M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Ma question s'adresse à Mme la ministre auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
Madame la ministre, je suis heureux de constater que vous allez développer les formations en alternance massivement, avec l’apprentissage.
M. Guy Fischer. L’apprentissage à douze ans !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et même à huit ans !
M. Serge Dassault. C’est pourquoi je voudrais savoir comment vous allez procéder sur le plan budgétaire.
En effet, l’alternance nécessite, d’une part, des centres de formation, CFA, dont le nombre est insuffisant, surtout dans le bâtiment, d’autre part, des entreprises qui veulent des apprentis.
Or, pour diverses raisons, les entreprises qui acceptent des apprentis sont malheureusement très peu nombreuses aujourd’hui.
Il est aussi question d’un accompagnement intensif des chômeurs, ce qui est bien. Encore faudrait-il savoir par qui et comment ? En effet, les effectifs de Pôle emploi et des missions locales sont déjà insuffisants.
M. Didier Boulaud. On pourrait reverser certains bénéfices aux centres d’apprentissage !
M. Serge Dassault. Il faudrait augmenter les budgets de ces deux organismes dans l’intérêt à la fois de leur personnel et des formations proposées.
Je souhaite que les 500 millions d’euros annoncés par M. le Président de la République aillent le moins possible au financement des contrats aidés non marchands, car ils sont d’une efficacité très relative. Je préfère qu’une partie de cette somme soit affectée aux CFA, aux entreprises prenant des apprentis, à Pôle emploi et aux maisons de l’emploi, avec les formations associées.
En tant que rapporteur spécial du budget de l’emploi, vous comprendrez que ces questions me préoccupent particulièrement. J’aimerais savoir combien l’ensemble des moyens nécessaires pour ces opérations va coûter à mon budget.
Je tiens à vous rappeler que le meilleur moyen de réduire le chômage serait de flexibiliser les emplois intérimaires et les contrats de mission, ce qui ne coûterait rien à l’État. Qu’en pensez-vous ?
Enfin, ne pensez-vous pas que si le service militaire n’avait pas été supprimé, tous ces problèmes seraient beaucoup moins critiques ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Didier Boulaud. Demandez à Chirac !
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
Mme Nadine Morano, ministre auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire que notre pays doit développer les formations en alternance et l’apprentissage.
Il suffit de regarder de l’autre côté de la frontière pour s’en convaincre. En Allemagne, le taux de chômage des jeunes est faible, soit 10 % (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), et le taux des entreprises qui utilisent des apprentis…
M. Didier Boulaud. Il vaudrait mieux dire « emploient » plutôt que « utilisent » ! Ils s’en servent comme des kleenex, alors que ce sont des hommes et des femmes
Mme Nadine Morano, ministre. … est supérieur à 60 %, contre seulement 33 % en France.
À l’évidence, le décalage est énorme. L’Allemagne fonctionne depuis des décennies avec une mentalité qui privilégie la formation duale. Or, cette mentalité, nous ne l’avons pas en France, parce que nous nous sommes trompés de stratégie ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Pendant des années, la majorité – qui était à l’époque de gauche (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) – nous tenait le discours selon lequel il fallait amener 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat.
M. Didier Boulaud. Cela va être dur pour vous quand vous retournerez dans l’opposition !
Mme Nadine Morano, ministre. Ce discours était une erreur gigantesque, puisque 100 % des jeunes ont besoin d’être formés, dans toutes les filières.
Vous avez aussi raison de le dire, nous atteignons régulièrement un total de 250 000 emplois non pourvus, faute de trouver du personnel formé pour occuper ces emplois.
Nous disposons, monsieur le sénateur, de plusieurs leviers pour agir.
Premier levier, les 500 millions d’euros du grand emprunt permettront d’investir massivement dans les centres de formation adaptés. Nous aurons des CFA modernisés, des CFA dans lesquels nous mutualiserons les moyens. De plus, si nous voulons former de jeunes apprentis, il est important de pouvoir les héberger sur notre territoire. Nous allons créer pour eux 15 000 places supplémentaires d’hébergement.
Deuxième levier, nous allons, avec Xavier Bertrand, négocier les prochains contrats d’objectifs et de moyens avec les régions. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Didier Boulaud. On se demande avec quoi !
Mme Nadine Morano, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, l’emploi des jeunes, c’est un objectif national partagé ! Chaque année, l’État va investir dans ce domaine 350 millions d’euros en moyenne. Face à un euro engagé par l’État, nous souhaitons que les régions engagent aussi un euro.
Que chacun prenne sa part de responsabilité ! (Bravo ! sur les travées de l’UMP.) Que chacun s’engage pour l’emploi ! C’est une nécessité absolue, attendue par tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
fermeture de services de santé
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.
Monsieur le ministre, les militants du planning familial s’inquiètent de la menace qui pèse pour les femmes sur l’accès à l’avortement dans de bonnes conditions. Elle apparaît comme une remise en cause non avouée d’un droit acquis de haute lutte.
Aujourd’hui, les délais augmentent de façon considérable : les femmes doivent attendre plus de trois semaines pour accéder à ces services et sont renvoyées d’hôpital en hôpital en raison des restructurations liées à la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi « Bachelot », qui a réduit le nombre de services, mais aussi le nombre de médecins pratiquant cet acte.
En outre, le désengagement du secteur privé a fait passer la part du secteur public de 64 % à 70 %, concentrant ainsi les actes et allongeant le temps d’attente. Mises de ce fait hors délais, ces femmes, du moins celles qui le peuvent, sont contraintes d’aller avorter à l’étranger.
La revendication porte sur l’application totale de la loi « Aubry » de 2001, qui dépénalise l’interruption volontaire de grossesse, l’IVG, repousse le délai légal d’avortement de dix à douze semaines, et autorise, en outre, les mineures à se faire avorter sans autorisation parentale.
La protestation, qui prend aujourd’hui beaucoup d’ampleur, est liée à une régression indiscutable causée, d’abord, par la restructuration des hôpitaux et, ensuite, par le peu de mobilisation du personnel médical pour un acte souvent mal accepté, mal perçu et mal rémunéré.
Or l’IVG est un acte médical à part entière, même si de nombreux médecins refusent de l’appliquer après sept semaines de grossesse pour des raisons d’éthique ou parce qu’une fois passé ce délai, l’IVG médicamenteuse – pourtant, mal encadrée et douloureuse –, devient plus chirurgicale. Ces médecins se distancient ainsi de leur responsabilité, mais ce faisant ils enfreignent la loi. Or l’IVG est un acte gynécologique ordinaire.
Par ailleurs, la faiblesse du forfait payé par la sécurité sociale rend son accès difficile pour certaines femmes. Le forfait hospitalier devait être augmenté de 50 %, comme Mme Bachelot s’y était engagée. Il est à espérer que cette promesse a été tenue, mais je n’en suis pas certain.
Ma question repose sur trois points essentiels : quid de l’accueil élargi, y compris aux mineures sans autorisation parentale, dans des services plus nombreux ? Qu’en est-il de l’acceptation d’un délai d’intervention de douze semaines ? À quand la mise en œuvre de l’augmentation promise du forfait hospitalier versé par la sécurité sociale ?
On est en droit d’attendre une réponse claire et précise à une question aussi simple ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Monsieur le sénateur, vous avez oublié l’IVG médicamenteuse ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Plusieurs sénateurs socialistes. Il en a parlé !
Mme Nicole Bricq. Il faut écouter !
M. Xavier Bertrand, ministre. Si nous constatons aujourd’hui un recul du nombre d’interventions chirurgicales, c’est aussi grâce à l’IVG médicamenteuse, qui a trouvé toute sa place.
M. René-Pierre Signé. Elle est dangereuse et douloureuse !
M. Xavier Bertrand, ministre. Sur un tel sujet, il faut faire preuve de clarté. Or vous avez expliqué l’évolution de la situation de façon partielle ! (Protestations sur les mêmes travées.)
Mme Odette Terrade. Il a très bien expliqué !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne comprends pas pourquoi vous êtes gênés par mes arguments ; je ne les ai pas encore développés !
Vous avez tenté d’expliquer la situation en invoquant la restructuration induite par la loi « Bachelot ». Vous savez pertinemment que ce n’est pas la raison du recul des interventions chirurgicales ! Dans notre pays, 5 % des établissements pratiquent 23 % des IVG. Au vu de la bonne tenue de votre exposé, monsieur Signé, je suis certain que vous le savez.
Les fermetures de services étaient justifiées par des motifs liés à la sécurité des patients. En effet, lorsque le nombre des actes médicaux effectués au sein d’un service est inférieur à un certain seuil, cela signifie que le nombre de praticiens y est faible. Or moins les médecins sont nombreux dans un service, et moins les conditions de sécurité sont bonnes pour les patients.
Les raisons de ces fermetures ne répondent pas à un objectif de rentabilité. Au contraire, la proximité en matière sanitaire permettrait à la sécurité sociale de réaliser des économies. Or la fermeture d’un service justifiée par la faiblesse de son effectif de praticiens oblige certains patients à parcourir cinquante ou quatre-vingts kilomètres pour se faire opérer.
M. Guy Fischer. Cela va se généraliser !
M. Xavier Bertrand, ministre. Il faut bien alors payer les transports sanitaires. C’est bien la preuve que nous n’avons pas raisonné en termes d’économies à réaliser, mais de sécurité des actes !
Monsieur le sénateur, Nora Berra et moi-même veillons attentivement, comme Roselyne Bachelot-Narquin l’a fait avant nous, à ce que ce droit – il s’agit bien d’un droit – soit garanti pour toutes les femmes sur l’ensemble du territoire français.
S’agissant des forfaits, la tarification à l’activité doit prendre en compte la juste rémunération de l’acte. J’aurai à cœur de veiller, à l’occasion de la campagne tarifaire, à ce que les missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, les MIGAC, soient bel et bien garanties. L’hôpital ne peut marcher que sur deux jambes : la tarification à l’activité et les MIGAC. Cela n’a pas toujours été le cas par le passé.
Il ne sert à rien de faire croire que le droit régresse et que nous procédons à des restructurations pour réaliser des économies. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Nous restructurons uniquement pour des raisons de sécurité : c’est notre seule ligne directrice. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
utilisation des crédits dépendance par les départements
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Ma question s’adresse à M. le ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargé des collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous éclairer sur la méthode employée pour attribuer les dotations de l’État concernant la prestation de compensation du handicap, la PCH, le revenu de solidarité active, le RSA et l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA ?
L’écart entre les dotations de l’État concernant les trois prestations obligatoires et la dépense réelle supportée par les départements ne cesse de se creuser et constitue une équation impossible. Dans l’attente d’une réforme qui devra faire une plus grande place à la solidarité nationale, ...
M. Didier Boulaud. Ce n’est pas demain la veille !
M. Philippe Adnot. ... vous avez prévu de répartir une première dotation de 75 millions d’euros, attribuée à trente départements dont j’ai la liste sous les yeux.
Intrigué par l’absence ou la présence sur cette liste de certains départements, j’ai procédé à une analyse comparative avec un document qui vient d’être publié par Dexia, établi à partir des comptes administratifs de l’ensemble des départements pour l’année 2009.
Ma surprise a été grande de constater que le reste à charge par habitant variait beaucoup d’un département à l’autre, selon la prestation fournie.
Certains départements ont ainsi reçu, pour le RSA, des crédits d’un montant excédant leurs dépenses. La différence peut aller de moins 15 euros à plus 50 euros.
Dans d’autres départements, une personne sur deux âgée de plus de 75 ans relève du dispositif de l’APA, au lieu d’une sur quatre ou cinq selon la moyenne nationale. Peut-être faut-il attribuer ce phénomène à l’existence de microclimats ?
Monsieur le ministre, le fait que les restes à charge par habitant sont à ce point différents selon les départements signifie-t-il que la règle d’attribution n’est pas la même partout ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. À la tête du client !
M. Simon Sutour. C’est gênant !
M. Philippe Adnot. La solidarité suppose la transparence : pourriez-vous, d’une part, nous communiquer les éléments de calcul qui ont servi de base à l’attribution des 75 millions d’euros et, d’autre part, nous éclairer sur la méthode employée pour attribuer les trois dotations de l’État correspondant aux prestations sociales obligatoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean Arthuis applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir posé cette question, car vous me donnez l’occasion d’apporter une réponse très précise sur l’évolution des relations entre l’Etat et les départements.
Ces relations, vous le savez, sont soumises à un effet de ciseaux, notamment du fait de l’évolution des dépenses sociales.
M. Didier Boulaud. À qui la faute ?
M. Philippe Richert, ministre. Ces relations ont beaucoup évolué, ces deniers temps, à la suite de la mise en place de quatre mécanismes.
Le premier de ces mécanismes, que vous avez évoqué, prévoit l’attribution de 75 millions d’euros aux départements les plus fragiles. Les critères de répartition de cette somme figurent explicitement dans la loi. Il s’agit du revenu par habitant, du potentiel financier et de la proportion de personnes âgées de plus de 75 ans dans le département. Sur la base de ces critères très spécifiques, nous avons dressé une liste de trente départements, sur laquelle l’Aube ne figure malheureusement pas. Cette liste a été établie de façon claire et transparente !
Le deuxième mécanisme, que vous connaissez pour avoir contribué à sa création au sein du Sénat, vise à mettre en place une péréquation des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO. Il s’agit en l’occurrence de mieux répartir la prise en charge de la part sociale des départements. Avec la crise, les départements ont souffert de la diminution des DMTO. Dans le même temps, certains départements ont vu leur stock de DMTO repartir rapidement. Nous avons donc décidé de mettre en place une péréquation permettant de répartir des montants relativement substantiels, de l’ordre de 350 et 400 millions d’euros. Nous disposerons, à la fin du mois de février, du détail des répartitions définies en fonction des critères arrêtés lors du débat au Parlement.
Le troisième mécanisme concerne les départements qui, malgré ces abondements, demeureront dans une situation délicate : un troisième fonds de 75 millions d’euros est mis en place afin de les aider ponctuellement.
Quatrième volet, et c’est le sujet le plus important, le débat sur la dépendance a été ouvert. Roselyne Bachelot-Narquin a en effet mis en place, à l’échelon national, quatre groupes de travail, qui ont commencé à travailler.
Le Président de la République a lancé, devant le Conseil économique, social et environnemental, ce grand débat qui concerne non seulement les départements, mais nous tous. Ce qui est en jeu, c’est notre avenir et notre vision des relations entre les différentes générations qui constituent le socle social dans notre pays.
À l’évidence, les départements sont très étroitement associés au travail qui est en cours. Je vous propose d’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, de réfléchir à cette occasion aux moyens de compenser, notamment l’APA, aujourd’hui et demain, et ce dans la plus grande transparence.
Je vous remercie encore une fois, monsieur le sénateur, de m’avoir donné l’occasion de présenter les nouveaux dispositifs mis en place par le Gouvernement en faveur des départements. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
7
Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes
M. le président. L’ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.
Huissiers, veuillez faire entrer M. le Premier président de la Cour des comptes.
(M. le Premier président de la Cour des comptes est introduit selon le cérémonial d’usage.)
Monsieur le Premier président, au nom du président du Sénat et en notre nom à tous, je vous souhaite une très cordiale bienvenue dans notre hémicycle, où, pour la première fois, vous venez remettre au Sénat le rapport annuel de la Cour des comptes.
Votre présence parmi nous est plus qu’un exercice routinier imposé par le code des juridictions financières : elle illustre les liens étroits qui existent entre nos deux institutions et que les constituants de 2008 ont voulu conforter dans notre loi fondamentale, en développant votre rôle d’assistance au Parlement. Le Sénat lui-même, lors de l’examen de la proposition de loi du président Accoyer tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, a souhaité introduire dans le code des juridictions financières le principe selon lequel la Cour des comptes contribue à l’évaluation des politiques publiques.
Je ne doute pas que vos fonctions antérieures, notamment comme président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, feront de vous un interlocuteur sensible aux préoccupations du Parlement et je forme le vœu que les relations fructueuses entre nos deux institutions puissent se renforcer encore sous votre présidence.
Votre présence parmi nous, monsieur le Premier président, illustre également l’importance que nous accordons aux missions de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, que nous confie la Constitution. Ces deux missions font partie de notre « cœur de métier », comme a l’habitude de le dire le président Larcher, avec le travail législatif dont elles sont le complément naturel, ex ante et ex post. Comme vous le disiez vous-même lors de l’audience solennelle de rentrée de la Cour des comptes : « Mieux évaluer les politiques déjà conduites permet de mieux concevoir […] les politiques publiques de demain ».
C’est donc avec le plus grand intérêt et avec toute notre attention, monsieur le Premier président, que nous allons maintenant vous écouter présenter le rapport de la Cour des comptes, avant d’entendre M. le président de la commission des finances et à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Monsieur le Premier président, vous avez la parole.
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Monsieur le président, en application de l’article L 136-1 du code des juridictions financières, j’ai l’honneur de vous remettre le rapport public annuel de la Cour des comptes que j’ai présenté ce matin au Président de la République et remis à l’Assemblée nationale voilà quelques minutes. (M. le Premier président de la Cour des comptes remet à M. le président le rapport annuel de la Cour des comptes.)
M. le président. Merci, monsieur le Premier président.
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, si, comme le veulent la loi et la tradition, je viens déposer aujourd’hui solennellement notre rapport public annuel, les contacts entre la Haute Assemblée et la Cour des comptes sont sans cesse plus fréquents et les occasions de nous voir plus nombreuses. Je veux vous dire à la fois mon émotion et le plaisir que j’ai de me trouver ici, dans cet hémicycle.
La Cour des comptes se voit confier par la Constitution la mission de vous assister dans le contrôle du Gouvernement et l’évaluation des politiques publiques, et ses membres sont toujours heureux de pouvoir vous apporter leur expertise et leurs conclusions.
En 2010, outre les six rapports obligatoires, prévus par la loi organique relative aux lois de finances et la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, qui sont destinés à nourrir vos grands débats budgétaires et financiers, nous vous avons adressé six autres rapports : cinq à la demande de la commission des finances et un sur demande de la commission des affaires sociales. Nous nous réjouissons de contribuer ainsi à vos débats, à vos travaux et à l’activité de vos commissions.
Avec le président Jean-Marie Bertrand, rapporteur général de la Cour des comptes, avec le secrétaire général de la Cour des comptes et les chargés de mission auprès du Premier président, nous sommes prêts à aller plus loin encore avec vous, à l’image de ce que nous a proposé l’Assemblée nationale, qui organisera le 1er mars prochain un débat sur le rapport public annuel, ainsi que l’y autorise son nouveau règlement. D’autres voies sont imaginables, comme celle qui permet aux commissions du Parlement de prolonger nos enquêtes, par exemple en interrogeant les administrations sur les suites données aux travaux de la Cour des comptes. Certains d’entre vous adressent déjà des questions écrites aux ministres.
Le rapport 2011 est, à l’instar des précédents rapports, très varié et couvre un spectre de politiques publiques et d’organismes très large. Nous vous en présentons une sélection en deux volumes qui illustre l’activité des juridictions financières et la diversité des champs de contrôle : le premier volume, fait de vingt-cinq insertions, est consacré aux enquêtes nouvelles de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes ; le second, composé de vingt et une insertions, est consacré au suivi de contrôles précédents.
Le rapport public 2011 s’inscrit dans une certaine continuité. Toutefois, cette année, nous avons souhaité renforcer et mettre davantage en avant quelques caractéristiques.
La première caractéristique tient à un certain équilibre entre les nouveaux sujets d’investigation et le suivi des effets des contrôles précédents. Les deux tomes sont presque jumeaux, en tout cas leur poids est assez proche. Nous voulons montrer que, si nous sommes constructifs dans nos observations et recommandations, nous savons aussi être énergiques et tenaces dans le suivi des actions correctrices qui sont effectivement engagées ou, dans certains cas, qui tardent à venir.
La seconde caractéristique tient à l’attention plus importante portée aux résultats des politiques publiques. Cela répond à un besoin que, à l’instar du citoyen, vous exprimez.
Enfin, la Cour des comptes a souhaité mettre en avant des sujets particulièrement proches des préoccupations des citoyens, qu’il est de notre mission constitutionnelle d’informer du mieux possible. Vous le savez – vous en avez âprement débattu vous-mêmes dans cet hémicycle –, les questions d’emploi ou de retraites figurent parmi les premières préoccupations de nos concitoyens. C’est pourquoi nous avons abordé les questions de la prime pour l’emploi, de l’indemnisation du chômage partiel ou encore – cela devrait susciter quelques commentaires – du fonds de réserve pour les retraites.
Venons-en au contenu de cet épais rapport. Je ne saurais vous en détailler les quelque 1 300 pages, mais je souhaite néanmoins vous en faire partager quelques-unes des observations essentielles.
Comme c’est désormais la tradition, le rapport s’ouvre par une analyse de la situation de nos finances publiques. Cette dernière reste extrêmement sérieuse, ainsi que nous ne cessons de le dire et de l’écrire depuis quelque temps déjà.
Les objectifs de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 n’ont pas été tenus.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Effectivement !
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. L’amélioration espérée n’a pas été obtenue. Une aggravation est même, en réalité, constatée.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On peut dire ça !
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Le déficit public attendu pour 2010 est à l’heure actuelle de 7,7 %, après 7,5 % en 2009. Il est très préoccupant de constater que le déficit structurel hors plan de relance s’est encore aggravé. Il est désormais estimé par la Cour des comptes à 5,5 points de PIB, en hausse de 0,5 point l’an dernier en raison d’un ralentissement insuffisant des dépenses et des décisions de baisse des prélèvements obligatoires. Nous procéderons à une nouvelle estimation à l’occasion du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques que nous vous remettrons en juin prochain.
La nouvelle loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 a retenu des objectifs et règles plus ambitieux, et notamment 3 % de déficit public en 2013.
Toutefois, comme la commission Camdessus, la Cour des comptes constate que cette loi de programmation n’a pas de portée juridique supérieure aux lois de finances. Ce texte risque dès lors d’en rester au stade des ambitions. La Cour des comptes, comme elle l’avait fait avant le vote de la loi organique relative aux lois de finances, apportera une contribution au Gouvernement et au Parlement dans la perspective de la réforme constitutionnelle annoncée sur les finances publiques.
Pour 2011, la Cour des comptes constate que nous sommes encore loin de l’effort qu’elle avait recommandé de réaliser. En 2011, la baisse du déficit proviendra pour la plus grande part de la disparition de mesures exceptionnelles ou temporaires telles que le plan de relance ou le surcoût ponctuel – en 2010 – de la réforme de la taxe professionnelle.
Les économies identifiées par la Cour ne s’élèvent qu’à environ 5 milliards d'euros, alors qu’il faudrait faire un effort d’économie de 13 milliards d'euros.