M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. M. Mézard propose d’opérer deux modifications à l’alinéa 6 de l’article 9. Dans sa rédaction issue des travaux de la commission, le texte dispose que : « Lorsqu’il est indispensable pour les nécessités de l’enquête de procéder à des investigations corporelles […] » ; MM. Mézard et Collin proposent la formulation suivante : « sauf impératif spécialement motivé par les nécessités de l’enquête » – ce sont en effet les termes retenus dans la loi pénitentiaire. Pourquoi pas ?
En revanche, la seconde modification que vous proposez, monsieur Mézard, et qui rejoint la préoccupation exprimée par le groupe CRC-SPG pose problème : vous énoncez que les investigations corporelles internes sont obligatoirement autorisées par le juge des libertés et de la détention. Or la commission ne souhaite pas que celui-ci intervienne au début de la garde à vue.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 128 rectifié.
Quant à l’amendement n° 41 présenté par Mme Mathon-Poinat, la commission y est également défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je voudrais tout d’abord rappeler aux auteurs de ces deux amendements, et plus spécialement à M. Mézard puisque ce dernier pose le problème global de ce type de fouilles, que les investigations corporelles internes ne peuvent être ordonnées qu’à titre d’enquête et, dans ce cadre, elles sont assimilées à des perquisitions. En conséquence, une telle investigation peut être décidée par l’officier de police judiciaire sans l’assentiment de la personne concernée uniquement en cas de flagrance. En préliminaire, elle ne pourra être réalisée si la personne s’y oppose.
En pratique, ces investigations sont essentiellement utilisées en flagrance et en matière de trafic de stupéfiants. Dans cette hypothèse, l’investigation doit pouvoir intervenir rapidement, ce qui n’est pas possible si elle est soumise à l’autorisation du juge des libertés et de la détention. C’est assez évident en matière de trafic de stupéfiants : une telle contrainte empêcherait de prouver ce que l’on veut prouver.
C’est la raison pour laquelle je suggère à M. Mézard et à Mme Mathon-Poinat de retirer leurs amendements. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote sur l’amendement n° 128 rectifié.
M. Jacques Mézard. Je n’oserais dire à M. le garde des sceaux que son argumentation me paraît manquer de fondement.
En effet, ce dernier vise le problème du trafic de stupéfiants, mais on ne va pas entrer dans les détails…
M. Jacques Mézard. Je n’en doutais pas, monsieur le ministre. (Nouveaux sourires.) Vous savez cependant comme moi et comme tous les sénateurs ici présents que les constatations établies en matière de stupéfiants s’appuient sur la radiographie, un matériel d’ailleurs très couramment utilisé, en particulier dans les aéroports. Ne mélangeons donc pas des éléments qui sont tout à fait différents.
M. le président. L'amendement n° 93 rectifié, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. 63–7 bis. - Toute nullité relative à la garde à vue est d'ordre public.
« Les formalités mentionnées aux articles 62–3, 62–5, 63, 63–1, 63–2, 63–3, 63-3-1, 63-4, 63-4-1, 63-4-2, 63-4-3, 63-5, 63-6, 63-7, 63-8 et 64 sont prescrites à peine de nullités. Leur violation porte atteinte aux intérêts de la personne gardée à vue au sens de l'article 802 du code de procédure pénale.
La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. L’amendement n° 93 rectifié a pour objet de combler une lacune importante du texte. En effet, alors que celui-ci vise à encadrer plus strictement la procédure de la garde à vue, il ne contient aucune disposition sur le régime des nullités. Quid alors des irrégularités qui surviendront dans le cadre renforcé par le présent texte ?
Sur le fondement de l’article 802 du code de procédure pénale, la jurisprudence de la Cour de cassation distingue les irrégularités faisant grief de celles qui ne font pas grief, seules les premières pouvant emporter la nullité de la garde à vue.
Le législateur peut-il proclamer qu’il renforce le respect des droits de la personne gardée à vue par une série de formalités et diligences inscrites dans le code de procédure pénale et, dans le même temps, refuser d’exercer jusqu’au bout sa compétence en s’abstenant de trancher sur la portée des irrégularités qui seront constatées ?
Où sont alors les garanties effectives de l’exercice des droits ? Seraient-elles dans les interprétations dégagées par la jurisprudence future de la Cour de cassation ?
Ce n’est envisageable au regard ni de l’exigence de protection des droits « effective et concrète » posée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ni du principe de sécurité juridique.
On ne peut pas se permettre d’attendre des années de jurisprudence – à plus forte raison quand on sait que la jurisprudence peut être fluctuante – pour déterminer avec précision l’étendue des nullités et par conséquent pour éclairer utilement la pratique des officiers de police judiciaire. Au titre de la sécurité juridique, les autorités de police et de gendarmerie ont légitimement droit à la fixation dès à présent du régime des nullités dans le projet de loi. Nous ne pouvons leur répondre par le silence…
Le texte doit donc être complété et nous proposons par le présent amendement de prévoir, premièrement, que les différentes formalités introduites pour garantir l’exercice des droits du suspect en garde à vue sont prescrites à peine de nullité ; deuxièmement, que ces nullités sont d’ordre public ; troisièmement, que les irrégularités commises dans ce cadre portent nécessairement atteinte aux intérêts de la personne gardée à vue.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. À l’heure actuelle, il n’y a pas de nullité sans grief, ainsi que le précisent les articles 171 et 802 du code de procédure pénale.
La Cour de cassation a toujours interprété ce principe de manière protectrice s’agissant de la garde à vue, puisqu’elle considère que certaines irrégularités, en particulier les retards de notification ou d’information des magistrats, « font nécessairement grief ».
Cependant, il convient aussi de ne pas fragiliser l’enquête – c’est une de nos préoccupations constantes lorsque nous travaillons sur la procédure pénale – et c’est pourquoi le législateur a toujours renoncé par le passé à inscrire des nullités textuelles dans cette matière.
Le sujet a été abordé par la commission, et nous pensons qu’il est sage d’en rester à cette position. Il est vrai que la question, malgré sa technicité, est fondamentale. Toutefois, la commission ne souhaite pas revenir sur une telle pratique.
Elle a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement partage largement l’avis de la commission.
La nullité d’ordre public n’existe pas dans notre actuel code de procédure pénale. Il s’agit, vous l’avez d’ailleurs rappelé, monsieur le sénateur, d’une notion purement jurisprudentielle dont les contours exacts donnent lieu à discussion dans la doctrine. Comme M. le rapporteur, j’estime qu’un texte relatif à la garde à vue ne saurait être le cadre d’une modification en profondeur du régime des nullités, qui donne lui-même lieu à un contentieux spécifique très complexe et qui touche à toute la procédure pénale.
Par ailleurs, cet amendement me semble inutile. La Cour de cassation a, en effet, une jurisprudence très rigoureuse en la matière ; elle considère notamment que la violation d’une règle relative à la garde à vue cause nécessairement un grief à la personne et justifie l’annulation des actes subséquents.
En conséquence, monsieur Tuheiava, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; dans l’hypothèse où vous ne le feriez pas, j’émettrais un avis défavorable.
M. Richard Tuheiava. Je le maintiens !
M. le président. L'amendement n° 42, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'officier de police judiciaire lui remet une copie du procès-verbal mentionné à l'article 64 du même code.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 9 du projet de loi a été complété à l’Assemblée nationale afin de prévoir qu’à l’issue de la garde à vue la personne doit être informée de l’existence de l’article 77-2 du code de procédure pénale.
S’il est vrai qu’à l’heure actuelle toute personne ayant été placée en garde à vue au cours d’une enquête préliminaire est déjà théoriquement informée à l’issue de la mesure de son droit d’interroger, au terme d’un délai de six mois, le procureur de la République sur la suite donnée à la procédure, les formulaires ne sont pas toujours très complets. Ainsi, il est souvent – pour ne pas dire systématiquement – omis de faire mention de la nécessité d’adresser la demande par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception. De plus, si la personne ne comprend pas bien le français, comment garantir qu’elle comprendra le formulaire ?
La jurisprudence a abondamment dénoncé les lacunes dans la mise en œuvre de ce droit du fait, notamment, de l’absence d’information effective de la personne gardée à vue. Il n’en serait pas moins utile que ce droit soit clairement formulé.
Nous proposons donc qu’à l’issue de la garde à vue l’officier de police judiciaire remette à la personne une copie du procès-verbal mentionné à l’article 64 du code de procédure pénale. Il nous semble d’ailleurs normal qu’une personne ayant subi une telle mesure soit en possession du procès-verbal donnant acte du déroulement de celle-ci.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Pour éclairer le Sénat, je précise que le procès-verbal mentionné par Mme Mathon-Poinat est non pas le procès-verbal d’audition, mais celui qui est visé à l’article 64 du code de procédure pénale et qui retrace dans le détail la chronologie de la garde à vue : heure à laquelle la garde à vue a commencé, heure à laquelle est arrivé l’avocat, heures auxquelles la personne gardée à vue a rencontré le médecin, a pu s’alimenter, moment où elle s’est vu notifier ses droits, etc. Il s’agit donc d’un procès-verbal à caractère judiciaire, bien sûr, mais de nature administrative.
Vous proposez, madame Mathon-Poinat, qu’une copie de ce procès-verbal soit fournie à la personne remise en liberté ; je me permets de vous faire observer que cette dernière a parfaitement connaissance des mentions qui y figurent puisque son émargement est requis pour chacune d’entre elles.
Il me semble dès lors inutile d’alourdir la procédure en prévoyant la communication de ce procès-verbal et j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 179, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. 63-9. - Le procureur de la République compétent pour être avisé des placements en garde à vue, en contrôler le déroulement, en ordonner la prolongation et décider de l’issue de la mesure est celui sous la direction duquel l’enquête est menée.
« Toutefois, le procureur de la République du lieu où est exécutée la garde à vue est également compétent pour la contrôler et en ordonner la prolongation. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement reprend les dispositions qui figuraient à l’alinéa 11 de l’article 1er du projet de loi tel qu’adopté par l’Assemblée nationale, dispositions selon lesquelles sont compétents pour assurer le contrôle de la garde à vue non seulement le procureur de la République chargé du dossier mais également le procureur de la République du ressort dans lequel la garde à vue est exécutée.
La rédaction proposée met en évidence que ces contrôles sont non pas alternatifs mais cumulatifs, ce qui ne peut que constituer une garantie supplémentaire pour la personne retenue : deux contrôles effectués par deux procureurs différents valent mieux qu’un seul contrôle effectué par un seul procureur.
L’amendement prévoit en outre des précisions destinées à éviter des difficultés d’application de cette disposition.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
(Non modifié)
L’article 64 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 64. – I. – L’officier de police judiciaire établit un procès-verbal mentionnant :
« 1° Les motifs justifiant le placement en garde à vue, conformément aux 1° à 6° de l’article 62-3 ;
« 2° La durée des auditions de la personne gardée à vue et des repos qui ont séparé ces auditions, les heures auxquelles elle a pu s’alimenter, le jour et l’heure à partir desquels elle a été gardée à vue, ainsi que le jour et l’heure à partir desquels elle a été soit libérée, soit déférée devant le magistrat compétent ;
« 3° Le cas échéant, les auditions de la personne gardée à vue effectuées dans une autre procédure pendant la durée de la garde à vue ;
« 4° Les informations données et les demandes faites en application des articles 63-2, 63-3 et 63-3-1 et les suites qui leur ont été données ;
« 5° S’il a été procédé à une fouille intégrale ou à des investigations corporelles internes.
« Ces mentions doivent être spécialement émargées par la personne gardée à vue. En cas de refus, il en est fait mention.
« II. – Les mentions et émargements prévus aux 2° et 5° du I concernant les dates et heures du début et de fin de garde à vue et la durée des auditions et des repos séparant ces auditions ainsi que le recours à des fouilles intégrales ou des investigations corporelles internes figurent également sur un registre spécial, tenu à cet effet dans tout local de police ou de gendarmerie susceptible de recevoir une personne gardée à vue. Ce registre peut être tenu sous forme dématérialisée.
« Dans les corps ou services où les officiers de police judiciaire sont astreints à tenir un carnet de déclarations, les mentions et émargements prévus au premier alinéa du présent II sont également portés sur ce carnet. Seules les mentions sont reproduites au procès-verbal qui est transmis à l’autorité judiciaire. »
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
ou si elle a été préalablement auditionnée conformément à l'article 62
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 10 du projet de loi détaille la liste des mentions obligatoires devant figurer au procès-verbal.
L’article 64 du code de procédure pénale est notamment modifié afin que soit mentionné par l’officier de police judiciaire le fait que la personne placée en garde à vue a été auditionnée dans une autre procédure pendant la durée de la garde à vue.
Notre amendement vise à préciser que, si la personne a été préalablement auditionnée en tant que témoin au titre de l’article 62 du code de procédure pénale, il devra en être fait mention dans le procès-verbal.
En effet, il ne ressort par clairement de la rédaction de l’alinéa 5 de l’article 10 du projet de loi que les autres procédures recouvrent celle de l’article 62.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement, comme d’ailleurs les amendements suivants, alourdit assez fortement les formalités auxquelles devront procéder les enquêteurs durant la garde à vue, et cela sans nécessité.
En effet, si une personne gardée à vue a été au préalable auditionnée comme témoin, il y a une trace par ailleurs, et cela figurera donc ultérieurement dans le dossier.
L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. J’indique à Mme Borvo Cohen-Seat que son amendement est satisfait puisque l’alinéa 5 de l’article 10 du projet de loi prévoit que doivent figurer au procès-verbal récapitulatif de la garde à vue les auditions de la personne effectuées dans une autre procédure pendant la garde à vue. Cette disposition recouvre à la fois les auditions en tant que mis en cause et les auditions en tant que suspect.
Je suggère donc à Mme Borvo Cohen-Seat de retirer son amendement, à l’encontre duquel j’émettrai sinon, comme la commission, un avis défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je le maintiens !
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche , est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
et 63-3-1
par les mots :
63-3-1, 63-4-1 et 63-4-2
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. S’agissant d’un domaine touchant aux droits fondamentaux, j’insiste sur le fait qu’un minimum de formalisme est plus que souhaitable, l’absence de formalisme autorisant, on le sait, toutes sortes d’interprétations.
Le procès-verbal, émargé en principe par le gardé à vue, permet un contrôle a posteriori de la garde à vue. Il sera, pour la défense, un support essentiel à toute contestation relative au bon déroulement de la mesure.
Ce document doit donc faire mention de tous les éléments pouvant servir à s’assurer que les droits de la défense ont été mis en œuvre, notamment s’agissant des éléments relatifs à l’intervention de l’avocat et à sa participation aux auditions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission estime que cet amendement est satisfait.
Vous demandez, madame Borvo Cohen-Seat, que toute une série d’informations figurent sur le procès-verbal visé à l’article 64 du code de procédure pénale que j’évoquais tout à l’heure et qui, je le répète, n’est pas le procès-verbal d’audition.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En quoi l’amendement est-il satisfait ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Il est satisfait puisque le procès-verbal porte mention de l’information donnée à la personne sur son droit à l’assistance à un avocat, ainsi que des demandes formulées à ce titre et des suites qui leur sont données. Figureront ainsi, parmi les nombreuses informations contenues dans ce procès-verbal, les mentions relatives à l’intervention du médecin et de l’avocat.
Or le droit à l’assistance d’un avocat recouvre non seulement le droit de s’entretenir avec un avocat, mais aussi l’accès de l’avocat au dossier ainsi que sa participation aux auditions.
Toutes les précisions que vous souhaitez ajouter sont déjà prévues et je demande donc le retrait de votre amendement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne le retirerai pas !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je ne demanderai pas à mon tour à Mme Borvo Cohen-Seat de retirer son amendement - je crains de connaître désormais sa réponse -, mais je lui confirme qu’elle a entièrement satisfaction !
La disposition qu’elle propose serait redondante et ne ferait qu’alourdir le code alors que, en application du texte issu des travaux de la commission, le procès-verbal récapitulatif doit déjà indiquer si la personne a souhaité ou non être assistée d’un avocat et les suites données à cette demande. Il permettra ainsi de vérifier, par exemple, si l’avocat a été contacté et à quel moment.
La mention de ces données, qui sont effectivement importantes puisqu’elles permettent de déterminer si la demande du gardé à vue a bien été respectée, est donc déjà prévue par le projet de loi. La présence ou non de l’avocat aux auditions apparaîtra ensuite dans chaque procès-verbal d’audition.
En conséquence, la précision est inutile et mon avis sera défavorable si vous n’acceptez pas de retirer l’amendement, madame Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je le maintiens !
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
ou des mesures de sécurité, notamment s'il a été fait usage de menottes ou de contrainte physique
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 803 du code de procédure pénale dispose que « nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite ».
En principe, une personne n’est donc soumise à une contrainte physique qu’au cas où un risque avéré doit être circonscrit.
Or, dans la pratique, toute personne « escortée » continue à être systématiquement menottée ou entravée, particulièrement lorsqu’il s’agit de gardés à vue, alors qu’en tout état de cause ils bénéficient de la présomption d’innocence.
Nous souhaitons donc que le procès-verbal mentionne l’ensemble des mesures qui sont contraignantes pour l’individu et qui peuvent porter atteinte au respect de sa dignité ou de son intégrité physique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. J’ai cru un instant devoir comprendre, madame Borvo Cohen-Seat, que toute personne gardée à vue était soumise au port des menottes…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. François Zocchetto, rapporteur. … mais ce n’est, en effet, certainement pas ce que vous vouliez faire entendre.
Je ne donne pas lecture de l’article 803 du code de procédure pénale, comme je comptais le faire, puisque vous avez eu la gentillesse de le citer presque entièrement vous-même, mais je rappelle que le champ d’application de cet article ne se limite pas aux gardes à vue ; c’est même aux escortes qu’il est le plus souvent appliqué.
Ainsi, la circulaire du 1er mars 1993 relative à l’organisation des escortes pénitentiaire des détenus faisant l’objet d’une consultation médicale reprend les termes de l’article 803.
Pour ma part, je me suis interrogé sur l’intérêt qu’il y aurait à ajouter dans le procès-verbal de déroulement des gardes à vue la mention du fait qu’« il a été fait usage de menottes ou de contrainte physique ».
Dans la mesure où cette pratique est strictement encadrée par l’article 803 et par la jurisprudence, cette disposition surchargerait inutilement le nouvel article 64 et j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il mentionne dans ce cas les raisons qui les ont motivées
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certes, nous apprécions que le projet de loi mette un terme au vide juridique concernant les mesures de sécurité et fouilles en garde à vue, notamment en posant le principe de l’interdiction des fouilles à corps intégrales comme mesures de sécurité.
Ces fouilles étaient en effet pratiquées de façon quasi-systématique, sans qu’il soit besoin de les justifier par des circonstances particulières ou de les motiver, contrairement d’ailleurs aux instructions données. Voilà pourquoi je suis très pointilleuse sur les précisions apportées dans la loi : il existe toujours une circulaire déterminant les façons d’opérer, mais la pratique diffère souvent et, le manquement aux consignes mentionnées dans les circulaires n’étant pas sanctionné, il vaut mieux apporter toutes les précisions nécessaires dans la loi.
C’est donc une évolution importante qui nous est proposée.
Toutefois, afin de passer de la proclamation de principe à l’effectivité des droits, il importe que la loi prévoie la sanction des fouilles à corps qui seraient pratiquées de façon abusive.
Pour ce faire, il nous semble qu’il conviendrait de prévoir, dans la rédaction de l’article 64 du code de procédure pénale, que la pratique des investigations corporelles ou des fouilles intégrales soit mentionnée au procès-verbal, ainsi que les raisons pour lesquelles l’officier de police judiciaire a décidé d’y procéder.
Nous estimons, pour notre part, que ces fouilles doivent être justifiées en fonction de circonstances impérieuses de l’espèce et au regard d’un objectif précis, et que tout abus en matière de fouille devrait pouvoir entraîner la nullité de la procédure, indépendamment des mesures disciplinaires engagées.
Dès lors, dans le cas d’un recours exercé à l’encontre de la procédure, le tribunal chargé d’examiner l’affaire pourra annuler la garde à vue dans laquelle une fouille à corps aura été réalisée de façon disproportionnée.