M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Après réflexion – je suis désolé, monsieur le rapporteur, mais ce n’est pas un sujet qui doit nous diviser –, je suis favorable à cet amendement.
Compte tenu de tout ce qui a été dit à différentes reprises – il est vrai que, dans la hiérarchie des normes, cela fait remonter les choses –, j’assume totalement cette position.
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. le président. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.
M. André Trillard. Je suis totalement défavorable à ce volontariat. S’il est compréhensible pour des médecins, un vétérinaire n’arrivera jamais à l’accepter, parce qu’il ne se demande pas s’il intervient sur la base du volontariat ou du devoir.
Ayant du mal à comprendre cette logique, je ne peux admettre que l’on fasse entrer le volontariat dans la permanence des soins. En effet, le parallèle de la permanence des soins non assurée, c’est l’abandon de soins.
M. Hervé Maurey. Très bien !
Mme Annie David. Et parfois la mort !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Représentant un département où les vétérinaires sont plus nombreux que les médecins, je suivrai, pour une fois, l’avis de M. Trillard. (Sourires.) La notion de volontariat est totalement contraire à l’idée qu’un certain nombre de mes collègues – dont Hervé Maurey – et moi-même défendons selon laquelle il faudrait insuffler un peu de mesures coercitives dans le dispositif.
Mon département compte 70 médecins pour 100 000 habitants, et nous ne voyons absolument pas comment la situation pourrait s’améliorer.
Par conséquent, je suis tout à fait hostile à l’amendement de Gilbert Barbier.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Moi, j’ai le sentiment que, si on adopte cet amendement, il ne restera plus rien comme obligation d’intérêt public pour la médecine libérale, plus rien ! (M. André Trillard s’exclame.)
Je ne comprends pas : on « détricote » totalement l’un des objectifs de la loi HPST, qui était tout de même d’assurer un minimum de présence et de permanence médicale pour l’ensemble de la population.
Que l’on ne parle plus de l’égalité devant l’accès au service public ! Certes, la médecine libérale n’est pas un service public, et je ne le critique pas. Mais, ne l’oublions pas, elle est financée par des fonds publics ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. Jacky Le Menn. Voilà !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Je rappellerai simplement que la loi HPST avait mis en place l’obligation de permanence des soins tout en maintenant la possibilité du volontariat. Ne revenir qu’au volontariat, cela voudrait dire, comme l’affirment certains, « détricoter » complètement ce texte, ce qui nous mettrait en contradiction avec l’article L. 6314–1 du code de la santé publique, qui dispose : « Le directeur général de l’agence régionale de santé communique au représentant de l’État dans le département les informations permettant à celui-ci de procéder aux réquisitions… »
Si la permanence des soins n’est fondée que sur le volontariat, il devient impossible de réquisitionner.
Mme Raymonde Le Texier. Évidemment !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je n’ai pas la même lecture que vous, monsieur le rapporteur, parce que, aujourd’hui, chacun le sait, le principe est le volontariat, qui est inscrit dans le code de déontologie.
M. Alain Milon, rapporteur. Tout à fait !
M. Xavier Bertrand, ministre. Le problème posé est non pas la hiérarchie des normes, mais l’organisation du service public. Le présent amendement vise à réaffirmer un principe.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous ne sommes pas non plus d’accord avec cet amendement, vous vous en doutez, mon cher collègue Gilbert Barbier ! Je me rallie donc pour une fois aux arguments qui ont été avancés sur les travées opposées aux nôtres.
Quand il s’agit de la permanence des soins, on ne devrait même pas se poser la question. Comme vous l’avez dit, la disparition de la permanence des soins, c’est l’abandon des soins ; parfois, cela peut aboutir à des situations dramatiques pour les patients.
Devenir médecin, c’est s’engager non seulement à respecter un code de déontologie mais aussi à exercer un métier dédié aux autres, dont la raison d’être est de sauver des vies humaines. C’est d’ailleurs l’argument qu’invoquent certains médecins pour refuser de pratiquer les interruptions volontaires de grossesse, position au demeurant tout à fait respectable. Mais il n’empêche que les médecins sont effectivement là pour soigner leurs patients !
Dans ces conditions, on ne peut pas dire, me semble-t-il, que la permanence de soins doit être assurée sur la base du volontariat.
M. André Trillard. Elle doit être assurée !
Mme Annie David. Elle fait partie intégrante des contraintes de ce beau métier : on est parfois appelé en pleine nuit, le week-end, à des moments où l’on aimerait effectivement ne pas être dérangé. Mais c’est cela aussi, être médecin !
M. le président. L'amendement n° 77, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À l'article L. 1313-5, les mots : « en application du titre IV du livre 1er de la cinquième partie » sont supprimés ;
2° Aux articles L. 4112-2, L. 4123-10 et L. 4123-12, les mots : « médecin inspecteur départemental de santé publique » sont remplacés par les mots : « médecin désigné par le directeur général de l'agence régionale de santé » ;
3° Aux articles L. 4132-9, L. 4142-5, et L. 4152-8, les mots : « Le médecin inspecteur régional de santé publique » sont remplacé par les mots : « Le médecin désigné par le directeur général de l'agence régionale de santé » ;
4° À l'article L. 4232-5, les mots : « au pharmacien inspecteur régional de santé publique » sont remplacés par les mots : « à un pharmacien désigné par le directeur général de l'agence régionale de santé » ;
5° À l'article L. 6142-11, les mots : « le médecin inspecteur régional de santé publique ou le pharmacien inspecteur régional » sont remplacés par les mots : « le médecin ou le pharmacien désigné par le directeur général de l'agence régionale de santé» ;
6° À l'article L. 5463-1, les mots : « les médecins inspecteurs départementaux de santé publique » sont remplacés par les mots : « les médecins désignés par le directeur général de l'agence régionale de santé » ;
7° Au troisième alinéa de l'article L. 4321-16, la phrase : « Il valide et contrôle la gestion des conseils départementaux ou interdépartementaux » est remplacée par la phrase : « Il valide et contrôle la gestion des conseils régionaux ou interrégionaux ainsi que départementaux ou interdépartementaux » ;
8° À l'article L. 3711-4, les mots : « L'État prend » sont remplacés par les mots : « Les agences régionales de santé prennent » ;
9° À l'article L. 5126-2 les mots : « de l'agence régionale de l'hospitalisation » sont remplacés par les mots : « général de l'agence régionale de santé » ;
10° À l'article L. 5126-3, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « septième » ;
11° À l'article L. 6122-6, les mots : « délibéré par la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation » sont remplacés par les mots : « conclu avec le directeur général de l'agence régionale de santé » ;
12° À l'article L. 6141-7-2, les mots : « directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation » sont remplacés par les mots : « directeur général de l'agence régionale de santé » ;
13° À l'article L. 6145-8, les mots : « conseil d'administration » sont remplacés par les mots : « conseil de surveillance » ;
14° Le dernier alinéa de l'article L. 6148-1 est supprimé ;
15° À l'article L. 6162-8, les mots : « la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation » sont remplacés par les mots : « l'agence régionale de santé » et les mots : « le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation » sont remplacés par les mots : « le directeur général de l'agence régionale de santé » ;
16° À l'article L. 6163-9, les mots : « de l'hospitalisation » sont remplacés par les mots : « de santé ».
II. - Le code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° À l'article L. 313-22-1, la référence : « L. 1425-1 » est remplacée par la référence : « L. 1427-1 » ;
2° Au troisième alinéa (b) de l'article L. 313-3, la référence : « 3° » est supprimée ;
3° À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 313-12-2, la référence : « 3° » est supprimée.
III. - Le deuxième alinéa de l'article 52 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique est ainsi modifié :
1° Les mots : « représentant de l'État dans le département » sont remplacés par les mots : « directeur général de l'agence régionale de santé » ;
2° Les mots : « un autre département » sont remplacés par les mots : « une autre région ».
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Favorable !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 17.
L'amendement n° 78, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les articles 10 et 11 sont applicables à Wallis-et-Futuna.
II. - Le 1° de l'article 11 est applicable en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
III. - Le chapitre II du titre II du livre VIII de la troisième partie du code de la santé publique est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L. 3822-5. - L'article L. 3511-2-1 est applicable à Wallis-et-Futuna. »
La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Cet amendement vise à transposer à l’outre-mer l’ensemble des dispositifs qui auront été adoptés, je le souhaite, par le Sénat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Favorable !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 17.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je m’exprimerai au nom du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, puisque, comme vous l’avez remarqué, mes chers collègues, Guy Fischer préside la séance…
Mme Nathalie Goulet. Magistralement !
Mme Annie David. … magistralement, en effet - quoiqu’un peu rapidement à mon goût ! (Sourires.) – et ne peut donc pas expliquer notre vote.
Après l’examen en deux temps de cette proposition de loi, les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche émettent un avis défavorable.
Mme Annie David. En effet, nous sommes confortés dans l’idée que cette proposition de loi n’est en réalité qu’un texte d’opportunité, destiné à satisfaire et à rassurer les médecins que l’adoption de la loi HPST avait inquiétés, principalement à cause des contrats solidaires, inapplicables localement et qui, nous continuons à le penser, ne sont pas de nature à répondre aux besoins de nos concitoyens en matière de santé.
Et c’est bien là pour nous tout le problème !
Pour ne pas vous fâcher avec les professionnels de santé, particulièrement à l’approche d’échéances électorales, vous persistez dans la voie du volontariat, de l’incitation, même si ce dernier amendement n’a pas été adopté.
Or cette formule a échoué. On le voit bien aujourd’hui dans nos territoires, l’accès aux soins et à des tarifs opposables, c’est-à-dire sans dépassements d’honoraires, est devenu de plus en plus compliqué, parfois presque impossible dans certaines spécialités.
En la matière, nous avons avec vous une opposition de fond, mes chers collègues. M. Fourcade l’a effectivement montré tout à l’heure en s’opposant à l’un de nos amendements. Évidemment, nous n’appartenons pas au même groupe !
M. Jean-Pierre Fourcade. Absolument !
Mme Annie David. Et l’opposition est encore plus grande avec vous, monsieur le ministre.
Pour nous, ce qui prime avant tout, c’est la satisfaction des besoins des populations en matière de santé, considérant que leur mauvaise prise en compte ou leur non-prise en compte fait courir des risques aux patients eux-mêmes, bien évidemment, mais également à notre système de santé.
Les urgences hospitalières sont, chacun le sait, saturées par des patients qui se dirigent vers les structures hospitalières soit par manque de médecins, soit par impossibilité de faire face aux dépassements d’honoraires ou même à l’avance des frais. Or on sait également que ce qui mine le service public hospitalier, ce sont les soins non programmés.
C’est pourquoi nous sommes persuadés qu’il faut rompre aujourd’hui avec la logique de la survalorisation de la médecine libérale. Certes, celle-ci a toute sa place dans notre système, mais il est également de notre responsabilité d’assurer l’accès de toutes et de tous à la santé et de prendre les mesures qui s’imposent.
Oui, pour nous, la loi doit garantir aux patients le droit d’accès à la santé, et aux tarifs conventionnels, ce qui implique que la loi interdise ou limite sérieusement les dépassements d’honoraires.
Oui, pour nous, la loi doit garantir l’accès de toutes et de tous aux médecins dont ils ont besoin, avec des distances à parcourir et des temps de trajets raisonnables. Cela veut dire que la loi doit prévoir, dans certains cas, de limiter les installations de médecins dans les zones surdenses et de favoriser les zones sous-dotées, notamment en prévoyant l’impossibilité pour les professionnels d’adhérer à la convention, comme cela a d’ailleurs été fait pour les infirmiers, je le rappelle.
Oui, pour nous, la loi doit prévoir des mécanismes innovants pour favoriser l’exercice collectif et regroupé, et ce avec pour objectif la satisfaction des besoins des populations. C’est pourquoi nous considérons que, si ces structures bénéficient des financements publics, elles doivent impérativement appliquer le tiers payant et respecter les tarifs opposables. Car – c’est une autre différence entre nous, monsieur le ministre – pour nous, les financements publics, parce qu’ils sont rares, ne doivent être attribués qu’à la condition de respecter certains critères, dont les critères sociaux que je viens d’énumérer.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi, qui n’est pas le texte attendu par celles et ceux, de plus en plus nombreux, qui peinent à accéder aux soins.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Tout à l’heure, prenant la parole après notre collègue André Trillard, j’ai rappelé que le département de l’Orne connaissait une démographie médicale absolument catastrophique, puisque nous avons 70 médecins pour 100 000 habitants. Nous sommes juste devant l’Eure et la situation est extrêmement difficile. (M. Hervé Maurey fait un signe d’approbation.)
Je mentionnerai un article sur l’installation des nouveaux médecins, publié cette semaine à la Une de L’Orne combattante – un journal du bocage – et intitulé : « Futurs médecins, le chantage », avec, sous une photo, la légende suivante : « Les internes en médecine veulent bien faire leur stage dans l’Orne, mais pas s’y installer à moins d’incitations financières. » C’est absolument incroyable !
Nous avons là l’illustration de l’effet pervers des subventions. Nous avons cité à plusieurs reprises, le 13 janvier dernier, dans ce même hémicycle, à l’occasion d’un débat sur la désertification médicale, l’intervention de Roselyne Bachelot-Narquin nous expliquant que l’État payait les études des médecins, évaluées à environ à 200 000 euros, que le contribuable et les collectivités territoriales payaient leur installation dans le cadre de maisons de santé – on sait qu’elles sont importantes mais pas encore déterminantes, car on peut avoir des maisons de santé qui sont, par ailleurs, dépourvues de médecins – et enfin que le contribuable et la sécurité sociale remboursaient les soins, tout cela ne laissant qu’une part extrêmement résiduelle, et de plus en plus réduite, au côté libéral de la médecine.
Notre collègue Yves Détraigne nous le rappelait tout à l’heure, les élèves de l’École nationale d’administration doivent un certain nombre d’années à l’État. Il n’y a absolument aucune raison de ne pas prendre quelques mesures coercitives pour que les médecins s’installent en zones rurales et en zones difficiles.
Aussi, à cause de l’article 2, qui vise à assouplir les quelques dispositions un peu contraignantes que nous avions pu prendre dans la loi HPST, et malgré mon respect pour notre collègue Jean-Pierre Fourcade, je ne voterai pas cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Comme Nathalie Goulet, je ne voterai pas cette proposition de loi et j’en suis, comme elle, assez désolé, parce que j’ai beaucoup de respect et d’estime pour Jean-Pierre Fourcade. Mais, en mon âme et conscience, je ne vois pas comment je pourrais voter ce texte.
La situation a été très bien résumée par le titre d’un article du quotidien Le Monde, voilà à peine quelques semaines : « Les déserts médicaux avancent, le Gouvernement recule. » Malheureusement, c’est la réalité !
On sait très bien que, au regard de la démographie médicale, la situation des territoires ruraux, et parfois même des territoires périurbains, est dramatique.
On sait très bien qu’il faudrait prendre des mesures fortes, et non seulement on ne le fait pas, mais on a voulu, dans cette proposition de loi, revenir sur des dispositions de la loi HPST sans même attendre le bilan prévu, des dispositions que, dans certains cas, le ministre précédent avait déclaré mettre entre parenthèses, ce qui était tout de même la marque évidente d’un certain mépris du Parlement.
On a vidé de son sens le contrat santé solidarité.
On a même voulu – heureusement, cet après-midi, dans un élan en faveur de l’intérêt général et du service public, le Sénat s’y est opposé – empêcher l’adoption de la disposition imposant aux médecins de tenir informé le Conseil de l’ordre lorsqu’ils s’absentent.
Bref, nous sommes devant une proposition de loi qui prend uniquement en compte les demandes des médecins. M. le ministre avait d’ailleurs déclaré que ce texte répondait aux attentes des professionnels.
M. Hervé Maurey. Pour ma part, je pense qu’un texte de loi doit répondre non pas aux attentes de professionnels, quels qu’ils soient, mais à l’intérêt général. (Mme Annie David fait un signe d’approbation.) Lorsque l’on vote un texte financier, un texte de régulation bancaire, le fait-on pour faire plaisir aux banquiers ? On le fait pour essayer de satisfaire l’intérêt général et, là, de toute évidence, ce n’est pas le cas.
J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour les médecins ; ils suivent des études longues et difficiles ; leur mission est éminemment délicate, car elle touche à notre santé et, dans certains cas, à notre vie, mais cela n’implique pas que leur intérêt soit supérieur à l’intérêt général.
Pour moi, l’intérêt général, c’est le libre accès aux soins et l’égalité des territoires.
Je voudrais, à cet égard, vous citer très précisément ce que disait ici Bruno Lemaire, le 13 janvier dernier, dans un débat sur les territoires ruraux : « La première priorité c’est l’accès aux soins […] Je le dis avec beaucoup de gravité : il est tout à fait inacceptable et contraire au pacte républicain qu’un délai de quatre à six mois soit nécessaire pour obtenir un rendez-vous chez un orthophoniste ou un dentiste lorsque l’on vit dans une commune rurale de l’Eure […] Cela représente une inégalité inacceptable et scandaleuse entre citoyens. »
Je suis tout à fait d’accord avec cette approche comme avec celle du Président de la République, lorsqu’il disait, en 2008, qu’en matière de démographie médicale, il faut, au minimum, s’inspirer de ce qui est fait pour les infirmières : il y a conventionnement uniquement lorsqu’elles s’installent dans des zones où il y a des besoins.
Or, depuis, on le voit bien, le Gouvernement a effectué un virage à 180 degrés, avec un unique objectif : tenter de regagner l’électorat médical.
On ne prend donc plus aucune mesure qui puisse contrarier si peu que ce soit les médecins. Il n’y a plus que des dispositions incitatives, et elles coûtent sans doute très cher, mais on ne sait pas combien exactement.
À une époque où, à juste titre, le Gouvernement veut maîtriser la dépense publique, on met en place tous azimuts des dispositifs à l’échelon de l’État, des collectivités locales et de l’assurance maladie. On assiste, comme l’a rappelé Nathalie Goulet en citant un article de presse, à des surenchères territoriales où l’on va au plus offrant. Bref, on se lance dans une espèce de course sans savoir très bien où l’on va, ce que cela coûtera et avec quelles conséquences, mais a priori ce n’est pas grave…
Dans mon département, mais ce n’est pas le seul, on construit des maisons médicalisées ; c’est très bien. On y met beaucoup d’argent ; c’est très bien. Mais, lorsque je demande à tel ou tel maire s’il a trouvé un médecin pour sa maison médicalisée, il me répond que non. Voilà le résultat ! (M. le ministre s’exclame.)
Pour ma part, je souhaite simplement que ce texte qui, malheureusement, sera sans doute adopté, fasse dans quelque temps l’objet d’une évaluation au regard tant de son coût total que de son efficacité. Mais je prends ici solennellement le pari, comme je l’ai déjà fait dans cette enceinte, que, dans quelques années, on constatera que tout cela a été inefficace et qu’un gouvernement qui, je l’espère, sera issu de notre majorité osera prendre des mesures courageuses.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, entrant dans l’hémicycle à la reprise de la discussion des articles de cette proposition de loi, je n’avais aucun a priori, mais j’avoue que le débat qui vient d’avoir lieu me conduit à suivre la position de mes collègues Nathalie Goulet et Hervé Maurey : je voterai contre ce texte !
Franchement, j’ai l’impression que le peu d’obligations de service public imposé par la loi HPST dans l’intérêt général de la population de notre pays disparaît avec ce texte. Et pourtant, qui finance les études des médecins ? La collectivité publique, sur fonds publics !
M. Alain Milon, rapporteur. Tout à fait !
M. Yves Détraigne. Je ne remets pas en cause les bienfaits de la médecine libérale, mais j’affirme que les médecins libéraux ont un minimum d’obligations envers la collectivité en contrepartie du financement de leurs études et de la prise en charge par la collectivité publique des prescriptions qui, elles, sont libérales, ce dont je me réjouis.
Mme Raymonde Le Texier. Très juste !
M. Yves Détraigne. Il est de l’intérêt général que l’ensemble de la population ait accès aux soins dans les mêmes conditions et que chacun soit bien soigné.
Mme Annie David. Exactement !
M. Yves Détraigne. Or j’ai l’impression que les quelques contraintes qui avaient été introduites dans la loi HPST – en réalité, il n’y avait pas d’obligations, tout au plus des incitations ! – pour remplir cette mission d’intérêt général disparaissent, ce que je ne comprends pas.
C’est la raison pour laquelle je voterai contre ce texte.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, je tiens à remercier tous ceux de nos collègues qui sont intervenus dans ce long débat – plus de huit heures -, pour modifier cette proposition de loi.
Ce texte résulte des travaux menés par le comité d’évaluation de la mise en œuvre des dispositions relatives à la modernisation des établissements de santé de la loi HPST, qui a procédé à une cinquantaine d’auditions et réalisé des déplacements dans trois régions métropolitaines et deux régions d’outre-mer, au cours desquels j’ai rencontré la totalité des acteurs, praticiens non médecins, médecins libéraux, médecins hospitaliers, etc.
Le problème qui se pose est non pas d’avoir un médecin dans chaque commune, mais de proposer une offre de soins convenable. Partout, j’ai constaté un blocage chez les médecins libéraux et j’ai observé que l’on ne pouvait pas mettre en place de coopérations inter-établissements ni des réseaux de soins efficients sans délester la loi HPST de quelques mesures que vous rattachez au service public, mais qui, selon moi, n’ont rien à voir avec l’objet fondamental du texte.
Il fallait donc offrir aux professionnels de santé souhaitant se regrouper l’outil efficace qui faisait défaut. C’est ainsi qu’a été adopté l’article 1er relatif à la création de la société interprofessionnelle de soins ambulatoires.
Cet article est essentiel, car il permet de pallier les inconvénients de la désertification, en associant les médecins aux autres professionnels de santé que sont, entre autres, les infirmiers, les kinésithérapeutes ou encore les orthoptistes, avec des conditions sociales et fiscales tout à fait nouvelles. Cet outil manquait dans la loi.
Par ailleurs, nous avons proposé de supprimer un certain nombre de dispositions de la loi HPST qui étaient désagréables. On peut faire travailler l’ordre des médecins. J’ai moi-même longuement discuté avec les membres du bureau du Conseil national de l’ordre des médecins des dispositifs en cours et nous avons cherché ensemble un système qui ne soit ni autoritaire, ni contraignant. Cela s’est fait en Seine-Saint-Denis, en Martinique, dans d’autres départements encore.
Mes chers collègues, vous avez beaucoup ajouté à cette proposition de loi, y compris s’agissant des sages-femmes,…