M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Guy Fischer. Je n’ai pas dépassé mon temps de parole, monsieur le président.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Mais si ! De plus d’une minute !
M. Guy Fischer. C’est pourquoi nous considérons qu’il est impératif d’agir aujourd’hui et avec courage pour garantir l’accès de toutes et tous aux tarifs conventionnés.
De tout cela, cette proposition de loi ne parle pas. Elle se limite à une correction à la marge de la loi HPST, son auteur se refusant d’agir sur l’essentiel. Pendant que nous débattons de ce texte, les hôpitaux publics subissent des plans de rigueur sans précédent, et continueront à les subir demain. Les patients continuent à être victimes de discrimination en matière d’accès aux soins, en fonction de leur origine, leur régime d’assurance, leurs ressources financières ou leur lieu de résidence. Cela continuera demain, malgré l’adoption de cette proposition de loi.
S’il fallait, mes chers collègues, ne retenir qu’un seul terme pour résumer ce texte,…
M. le président. Concluez, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. … ce serait sans doute celui de « reconquête », choisi par Le Quotidien du médecin dans un article en date du 14 février dernier, où l’on apprend que la proposition de loi est destinée à « arrondir les angles » entre la majorité et les médecins.
Vous comprendrez aisément que, dans ce contexte, et parce que l’objet de la présente proposition de loi n’est pas la satisfaction des besoins et attentes légitimes de nos concitoyens, nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Roselle Cros, que je suis heureux d’accueillir à l’occasion de sa première intervention à la tribune. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Roselle Cros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nouvelle arrivée dans cet hémicycle et membre de la commission des affaires sociales, je suis d’emblée plongée depuis trois semaines au cœur d’enjeux sociétaux déterminants pour notre pays, notamment en matière de démographie médicale, sujet dont nous traitons aujourd’hui.
En effet, ne nous y trompons pas, cette proposition de loi porte principalement sur cette question. Premier bilan de la loi HPST du 21 juillet 2009, ce texte, dont les sujets sont divers, ne revient absolument pas sur la partie centrale de la loi, à savoir la gouvernance, les principaux articles portant sur le volet ambulatoire, sur lequel je concentrerai mon propos.
Comment lutter contre la désertification médicale et, donc, préserver l’accès aux soins et leur qualité ? Telle est la question posée. Nous sommes déterminés à résoudre ce problème, qui suscite une inquiétude grandissante au sein de la population. La Haute Assemblée en ayant pris conscience a d’ores et déjà consacré à ce sujet une séance de questions cribles.
Je rappelle que la proposition de loi du groupe Union centriste relative à l’organisation de la médecine du travail avait également pour objet de répondre à un problème spécifique de démographie médicale.
Enfin, lors de la question orale du 12 janvier dernier sur la ruralité, Bruno Lemaire a admis que l’égal accès aux soins sur l’ensemble du territoire était une priorité absolue.
Dans la perspective de cette prise de conscience politique largement partagée, la présente proposition de loi, qui paraît encore perfectible sur certains points, est porteuse d’avancées. Elle se place dans une logique d’améliorations progressives permises par les retours d’expérience.
Nous ne pouvons ainsi que souscrire à ses deux premiers articles, qui visent à faciliter l’exercice collectif de la médecine ambulatoire.
En créant la SISA, la société interprofessionnelle de soins ambulatoires, l’article 1er répond à un besoin juridique des professionnels de santé relevant de professions différentes et désireux de s’associer. Aujourd’hui, aucun cadre ne semble satisfaire aux contraintes juridiques et fiscales de tels groupements, ce qui constitue un frein, en particulier pour les jeunes praticiens.
Bien sûr, la SISA n’est peut-être pas la solution miracle, mais elle mérite d’être expérimentée, quitte à ce que le législateur en modifie encore le régime dans l’avenir.
L’article 2, qui vise à préciser le statut des maisons de santé, précédemment modifié par la loi HPST, va dans le même sens.
Je voudrais en cet instant saluer le sérieux et l’excellent travail technique fourni par notre commission des affaires sociales, en particulier par le rapporteur M. Alain Milon, sur ces deux articles.
Ce travail se révèle d’autant plus fondamental que, à terme, – chacun de nous en a bien conscience – nous ne ferons reculer les déserts médicaux qu’en développant l’exercice regroupé et interprofessionnel de la médecine ; c’est une demande des jeunes praticiens, confrontés à l’accroissement de la complexité de leur métier.
En attendant que la pratique médicale évolue en ce sens de façon généralisée, comment influer sur la répartition de l’offre de soins ? Entre incitation et sanction, le cœur des pouvoirs publics balance, semblant désormais pencher pour l’incitation.
Sans vraiment porter atteinte à l’exercice libéral, la loi HPST avait institué des mesures quelque peu contraignantes, sur lesquelles la présente proposition de loi entend revenir, les praticiens les ayant très mal vécues.
Adoptant une position centriste, je crois que, sur ce thème, il faut être nuancé. (M. Jean Arthuis sourit.)
Commençons par employer les termes justes. L’article L. 1434–8 du code de la santé publique prévoit une contribution financière en cas de refus de signature d’un contrat santé solidarité ou de manquement aux obligations qu’il comporte.
Cette contribution ne doit pas être qualifiée de sanction. Ce terme a pu choquer le milieu médical, ce qui se comprend. Les médecins n’acceptent d’être sanctionnés que par leurs pairs. Parlons plutôt de pénalité.
En effet, que nous propose-t-on ?
L’article 3 de la proposition de loi supprime la contribution afférente au contrat santé solidarité. Dans la loi, cette pénalité est encourue par les praticiens à la fois en cas de refus de contractualisation et en cas de non-respect des obligations contractuelles.
Nous approuvons la suppression de la pénalité pour refus de contractualiser. Les médecins sont libres et doivent le demeurer. La base de la contractualisation doit être le volontariat.
M. Jacques Blanc. Très bien !
Mme Roselle Cros. En revanche, il est excessif de supprimer également la pénalité pour non-respect des obligations contractuelles. Il est bien naturel que, comme dans n’importe quel cadre contractuel, le respect des engagements soit assuré. La pénalité n’est qu’une garantie supplémentaire de l’efficacité d’un contrat.
Nous vous présenterons un amendement de compromis en ce sens, amendement qui, soit dit en passant, ne fait que reprendre la position qui avait été celle de notre commission des affaires sociales lors de l’examen de la loi HPST.
L’article 4 de la proposition de loi supprime l’obligation faite aux médecins de déclarer leurs absences programmées dans le cadre de la permanence des soins. Ce faisant, le législateur laisse le conseil de l’Ordre organiser librement cette permanence à l’échelon départemental, sans s’ingérer. Il n’y a rien de choquant à cela ; bien au contraire, c’est une mesure de bon sens.
Il ne faut pas sous-estimer la conscience que les médecins ont de leurs devoirs. Pour la plupart d’entre eux, il est impensable de ne pas organiser leurs départs en vacances, soit, pour les généralistes, en installant un remplaçant dans leur cabinet, soit en renvoyant à un autre généraliste confrère ou, s’ils sont dans l’impossibilité de le faire, en faisant appel au conseil de l’Ordre, et ce sans que la loi les y oblige.
Il faut rendre hommage au sens des responsabilités des médecins, qui n’abandonnent pas leurs patients et se soucient de la continuité des traitements.
Concernant le problème posé par l’article 6 en matière d’information des patients, le Sénat, en général, et le groupe Union centriste, en particulier, étaient et restent très attachés à l’avancée consistant à exiger des professionnels de santé fournisseurs de prothèses, tels que les chirurgiens-dentistes, qu’ils indiquent, de manière dissociée, le prix d’achat de chaque élément de l’appareillage proposé et le prix de toutes les prestations associées. (M. Jean-Pierre Fourcade s’exclame.)
C’est pourquoi non seulement nous défendons le maintien, dans sa rédaction actuelle, de l’article L. 1111–3 du code de la santé publique, mais nous soutiendrons également l’amendement de notre collègue Marie-Thérèse Hermange, qui vise à garantir la traçabilité des produits de santé concernés. Trop de doutes subsistent à l’heure actuelle sur la nocivité ou la fiabilité de certains dispositifs.
En contrepartie de l’abandon de la logique de la sanction, la proposition de loi qui nous est soumise renoue avec une logique d’incitation financière puisque son article 5 rétablit les contrats de bonne pratique et les contrats de santé publique, ce à quoi nous sommes évidemment favorables en dépit des faibles résultats auxquels ils ont abouti. Il conviendra sans doute de faire un effort de communication et d’information en direction des jeunes praticiens pour les leur faire connaître.
Concernant le budget de la CNSA, je voudrais faire part de mon inquiétude relative à la porosité croissante que l’on observe depuis quelque temps entre les budgets du handicap et ceux des personnes âgées.
Nous connaissons les besoins exponentiels des secteurs de la dépendance et du grand âge – nous en avons débattu cette semaine –, mais, dans l’attente de la réforme, rien ne justifie les tentatives successives de ponction sur le budget du handicap.
Monsieur le ministre, s’il est utile de renforcer la professionnalisation des métiers de services, est-il vraiment plus rationnel de fusionner les lignes budgétaires de la formation des professionnels des établissements et services pour personnes âgées avec celles des personnes handicapées ?
Outre le fait qu’une fusion budgétaire a rarement pour objectif d’augmenter les crédits, la formation de ces professionnels n’est pas et ne doit pas être la même, car nous avons affaire à des publics différents.
Si, dans le secteur de la dépendance, il faut former les professionnels à lutter contre la perte d’autonomie des personnes âgées, dans le secteur du handicap, les professionnels doivent être formés pour aider les personnes handicapées à conquérir leur autonomie. Ce n’est pas du tout la même chose !
Cette observation n’a rien d’audacieux puisque le Président de la République a lui-même, dans son récent discours d’introduction au débat sur la dépendance, souhaité dissocier le handicap, qui concerne souvent des populations jeunes, du grand âge, le handicap continuant de relever de la solidarité nationale, le grand âge nécessitant de nouveaux financements.
En conclusion, vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, sous réserve des observations que je viens de faire et des amendements qui seront votés, le groupe Union centriste accueille favorablement le présent texte. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Président de la République, lors de son déplacement à Orbec, dans notre belle Normandie,…
M. Jacky Le Menn. … à la fin de l’année dernière, inquiet de la crise « identitaire » de la médecine de proximité, donc des médecins libéraux, qu’il déclara vouloir « soigner très vite », inquiet surtout des dégâts électoraux risquant d’être générés par son « désamour » vis-à-vis de cette partie du corps médical, dont la représentation syndicale majoritaire n’acceptait pas certaines dispositions de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, annonça urbi et orbi un certain nombre de mesures à prendre toutes affaires cessantes.
Parmi celles-ci, certaines devaient concerner la toute fraîche loi HPST adoptée en juillet 2009, notamment les dispositions destinées à enrayer la désertification médicale, moyennant quelques contraintes âprement discutées lors du débat parlementaire.
Ces dispositions qui visaient à crédibiliser la volonté du législateur dans son objectif de s’attaquer à ce fléau que représente pour nos concitoyens, en milieu rural comme dans de nombreux quartiers et banlieues de nos grandes métropoles, la désertification médicale osaient en effet, timidement, introduire une pénalisation financière à l’encontre des médecins récalcitrants ou pour le moins allergiques à l’idée de devoir, dorénavant, prendre réellement part à la résolution de cette lancinante question de la désertification médicale.
La Confédération des syndicats médicaux français, la CSMF, était irritée, vent debout, même, contre cette loi HPST pour des raisons évidemment bien différentes de celles qu’avait avancées l’opposition parlementaire à l’époque de son examen par les deux assemblées.
Donc, la CSMF, qui entend, nous rapporte la presse, « nettoyer la loi HPST »,…
M. Guy Fischer. Et voilà ! Ils trouvent que nous n’allons pas assez loin !
M. Jacky Le Menn. … manifesta spectaculairement son courroux lors de sa seizième université d’été, tenue à Cannes en septembre dernier, en omettant d’inviter, ce qui était pour le moins fort inélégant, la ministre de la santé alors en exercice. C’était une première, même si vous étiez vous-même présent, monsieur le ministre.
L’orage grondait, il fallait faire vite !
C’est dans ce contexte de « prurit » préélectoral, à quelques semaines des échéances cantonales et, plus important encore, à un an d’autres échéances majeures, que nous devons situer la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui.
Cette proposition de loi a donc été coincée dans une niche parlementaire sénatoriale de la majorité,…
M. Jacques Blanc. Pourquoi « coincée » ?
M. Jacky Le Menn. … niche opportunément dégagée, pour que, en quatre heures, la messe soit dite, pour que des propositions soient adoptées, pour que la loi HPST soit « nettoyée » de ses scories litigieuses et pour que le Président de la République soit satisfait, le corps médical libéral, enfin apaisé, devant tout naturellement retrouver au plus vite le droit chemin, qu’il n’aurait jamais dû quitter, du soutien sans faille, ou plutôt sans grogne, à la politique présidentielle dans le champ de la santé, du moins pour ce qui est de son versant impliquant la médecine libérale.
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. Jacky Le Menn. Le président du comité de suivi de la réforme de la gouvernance des établissements publics de santé, tel que prévu par l’article 35 de la loi HPST, n’écoutant que son devoir, nous concocta aussitôt une proposition de loi visant à corriger les quelques dispositions dérangeantes contenues dans la loi Bachelot.
Ce président, notre collègue Jean-Pierre Fourcade, que je salue, a bien pris soin de faire connaître à la presse qu’il avait fait cette proposition à titre personnel – ce qu’il a rappelé voilà quelques instants –, et pas au nom du comité de suivi.
M. Guy Fischer. Ça…
M. Jacky Le Menn. J’en prends acte.
L’affaire, à savoir les corrections des aspérités dérangeantes de la loi HPST, était trop urgente et ne pouvait attendre le mois de juillet de cette année que l’important travail de maturation et d’élaboration du rapport du comité de suivi soit arrivé à son terme et présenté dans sa cohérence d’ensemble devant la représentation nationale.
Bref, il fallait calmer les démangeaisons préélectorales élyséennes et l’onguent que constitue cette proposition de loi devait pouvoir convenir.
Certes, notre collègue Jean-Pierre Fourcade, dont on connaît la sagesse, a organisé sa proposition de loi autour des trois objectifs qu’il nous a rappelés : mieux organiser les soins, améliorer le domaine de compétences des ARS et simplifier les mécanismes du secteur médico-social. Mais il en aurait été de même au mois de juillet, si ce n’est que les propositions auraient sans doute été plus affinées et, peut-être, plus pertinentes.
Mes collègues interviendront dans cette discussion générale, mais aussi tout au long de l’examen des différents articles, pour préciser les positions de notre groupe sur les diverses dispositions proposées dans ce texte.
Je me limiterai donc à souligner quelques traits particulièrement significatifs de cette proposition de loi après en avoir déploré la rédaction précipitée.
Dans l’ensemble, il s’agit d’un habillage argumentatif sommaire, « limite » sur le plan juridique, compilation de propositions masquant mal l’objectif principal recherché dont j’ai fait état au début de mon intervention, malgré l’utilisation de quelques faux nez sémantiques.
D’abord, comme notre rapporteur, je noterai, concernant les articles consacrés à l’organisation des soins de premier recours, qu’ils constituent le cœur de cette proposition de loi. Ce sujet est effectivement d’actualité ; il a trait à l’exercice pluridisciplinaire de la médecine de proximité et, ce faisant, aurait mérité un traitement particulièrement adapté aux attentes de nos concitoyens comme à celles des professionnels concernés.
Or je suis resté particulièrement interloqué devant la rédaction initiale de l’article 1er, par lequel il nous est proposé de créer une SIA, autrement dit une société interprofessionnelle ambulatoire, qui sera fort heureusement rebaptisée SISA, à savoir société interprofessionnelle de soins ambulatoires, par la commission des affaires sociales sur proposition de son rapporteur, très vigilant.
Il s’agit, nous dit-on, de créer une catégorie juridique idoine dans le droit des sociétés pour « résoudre le problème du versement et de la répartition des rémunérations perçues dans le cadre de l’expérimentation des “nouvelles modalités de rémunération”, les NMR, prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 ».
À la lecture de cet article, il me revint à l’esprit une boutade de notre collègue Paul Blanc, qui ne manque pas d’humour,…
M. Jacques Blanc. En effet !
M. Jacky Le Menn. … à propos d’un autre texte visant à transposer dans notre droit national des dispositions propres à la législation européenne : « Pourquoi faire compliqué lorsqu’on peut faire inextricable ? » (Mme Raymonde Le Texier sourit et M. Guy Fischer applaudit.)
Un morceau d’anthologie : il a fallu pas moins de douze amendements de notre rapporteur, adoptés par la commission des affaires sociales, pour rendre cet article 1er présentable. Cette restauration, en quelque sorte tégumentaire, de l’article 1er initial, destinée à offrir un cadre juridique permettant à des professionnels de santé d’exercer en commun, fera sans doute école dans les savants séminaires de préparation de nos futures élites énarchiques.
Mon groupe ne votera pas l’article 1er, même reconfiguré par notre commission des affaires sociales. En effet, nous restons persuadés qu’il est possible d’élaborer un mécanisme plus simple, permettant la perception et la répartition des rémunérations en cause et pour que s’engage une véritable réflexion de fond sur le cadre juridique dans lequel doit s’exercer la médecine de proximité.
Je relève aussi la rédaction, pour la troisième fois consécutive depuis 2008, d’une définition des maisons de santé créées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Comme notre rapporteur, je pense également qu’il eût été utile, puisqu’on s’essayait à ce type d’exercice, de préciser les statuts des pôles de santé et des réseaux de santé.
Notre commission des affaires sociales a réécrit l’article 2, mais il faudra bien, un jour, remettre l’ouvrage sur le métier si nous voulons donner une cohérence d’ensemble à des propositions normatives permettant d’assurer une véritable organisation des soins de premier recours dans notre pays, ce que nous cherchons en vain dans cette proposition de loi.
À ce niveau, il semble opportun de rappeler que l’article 36 de la loi HPST a défini à la fois les soins de premier recours et les missions du médecin généraliste de premier recours.
Nous l’avions dit à l’époque, quand nous avions abordé cet article au cours de la discussion du projet de loi HPST, la portée normative de ces définitions législatives n’apparaît pas clairement.
Depuis, les spécialistes de ce type de questions l’ont à leur tour relevé. Ainsi, M. Pierre-Louis Bras, professeur associé à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense, a fait remarquer, dans une publication professionnelle, que lesdites définitions législatives avaient, pour l’essentiel, valeur de symbole. Il a ajouté que l’enjeu majeur semble avoir été de reconnaître l’importance des soins primaires mais aussi le rôle éminent joué par les médecins généralistes dans leur dispensation.
Faut-il y voir l’influence du syndicat MG France qui, depuis sa constitution, cherche à affirmer les spécificités de la médecine générale ? Il y a tout lieu de le penser.
Du reste, les pharmaciens d’officine, soucieux de bénéficier d’une même reconnaissance législative, ont pu, à l’époque, également obtenir l’inscription, à l’article 38 de ladite loi, de la définition de leur mission.
Quoi qu’il en soit, s’il est certainement regrettable que la loi soit utilisée non pour établir strictement des droits ou fixer des normes, mais pour témoigner, de façon quelque peu incantatoire, d’une reconnaissance, l’accent mis sur les soins de premier recours est en phase avec de nombreuses réflexions qui insistent sur leur rôle déterminant pour garantir l’efficacité et l’équité du système de soins dans sa globalité.
Vaste question donc, que les articles qui nous sont soumis aujourd’hui dans cette proposition de loi, largement reconfigurée par notre commission des affaires sociales, n’épuisent pas, loin de là !
Cette question méritera d’autres débats et d’autres approches, si nous voulons offrir à nos concitoyens une médecine de proximité et une organisation des soins de premier recours de grande qualité.
Je poursuivrai en évoquant rapidement les fondations hospitalières, autre sujet mis à mal dans sa version HPST par le Conseil d’État. Cette proposition de loi essaye, non sans mal, de revoir leur statut. Ces fondations ont été créées par la loi HPST pour faciliter l’organisation du financement de la recherche médicale et permettre son développement. Il existait déjà des fondations de coopération scientifique, pourquoi un autre dispositif ? La question peut se poser.
De toute façon, comme je l’ai rappelé en commission des affaires sociales, c’est la question d’ensemble, question fondamentale, du niveau global du financement de la recherche en France qui est posée. Et, me semble-t-il, on ne pourra pas résoudre la question du financement de la recherche médicale d’une manière indépendante du financement de l’ensemble de la recherche.
La question est bien aujourd’hui, plus que jamais, de savoir quelle part de son PIB la France entend consacrer à la recherche pour continuer à se maintenir dans le peloton de tête des nations développées.
J’en viens, enfin, à l’essentiel, en quelque sorte et en quelques mots, du véritable objectif poursuivi par cette proposition de loi. Il s’agit de trois articles, les articles 3, 4 et 5, qui justifient – ne soyons pas hypocrites – l’urgence de ce texte, pour son ou ses commanditaires.
Il s’agit, plus particulièrement, au sein de cette triade, de l’article 3 concernant le contrat santé solidarité – contrat non encore rendu opérationnel, puisque les textes réglementaires permettant sa mise en œuvre n’ont, volontairement, pas été publiés.
Que dire de plus clair que ce qu’a déclaré à la presse l’auteur de ce texte, notre collègue Jean-Pierre Fourcade ? Celui-ci a en effet déclaré : « Je souhaite supprimer ou modifier dans la loi HPST toutes les mesures « anti-médecins ».
M. Guy Fischer. Voilà ! C’est clair et net !
M. Jean-Pierre Fourcade. J’assume !
M. Jacky Le Menn. Aussi, pour ce faire, la proposition de loi renvoie le contrat santé solidarité – qui a pour but de favoriser l’exercice médical dans les zones de notre territoire sous-dotées – à la négociation conventionnelle et supprime les sanctions financières – donc, si j’ai bien compris, implicitement jugées anti-médecins – prévues par la loi HPST à l’encontre des praticiens réfractaires refusant de s’engager dans cette démarche ou ne respectant pas les termes de leur engagement.
Mes chers collègues, je le rappelle, nous avons déjà eu sur ce sujet une très longue discussion lors de l’examen de cette question en 2009. Par conséquent, je n’y reviens pas.
Toutefois, pour ce qui me concerne, je ne vois pas pourquoi, nonobstant les déclarations et protestations des responsables syndicaux de la médecine libérale, notamment de la CSMF, l’épineuse et angoissante question de la couverture médicale des zones sous-médicalisées sera spontanément résolue, demain, grâce aux vertus de la seule négociation conventionnelle.
M. Guy Fischer. Illusion !
M. Jacky Le Menn. L’expérience du passé récent et de l’actualité présente témoigne du contraire.
J’espère que la sagesse de nos débats de cette fin d’après-midi nous permettra de trouver une position équilibrée dans l’intérêt premier de nos concitoyens malades qui sont de plus en plus nombreux à souffrir de l’existence de cette sous-médicalisation de pans entiers de notre territoire. Je reviendrai, d’ailleurs, sur ce point lors de l’examen de l’article 3 de cette proposition de loi. (Mme Marie-Thérèse Hermange s’impatiente.)
Enfin, concernant la continuité des soins et l’organisation de la permanence des soins de ville, si nous partageons l’idée du rapporteur qu’il faut dégager des solutions qui ne soient pas inutilement coercitives ou perçues comme telles par le corps médical libéral, il ne faudrait pas pour autant occulter le fait que cette permanence pose problème.
Si, comme le souhaite l’auteur de cette proposition de loi, il peut être plus judicieux de responsabiliser l’ordre des médecins que de mettre en œuvre une disposition ressentie comme autoritaire et inefficace par les médecins – avis que je partage –, encore faut-il que l’on nous dise, d’une manière très précise, quelles dispositions pratiques seront mises en place pour assurer une authentique permanence des soins en ville, à laquelle aspirent nos concitoyens et qui permettra également de désencombrer les services d’urgence des établissements de soins.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jacky Le Menn. Je conclurai là mon intervention. D’autres collègues de mon groupe interviendront dans ce débat pour exposer notre approche et notre position sur les différents articles de cette proposition de loi, notamment en ce qui concerne le secteur médico-social.
Dans le cours de la discussion, nous profiterons aussi de ce texte pour proposer des amendements qu’il nous semble tout aussi urgent d’examiner, compte tenu de leur objet, puisque, monsieur le ministre, votre majorité a choisi d’anticiper le réexamen d’une partie de la loi HPST.
Je termine en précisant que nous serons bien présents dans les échanges qui ne manqueront pas d’avoir lieu dans cette enceinte, lorsque le rapport, que doit commettre le comité de suivi de la loi HPST, aura été déposé sur le bureau de notre assemblée à la fin du mois de juillet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)