Article 21 ter
Le premier alinéa de l’article L. 623-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces peines sont également encourues lorsque l’étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 39 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 151 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 337 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 39 rectifié.
M. Jacques Mézard. L’article 21 ter a été inséré dans le projet de loi sur l’initiative des députés. Il s’agit d’une incongruité juridique.
Dans un « mariage gris », l’un des conjoints est amoureux, l’autre pas, ce dernier étant forcément le ressortissant étranger… Telle est, en résumé, la situation !
Le merveilleux texte introduit par l’Assemblée nationale visait à appliquer aux « mariages gris » – nous sommes vraiment ici en pleine grisaille juridique ! –, en les portant à sept ans d’emprisonnement et à 30 000 euros d’amende, les peines prévues par l’article L. 623-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour réprimer les mariages de complaisance, une quarantaine de condamnations par an en moyenne étant prononcées pour ce motif.
Pour sa part, la commission des lois du Sénat a choisi de revenir aux peines actuellement prévues par l’article L. 623-1 du CESEDA et de préciser que « ces peines sont également encourues lorsque l’étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint ».
Je félicite la commission pour son imagination ! Franchement, il fallait y penser ! Je souhaite bonne chance à qui voudra apporter la preuve d’une telle dissimulation d’intentions !
D’ailleurs, aux pages 122 et 123 de son rapport, M. Buffet exprime lui-même de très fortes réserves sur cet article, en faisant observer, de façon tout à fait pertinente, que « les “mariages gris” sont d’ores et déjà inclus dans le champ de l’infraction de mariage frauduleux réprimée par l’article L. 623-1 du code des étrangers ».
Dans ces conditions, qu’est-ce que ce « mariage gris » ? En réalité, cette infraction n’a aucun sens ! La commission des lois a tenté d’atténuer les choses en ramenant la sanction prévue à cinq ans d’emprisonnement et à 15 000 euros d’amende et en faisant référence à la dissimulation de ses intentions par le conjoint étranger, mais je crois vraiment que l’on aurait pu se passer de cet article 21 ter, qui ne changera strictement rien, dans la pratique, en matière de poursuites en cas de mariage de complaisance et n’aura qu’un bien triste effet d’affichage…
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 151.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 21 ter nous semble dangereux, car il relève d’une vision suspicieuse de l’étranger et des mariages mixtes.
Il vise en effet à réprimer les « mariages gris », où un conjoint étranger est censé avoir trompé son conjoint français sur ses intentions réelles, l’étranger étant systématiquement considéré comme le fauteur de trouble.
Pour ce faire, cet article tend à créer une sorte de délit d’escroquerie aux sentiments, dont la sécurité juridique n’est pas suffisamment garantie. En effet, comment apporter la preuve d’une escroquerie aux sentiments ? Comment prouver la bonne foi du conjoint français ?
Il nous paraît particulièrement dangereux d’introduire dans la loi des dispositions aussi floues et subjectives, qui ne feront qu’accroître l’insécurité et la précarité de statut des couples mixtes, et particulièrement des conjoints étrangers.
De surcroît, cette mesure est tout à fait superflue : non seulement l’arsenal juridique destiné à lutter contre les mariages blancs est déjà bien étoffé, mais une multitude de réformes relatives à l’immigration, toutes focalisées sur le mariage de complaisance, ont été engagées depuis 2003. N’est-ce pas suffisant ?
Une pléthore de mesures inadmissibles ont été adoptées. Les instruments de lutte contre les mariages blancs existent déjà et les sanctions pénales également, n’excluant aucunement les « mariages gris », qui peuvent être frappés de nullité et sanctionnés par le retrait ou le refus de renouvellement de la carte de séjour, voire par une décision d’éloignement.
Le présent dispositif tend à faire accroire que cette situation échapperait à la loi, ce qui est loin d’être le cas. Il n’y a donc aucune raison de l’évoquer de manière particulière dans le texte, ni d’aggraver les sanctions applicables.
En conséquence, nous vous invitons, mes chers collègues, à supprimer cet article en votant notre amendement. La surenchère dans la lutte contre les mariages de complaisance doit cesser !
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 337.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à supprimer l’article 21 ter, relatif aux peines pénales encourues par un étranger accusé de mariage de complaisance « avec tromperie volontaire », autrement dénommé « mariage gris ».
Cet article nauséabond stigmatise les mariages mixtes, et introduit une suspicion de « fraude aux sentiments », pesant uniquement, bien sûr, sur le conjoint étranger.
Cette disposition est donc contraire à l’article 1er de la Constitution, qui assure l’égalité de tous devant la loi, les Français étant, selon la rédaction de cet article 21 ter, exempts de tout soupçon.
Par ailleurs, en pratique, cette mesure, qui présuppose qu’il soit statué sur la nature et l’intensité des sentiments d’un conjoint, est évidemment inapplicable, sauf à conduire à l’arbitraire. Sur quels éléments se fonder in concreto pour déterminer qu’untel ou unetelle a pu feindre des sentiments en vue de conclure une union maritale, à seule fin, selon la philosophie de cet article, d’obtenir un titre de séjour ou la nationalité française ?
Enfin, permettez-moi de vous rappeler, monsieur le ministre, qu’en droit civil de la famille, le dol, c’est-à-dire les manœuvres mensongères ayant été déterminantes du consentement, ne constitue pas une cause d’annulation du mariage. Ce principe est repris par Antoine Loysel, considéré comme le premier « penseur » du droit français, dans une formule devenue un adage du droit civil français : « En mariage, trompe qui peut ! »
En d’autres termes, comment le droit pénal français pourrait-il sanctionner, en visant de surcroît uniquement le conjoint de nationalité étrangère, ce qui est, depuis des siècles, rejeté au nom des principes fondateurs du droit civil de la famille ?
Il en va différemment lorsque les deux époux s’accordent à conclure un mariage de complaisance, dit « mariage blanc », qui lui est déjà sanctionné par le code pénal, ainsi que par le code civil, sous l’angle du défaut de consentement entraînant la nullité du mariage. Il est donc inutile de prévoir d’autres sanctions.
Cet amendement de suppression doit donc être adopté, l’article 21 ter étant tout à la fois discriminant envers les conjoints de nationalité étrangère, inapplicable et inutile !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques visant à supprimer l’article 21 ter.
Je précise que la commission des lois a complètement revu la rédaction de cet article, pour tenir compte, notamment, des observations relevées tout à l’heure par M. Mézard.
La première préoccupation de la commission a été d’intégrer la notion de « mariage gris » dans la législation actuellement en vigueur, en reprenant la sanction pénale aujourd’hui encourue pour les mariages frauduleux. Elle a, pour ce faire, adopté un amendement que j’avais moi-même déposé.
La rédaction retenue par la commission permet tout à la fois de préciser les conditions dans lesquelles le mariage doit être intervenu et de maintenir l’échelle des peines.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Il s’agit aujourd'hui de reconnaître la différence fondamentale entre le mariage blanc et le mariage avec tromperie sur les sentiments et de la traduire dans notre droit pénal. Dans le premier cas, les deux époux sont complices, alors que, dans le second, il y a une victime.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de lire quelques extraits d’une lettre qui est parvenue à mon prédécesseur, Éric Besson : « Aujourd'hui, je me rends compte que mon mariage est une mascarade. Tout est mensonge. Je n’arrive plus à dormir. Tout défile dans ma tête. Comme ai-je pu être assez naïve pour croire en ses sentiments ? Ma famille m’avait pourtant prévenue, mais j’étais aveuglée. Je pensais offrir ma virginité à l’homme de ma vie, mais il s’est avéré être un monstre de la pire espèce. » (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Si ça vous fait sourire… C’est tout de même un témoignage particulièrement émouvant, et je tiens cette lettre à votre disposition ! (Protestations sur les mêmes travées.)
Mme Éliane Assassi. Une telle situation n’est pas propre aux unions avec des étrangers !
M. Brice Hortefeux, ministre. Je poursuis : « Je me suis fait avoir. Il ne m’a jamais aimée. Tout était manqué dès le départ. Son seul but était d’avoir ses papiers français. Je me sens détruite, violée. » (Nouvelles marques d’ironie sur les mêmes travées.)
Moi, je ne vois vraiment pas ce qu’il y a d’amusant dans ces phrases ! Elles ont des accents de vérité qui ne peuvent que toucher et l’on ne peut pas faire comme si ces situations n’existaient pas. Je suis surpris que cela puisse même faire sourire un certain nombre de femmes sur les travées de gauche ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Éliane Assassi. Occupez-vous plutôt des violences faites aux femmes !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Je souhaite revenir sur le problème de la mesure de la sincérité, que Jacques Mézard a, le premier, soulevé. Nous sommes vraiment là au royaume de l’absurde ! Quoi que puissent nous expliquer M. le rapporteur et M. le ministre, je leur pose la question : quels pourraient être les instruments de mesure de la sincérité et de la tromperie ?
Peut-être nous faudrait-il nous inspirer de l’exemple des Tadjiks, qui, inquiets de voir des étrangers épouser leurs filles, viennent d’adopter une loi aux effets très concrets : elle impose au prétendant étranger, d’abord, d’acheter un appartement pour la jeune fille qu’il convoite, ensuite, de résider sur le sol tadjik pendant au moins un an avant de lui passer la bague au doigt. Voilà qui a au moins le mérite d’être tangible – il faut même des espèces sonnantes et trébuchantes ! – et d’éviter une intrusion arbitraire dans la vie intime.
L'article 21 ter est scandaleusement discriminant à l’égard des étrangers. Il crée un obstacle nouveau aux mariages mixtes et à l’établissement d’une vie familiale, qui est pourtant une liberté fondamentale.
J’ajoute que ce texte est absolument disproportionné en regard de la réalité du phénomène des mariages mixtes. En 2004, sur 88 123 mariages mixtes célébrés, seuls 395 mariages ont été considérés comme blancs et annulés par la justice, soit 0,45 %.
Faut-il d’ailleurs rappeler que le renouvellement de la carte de séjour temporaire est subordonné au fait que la communauté de vie n’ait pas cessé ? Faute de preuve d’amour, c’est au moins une garantie de constance !
Avec l’invention du « mariage gris », la majorité cherche, une fois de plus, à instiller dans l’opinion publique – mais j’espère qu’elle sera plus clairvoyante que nos gouvernants ! – une méfiance irraisonnée à l’égard des étrangers.
Cette disposition est un poison dangereux pour notre démocratie et ces amendements de suppression sont parfaitement justifiés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Au-delà même des positions de principe légitimes que les membres de cette assemblée peuvent avoir à propos de cet article, celui-ci est choquant en ce que, je le répète, ses dispositions seront manifestement inapplicables.
Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous nous avez lu une lettre fort intéressante qui avait été adressée à M. Besson. Mais, en matière de séparation, les choses ne sont pas forcément aussi limpides que vous l’avez laissé entendre. Permettez-moi de faire à mon tour une citation, du rapport de M. Buffet, cette fois : « Enfin, plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont exprimé la crainte que les dispositions introduites par les députés ne soient utilisées comme un moyen de pression ou de chantage par le ressortissant français dans le cadre d’une procédure de séparation conflictuelle. »
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est pour cela que nous avons modifié la rédaction de l'article !
M. Jacques Mézard. Votre lettre, monsieur le ministre, était certes très émouvante et votre indignation...
M. Thierry Repentin. Sûrement sincère ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Mézard. Peut-être !
... nous a au moins partiellement convaincus.
Ce dont je suis en tout cas convaincu, de par mon expérience professionnelle, c’est qu’il y a surtout des séducteurs et des séductrices français qui ont utilisé ce type de mariage au détriment d’étrangers ou d’étrangères.
Franchement, je ne crois pas que l’on s’honore à mesurer le degré de sentiment ou à parler de viol, comme c’est le cas dans cette lettre.
À mon sens, cette disposition n’a pas sa place dans ce projet de loi et elle est extrêmement néfaste. D’ailleurs, l’expression « mariage gris » révèle quelle était la volonté de celui qui a introduit cet article à l'Assemblée nationale.
Par conséquent, je persiste et je signe !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39 rectifié, 151 et 337.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 21 ter.
(L'article 21 ter est adopté.)
Articles additionnels après l'article 21 ter
Mme la présidente. L'amendement n° 497, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 21 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l'article L. 211-2 du même code est ainsi rédigé :
« 2° Conjoints, enfants de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendants de ressortissants français et partenaires liés à un ressortissant français par un pacte civil de solidarité ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d'insérer l'article 12 bis du projet de loi dans le chapitre du CESEDA consacré aux titres de séjour plutôt que dans celui qui a trait aux zones d'attente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21 ter.
L'amendement n° 342, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 21 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf en cas de menace à l'ordre public, le visa est délivré de plein droit aux personnes mentionnées aux 1° à 4°, et 7° de l'article L. 211-2. »
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. L’État a des obligations en matière de protection de la vie de la famille. Ainsi, il doit s’abstenir de porter atteinte à la vie privée et familiale. Il doit également mettre en œuvre tout ce qui est possible pour assurer au citoyen une vie familiale normale.
Le CESEDA traduit cette obligation en faveur de certaines catégories d'étrangers qui disposent d’un titre de séjour.
Or ces titres de séjour sont soumis à la présentation d’un visa de long séjour qui, lui, n’est pas de droit. Nous sommes donc en pleine contradiction : d’un côté, le CESEDA affirme le droit au respect de la vie familiale de l’étranger et, d’un autre côté, la jouissance du droit de vivre en famille peut être empêchée par un refus de délivrance de visa.
C’est pourquoi nous proposons de rétablir l’harmonie en accordant la délivrance de plein droit aux personnes mentionnées aux 1° à 4°, et 7° de l’article L. 211-2 du CESEDA.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer une délivrance de plein droit d’un visa de long séjour lorsqu’il est demandé par certaines catégories d’étrangers : membres de la famille de ressortissants communautaires, enfants adoptés, bénéficiaires d’une autorisation de regroupement familial, etc.
Le droit en vigueur permet déjà une délivrance de plein droit d’un visa de long séjour à l’étranger marié à un ressortissant français. Par ailleurs, l’article L. 211-2 du CESEDA oblige l’autorité administrative à motiver les refus de visa de long séjour opposés à un certain nombre de catégories d’étrangers : membres de la famille d’un ressortissant français, bénéficiaires d’une autorisation de regroupement familial, etc. La motivation s’effectue notamment, sous le contrôle du juge administratif, au regard du droit à une vie privée et familiale ; ce point me semble essentiel.
Ces dispositions paraissent suffisantes. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 343, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 21 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est supprimé.
II. - Le 4° de l'article L. 313-11 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque la demande de carte de séjour temporaire émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié, qui séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint français, la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée ; ».
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. L’exigence d’un visa de long séjour pour la délivrance d’une carte de séjour aux conjoints de Français pose de nombreuses difficultés.
L’article L. 211-2-1 du CESEDA prévoit que les conjoints de Français entrés régulièrement en France, mariés en France et justifiant de six mois de vie commune avec leur conjoint en France, peuvent déposer leur demande de visa auprès de la préfecture.
Cette formalité est en théorie le moyen de se prémunir contre toute expulsion. Dans les faits, cette procédure fonctionne autrement, en particulier lorsque le consulat ne répond pas à la demande de visa dans le délai légal qui lui est imparti. En l’absence de réponse à la demande de visa dans un délai de deux mois, la préfecture considère qu’il s’agit d’un refus implicite et, le plus souvent, refuse d’instruire la demande de titre de séjour ou notifie un refus de délivrance de titre.
Ce dysfonctionnement de la procédure pénalise les personnes ayant droit à un titre de séjour.
Nous attirons donc votre attention sur le fait que l’exigence du visa de long séjour pour les conjoints de Français déjà présents en France porte une atteinte disproportionnée au droit à une vie familiale normale, consacré par la Convention européenne des droits de l’homme.
Mme la présidente. L'amendement n° 295 rectifié bis, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise et Tuheiava, est ainsi libellé :
Après l'article 21 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « entré régulièrement en France » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 148 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 21 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsque la demande de carte de séjour temporaire émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié avec un ressortissant de nationalité française, et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la condition prévue à l'article L. 311-7 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas exigée.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il s’agit de supprimer l’obligation de produire un visa de plus de trois mois lors de la demande de carte de séjour temporaire lorsque cette demande émane d’un étranger entré régulièrement en France, marié avec un ressortissant français, et que tous deux séjournent ensemble en France depuis plus de six mois.
L’obtention d’un visa de long séjour ne va pas sans poser des difficultés. Il est prévu que ces personnes, sous les conditions que nous avons déjà évoquées, peuvent demander un visa auprès de la préfecture, mais cette procédure fonctionne mal. Il arrive que le consulat ne réponde pas à la demande de visa dans le délai légal imparti de deux mois. Or l’absence de réponse après deux mois équivaut à un refus et la préfecture n’instruit alors pas la demande de titre de séjour.
Ce problème procédural aboutit à priver de leurs droits des personnes qui peuvent prétendre à l’obtention d’un titre de séjour. Pour les conjoints de Français résidant en France, ce dysfonctionnement paraît hautement préjudiciable au droit de vivre en famille et ses conséquences sont démesurées par rapport à l’intérêt de ce visa. En effet, les vérifications effectuées par le consulat pour la délivrance du visa sont les mêmes que celles auxquelles procède la préfecture pour la délivrance du titre de séjour : absence de fraude, trouble à l’ordre public, annulation de mariage, etc.
Dans ce cas, il n’y a donc pas lieu de conserver la nécessité d’un visa long séjour.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les amendements nos 343 et 295 rectifié visent à délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire à l’étranger qui est entré régulièrement sur le territoire, est marié et séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint français.
En réalité, à l’heure actuelle, ces étrangers sont tenus d’obtenir, tout d’abord, un visa de long séjour.
La préoccupation des auteurs des amendements est déjà prise en compte par le droit positif puisque la loi du 24 juillet 2006 a facilité les démarches nécessaires en prévoyant la possibilité d’introduire une demande de visa sur le territoire national pour le conjoint de Français séjournant en France depuis plus de six mois.
En outre, le visa ainsi délivré pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois au conjoint d’un ressortissant de Français donne à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois sollicite le retrait des amendements. À défaut, l’avis serait défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 295 rectifié bis, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 295 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 489 rectifié bis, présenté par Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l'article 21 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 211-2-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le partenaire lié à un ressortissant français par un pacte civil de solidarité et pouvant attester d’un an de vie commune bénéficie des dispositions visées au présent article. »
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet amendement vise à étendre au partenaire d’un ressortissant français lié par un PACS certaines dispositions bénéficiant aux couples mariés en matière d'obtention d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois.
Nous avons introduit le PACS dans notre système juridique. Il me semble donc normal d’accorder au partenaire pacsé d’un de nos ressortissants des conditions d’obtention d’un visa plus souples, moins restrictives.