en quarante-huit heures ? Certes, vous avez évoqué le risque d’un encombrement de la juridiction administrative, dès lors que celle-ci aura à se prononcer avant le juge judiciaire, mais nous avons besoin de conforter la constitutionnalité du dispositif que nous allons voter.
Aujourd'hui, nous sommes enclins à suivre les décisions du Conseil constitutionnel, aux termes desquelles le délai de quarante-huit heures respectait la Constitution, à la différence d’une saisine du juge judiciaire après sept jours.
Je conviens avec vous que cette question est entourée d’un certain flou et que le juge constitutionnel aura probablement à se prononcer. Toutefois, dans ces circonstances, la solution proposée par le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest – je salue d’ailleurs son initiative –, visant à ramener à quatre jours ce délai d’intervention du juge des libertés et de la détention, nous semble tout à fait satisfaisante.
Enfin, j’évoquerai la question des étrangers malades, qui a suscité de nombreux débats. Il s'agit de l’article 17 ter du projet de loi, qui a été introduit à l’Assemblée nationale en première lecture et qui est relatif à la carte de séjour « étrangers malades ».
Tout allait bien jusqu’à deux arrêts du Conseil d'État du 7 avril 2010, qui ont fait évoluer la pratique en la matière. Nous convenons que, dès lors que cette jurisprudence existe, nous ne pouvons laisser le droit positif en l’état.
En première lecture, nous avions décidé de rejeter l’article 17 ter, car la commission des lois s’était inquiétée des conséquences sur la santé publique d’une telle modification du droit. Toutefois, nous avions déjà l’idée qu’il ne faudrait pas en rester là, mais chercher d’autres solutions.
Aujourd'hui, M. le rapporteur propose une nouvelle rédaction, qui vise à clarifier le dispositif et à supprimer toute ambiguïté. Toutefois, il s’agit aussi et surtout de permettre, dans certains cas, la prise en compte de circonstances particulières tenant à la situation du demandeur.
En effet, si cette rédaction était retenue, il serait explicitement prévu que l’autorité administrative peut prendre en compte des considérations humanitaires et exceptionnelles pour l’attribution du titre de séjour « étrangers malades », et cela après avoir recueilli l’avis du directeur général de l’agence régionale de santé.
Il s'agit d’une disposition tout à fait pertinente. Nous l’avons adoptée ce matin en commission des lois et je vous incite, mes chers collègues, à en faire de même en séance publique.
En conclusion, je souhaite de nouveau saluer le travail réalisé sur ce texte par François-Noël Buffet. Celui-ci a su écouter chacun et faire progresser la rédaction du projet de loi. Sur des points importants, il est parvenu à nous faire revenir à une position plus raisonnable et davantage en accord avec les principes généraux de notre droit, tout en favorisant une meilleure maîtrise des flux migratoires. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons en seconde lecture ce projet de loi sur l’immigration, dont nous cherchons toujours la légitimité.
Monsieur le ministre, je crois que, comme le célèbre sparadrap du capitaine Haddock dans L’Affaire Tournesol, il vous colle aux doigts et accompagne tous vos mouvements... (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Dans la nouvelle distribution des rôles gouvernementaux, vous incarnez, nous dit-on, le méchant, la tendance autoritaire et répressive de la majorité, celle qui est hostile, pour ainsi dire, à tout ce qui n’est pas berrichon. (Mêmes mouvements.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vrai !
M. Richard Yung. J’imagine que toutes vos déclarations récentes sont parfaitement calibrées. Certains affirment, par allusion à un film célèbre, que vous murmurez à l’oreille des électeurs du Front national. Pour ma part, je pense au contraire que vous dites tout haut ce que le président Sarkozy pense tout bas et vous demande de déclarer : « Les Français ont le sentiment de ne plus être chez eux » ; « L’intégration des immigrés a échoué » ; « L’immigration accroît l’insécurité » ; enfin, la semaine dernière : « Il faut remettre en cause l’immigration légale ».
Puisque vous avez échoué à réguler l’immigration illégale, vous vous attaquez à l’immigration légale et, en son sein, au regroupement familial, la cible la plus facile à atteindre. D’ailleurs, Mme Lagarde, personne avisée, ne s’y est pas trompée, ni Mme Parisot. Le parti socialiste est sur la même ligne que Mme Parisot : c’est tout de même extraordinaire ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Depuis le déclenchement des mouvements révolutionnaires et populaires dans les pays d’Afrique du Nord, de nombreux responsables politiques, à droite et à l’extrême-droite, agitent, dans un réflexe pavlovien, le chiffon rouge de l’immigration, même si le chiffre évoqué, élevé certes, de 20 000 personnes, n’est pas caractéristique d’une invasion.
Tout le monde reconnaît qu’il y a là un problème. Il touche d’abord l’Italie, qui est géographiquement en première ligne, comme l’était la Grèce par rapport au Moyen-Orient.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’entre le gouvernement français et le délicat M. Berlusconi, l’image n’a pas été celle d’une franche coopération, avec pour conséquence des ressortissants libyens, somaliens et tunisiens pris en otages, ballotés de réglementations de mauvaise foi en reconduites permanentes.
Je souligne que ces populations viennent dans nos pays, non pas pour y émigrer ou s’y procurer du travail, mais tout simplement pour fuir un danger et se protéger.
Vous le savez aussi bien que moi, 100 000 ressortissants libyens sont partis en Tunisie, 100 000 en Égypte et peut-être 50 000, l’on ne sait précisément, vers le Sud, dans le Sahara ou du côté de Tombouctou.
Il existe une façon simple de faire face à cet afflux de migrants : l’activation de la protection temporaire prévue par la directive européenne de 2001, qui organise en quelque sorte un partage du « fardeau » entre les États membres. Pourtant, lorsque j’ai évoqué cette idée ici même voilà un an, dans le cadre d’une proposition de résolution, on m’a expliqué qu’elle était on ne peut plus saugrenue et que le problème ne se posait pas.
La vérité, c’est que vous n’avez pas de politique d’immigration. Vous naviguez à vue, selon les événements, et le résultat est un échec patent.
Les chiffres que vient de publier le Secrétariat général du Comité interministériel de contrôle de l’immigration sont éloquents. L’immigration de travail ne représente que 15 % des admissions sur le territoire, alors que l’objectif était de 50 % ; l’immigration familiale a baissé de 10 % ces dernières années ; le nombre de bénéficiaires du droit d’asile a chuté de 30 %, malgré l’augmentation du nombre de demandeurs ; le nombre de sans-papiers, de l’ordre de 400 000 – il est naturellement difficile de l’établir de façon exacte –, est resté constant depuis dix ans ; la régularisation des étrangers intégrés se tarit ; enfin, les étrangers sont poursuivis, contrôlés, contraints à des démarches inutiles qui n’en finissent plus.
Pourtant, le résultat des cantonales est clair, me semble-t-il : les Français ne pensent pas que la priorité soit d’organiser des débats bâclés de trois heures sur la laïcité et sur la place de la religion musulmane.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Chacun fait ce qu’il veut ! Vous, vous avez bâclé un projet en une après-midi !
M. Richard Yung. Je peux parler, monsieur le président ? Ce que je vous dis ne vous plaît pas ? Je le comprends, mais c’est la vérité !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je le répète, vous avez bâclé un projet en une après-midi !
M. David Assouline. On parle du chômage, monsieur Hyest !
M. Richard Yung. Nous avons bien examiné cent quarante amendements en quarante minutes ce matin en commission des lois !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est normal ! Vous proposez de supprimer tous les articles, monsieur Yung ! C’est facile !
M. Richard Yung. Les Français vous ont dit que pour eux, ce qui compte, ce sont les vrais débats, la création d’emplois, le pouvoir d’achat, les inégalités sociales. Mais vous ne l’entendez pas, parce que vous êtes dans une politique uniquement répressive.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous ne voulez rien changer !
M. Richard Yung. Le président de la commission des lois n’est pas content ; il m’interrompt tout le temps !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Mais non ! (Sourires.)
M. David Assouline. Restez gentil, monsieur Hyest ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Yung !
M. Richard Yung. Je suis malmené ! (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.) On bâillonne l’opposition ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L’opposition doit être responsable, monsieur Yung !
M. Richard Yung. Vous êtes, disais-je, dans une politique uniquement répressive, que ce soit pour la sécurité ou pour l’immigration : peines accrues, allongements de délais, méfiance à l’égard des juges, suspicion généralisée. Cette politique du tout répressif, c’est une politique du tout négatif. Vous avez une vision négative de la société française et des Français ; vous n’êtes porteur ni d’espoir ni d’avenir pour notre pays.
Vous aimez railler le parti socialiste en prétendant qu’il n’aurait pas de propositions sur la question de l’immigration. Vous glosez souvent sur ce thème.
Je pense que vous êtes mal informés. Je vous renvoie aux différents textes que nous avons publiés, y compris un excellent document intitulé « Le changement », publié ce week-end.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah voilà !
M. Richard Yung. Je rappelle les principales propositions – je ne vais pas lire tout le programme… (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh non, surtout pas ! (Sourires.)
M. Richard Yung. Ce serait long, peut-être fastidieux… Mais il y a un programme, il faut le dire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est le programme « Chevènement » ? « Joxe » ? (Nouveaux sourires.)
M. Richard Yung. D’habitude, on dit que les socialistes sont des gens irresponsables, qui causent continuellement, qui ne savent rien faire d’autre que critiquer et proposer des amendements de suppression, mais qui n’ont pas de propositions à faire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai ! Vous n’avez pratiquement pas de propositions d’amendements !
M. Richard Yung. Eh bien, si, nous en avons ! Nous proposons une politique migratoire mise en œuvre dans une loi de programmation élaborée tous les trois ans en collaboration avec les différents partenaires ; le retour à une politique de régularisation au cas par cas se fondant sur des critères précis – je ne les énumère pas – ; la mise en œuvre d’une politique active et non répressive d’intégration, avec en particulier la délivrance d’une carte de séjour temporaire de trois ans après un an de présence en France ; …
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh bien, ma foi !
M. Richard Yung. … un traitement convenable des migrants dans les préfectures et la simplification des procédures pour les conjoints. On sait comment cela se passe : chacun a lu les articles de presse sur la façon dont sont traités les migrants à la préfecture de police de Paris, …
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh, ça va !
M. Richard Yung. … où l’on admet dix personnes par jour. Les gens font la queue à partir de dix-huit heures le soir, avec l’espoir pour les dix premiers d’être admis le lendemain matin à huit ou neuf heures.
Mme Bariza Khiari. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Richard Yung. Franchement, quelle image pour notre pays !
Nous proposons également de permettre la mobilité des migrants qui, souvent, basculent dans l’illégalité simplement parce qu’ils ont peur de quitter le territoire.
S’agissant de l’immigration irrégulière, que nous voulons combattre avec la plus grande fermeté, nous proposons une nouvelle organisation des services de police chargés de la lutte contre l’immigration illégale, en particulier de la police aux frontières, la PAF, avec une formation plus poussée des personnels.
Enfin, nous proposons une sévérité accrue contre les employeurs de sans-papiers.
J’en viens au présent projet de loi. Je ne passerai pas en revue chacun de ses articles, mais j’en choisirai certains.
Mon premier choix, point le plus important à nos yeux, concerne la remise en cause des juges.
Nicolas Sarkozy n’aime pas les juges, c’est bien connu. Il considère que les juges des libertés et de la détention remettent en cause sa politique du chiffre, c'est-à-dire les fameux 28 000 éloignements, dont on peut d’ailleurs discuter.
Il fallait donc les empêcher de nuire en leur présentant les étrangers placés en rétention le plus tard possible. D’où le délai porté à cinq jours dans le texte issu de l’Assemblée nationale. Il sera peut-être fixé à quatre jours par le Sénat, mais j’ai compris que le Gouvernement n’y était pas favorable.
Pour notre part, nous pensons que c’est, de toute façon, une mauvaise façon d’aborder la question et qu’elle ne change pas le fond du problème. En effet, au motif que la situation où le retenu voyait d’abord le JLD, puis le juge administratif, était susceptible de créer une confusion, nous passons à la situation où le retenu va voir d’abord le juge administratif et ensuite le JLD. À mon avis, cela ne résout rien.
Le seul avantage d’une telle disposition, c’est qu’elle permettra sans doute d’expulser un certain nombre de migrants avant la fin du délai de cinq jours et sans que ces derniers aient vu de juge.
Le deuxième choix a trait à la précarisation du séjour des étrangers en situation légale.
Les migrants sont contraints de renouveler chaque année leur carte de séjour temporaire. Ils doivent faire face à un durcissement des conditions de délivrance des titres de séjour. Dans ces conditions, à l’évidence, un certain nombre d’entre eux basculent et sont acculés à la clandestinité.
Participe également de cette logique la remise en cause du droit au séjour des étrangers gravement malades. Nous aborderons ce point lors de l’examen de l’article 17 ter.
Le troisième choix porte sur le durcissement des conditions d’acquisition de la nationalité française.
Nous nous sommes réjouis de la suppression de la disposition relative à la déchéance de nationalité. C’est d’ailleurs le seul résultat positif du débat en seconde lecture à l’Assemblée nationale, qui nous a valu de beaux commentaires de M. Myard et de M. Vanneste.
Reste que l’Assemblée nationale a supprimé les dispositions que nous avions introduites en première lecture. Fondées sur notre expérience, celles-ci visaient à simplifier la procédure de renouvellement des titres d’identité. J’y reviendrai lors de la discussion des articles.
Le quatrième choix est relatif à la stigmatisation des couples binationaux. C’est un thème récurrent, puisqu’on voit bien toutes ces étrangères qui cherchent à obtenir indûment des visas et éventuellement l’accès à la nationalité française dans des conditions discutables, en séduisant nos beaux et jeunes Français ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Cela fait partie des fantasmes.
Enfin, les deux derniers choix concernent la création des zones d’attente – nous y reviendrons – et, point important, le bannissement des étrangers au travers de la création de l’interdiction de retour sur le territoire français.
Nous avons été déçus par la deuxième lecture du texte à l’Assemblée nationale, les députés ayant supprimé à peu près toutes les dispositions que le Sénat, dans sa sagesse, avait introduites, issues non pas seulement des amendements socialistes, mais aussi de ceux de la majorité.
Le rapporteur a repris une partie des amendements du Sénat, et nous comprenons qu’il cherche à faire flotter notre drapeau un peu plus haut.
Toutefois, je dois dire que les propositions de compromis, qui portent tant sur l’article 17 ter relatif aux migrants malades que sur les dispositions concernant les zones d’attente ou le délai de quatre jours, ne nous satisfont pas.
Sur tous ces points, nous déposerons les amendements nous paraissant utiles, même s’ils n’ont pas rencontré beaucoup d’échos en commission des lois ce matin. En tout état de cause, nous sommes déterminés à nous battre pour nos idées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)