M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Jacques Mézard. C’est un argument que je comprends. Cependant, le problème n’est pas là. Pour nous, il réside dans le fait que cette nouvelle mesure d’assignation à résidence, telle qu’elle est libellée, est prise par décision administrative et sans aucune référence au juge des libertés et de la détention.
C’est sur ce problème que la commission vous interroge et, à cet égard, sa demande de précision me paraît parfaitement justifiée.
Pour notre part, nous ne pouvons pas souscrire au raisonnement qui vient de nous être tenu.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 rectifié, 178 et 392.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 177 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 388 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 22 à 36
Supprimer ces alinéas.
L’amendement n° 177 a déjà été défendu.
La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour présenter l'amendement n° 388.
M. Ronan Kerdraon. Comme alternative à la rétention, les alinéas 22 à 36 de l’article 33 du présent projet de loi créent pour les étrangers en instance d’éloignement, parents d’enfants mineurs, une nouvelle forme d’assignation à résidence, une assignation à résidence « avec surveillance électronique ».
Il s’agit de permettre à l’autorité administrative de prononcer, lorsque l’assignation à résidence est impossible, c’est-à-dire quand l’étranger n’offre pas de garanties de représentation suffisantes, une surveillance électronique.
L’objectif serait de « limiter » l’enfermement des enfants dans les centres de rétention administrative. L’intention est louable, certes, mais elle n’empêche pas de rappeler que l’intérêt supérieur de l’enfant devrait conduire systématiquement à interdire tout placement de familles avec enfants en centres de rétention administrative.
Nous demandons la suppression de ces alinéas pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, c’est une mesure pénale qui va s’appliquer à des personnes qui ne sont ni mises en examen ni condamnées par l’autorité judiciaire. Introduite par la loi pénitentiaire de 2009, cette décision d’assignation est prise par une autorité judiciaire, dans un cadre législatif très précis, pour des personnes mises en examen ou condamnées par cette autorité et pouvant bénéficier d’un aménagement de peine.
Or, en l’occurrence, c’est l’autorité administrative, et non le juge des libertés individuelles, qui en décidera pour les cinq premiers jours. On soumet une fois de plus les étrangers aux seules décisions des préfectures et des services de police.
M. Roland Courteau. Voilà !
M. Ronan Kerdraon. Ensuite, les conditions dans lesquelles se mettra en place une telle mesure sont plus que floues. Ce sont les forces de police ou de gendarmerie, déjà quelque peu « distraites » de leurs missions premières que sont le maintien de l’ordre public et la recherche des infractions, qui auront la charge du suivi et du contrôle du bracelet électronique durant l’assignation à résidence. Mais, surtout, quelles seront les garanties pour les personnes assignées qui vont devoir assumer le bracelet ? Quid du contrôle sur les conditions et la durée de l’utilisation du bracelet électronique ?
Enfin, le Gouvernement présente cette « solution », qu’il aurait paradoxalement préféré ne pas voir adoptée, comme une alternative à la rétention, « préférable à un placement en rétention » a dit le ministre. Avoir le choix de se pendre ou de se noyer… C’est un faux débat.
Dans un grand nombre de cas, le placement en rétention administrative ne règle rien, puisque près des trois quarts des placements n’aboutissent pas à une reconduite à la frontière. Il faudrait que le Gouvernement finisse par s’interroger sur la pertinence de la systématisation du recours à la rétention administrative et sur le coût pour la nation d’un tel dispositif, non seulement en termes financiers, mais aussi en termes d’image de notre pays. En outre, il convient, à l’évidence, de ne pas oublier le coût humain qui en résulte en raison du stress important subi par les personnes placées en rétention, de leur désespoir qui les conduit parfois à s’automutiler ou à tenter de se suicider.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Ronan Kerdraon. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de ces alinéas.
M. le président. L'amendement n° 60 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 24
Remplacer le mot :
administrative
par le mot :
judiciaire
II. - Alinéa 25
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Cette décision peut être prise pour une durée de cinq jours.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 60 rectifié et 89 rectifié.
L’amendement n° 60 rectifié vise à remplacer, à l’alinéa 24, le mot « administrative » par le mot « judiciaire ».
Cet alinéa prévoit que le placement sous surveillance électronique peut être décidé par l’autorité administrative.
Or, nous le savons tous, une telle disposition est contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 8 décembre 2005 portant sur la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, celui-ci a clairement indiqué qu’une mesure de placement sous surveillance électronique devait être prononcée par un juge parce que, même si elle est moins contraignante que le placement dans un centre de rétention, il s’agit néanmoins d’une atteinte à la liberté.
C’est là un point très important. Si nous donnons le feu vert au placement sous surveillance électronique par l’autorité administrative, aujourd'hui la disposition s’applique aux étrangers, mais qu’en sera-t-il demain ? Ce serait un précédent tout à fait fâcheux.
Une telle mesure est contraire à nos principes, à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et à l’article 66 de la Constitution.
L’amendement n° 89 rectifié concerne le consentement. En effet, si nous allions dans cette voie, et d’ailleurs même si nous n’y allions pas, le placement sous surveillance électronique nécessite impérativement le consentement de la personne à l’encontre de laquelle la mesure est prononcée.
Ces deux amendements sont conformes à la jurisprudence et aux principes de notre République.
M. le président. L'amendement n° 395, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Patient, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 24 et 25
Remplacer les mots :
l'autorité administrative
par les mots :
le juge des libertés et de la rétention, avec l'accord de l'intéressé,
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. À défaut d’une suppression totale des alinéas 22 à 36 de l’article 33, nous demandons au moins qu’aux alinéas 24 et 25 dudit article les mots « le juge des libertés et de la détention, avec l’accord de l’intéressé, » soient substitués aux mots « l’autorité administrative ».
L’article 33 permet en effet à l’autorité administrative de soumettre l’étranger, lorsque l’assignation à résidence est impossible, c’est-à-dire quand l’étranger n’offre pas de garanties de représentation suffisantes, à une surveillance électronique sous forme d’un bracelet électronique fixe.
Or seule l’autorité judiciaire est compétente pour décider d’une telle mesure. L’assignation à résidence avec surveillance électronique est en effet une mesure pénale, prise par une autorité judiciaire, dans un cadre législatif très précis, avec le consentement du prévenu ou du condamné.
Dès lors, pourquoi laisser, en l’occurrence, à la discrétion de la préfecture une décision particulièrement contraignante pour l’étranger ?
Pourquoi cette mesure, attentatoire à la liberté d’aller et venir, devrait-elle être décidée par l’autorité administrative, et ce contrairement à la décision du Conseil constitutionnel du 8 décembre 2005 concernant la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales ?
Le projet de loi consacre, là encore, un recul important, au profit de l’administration, du rôle du juge des libertés et de la détention, considéré comme trop « permissif » et, au regard de ses décisions de remise en liberté, comme venant faire « échec » à l’éloignement.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à adopter le présent amendement.
M. le président. L'amendement n° 89 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Compléter cet alinéa par les mots :
, après accord de l'étranger
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces cinq amendements ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les amendements identiques nos 177 et 388 visent à supprimer le principe de l’instauration du bracelet électronique comme mesure alternative au placement en rétention. Sur le plan juridique, il est incontestable que le recours au bracelet électronique constituait jusqu’à présent l’exécution d’une peine. En l’occurrence, il s’agit d’une évolution, mais qui va dans le bon sens dans la mesure où elle évite de placer une personne en rétention, notamment lorsqu’elle a des enfants. C’est donc une avancée importante.
Voilà pourquoi la commission demande le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L'amendement n° 60 rectifié tend à prévoir que la mesure de placement sous surveillance électronique prévue à l’article 33 comme mesure alternative à la rétention dans certains cas soit décidée non par le préfet mais par l’autorité judiciaire. Il est vrai qu’en matière pénale le placement sous surveillance électronique comme modalité d’exécution de peine – mesure de sûreté ou mesure de contrôle judiciaire – est toujours décidé par un juge.
En l’occurrence, ce n’est pas tout à fait le cas pour la rétention. Il revient à l’autorité administrative de décider de cette mesure. Toutefois, le juge des libertés et de la détention doit bien valider la prolongation du placement sous surveillance électronique au terme d’un délai de cinq jours. En outre, le placement sous surveillance électronique semble une mesure plus favorable.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
La commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 395.
L'amendement n° 89 rectifié tend à prévoir l’accord de l’étranger pour son placement sous surveillance électronique. Cet ajout est conforme à la position antérieure de la commission, par exemple lors de l’examen de la LOPPSI 2, ainsi qu’à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Les amendements identiques nos 177 et 388 tendent à supprimer la possibilité de l’assignation à résidence avec placement sous surveillance électronique. Pourtant, ce dispositif a pour seul objectif de limiter autant que possible la rétention des familles accompagnées d’enfants mineurs. Pour elles, l’assignation à résidence peut être préférable. Il va de soi que la surveillance électronique ne concernerait que les adultes.
Cette disposition ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement. Elle a été introduite sur l’initiative du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Les conditions de sa mise en œuvre doivent donc être maintenant précisées. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur les amendements nos 60 rectifié et 395, qui ont pour objet de subordonner le placement sous surveillance électronique à une décision du juge judiciaire, en invoquant une exigence constitutionnelle. Or, en réalité, aucun principe de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce que l’autorité administrative prenne une telle mesure, dès lors qu’il s’agit de l’exécution d’une décision relevant de sa compétence et qu’elle ne poursuit aucune finalité répressive. La mesure administrative d’assignation à résidence ne constitue ni une peine ni une sanction. C’est donc bien à l’autorité administrative, et non à l’autorité judiciaire, qu’il appartient de décider ce placement sous surveillance électronique mobile.
L'amendement n° 89 rectifié vise à conditionner le placement sous surveillance électronique au consentement des intéressés. C’est méconnaître l’esprit dans lequel a été conçu ce régime : l’assignation à résidence avec bracelet électronique constitue une mesure alternative à la rétention, moins contraignante et moins coercitive. Ce dispositif a été introduit dans le projet de loi à l'Assemblée nationale, sur l’initiative du rapporteur, afin d’offrir aux familles avec enfants une solution permettant d’éviter la rétention. Je le répète : la surveillance électronique ne concernerait que les adultes.
Vous invoquez des raisons constitutionnelles, j’ai déjà indiqué que celles-ci n’avaient pas lieu d’être prises en compte. Pour permettre cette expérimentation et tenir compte de l’avis émis par la commission des lois sur cet amendement, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 177 et 388.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le principe, vous l’aurez compris, les membres du groupe socialiste et apparentés sont favorables à toute mesure pouvant favoriser la réduction du nombre d’étrangers placés en centre de rétention. C’est d’ailleurs l’esprit de la directive Retour, que votre transposition pervertit sans arrêt.
Or j’ai l’impression que vous tâchez coûte que coûte de faire un centre de rétention bis. Il s’agit d’éloigner les étrangers qui risquent de s’ajouter à la rétention. Et je crains que, ce faisant, vous ne soyez en train de créer une autre mécanique. En d’autres termes, le nombre de rétentions sera toujours le même, mais de plus en plus de personnes seront assignées à résidence. Qui plus est, nous sommes sur le point de leur imposer un bracelet électronique sous l’autorité du juge administratif, ce qui est contraire à notre droit.
Nous ne pouvons que contester avec force une logique qui ne correspond pas du tout à l’esprit dans lequel l’assignation à résidence a été instituée.
C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 33, modifié.
(L'article 33 est adopté.)
Article additionnel après l'article 33
M. le président. L'amendement n° 396, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente chaque année au Parlement un rapport sur l'application du dispositif d'aide au retour volontaire. Il est notamment fait mention des perspectives visant à rendre le principe de retour volontaire plus incitatif.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Je pense que cet amendement recueillera un large soutien, puisque nous demandons que le Gouvernement présente chaque année au Parlement un rapport sur l’application du dispositif d’aide au retour volontaire.
Vous le savez, il s’agit d’une modalité destinée aux migrants en situation irrégulière, notamment à travers l’octroi du délai de départ volontaire et l’attribution d’une aide au retour et à la réinsertion dans le pays d’origine.
Selon nos informations, le dispositif d’aide au retour volontaire fonctionne moyennement bien. En particulier, l’aide financière est versée de manière fractionnée : 30 % en France avant le départ, 50 % six mois après le retour dans le pays de destination et 20 % douze mois après ce retour. Cependant, en raison de critères très restrictifs, comme seule l’administration française sait en inventer, l’État effectue au mieux le premier versement, les deuxième et troisième n’étant quasiment jamais versés.
Par conséquent, il serait opportun que le Gouvernement se penche sur cette question et remette un rapport au Parlement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission préfère que le Parlement exerce son pouvoir de contrôle et elle émet par conséquent un avis défavorable sur la remise au Parlement d’un nouveau rapport.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 396.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre II
Dispositions relatives au contentieux de l’éloignement
Section 1
Dispositions relatives au contentieux administratif
Article 34
Le chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Chapitre II
« Procédure administrative et contentieuse
« Art. L. 512-1. – I. – L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l’article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision, ainsi que l’annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant. L’étranger qui fait l’objet de l’interdiction de retour prévue au troisième alinéa du III du même article L. 511–1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander l’annulation de cette décision.
« L’étranger peut demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle au plus tard lors de l’introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.
« Toutefois, si l’étranger est placé en rétention en application de l’article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III.
« II. – L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision, ainsi que l’annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant.
« Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus au I.
« Toutefois, si l’étranger est placé en rétention en application de l’article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III.
« III. – En cas de décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2, l’étranger peut demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Lorsque l’étranger a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français, et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d’assignation. Toutefois, si l’étranger est assigné à résidence en application du même article L. 561-2, son recours en annulation peut porter directement sur l’obligation de quitter le territoire ainsi que, le cas échéant, sur la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d’interdiction de retour sur le territoire français.
« Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. Il peut se transporter au siège de la juridiction judiciaire la plus proche du lieu où se trouve l’étranger si celui-ci est retenu en application de l’article L. 551-1 du présent code. Si une salle d’audience attribuée au ministère de la justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate de ce lieu de rétention ou en son sein, il peut statuer dans cette salle.
« L’étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d’un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise.
« L’audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l’intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L’étranger est assisté de son conseil s’il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu’il lui en soit désigné un d’office.
« Il est également statué selon la procédure prévue au présent III sur le recours dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français par un étranger qui est l’objet en cours d’instance d’une décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2. Le délai de soixante-douze heures pour statuer court à compter de la notification par l’administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d’assignation.
« Art. L. 512-2. – Dès notification de l’obligation de quitter le territoire français, l’étranger auquel aucun délai de départ volontaire n’a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d’avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L’étranger est informé qu’il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l’article L. 511–1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend.
« Art. L. 512-3. – (Non modifié) Les articles L. 551-1 et L. 561-2 sont applicables à l’étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français dès l’expiration du délai de départ volontaire qui lui a été accordé ou, si aucun délai n’a été accordé, dès la notification de l’obligation de quitter le territoire français.
« L’obligation de quitter le territoire français ne peut faire l’objet d’une exécution d’office ni avant l’expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n’a été accordé, avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, ni avant que le tribunal administratif n’ait statué s’il a été saisi. L’étranger en est informé par la notification écrite de l’obligation de quitter le territoire français.
« Art. L. 512-4. – (Non modifié) Si l’obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l’étranger est muni d’une autorisation provisoire de séjour jusqu’à ce que l’autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas.
« Si la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire, la décision de placement en rétention ou la décision d’assignation à résidence est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin rappelle à l’étranger son obligation de quitter le territoire français dans le délai qui lui sera fixé par l’autorité administrative en application du II de l’article L. 511-1 ou de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 511-3-1. Ce délai court à compter de sa notification.
« Art. L. 512-5. – (Non modifié) L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français peut solliciter un dispositif d’aide au retour dans son pays d’origine, sauf s’il a été placé en rétention. »
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.
M. Louis Mermaz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dispositif proposé à l’article 34 est qualifié pompeusement de « réforme du contentieux des mesures d’éloignement ».
Au regard des nouvelles mesures introduites et de la complexité croissante du contentieux qui en découle, si le projet de loi est adopté, nous serons devant un régime d’exception applicable aux seuls étrangers, mais cela ne sera pas la première fois !
L’article 34, qui est important, n’atteint pas vraiment le but recherché d’une simplification. Bien au contraire ! Nous sommes loin du temps où Stendhal voulait écrire comme le code civil ! Je doute qu’il prendrait aujourd'hui pour exemple le texte du présent projet de loi.
En multipliant les possibilités – les critères permettant à l’administration de prononcer une obligation de quitter le territoire français sont larges et flous – offertes à l’administration pour éloigner les étrangers – avec ou sans délai de départ volontaire, possibilité d’une interdiction de retour; assignation à résidence, etc. –, le Gouvernement a créé les conditions d’un contentieux complexe, qui, d’ailleurs, mais c’est la règle avec ce gouvernement, n’est pas assorti des moyens budgétaires. J’ai déjà fait remarquer que l’absence de moyens budgétaires nourrit l’arbitraire : sans un nombre suffisant de policiers, le travail est bâclé ; par ailleurs, les droits des étrangers ne s’exercent pas, sans compter toutes les entraves mises au fonctionnement de la justice et les moyens insuffisants dont disposent tant les juges administratifs que les juges judiciaires.
Qu’en sera-t-il pour l’étranger qui ne maîtrise pas la langue française et devra contester toutes ces mesures, en urgence, dans un délai de quarante-huit heures ? Qu’en sera-t-il pour le juge administratif qui pourrait être amené dans certains cas à statuer simultanément sur six décisions administratives ?
Ainsi, dans le cas d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, l’étranger disposera de quarante-huit heures pour contester la mesure d’éloignement, alors que le délai sera de trente jours dans le cas d’une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire.
Or, dans le cas d’un délai de quarante-huit heures, l’intéressé peut être amené, en vertu de l’alinéa 6 de l'article 34, à contester dans un même recours non seulement l’obligation de quitter le territoire, mais aussi la décision relative au séjour, la décision refusant un délai de départ volontaire, celle qui mentionne le pays de destination et, le cas échéant, celle qui concerne l’interdiction de retour sur le territoire français, ainsi que le placement en rétention, soit six décisions administratives.
En raison de la complexité de la procédure et de l’extrême brièveté des délais de recours, la plupart des étrangers n’auront pas la possibilité de déposer un recours dans les délais impartis. Et ceux qui y parviendraient n’auront pas la possibilité de respecter les conditions de fond et de forme indiquées, ce qui impliquera un rejet de leur requête.
Cette justice d’exception a été renforcée par un amendement adopté par la commission des lois de l’Assemblée nationale prévoyant la possibilité d’organiser des audiences « foraines », « à proximité immédiate [du] lieu de rétention ou en son sein », pour juger du contentieux administratif.
Après l’extension des zones d’attente à l’ensemble du territoire, des audiences foraines, maintenant, et le spectacle de juridictions tenant audience dans des lieux divers et variés, notamment dans les centres de rétention…
Autrement dit, les étrangers pourront être jugés à part, séparés qu’ils seront des autres justiciables - encore une exception.
De surcroît, c’est un juge unique, et non la formation collégiale du tribunal, qui devient compétente.
Comment l’indépendance des juges peut-elle être assurée lorsque les audiences ont lieu à proximité ou dans l’enceinte d’un centre de rétention sous haute surveillance policière, même si l’on assiste en ce moment à un rapprochement des magistrats et des policiers, victimes, les uns et les autres, des réflexions que vous savez ?
Nous partageons le point de vue des syndicats de magistrats administratifs, pour qui cette mesure est « à la fois injustifiable sur le plan des principes, notamment au regard de la solennité de la justice et de sa nécessaire indépendance vis-à-vis de “l’administration d’accueil”, intenable en pratique compte tenu des temps de déplacement et des délais très contraignants dans lesquels il faudra les effectuer, et dommageable sur le plan de la réflexion du juge, isolé et dont l’accès à ses outils de travail restera plus qu’aléatoire ».
Une fois encore, ce sont les conditions d’une justice bâclée, donc, déplorable.