PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 10 rectifié bis ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Vous posez, monsieur Courtois, le droit pour la victime à être assistée d’un avocat. C’est le pendant du droit de la personne gardée à vue de bénéficier également d’un avocat. Cette proposition est conforme à l’esprit du texte, qu’on retrouve dans d’autres endroits du projet de loi. La commission, qui approuve cette précision, est favorable à cet amendement.
En vertu du principe de l’égalité des armes, il va de soi que la victime ne pourra pas bénéficier de l’assistance d’un avocat lorsque l’auteur présumé des faits se verra privé de cette assistance par une décision du procureur de la République. Même si ce n’était pas évoqué par l’amendement, je me permets de le dire. En effet, ce que nous voulons vraiment, c’est l’égalité des armes : si la personne gardée à vue a un avocat, la victime peut avoir un avocat. Si la première est privée de ce droit, la seconde ne pourra pas avoir d’avocat.
À l’inverse, dans les circonstances visées par l’amendement et pour lesquelles nous donnons un avis favorable, il va de soi que la victime est assistée d’un avocat lors de son audition.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je partage l’avis de M. le rapporteur. Le Sénat termine le travail qui a commencé à être mis en œuvre par l’Assemblée nationale. C’est très bien ainsi ! La victime a droit à un avocat.
Je suis d’accord avec l’hypothèse évoquée par M. le rapporteur. Si le procureur de la République a décidé de reporter la présence d’un avocat, il est probable que la victime ne sera pas là. Si cela se produit, je suis tout à fait de l’avis de M. le rapporteur.
M. le président. L'amendement n° 102 rectifié, présenté par MM. Fouché et du Luart, Mme Mélot, MM. Gouteyron, Doligé, Trillard et B. Fournier, Mme Bout et MM. Lefèvre, Cléach, Doublet et Vial, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
est informée de ce droit
par les mots :
se voit notifier son droit à bénéficier de l'assistance d'un avocat par l’officier de police judiciaire ou l’agent de police judiciaire lors du dépôt de plainte et
La parole est à Mme Brigitte Bout.
Mme Brigitte Bout. Il s’agit d’un amendement de précision. Dans un souci d'égalité, le droit pour la victime de bénéficier d'un avocat doit lui être notifié et entrer dans la procédure pénale. Il est essentiel que la victime ait expressément connaissance de ce droit, qui ne doit pas apparaître comme une simple éventualité.
Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Aux termes de cet amendement, il est prévu que la victime se voit notifier le droit à bénéficier d’un avocat lorsqu’elle dépose une plainte auprès de l’officier de police judiciaire.
Le projet de loi prévoit d’ores et déjà que la personne victime est informée de ce droit avant la confrontation, ce qui paraît fournir une garantie suffisante. Dans de très nombreux cas, le dépôt de plainte n’est pas suivi d’une confrontation. Il n’est donc pas nécessaire qu’un avocat soit désigné. La commission vous demande, madame le sénateur, de bien vouloir retirer cet amendement. Sinon, je serais contraint d’émettre en son nom, un avis défavorable.
M. le président. Madame Bout, l'amendement n° 102 rectifié est-il maintenu ?
Mme Brigitte Bout. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 102 rectifié est retiré.
L’amendement n° 125 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« À sa demande, l’avocat peut avoir accès aux pièces du dossier pénal qui concernent directement la personne qu’il assiste.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. J’espère que ma plaidoirie, qui concerne l’assistance de la victime par un avocat, convaincra la Haute Assemblée.
Nous sommes tous convaincus que les victimes doivent être convenablement assistées et défendues ; M. le garde des sceaux opine d’ailleurs du chef...
Cet amendement s’inscrit dans le principe d’égalité des armes entre prévenu et victime présumée, en permettant à l’avocat de la victime d’avoir accès aux pièces du dossier pénal qui intéressent directement son client. Dans la mesure où la garde à vue est justifiée par une suspicion de délit ou de crime au préjudice de la victime, je ne comprendrai pas que nous allions à l’encontre des intérêts de celle-ci.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement est cohérent avec le souhait exprimé par M. Mézard, la semaine dernière, que l’avocat de la personne gardée à vue puisse consulter l’ensemble des pièces du dossier. Le Sénat ne l’avait alors pas suivi, pour des raisons que je ne rappellerai pas ici.
Par cohérence, je ne peux pas accepter que l’avocat de la victime puisse avoir accès au dossier, quand bien même ces pièces ne concerneraient que la victime. J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. M. Mézard est un avocat trop subtil pour ne pas comprendre le principe de l’égalité des armes. Lui-même invoque d’ailleurs cet argument, qu’il a déjà utilisé à plusieurs reprises au cours de ce débat : on ne peut pas donner plus à l’un qu’à l’autre.
Le Sénat n’ayant pas suivi M. Mézard la semaine dernière, je suis contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 7 bis, modifié.
(L’article 7 bis est adopté.)
Article 8
(Non modifié)
L’article 63-5 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 63-5. – La garde à vue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne.
« Seules peuvent être imposées à la personne gardée à vue les mesures de sécurité strictement nécessaires. »
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l’article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 8 pose les principes du respect de la dignité de la personne gardée à vue et de la limitation des mesures de sécurité à celles qui sont strictement nécessaires. Soit ! Il est positif que ces exigences soient rappelées.
Mais qu’en sera-t-il dans la réalité ? Cet article contribuera-t-il à rendre plus acceptables les conditions matérielles de détention, trop souvent indignes aujourd’hui ? Permettez-moi d’en douter !
Le texte ne dit rien, en effet, de ces conditions matérielles. Le projet de loi, tel qu’il se présentait avant son examen par le Conseil d’État, les évoquait ; elles ont disparu depuis lors. En toute logique, rien n’est dit non plus à propos d’une quelconque sanction de leur non-respect.
Nous avions déposé sur cet article 8 un amendement qui était destiné à réparer cette absence et à faire de la dignité un droit ne souffrant aucune dérogation. Nous y invoquions notamment le respect de l’intimité, de la pudeur, de l’hygiène, et les conditions matérielles permettant de garantir ce respect.
Pour garantir l’effectivité de notre amendement, nous avions prévu une sanction : la mise en cause de la responsabilité de l’État en raison du préjudice moral subi par la personne gardée à vue, dans la logique des amendements que nous avions défendus lors de l’examen de la loi pénitentiaire. Cet amendement a été rejeté sous le prétexte qu’il était contraire à l’article 40 de la Constitution.
Nos propositions répondaient pourtant à une injonction du Conseil constitutionnel qui a rappelé, dans sa décision du 30 juillet dernier, que la sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d’asservissement et de dégradation constituait un principe à valeur constitutionnelle. Nous avons voulu sanctionner la méconnaissance de ce principe et donner aux institutions judiciaires les moyens juridiques d’assurer leur mission.
Tant que vous refuserez d’accorder les budgets nécessaires au maintien des locaux de garde à vue dans un état normal et digne, il est clair que les choses ne changeront pas et que cette réforme ne sera pas effective.
Je ne détaillerai pas tout ce qui a été dit et écrit, y compris dans le rapport de notre collègue François Zocchetto, sur les conditions actuelles de la garde à vue : la saleté, les odeurs nauséabondes, l’obligation de quémander une couverture ou le droit d’aller aux toilettes, l’absence de pudeur, d’intimité. Je m’en tiens là pour le constat, car je n’en finirais pas... Permettez-moi de vous renvoyer aux divers rapports du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, que j’ai saisie à plusieurs reprises. Ils sont édifiants !
Mes chers collègues, les prisons françaises ne sont pas les seules, hélas ! à constituer une humiliation pour la République.
Il est temps que la France fasse en sorte de ne plus être montrée du doigt par les organismes internationaux, comme le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, ou le Comité contre la torture des Nations unies.
Je regrette que l’article 40 – dont l’utilisation, on le sait bien, est à géométrie variable ! – nous ait été opposé. De toute façon, les dispositions que vous voterez demeureront nulles et non avenues si les budgets correspondants ne sont pas suffisants.
M. le président. Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
Article additionnel après l'article 8
M. le président. L’amendement n° 39, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article 803 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les deux cas, il est dressé un procès-verbal, versé au dossier, qui motive substantiellement les mesures prises. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Lors de la procédure de garde à vue, il peut arriver que les officiers de police judiciaire aient recours à la contrainte physique. L’article 803 du code de procédure pénale est alors applicable. Comme vous le savez, celui-ci dispose : « Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite ».
Si l’usage abusif de cette mesure peut entraîner la responsabilité de l’État pour voie de fait, comme l’a rappelé dernièrement la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 11 janvier 2011, il n’en demeure pas moins que les effets sur la nullité de la procédure sont très limités.
Dans de nombreuses affaires, les juridictions considèrent que la preuve de l’usage des menottes n’est pas rapportée. De plus, les justifications acceptées par la jurisprudence, notamment au regard du risque de fuite, sont très largement entendues. Par exemple, si une personne arrêtée déclare qu’elle ne veut pas rentrer dans son pays d’origine, cette déclaration suffit à établir que ce risque est réel !
Dans un arrêt du 13 août 2010, la cour d’appel de Douai, validant la légalité d’un menottage justifié par le risque de fuite, a regretté qu’ « aucun des procès-verbaux de la procédure ne [fasse] mention du menottage ».
Compte tenu de la fréquence du recours à cette pratique, nous proposons que l’usage de menottes ou d’entraves soit mentionné dans un procès-verbal versé au dossier, et que les motifs le justifiant y soient également consignés.
Permettez-moi de citer un exemple concret : je connais des syndicalistes qui, ayant occupé un local de la direction générale d’EDF, ont été menottés par la police avant d’être conduits au commissariat et placés en garde à vue pour vingt-quatre heures. Là, ils ont subi toute la panoplie des mesures humiliantes autorisées dans le cadre de cette procédure, comme la confiscation des lunettes et des soutiens-gorge. Comme si ces syndicalistes étaient susceptibles de prendre la fuite ou de se suicider !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. L’article 803 du code de procédure pénale encadre la pratique du menottage. Le caractère exceptionnel de cette pratique justifie qu’un article entier lui soit consacré. Cet article me semble bien rédigé.
Vous avez invoqué, ma chère collègue, la jurisprudence d’une cour d’appel en la matière. Or celle de la Cour de cassation sur le sujet me paraît tout à stable. Il ne me semble donc pas utile de modifier l’article 803 du code de procédure pénale. En conséquence, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si la jurisprudence suffit, pourquoi légiférer ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 39.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 9
Après le même article 63-5, sont insérés trois articles 63-6 à 63-8 ainsi rédigés :
« Art. 63-6. – Les mesures de sécurité ayant pour objet de s’assurer que la personne gardée à vue ne détient aucun objet dangereux pour elle-même ou pour autrui sont définies par arrêté de l’autorité ministérielle compétente. Elles ne peuvent consister en une fouille intégrale.
« La personne gardée à vue dispose, au cours de son audition, des objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de sa dignité.
« Le présent article est également applicable en cas de retenue intervenant en application des articles 141-4, 712-16-3, 716-5 et 803-3.
« Art. 63-7. – Lorsqu’il est indispensable pour les nécessités de l’enquête de procéder à une fouille intégrale d’une personne gardée à vue, celle-ci doit être décidée par un officier de police judiciaire et réalisée dans un espace fermé par une personne de même sexe que la personne faisant l’objet de la fouille. La fouille intégrale n’est possible que si la fouille par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique ne peuvent être réalisées.
« Lorsqu’il est indispensable pour les nécessités de l’enquête de procéder à des investigations corporelles internes sur une personne gardée à vue, celles-ci ne peuvent être réalisées que par un médecin requis à cet effet.
« Art. 63-8. – (Non modifié) À l’issue de la garde à vue, la personne est, sur instruction du procureur de la République sous la direction duquel l’enquête est menée, soit remise en liberté, soit déférée devant ce magistrat.
« Si la personne est remise en liberté à l’issue de la garde à vue sans qu’aucune décision n’ait été prise par le procureur de la République sur l’action publique, les dispositions de l’article 77-2 sont portées à sa connaissance. »
M. le président. L’amendement n° 127 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Après les mots :
des objets
insérer les mots :
, vêtements et sous-vêtements
2° Compléter cet alinéa par les mots :
et de son intimité
La parole est à M. Jacques Mézard, qui est convoqué à la barre ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Pourvu que j’échappe aux menottes et qu’un mandat de dépôt ne soit pas délivré à mon encontre ! M. le garde des sceaux jubilerait sans doute, mais nous n’en sommes pas encore là ! (Nouveaux sourires.)
L’alinéa 3 de l’article 9 précise : « La personne gardée à vue dispose, au cours de son audition, des objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de sa dignité. » Nous souhaitons insérer, après les mots « des objets », les mots « vêtements et sous-vêtements ».
On m’objectera que le mot « objets » inclut forcément les vêtements et sous-vêtements. Il me semble cependant opportun d’ajouter ces derniers mots, compte tenu de certaines dérives – loin d’être générales – qui ont été dénoncées à juste titre et de façon très précise dans les rapports du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, et rappelées à de multiples reprises en séance publique au cours de nos débats sur la garde à vue. Il est dommage, à cet égard, que notre collègue Jean-Pierre Sueur ne soit pas présent pour nous rappeler l’étymologie du mot « objet ».
Pour les mêmes raisons, nous souhaitons compléter cet alinéa en ajoutant, après les mots « au respect de sa dignité », les mots « et de son intimité ».
M. Roland Courteau. Cela paraît logique !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Je crains que cet amendement ne soit contre-productif, dans la mesure où les vêtements et sous-vêtements sont des objets.
Aux termes de l’article 9, la personne gardée à vue doit disposer «, au cours de son audition, des objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de sa dignité ». En établissant une liste de ces objets, le risque existe que des officiers de police judiciaire, raisonnant a contrario, décident de priver la personne auditionnée de ses lunettes, de sa canne ou de sa béquille, par exemple, au motif qu’ils ne figurent pas sur la liste.
Je suggère donc à M. Mézard de bien vouloir retirer son amendement. Il est préférable d’en rester à la définition prévue par la commission, qui retient des termes génériques beaucoup plus larges.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Mézard, l’amendement n° 127 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 40, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
Celle-ci doit être décidée par un officier de police judiciaire et
par les mots :
un officier de police judiciaire peut réaliser celle-ci après autorisation expresse du juge des libertés et de la détention. Elle doit être
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous souhaitons que la fouille intégrale décidée par un officier de police judiciaire soit expressément autorisée par le juge des libertés et de la détention. Cet amendement est conforme à l’article 62–5, inséré dans le code de procédure pénale par le présent projet de loi, qui donne autorité à ce magistrat en matière de contrôle et de légalité de la garde à vue.
La commission des lois a accepté nos amendements tendant à faire reconnaître le caractère exceptionnel de la fouille intégrale. Ce faisant, elle a confirmé que cette procédure était loin d’être anodine.
Chacun convient, en effet, que ces fouilles sont attentatoires à l’intégrité physique et à la dignité des personnes mises en cause. Comme l’a souligné le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son rapport de 2008, les fouilles et les confiscations qu’elles impliquent peuvent être vécues comme une humiliation par les personnes gardées à vue.
Et elles le resteront tant que les conditions matérielles de la garde à vue, notamment les locaux, demeureront aussi déplorables.
La conciliation des droits de la défense et de la protection de l’ordre public – de la sécurité, devrais-je dire – ne saurait justifier une telle situation.
Les fouilles au corps et les conditions dans lesquelles elles se déroulent portent donc atteinte aux droits de la défense. Elles rendent la personne concernée extrêmement vulnérable à ce stade de la procédure, ce qui ne lui facilite pas la préparation de sa défense.
En outre, la garde à vue débouche la plupart du temps sur une comparution immédiate. Il est par conséquent absolument nécessaire que les garanties soient renforcées.
On pourra toujours trouver des « nécessités de l’enquête » à invoquer pour justifier le recours aux fouilles corporelles. Pour que cette pratique change réellement, le juge des libertés et de la détention doit se voir conférer le pouvoir d’ordonner les fouilles, et ce de manière expresse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Les auteurs de l’amendement n° 40 souhaitent subordonner les fouilles intégrales à une autorisation du juge des libertés et de la détention.
Je souhaiterais faire deux remarques à ce propos.
Tout d’abord, le projet de loi a strictement encadré les fouilles intégrales, qui désormais ne peuvent plus être justifiées par des mesures de sécurité ; voilà un premier élément limitatif.
Ensuite, lors de l’examen du texte transmis par l’Assemblée nationale, la commission des lois a intégré au projet de loi un amendement du groupe CRC-SPG présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et devenu l’alinéa 5 de l’article 9 : « La fouille intégrale n’est possible que si la fouille par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique ne peuvent être réalisées. »
Il me semble donc que vos demandes ont été satisfaites, ma chère collègue.
Par conséquent, je vous suggère de retirer votre amendement. À défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable pour les mêmes motifs que la commission.
M. le président. Madame Mathon-Poinat, l'amendement n° 40 est-il maintenu ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Des Esgaulx, MM. Vial et J. Gautier et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toute seconde fouille intégrale d'une personne gardée à vue ainsi que toute fouille intégrale ultérieure ne peut être effectuée que sur décision écrite et spécialement motivée du procureur de la République.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Le présent amendement vise à encadrer la pratique de toute seconde fouille intégrale afin d'éviter toute atteinte à la dignité de la personne gardée à vue ou des humiliations inutiles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Ainsi que je l’indiquais au sujet de l’amendement précédent présenté par Mme Mathon-Poinat, la procédure est déjà très encadrée et s’applique à tous les cas de fouille, ce qui inclut la seconde fouille intégrale.
Celle-ci ne sera donc possible que si les autres moyens de fouille ou de détection ne peuvent être mis en œuvre.
Je suggère à Mme Des Esgaulx de retirer son amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable pour les raisons que j’ai détaillées s’agissant de l’amendement précédent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je reprendrai les propos de M. le rapporteur, en m’exprimant probablement moins bien que ce dernier : compte tenu des progrès notables que permet le texte, notamment en prévoyant un encadrement très strict en matière de fouille intégrale, je demande à Mme Des Esgaulx de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Madame Des Esgaulx, l’amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 128 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé par les nécessités de l’enquête. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin désigné à cet effet par le juge des libertés et de la détention.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il s’agit de modifier l’alinéa 6 de l’article 9, puisque cet alinéa prévoit que, pour les nécessités de l’enquête, des investigations corporelles internes peuvent être réalisées sur une personne gardée à vue, et ce uniquement par un médecin requis à cet effet.
À cet égard, je me souviens des débats sur le projet de loi pénitentiaire. On nous avait expliqué à cette occasion que de telles pratiques n’existaient pas, alors que les rapports d’un certain nombre d’autorités démontraient le contraire.
Il est possible que, dans certains cas, la fouille corporelle interne soit indispensable. Les progrès de la technique devraient néanmoins, au fil des années et des budgets du ministère de la justice, permettre de ne plus recourir à ce type d’investigations.
Pour l’heure, dans le cas où celles-ci seraient nécessaires, il est indispensable qu’elles restent vraiment exceptionnelles. D’ailleurs, si ces pratiques sont aussi rares qu’on nous l’assure, il serait plus raisonnable encore de faire en sorte qu’elles soient autorisées sous le contrôle du juge des libertés et de la détention ; une telle procédure ne viserait en effet qu’un nombre de cas infime chaque année.
Par conséquent, nous proposons de rédiger ainsi l’alinéa 6 : « Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé par les nécessités de l’enquête. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin désigné à cet effet par le juge des libertés et de la détention. »
M. le président. L'amendement n° 41, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
et après autorisation expresse du juge des libertés et de la détention
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Le présent amendement suit la même philosophie que le précédent.
En effet, les investigations corporelles internes sont suffisamment attentatoires aux libertés pour justifier une autorisation préalable du juge des libertés et de la détention.
Le fait que ce type d’investigations soit pratiqué par un médecin ne constitue aucunement une garantie contre l’arbitraire, puisque la décision d’y recourir émane d’un officier de police judiciaire.
Nous estimons par conséquent qu’une telle mesure doit faire l’objet d’une autorisation du juge des libertés et de la détention.