Article 17
La présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 17
M. le président. L'amendement n° 162, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code des douanes de Mayotte est ainsi modifié :
1° L'intitulé du paragraphe 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre XI est complété par les mots : « et retenue douanière » ;
2° Le 3 de l'article 193 est abrogé ;
3° Le paragraphe 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre XI est complété par dix articles 193-1 à 193-10 ainsi rédigés :
« Art. 193-1. - Les agents des douanes ne peuvent procéder à l'arrestation et au placement en retenue douanière d'une personne qu'en cas de flagrant délit douanier puni d'une peine d'emprisonnement et lorsque cette mesure est justifiée par les nécessités de l'enquête douanière.
« Art. 193-2. - La durée de la retenue douanière ne peut excéder vingt-quatre heures.
« Toutefois, la retenue peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, si les nécessités de l'enquête douanière le justifient.
« L'autorisation est accordée dans les conditions prévues au II de l'article 63 du code de procédure pénale.
« Art. 193-3. - Dès le début de la retenue douanière, le procureur de la République dans le ressort duquel est constaté le flagrant délit en est informé par tout moyen.
« Il est avisé de la qualification des faits qui a été notifiée à la personne. Le procureur de la République peut modifier cette qualification ; dans ce cas, la nouvelle qualification est notifiée à la personne dans les conditions prévues à l'article 193-6.
« Si la mesure doit être exécutée dans un autre ressort que celui du procureur de la République où l'infraction a été constatée, ce dernier en est informé.
« Art. 193-4. - La retenue douanière s'exécute sous le contrôle du procureur de la République qui assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne retenue.
« Il peut se transporter sur les lieux pour vérifier les modalités de la retenue et se faire communiquer les procès-verbaux et registres prévus à cet effet.
« Art. 193-5. - La personne placée en retenue douanière bénéficie du droit de faire prévenir un proche et son employeur, d'être examinée par un médecin et de l'assistance d'un avocat dans les conditions et sous les réserves définies aux articles 63-2, 63-3, 63-3-1, 63-4, 63-4-1, 63-4-2, 63-4-3 et 63-4-4 du code de procédure pénale. Les attributions conférées à l'officier de police judiciaire par les articles 63-2, 63-3, 63-3-1, 63-4-2 et 63-4-3 du même code sont exercées par un agent des douanes.
« Lorsque la personne est retenue pour un délit douanier mentionné au dernier alinéa de l'article 282 ou à l'article 283 du présent code ou pour un délit connexe à une infraction mentionnée à l'article 706-73 du code de procédure pénale, l'intervention de l'avocat peut être différée dans les conditions prévues aux sixième à huitième alinéas de l'article 706-88 du même code.
« Art. 193-6. - La personne placée en retenue douanière est immédiatement informée par un agent des douanes, dans les conditions prévues à l'article 63-1 du code de procédure pénale :
« 1° De son placement en retenue ainsi que de la durée de la mesure et de la prolongation dont celle-ci peut faire l'objet ;
« 2° De la nature et de la date présumée de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ;
« 3° Du fait qu'elle bénéficie des droits énoncés à l'article 193-5 du présent code ;
« 4° Du fait qu'elle a le choix, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.
« Mention de l'information donnée en application du présent article est portée au procès-verbal et émargée par la personne retenue. En cas de refus d'émargement, il en est fait mention.
« Art. 193-7. - Les articles 63-5 et 63-6 et le premier alinéa de l'article 63-7 du code de procédure pénale sont applicables en cas de retenue douanière.
« Les mesures de sécurité mentionnées à l'article 63-6 du même code sont limitativement énumérées par arrêté du ministre chargé des douanes.
« Les attributions conférées à l'officier de police judiciaire par l'article 63-7 du même code sont exercées par un agent des douanes.
« Art. 193-8. - Le procès-verbal de retenue douanière est rédigé conformément au I de l'article 64 du code de procédure pénale.
« Figurent également sur un registre spécial tenu, éventuellement sous forme dématérialisée, dans les locaux de douane susceptibles de recevoir une personne retenue, les mentions prévues au premier alinéa du II du même article 64.
« Art. 193-9. - À l'issue de la retenue douanière, le procureur de la République peut ordonner que la personne retenue soit présentée devant lui, un officier de police judiciaire ou un agent des douanes habilité en application de l'article 28-1 du code de procédure pénale ou qu'elle soit remise en liberté.
« Lorsque les personnes retenues sont placées en garde à vue au terme de la retenue, la durée de celle-ci s'impute sur la durée de la garde à vue.
« Art. 193-10. - En cas de flagrant délit douanier commis par un mineur, la retenue douanière se déroule dans les conditions prévues à l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cet amendement tend à procéder à l'intégration formelle des dispositions modifiant la retenue douanière dans l'ordonnance du 12 octobre 1992 relative au code des douanes applicable à Mayotte.
M. le président. Le sous-amendement n° 173, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 15 de l'amendement n° 162
1° Première phrase
Remplacer les mots :
un proche et son employeur
par les mots :
un proche ou son curateur ou son tuteur, de faire prévenir son employeur
2° Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Lorsque la personne placée en retenue douanière est de nationalité étrangère, elle peut faire contacter les autorités consulaires de son pays.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 162.
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement, sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 173 ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17.
Article 18
(Non modifié)
La présente loi entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant sa publication au Journal officiel et au plus tard le 1er juillet 2011.
M. le président. L'amendement n° 180, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les dispositions de la présente loi sont applicables aux mesures de garde à vue prises à compter de son entrée en vigueur.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cet amendement tend à préciser les modalités d’entrée en vigueur de la réforme, prévue le premier jour du deuxième mois de sa publication au Journal officiel ou, au plus tard, le 1er juillet 2011, date fixée par le Conseil constitutionnel. J’espère que ce texte pourra entrer en vigueur beaucoup plus rapidement !
Les personnes placées en garde à vue pourront alors bénéficier de nouveaux droits, notamment de la présence d'un avocat au cours de leurs auditions. Il convient de préciser que les dispositions de la présente loi ne seront applicables qu'aux gardes à vue débutées à compter de la date d'entrée en vigueur de la réforme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission n’ayant pas examiné cet amendement, je m’exprime ici à titre personnel.
Cet amendement paraissant aller dans le sens d’une bonne administration de la justice, j’y suis favorable.
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé la discussion des articles.
Seconde délibération
M. Michel Mercier, garde des sceaux. En application de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération sur l’article 7 du projet de loi.
M. le président. Je rappelle que, en vertu de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, « avant le vote sur l’ensemble d’un texte, tout ou partie de celui-ci peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission, pour une seconde délibération à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement ».
Quel est l’avis de la commission sur la demande de seconde délibération ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Les dispositions de l’article 7, tel que nous l’avons voté, comportent en effet une incohérence. La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération, acceptée par la commission.
Il n’y a pas d’opposition ?...
La seconde délibération est ordonnée.
La commission est-elle prête à rapporter ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui, monsieur le président.
M. le président. Nous allons procéder à la seconde délibération.
Je rappelle au Sénat les termes de l’article 43, alinéa 6, du règlement : « Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d’amendements et sur les sous-amendements s’appliquant à ces amendements. »
Article 7
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article 7 dans cette rédaction :
Après le même article 63-4, sont insérés quatre articles 63-4–1 à 63-4-4 ainsi rédigés :
« Art. 63-4-1. – À sa demande, l'avocat peut consulter le procès-verbal établi en application du dernier alinéa du I de l'article 63-1 constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés, le certificat médical établi en application de l'article 63-3, ainsi que les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste. Il ne peut en demander ou en réaliser une copie. Il peut toutefois prendre des notes.
« Art. 63-4-2. – La personne gardée à vue peut demander que l'avocat assiste à ses auditions et confrontations. Dans ce cas, la première audition, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d'identité, ne peut débuter sans la présence de l'avocat choisi ou commis d'office avant l'expiration d'un délai de deux heures suivant l'avis adressé dans les conditions prévues à l'article 63-3-1 de la demande formulée par la personne gardée à vue d'être assistée par un avocat. Au cours des auditions ou confrontations, l'avocat peut prendre des notes.
« Si l'avocat se présente après l'expiration du délai prévu au premier alinéa alors qu'une audition ou une confrontation est en cours, celle-ci est interrompue à la demande de la personne gardée à vue afin de lui permettre de s'entretenir avec son avocat dans les conditions prévues à l'article 63-4 et que celui-ci prenne connaissance des documents prévus à l'article 63-4-1. Si la personne gardée à vue ne demande pas à s'entretenir avec son avocat, celui-ci peut assister à l'audition en cours dès son arrivée dans les locaux du service de police judiciaire ou à la confrontation.
« Lorsque les nécessités de l'enquête exigent une audition immédiate de la personne, le procureur de la République peut autoriser, par décision écrite et motivée, l’officier de police judiciaire à débuter l'audition sans attendre l'expiration du délai prévu au premier alinéa.
« À titre exceptionnel, l'officier de police judiciaire peut être autorisé, par décision écrite et motivée prise, selon les distinctions prévues par l’alinéa suivant, par le procureur de la République ou par le juge des libertés et de la détention, à différer la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations, si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes.
« Le procureur de la République ne peut différer la présence de l’avocat que pendant une durée maximale de douze heures. Lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, autoriser à différer la présence de l’avocat, au-delà de la douzième heure, jusqu’à la vingt-quatrième heure. Les autorisations du procureur de la République et du juge des libertés et de la détention sont écrites et motivées par référence aux conditions prévues à l’alinéa précédent au regard des éléments précis et circonstanciés résultant des faits de l’espèce.
« Lorsque, conformément aux dispositions des deux alinéas qui précèdent, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention a autorisé à différer la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations, il peut également, dans les conditions et selon les modalités prévues par ces alinéas, décider que l'avocat ne pourra, pour une durée identique, consulter les procès-verbaux d'audition de la personne gardée à vue.
« Art. 63-4-3. – L'audition ou la confrontation est menée sous la direction de l'officier ou de l'agent de police judiciaire qui peut à tout moment, en cas de difficulté, y mettre un terme et en aviser immédiatement le procureur de la République qui informe, s'il y a lieu, le bâtonnier aux fins de désignation d'un autre avocat.
« À l'issue de chaque audition ou confrontation à laquelle il assiste, l'avocat peut poser des questions. L'officier ou l'agent de police judiciaire ne peut s'opposer aux questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête [ ]. Mention de ce refus est portée au procès-verbal.
« À l'issue de chaque entretien avec la personne gardée à vue et de chaque audition ou confrontation à laquelle il a assisté, l'avocat peut présenter des observations écrites dans lesquelles il peut consigner les questions refusées en application du premier alinéa. Celles-ci sont jointes à la procédure. L'avocat peut adresser ses observations, ou copie de celles-ci, au procureur de la République pendant la durée de la garde à vue.
« Art. 63-4-4. – Sans préjudice de l'exercice des droits de la défense, l'avocat ne peut faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue ni des entretiens avec la personne qu'il assiste, ni des informations qu'il a recueillies en consultant les procès-verbaux et en assistant aux auditions et aux confrontations. »
L'amendement n° A-1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 5
Remplacer les mots :
l'officier de police judiciaire à débuter l'audition
par les mots :
sur demande de l'officier de police judiciaire, que l'audition débute
II. - Alinéa 6
Remplacer les mots :
l'officier de police judiciaire peut être autorisé, par décision écrite et motivée prise, selon les distinctions prévues par l'alinéa suivant, par le procureur de la République ou par le juge des libertés et de la détention, à différer la présence de l'avocat lors des auditions
par les mots :
sur demande de l'officier de police judiciaire, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention, selon les distinctions prévues par l'alinéa suivant, peut autoriser, par décision écrite et motivée, le report de présence de l'avocat lors des auditions
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. L’adoption de cet amendement paraît indispensable au Gouvernement pour rendre le texte totalement cohérent et lever un certain nombre de contradictions entre divers alinéas de l’article 7.
Seul un officier de police judiciaire peut placer une personne en garde à vue ; jamais un agent de police judiciaire ne peut prendre une telle décision.
Aux termes de l’article 15 du code de procédure pénale, la police judiciaire est composée notamment des officiers de police judiciaire et des agents de police judiciaire, l’article 14 explicitant le rôle des uns et des autres. Quant à l’article 20, il détermine la mission des agents de police judiciaire.
Dans l’esprit du Gouvernement, il est tout à fait clair que c’est l’officier de police judiciaire qui dirige l’enquête. Il peut être assisté d’un agent de police judiciaire, qui peut procéder à des auditions sous sa responsabilité et son contrôle.
Cette répartition des tâches est absolument indispensable au bon déroulement des enquêtes, puisque l’on compte 163 000 agents de police judiciaire pour seulement 53 000 officiers de police judiciaire dans la police et la gendarmerie nationale.
Il est donc indispensable que la rédaction de l’article 7 du projet de loi, relatif à la possibilité de report de l’intervention de l’avocat, ne donne pas l’impression que seuls les OPJ pourront désormais procéder à des auditions, d’autant que d’autres dispositions du texte prévoient le contraire.
Il convient, cependant, d’indiquer clairement que le report de l’intervention de l’avocat ne peut être demandé au procureur de la République que par un officier de police judiciaire, et jamais par un agent de police judiciaire. C’est d’ailleurs ce que prévoit l’article 12 en matière de criminalité organisée.
La demande sera faite par un officier de police judiciaire. L’autorisation sera donnée par un magistrat, du parquet ou du siège selon le cas. Si l’autorisation est donnée, l’audition pourra être réalisée par l’OPJ ou, sous sa direction et son contrôle, par un agent de police judiciaire.
L’article 7 doit donc être réécrit dans ce sens. Tel est l’objet de l’amendement que je vous ai présenté au nom du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. M. Mézard et moi portons la responsabilité de cette seconde délibération…
En effet, c’est à la suite de la réécriture de l’article 7 que j’ai proposée à la commission qu’il a été fait référence à l’agent de police judiciaire. M. Mézard a ensuite suggéré de supprimer cette mention, relevant, sans doute à juste titre, qu’une certaine confusion naissait de cette rédaction. Dès lors, le texte issu des travaux de la commission prêtait à confusion quant aux prérogatives des uns et des autres dans la conduite de la garde à vue.
Je pense que l’amendement du Gouvernement permet de clarifier les choses. Il rappelle sans ambiguïté que seul l’officier de police judiciaire peut décider le placement en garde à vue, sans méconnaître le fait que l’agent de police judiciaire peut conduire une audition, comme le dispose l’article 20 du code de procédure pénale.
En tout état de cause, le déroulement de la mesure est placé sous le contrôle du procureur de la République et, dans la nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement, c’est bien l’officier de police judiciaire qui apparaît comme celui qui dirige la garde à vue.
À titre personnel, j’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° A-1.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Ce qui m’inquiète, c’est moins la nouvelle rédaction proposée pour les alinéas 5 et 6 de l’article 7 que l’objet de l’amendement.
Il ne faudrait pas que le rôle et les pouvoirs des agents de police judiciaire soient modifiés. L’article 20 du code de procédure pénale dispose que « les agents de police judiciaire n’ont pas qualité pour décider des mesures de garde à vue ». Nous sommes d’accord sur ce point.
Il est aussi question de l’agent de police judiciaire à l’article 62 du même code, dont le quatrième alinéa précise que « les agents de police judiciaire désignés à l’article 20 peuvent également entendre, sous le contrôle d’un officier de police judiciaire, toutes personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits en cause ».
Il ne faudrait pas que, par suite, les agents de police judiciaire, qui ne peuvent réaliser que certains actes sous le contrôle des officiers de police judiciaire, sortent de leur rôle.
Or l’objet de l’amendement fait mention d’une « pratique courante » : « il est prévu, depuis toujours, que les agents de police judiciaire, qui secondent les officiers de police judiciaire dans leurs enquêtes, peuvent procéder à des auditions, y compris celles des personnes placées en garde à vue, conformément aux dispositions de l’article 20 du code de procédure pénale ».
Je salue la subtilité du rédacteur de ce texte, mais je crois que cette rédaction marque un glissement progressif non pas vers le plaisir, mais vers l’attribution de pouvoirs accrus aux agents de police judiciaire ! (Sourires.) Je regrette qu’un amendement de cette nature nous soit soumis au dernier moment, dans de telles conditions. Aux termes de son objet, « c’est là la pratique courante, qui n’a jamais soulevé de difficulté ni été remise en cause ». Il est facile d’affirmer cela, mais je crains que l’on ne modifie le dispositif du code de procédure pénale.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je crois que nous sommes au fond assez d’accord, monsieur Mézard, sur le contenu de l’amendement.
Les propos que je tiens devant le Sénat m’engagent. Or je crois avoir été particulièrement clair sur les pouvoirs respectifs de l’officier de police judiciaire et de l’agent de police judiciaire : le patron, c’est l’officier de police judiciaire, qui est secondé par l’agent de police judiciaire ; c’est ce que dit, ni plus ni moins, l’article 20 du code de procédure pénale. Les agents de police judiciaire sont des adjoints, des subordonnés de l’OPJ. Ils travaillent sous sa responsabilité et sous son autorité.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Cette réforme, monsieur le garde des sceaux, a été imposée à la chancellerie, dans les conditions que nous savons.
Elle lui a d’abord été imposée par de nombreuses décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, qui ont longtemps été traitées par le dédain.
Elle lui a surtout été imposée, d’une façon beaucoup plus contraignante, par la décision du Conseil constitutionnel.
Elle lui a enfin été imposée par trois arrêts de la Cour de cassation. Vous ne pouviez alors plus vous dérober, monsieur le garde des sceaux, sauf à vous exposer à une série de nullités de gardes à vue. Il fallait réformer !
Mais toutes ces hésitations laissent le sentiment que vous réformez a minima, voire à reculons : deux pas en avant, un pas en arrière, comme un danseur de tango…
M. Alain Anziani. Les trois points de divergence entre nous que nous avions évoqués au début de la discussion du texte subsistent, les débats n’ayant pas permis de les lever.
Tout d’abord, nous regrettons l’insuffisance du pouvoir du juge judiciaire. Nous restons fidèles à l’idée que le juge judiciaire est le gardien des libertés, même si l’on peut discuter sur la notion d’autorité judiciaire. En tout état de cause, nous sommes partisans d’un renforcement du rôle du juge des libertés et de la détention.
Ensuite, nous estimons qu’il fallait fixer, en matière de placement en garde à vue, un seuil de peine d’emprisonnement. En l’état, le texte prévoit simplement que, pour pouvoir être placée en garde à vue, la personne devra être soupçonnée d’avoir commis un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement. Là aussi, nous sommes en retard par rapport à d’autres pays européens : le principe de proportionnalité s’applique en Allemagne, des seuils de peine d’emprisonnement de deux ans et de cinq ans respectivement ont été instaurés en Italie et en Espagne. Nous déplorons cette situation.
Enfin, à propos de l’article 11, vous trouvez que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Pour notre part, nous soutenons que tout suspect doit disposer de droits. Or, à cet égard, ce texte marque un recul dans la mesure où, hors de la garde à vue, le suspect ne pourra pas accéder à un avocat ni même savoir pendant combien de temps il pourra être retenu selon sa « libre volonté »…
Je voudrais maintenant formuler l’interrogation suivante, avec une certaine gravité : quel est le sens du vote que nous allons émettre ?
Comme il convient dans une matière judiciaire, nous avons examiné les deux plateaux de la balance.
Sur l’un des plateaux, il y a un certain nombre de points positifs : par exemple, l’intervention de l’avocat, le fait qu’il est nécessaire que personne mise en cause encoure une peine d’emprisonnement pour pouvoir être placée en garde à vue ou celui que cette mesure soit assortie de droits. Nous constatons ces progrès, même si nous les jugeons insuffisants.
Sur l’autre plateau, nous voyons, outre les trois divergences dont je viens de parler, l’inconstitutionnalité et l’inconventionnalité de ce texte, qui apparaîtront dans les années à venir.
Sur ce plateau pèse également un risque majeur, qu’il vous appartiendra peut-être de corriger, celui d’une garde à vue à double vitesse : l’une pour les riches, qui pourront se faire assister d’un avocat, et l’autre pour les pauvres, privés d’avocat pour la simple raison que le budget de l’aide juridictionnelle est insuffisant, ce qui ne laisse pas de nous inquiéter.
Ayant bien observé les deux plateaux de la balance, nous avons pris une décision.
Nous avons réclamé, pendant des années, que l’avocat soit présent lors de la garde à vue, et n’effectue pas une simple « visite de courtoisie », pour reprendre une expression entendue. Cette présence de l’avocat, elle nous a été refusée durant tout ce temps. Aujourd’hui, alors que nous obtenons enfin gain de cause, nous ne pouvons pas voter purement et simplement contre ce texte ; c'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)