Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, mes chers collègues, près de trois ans après la modification de la Constitution permettant la ratification du traité de Lisbonne, le Sénat se met à jour, un an et demi après l’Assemblée Nationale. Autant dire que cela n’avait pas l’air très important !
La proposition de résolution concerne la « transposition » dans le règlement du Sénat des dispositions des articles 88-6 et 88-7 de la Constitution.
L’article 88-6 introduit un droit de contrôle du Parlement sur le respect du principe de subsidiarité par les actes législatifs européens.
L’article 88-7 concerne le droit d’opposition reconnu aux parlements nationaux par l’article 48 du traité de Lisbonne.
Avant d’examiner rapidement les dispositions de cette proposition de résolution, je souhaite souligner le caractère presque dérisoire du débat d’aujourd’hui.
En 2008, les défenseurs du traité de Lisbonne promettaient que son adoption renforcerait le rôle des parlements nationaux, notamment via les deux articles que je viens de mentionner. Or ce n’est pas du tout le cas. Un exemple récent le démontre : aucun débat n’a eu lieu sur le plan d’aide à l’Irlande, auquel contribue évidemment notre pays. Mon groupe avait pourtant formulé officiellement une demande en ce sens, dans le cadre de l’article 50-1 de la Constitution, qui prévoit la possibilité d’organiser des débats de politique générale.
Le Gouvernement et la majorité du Sénat ont refusé cette proposition au double titre, d’une part, que le Président de la République ne devait pas être gêné dans son action et, d’autre part, que les marchés pourraient être inquiets d’une intrusion du politique dans leur sphère.
Une démonstration similaire peut être effectuée s’agissant des politiques budgétaires de chaque État.
L’offensive menée par le Nicolas Sarkozy et les dirigeants européens contre l’indépendance budgétaire des États prend également à contre-pied l’idée d’un renforcement du rôle des parlements nationaux sur des questions importantes.
Il n’est pas possible de défendre l’idée du renforcement des parlements tout en acceptant le principe d’un contrôle préalable des budgets nationaux par les autorités européennes, Commission en tête. Il s’agit, nous le voyons bien, de contester le droit absolu des citoyens à décider des dépenses de leur pays.
En réalité, la mise sous tutelle des États européens, de leurs institutions propres, par la Commission européenne et la Banque centrale européenne, la BCE, se renforce encore avec la crise.
Ce sont bien les « marchés » qui gouvernent l’Europe, au travers d’instances dépourvues de réelle légitimité démocratique. Les agences de cotations et les opinions de M. Trichet pèsent beaucoup plus lourd que les avis ou votes des instances nationales.
Ces deux exemples confirment la faible portée des articles 88-6 et 88-7 de la Constitution, qu’il nous est proposé de rendre applicables aujourd’hui.
Ce que beaucoup, bien au-delà des partisans du non au référendum de 2005, ont appelé le « déficit démocratique » est toujours là. Ce ne sont pas les mesurettes d’aujourd’hui qui y changeront quoi que ce soit !
Le statut de la Banque centrale européenne demeure fondé sur le principe d’indépendance à l’égard des États et a fortiori des parlements nationaux.
Si les souhaits des Français exprimés en 2005 avaient été entendus, le traité de Lisbonne aurait instauré un contrôle politique de la Banque centrale européenne par les parlements européens et nationaux. Nous en sommes bien loin ! Nous voyons bien que, comme je l’ai déjà indiqué, seuls les marchés dictent aujourd'hui leur loi à la BCE.
Plus généralement, nous ne pouvons que le constater, rien n’a changé ! Les institutions européennes n’ont pas été réformées ; elles n’ont pas été démocratisées non plus. Les pouvoirs sont concentrés dans des instances non élues comme, outre la BCE, la Commission européenne ou encore la Cour de justice de l’Union européenne, qui détient – je vous le rappelle – une part importante du pouvoir législatif dans l’Union européenne et, par voie de conséquence, dans chacun des États membres.
À la différence de nos juridictions, la Cour de justice de l’Union européenne statue pour l’avenir par dispositions générales et opposables à tous, comme la loi elle-même.
Qui sont ces juges surpuissants ? Qui les nomme ? Qui les contrôle ? Certainement pas les parlements nationaux, ni le Parlement européen !
Je note enfin que rien n’a été fait pour renforcer la procédure de contrôle a priori de l’élaboration des actes communautaires, l’actuel article 88-4 de la Constitution refusant toujours et encore le caractère de mandat impératif donné par le Parlement aux ministres, contrairement à ce qui existe, par exemple, au Danemark.
Les nouvelles dispositions constitutionnelles à l’égard des parlements nationaux auxquelles cette proposition de résolution fait référence concernent uniquement un contrôle du respect du principe de subsidiarité et un pouvoir d’empêchement relatif de la mise en œuvre de la procédure qui permet de passer du principe de l’unanimité au principe de la majorité qualifiée dans tel ou tel domaine.
En quelques mots, je souhaite souligner que ces dispositions sont de peu de portée, car elles ont peu de chances d’aboutir et concernent des domaines très limités.
Monsieur le rapporteur, vous indiquez dans votre rapport que le contrôle du respect du principe de subsidiarité à l’égard des actes législatifs européens doit se faire dans le cadre d’un avis motivé adressé aux présidents des institutions de l’Union, dans un délai de huit semaines à compter de la date à laquelle le projet d’acte européen a été transmis. Ce délai est si court qu’il rend par lui-même la procédure très difficile. Certes, vous nous avez incités à nous dépêcher, mais le fait est là, ce délai est très court.
Par ailleurs, les autorités européennes peuvent « tenir compte » de cet avis – sans plus ! – et il faut qu’un tiers ou 25 % des parlements nationaux se soient prononcés dans le même sens.
Pour le contrôle a posteriori du principe de subsidiarité, grande innovation, les parlements peuvent saisir la Cour de justice, alors que tout Européen pouvait le faire jusqu’alors. Il faut noter que les recours ne peuvent porter que sur le principe de subsidiarité. Là aussi, le délai de réflexion est très court : deux mois.
Enfin, nous n’acceptons pas qu’un recours doive être signé par soixante sénateurs pour être de droit. Nous étions favorables au fait qu’un groupe parlementaire dispose d’une telle prérogative. Un groupe parlementaire ne peut-il pas disposer des mêmes droits que n’importe quel Européen ?
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dernier point important : un parlement national a la possibilité d’opposer son veto à l’utilisation d’une clause passerelle par les autorités européennes. Mais c’est la moindre des choses !
En effet, l’article 48 du traité de Lisbonne prévoit la possibilité d’abandonner la règle de l’unanimité, pourtant fixée comme principe, dans tel ou tel domaine par les parlements ou peuples qui l’ont validé.
Ces clauses passerelles permettent de remettre en cause la souveraineté de chaque État dans des secteurs où elle était maintenue jusqu’à présent. C’est un acte suffisamment lourd pour mériter un avis éventuellement contraire !
Cela étant, la proposition de résolution en elle-même n’est que la mise en musique réglementaire de la Constitution. Elle ne pose donc pas de problème en soi. Par conséquent, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, mes chers collègues, il n’est certainement pas dans mes intentions – je dois avouer que ce ne serait sans doute pas non plus dans mes possibilités – de me livrer à une critique de la proposition de résolution qui fait l’objet de ce débat.
Le seul fait qu’une telle proposition résulte de la coopération du président de notre assemblée et des présidents des différentes commissions, avec la contribution sur certains points du groupe de travail formé par M. le président de la commission des lois et notre collègue Bernard Frimat, constitue pour moi et pour mon groupe la meilleure des garanties.
Je suis ainsi conduit à formuler à cette occasion quelques réflexions d’une portée plus générale.
Ma première réflexion porte sur la forme, pour relever la complexité du système institutionnel européen. Je n’en fais aucun reproche puisque cette complexité est liée au fait que la construction européenne est, par nature, une entreprise complexe, à plus forte raison dans les circonstances actuelles : l’échec si fâcheux du projet de traité constitutionnel européen, qui aurait amené une certaine clarté, a conduit à ce traité de Lisbonne qui est, avouons-le, une « monstruosité » institutionnelle.
M. Roland Courteau. Ce n’est pas faux !
M. Pierre Fauchon. J’emploie à dessein le terme de « monstruosité », qui peut surprendre, mais je l’emploie au sens le plus propre du terme, car le traité de Lisbonne se présente comme ces animaux monstrueux exhibés dans les foires parce qu’ils ont plus de pattes ou plus de têtes que n’en veut la nature aussi bien que la raison. (Sourires.)
Ma deuxième réflexion porte sur le fond. Autant il est justifié et nécessaire, compte tenu de certaines initiatives qui témoignent d’un zèle de réglementation excessif de la part de Bruxelles, de mettre en place des dispositifs de protection du principe de subsidiarité, autant il me paraît personnellement contestable de permettre au parlement d’un seul État membre de s’opposer à l’adoption d’une clause passerelle ou de l’équivalent d’une telle clause en matière de coopération judiciaire civile ou de droit de la famille.
Dans les deux cas, il s’agit de passer d’une prise de décision à l’unanimité à la prise de décision à la majorité qualifié – ce n’est pas n’importe quelle majorité ! –, sous condition d’une décision unanime du Conseil européen.
En matière de droit de la famille ou de l’organisation judiciaire, il s’agit uniquement d’affaires ayant des incidences transfrontalières, et non pas de compétence nationale.
Comment ne pas voir qu’une telle faculté de blocage conférée à un seul parlement national dans l’Europe des vingt-sept constitue, même si elle n’est mise en œuvre que rarement, un risque de paralysie qui est la négation même de la démarche communautaire, raison d’être de la construction européenne ? De deux choses l’une : soit on s’inscrit dans une démarche communautaire, et une décision à l’unanimité du Conseil accompagnée d’une décision à la majorité qualifiée devrait suffire, soit on ne veut pas vraiment s’y engager, et alors qu’on en sorte...
Nous sommes en présence d’une de ces dispositions qui conduisent à s’interroger sur le point de savoir si le système institutionnel communautaire est vraiment conçu pour favoriser la construction de l’Europe. Il apparaît quelquefois comme plutôt destiné à la paralyser.
Ma troisième réflexion sera pour rappeler que le principe de subsidiarité ne saurait fonctionner à sens unique. Il ne doit pas seulement nous préserver de décisions prises au plan européen dans des domaines où le cadre national, voire régional, correspond mieux à la nature des problèmes qu’il s’agit de résoudre. Ce principe devrait également – ce serait probablement même plus important – nous déterminer à cesser de prétendre pouvoir traiter correctement au niveau national des problèmes qui appellent manifestement des politiques définies à un niveau supérieur par leur nature même et par l’étendue de leurs enjeux.
Croyons-nous encore pouvoir développer des politiques qui soient à la hauteur de ces enjeux dans les domaines comme celui de la recherche scientifique, des grands moyens de transport, des grandes infrastructures, des ressources énergétiques et des matières premières, de la protection de l’environnement, de la lutte contre la délinquance transnationale, de la sécurité et de la défense ? Excusez du peu !
Il suffit d’évoquer de tels sujets, qui sont essentiels, pour mesurer la terrible insuffisance de nos politiques nationales au regard des exigences du temps présent.
Comme en ont témoigné les propos tenus récemment par le président de la SNCF, M. Pepy, lors de son audition par la commission des affaires européennes, nous devons être conscients du fait que, non seulement nos politiques nationales particulières ne disposent pas des moyens à la hauteur de nos ambitions, mais qu’il leur arrive en outre de se nuire mutuellement par l’effet de leur concurrence, qui affaiblit plus encore leur capacité à rivaliser avec les partenaires mondiaux.
Actuellement, les industries allemandes et françaises, pour ne parler que d’elles, se livrent à une concurrence destructrice au sujet de l’Eurostar, ce qui ne nous permet pas de rivaliser avec les industries chinoises et autres.
Sans doute faisons-nous quelques efforts, surtout verbaux, d’ailleurs, pour, selon les euphémismes en vigueur, « harmoniser », rapprocher ces politiques, et avancer pas à pas dans la voie d’une véritable coopération dont aucun esprit sérieux ne doute de la nécessité. On vient de le voir, par exemple, sur le terrain de la défense. Pour autant, nous sommes bien incapables de faire quoi que ce soit de réellement en commun. On fera l’analyse des problèmes, l’inventaire des situations dans les différents pays, ce qui prendra un an, et pendant ce temps l’histoire s’écoulera !
Cependant, la mondialisation qui bouscule les situations acquises avance, elle, à grand pas, et il est à craindre que les États européens empêtrés dans leurs particularismes, leurs préventions, leurs prétentions, se révèlent incapables de mettre en place des réponses appropriées aux défis de notre temps.
Comme quatrième réflexion, j’évoquerai une réalité que nous rencontrons fréquemment à l’issue des analyses menées au sein de la commission des affaires européennes : dès lors que nous sommes confrontés à des problèmes qui appellent des solutions communes et que l’ensemble des États européens ne parviennent pas dans des délais convenables à mettre en place des réponses appropriées, il appartient aux États qui sont les plus conscients de l’importance des enjeux, de l’urgence et de leurs responsabilités de s’unir, même à quelques-uns, pour définir et mettre en œuvre des politiques communes qui auront au moins l’avantage de se situer à un meilleur niveau d’efficacité. C’est ce que nous appelons communément des coopérations renforcées ou des coopérations volontaires, qui sont probablement le seul moyen qui s’offre aux Européens de ne pas se laisser déborder et marginaliser par le « tsunami » de la mondialisation.
Pour finir, je formulerai une dernière réflexion qui viendra prolonger celle de Denis Badré. Il faut que les parlements nationaux soient plus présents dans les débats européens. Comment y parvenir ? Notre collègue l’a souligné, la COSAC et les différentes réunions qui ont lieu régulièrement sont très utiles, mais tous ces contacts ne sont pas à la hauteur de la complexité des problèmes et des engagements nécessaires. La véritable solution, dans toute construction politique plurinationale, fédérale ou de type fédéral, c’est l’existence d’une seconde chambre. Il est évident que l’Europe a besoin d’une seconde chambre qui devrait être selon moi, c’est une idée que je partage avec M. Badré, issue des parlements nationaux. Serait transposée alors une véritable culture parlementaire nationale au niveau européen. En connexion avec leurs parlements nationaux, les représentants pourraient se consacrer à leur mission de parlementaires, et assumeraient pleinement leurs responsabilités. C’est le schéma classique de toute constitution de type fédéral. Au demeurant, je sais bien que c’est une idée pour l’avenir.
Telles sont les réflexions qui viennent à l’esprit des membres de mon groupe à l’occasion de l’examen de cette proposition de résolution que nous voterons avec confiance, mais non sans inquiétude quant à l’avenir de l’Europe. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Monsieur le président, mes chers collègues, il y a un peu plus d’un an, après plusieurs années de difficiles réformes institutionnelles, le traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007 entrait en vigueur.
Il aura donc fallu près de trois années, de nombreuses tractations, deux référendums irlandais et plusieurs concessions aux États membres pour que ces derniers se mettent enfin d’accord. Cela permettait à l’Europe de souffler un peu sur le plan des réformes institutionnelles.
Une des innovations les plus marquantes du traité de Lisbonne est sans aucun doute la reconnaissance du rôle et de la place des Parlements nationaux dans la construction européenne. Ils en sont devenus des acteurs à part entière. Il s’agit là d’une demande ancienne de la France puisqu’elle s’était déjà exprimée lors de la préparation du traité d’Amsterdam.
Notre pays a toujours œuvré pour que chacun reconnaisse la nécessité de mieux ancrer les questions européennes dans les vies politiques nationales et de développer les liens entre les citoyens et les institutions de l’Union. Une association plus étroite des Parlements nationaux à la vie de l’Union est un des principaux éléments de réponse à cette préoccupation. Le traité de Lisbonne, en mentionnant le rôle des Parlements nationaux dans le corps même des traités, apporte donc une innovation importante.
La révision constitutionnelle du 4 février 2008, préalable à la ratification par la France du traité de Lisbonne, a introduit dans la Constitution française deux articles consacrés à des nouvelles responsabilités conférées aux Parlements nationaux. Je veux parler du contrôle de subsidiarité et de l’exercice d’un droit d’opposition à la mise en œuvre des « clauses passerelles ». La mise en œuvre de ces dispositions est prévue aux articles 88-6 et 88-7 de la Constitution.
Aujourd’hui, les Parlements nationaux ont un rôle européen de première ampleur. Il faut s’en féliciter.
À côté de leur rôle législatif classique d’approbation des actes les plus fondamentaux de l’Union et leur intervention dans la transposition des directives en droit national, ils exercent une fonction de contrôle majeure. Cette fonction s’exerce aujourd’hui essentiellement à l’égard de l’action européenne de chaque gouvernement.
Cette fonction de contrôle est en plein renforcement pour le Parlement français, en raison de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et de la réforme des règlements des assemblées qui en a tiré les conséquences.
La création d’une commission des affaires européennes au sein de chaque assemblée, l’élargissement du champ de l’article 88-4, l’attribution d’une partie de l’ordre du jour au contrôle et la révision de la procédure d’adoption des résolutions européennes sont des acquis de la dernière révision constitutionnelle et une nouvelle étape dans l’évolution du rôle européen du Parlement.
Avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, ce contrôle s’exercera désormais directement sur l’action des institutions européennes, non pas sur le fond des actes ou projet d’actes, mais sur le respect du principe de subsidiarité. Il s’agit là d’une innovation majeure. Le Sénat pourra adresser à la Commission européenne, au Parlement européen et au Conseil de l’Union des « avis motivés » sur le non-respect du principe de subsidiarité par un projet d’acte législatif européen.
Ce contrôle de subsidiarité permettra pour la première fois aux Parlements nationaux d’intervenir directement dans le processus législatif ordinaire de l’Union, en s’appuyant sur des instruments juridiques spécifiques, afin de veiller au respect du principe de subsidiarité. Il s’agit donc d’une procédure européenne mettant directement en rapport les Parlements nationaux avec les institutions de l’Union et incitant les Parlements nationaux à se concerter entre eux, puisque c’est seulement si un tiers des Parlements nationaux ont adressé un avis motivé que le projet d’acte législatif « doit » être réexaminé.
Autre innovation, le Sénat pourra former un recours devant la Cour de justice de l’Union contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité.
Enfin, le Sénat participera à l’exercice du droit d’opposition attribué à tout Parlement national dans deux cas : la mise en œuvre des « clauses passerelles » qui permettent le passage de l’unanimité à la majorité qualifiée pour une décision du Conseil et la détermination par le Conseil de la liste des aspects du droit de la famille pouvant faire l’objet d’une législation européenne selon la procédure de codécision.
Le moment était donc venu pour le Sénat d’adapter son règlement afin de définir les modalités selon lesquelles il exercera ces nouveaux pouvoirs. C’est l’objet de la proposition de résolution que nous allons examiner. Je ne reviendrai pas sur le fond juridique et les modalités de mise en œuvre de ces modifications, le rapport de notre excellent collègue Patrice Gélard nous ayant à cet égard parfaitement éclairés.
Je souhaite insister, au nom du groupe UMP, sur le rôle que notre assemblée doit jouer en matière européenne. C’est à notre avis un rôle très important.
Le contrôle parlementaire sur les affaires européennes forme un domaine où le Sénat a une responsabilité toute particulière. C’est un domaine où les deux assemblées se trouvent placées à égalité. Elles le sont pour la mise en œuvre de l’article 88-4 comme pour l’exercice des responsabilités confiées aux Parlements nationaux par le traité de Lisbonne.
Ensuite, du fait de son enracinement dans les collectivités territoriales de la République, du fait de sa connaissance et de sa pratique des réalités locales, le Sénat a un rôle majeur à jouer pour rapprocher la construction européenne des citoyens.
Les sénateurs sont des relais d’opinion irremplaçables, en contact permanent avec les responsables locaux et territoriaux. Le déficit démocratique existe toujours en matière européenne. Que l’on considère les résultats du référendum sur le traité constitutionnel, le taux de participation aux élections européennes ou même le désintérêt de nos concitoyens pour les problèmes européens, on constate qu’il existe une fracture entre la construction européenne, les enjeux européens et un grand nombre de nos concitoyens.
La crise financière, à cet égard, par son ampleur et les inquiétudes qu’elle engendre, a fait prendre conscience que le sort de notre pays était lié à celui de nos voisins. Il faut maintenant dire et convaincre que notre salut viendra d’un renforcement de l’Union et non de son effacement.
Ce n’est pas l’idée européenne ou même l’idéal européen qui sont en cause, mais c’est plutôt le fonctionnement de l’Union, dont les institutions apparaissent souvent lointaines, difficilement compréhensibles et malaisément contrôlables, pour ne pas dire peu démocratiques.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Christophe-André Frassa. Les parlementaires français, en général, et les sénateurs, en particulier, doivent réduire cette fracture. Tant la révision constitutionnelle que le traité de Lisbonne leur donnent des instruments pour cela ; ils devront être pleinement utilisés par notre assemblée.
Enfin, il faut souligner que, en matière européenne encore plus que dans les autres domaines, l’influence se construit dans la durée. Le Sénat, par son mode d’élection et son type de rapport avec le Gouvernement, est bien placé pour pouvoir prendre du recul et poursuivre des préoccupations de long terme.
Notre assemblée doit donc assumer pleinement son rôle européen et ainsi apporter sa pierre au processus, si nécessaire, de « démocratisation » de l’Union, car la construction européenne doit devenir de plus en plus l’affaire de tous.
La crise économique actuelle et ses effets dévastateurs sur la zone euro rendent cette mission plus urgente encore. Le Sénat a donc un rôle important à jouer en matière européenne, domaine où il se trouve placé à égalité avec l’Assemblée nationale : s’il parvient à être à la fois enraciné dans les collectivités territoriales et pleinement ouvert sur l’Europe, il pourra être un trait d’union particulièrement utile. À lui de réaliser les adaptations nécessaires. Ce n’est pas en se pliant à la routine administrative ni en se comportant en chambre d’enregistrement que le Sénat confortera sa place dans notre démocratie.
La modification de notre règlement, à laquelle le groupe UMP apporte tout son soutien, nous donne cette opportunité. Sachons la saisir ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article unique.
Article unique
(Non modifié)
Après l’article 73 septies du Règlement, sont insérés trois articles ainsi rédigés :
« Art. 73 octies. – 1. Les propositions de résolution portant avis motivé sur la conformité d’un projet d’acte législatif européen au principe de subsidiarité et celles tendant à former un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité, déposées sur le fondement de l’article 88-6 de la Constitution, sont adoptées dans les conditions prévues au présent article.
« 2. Tout sénateur peut déposer une proposition de résolution. La proposition de résolution est envoyée à la commission des affaires européennes. Celle-ci peut adopter une proposition de résolution de sa propre initiative.
« 3. Une proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes est transmise à la commission compétente au fond qui statue en concluant soit au rejet, soit à l’adoption de la proposition. Si la commission compétente au fond n’a pas statué, le texte adopté par la commission des affaires européennes est considéré comme adopté par la commission compétente au fond.
« 4. Le texte adopté dans les conditions prévues à l’alinéa 3 constitue une résolution du Sénat.
« 5. À tout moment de la procédure, le président d’un groupe peut procéder à la demande d’examen en séance publique selon la procédure prévue à l’alinéa 5 de l’article 73 quinquies.
« 6. Le Président du Sénat transmet au Président du Parlement européen, au Président du Conseil de l’Union européenne et au Président de la Commission européenne les résolutions du Sénat portant avis motivé sur la conformité d’un projet d’acte législatif européen au principe de subsidiarité. Il en informe le Gouvernement.
« 7. Le Président du Sénat transmet au Gouvernement aux fins de saisine de la Cour de justice de l’Union européenne les résolutions du Sénat visant à former un recours contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité.
« 8. À l’expiration d’un délai de huit semaines à compter respectivement de la transmission du projet d’acte législatif dans les langues officielles de l’Union ou de la publication de l’acte législatif, la procédure d’examen d’une proposition de résolution est interrompue.
« Art. 73 nonies. – 1. Le Président du Sénat transmet au Gouvernement, aux fins de saisine de la Cour de justice de l’Union européenne, tout recours contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité formé, dans un délai de huit semaines suivant la publication de cet acte législatif, par au moins soixante sénateurs.
« 2. Ce recours interrompt, le cas échéant, l’examen des propositions de résolution visées à l’article 73 octies portant sur le même acte législatif.
« Art. 73 decies. – 1. Tout sénateur peut présenter une motion tendant à s’opposer à une modification des règles d’adoption d’actes de l’Union européenne dans les cas visés à l’article 88-7 de la Constitution.
« 2. Une motion s’opposant à une initiative visée à l’avant-dernier alinéa du 7 de l’article 48 du traité sur l’Union européenne ou à une proposition de décision visée au deuxième alinéa du 3 de l’article 81 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne doit être présentée dans un délai de quatre mois à compter de la transmission de l’initiative ou de la proposition de décision à laquelle elle s’oppose et viser cette initiative ou cette proposition de décision. Elle ne peut faire l’objet d’aucun amendement.
« 3. La motion est envoyée à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui rend son rapport dans un délai d’un mois. Le rapport conclut à l’adoption ou au rejet de la motion.
« 4. La motion est discutée dès la première séance suivant la publication du rapport, sous réserve des priorités définies à l’article 48 de la Constitution. En cas de rejet, aucune autre motion portant sur une même initiative ou proposition de décision n’est recevable.
« 5. La motion adoptée est transmise sans délai au Président de l’Assemblée nationale.
« 6. Lorsque le Sénat est saisi par l’Assemblée nationale d’une motion tendant à s’opposer à une modification des règles d’adoption d’actes de l’Union européenne, la motion est envoyée à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Elle est discutée avant l’expiration d’un délai de six mois suivant la transmission de l’initiative ou de la proposition de décision à laquelle elle s’oppose.
« 7. En cas d’adoption par le Sénat d’une motion transmise par l’Assemblée nationale, le Président du Sénat en informe le Président de l’Assemblée nationale. Il notifie au Président du Conseil européen le texte d’une motion s’opposant à une initiative et au Président du Conseil de l’Union européenne le texte d’une motion s’opposant à une proposition de décision. Il en informe le Gouvernement.
« 8. En cas de rejet d’une motion transmise par l’Assemblée nationale, le Président du Sénat en informe le Président de l’Assemblée nationale. Aucune motion tendant à s’opposer à la même initiative ou proposition de décision n’est plus recevable.
« 9. Toute motion présentée en application du présent article et qui n’a pas été adoptée dans un délai de six mois suivant la transmission de l’initiative ou de la proposition de décision devient caduque. »
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de résolution.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le groupe CRC-SPG s’abstient.
(La proposition de résolution est adoptée.)
M. le président. Conformément à l'article 61, premier alinéa, de la Constitution, la proposition de résolution sera soumise au Conseil constitutionnel avant sa mise en application.