M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Mme Bricq, l’amendement n° II-487 est-il maintenu ?
Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur général, je vous remercie d’avoir reconnu le bien-fondé de cet amendement de principe. Vous proposez une autre méthode en affirmant que c’est au Parlement d’établir la liste des niches fiscales et sociales et non au Conseil des prélèvements obligatoires. Vous me demandez donc, en quelque sorte, de faire confiance à la majorité sénatoriale.
M. Roland Courteau. Eh oui, cela revient à ça !
Mme Nicole Bricq. Hum, c’est ça qui m’ennuie…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je vous propose de faire confiance à l’institution, ma chère collègue.
Mme Nicole Bricq. Nous ne sommes que l’opposition. Certes, ce n’est sans doute pas pour l’éternité,…
M. Christian Cambon. Ne rêvez pas !
Mme Nicole Bricq. … et nous pourrons toujours revenir sur cette question.
Il faut tout de même reconnaître que le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires a été contesté non par les parlementaires ni même par le Gouvernement, mais par Mme Parisot, par le MEDEF.
Loin de moi l’idée d’enlever des droits au Parlement, qui n’en a déjà plus beaucoup ! Mais, d’ores et déjà, l’arbitraire est du côté du Gouvernement, qui classe et déclasse les niches en fonction des intérêts qu’il défend, et nous savons bien desquels il s’agit.
M. Roland Courteau. Oui !
Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur général, je ne vous fais pas totalement confiance car, que vous le vouliez ou non, vous subirez la pression du Gouvernement. On le constate bien dans le débat et lors des votes : nous vous proposons des amendements tendant à supprimer des niches fiscales ou, au moins, à les évaluer, mais vous les repoussez. Pourquoi ?
Je ne suis pas favorable à la suppression de toutes les niches, même si cette solution peut être étudiée…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est la seule bonne option !
Mme Nicole Bricq. Si l’on juge utile de soutenir tel ou tel secteur d’activité, telle ou telle catégorie sociale, qu’on le fasse par le biais de dotations budgétaires et non par des dépenses fiscales, comme celles qui se sont accumulées au cours de la dernière période, sans que la preuve de leur efficacité sociale et économique ait jamais été apportée.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Nicole Bricq. Vous parlez de réduire la dépense. Attaquons-nous d’abord aux recettes ! Augmentons les recettes de l’État, qui n’en peut plus !
En conséquence, pour une raison de principe, je ne retire pas mon amendement. Néanmoins, j’ai bien entendu votre proposition : si vous mettez en place un groupe de travail de ce type, bien entendu, nous y participerons, mais il faudrait qu’il se réunisse assez rapidement. En effet, vous ne pouvez pas nous renvoyer éternellement au printemps 2011.
Cela doit faire partie du travail du Parlement, j’en conviens, mais, au moins, avec le Conseil des prélèvements obligatoire, nous avons une base de discussion sur laquelle nous pouvons déjà nous prononcer.
M. Roland Courteau. Très bonne démonstration !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Laissez-nous finir le collectif budgétaire !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame Bricq, on ne fait rien de constructif sans confiance.
Depuis un certain nombre de mois, j’essaie de créer les conditions de cette confiance au sein de la commission des finances. Je confirme ce qu’a annoncé M. le rapporteur général : dès que nous aurons fini nos travaux sur les textes budgétaires, c'est-à-dire dès le début de l’année 2011, nous mettrons en chantier cette évaluation.
Madame Bricq, si vous pouviez faire, sinon un geste de confiance, un signe qui s’en approcherait, ce serait… un moment d’émotion ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Vous n’en faites pas envers moi !
M. Roland Courteau. C’est à sens unique !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt la présentation de l’amendement de Mme Nicole Bricq, ainsi que la réponse de M. le rapporteur général.
Le remarquable rapport établi par le rapporteur général le rappelle : dans la semaine du 8 novembre, le Sénat a examiné le projet de loi de financement de la sécurité sociale, lequel définit les modalités de perception des 426,6 milliards d’euros de prélèvements obligatoires.
M. le rapporteur général a indiqué avec beaucoup de conviction quelle était sa position et je m’y rallie, car je sais qu’on peut lui faire confiance.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Merci beaucoup !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, je vous remercie de m’accorder une nouvelle fois la parole alors que je m’étais déjà exprimée. Il se trouve en effet que le président Arthuis a pris un engagement solennel, ce qu’il n’avait pas fait jusqu’à présent. Je pense devoir en tenir compte.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ah !
Mme Nicole Bricq. Je ne vous fais pas plus confiance pour autant ! (Rires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous êtes bien ingrate !
Mme Nicole Bricq. Si le Parlement ou, en l’occurrence, le Sénat fait ce travail dans la concertation, en prenant le soin d’écouter l’opposition, nous pourrons éventuellement avancer sur certains points et cela nous permettra de dire au Gouvernement ce qu’il doit faire.
En conséquence, j’accepte de retirer mon amendement. (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
Mme Nicole Bricq. Je me félicite qu’il ait permis d’avancer vers une solution parlementaire. Ce ne sera peut-être pas la bonne, mais elle aura le mérite d’être !
M. le président. L’amendement n° II-487 est retiré.
Il semble que le président Arthuis convainque mieux lorsqu’il s’exprime depuis le centre de l’hémicycle que lorsqu’il le fait depuis le banc des commissions… (Rires.)
Pardonnez-moi si j’outrepasse mes prérogatives, monsieur Arthuis !
M. Jean Arthuis. C’est une provocation, monsieur le président ! (Sourires.) Sachez que je me sens très bien au centre ! (Nouveaux sourires.)
Article 58
I. – L’avantage en impôt résultant des réductions et crédits d’impôt retenus au b du 2 de l’article 200-0 A du code général des impôts pour l’application du 1 de cet article, à l’exception de ceux mentionnés aux articles 199 sexdecies, 199 undecies B, 199 undecies C et 200 quater B du même code, fait l’objet d’une diminution de 10 %, calculée selon les modalités suivantes :
1° Les taux des réductions et crédits d’impôt, les plafonds d’imputation annuelle de réduction ou de crédit d’impôt et les plafonds de réduction ou de crédit d’impôt admis en imputation, exprimés en euros ou en pourcentage d’un revenu, tels qu’ils sont prévus dans le code général des impôts pour l’imposition des revenus de l’année 2011, sont multipliés par 0,9 ;
2° Les résultats des opérations mentionnées au 1° sont arrondis à l’unité inférieure ;
3° Lorsque plusieurs avantages fiscaux sont soumis à un plafond commun, celui-ci est diminué dans les conditions prévues aux 1° et 2° ;
4° Le taux utilisé pour le calcul de la reprise éventuelle des crédits et réductions d’impôt est le taux qui a été appliqué pour le calcul des mêmes crédits et réductions d’impôt.
II. – La traduction mathématique des taux et des montants qui résultent de l’application des 1° à 4° du I est introduite dans le code général des impôts par décret en Conseil d’État.
II bis (nouveau). – À l’exclusion du 2° du I, les I et II sont applicables à l’avantage en impôts prévu à l’article 199 undecies B.
Toutefois, lorsque cet avantage est acquis dans les conditions prévues aux vingt-sixième et vingt-neuvième alinéas de ce même article, la diminution mentionnée au premier alinéa du I du présent article porte sur la seule fraction non rétrocédée.
III. - L’article 199 undecies B du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au I :
a) À la première phrase du vingt-sixième alinéa, le taux : « 60 % » est remplacé par le taux : « 62,5 % » et, à la deuxième phrase du même alinéa, le taux : « 50 % » est remplacé par le taux : « 52,63 % » ;
b) À la première phrase du 2°, le taux : « 60 % » est remplacé par le taux : « 62,5 % » ;
2° Au 2 du I bis, le taux : « 60 % » est remplacé par le taux : « 62,5 % ».
IV. – Le I de l’article 199 undecies D du même code est ainsi modifié :
1° Au 2, le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 37,5 % » ;
2° Au 3, les mots : « la moitié » sont remplacés par le taux : « 47,37 % » ;
3° Le 4 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « d’une fois et demie le » sont remplacés par les mots : « de cinq fois le tiers du » ;
b) Au début du dernier alinéa, sont ajoutés les mots : « de dix fois le neuvième ».
IV bis (nouveau). – Après le mot : « à », la fin de la dernière phrase du V de l’article 199 septvicies du même code est ainsi rédigée : « 6 % du prix de revient du logement par période triennale, imputée à raison d’un tiers de son montant sur l’impôt dû au titre de chacune des années comprises dans ladite période. »
V. – À la première phrase du 3 de l’article 200-0 A du même code, le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 37,5 % » et, à la deuxième phrase du même 3, les mots : « la moitié » sont remplacés par les mots : « neuf fois le dix-neuvième ».
VI. – L’article 1649-0 A du même code est ainsi modifié :
1° Le a du 2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’impôt sur le revenu défini à l’alinéa précédent est retenu pour un montant calculé sans appliquer la diminution de 10 % de certains avantages fiscaux prévus au I de l’article 58 de la loi n° … du … de finances pour 2011. » ;
2° Après le premier alinéa du 3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les restitutions et les dégrèvements d’impôt sont retenus pour des montants calculés sans appliquer la diminution de 10 % de certains avantages fiscaux prévus au I de l’article 58 de la loi n° … du … de finances pour 2011. »
VII. – 1. Les I à V sont applicables à compter de l’imposition des revenus de l’année 2011 pour les dépenses payées à compter du 1er janvier 2011, à l’exception de celles pour lesquelles le contribuable justifie qu’il a pris, avant le 31 décembre 2010, l’engagement de réaliser un investissement immobilier. À titre transitoire, l’engagement de réaliser un investissement immobilier peut prendre la forme d’une réservation, à condition qu’elle soit enregistrée chez un notaire ou au service des impôts avant le 31 décembre 2010 et que l’acte authentique soit passé avant le 31 mars 2011.
2. Le VI s’applique pour la détermination du plafonnement des impositions afférentes aux revenus réalisés à compter du 1er janvier 2011.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.
M. Thierry Foucaud. L’article 58 ne vise qu’un objectif comptable : la réduction des déficits publics, en tout cas tels qu’ils figurent à la dernière ligne de l’article d’équilibre.
L’article 58 a un premier défaut : il polarise l’attention sur les seules dispositions tendant à affecter le montant de l’impôt sur le revenu au titre des réductions et des crédits d’impôt, c’est-à-dire, au fond, sur ce que l’on pourrait appeler la partie émergée de l’iceberg de la dépense fiscale et des dispositions dérogatoires au droit commun.
En effet, les réductions d’impôt sur le revenu représentent des montants relativement réduits au regard des multiples dispositions corrigeant la stricte application des règles fiscales en matière d’impôt sur le revenu, d’impôt sur les sociétés, de taxe sur la valeur a joutée, et j’en passe.
Ce qui est visé dans cet article ne représente qu’un peu plus de 10 milliards d’euros de dépense fiscale, et même moins puisque toutes les réductions d’impôts – à commencer par l’une des plus importantes, la prime pour l’emploi – ne sont pas couvertes par le dispositif de rabotage !
Le problème, c’est que l’économie générale de la mesure sera de faible portée, conduisant à récupérer quelques centaines de millions d’euros – et encore ! –, alors même que le débat sur la dépense fiscale a pris, depuis quelque temps, une autre tournure.
Le fameux rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur les niches fiscales et sociales destinées aux entreprises vient, en effet, de montrer que les sommes en jeu, sur ce pan de notre système fiscal, étaient d’un tout autre calibre que certaines des réductions d’impôt que l’on s’apprête à raboter.
Quand on cumule directement 172 milliards d’euros de coût des dépenses fiscales, des exonérations de cotisations sociales, sans compter l’effet des exemptions d’assiette, on est bien loin des 10 % de rabot sur 4 milliards ou 5 milliards d’euros de réduction d’impôt !
J’en viens au deuxième défaut de l’article 58 : il ne fait pas porter l’effort indispensable de redressement des comptes publics sur ceux-là mêmes qui en ont largement profité.
Mes chers collègues, au cours de la discussion de la première partie, il s’est trouvé quelqu’un pour supprimer l’article mettant en question la provision pour reconstitution de gisements utilisée exclusivement, ou presque, par le groupe Total – provision qui lui permet de réaliser 20 millions d’euros d’économie d’impôt sur les sociétés –, alors que le même groupe licencie à tour de bras dans ses raffineries, ses filiales et sous-filiales, et qu’il bénéficie de surcroît du régime particulier du bénéfice mondial consolidé ! Bref, on est encore loin, très loin, de poser les vrais problèmes.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Thierry Foucaud. Ce n’est pas en occultant les correctifs de la fiscalité des entreprises, particulièrement disparates et discriminatoires, au détriment des plus petites entreprises, que l’on pourra avancer dans la voie de l’équité fiscale.
Le Conseil des prélèvements obligatoires nous a éclairés en la matière. Les conclusions que l’on peut en tirer, même si elles chiffonnent ceux-là mêmes qui ont, il fut un temps, appelé de leurs vœux la création de ce conseil d’expertise, sont sans équivoque.
Chaque dépense fiscale, chaque dispositif dérogatoire, quels que soient l’impôt et le redevable concernés, doit être évalué de manière critique, au regard des objectifs affichés à l’origine de sa création et des résultats obtenus.
Cette évaluation critique peut nous conduire, dans certains cas, à opter pour la suppression pure et simple de tel ou tel dispositif. Dans d’autres cas, nous pourrions être amenés à le moduler ou à le transformer. Mais, dans tous les cas, il faut se donner le temps de l’évaluation.
Et c’est là le troisième écueil de l’article 58 : il ne procède à aucune véritable évaluation de la portée et de l’utilité de telle ou telle disposition fiscale – même s’il ne s’agit que d’une partie des réductions d’impôt affectant l’impôt sur le revenu – et se contente d’une mesure arbitraire de réduction forfaitaire de chacun des dispositifs visés.
Il n’y a ni lisibilité ni cohérence, d’autant qu’en dernière instance un même contribuable pourra avoir à imputer sur sa déclaration de revenus des réductions intégralement maintenues et d’autres plus ou moins rabotées.
La bonne conclusion serait qu’enfin, en lieu et place d’une dépense fiscale de plus en plus luxuriante, nous redonnions toute sa pertinence à la dépense publique directe, qui demeure le meilleur outil d’égalité des citoyens devant l’impôt, plus sûrement que tout autre.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. L'amendement n° II-431, présenté par M. Arthuis, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer la référence :
199 sexdecies,
La parole est à M. Jean Arthuis, qui s’exprime ici en sa qualité de sénateur.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, que ceci soit bien clair entre nous, lorsque je m’exprime, c’est toujours en ma qualité de sénateur.
Mme Nicole Bricq. Du centre ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis. J’ai fait l’hypothèse que le Gouvernement avait peut-être sous-estimé la capacité du Parlement à suivre ses prescriptions si sages de réduire la dépense fiscale, de même que les dépenses de fonctionnement et les dépenses d’intervention. J’ai donc pensé que nous devions prendre des initiatives que le Gouvernement n’avait pas osé faire figurer dans son projet de loi de finances. Tel est le cas pour le crédit d’impôt sur les emplois de salariés à domicile.
Je propose donc un coup de rabot de 10 % sur ce crédit d’impôt. Le gain d’une telle mesure serait de 250 millions à 300 millions d’euros. Il est vrai que cette mesure ne prendrait effet qu’en 2012.
Hier, le Sénat a eu à se prononcer sur l’article 90, rattaché à la mission « Travail et emploi ». J’avais fait l’hypothèse que l’abattement forfaitaire sur les cotisations sociales dues par les particuliers employeurs serait ramené par le Sénat de 15 à 10 points.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Hypothèse démentie !
M. Jean Arthuis. Je n’avais pas imaginé que le Sénat maintiendrait l’abattement de 15 points, indépendamment de la mesure d’exonération fiscale.
Dans ces conditions, mon amendement, qui avait déjà sa pertinence avec un abattement de 10 points, en a plus encore à 15 points, puisque c’est cet abattement qui se trouve finalement maintenu.
Cet amendement a pour objet d’apporter une contribution, fût-elle modeste, à la réduction des dépenses fiscales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est à un exercice extrêmement délicat que vous m’invitez en cet instant, monsieur le président, mais je m’y prêterai de bonne grâce. (Sourires.)
Cher président Arthuis, nous imaginions hier que le Sénat ne maintiendrait pas les 15 points d’exonération de charges sociales, mais qu’il avait toutes les chances d’évoluer vers une solution intermédiaire : la fixation de ce quantum à 10 points. Dans ce cas, le solde des finances publiques se serait trouvé pénalisé par rapport à l’équilibre prévu par le Gouvernement. Dès lors, votre amendement aurait pu être une utile réponse, en quelque sorte le poids supplémentaire à poser sur l’un des plateaux de la balance pour assurer le maintien de ce précaire équilibre, qui, au demeurant, n’en est pas un.
Or nous sommes dans une configuration totalement différente. Le Sénat, par un vote très proche du strict équilibre, là aussi, a décidé le maintien des 15 points. Cela étant, peut-être doit-on s’interroger sur les rectifications de vote, qui sont de nature à jeter un doute sur ce que veut véritablement la Haute Assemblée en ce domaine.
Pour ma part, je souhaite une clarification et j’appelle de mes vœux une seconde délibération sur l’article 90, monsieur le ministre. Nous devons être tout à fait clairs en pareille matière et il convient donc que, à la toute fin de l’examen de ce projet de loi de finances, on en revienne, sur ce point, à la proposition initiale du Gouvernement. C’est du moins le souhait que je forme, car il est inutile d’échafauder des stratégies illusoires sur une disposition qui n’aura existé que l’espace de quelques jours, d’un samedi soir au mardi suivant.
Dans ces conditions, mon cher collègue – je m’adresse ici au sénateur membre du groupe de l’Union centriste, non au président de la commission des finances –, il me semble que votre amendement est en quelque sorte en porte-à-faux. Quelles que soient les vertus du rabot, si nous adoptons cette disposition, nous risquons de nous mettre en contradiction avec la position que nous devrons adopter à la fin de l’examen de ce projet de loi de finances pour 2011, c'est-à-dire quand il nous faudra prendre la responsabilité de le voter ou de ne pas le voter.
Nous devrons aussi nous engager, en termes de politique économique, vis-à-vis des différents groupes d’intérêt, mais aussi et surtout à l’égard de la France et de ses partenaires, en Europe et dans le reste du monde. Nous devrons donc prendre toutes nos responsabilités à partir de ce très modeste sujet de nos personnels à domicile.
Je souhaite, par conséquent, le retrait de cet amendement. Pour le reste, je m’en remettrai à l’avis du Gouvernement, que je soutiens particulièrement dans l’examen de cet article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Monsieur Arthuis, ce sujet n’est pas médiocre, et il appelle de ma part quelques observations qui iront au-delà du simple avis du Gouvernement sur l’amendement que vous avez défendu.
Premièrement, je souhaite remercier M. le rapporteur général de ses propos et du soutien qu’il apporte à l’objectif fixé par le Gouvernement d’une réduction du déficit budgétaire de 40 milliards d'euros l’année prochaine. Cet objectif est intangible. La France a conçu un plan qui repose sur une économie de 100 milliards d'euros au cours des trois années qui viennent. Mesdames, messieurs les sénateurs, je pourrais longuement développer devant vous l’effort notable de réduction du déficit budgétaire que le Gouvernement propose au travers de ce projet de loi.
Certains pensaient que nous parviendrions à un déficit de 110 ou 115 milliards d'euros. Or le Gouvernement propose un montant de 91 milliards d'euros, soit une réduction de 60 milliards d'euros en un seul exercice budgétaire. Une diminution du déficit de 40 % en une seule année, cela ne s’était jamais fait en cinquante ans ! Nous sommes donc au rendez-vous de l’histoire économique et tirons les conséquences de la crise de 2008-2009, qui a imposé de tels efforts à tous les pays occidentaux, à tous les membres de la zone euro, et en particulier à la France.
Deuxièmement, pour atteindre cet objectif, il faut adopter des mesures qui sont difficiles, mais que le Gouvernement assume tout à fait.
Nous l’avons vu tout à l'heure s'agissant des conséquences fiscales du mariage, du divorce, du PACS. Une économie de 500 millions d'euros était en jeu et chacun a exposé ses convictions, défendu avec sincérité telle ou telle valeur. Pour ma part, je respecte tous les points de vue, mais je ne peux pas, en tant que ministre du budget, laisser se multiplier des dépenses liées à la défense d’intérêts particuliers, dont l’addition ne fera jamais l’intérêt général.
L’intérêt général, ce n’est pas la somme des intérêts particuliers !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. François Baroin, ministre. Je n’accepte pas la défense des emplois à domicile qui s’est traduite, hier, par le maintien des 15 points d’exonération de cotisations sociales. Je l’admets d’autant moins que la proposition est venue de la gauche. Non que je considère que les propositions de la gauche soient par nature mauvaises, mais, au travers de cet amendement issu de l’opposition et approuvé par une majorité de sénateurs, la Haute Assemblée a adressé un message contradictoire. Elle accepte de soutenir le Gouvernement dans son effort de réduction global du déficit, mais, au fur et à mesure de ses votes, elle s’éloigne toujours un peu plus de cet objectif, auquel vous souscrivez pourtant par ailleurs, je le sais, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. Thierry Foucaud. Il faut supprimer le bouclier fiscal !
M. François Baroin, ministre. On ne peut pas tenir un double discours. On ne peut pas proclamer que les efforts accomplis sont insuffisants quand on est à l’extérieur de cet hémicycle et, quand on est assis sur ces travées, voter contre les mesures proposées, s’abstenir ou se réfugier dans des avis de sagesse parce que l’on constate que ces dispositions sont trop difficiles à soutenir sur le terrain.
C'est la raison pour laquelle, comme vous l’avez vous-même suggéré, monsieur le rapporteur général, il y aura naturellement une seconde délibération, au cours de laquelle le Gouvernement posera la question du retour à la suppression des 15 points d’exonération de cotisations sociales pour les emplois à domicile.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ne vous en étonnez pas, ne vous en offusquez pas. Il en est allé de même à l’Assemblée nationale. Chacun a pu, par des amendements d’appel, faire valoir ses convictions, mais, in fine, l’intérêt général et le fait majoritaire se sont exprimés, afin, tout simplement, de permettre à la France de tenir les engagements qu’elle a pris vis-à-vis de ses partenaires européens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vous ferai pas l’affront de vous rappeler, car l’actualité en est trop présente, la crise que nous observons en Irlande, les interrogations que nous pouvons nourrir à l’égard de la situation du Portugal ou encore la gravité des mesures que l’Espagne a mises en œuvre. Dans ce pays, un gouvernement socialiste a proposé une baisse des salaires des fonctionnaires et une augmentation de la TVA.
M. Thierry Foucaud. Et le bouclier fiscal ?
M. François Baroin, ministre. Le plan de la France, qu’a conçu le Gouvernement et que je porte en tant que ministre du budget, repose d'abord et avant tout sur un effort responsable et raisonnable de réduction des dépenses. Nous ne vous proposons pas d’augmenter les impôts,…
Mme Nicole Bricq. Si !
M. François Baroin, ministre. … qu’il s’agisse de l’impôt sur les sociétés, de la TVA ou de l’impôt sur le revenu. Nous suggérons de réduire les dépenses de manière équilibrée.
En déclinant cet objectif, nous en arrivons donc à interroger l’équilibre du dispositif des aides à la personne qui, chacun le sait, additionne curieusement une incitation fiscale et une aide portant sur les cotisations sociales. Si un tel cumul peut se concevoir en période d’opulence, il mérite, à l’évidence, d’être corrigé en un temps de disette budgétaire.
Le Gouvernement a donc proposé la suppression de l’avantage social – la « niche sociale » –, ce qui lui permet de respecter l’engagement qu’il a pris de maintenir l’avantage fiscal lié à ce dispositif, tout à fait utile, d’aide à domicile.
Chacun le sait, cette exonération de 15 points des cotisations sociales, qui a été instituée voilà quatre ans pour redonner de l’élan à ce dispositif, a été détournée. Vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, avez certainement lu, entendu ou reçu des témoignages à cet égard : c’est le coach à domicile, ce sont les cours particuliers pour les enfants, c’est la nounou pour le chien, et j’en passe !
Aujourd'hui, compte tenu des efforts budgétaires que notre pays doit accomplir, pouvons-nous défendre sérieusement, face à ceux qui souffrent, le maintien d’un tel avantage social, qui, de surcroît, s’ajoute à un avantage fiscal ? Et nous suivons exactement la même logique pour les autres mesures.
Le Gouvernement est cohérent avec lui-même. Puisqu’il a pris l’engagement de ne pas toucher à l’avantage fiscal, il s’attaque à la niche sociale.
Il reviendra donc, par une seconde délibération, sur le maintien de l’exonération de cotisations sociales, mais il ne peut souscrire à votre demande, monsieur Arthuis, qui vise, en plus, à soumettre au rabot l’avantage fiscal. Votre proposition serait davantage pertinente si le vote d’hier soir avait été d’une nature différente.