Sommaire
Présidence de M. Bernard Frimat
Secrétaires :
M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Anne-Marie Payet.
2. Organisme extraparlementaire
3. Candidature à un organisme extraparlementaire
4. Loi de finances pour 2011. – Suite de la discussion d'un projet de loi
MM. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances ; Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture ; Serge Lagauche, rapporteur pour avis de la commission de la culture.
Mme Maryvonne Blondin, M. Jean-Pierre Plancade, Jack Ralite, Mme Monique Papon, MM. Jean-Jacques Pignard, Pierre Fauchon.
Demande de réserve des articles rattachés
MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement ; le président.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
Amendement no II-384 du Gouvernement. – MM. le ministre, le rapporteur spécial, Ivan Renar. – Adoption.
Adoption des crédits, modifiés.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
5. Nomination d’un membre d'un organisme extraparlementaire
6. Loi de finances pour 2011 – Suite de la discussion d'un projet de loi
Médias, livre et industries culturelles
Compte spécial : Avances à l’audiovisuel public
M. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission de la culture ; David Assouline, rapporteur pour avis de la commission de la culture ; Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture ; Serge Lagauche, rapporteur pour avis de la commission de la culture ; Joseph Kergueris, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Mme Françoise Laborde, MM. Ivan Renar, Louis Duvernois, Mme Françoise Férat, M. David Assouline, Mmes Nathalie Goulet, Claudine Lepage, M. Claude Bérit-Débat.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
Amendement n° II-382 du Gouvernement. – M. le ministre.
Amendement n° II-223 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet.
MM. le rapporteur spécial, le ministre, Mme Nathalie Goulet, M. David Assouline. – Retrait de l’amendement no II-223 ; adoption de l’amendement no II-382.
Amendement n° II-73 de M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis. – MM. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis ; le rapporteur spécial, le ministre, David Assouline, Jacques Legendre. – Rejet.
Adoption, par scrutin public, des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », modifiés.
Adoption des crédits du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ».
Article 76 (réservè)
Suspension et reprise de la séance
MM. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances ; Alain Gournac, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
M. Daniel Marsin, Mmes Annie David, MM. Jean-Claude Carle, Claude Jeannerot, Jean-Paul Alduy, Mmes Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Amendement n° II-344 de Mme Raymonde Le Texier. – MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur spécial, le ministre, Mme Annie David. – Rejet.
Amendement n° II-362 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur spécial, le ministre. – Rejet.
Amendement n° II-363 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur spécial, le ministre. – Rejet.
Amendement n° II-343 de Mme Raymonde Le Texier. – MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur spécial, le ministre, Alain Vasselle. – Rejet.
Amendement n° II-25 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le ministre. – Retrait.
Amendement n° II-187 rectifié bis de M. Jean-Paul Alduy. – M. Jean-Paul Alduy.
Amendement n° II-342 de Mme Raymonde Le Texier. – M. Jean-Pierre Godefroy. – Retrait.
MM. le rapporteur spécial, le ministre, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; le rapporteur pour avis, Mme Catherine Deroche, MM. Alain Vasselle, Jean-Paul Alduy, Jean-Pierre Fourcade, Jean-Pierre Godefroy. – Rectification de l’amendement no II-187 rectifié ; adoption de l’amendement n° II-187 rectifié ter.
Amendement n° II-360 rectifié de M. Alain Vasselle. – MM. Alain Vasselle, le rapporteur spécial, le ministre. – Retrait.
Amendement n° II-350 rectifié de M. Jacques Gillot. – MM. Yves Krattinger, le rapporteur spécial, le ministre, Mme Annie David. – Rejet.
Amendement n° II-341 rectifié de M. Paul Blanc. – MM. Alain Vasselle, le rapporteur spécial, le ministre. – Retrait.
Amendement n° II-84 rectifié bis de Mme Marie-Thérèse Hermange. – Mme Marie-Thérèse Hermange, MM. le rapporteur spécial, le ministre. – Retrait.
Adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », modifiés.
Articles 88 à 94, 94 bis, 95 à 97 (réservés)
7. Décision du Conseil constitutionnel
Suspension et reprise de la séance
8. Loi de finances pour 2011. – Suite de la discussion d'un projet de loi
MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, en remplacement de M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial de la commission des finances ; Simon Sutour, rapporteur pour avis de la commission des lois.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Gilbert Barbier.
M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Adoption des crédits.
Direction de l’action du Gouvernement
MM. Yves Krattinger, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
M. Roger Romani, Mmes Anne-Marie Escoffier, Nicole Borvo Cohen-Seat.
M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Amendement n° II-99 de M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur spécial, le ministre. – Adoption.
Adoption des crédits de la mission, modifiés.
MM. Jean-Paul Alduy, rapporteur spécial de la commission des finances ; Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois.
Mme Anne-Marie Escoffier.
M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Amendement n° II-11 de la commission. – M. le rapporteur spécial. – Retrait.
Adoption des crédits de la mission.
Budget annexe : Publications officielles et information administrative
M. Bernard Vera, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Anne-Marie Escoffier.
M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Adoption des crédits.
compte rendu intégral
Présidence de M. Bernard Frimat
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Pierre Godefroy,
Mme Anne-Marie Payet.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Organisme extraparlementaire
M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer en application du décret n° 2010-1048 du 1er septembre 2010.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite les commissions des affaires sociales, de l’économie, des finances et des lois à présenter chacune des candidatures pour deux titulaires et deux suppléants ; j’invite également la commission de la culture et la commission des affaires européennes à présenter chacune des candidatures pour un titulaire et un suppléant.
Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
3
Candidature à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages.
La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Raymond Vall pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire, en remplacement de M. François Fortassin dont le mandat est arrivé à expiration.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
4
Loi de finances pour 2011
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l'Assemblée nationale (projet n° 110 rectifié, rapport n° 111).
Culture
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture » (et article 68 quater).
La parole est à M. Yann Gaillard, rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 2,7 milliards d’euros sont demandés, en 2011, au titre de la mission « Culture ». L’exercice budgétaire s’ouvrira sur une maquette profondément remaniée, puisque les crédits du livre sont désormais regroupés au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles », dont est chargé mon collègue Claude Belot.
Monsieur le ministre, bien que cette nouvelle présentation me rende quelque peu nostalgique, je vous donne acte de remédier ainsi à l’éparpillement des moyens dévolus à la politique du livre. Néanmoins, l’imbrication grandissante des problématiques de la création, du patrimoine et de la numérisation reflète un mouvement affectant l’ensemble des contenus culturels. On peut, dans ces conditions, se demander pourquoi une fusion pure et simple des missions « Médias » et « Culture » n’a pas été opérée.
On a, semble-t-il, beaucoup débattu pour savoir si les crédits de la mission augmentaient ou baissaient en 2011. Leur évolution en volume fait apparaître une diminution de 0,6 % avant transferts et de 1,3 % après transferts. Cette légère diminution atteste de la nécessité, pour le ministère de la culture comme pour l’État en général, de financer ses priorités dans un contexte de maîtrise de la dépense. Votre ministère y parvient, et la commission des finances s’en félicite.
Le programme Patrimoines verra un léger recul des crédits dédiés au patrimoine monumental, compensé par l’attribution de nouvelles ressources fiscales au CMN, le Centre des monuments nationaux. Notre commission a consacré, avec l’appui de la Cour des comptes, des travaux importants au CMN en 2010. Je crois nécessaire de stabiliser l’environnement dans lequel cet établissement est appelé à œuvrer, en contrepartie de quoi sa tutelle doit lui assigner sans tarder des objectifs clairs, assortis d’indicateurs de performance.
Par ailleurs, et au terme de cinq semestres de mise en œuvre, la politique de gratuité dans les musées connaît un réel succès. La « rançon » de ce succès se manifeste toutefois dans l’apparition de certaines surcompensations budgétaires, au profit notamment du Louvre. Si elles portent sur des montants limités, ces surcompensations mettent en évidence un problème de pilotage et de contrôle du dispositif auquel le ministère est invité à remédier.
J’en viens à l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, véritable « marronnier » de la discussion budgétaire ! Il traverse aujourd’hui une crise de trésorerie d’un niveau sans précédent, qui achève de démontrer l’inefficience de son mode de financement. Une refonte globale de la redevance d’archéologie préventive doit être opérée, sur le fondement des conclusions remises le 18 octobre 2010 par l’Inspection générale des finances et dont nous attendons toujours la transmission. Nous supposons pourtant qu’elles sont satisfaisantes ! Monsieur le ministre, nous vous serions reconnaissants de nous indiquer la teneur de ce rapport et la traduction opérationnelle que le Gouvernement compte lui donner.
Le programme Création est marqué par le lancement de grands chantiers, qui connaissent néanmoins des fortunes diverses ! Alors que s’ouvrent les travaux sur les espaces inférieurs du Palais de Tokyo, dédiés à la création contemporaine en matière d’arts plastiques, un objectif qui me semble – je l’avoue – quelque peu mystérieux, le chantier de la Philharmonie de Paris est arrêté faute de crédits de paiement ! Pour filer la métaphore concertante, il semble qu’une « cacophonie interministérielle » soit à l’origine de ce retard. Monsieur le ministre, nous sommes toujours en attente d’explications convaincantes sur les raisons de ces atermoiements, pendant lesquels le trou censé recueillir les fondations se remplit d’eau.
Le programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture voit le maintien des soutiens aux établissements d’enseignement supérieur et aux établissements spécialisés. J’ai pu, au cours d’un contrôle mené en 2010 sur les deux conservatoires supérieurs de musique et de danse de Paris et Lyon, constater le très haut niveau de ces établissements, garants de l’excellence française en matière de composition et d’interprétation musicale et chorégraphique, et le dévouement du corps professoral, composé parfois d’anciennes vedettes du spectacle.
Compte tenu des tensions qui pèsent sur le budget de certains établissements, je me félicite donc que les crédits soient ici préservés.
En ce qui concerne, enfin, les fonctions support, la budgétisation des crédits de fonctionnement courant s’inscrit en diminution de 5 % par rapport à 2010, soit un effort conforme aux engagements gouvernementaux, qu’il convient, une fois de plus, de saluer.
Je conclurai en apportant un bémol au satisfecit global qu’il convient de décerner au ministère pour la gestion maîtrisée de ses crédits.
J’ai, en effet, consacré dix mois d’enquête au département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines, ou DRASSM. La France excelle dans cette discipline, et la protection des vestiges immergés présente un intérêt scientifique et patrimonial de première importance. Le ministère devrait, me semble-t-il, se pencher avec attention sur ce « petit monde », qui est confronté à de grands et nombreux enjeux : développer une archéologie préventive quasi inexistante en milieu immergé ; apaiser, par une offre de formation adaptée, les tensions parfois vives entre professionnels et amateurs ; garantir une médiatisation de qualité des découvertes ; développer les collaborations scientifiques ; diversifier les structures bénéficiaires des concours du DRASSM.
Vous avez, monsieur le ministre, gratifié le DRASSM d’un nouveau navire de recherches archéologiques, le André Malraux, dont le dimensionnement et les modalités de financement suscitent – c’est une litote – des interrogations de la part de la commission des finances. La moindre des choses serait que le département s’en montre digne, en faisant enfin accomplir à l’archéologie sous-marine le saut qualitatif qu’a connu l’archéologie terrestre il y a quinze ou vingt ans déjà.
Sous le bénéfice de ces observations, qui sont dans l’ensemble très positives, la commission des finances invite le Sénat à adopter les crédits de la mission « Culture » et l’article 68 quater rattaché. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il m’appartient de rapporter les crédits des programmes « Patrimoines » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
Puisque le temps nous est compté, je m’en tiendrai à quelques remarques, en faisant du clair-obscur, si je puis dire, comme mon compatriote George de La Tour voilà quelques siècles. Je proposerai donc, si vous me le permettez, quelques illuminations sur ce budget globalement satisfaisant et dont la commission de la culture du Sénat s’est réjouie.
L’époque où la culture était la variable d’ajustement du budget de l’État – je l’ai vécue il y a quelques années – est heureusement révolue. Vous avez su préserver votre pré carré, monsieur le ministre, et la commission y est très sensible.
Les crédits du programme Patrimoines sont stables, à hauteur de 378 millions d’euros. C’est un tout petit peu moins que l’an dernier, mais il faut rappeler qu’il y avait alors le plan de relance. Ce dernier a permis d’aboutir à des résultats remarquables en matière de conservation du patrimoine. Il n’y a plus de plan de relance cette année et, cependant, les crédits sont quasiment identiques.
Les crédits des musées progressent, s’établissant à 372 millions d’euros. Les crédits alloués au programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture diminuent apparemment, mais c’est un effet d’optique, car le Centre national du cinéma et de l’image animée, ou CNC, va se substituer à ce programme pour un certain nombre d’actions. Néanmoins, la commission de la culture s’inquiète du risque, à travers la débudgétisation, de voir un jour les crédits définitivement diminués. J’ose espérer, monsieur le ministre, que nous échapperons à ce péril.
Comme je le disais, j’aimerais apporter quelques éclairages sur les points qui me paraissant essentiels en matière de politique culturelle.
D’abord, je voudrais évoquer le patrimoine, sujet auquel je sais le Sénat très sensible. J’ai le souvenir de l’époque où Maurice Schumann, qui présidait la commission de la culture, avait mis tout son poids d’Immortel dans la balance pour empêcher le désastre des abattements budgétaires et de la régulation !
Vous avez su, je le répète, préserver ces budgets. Je souhaite que, pour les budgets à venir, l’effort soit maintenu. À cet égard, je remarque que le jeu d’argent en ligne sert aujourd’hui, à travers le Centre des monuments nationaux, à financer une partie du patrimoine. C’est une première, certes modeste mais qui correspond à un vieux souhait du Sénat, exprimé dans un rapport que j’avais corédigé avec mon collègue Philippe Richert, aujourd’hui membre du Gouvernement. C’est un peu l’hommage du vice à la vertu. C’est d’ailleurs ce que font d’autres pays comme la Grande-Bretagne ou l’Italie. Je souhaite ardemment que cet effort soit poursuivi et que l’on puisse utiliser ces crédits du jeu d’argent en ligne pour alimenter la rénovation et la protection du patrimoine.
Je voudrais signaler un souci concernant la maîtrise d’ouvrage. Dans le cadre des mesures budgétaires évoquées par M. le rapporteur spécial, la maîtrise d’ouvrage est progressivement transférée aux entreprises. Dans les régions, les directions régionales des affaires culturelles, ou DRAC, et les préfets de région peuvent continuer à assurer la maîtrise d’ouvrage en faveur des communes qui rénovent leurs monuments. Il est essentiel que cet effort soit, d’une part, homogénéisé sur l’ensemble du territoire, qu’il ne dépende pas des politiques menées par chaque région, et, d’autre part, qu’il soit poursuivi, car, sans cette assistance à la maîtrise d’ouvrage, les collectivités territoriales petites et moyennes ne pourront plus faire face à la nécessité d’une rénovation de leur patrimoine. Or, nous savons l’importance de l’effort consenti dans ce domaine par les collectivités territoriales en France, essentiellement les communes, dans une moindre mesure les départements, et parfois les régions à la suite du transfert du patrimoine de l’État.
En ce qui concerne les musées, les grands établissements sont frappés d’une réduction de 5 % de leurs crédits, parfaitement compréhensible en ces temps de rigueur. Mais, plutôt que de procéder à un abattement uniforme de 5 %, peut-être faudrait-il tenir compte de l’effort que font certains grands établissements ? Je pense ainsi au Centre Pompidou, qui, avec le Centre Pompidou mobile, joue un rôle essentiel en matière de rééquilibrage du territoire, en produisant des expositions dans le monde rural.
La commission souhaite également vous faire part d’une inquiétude au sujet de l’archéologie préventive. Nous en connaissons l’importance de cette dernière pour la protection de notre histoire et de la mémoire. Dans le budget 2010, il a fallu réalimenter l’archéologie préventive, à hauteur d’un peu plus de 30 millions d’euros, à travers des avances de l’État et des subventions complémentaires. Il est essentiel qu’une réflexion de fond soit engagée sur ce sujet, sans pour autant – et ce point me paraît essentiel – faire peser un effort supplémentaire sur les aménageurs et les collectivités, lesquelles, bien souvent, voient une lourde charge peser sur elles lorsque, à l’occasion d’un chantier ou de travaux, est découvert un site archéologique remarquable.
Enfin, ma dernière remarque concerne les grands établissements d’enseignement. Un effort particulier est fait dans ce domaine, et c’est important. Mais un autre point essentiel concerne aussi bien le ministre de l’éducation nationale que le ministre de la culture : l’enseignement de l’histoire de l’art.
Pour assurer le droit à la beauté à chacun de nos concitoyens – c’est le but de votre budget –, encore faut-il éduquer l’esprit. Progressivement, l’enseignement de l’histoire de l’art a été introduit dans l’enseignement primaire et dans l’enseignement secondaire. C’était une vieille demande de la commission de la culture du Sénat, que j’ai formulée pendant des années comme rapporteur.
Monsieur le ministre, je souhaiterais que nous puissions disposer, s’agissant de l’enseignement de l’histoire de l’art, d’une évaluation conjointe de la part des ministères de l’éducation nationale et de la culture.
Tels sont, monsieur le ministre, les quelques éclairages que je souhaitais apporter sur un budget globalement satisfaisant, qui protège l’effort patrimonial nécessaire à l’histoire de notre pays tout en étant un budget de rigueur et de gestion tout à fait conforme à ce qui est attendu de l’État aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle la commission de la culture a donné un avis favorable à l’adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis.
M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis en charge des deux actions du programme Création de la Mission « Culture », ainsi que du secteur du cinéma.
Alors qu’en 2010 le paysage culturel a surtout été marqué par des mutations technologiques qui révolutionnent la création, la diffusion et la consommation des biens culturels, le programme Création couvre désormais les deux secteurs qui sont sans doute les plus éloignés : le spectacle vivant et les arts plastiques.
Si les arts plastiques bénéficient en quelque sorte d’un traitement privilégié dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, tel n’est pas le cas du spectacle vivant. Pour ce dernier, priorité est certes donnée à l’investissement, mais je regrette la baisse des moyens de fonctionnement, dans un contexte « d’après Entretiens de Valois ».
Mon inquiétude grandit lorsque j’observe la programmation pluriannuelle pour la période 2011-2013, qui prévoit une diminution des crédits alloués à ce programme, de 4,1 % en autorisations d’engagement et de 1 % en crédits de paiement.
En effet, les subventions de fonctionnement des opérateurs du spectacle vivant et des arts plastiques seront reconduites à leur niveau de 2010, de même que les dépenses d’intervention en faveur du spectacle vivant. En outre, les opérateurs devront respecter l’objectif de maîtrise des dépenses et de réduction de l’emploi public.
Je m’inquiète donc du risque de désengagement de l’État, au moment où les collectivités territoriales sont, elles aussi, souvent confrontées à des difficultés budgétaires. Alors qu’elles assument déjà les deux tiers du financement du spectacle vivant, elles ne seront sans doute pas en situation de suppléer à ce retrait de l’État. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?
Je relève néanmoins que ces efforts doivent inciter les opérateurs à développer des synergies, et notamment à mieux diffuser leurs créations. Je rappelle que la situation a peu évolué sur ce plan depuis le rapport de Bernard Latarjet de 2004 et que cette spécificité hexagonale est coûteuse.
À cet égard, je me réjouis de la signature en Avignon, le 16 juillet 2010, par les représentants des différents niveaux de collectivités territoriales, d’une déclaration dans laquelle ces dernières s’engagent notamment à approfondir le processus de la décentralisation et à instaurer une concertation suivie avec les acteurs du monde de la culture et avec les publics.
En effet, à la suite du rapport de la Cour des comptes et des Entretiens de Valois, dont les travaux se sont tenus simultanément, nous allons vers une clarification des missions de chacun.
À cet égard, la circulaire du 31 août 2010 vient réformer, sans doute utilement, les labels et réseaux nationaux qui structurent le paysage géographique et professionnel du secteur, et préciser les cahiers des charges des établissements. Elle explicite pour la première fois leur tronc commun de missions artistiques, professionnelles, territoriales et en direction des publics.
Par ailleurs, une plate-forme opérationnelle d’observation a été mise en place il y a plus d’un an, des travaux étant consacrés à la fois à la mise en œuvre d’indicateurs clés du spectacle vivant et aux logiciels de billetterie. Néanmoins, il semble que certaines organisations freinent leur avancée et/ou souhaitent en exclure les représentants des auteurs et des artistes.
J’aimerais, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des précisions sur ce point, et j’insiste sur l’urgence de mettre en place des procédures fiables et efficaces d’observation du spectacle vivant.
Comme je l’ai dit, l’action Arts plastiques est, quant à elle, en quelque sorte privilégiée. Cependant, la progression des crédits d’investissement permettra surtout de poursuivre la réalisation de deux grands projets nationaux situés à Paris : le Palais de Tokyo et les manifestations d’art contemporain au Grand Palais.
Au total, compte tenu de l’évolution globale et prévisible des crédits alloués aux actions Spectacle vivant et Arts plastiques, la commission de la culture s’inquiète de la tendance à construire ou à aménager de nouveaux équipements, pour lesquels les crédits de fonctionnement risquent d’être très limités. Quelle réponse pouvez-vous nous apporter sur ce point, monsieur le ministre ?
S’agissant du secteur du cinéma, l’année 2010 a permis d’importantes avancées, avec notamment l’adoption du cadre légal et réglementaire permettant le financement et la régulation de la numérisation des salles de cinéma et des œuvres. Nous saluons aussi votre initiative de faire renaître la pratique du « ciné-club » au lycée, afin de favoriser l’accès des jeunes à la culture.
Je suis cependant préoccupé par la situation fragile des petites exploitations et des industries techniques. En effet, ces dernières subissent les conséquences de la numérisation des films et des salles. Monsieur le ministre, quelles mesures de soutien envisagez-vous pour les accompagner dans leur mutation ?
Comme nous l’avons examiné dans la première partie du projet de loi de finances, le CNC va bénéficier d’une forte hausse de ses recettes : 174 millions d’euros en 2011. Je rappelle que le Sénat a limité à 20 millions d’euros le prélèvement sur ses ressources au bénéfice de l’État, afin qu’il puisse faire face à ses lourdes missions.
Par ailleurs, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser la teneur et la portée des mesures envisagées pour donner suite aux propositions du Club des 13 en faveur des producteurs, et à celles du rapport Bonnell, compte tenu de la mission récemment confiée au Médiateur du cinéma ?
Enfin, nous nous réjouissons de la montée en puissance de l’HADOPI, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, et de l’impact pédagogique de la loi qui semble commencer à porter ses fruits.
En conclusion, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme Création de la Mission « Culture » pour 2011. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, sur certaines travées de l’UMP et au banc des commissions.)
M. le président. Je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Yves Dauge qui, en raison des intempéries, ne peut être présent parmi nous alors qu’il aurait voulu évoquer le programme Patrimoine. Mais je dirai quelques mots de ce dernier à la fin de mon intervention.
La réalité du budget de la Mission « Culture » pour 2011, hors crédits de la communication, tient en deux chiffres : une hausse des crédits de 1,1 %, face à une inflation annoncée de 1,5 %. Il est donc clair que le budget effectif de la culture baisse pour 2011. Celui-ci ne représentera plus que 0,75 % du budget de l’État.
Précisons d’emblée que cette évolution de 1,1 % intègre la progression de 1,9 % des dépenses de personnel et que, sans cette dernière, les crédits de la mission n’augmenteraient que de 0,8 %, sans parler de la programmation annuelle 2011-2013 qui prévoit la stricte reconduction des crédits pour la Mission « Culture ».
Je rappellerai en outre que, en 2009 et en 2010, les crédits de paiement ont fait l’objet d’annulation en cours d’exercice : moins 8,2 % en 2010, ce qui est tout de même considérable.
Ces annulations de crédit, une fois la loi de finances votée, sont désormais devenues habituelles. Doit-on dès lors, monsieur le ministre, en déduire que, pour 2011, ces crédits sont à nouveau surévalués ?
Permettez-moi aussi d’évoquer la répartition des crédits au sein de ce projet de budget : seuls 36,2% vont au programme Création et 21,2 % au programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture.
Comment, dès lors, assurer la culture pour tous et pour chacun si les activités favorisant la démocratisation culturelle subissent une baisse des crédits ? Je veux ici réaffirmer toute l’importance de l’éducation populaire, des pratiques amateurs ou des arts de la rue et du cirque dans ce domaine.
Monsieur le ministre, l’égalité des chances existe aussi dans le domaine culturel. Il n’est pas acceptable que des crédits insuffisants menacent ces activités favorisant l’accès à la culture pour tous et créatrices de lien social.
Concernant le programme Création, il est à noter que l’augmentation de 13 millions d’euros des crédits de paiement s’explique principalement par la hausse des dotations consacrées aux seuls arts plastiques, qui ne bénéficie elle-même qu’au lancement du Palais de Tokyo.
En ce qui concerne le spectacle vivant, si les autorisations d’engagement enregistrent une hausse de 2,7 %, les crédits de paiement sont en revanche en baisse de 0,5 % hors inflation, ce qui représente donc 2 % à moyens constants. Cette baisse est d’autant plus préoccupante qu’une partie des crédits de l’ancienne action 4 – économie des professions et industries culturelles – lui ont été affectés en 2011, ce qui a gonflé d’autant ses crédits.
On constate également que 43 % des crédits dédiés au spectacle vivant sont destinés aux opérateurs nationaux, alors que, dans le même temps, les interventions effectuées au titre des investissements déconcentrés ne représenteront que 22 millions d’euros en 2011. On peut ainsi déplorer que les projets majeurs d’investissement restent concentrés dans la capitale, tandis que l’action culturelle locale et départementale, qui a tant de choses à offrir, souffre toujours d’un déficit de moyens face aux projets ambitieux qu’elle souhaite mettre en œuvre. Nous devons lutter contre le développement d’un certain centralisme parisien, qui est aussi dangereux en matière d’offre culturelle qu’en termes d’aménagement du territoire en général !
Les subventions aux labels et aux équipes de création baissent également pour l’année 2011, alors que les acteurs de terrain nous font part de leurs besoins croissants en la matière ainsi que des inquiétudes qui sont aujourd’hui les leurs. Comment ne pas être inquiet en effet au moment où la réforme des collectivités territoriales voulue par le Gouvernement vient d’être entérinée ?
Outre la stagnation, voire la baisse des crédits destinés au spectacle vivant, l’ensemble des acteurs culturels se trouvent menacés par cette réforme, qui corsète largement les capacités d’intervention des collectivités territoriales en matière de politique culturelle. Or ces dernières jouent un rôle phare en dynamisant et en enrichissant la culture dans notre pays.
Mon département du Finistère, par exemple, qui a une identité culturelle très forte, développe une politique volontariste en faveur des arts vivants à travers un soutien au fonctionnement d’un grand nombre de structures de création, de diffusion et d’action culturelles du territoire. En effet, nous le savons, l’accès à la culture, qui est porteur des valeurs de citoyenneté, d’ouverture et d’égalité, contribue au mieux-être des habitants et au développement d’un département durable et solidaire !
Le conseil général du Finistère est ainsi particulièrement attentif à toutes les formes de médiation culturelle engagées par les structures conventionnées, notamment en matière d’éducation artistique. Ainsi, le budget consacré à la culture pour l’année 2011 atteint plus de 15 millions d’euros en dépenses de fonctionnement et plus de 6 millions d’euros en dépenses d’investissement.
Néanmoins, les collectivités territoriales ne pourront pallier indéfiniment le désengagement de l’État et les baisses de financement successives dans le domaine culturel. Pour ne citer que cet exemple, celui-ci a baissé les subventions versées dans le cadre du label « Ville d’art et d’histoire » à la ville de Quimper, qui ne reçoit plus que 3 000 euros de subventions de fonctionnement. Idem pour le conservatoire de musique et d’art dramatique quimpérois, qui, lui, ne reçoit pas de subvention d’investissement de la part de l’État.
Qu’adviendra-t-il de l’offre culturelle locale quand on sait que les collectivités territoriales vont subir un gel de leurs dotations pour les trois années à venir ? Pour respecter leur obligation d’équilibre, elles n’auront donc d’autre choix que de diminuer leurs financements et de revoir leurs aides à la baisse.
Monsieur le ministre, c’est le secteur entier de la création qui est aujourd’hui fragilisé, et les acteurs culturels tirent le signal d’alarme. Les décisions gouvernementales de ces dernières années ont considérablement rétréci les capacités d’action des acteurs locaux, détricotant le maillage culturel de notre territoire et plaçant les artistes et les lieux culturels dans une fragilité accrue.
Dès lors, devons-nous considérer comme une victoire le simple fait que le budget de la culture ne subisse pas de baisses drastiques, à l’inverse du sort subi par d’autres administrations ? Quand on sait qu’il est inférieur au montant que représente la baisse de la TVA à la restauration – je rappelle que cette baisse coûte 3 milliards d’euros à l’État –, il apparaît clairement que les priorités budgétaires du Gouvernement sont aujourd’hui ailleurs.
J’en viens maintenant aux crédits dédiés au patrimoine.
En 2010, ces crédits s’élevaient à 419 millions d’euros, contre 378 millions d’euros inscrits en 2011, alors que sont inclus 10 millions d’euros – lesquels sont évidemment non garantis ! – provenant du produit de la taxe des jeux d’argent en ligne. Il manque donc 50 millions d’euros pour faire face aux besoins.
Monsieur le ministre, il est important que vous sachiez les inquiétudes des entreprises de restauration des monuments, dont vous connaissez les compétences. Les directions régionales des affaires culturelles n’ont plus les moyens de les rémunérer. En conséquence, ces entreprises licencient ou ferment leurs portes, alors qu’elles disposent de véritables talents en leur sein.
Notre patrimoine national est en danger. Les collectivités n’auront pas les moyens de pallier les carences de l’État. C’est pourquoi je vous adresse cette supplique au nom de M. Yves Dauge et de mes collègues de la commission de la culture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. –M. Jack Ralite applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons examiné avec attention la mission « Culture », qui est, à nos yeux, perfectible. Nous savons que celle-ci s’inscrit dans un contexte de crise économique et budgétaire. Mes collègues du RDSE et moi-même avons bien conscience – soyez-en certain, monsieur le ministre – de la difficulté de bâtir un budget totalement satisfaisant dans ces conditions.
Il n’en reste pas moins que certains choix qui ont été opérés en élaborant ce projet de budget nous préoccupent. Je relèverai ici les points qui nous paraissent essentiels.
Certes, les crédits de la mission « Culture » progressent de 1,1 %, mais dans un contexte d’inflation à 1,5 %. En outre, si l’on en croit la programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2011-2014, cette stagnation des crédits ne fera que se pérenniser. Cela ne peut que nous inquiéter.
Je suis également préoccupé par tout ce qui concerne le soutien à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture, missions importantes s’il en est.
Si le soutien aux établissements d’enseignement supérieur et aux établissements spécialisés est positif – je tiens à le souligner –, notons que les crédits destinés aux écoles d’arts plastiques, aux établissements d’enseignement de la musique, de la danse et du théâtre sont simplement reconduits. De plus, s’il est vrai que les crédits pour l’éducation artistique et culturelle ne baissent pas, puisque 2 millions d’euros sont transférés au Centre national du cinéma et de l’image animée, cela correspond tout de même à une débudgétisation qui nous laisse perplexes pour l’avenir. Dans les faits, compte tenu de l’inflation, je crains que l’on ne fasse supporter le manque à gagner aux collectivités territoriales.
Un autre élément d’inquiétude est la situation des DRAC, dont les crédits de fonctionnement baissent de 16 millions d’euros. Cependant, je note que celles-ci seront désormais gérées par les préfets de région.
Par ailleurs, je souhaite évoquer la situation, préoccupante à nos yeux, du Conseil pour la création artistique. Son financement manque de transparence, et je ne comprends toujours pas pourquoi son budget de fonctionnement relève de Matignon alors même que votre ministère, qui a d’ailleurs dû faire une avance de 2 millions d’euros au titre de 2010, exécute juridiquement et financièrement les dossiers de subvention. Il serait à notre avis plus clair pour tout le monde de mettre fin à ce système hybride et de faire gérer directement l’ensemble des moyens par votre ministère.
Enfin, je suis bien conscient de l’impossibilité pour l’État et les collectivités locales, malgré toute leur bonne volonté, de subvenir seuls au « désir de culture » – je reprends là l’une de vos expressions – qui ne cesse de croître dans notre pays. C’est pourquoi il est urgent de mettre en place une politique vigoureuse en faveur du mécénat culturel. Certes, certains textes, comme celui de 2003, avaient intégré cette préoccupation et les incitations fiscales avaient porté leurs fruits ; mais nous avons l’impression que nous nous sommes arrêtés au milieu du gué. D’ailleurs, les comparaisons avec nos voisins européens le prouvent. Il faut donc renforcer et encourager activement cette politique, monsieur le ministre.
Après avoir exposé nos principaux points d’interrogation sur ce budget, j’en viens à présent à nos motifs de satisfaction. Ils sont principalement au nombre de cinq.
Je me réjouis que, cette année, vous ayez pris la décision de renforcer la direction générale des médias et des industries culturelles. Cette direction confirme la transversalité et la convergence des industries culturelles avec les enjeux liés au numérique et à la mondialisation, et elle prend également en compte le mécénat. Vous avez ainsi opté pour une approche contemporaine et modernisée de la culture.
Concernant les crédits déconcentrés du programme Création, je me réjouis également de la hausse de 12 % des crédits d’investissement destinés à accompagner la modernisation des Fonds régionaux d’art contemporain. Six nouveaux FRAC pourront ainsi être implantés dans de nouveaux locaux financés dans le cadre de contrats de projets État-région.
En outre, je suis satisfait de la quasi-stabilisation des crédits d’intervention destinés au spectacle vivant, qui, il y a quelques mois encore, rappelons-le, étaient menacés de baisser de 10 %. Ce maintien, à l’aube d’une année 2011 qui s’annonce décisive pour la réforme du spectacle vivant, est à mon sens un signe positif et encourageant.
Je note avec satisfaction la hausse de 17 millions d’euros des crédits en faveur des arts plastiques. Ceux-ci sont essentiellement destinés au lancement du chantier de rénovation des espaces inférieurs du Palais de Tokyo. Ces espaces seront consacrés à l’art contemporain et ouverts au public au printemps de 2012.
Dans un marché de l’art mondialisé, il est essentiel que Paris retrouve toute sa place. Je suis persuadé que ce projet y contribuera. N’oublions pas non plus que, comme vous avez déjà eu l’occasion de le souligner, le Palais de Tokyo travaillera en réseau avec les FRAC et tous les acteurs de l’art contemporain en région, ce qui favorisera la circulation et la diffusion des œuvres sur l’ensemble du territoire français. Cela compensera peut-être le sentiment selon lequel tout va toujours aux plus riches et aux plus forts. Au contraire, cette mesure devrait à mon avis rééquilibrer les territoires, et je vous en félicite.
À cette mesure de déconcentration en faveur de nos territoires, s’en ajoute une autre, celle de l’aide accordée au patrimoine. En ce qui concerne le patrimoine monumental, je note que 60 % de l’enveloppe sera déconcentrée, ce qui aura pour effet de renforcer la vie culturelle locale.
Comme je l’ai déjà dit en introduction, nous pensons que le budget de la culture est perfectible. Cependant, nous avons conscience qu’il s’inscrit dans un cadre très contraint : déficit public, dette publique, RGPP, crise économique. Malgré tout cela, si les crédits de la mission « Culture » ne progressent que de 1,1 %, le budget total de votre ministère, quant à lui, augmente globalement de plus de 2 %.
Compte tenu de ce contexte, l’action que vous-même et vos services avez menée est très positive. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder le montant des budgets consacrés à la culture chez nos voisins. On voit très vite que ceux-ci ont subi, certes du fait de la crise, de véritables coupes claires.
Monsieur le ministre, le RDSE, les radicaux et moi-même n’aurons pas de double langage : on ne peut pas se plaindre du déficit et de la dette et, dans le même temps, encourager à la dépense à tout-va. C’est pourquoi, sans états d’âme et en toute sincérité, nous voterons ce budget. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la culture a une petite présence dans le débat budgétaire du Sénat : une heure et vingt-cinq minutes pour l’imaginaire, la pensée, la création, c’est une impolitesse !
J’ai participé en novembre, à Saint-Étienne, au cinquantième anniversaire de la FNCC, la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, et, à Aubervilliers, au vingtième anniversaire de « Pour éveiller les regards », rencontre concernant l’enfance et le cinéma. J’y ai trouvé beaucoup d’inquiétudes, exemples à l’appui, concernant les financements nationaux et locaux de la culture, qui sont agressés par la réforme des collectivités territoriales. Vous le savez d’ailleurs, monsieur le ministre, d’où l’importance que vous attachiez à l’augmentation de 1 %, le 29 septembre, date de présentation de votre budget de la culture pour 2011.
J’ai lu et relu ce budget et je n’arrive pas à valider cette hausse.
Tout d’abord, il a connu une métamorphose. L’ancienne mission « Médias » accueille désormais les crédits « livre et lecture » et « industries culturelles », précédemment affectés à la mission « Culture », qui n’a donc plus le même périmètre. À périmètre constant, le 1 % devient 0,67 %.
Ensuite, le budget contient les charges de pension des personnels, qui connaissent un bond important de 7,06 % en un an. Au passage, monsieur le ministre, votre dossier de presse ne fait plus la différence habituelle entre le budget de la culture avec et hors personnel. Si l’on neutralise cette augmentation, il faut retrancher 11,75 millions d’euros à vos chiffres. Le taux de 0,67 % passe à 0,29 %.
Et comment ne pas tenir compte de l’inflation, estimée à 1,6 % ? On ne peut parler, quel que soit le chiffre retenu – votre 1 %, ou 0,67 %, voire 0,29 % –, de moyens en hausse pour la culture.
Il y a plus fort. Pour le Centre des monuments nationaux, à la page 55 du Bleu budgétaire 2011, on lit : « Le CMN bénéficiera d’une ressource supplémentaire tirée du produit de la taxe sur les jeux en ligne et plafonnée à 10 millions d’euros par an. » Mais il faut lire le Bleu budgétaire 2010, page 60, pour comprendre que ce n’est pas du plus : en 2010, la subvention d’investissement du CMN était de 24,5 millions d’euros en crédits de paiement. Dans le Bleu budgétaire 2011, page 55, il y a 15 millions d’euros de crédits de paiement. Il manque 9,5 millions d’euros, annulant les 10 millions supplémentaires !
M. Claude Bérit-Débat. Eh oui !
M. Jack Ralite. Ainsi, pour ne pas y voir que du bleu, il nous a fallu deux Bleus… Avouez que vous nous avez un peu pris pour des bleus ! (Sourires.)
En octobre, lors d’une audition au Sénat, votre directeur de cabinet disait : « Le CMN est promis à un bel avenir »…
Il n’y a pas que lui. Ce projet de budget prévoit, RGPP exige, 93 nouvelles suppressions d’emploi pour le ministère de la culture sur le seul budget de l’État. Les établissements sous tutelle de la culture constituant, à peu de chose près, l’autre moitié des emplois du ministère, il faut s’attendre, RGPP oblige, au doublement des suppressions de poste, soit environ 200.
En outre, s’applique à de gros opérateurs la diminution de 5 % des crédits de fonctionnement voulue par le Gouvernement, charge à eux de compenser par des ressources propres ou privées. Ce n’est pas l’autorisation accordée au ministère de limiter cette mesure à sept établissements, comme le musée du Louvre et le Centre Pompidou, qui nous console.
Enfin, vous savez les difficultés financières et budgétaires de l’archéologie préventive et de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP. Les personnels permanents et précaires les subissent. Le Gouvernement va-t-il réduire les effectifs au détriment des missions de l’archéologie préventive ?
Finalement, le rapport Jouyet-Lévy, amalgamant l’homme et le capital, est devenu, sans le dire, la feuille de route gouvernementale. Elle joue aussi pour le spectacle vivant.
Voilà le problème du carburant de la culture. Mais il serait incompréhensible d’ignorer le contenu de la politique culturelle, en tout cas l’aspect que vous mettez en avant : « La culture pour chacun. » Vous avez dit au Forum d’Avignon, les 5 et 6 novembre derniers : « La réflexion sur la culture pour chacun n’est pas une substitution d’une politique culturelle de l’offre et de la création par une politique de la demande et de la diffusion. » C’est en contradiction avec la lettre de mission de M. Sarkozy du 1er août 2007 à la ministre de la culture et de la communication, recommandant de « veiller à ce que les aides publiques à la création favorisent une offre répondant aux attentes du public ». Qui assure cette offre en épousant la demande ? Essentiellement les industries culturelles, dominantes au Forum d’Avignon, véritable « Davos de la culture ».
Les artistes sont plus nuancés. Aragon : « J’imagine mal un écrivain qui écrirait pour ne pas être lu. » Stefan Hermlin, écrivain de République démocratique allemande, racontait que, dans Le Manifeste du parti communiste, il avait toute sa vie substitué inconsciemment à l’expression : « Le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous » son contraire : « Le libre développement de tous est la condition du libre développement de chacun ». Jean Vilar, en juin 1970, évoquant des murmures dans la société : « Débrouille-toi, compagnon. On t’a appris à lire, à écrire et même à calculer. […] Pars, compagnon. Va, chemineau, chemine. À toi de jouer », concluait : « Non, il ne se débrouillera pas. »
« La culture pour chacun » réclame des conditions : un respect et la liberté des artistes, des moyens garantis sur la durée, une éducation artistique à l’école – où en est-on ? –, des conditions de travail ne rendant plus malade, alors que tel est le cas aujourd’hui du travail qui mutile les travailleurs, du précaire au cadre, au point de leur interdire un partage dans le temps dit « libre » avec les créations artistiques.
Le 8 décembre, la fille d’Albert Camus présentera un livre intitulé Albert Camus, solitaire et solidaire. Ces mots approchent finement « la culture pour chacun ». Mais n’oubliez pas que vous n’aurez pas d’alliés dans les industries culturelles, qui pratiquent le fatalisme technologique torsadé avec le fatalisme du marché, le tout béni par « l’argent, l’agio, la banque, la bourse, le coffre-fort » qui cherchent avant tout le client.
Si les Rencontres européennes des artistes de l’Adami à Cabourg, les 25 et 26 novembre, furent un régal de « disputes » pluralistes, notamment sur l’Europe et la création, pas d’uniformité, les contradictions vécues à plein, sans clivage matriçant le débat, il reste qu’une question a hanté l’auditoire : pourquoi se multiplient en Europe les accords bilatéraux pilotés par le commerce quand une partie du sujet est la culture ? Que fait le commissaire français Michel Barnier ? Le commerce « fait rage, il touche à tout [...] ; ne pouvant créer, il décrète [...] ce qui sonne, ce qui brille », dirait Hugo.
On vit en France un semblable envahissement du commerce, qui vous a fait réagir. Hachette Livre signe un accord partiel avec Google. Le Monde écrit qu’il a créé « stupeurs et tremblements », tant il y a crainte que le travail conjoint, et si discret, des éditeurs et du ministère – où sont les auteurs ? – ne s’en trouve ébréché. Et pourtant, c’est l’incontournable numérisation et son « petit grand » emprunt, si silencieux, dont il s’agit. Mais saluons la signature hier d’une convention de partenariat sur la numérisation entre le Sénat et la Bibliothèque nationale de France.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Oui !
M. Jack Ralite. Je finirai en évoquant des manifestations artistiques sur Jean-Louis Barrault, Aragon et Elsa Triolet, Michel Guy et Mondrian. Vous y étiez, moi aussi. J’y ai vibré, vous aussi. Sont-elles certaines, et d’autres aussi, de pouvoir continuer leur déchiffrage vers le haut avec le budget 2011 et ses suivants, planifiés par un chiffrage vers le bas ?
La question se pose d’autant plus que le Président de la République pratique l’intimidation en culture. Depuis 2009, il s’est transformé en directeur de la télévision publique, avec le triste résultat d’aujourd’hui, sa fragilité extrême. Voilà quelques mois, il a endossé l’habit d’historien pour imposer un musée de l’histoire de France au détriment des Archives nationales, créant la contestation de la majorité des historiens. Il y a un mois, il s’est imposé conservateur de musée pour utiliser 297 manuscrits coréens comme favorisant un traité d’affaires.
J’ai envie de pousser un cri de dignité en faveur des professionnels de la culture : « Laissez-les travailler ! »
Mme Maryvonne Blondin. Eh oui !
M. Jack Ralite. Je pense à l’un d’eux, Alain Crombecque, inoubliable disparu qui traquait l’immobile. Par son travail silencieux, il permettait à ses destinataires-interlocuteurs du spectacle vivant de se trouver parfois « une tête au-dessus d’eux-mêmes ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Papon.
Mme Monique Papon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré les contraintes budgétaires, le présent budget s’établit à 2,7 milliards d’euros, progressant d’un peu plus de 1 %. Cette hausse, bien qu’un peu inférieure à l’inflation, est tout de même significative en cette période difficile : la culture n’est pas un luxe. Elle est source de développement personnel, mais aussi créatrice d’emplois et de lien social ; c’est une richesse pour notre pays.
Je souhaite centrer mon propos sur l’examen du programme Patrimoines de ce budget, dont les crédits sont stabilisés.
Tout d’abord, les crédits consacrés au patrimoine monumental représentent 44 % des crédits de ce programme.
Lors de l’inauguration de la Cité de l’architecture et du patrimoine en septembre 2007, le Président de la République avait souhaité que 400 millions d’euros soient consacrés annuellement au patrimoine monumental.
L’effort de l’État ne pouvant être actuellement aussi soutenu, les crédits sont néanmoins composés de 375 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 379 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui est remarquable si l’on compare notre situation à celle d’autres États européens, qui ont choisi de faire des coupes claires en ce domaine.
Je tiens à souligner que le taux de déconcentration des crédits consacrés au patrimoine monumental est très important : globalement supérieur à 60 %. Cela témoigne de la poursuite de l’effort des pouvoirs publics en direction de nos territoires et d’un soutien fort à la vie culturelle locale. Ce point est essentiel, car il faut reconnaître que les crédits du patrimoine sont souvent accaparés par les grands monuments nationaux, dont la plupart sont à Paris.
Je rappellerai, comme l’a indiqué Philippe Nachbar, que, au sein de l’enveloppe consacrée au patrimoine monumental, 10 millions d’euros affectés au Centre des monuments nationaux proviendront du prélèvement sur les jeux d’argent en ligne, ce qui est possible grâce au texte que nous avons adopté l’année dernière.
Il me paraît également important de mettre l’accent sur les crédits d’entretien et de restauration des monuments n’appartenant pas à l’État, car ils contribuent tout autant à la splendeur de notre patrimoine monumental.
J’évoquerai en quelques mots les crédits consacrés au patrimoine des musées. Ils représentent le volet le plus important du programme Patrimoines en termes financiers, puisqu’ils concentrent plus de 46 % des crédits de ce dernier. Ces dotations connaissent une croissance importante en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, une augmentation significative qui démontre, monsieur le ministre, que vous avez bien négocié votre budget.
Ces crédits permettront la poursuite de projets emblématiques, telle la création du musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, le MUCEM, de Marseille, musée qui s’étendra sur trois sites. Il ouvrira ses portes en 2013, année durant laquelle Marseille sera capitale européenne de la culture. Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, où en est l’état d’avancement du projet ?
Autre projet, la fusion envisagée entre la Réunion des musées nationaux et le Grand Palais, qui pourrait produire des synergies intéressantes entre ces deux grands établissements, fusion qui doit voir le jour au 1er janvier 2011. Il s’agit de faire émerger un grand opérateur culturel à vocation populaire et de rang international. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous parler de cette initiative ?
Je vous interrogerai enfin sur la création de la Maison de l’histoire de France. Annoncée à Nîmes par le Président de la République en janvier 2009, elle tire son origine d’un rapport de l’année précédente commandé conjointement par les ministres de la culture et de la défense de l’époque.
Vous avez souhaité approfondir cette réflexion et avez retenu comme lieu d’implantation le site parisien des Archives nationales. Le projet devrait fédérer neuf musées aujourd’hui sous statut de services à compétence nationale. Pouvez-vous nous présenter le coût de ce projet et nous confirmer l’ouverture au public de la Maison de l’histoire de France en 2015 ?
Je tiens enfin à saluer, monsieur le ministre, l’initiative que vous avez lancée : le plan Musées en régions 2011-2013. Au total, 70 millions d’euros seront mobilisés par l’État pour 79 projets à destination des musées territoriaux et des petits musées nationaux. L’objectif de ce plan est d’opérer un rééquilibrage territorial et de renforcer la conservation et la mise en valeur des collections concernées. Il faut d’ailleurs noter la multiplication des échanges entre les grands musées parisiens, le Louvre par exemple, et les musées en région, et je me réjouis qu’ils soient ainsi encouragés.
Au total, le secteur muséal est en mouvement constant. Loin d’être figé, il se modernise, s’adapte aux nouveaux publics, aux nouvelles exigences de la gestion publique.
En conclusion, malgré les contraintes budgétaires actuelles, le Gouvernement reste fidèle à son engagement en faveur de la culture. Comme le groupe UMP, j’apporterai mon soutien et ma voix à cette politique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.-– M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Pignard.
M. Jean-Jacques Pignard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’an dernier, je consacrerai ma courte intervention au spectacle vivant. Je vous avais fait part, à l’époque, de deux inquiétudes : la réforme des collectivités territoriales et les Entretiens de Valois. Sur le premier sujet, mes inquiétudes ont été dissipées ; sur le second, elles subsistent.
S’agissant tout d’abord de la réforme des collectivités territoriales, rappelez-vous le contexte de l’année dernière : il n’était alors question que de la suppression de la clause de compétence générale. Les acteurs culturels se mobilisaient, à temps et parfois à contretemps, en faisant valoir que cette décision priverait la création de ressources essentielles. Nos collègues de l’opposition relayaient cette protestation, en laissant entendre que la cause était entendue et que le Gouvernement ne céderait pas.
Plus modestement, j’exprimais cette inquiétude tout en étant convaincu qu’en ce domaine comme dans d’autres l’exception culturelle française serait maintenue.
M. Adrien Gouteyron. Et vous aviez raison !
M. Jean-Jacques Pignard. Force est de constater que je n’avais pas tort. La loi que nous avons votée, dans la douleur certes, le 9 novembre dernier, permet toujours aux collectivités territoriales d’intervenir dans la culture, mais aussi dans le patrimoine, le sport, le tourisme.
Mme Maryvonne Blondin et M. Claude Bérit-Débat. Avec quel argent ?
M. Jean-Jacques Pignard. Pour avoir personnellement chaudement milité au sein de la majorité parlementaire en faveur de cette disposition, je m’en réjouis.
Ma deuxième inquiétude – elle demeure – concerne les Entretiens de Valois. On les a souvent présentés comme constituant l’aube d’une ère nouvelle. Au final, ils me font davantage penser à une montagne accouchant d’une souris, à l’une de ces usines à gaz dont nos administrations sont friandes. Clemenceau disait que, lorsqu’on voulait enterrer un dossier, il fallait créer une commission. Aujourd’hui, on organise des « entretiens » ! (Sourires.)
Ce n’est pas la circulaire du 31 août 2010 qui m’a rassuré. Je l’ai lue attentivement et j’y ai retrouvé tous les poncifs administratifs habituels : l’ « émergence », l’ « excellence », la « pluridisciplinarité ». J’y ai également trouvé, je le concède, deux innovations : le « projet annuel de performance » et la « vision panoramique » qu’ont les services de l’État. (Sourires.)
M. Jean-Claude Carle. « Panoramique »…
M. Ivan Renar. Technicolor !
M. Jean-Jacques Pignard. J’en appellerai donc, monsieur le ministre, à votre vision panoramique, puisque vous êtes à la tête des services du ministère de la culture et de la communication.
Un constat lucide doit être fait. Tous ici dans cet hémicycle – vous, monsieur le ministre, nous, parlementaires présents –, nous aimons la culture. En outre, nous savons fort bien que, au-delà de nos divergences, nous vivons une période difficile et que la culture ne peut s’exempter de l’effort qui est demandé à tous. C’est une raison de plus pour que nous soyons imaginatifs.
Une fois acté le fait que le financement de la culture pourra continuer d’être partenarial, prenez en compte le fait que tout le monde est contraint en raison de la crise : l’État comme les collectivités. Les collectivités doivent faire des choix, comme vous avez à en faire, monsieur le ministre.
J’avais imaginé, sans trop y croire, que les conférences régionales issues des Entretiens de Valois nous permettraient de faire ces choix ensemble. Certes, on a bien sanctionné dix labels, mais pour le reste ?
Les conventions que les directions régionales des affaires culturelles proposent aux régions et aux départements, qu’elles soient triennales ou quinquennales, sont les mêmes que celles qu’elles proposaient il y a vingt ans.
Ainsi, au nom du département du Rhône, je viens de signer la convention de l’Opéra national de Lyon à peu près dans les mêmes termes que ceux de la première convention que j’avais signée en 1995.
Les services de l’État, pour leur vision panoramique, doivent se faire à l’idée qu’un panorama n’est pas tout à fait le même par temps clair et par temps couvert. Ce cher Claude Monet nous le rappelle opportunément, lui qui, de la même cathédrale, faisait trente tableaux selon la lumière du jour ou de la nuit.
On parle de « diagnostic partagé ». Que l’État ne décide donc pas seul de la création de tel ou tel équipement nouveau avant de se tourner vers les collectivités pour qu’elles l’aident à en assurer le fonctionnement !
Laissez également à ces collectivités la possibilité de choisir où elles veulent aller ou non.
N’imposez pas comme une règle intangible la convention quadripartite. L’État pourra en effet compter sur le concours, ici, de la ville, de la région et du département, là, de la ville et du département seulement, ailleurs, de la ville et de la région.
Enfin, n’empêchez pas les élus locaux d’avoir parfois des avis différents de ceux des experts de la DRAC (M. Jean-Claude Carle acquiesce.) puisque nos financements restent partagés, même si, les pieds dans la glaise, les services de l’État ont l’avantage sur les élus locaux d’avoir une vision panoramique des choses ! (Sourires.)
À temps nouveau, pratiques nouvelles. Monsieur le ministre, je me réjouis très sincèrement de votre reconduction, mais permettez-moi de vous donner un petit conseil : ne vous dispersez pas dans un maquis de mots qui ne veulent pas dire grand-chose, allez à l’essentiel ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Jean-Claude Carle. Excellent !
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Monsieur le ministre, je m’intéresse à cette loi déjà fort ancienne qui prévoyait le prêt d’œuvres d’art « significatives » – terme accepté d’un commun accord avec M. Loyrette, à l’époque – entre les musées parisiens et les musées de province. Cette loi prévoyait également la remise d’un rapport tous les deux ans. Or aucun rapport n’a jamais été publié, alors que trois fois deux ans se sont écoulés. J’aimerais m’entretenir de ce sujet avec vous. Aussi, je vous serais reconnaissant de bien vouloir m’accorder prochainement quelques minutes d’entretien.
J’aborderai maintenant la question du fameux musée de l’histoire de France, ou maison de l’histoire de France – j’avoue d’ailleurs ne pas très bien comprendre ce qu’il faut entendre par cette distinction.
Comme tout un chacun, j’ai lu avec attention, et quelquefois un peu de consternation, divers articles et prises de position qui témoignent surtout du goût de la polémique et de la singularisation qui anime certains intellectuels, au demeurant très respectables.
Je me suis réconforté à la lecture de votre point de vue paru dans le journal Le Monde, monsieur le ministre, et je souscris pleinement à l’idée selon laquelle cette « Maison » – mais pourquoi pas « Musée » ? – aura, selon vos propres termes, « pour ambition de rendre toutes les facettes de notre histoire accessibles à chacun : ses ombres et ses lumières, ses grands noms et ses inconnus, ses passages obligés comme ses chemins de traverse ».
La véritable question paraît être ici non pas celle du « pourquoi » – tout simplement parce que ce musée est nécessaire, parce que tout le monde l’attend, y compris les étrangers qui visitent notre pays : ce sont là de bonnes raisons –, mais celle du « comment ».
Je veux dire – je vous cite de nouveau, monsieur le ministre – qu’il doit s’agir d’un lieu « où le passé vit », ce qui signifie qu’il faut résolument renoncer à nos méthodes traditionnelles dans ce domaine pour s’inspirer des évocations spectaculaires – je dis bien « spectaculaires » –, seules capables d’être comprises du grand public. C’est pour le grand public qu’il faut créer ce musée, et non pour les spécialistes.
Avouons-le, les exemples dans ce domaine doivent être recherchés au-delà de nos frontières. Je pense à ce remarquable musée de l’histoire allemande inauguré voilà deux ans à Berlin, au musée de l’histoire de Londres, dans la City, au musée de Washington, le Smithonian, et plus encore aux musées du Canada qui, sous l’appellation de « centres d’interprétation », satisfont excellemment au souci de faire comprendre l’histoire tout simplement en la racontant, au sens le plus traditionnel, le plus banal, mais aussi le plus riche du terme. Il s’agit donc non pas de la présentation méticuleuse de documents et d’objets, mais d’une succession de mises en scène, au sens propre du terme.
À mon modeste niveau, j’ai moi-même présidé à la réalisation d’un musée d’histoire des croisades, à la Commanderie templière d’Arville, au nord du Loir-et-Cher,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très belle institution !
M. Pierre Fauchon. … conception et réalisation suivie très attentivement à l’époque par Régine Pernoud – c’est tout de même une garantie –, qui se réjouissait d’être associée à une telle démarche, en dépit ou précisément à cause de son souci de rendre l’histoire populaire, au meilleur sens du terme. Le vif succès de ce musée auprès de tous les publics, spécialement des plus jeunes, a été notre récompense.
Je crois savoir que, passant aux Journées d’histoire de Blois, monsieur le ministre, vous vous êtes arrêté au stand où était présenté ce musée. Je regrette de ne pas avoir été là pour vous en parler moi-même ! (Sourires.)
Je forme des vœux pour que cette conception vivante et spectaculaire soit aussi une préoccupation majeure au cœur du projet de musée ou de maison de l’histoire de France. Je ne doute pas qu’un tel lieu réponde à l’attente des membres de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Demande de réserve des articles rattachés
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, arrivé à ce stade de la discussion budgétaire, je voudrais, en accord avec le Gouvernement, vous proposer une série de modifications afin que nous puissions nous prononcer sur le projet de loi de finances pour 2011 avant minuit, mardi 7 décembre.
Nous avons à respecter des délais constitutionnels. Or, du fait notamment de la multiplication des articles rattachés aux crédits des missions de la seconde partie du projet de loi de finances, notre agenda s’est en quelque sorte « dilaté ». Un certain nombre de missions pour lesquelles trois heures de discussion avaient été prévues ont nécessité, telle la mission « Outre-mer », près de sept heures d’examen.
En application du principe constitutionnel de précaution (Sourires), permettez-moi de vous présenter un schéma ayant pour objet de faciliter et de rationaliser nos discussions, étant bien entendu que le Sénat se réunira samedi, l’après-midi et le soir, ainsi que dimanche, le matin, l’après-midi et le soir. Nous devons donc faire le meilleur usage possible de ces moments de discussion.
Nous achèverons demain soir, ou dans la nuit de vendredi à samedi, l’examen des missions en nous limitant à partir de maintenant aux seules discussions générales et à l’examen des amendements portant sur les seuls crédits, à l’exception donc des articles rattachés.
Nous réservons l’examen de l’ensemble des articles rattachés, des amendements qui s’y rapportent et des amendements portant article additionnel constituant, s’ils étaient adoptés, des articles rattachés, après la fin de l’examen des missions.
Concrètement, cela signifie que nous examinerons lors de la séance de samedi les missions dont nous avons reporté l’examen, à savoir les missions « Politique des territoires », « Santé », « Engagements financiers de l’État » et « Provisions ».
Puis nous prendrons les articles de totalisation 48 à 51 et, immédiatement après, l’ensemble des articles rattachés non examinés, et ce dans l’ordre de leur inscription initiale.
Cet examen comprendra celui de l’article 99 et des amendements portant article additionnel rattachés à la mission « Ville et logement », dont nous n’avions pas terminé la discussion lundi dernier, ou plus précisément aux premières heures de mardi.
Nous examinerons ensuite et enfin les articles non rattachés à partir de l’article 52 jusqu’à la fin, dimanche, lundi et mardi.
Telle est la décision, mes chers collègues, que nous avons dû prendre, et j’en suis désolé. J’espère que le Gouvernement y apportera son soutien.
Je vous proposerai toutefois une exception : que l’examen de l’article rattaché 68 quater ne soit pas reporté à samedi ou à dimanche matin.
M. le président. Conformément à l’article 44 du règlement, la commission des finances demande de réserver, après l’examen des crédits des missions, des amendements qui s’y attachent et des articles de totalisation, les articles rattachés aux missions et les amendements déposés sur ces articles, ainsi que les amendements portant article additionnel.
Cette réserve, comme M. le président de la commission des finances vient de le rappeler, vaut également pour l’examen de l’article 99 et des deux amendements portant article additionnel après l’article 99, dont nous avions entamé la discussion lors de l’examen de la mission « Ville et logement ». Elle ne vaut pas en revanche pour la mission « Culture ».
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement remercie M. le président de la commission des finances de faire cette proposition, car il a bien senti hier, lors de la conférence des présidents, que la multiplication des articles rattachés avait des conséquences importantes sur le déroulement des travaux du Sénat.
Or le Gouvernement souhaite que l’examen du projet de loi de finances se déroule d’une manière cohérente et si possible hiérarchisée dans le temps, afin que nous n’ayons pas de mauvaise surprise mardi, lors du vote sur l’ensemble.
Non seulement le Gouvernement est favorable à la demande de M. Arthuis, mais il remercie la commission des finances et le Sénat de bien vouloir faciliter cette discussion budgétaire en ayant recours à cette méthode rationnelle et, me semble-t-il, la plus efficace possible.
M. le président. La réserve est de droit.
Monsieur le ministre, les travaux pratiques que nous avons été amenés à faire cette nuit en séance publique, après la conférence des présidents, en passant une heure sur un article rattaché, ont renforcé notre sentiment : une mesure devait être prise.
Nous examinerons donc aujourd’hui et demain les missions programmées, ce qui inclut les amendements portant sur les états. Nous pourrons ainsi tenir le programme dans la limite d’un horaire raisonnable.
Samedi, à partir de quatorze heures trente, nous examinerons les quatre discussions reportées : Politique des territoires, Engagements financiers de l’État, Provisions, Santé.
Si nous en avons le temps, nous examinerons ensuite les articles de totalisation – articles 48, 49, 50 et 51 –, puis les articles rattachés dans leur ordre originel d’inscription.
Dimanche matin, nous poursuivrons l’examen des articles rattachés et nous commencerons les articles non rattachés que nous continuerons lundi.
Le service de la séance, mes chers collègues, mettra en distribution dans les meilleurs délais un dérouleur récapitulant la nouvelle organisation de la fin de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2011.
Nous reprenons maintenant l’examen des crédits de la mission « Culture »
Culture (suite)
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, dans le Cru et le cuit, le grand anthropologue Claude Lévi-Strauss affirme : « Le savant n’est pas l’homme qui fournit les vraies réponses, c’est celui qui pose les vraies questions. » C’est pourquoi il me revient aujourd’hui de répondre aux vraies questions que vous avez soulevées et aux légitimes interrogations qui ont émergé à la lecture des crédits de la mission « Culture » inscrits au projet de loi de finances pour 2011.
Chacun sait dans cette assemblée combien notre environnement budgétaire est tendu, chacun mesure ici combien sont fortes les contraintes qui pèsent sur le budget de l’État. Néanmoins, je tiens à dire que je me suis très fortement engagé afin de préserver cet « État culturel » parfois décrié en France, mais souvent admiré en Europe et dans le monde. Cette politique de développement culturel ne va pas de soi : elle n’est jamais acquise, elle est toujours conquise.
Le budget de la mission « Culture » pour 2011 est un budget consolidé, c’est un budget préservé, un budget qui nous permet d’afficher de nouvelles priorités d’action. Il est en effet en légère augmentation, à 2,7 milliards d’euros, hors crédits de la réserve parlementaire et avant les transferts. C’est un budget conforté, si l’on songe par exemple à d’autres États membres de l’Union européenne, qui ont choisi de tailler, parfois massivement, dans les budgets de la culture pour faire face à la crise de leurs finances publiques, comme si la culture était une valeur d’ajustement. En ce qui nous concerne, nous serons donc en mesure de poursuivre les grands chantiers engagés, et de mettre en valeur de nouvelles priorités.
Certains diront qu’il s’agit d’un budget compliqué. Je veux lever les interrogations à ce sujet. Dans le cadre de la réflexion sur ses missions, dans le cadre aussi de la réforme de l’administration centrale, mon ministère a fait le choix de regrouper le livre, les industries culturelles et les médias. Je soutiens fortement ce choix : la « nouvelle frontière » du livre et de l’édition, c’est le livre numérique. C’est aussi le livre « augmenté ». Les conséquences de la globalisation et de la numérisation sont considérables pour l’ensemble de ces secteurs : il importait d’adapter notre dispositif à cette transformation fondamentale.
La création de la direction générale des médias et des industries culturelles – l’une des trois grandes « directions métiers » de mon ministère – s’inscrit également dans le cadre de cette politique forte et cohérente, que je soutiens, en faveur des industries culturelles.
Certes, la maquette budgétaire s’en trouve perturbée à l’occasion du prochain exercice, mais elle sera stabilisée pour un certain nombre d’années. Permettez-moi maintenant de présenter plus en détail les crédits de la mission « Culture » et de répondre aux questions soulevées par les rapporteurs et les intervenants.
Ce budget entend poursuivre la politique de mise en valeur de tous les patrimoines.
Le programme Patrimoines, tout d’abord, connaîtra une hausse de 1,6 %, pour s’établir à 868 millions d’euros. Par leur capacité à mettre en valeur les territoires et à créer des emplois, l’accent a été mis sur les crédits déconcentrés en région.
Conformément à l’engagement du Président de la République, les monuments historiques bénéficieront l’année prochaine de moyens reconduits par rapport au projet de loi de finances pour 2010, avec un budget de 375 millions d’euros si l’on compte les 10 millions d’euros issus de la taxe sur les jeux en ligne affectés au Centre des monuments nationaux, comme chacun l’a remarqué. C’est donc, comme l’a souligné M. le rapporteur Nachbar, un bon budget.
Entretenir aujourd’hui, c’est aussi investir pour avoir moins à restaurer demain. Par ailleurs, l’effort réalisé en faveur des monuments historiques n’appartenant pas à l’État se poursuit en 2011, pour atteindre 53 % des crédits dédiés aux monuments historiques. Je tiens notamment à insister, à la suite de M. Nachbar, sur l’importance de l’aide à la maîtrise d’ouvrage pour les petites communes : cette dernière sera assurée, protégée et garantie. Ce sont les preuves d’un engagement fort et d’une ambition économique et touristique à l’intention des collectivités locales.
Concernant l’avenir de l’archéologie préventive, je partage, messieurs les sénateurs Gaillard et Nachbar, votre préoccupation sur la situation, que tous s’accordent à présenter comme difficile, de l’INRAP. Au point de rencontre entre mémoire et développement territorial, ce sujet est tout à fait essentiel. Cependant, je ne vais pas le développer aujourd’hui car une réflexion est actuellement en cours, avec – bien naturellement – l’ensemble du personnel de l’INRAP, sur les modalités d’une réforme structurelle de son financement. Nous aurons donc l’occasion d’en reparler prochainement, en nous appuyant également sur les éléments du rapport de l’inspection générale des finances, qui ouvre des pistes intéressantes et qui sera transmis au Sénat.
J’ai évoqué plus haut le développement des territoires : c’est aussi la finalité du plan musées. Le plan musées proprement dit pourra s’appuyer en 2011 sur 25 millions d’euros, sur les70 millions prévus jusqu’en 2013. Ce plan concerne des projets de rénovation, d’extension, voire de construction, de 79 établissements de nature très différente, répartis sur l’ensemble du territoire, comme vous l’avez rappelé, madame Papon. Il s’agit de créer un effet de levier favorable au développement de l’attractivité de nos régions. À cet égard, la réponse des collectivités locales est bien plus qu’encourageante.
Par ailleurs, la révision générale des politiques publiques nous a conduits, vous le savez, à baisser de 5 % les subventions de fonctionnement des grands établissements publics. Cependant, monsieur Ralite, la Réunion des musées nationaux, le Louvre, le musée d’Orsay, le Centre Pompidou et le musée du Quai Branly restent et doivent évidemment rester les acteurs majeurs de notre politique patrimoniale, les « vaisseaux amiraux » de notre dispositif culturel.
Je ne suis pas inquiet à ce sujet : j’en veux pour preuve le dynamisme de leurs recettes propres, leur capacité d’investissement pluriannuel maintenue et leur rayonnement international conforté, notamment grâce à des gestions et à des directions de la plus grande compétence.
Je souhaite à cet égard répondre à M. Yann Gaillard concernant la gratuité pour les 18-25 ans dans les musées. Mise en place en 2009, cette mesure porte ses fruits : la proportion des jeunes de 18 à 25 ans augmente sensiblement chaque trimestre, et près de sept jeunes sur dix considèrent que la gratuité a pesé sur la prise de décision de leur visite.
Parmi les grands chantiers emblématiques que le budget 2011 permet de porter, je citerai évidemment deux projets immobiliers qui apportent leur contribution à l’excellence architecturale de notre pays et représentent une vitrine ainsi qu’un vecteur de rayonnement pour la création contemporaine : le musée des civilisations d’Europe et de la Méditerranée de Marseille – le MuCEM – auquel 30 millions d’euros seront consacrés l’année prochaine afin de permettre l’aménagement du site paysager du fort Saint-Jean et la réalisation du projet architectural de Rudy Ricciotti, mais aussi le programme de rénovation du musée Picasso à Paris, qui sera lancé en 2011.
Madame Papon, vous avez eu raison de rappeler également le grand projet de fusion entre le Grand Palais et la RMN. Le nouvel établissement sera bien créé au 1er janvier 2011.
À Paris, la Maison de l’Histoire de France figure également parmi les grands projets culturels. Je suis particulièrement heureux de voir que cette question a été plusieurs fois évoquée au cours des allocutions précédentes. Je suis conscient des controverses qui entourent ce projet. Je voudrais dire que je les aborde très sereinement, et que chacun d’entre vous pourra se reporter au script de l’entretien d’une heure que j’ai accordé à France Culture, lequel résume – à mon avis – très bien les enjeux de la controverse et devrait entraîner une évolution très favorable du point de vue de ceux qui sont encore sceptiques quant à l’intérêt du projet.
Les crédits permettront notamment l’ouverture des jardins du quadrilatère de Rohan-Soubise au public et l’exposition de préfiguration à la fin de 2011. Vous avez raison, monsieur Fauchon : plus qu’un musée, il s’agira d’une « maison », c’est-à-dire d’un réseau ouvert à la communauté des historiens, des chercheurs, ouvert aux jeunes mais aussi au grand public, et qui constitue la réponse à une véritable « demande d’Histoire », dont témoignent, par exemple, les « rendez-vous de l’histoire de Blois » ou le succès exceptionnel des grandes émissions de télévision à caractère historique.
Grâce à un espace numérique innovant, cette Maison de l’Histoire permettra de cartographier les sites et musées d’histoire existants : non seulement les musées directement rattachés à l’État, mais aussi le millier d’autres qui parsèment le territoire français, et pour lesquels nous n’avons pas encore de repère. Ils seront ainsi, en quelque sorte, confédérés d’une manière souple, cartographiés, et ils permettront d’alimenter très fortement les discours et questions concernant l’Histoire.
La Maison de l’Histoire sera donc un lieu de valorisation de la recherche et du savoir, mais aussi un lieu d’éducation et de transmission à destination du grand public. Il ne s’agit ni de créer un reposoir pour le « roman national », ni d’ériger un conservatoire du passé, mais bien d’ouvrir un questionnement, un dialogue, un échange, en ouvrant notre histoire, ses richesses et ses questions au miroir de l’histoire de l’Europe et du monde.
Parallèlement, le budget des archives nous permettra de respecter le calendrier de construction du centre des archives de Pierrefitte-sur-Seine : la livraison du bâtiment construit par Massimiliano Fuksas – l’un des plus grands architectes du monde, et qui a fait une maquette admirable – est prévue pour la fin de l’année, avec une ouverture au public en 2013. Ce sera le centre d’archives le plus vaste et le plus moderne d’Europe. Je tiens à souligner le fait qu’un effort particulier a également été fait en faveur des centres d’archives en région, qui bénéficient désormais d’une enveloppe de 7,5 millions d’euros.
J’ai en effet la conviction que le patrimoine n’est pas figé : il est ouvert sur les dynamiques de la société, il se façonne et il se construit également dans le présent. Du patrimoine rural – les fontaines, les halles, les lavoirs – au patrimoine immobilier en passant par les grands sites industriels, mais aussi la langue française et les langues de France, les patrimoines, au pluriel, sont une exceptionnelle richesse vivante. Ils nous ont été légués par ceux qui nous ont précédés, il nous revient de les transmettre aux générations futures, en ayant à l’esprit qu’ils ont une valeur mémorielle mais aussi universelle, car la France, c’est la « France Monde » !
Le programme Création entend également préserver la diversité et la qualité du spectacle vivant. Pour sa part, le budget consacré à la création est en hausse de 1,8 %, pour s’élever désormais à 736 millions d’euros.
En ce qui concerne le spectacle vivant, j’entends bien votre inquiétude, monsieur Lagauche. Vous me permettrez toutefois de dire que la reconduction des crédits de fonctionnement en région à hauteur de 276 millions d’euros représente une victoire, si l’on veut bien se rappeler qu’il y a quelques mois encore, il était tout simplement question de diminuer ces crédits d’intervention de 10 %. Oh, certes, pas dans les couloirs du ministère de la culture et de la communication, mais pas très loin non plus…
C’est la marque d’un engagement maintenu de l’État en faveur de la création et de l’émergence des jeunes artistes.
L’année 2011 sera par ailleurs une année essentielle pour la réforme du secteur du spectacle vivant. Les conclusions des Entretiens de Valois ont été tirées et mon ministère procédera à la redéfinition du périmètre et des modalités d’intervention de l’État, en prenant bien soin, monsieur Pignard, de ne pas se payer de mots ; la phrase célèbre de Clemenceau que vous avez fort justement citée à ce propos hante d’ailleurs mon imaginaire et ma mémoire.
Qu’il s’agisse des labels ou du fonctionnement des comités d’experts, accompagner la transformation est une nécessité à la fois pour l’État, pour les opérateurs et pour les établissements, dans le cadre d’un dialogue responsable.
Je tiens à rassurer M. le rapporteur pour avis Serge Lagauche sur la plateforme d’observation du spectacle vivant : ses travaux avancent, et de manière constructive.
Plusieurs chantiers ont d’ores déjà été lancés ou le seront dans les prochaines semaines : des études pilotes sur le financement de la culture, un tableau d’indicateurs communs ou encore une réflexion sur l’homogénéisation des données financières fournies par les structures du secteur.
Dans un paysage européen en pleine évolution, ne pas transformer aujourd'hui le panorama de la création en l’adaptant aux nouvelles formes de la révolution numérique serait mettre en péril les formes d’expression de demain.
Je sais tout l’intérêt que chacun d’entre vous porte au dossier de la Philharmonie. Je le partage pleinement, et j’ai beaucoup œuvré pour la défendre. Dans une lettre très récente qu’il a adressée au maire de Paris, M. le Président de la République a confirmé la poursuite de ce projet ambitieux.
C’est un dossier prioritaire, car il permettra au Grand Paris de bénéficier d’une salle de concerts susceptible d’accueillir les plus grands ensembles symphoniques et de rivaliser avec d’autres métropoles déjà dotées d’un tel outil de prestige et rayonnement culturel. Je pense à Berlin, mais également à Rome,…
M. Ivan Renar. Et Vienne !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. … ville qui, malgré une démographie plus faible que celle de Paris, dispose d’une philharmonie absolument remarquable.
Je précise également que la Philharmonie ne sera pas seulement une salle de concerts. Elle sera véritablement la clé de voûte de toute la transmission et de l’enseignement musical en France, avec des lieux d’accueil pour les étudiants des conservatoires, des lieux de recherche, de travail, de répétition, ce qui manque encore cruellement à Paris.
L’enveloppe consacrée aux arts plastiques connaît une forte hausse pour 2011, passant de 57 millions à 74 millions d’euros, ce dont je me réjouis comme vous, monsieur Plancade.
Cette augmentation est essentiellement liée au lancement du chantier de rénovation des espaces inférieurs du Palais de Tokyo, qui seront totalement consacrés à l’art contemporain et ouvriront au public au printemps 2012.
La création artistique bénéficiera ainsi d’un outil de niveau international qui lui permettra de couvrir l’ensemble de son spectre, des talents émergents aux artistes confirmés, notamment ceux qui sont issus de la scène française.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. À cet égard, je voudrais ouvrir une parenthèse qui me semble importante.
D’aucuns s’inquiètent d’une certaine diminution de la part de la France sur le marché de l’art international. Le meilleur moyen d’inverser cette tendance est de valoriser nos artistes français ! Je pense ainsi aux artistes émergents, mais également à des artistes qui sont en milieu de carrière et qui ne peuvent pas encore accéder aux grandes rétrospectives, comme Soulages au centre Pompidou, mais qui méritent évidemment d’être valorisés fortement par l’État dans un lieu de prestige, tel que le Palais de Tokyo.
M. Jean-Pierre Plancade. Bravo !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. À mon sens, ce sera une manière significative et forte d’inverser l’évolution défavorable pour la France que nous constatons sur le marché de l’art.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade. C’est parfait !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Madame Blondin, le budget consacré aux arts plastiques a été conçu pour veiller également au développement de notre réseau d’institutions en région.
À cet égard, le Palais de Tokyo nouvelle formule sera le réceptacle de tout ce qui se fait en région et permettra d’attirer l’attention du public parisien et des visiteurs étrangers sur la richesse de nos fonds régionaux d’art contemporain, les FRAC, et sur le dynamisme de tout ce qui se fait en région. Il sera l’interlocuteur légitime et permanent du formidable travail réalisé en région grâce à ces fonds.
Par ailleurs, plusieurs FRAC s’installeront dans de nouveaux locaux, ce qui nécessite un effort particulier en termes d’investissements, mais qui augmentera aussi considérablement leur visibilité.
J’ai la conviction qu’il importe de promouvoir l’ensemble du système de l’art contemporain et d’appuyer le travail conjoint de l’ensemble des acteurs contribuant à sa vitalité en France, sur le territoire métropolitain comme en outre-mer. En effet, vous savez l’importance que j’attache à l’action culturelle en outre-mer. D’ailleurs, cela explique que je m’y rende systématiquement pour mettre l’accent et souligner le travail effectué par les acteurs culturels sur place et pour les encourager et valoriser leur action.
La transmission des savoirs et la démocratisation de la culture sont également au cœur de mes priorités. C’est l’ambition que je porte de la « culture pour chacun »
Développer l’accès à la culture pour les publics qui en sont éloignés, redynamiser le lien social en développant les pratiques culturelles qui favorisent la mixité, former les futurs créateurs et les futurs artistes, c’est, à mon sens, conforter le rôle de la transmission dans toutes ses dimensions et, d’une manière plus générale, participer à la refondation d’une « société du vivre ensemble » où chacun s’écoute et se parle.
C’est toute l’ambition du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, dont le budget pour 2011 s’élèvera à 433 millions d’euros hors crédits de personnels.
Cette enveloppe nous permettra de préserver nos dispositifs en faveur des publics les plus éloignés de l’offre culturelle, notamment les quartiers, les personnes handicapées ou encore les territoires ruraux, en faveur desquels j’annoncerai très prochainement un plan « Culture en milieu rural ».
Je vous ai bien entendu, monsieur Jean-Pierre Plancade, mais je tiens à être clair. Il n’y a aucune baisse des crédits consacrés à l’action culturelle sur ce programme. Il y aura même plus de 3 millions d’euros supplémentaires en 2011 pour les régions au titre de l’action culturelle des directions régionales des affaires culturelles, les DRAC.
Je veux pour preuve de cet engagement la préservation de nos moyens d’action dans le domaine de l’enseignement supérieur, comme vous le soulignez à juste titre, monsieur le rapporteur pour avis Philippe Nachbar.
Qu’il s’agisse des écoles d’architecture, des écoles des beaux-arts ou encore de la Fondation européenne pour les métiers de l’image et du son, la FEMIS, les dotations de fonctionnement pourront être actualisées et les crédits d’investissements seront revus à la hausse. Les travaux de rénovation de plusieurs établissements pourront ainsi être poursuivis.
Je tiens également à rappeler que les emplois d’enseignants sont sanctuarisés, puisque la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux ne s’appliquera pas dans ce secteur, en raison du développement considérable du nombre d’étudiants.
Par ailleurs, je voudrais évoquer plus particulièrement avec vous l’éducation culturelle et artistique et l’action en faveur de l’accès à la culture. Un cap a été franchi ; un changement culturel s’est imposé. Nous ne pourrons plus revenir en arrière dans l’enseignement de l’histoire des arts à l’école. Éduquer, former et susciter la curiosité : c’est un travail de Sisyphe, un ouvrage sans cesse recommencé.
J’ai bien entendu vos remarques concernant le sujet de l’évaluation de cette politique, monsieur le rapporteur Philippe Nachbar.
À cet égard, j’ai voulu, comme vous le savez, donner une nouvelle dynamique à la démocratisation de la culture, en lançant notamment une consultation au niveau régional et national consacrée précisément à la « culture pour chacun ». Sur les 77 millions d’euros consacrés à cette ambition, des redéploiements internes nous permettront en 2011 de dégager 3 millions d’euros supplémentaires pour les régions, disponibles pour de nouveaux appels à projet.
Je précise également qu’un grand forum des associations aura bientôt lieu. Nous l’avons, me semble-t-il, vraiment bien préparé, par un repérage constant et – je l’espère – complet du maillage des associations travaillant précisément à sortir les quartiers, à aider les handicapés et à chercher les publics prisonniers qui ne viennent pas. Ce forum aura lieu à la fin du mois de janvier ou au début du mois de février, ce qui nous permettra d’affiner encore notre connaissance des demandes dans ce domaine.
Dès l’origine, André Malraux avait imaginé et réalisé un instrument du lien social avec les maisons des arts et de la culture. Aujourd’hui, reconnaître la diversité des pratiques culturelles, répondre au défi de cette diversité et ouvrir de nouveaux types de structures et de nouveaux territoires pour faire reculer les « déserts culturels » est une ambition politique à part entière, que je porte avec ferveur, car il s’agit de reconquérir les « territoires perdus de la République ».
L’excellence artistique ne doit pas être ce « pays éloigné » auquel de nombreux jeunes des quartiers ne peuvent pas accéder, mais bien un « paysage familier », un horizon partagé, un univers accessible.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget pour 2011 nous permettra de préserver pleinement l’ambition de la politique culturelle de l’État, avec un effort particulier en faveur de son action territoriale, ce qui représente un signal important à l’attention des collectivités locales. Il nous donnera également les moyens de poursuivre les chantiers d’envergure auxquels je suis attaché, notamment en période de crise – il s’agit de montrer que la culture reste le repère incontournable nous permettant de traverser les temps difficiles –, et d’ouvrir de nouvelles priorités, en particulier dans le domaine des nouveaux modes d’accès à la culture.
Je sais les inquiétudes qui existent parmi les élus, parmi les acteurs culturels et les professionnels à propos de la clause de compétence générale. La réforme des collectivités territoriales que vous avez récemment adoptée apporte à cet égard des garanties. Elle réaffirme clairement la clause de compétence générale en matière culturelle, conformément à ce qui a été annoncé par le Président de la République.
Les financements croisés pourront se poursuivre ; j’y suis personnellement très attaché. Ils ont permis une coopération fructueuse entre le ministère de la culture et de la communication et les collectivités territoriales depuis les lois de décentralisation de 1982 et 1983. Cette coopération est une richesse ; elle est aussi un facteur de dynamisme et de pluralisme.
Si les pratiques culturelles se diversifient et s’appuient sur des réseaux de moins en moins institutionnels, je suis persuadé que le modèle français de développement culturel reste fondamentalement pertinent, à condition de pouvoir se transformer, se rénover et de miser sur l’innovation et l’expérimentation. C’est là tout mon projet, c’est là toute mon ambition, et je suis constamment à l’écoute des acteurs chargés de sa mise en œuvre. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, de l’UMP et du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.
État B
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Culture |
2 715 258 094 |
2 679 936 977 |
Patrimoines |
848 556 492 |
868 417 160 |
Création |
753 086 098 |
736 774 406 |
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
1 113 615 504 |
1 074 745 411 |
Dont titre 2 |
634 564 382 |
634 564 382 |
M. le président. L'amendement n° II-384, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Patrimoines |
170 095 |
170 095 |
||
Création |
||||
Transmission des savoirs et démocratisation de la cultureDont Titre 2 |
283 245 361 040 |
283 245 361 040 |
||
TOTAL |
170 095 |
283 245 |
170 095 |
283 245 |
SOLDE |
- 113 150 |
- 113 150 |
La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le présent amendement vise à prendre en considération dans le projet de loi de finances pour 2011 des transferts d’emplois qui n’ont pas pu y être intégrés.
Ces transferts concernent la prise en charge directe par certains opérateurs culturels de postes précédemment mis à leur disposition et rémunérés par l’État.
Ils concernent également des transferts de crédits de personnel en conséquence d’ajustements de transferts d’agents aux collectivités locales dans le domaine des monuments historiques et de l’inventaire général du patrimoine.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Avec ce type d’amendement, sorte de « petite cavalerie » par rapport à l’ampleur – toute relative d’ailleurs – du budget de la culture, ce sont toujours les mêmes recettes qui sont appliquées : d’un côté, comme vous l’avez souligné en présentant cet amendement, monsieur le ministre, on réimpute et, de l’autre, on ampute ! On prend de l’argent au programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture pour le transférer au programme Patrimoines.
Je peux comprendre que des besoins financiers se fassent sentir ou qu’il faille faire preuve de politesse envers M. le ministre. A priori, je suis plutôt opposé à ce genre d’amendements que l’on peut qualifier de forme. Mais, comme le disait un ami philosophe et par ailleurs ivrogne, la forme est le fond qui remonte à la surface. (Sourires.)
Je sais également que l’ensemble du budget de la culture, qu’il s’agisse de celui des collectivités ou de celui de l’État, est dépensé à bon escient par les professionnels, les artistes et l’ensemble des structures.
Aussi, plutôt que de nous opposer à cet amendement, nous nous abstiendrons pour faire bonne manière en cette fin de matinée à M. le ministre.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-384.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix, modifiés, les crédits de la mission « Culture ».
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 68 quater, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Culture ».
Culture
Article 68 quater (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2011, un rapport relatif à la gestion des ressources humaines dans les établissements publics muséaux nationaux. Ce rapport comprend notamment une analyse des politiques de recours à des prestataires extérieurs pour la gestion des fonctions support et en interface avec le public. Elle en précise l’impact en termes de coût, de qualité de service, d’efficacité et d’efficience, dans une perspective comparative avec la gestion en interne, assurée par des agents publics, de ces mêmes fonctions. – (Adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Culture ».
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Nomination d’un membre d'un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Raymond Vall membre de la commission supérieure des sites, perspectives et paysages.
6
Loi de finances pour 2011
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale.
Médias, livre et industries culturelles
Compte spécial : Avances à l’audiovisuel public
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits des missions « Médias, livre et industries culturelles » (et article 76) et du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances. Vous avez beaucoup de chance, monsieur le ministre, car vous êtes un jeune ministre, alors que je suis rapporteur des crédits de la mission « Médias », et de l’audiovisuel en général, depuis le siècle dernier… (Sourires.)
M. Ivan Renar. Pourquoi pas depuis Vercingétorix ?
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Presque ! (Nouveaux sourires.)
Nous avons connu, dans cet hémicycle, des débats difficiles et des moments de fièvre parce que l’audiovisuel n’était pas financé, et parce que le Sénat et sa commission des finances voulaient augmenter la redevance, contre l’avis du Gouvernement. Il y a beaucoup de vaches sacrées dans l’audiovisuel et dans les médias...
La situation est désormais débloquée et les choses se sont calmées. Ce débat a eu lieu ; il a été tranché.
M. David Assouline. Non, il va reprendre !
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Peut-être verrons-nous apparaître de nouveaux débats dans ce domaine, mais nous avons tout de même bien progressé.
Puis est survenu le débat sur la publicité.
Au temps où les vaches étaient, non pas sacrées, mais grasses,...
Mme Nathalie Goulet. C’est bien fini !
M. Claude Belot, rapporteur spécial. ... on envisageait de supprimer toute publicité dans l’audiovisuel public. Puis, on a trouvé une solution intermédiaire et décidé de procéder par étape : on l’a supprimée après vingt heures, mais on l’a remplacée par autre chose qui, à mon avis, ne vaut guère mieux. Ensuite, la nécessité faisant loi, on a considéré qu’il n’était pas urgent de supprimer la publicité dans la journée.
La commission des finances du Sénat est plutôt favorable à cette position : il est urgent d’attendre avant de passer à l’étape suivante. Dans la période actuelle, nous ne pouvons pas nous permettre de négliger 450 millions d’euros. Par ailleurs, nous avons constaté que la situation de France Télévisions n’était pas trop mauvaise ; elle est même plutôt bonne.
Lorsque vous avez pris vos fonctions, monsieur le ministre, la situation était donc relativement apaisée. Je ne veux pas dire que tout soit parfait, mais il y a tout de même des choses qui fonctionnent.
Sur le plan de la forme, vous avez rattaché à cette mission – et c’est un changement de périmètre significatif ! – tout ce qui concerne le livre et les industries culturelles. Vous avez bien fait : c’est une question de logique.
L’Assemblée nationale a souhaité modifier votre proposition. La commission des finances du Sénat, en accord avec la commission de la culture, a considéré que cette décision était source de confusion et de mauvaise lisibilité. Vous avez déposé, monsieur le ministre, un amendement visant à en revenir à la rédaction initiale. À titre personnel, je le soutiendrai.
Ces remarques de forme étant faites, j’en viens à la question de la presse.
La presse des pays développés est à la fois la plus soutenue financièrement et la moins bien portante ; c’est l’un des enseignements du rapport Cardoso.
Lors des états généraux de la presse qui se sont tenus il y a deux ans, sur l’initiative du Gouvernement, un état des lieux a été dressé. Il a confirmé ce que nous disions, au Sénat, depuis des années.
À l’issue de ces états généraux, la décision a été prise d’augmenter les aides à la presse de 80,5 %, ce qui est considérable.
Nous avons tout de même vu des éléments positifs se dégager : le développement de la presse en ligne, qui commence à prendre son essor. J’ai reçu, hier, les représentants de la presse quotidienne régionale, qui m’ont confirmé que leurs éditions en ligne décollaient. C’est une bonne chose !
Vous avez également soutenu l’aide au portage, qui a obtenu des résultats meilleurs que prévus. Par ailleurs, des marges de progression existent. Tout cela va dans le bon sens, et il convient de le dire.
J’en viens à la télévision. Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission de la culture, et moi avons eu des entretiens très agréables, durant de nombreuses heures, avec les principaux acteurs de France Télévisions.
Nous avons trouvé une entreprise en bon état de marche. La dernière personne que nous avons rencontrée était Patrick de Carolis, dont c’était le dernier jour d’activité. Je tiens à dire qu’il a fait un bon travail. M. Pfimlin, qui lui a succédé, connaît également son métier.
Cette entreprise est dans un bien meilleur état qu’il y a douze ans, lorsque j’ai rapporté pour la première fois les crédits de cette mission. Grâce à la compétence des hommes qui la dirigent et à ceux qui y travaillent au quotidien, grâce aussi à l’application du contrat d’objectifs et de moyens, elle fonctionne bien ; il faut lui conserver ses moyens.
Le budget de France Télévisions diminue, cette année, de 0,5 %, précisément parce que les recettes publicitaires prévues pour l’exercice 2011 sont très importantes.
Bien que perfectible, tout cela fonctionne.
Je tiens également à saluer, à l’heure où Jérôme Clément prend sa retraite, l’excellent travail qu’il a accompli à la tête d’ARTE, et le souci permanent qu’il a eu de l’argent public.
Mme Nathalie Goulet. Et de la qualité !
M. Claude Belot, rapporteur spécial. C’est l’entreprise audiovisuelle qui est gérée avec le plus de rigueur : elle a toujours rendu des comptes précis sur ce qu’elle faisait de l’argent public qu’elle recevait. À l’heure où son président quitte ses fonctions, il me paraît important de le souligner.
Le Sénat a soutenu, depuis le départ, le passage à la télévision numérique terrestre, la TNT. Le groupement d’intérêt public France Télé numérique assume bien sa mission. Comme j’ai pu l’observer dans ma région il y a quelques semaines, les choses se passent à l’heure et seront menées à leur terme. L’opération « coup-de-poing » conduite par ce GIP, sous la direction de notre ancien collègue Louis de Broissia, a été efficace ; cependant, elle va bientôt s’arrêter.
On me dit que des problèmes spécifiques se posent en outre-mer. Un amendement qui vise à les résoudre a été déposé par Joseph Kergueris. Le GIP doit régler cette situation ; je crois d’ailleurs que Louis de Broissia doit se rendre dans ces territoires à cet effet.
Bref, la télévision fonctionne bien et la situation de la presse s’améliore un peu, même s’il y a encore beaucoup de travail à faire, notamment sur les contenus.
Je suis de ceux qui considèrent que la pensée positive fait vendre davantage de journaux. Cela ne signifie pas qu’il faut écrire n’importe quoi ou baigner dans la béatitude. Simplement, on peut essayer de parler d’autre chose que, systématiquement, de ce qui ne va pas. Mais je sors du débat financier...
Parmi les sujets qui doivent faire l’objet d’une attention plus particulière de votre part, il y a l’Agence France-Presse, l’AFP. C’est une superbe entreprise qui honore notre pays. J’ai eu l’occasion, il y a un certain nombre d’années, d’y mener des contrôles sur pièces et sur place dans des pays assez lointains. Je me suis rendu compte que les équipes fonctionnaient bien, qu’elles étaient très motivées et qu’elles donnaient de la France une image extrêmement valorisante.
Aujourd’hui, la situation semble se dégrader. Je ne sais pas exactement ce qui se passe, monsieur le ministre, mais il serait opportun que vous-même et vos services regardiez attentivement l’évolution de l’AFP. Il faut trouver une explication à la perte de substance, à la baisse de chiffre d’affaires qu’elle révèle et, si possible, corriger cette tendance.
L’audiovisuel extérieur mérite également quelques commentaires. Dieu sait si nous avons soutenu ici son développement et la création de France 24 !
Je suis très déçu de la façon dont les choses se passent. À l’époque, le rapporteur de la commission de la culture et moi nous sommes présentés à France 24 pour effectuer quelques contrôles et rencontrer les responsables au plus haut niveau. Cela n’a pas été possible. Il en est toujours ainsi à l’heure où je vous parle. Les responsables de France 24 sont les seuls de tous les acteurs de l’audiovisuel public et privé que nous n’ayons pas rencontrés. Et pourtant, les gens du privé n’ont rien à nous demander puisqu’ils ne fonctionnent pas sur de l’argent public. Or, chaque année, ils viennent nous faire part de leur point de vue. Ce n’est pas le cas de France 24 qui se contente de recevoir. Mais si ce n’était que ça ! En fait, selon la rumeur – il faut toujours s’en méfier, mais vous avez les moyens de vérifier –, dans cette maison, il y aurait beaucoup plus d’ego et de rivalité que de volonté d’avancer. (C’est vrai ! sur les travées de l’UMP.)
Je ne connais pas le fond des choses, monsieur le ministre, mais, vous, vous avez le moyen de connaître la vérité. Vous la connaissez même sûrement. En tout cas, il n’est pas possible que l’audiovisuel extérieur français, dans lequel la République a mis des moyens importants, soit un échec. Il faut coordonner tous ces moyens autour d’un contrat d’objectif et de moyens. La France doit avoir une ambition et, les moyens nécessaires étant mis en œuvre pour la réaliser, la réussite doit être au rendez-vous.
Voilà ce que je voulais vous dire, très simplement. L’ensemble fonctionne, même s’il y a des points à améliorer et sur lesquels il faut agir vite : l’AFP, France 24, l’audiovisuel extérieur. Pour le reste, j’ai connu des périodes beaucoup plus difficiles que celle que nous vivons. C’est la raison pour laquelle la commission des finances, à l’unanimité, a proposé d’adopter les crédits que vous nous proposez, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, force est de constater que le projet de loi de finances pour 2011 réalise un effort financier très important en faveur de l’audiovisuel public, avec une augmentation de plus de 3,4 % des crédits par rapport à l’année dernière, pour un montant total de presque 4 milliards d’euros. On le doit à l’augmentation de la contribution à l’audiovisuel public, la CAP, dont le produit sera de 3,2 milliards d’euros en 2011. C’est le fruit – je tiens à le rappeler – du travail de la commission de la culture du Sénat, qui s’est battue pour cela, contre vents et marées pendant des années et également lors de la discussion de la loi sur la nouvelle télévision publique.
Évoquons, tout d’abord, le cas de France Télévisions. Le groupe dispose d’un financement pertinent en 2011, avec une dotation totale de 2,5 milliards d’euros. La baisse de 0,5 % de ses crédits est liée au réajustement des prévisions initiales du plan d’affaires, du fait des surplus publicitaires constatés en 2009 et 2010, et donc attendus en 2011. Au-delà de la dotation pour 2011, le problème de France Télévisions est celui de l’absence d’un modèle de financement de long terme. C’est ce que nous disions très clairement dans notre rapport, Michel Thiollière et moi, au début de l’année 2009, lors des débats sur la loi relative à la communication audiovisuelle ; c’est ce qu’a répété la Cour des comptes à la fin de l’année 2009 ; c’est enfin le constat que j’ai fait avec Claude Belot, dans notre rapport de juin 2010.
Le Gouvernement en a en partie pris acte ; il a proposé, dans ce projet de loi de finances, de reporter l’échéance de suppression de la publicité sur les antennes de France Télévisions au 6 janvier 2014. C’est un pas vers une démarche responsable. Elle est cependant nettement insuffisante car, monsieur le ministre, mes chers collègues, les comptes n’y sont pas. En effet, le produit complémentaire de la CAP, attendu pour 2014 devrait être d’environ 150 millions d’euros supplémentaires à celui prévu pour le projet de loi de finances pour 2011, soit une hausse d’environ 50 millions d’euros par an. On est donc très loin des 380 millions d’euros supplémentaires qu’il faudra compenser à France Télévisions au moment de la suppression totale de la publicité sur ses antennes. Et je ne vous parle pas du cas où la taxe dite « télécoms » serait déclarée contraire au droit communautaire, ce qui entrainerait une perte pour le budget de l’État de plus de 350 millions d’euros par an. C’est la raison pour laquelle l’Assemblée nationale a supprimé la disposition relative au moratoire. Le texte qui nous est présenté aujourd’hui prévoit, ainsi, que la publicité est et sera maintenue en journée sur France Télévisions.
Je suis pourtant convaincue, comme la plupart de nos collègues de la commission, que le modèle culturel idéal pour la télévision publique n’est pas celui de la publicité, du parrainage et de la dictature de l’audimat, mais bien celui des écrans libérés des annonceurs et des contraintes qu’ils imposent. C’est la raison pour laquelle j’avais proposé à la commission de la culture qu’elle adopte des amendements permettant de parvenir à une suppression totale de la publicité sur l’audiovisuel public dans de bonnes conditions. D’une part, en repoussant le moratoire au début de l’année 2015, afin que le produit complémentaire de la CAP soit encore plus important. D’autre part, en réintégrant les résidences secondaires dans l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public afin d’aboutir au principe d’une contribution par taxe d’habitation. Le produit attendu de cette évolution aurait pu atteindre 200 millions d’euros.
Il s’agissait dans mon esprit de deux amendements indissociables et permettant de financer une réforme ambitieuse et responsable, résultant des propositions de notre mission de contrôle commune avec la commission des finances. En première partie de loi de finances, malgré la position du rapporteur général, le Sénat a décidé de ne pas réintégrer les résidences secondaires dans l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public. Aujourd’hui, nous ne pouvons que prendre acte de ce choix.
J’estime donc, à mon grand dam, que l’idée du moratoire pose une vraie question. À contrecœur, je dois vous le dire, mais j’estime qu’il s’agit de la seule position responsable, notamment devant l’ampleur de la tâche de France Télévisions pour mener à terme la réforme. Je le regrette car je suis convaincue, comme l’a rappelé M. Marini lors de la discussion sur la première partie, que l’avenir nous donnera raison. Nous avons obtenu l’indexation, puis la revalorisation de la redevance après plusieurs années de lutte acharnée. Que n’avons-nous pas entendu là ? Où sont aujourd’hui les critiques, les Cassandre, les inquiets qui nous vouaient aux gémonies ? Ils se sont rangés à nos côtés. On veut aujourd'hui travailler sur l’assiette de la contribution. Toujours les mêmes pesanteurs, les mêmes critiques, les mêmes réactions pavloviennes : aucun intérêt, aucune chance.
En attendant que les esprits mûrissent, je considère que le plus sage sera de ne pas suivre la commission dans la proposition d’amendement que je lui ai pourtant suggérée.
M. David Assouline. On ne comprend rien !
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Par ailleurs, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les effets, sur les sociétés d’auteurs, de l’extension de la TVA à 19,6 % sur une part très importante des offres triple play des opérateurs de télécommunication. En effet, les sociétés de droit, comme la société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique, la SACEM, la société des auteurs et compositeurs dramatiques, la SACD ou la société civile des auteurs multimédia, la SCAM, qui font vivre nos auteurs et qui sont pour nous des interlocuteurs quotidiens, perçoivent des droits auprès des fournisseurs d’accès. Il se trouve que ces droits sont calculés à partir d’une assiette correspondant à la part de TVA à 5,5% sur les offres triple play et que l’entrée en vigueur de l’article 11 du présent projet de loi de finances pourrait avoir des conséquences très négatives sur la situation financière des sociétés d’auteur. Avez-vous, monsieur le ministre, anticipé cette difficulté et, le cas échéant, que comptez-vous faire pour y remédier ?
En conclusion, la commission a donné un avis favorable sur l’adoption des crédits relatifs à l’audiovisuel de la mission « Médias » et des crédits de la mission « Avances à l’audiovisuel public ».
M. le président. La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.
M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans sa version initiale, le projet de loi de finances pour 2011 proposait de regrouper au sein du programme 180 les crédits consacrés à la presse, au livre et aux industries culturelles. Face à cette nouvelle maquette budgétaire pour le moins incongrue, nos collègues de l’Assemblée nationale ont décidé, à juste titre, de scinder ce programme en trois nouveaux programmes distinguant clairement les moyens consentis à la presse, au livre et à la lecture, aux industries culturelles. Je partage leur analyse, car la proposition du Gouvernement me paraissait nuire considérablement à la lisibilité de la dépense publique, dès lors que ces politiques publiques poursuivent des objectifs distincts.
Les moyens du plan de soutien exceptionnel de l’État en faveur de la presse sont maintenus en 2011. Le montant total des crédits consentis au secteur de la presse s’établit, dans le projet de loi de finances pour 2011, à 420 millions d’euros en crédits de paiement, dont 115 millions d’euros seront affectés aux abonnements de l’État à l’AFP et 305 millions d’euros seront dédiés aux aides à la presse. Derrière l’affichage d’une politique publique généreuse et bienveillante à l’endroit de la presse, je ne peux que constater l’indigence consternante de l’effort en termes de cohérence stratégique, qui nuit considérablement à l’efficacité des aides publiques accordées à la presse.
Il est trop aisé de prétendre accorder 12 millions d’euros au renforcement du pluralisme de la presse, alors que la presse quotidienne d’information politique et générale, en particulier locale, se caractérise par un degré de concentration sans précédent. En réalité, rien n’est véritablement fait pour préserver la diversité et l’indépendance des rédactions face à la fusion croissante des titres et aux regroupements capitalistiques dans la presse quotidienne régionale. Toute initiative parlementaire qui s’inscrit dans le sens d’une limitation de la concentration dans le secteur des médias est balayée sans autre forme de procès par le Gouvernement et sa majorité, au seul motif qu’elle émane de l’opposition. La rationalité et la réalité sur le terrain dans les départements devraient nous conduire à réfléchir un peu plus sérieusement à ce phénomène d’uniformisation de l’information sur l’ensemble de notre territoire.
Le simple fait de proposer la reconnaissance juridique des rédactions, à l’Assemblée nationale, est injustement perçu comme un brûlot révolutionnaire susceptible de semer l’anarchie au sein des titres de presse. Il y a pourtant des questions fondamentales concernant la liberté, l’indépendance et le pluralisme de la presse que l’injection de millions d’euros ne saurait résoudre à elle seule.
Je retire du rapport de M. Cardoso sur La gouvernance des aides publiques à la presse trois idées clés qui me semblent devoir faire l’objet d’un examen plus approfondi pour améliorer l’efficacité du système.
Première idée : conditionner l’octroi des aides à la conclusion d’une convention entre l’État et l’entreprise de presse sur la base d’une stratégie globale de redressement assortie d’engagements évaluables. À mon sens, une démarche accrue de contractualisation devrait mettre l’accent sur les investissements structurels et d’avenir, en favorisant l’innovation et la formation, et sur la mise en place d’indicateurs pertinents et régulièrement réactualisés.
Deuxième idée : créer un fonds stratégique pluriannuel en faveur de la presse d’information politique et générale qui regrouperait l’ensemble des aides à l’éditeur et qui serait consacré à la restructuration du secteur de l’édition de la presse dans ses versions papier et numérique. Je vois là une proposition ambitieuse qui permettrait de réintroduire une cohérence d’ensemble dans la gestion des aides à l’éditeur jusqu’ici éparpillées et parfois même contradictoires. Néanmoins, je note que M. Cardoso chiffre le montant idéal de ce fonds à 900 millions d’euros sur cinq ans pour la période 2011-2016. Je m’interroge sur la volonté réelle du Gouvernement de sanctuariser un tel effort sur la période considérée vu les normes de réduction drastiques qui sont appliquées à l’ensemble des administrations. Quels engagements pouvez-vous prendre à ce sujet ?
Troisième idée : renforcer les mécanismes de contrôle et d’évaluation en mettant l’accent sur la vérité des coûts. Selon moi, ces mécanismes n’auront de sens que si votre ministère se dote d’une structure indépendante pour les mettre en œuvre en faisant appel, le cas échéant, à des fonctionnaires de l’inspection générale des finances et des magistrats de la Cour des comptes. Quels sont les efforts que vous comptez mettre en œuvre en ce sens, monsieur le ministre ?
Il y a, cependant, et je conclurai là-dessus, des sujets sur lesquels nous pouvons avancer ensemble si nous prenons la peine de partir d’un diagnostic honnête et rigoureux.
En matière de distribution de la presse, tout d’abord, l’ensemble des acteurs appelle au renforcement de la capacité d’autorégulation du secteur. Cela suppose effectivement de transformer le Conseil supérieur des messageries de presse, le CSMP, en une véritable instance professionnelle dotée de la personnalité morale et d’un pouvoir normatif d’autorégulation du secteur et, en contrepartie, de créer une autorité de régulation de la distribution de la presse appelée à régler les différends que le CSMP ne serait pas parvenu à résoudre.
Néanmoins, à mon sens, cette capacité d’autorégulation ne doit pas autoriser le secteur de la distribution à contourner les principes fondamentaux de la loi Bichet, en particulier l’égalité de traitement entre les titres de presse. J’appelle donc les pouvoirs publics à la plus grande vigilance quant aux conditions de pérennisation de certaines dérogations, telles que le plafonnement des quantités et l’assortiment des titres servis aux points de vente.
Enfin, pour ce qui concerne l’AFP, là aussi il faut entreprendre une démarche constructive, tout en respectant cependant certains fondamentaux. Il est inenvisageable de modifier les articles 1er, 2 et 14 du statut de 1957, fondements de l’indépendance et de l’identité, je dirais même de l’ADN, de l’Agence. Nous pouvons donc nous féliciter que l’actuel PDG ait écarté la transformation de l’AFP en une société dotée d’un capital.
Deux principes directeurs doivent guider notre réflexion : d’une part, la modernisation de la gouvernance, pour réunir les conditions d’un développement optimal de l’Agence, et, d’autre part, la consécration des missions d’intérêt général de l’AFP, pour justifier aux yeux du droit communautaire le versement d’une compensation financière par l’État qui s’élève, dans le projet de loi de finances pour 2011, à 115 millions d’euros. Là encore, les principes d’indépendance et de pluralisme de l’information doivent impérativement présider à toute modification du statut de 1957. Le travail et la concertation avancent, et la commission de la culture essaiera de trouver un consensus sur ce sujet au cours des prochaines semaines.
Bien que je ne sois pas favorable, à titre personnel, à l’adoption des crédits consentis à la presse au sein du programme 180, je dois vous recommander, au nom de la commission de la culture, d’émettre un vote favorable.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir été, ce matin, le rapporteur pour avis des missions culturelles classiques, je remonte à cette tribune pour vous présenter deux programmes, l’un relatif à la valorisation du patrimoine écrit et à la promotion de la lecture publique, l’autre à l’accompagnement de l’innovation technologique dans la politique du livre.
Pour ce qui concerne le premier d’entre eux, même si la nouvelle nomenclature budgétaire rend la comparaison difficile, je constate néanmoins que, pour l’année 2011, ses crédits sont stables et s’élèvent à 250 millions d’euros. Je ne peux, comme ce matin, que m’en féliciter, en ces périodes où certains ministères pourraient être réduits à la portion congrue.
Quatre actions principales sont visées par ce programme.
La Bibliothèque nationale de France bénéficiera de 206 millions d’euros afin de pouvoir financer les acquisitions qu’elle est amenée à faire et son fonctionnement.
Le Quadrilatère Richelieu se verra affecter 5 millions d’euros. Cet endroit, que j’ai visité avec certains collègues de la commission de la culture, va devenir un haut lieu culturel en France, car il va accueillir non seulement les collections demeurant encore rue de Richelieu, mais aussi l’École nationale des chartes et l’Institut national d’histoire de l’art. Monsieur le ministre, sauf à vouloir en faire un musée de la construction d’il y a un siècle et demi, un effort de réhabilitation et de mise en sécurité du bâtiment est nécessaire. À cet égard, je me félicite de constater qu’il bénéficie d’une ligne de crédits spécifique, d’un montant non négligeable.
Le développement de la lecture, quant à lui, sera doté de 19 millions d’euros. Là aussi, il est essentiel que le ministère de la culture et de la communication accompagne les efforts que font les collectivités locales, à la fois pour s’adapter aux nouveaux usages et aux nouvelles technologies et pour donner aux lecteurs l’accès au livre sous sa forme classique. Pour ce qui me concerne, en quinze jours, j’ai inauguré avec satisfaction trois bibliothèques municipales nouvelles dans mon département,…
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. … axées sur le livre tant écrit que numérique.
Le second programme concerne l’accompagnement des nouvelles technologies, autrement dit l’entrée dans le monde numérique. Dans ce domaine, le Centre national du livre, le CNL, va jouer un rôle essentiel. C’est la raison pour laquelle il est important de le conforter et de lui donner les moyens nécessaires pour remplir ses nouvelles missions. Le budget lui affecte 22 millions d’euros en crédits de fonctionnement et 19,5 millions d’euros en crédits d’intervention.
Il est essentiel, dans le domaine du numérique, de garder un certain équilibre, notamment de protéger les auteurs. À cet égard, monsieur le ministre, je voudrais vous féliciter de l’attitude que vous avez eue lorsqu’un grand éditeur a tenté de négocier séparément avec Google. Vous avez en effet tout mis en œuvre, et c’est heureux, pour que chaque partie soit traitée sur un pied d’égalité et pour qu’aucune initiative séparée ne puisse créer un déséquilibre qui porterait préjudice à l’édition dans notre pays et, par conséquent, aux auteurs.
Il est également indispensable d’apporter un soutien très fort aux librairies qui persistent à vouloir maintenir dans les communes de nos départements la présence du livre. Je citerai, parmi les mesures déjà adoptées en la matière, l’attribution de subventions, la création d’un fonds de soutien à la transmission des librairies, afin d’éviter la mort de ces commerces au moment du départ à la retraite du libraire, ou encore l’action du FISAC, le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, ou l’aide à internet. Au nom de la commission de la culture, je souhaite que ce programme d’aides soit développé.
Il est aussi primordial de réguler le marché du livre numérique. Le Sénat a adopté voilà quelques jours une proposition de loi de Catherine Dumas et Jacques Legendre sur ce sujet. J’espère que ce texte suivra le plus rapidement possible son cours et que nous parviendrons à préserver l’équilibre entre les différentes formes de transmission du savoir par l’écrit.
Je suis de ceux qui doivent tout à l’école et à la bibliothèque municipale. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler ces très beaux mots de Borges : « Si le paradis existe, je pense que c’est une bibliothèque. » (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis.
M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les arcanes de la nouvelle maquette budgétaire ont conduit Philippe Nachbar et moi-même à nous répartir les crédits destinés au livre et aux industries culturelles dans le programme 180.
Il me revient donc de vous présenter : d’une part, les crédits consacrés à l’édition, la librairie et les professions du livre, qui recouvrent 22,3 millions d’euros de crédits de fonctionnement et 19,3 millions d’euros de dépenses d’intervention, dont la majeure partie correspond au droit de prêt en bibliothèque, destinés à la rémunération des auteurs et éditeurs ; d’autre part, les crédits alloués aux autres industries culturelles, avec 26 millions d’euros destinés à la musique enregistrée, le cinéma, le patrimoine cinématographique, et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, ou HADOPI, qui recevra 12 millions d’euros, compte tenu de sa montée en puissance.
Toutes ces filières sont caractérisées par la mutation numérique.
À cet égard, j’ai trouvé beaucoup d’intérêt à participer, avec d’autres collègues, au Forum d’Avignon, qui s’est tenu du 4 au 6 novembre dernier. Nous avons pu ainsi mesurer l’impact de cette nouvelle révolution, qui concerne la consommation de biens culturels, mais aussi, bien entendu, leur mode de création et de diffusion.
Toutes ces évolutions ont une double conséquence.
Elles créent, tout d’abord, le besoin d’une nouvelle intermédiation et éditorialisation, l’abondance de biens à disposition ne les rendant pas forcément plus accessibles à tous, dans toute la richesse de leur diversité.
Elles rendent aussi indispensable un renforcement des actions éducatives, afin de former et d’aiguiser le regard critique des jeunes, ainsi qu’un accompagnement des mutations économiques.
Pour ce qui concerne le livre, cet accompagnement relève surtout des missions du Centre national du livre. C’est pourquoi, notamment, les ressources de celui-ci doivent être confortées. C’était l’objet de la réforme de 2007 sur la taxe relative aux appareils de reprographie, de reproduction ou d’impression, dont le produit a néanmoins baissé. Au total, sur l’ensemble de l’année 2010, 5 millions d’euros devraient manquer au CNL.
Par conséquent, monsieur le ministre, je vous prie de bien vouloir préciser les intentions du Gouvernement quant à une nouvelle modification de l’assiette de cette taxe.
Si le secteur du livre représente la première industrie culturelle, il demeure le moins subventionné. Une politique ambitieuse a néanmoins été conduite ces dernières années en faveur de cette filière à laquelle nous avons récemment contribué en adoptant la proposition de loi relative au prix du livre numérique de nos collègues Catherine Dumas et Jacques Legendre. Je rappelle que, sur l’initiative de la commission de la culture, le Sénat a aussi adopté un amendement tendant à appliquer à ce type de livre le taux réduit de TVA dont bénéficie le livre papier.
Le numérique doit devenir un nouveau moteur de création de valeur. À l’horizon 2015, le marché du livre numérique pourrait atteindre 15 % à 20 % du marché du livre, contre 1 % aujourd’hui. Une étude montre qu’il pourrait représenter 20 % à 28 % des profits de l’industrie concernée.
Mais je m’interroge sur la répartition de cette valeur. Car, contrairement au secteur du cinéma, dans lequel les économies réalisées par le distributeur en raison du passage au numérique sont partagées avec les exploitants en vue de financer l’équipement des salles, dans le domaine du livre, le modèle de partage de ce « dividende numérique » reste à définir, de même, il est vrai, que le niveau de ces économies. Dans tous les cas, il conviendra de veiller à ce que les libraires et les auteurs s’y retrouvent…
Nous devons, par ailleurs, conforter les mesures de soutien aux librairies. À cet égard, je me réjouis du prochain lancement du portail de la librairie indépendante sur internet, baptisé 1001libraires.com, qui sera lancé à la fin de cette année et bénéficie d’un prêt à moyen terme accordé par le CNL d’environ 500 000 euros. C’est essentiel si les libraires veulent prendre le virage du numérique.
S’agissant de la numérisation des œuvres dans le cadre des investissements d’avenir, la commission de la culture s’était inquiétée de la limite très stricte retenue : le niveau de subventions ou d’avances remboursables a été fixé à 25 % pour 75 % de financements privés. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si ces règles permettent d’engager les projets souhaités dans le domaine culturel ? Éventuellement, ont-elles été assouplies ?
Pour ce qui concerne les autres industries culturelles, les préconisations du rapport Création et internet de MM. Zelnik, Cerutti et Toubon, remis le 6 janvier dernier, constituent une bonne feuille de route pour développer l’offre légale de contenus culturels sur internet, améliorer la rémunération des créateurs et financer les industries culturelles.
La première de ces recommandations concerne la mise en œuvre de la carte musique pour les jeunes, mesure incitative qui vise à modifier les comportements des jeunes sur internet en rendant l’offre légale plus accessible à leurs budgets contraints. Il me semble néanmoins nécessaire de réaliser une évaluation de cette mesure à la fin de chacune des trois années de son application.
Après avoir perdu plus de 60 % de son chiffre d’affaires depuis 2003, le marché de la musique enregistrée semble en voie de stabilisation. Mais je relève que les différents acteurs de la filière musicale se sont historiquement moins structurés que ceux d’autres secteurs en vue de solliciter de l’État une régulation.
C’est pourquoi j’appelle de mes vœux une concertation interprofessionnelle, notamment sur une éventuelle réforme du crédit d’impôt et sur le projet de mise en place d’un régime de gestion collective des droits faisant suite à la mission confiée à M. Emmanuel Hoog.
Il me semble nécessaire de réfléchir à une meilleure régulation du secteur. Monsieur le ministre, où en sont ces concertations ?
La commission de la culture participera aussi à cette démarche au travers d’une table ronde, au mois de janvier prochain.
En conclusion, elle a donné un avis favorable aux crédits concernés par les actions dont j’ai la charge.
M. le président. La parole est à M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis.
M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’audiovisuel extérieur constitue un élément majeur du rayonnement culturel et linguistique de notre pays dans le monde.
C’est la raison pour laquelle la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées attache une importance particulière à ce dossier.
Après avoir entendu les dirigeants de ce secteur, après mettre rendu sur place dans chacune des entreprises concernées, TV5 Monde, RFI et France 24, après avoir échangé longuement avec les responsables des rédactions, de la diffusion et des finances, j’ai le sentiment que la réforme de l’audiovisuel extérieur, lancée en 2007 par le Président de la République, commence désormais à porter ses fruits. Le chemin est long, mais celui qui a déjà été accompli est non négligeable.
Ainsi, comme j’ai pu le constater lors d’un déplacement sur place, la situation de Radio France internationale s’est sensiblement améliorée, grâce à la mise en œuvre du plan de modernisation.
Le déménagement de RFI à proximité immédiate de France 24 doit permettre de renforcer les synergies et les mutualisations entre les deux sociétés qui se matérialisent déjà à l’occasion des émissions en langue arabe.
Un autre aspect essentiel de cette réforme porte sur le renforcement du pilotage stratégique.
Or, à cet égard, je regrette, monsieur le ministre, que le Gouvernement n’ait pas encore transmis au Parlement le contrat d’objectifs et de moyens passé entre l’État et la société Audiovisuel extérieur de la France.
Ce contrat devrait, en effet, définir non seulement les orientations stratégiques des différentes sociétés, mais aussi les financements qui seront accordés à l’audiovisuel extérieur dans les prochaines années, dont il est important de connaître l’évolution.
Il aurait donc été plus logique de disposer de ce document avant l’examen du projet de loi de finances pour 2011. Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, quand il sera transmis aux assemblées ?
Il semblerait, en effet, qu’après une phase d’augmentation des subventions de l’État, afin d’accompagner la réforme de l’audiovisuel extérieur, une phase dite de « retour sur investissement », et donc de baisse des subventions publiques, soit à prévoir en 2012 et en 2013.
Mais, au vu des informations dont je dispose, les crédits de l’audiovisuel extérieur pourraient connaître une forte diminution dès l’an prochain, de l’ordre de 7 % à 10 %.
Or, on peut avoir des inquiétudes à ce sujet car il n’est pas certain que les économies qui doivent être réalisées et l’augmentation des ressources propres soient de nature, dans le délai imparti, à compenser une trop forte diminution des crédits, compte tenu de l’état du marché publicitaire.
Je souhaiterais donc que vous puissiez, monsieur le ministre, nous rassurer à ce sujet.
Enfin, la commission a adopté un amendement visant à abonder les crédits de l’audiovisuel extérieur de 5 millions d’euros. Cela permettrait de financer le surcoût que représente la diffusion de France 24 sur la TNT outre-mer et la diffusion de TV5 Monde sur la TNT en Île-de-France.
Leur diffusion sur le territoire national permettrait de donner une meilleure visibilité à leurs programmes – ils en ont besoin –, de promouvoir la francophonie et la diversité culturelle, et de consolider leurs ressources propres.
Sous réserve de cet amendement, la commission des affaires étrangères et de la défense a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». (Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis, applaudit.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes dans une période qui se caractérise par la profonde mutation du paysage médiatique. La mission « Médias, livre et industries culturelles » elle-même voit son architecture totalement transformée cette année. Elle intègre désormais le livre. Compte tenu du peu de temps qui m’est imparti et du grand nombre de sujets que cette mission recouvre désormais, je concentrerai mon propos sur l’audiovisuel.
En effet, un des défis primordiaux des crédits de la mission « Médias » est d’assurer la pérennité d’un audiovisuel public de qualité. Déconnecter la préoccupation publicitaire, c’est-à-dire financière, de la préoccupation éditoriale était un véritable challenge. La télévision publique devait renouer avec une exigence culturelle correspondant à sa vocation première.
Nous sommes aujourd’hui sur la voie d’une amélioration de la ligne éditoriale. Mais, depuis la réforme engagée par la loi de mars 2009, la question de la suppression de la publicité sur France Télévisions n’a cessé d’occuper les débats et de susciter des inquiétudes. Aujourd’hui, la confusion la plus totale règne sur la question de la suppression de la publicité en journée.
Le groupe RDSE a toujours été favorable à la suppression de la publicité comme source de financement de la télévision publique. Le service public doit, avant tout, être financé par des fonds publics pérennes et dynamiques, autrement dit, par une redevance indexée et raisonnablement réévaluée.
Compte tenu du retard regrettable pris par la contribution à l’audiovisuel public en France, une des plus faibles d’Europe, il faudra peut-être encore attendre avant de parvenir à un tel financement public pérenne.
La publicité a disparu des écrans de France Télévisions à partir de vingt heures. La suppression totale est prévue à partir de la fin de l’année 2011, 2014 ou 2015 – on ne sait plus très bien –, et ce pour laisser le temps à France Télévisions de s’adapter. Cependant, rien n’était prévu en 2009 pour financer ce deuxième volet de la réforme et il semble que ce ne soit toujours pas le cas aujourd’hui.
Pour ne rien arranger, de fortes inquiétudes pèsent sur l’avenir de la dotation budgétaire supposée financer la suppression de la publicité. Cette dotation doit être compensée par deux types de taxes, celles de la publicité des chaînes privées et celles du chiffre d’affaires des opérateurs de télécommunication. Or, leur produit est plus qu’aléatoire, d’autant que la taxe sur les opérateurs est vivement contestée par les instances européennes. Que se passera-t-il si l’État doit rembourser le produit de cette taxe ?
Au vu de ces nombreuses incertitudes, le Gouvernement avait proposé un moratoire jusqu’en 2014 pour la suppression de la publicité en journée. Mais, le 16 novembre dernier, l’Assemblée nationale, contre l’avis du Gouvernement, a adopté un amendement tendant à maintenir la publicité sur France Télévisions dans la journée.
Notre commission de la culture n’a donc pas vraiment eu l’occasion de débattre de cette nouvelle disposition du projet de loi de finances.
Pour ma part, il me semble impossible, en l’état actuel des choses, de ne pas reporter à plus tard la suppression de la publicité en journée, même si l’objectif, l’idéal à atteindre doit rester un financement entièrement public de l’audiovisuel public.
M. Yvon Collin. Très bien !
Mme Françoise Laborde. J’en viens au problème de la télévision numérique terrestre. Cette forme de diffusion audiovisuelle a connu une formidable accélération depuis son lancement le 31 mars 2005.
À l’époque, elle concernait 35 % de la population métropolitaine, contre 89 % aujourd’hui. À la date de l’achèvement du passage à la télévision tout numérique, le 30 novembre 2011, 95 % de la population devrait être desservie.
Cette dernière ligne droite se retrouve dans le budget de la mission « Médias » pour 2011, qui consacre un déploiement de crédits à hauteur de 131 millions d’euros pour atteindre cet objectif.
Je voudrais profiter de ce débat pour attirer votre attention, monsieur le ministre, sur un sujet de grande inquiétude pour les membres de mon groupe et moi-même.
À l’occasion du passage au numérique, de nombreux problèmes peuvent se poser dans les zones frontalières et en outre-mer. C’est notamment le cas à Saint-Pierre-et-Miquelon. Sur ce territoire, la diffusion analogique prendra fin en 2011. Pour des raisons juridiques, de droits d’auteurs, que nous comprenons, un système de cryptage devra être mis en place pour éviter que le Canada limitrophe puisse capter le signal numérique des chaînes de France Télévisions.
Deux questions se posent alors. D’une part, il est essentiel que le cryptage permette le maintien de la diffusion au Canada de la chaîne télé pays, Télé Saint-Pierre-et-Miquelon. Ce vecteur de communication et de promotion de l’archipel est fondamental à l’échelle régionale. Il serait impensable de l’entraver. Cela reviendrait à ternir le rayonnement même de la France sur le Canada, ainsi que l’intégration des départements et territoires d’outre-mer dans leurs régions.
Par ailleurs, nous nous inquiétons au sujet du cryptage. Il obligerait les Saint-Pierrais et Miquelonnais à acquérir un module de décryptage particulier, en plus du décodeur classique nécessaire à la réception de la TNT. Il serait inadmissible que ces citoyens français, un peu lointains, soient obligés de payer pour avoir accès à une évolution technologique majeure qui, selon la loi, doit être gratuite.
Monsieur le ministre, nous attendons des réponses précises sur ces sujets.
Vous vous réjouissez d’un budget en hausse. Mais remarquez que l’indexation de la redevance sur l’évolution du coût de la vie et la contribution des fournisseurs d’accès à internet au financement du compte de soutien, à l’industrie des programmes audiovisuel, ne sont pas étrangères à cette hausse des crédits.
De même, la nouvelle maquette de la mission intégrant le livre entraîne, elle aussi, une augmentation automatique mais superficielle des crédits de la mission.
On ne peut donc pas dire que les sommes allouées à la mission « Médias » soient suffisantes ni adaptées aux nombreux objectifs fixés pour l’année à venir, à savoir le déploiement de la TNT, la transformation de France Télévisions en entreprise unique, mais aussi les suites des états généraux de la presse ou le développement de l’audiovisuel extérieur de la France.
C’est pourquoi la majorité des membres du groupe RDSE votera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement aux crédits en berne affectés à la culture, pour le spectacle vivant, en particulier, la mission « Médias, livre et industries culturelles » paraît mieux lotie.
Elle est néanmoins loin d’être à la hauteur des défis auxquels sont confrontés ces secteurs fortement bousculés par l’évolution rapide des technologies. L’essor d’internet et du numérique modifie profondément l’usage des médias, comme les comportements de nos concitoyens.
Or, le budget n’est pas à même de faire face à ces enjeux ni d’anticiper l’avenir. La légère progression des crédits est essentiellement liée à deux facteurs qui ne coûtent rien à l’État : d’une part, l’augmentation du nombre de redevables de la redevance audiovisuelle et son indexation sur le coût de la vie, que notre groupe a toujours ardemment défendue ; d’autre part, l’augmentation mécanique de la légitime contribution des fournisseurs d’accès à internet pour alimenter le compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels, le COSIP.
De ce fait, le budget du Centre national de la cinématographie, le CNC, a, et c’est heureux, fortement crû cette année, suscitant, du coup, des velléités de récupération d’une partie de ses ressources.
Cette manie d’entamer l’autonomie financière des opérateurs publics pour abonder le budget général de l’État est inacceptable et choquante ! Ce que d’aucuns considèrent comme une manne ne sera pas de trop pour que le centre national de la cinématographie remplisse l’ensemble de ses missions tant patrimoniales que de soutien à la création audiovisuelle.
Grâce au mode de financement du centre national de la cinématographie, la France est l’un des rares pays à bénéficier d’une véritable industrie du cinéma avec une belle diversité de films. Le centre national de la cinématographie est, de plus, confronté à plusieurs immenses chantiers de numérisation, dont, en particulier, le soutien à l’équipement numérique des salles des petits et moyens cinémas.
En ponctionnant ainsi le CNC, on s’attaque à l’exception culturelle de notre pays et on fragilise tout un secteur industriel déterminant pour notre économie et notre rayonnement artistique.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour combattre l’amendement, que je qualifierai de scélérat, qui réduit de 20 millions le budget du CNC. Comme disait Victor Hugo, mon cher David Assouline : « On pousse à de bien maigres économies pour de bien grands dégâts » !
Le projet de loi de finances ne répond ni aux impératifs de défense du pluralisme des médias ni aux nécessaires développements du service public audiovisuel. Depuis des années, notre groupe ne cesse de dénoncer le sous-financement de France Télévisons et l’acharnement à réduire toujours plus ses ressources au profit du privé. Hélas ! La situation s’aggrave et le financement de France Télévisions reste des plus précaires et ses recettes des plus incertaines.
Ainsi en est-il avec la énième diminution de la taxe sur les revenus publicitaires des chaînes privées, alors même que ceux-ci repartent fortement à la hausse ! La taxe des chaînes privées de la TNT baisse encore également, alors qu’elles connaissent une croissance vigoureuse !
Quant à la taxe sur les télécommunications, pourtant tout à fait raisonnable et proportionnelle, elle a été recalée par la Commission européenne, ce qui, à terme, représentera une perte de 370 millions d’euros pour le budget de l’État, qu’il ne manquera pas, je n’en doute pas, de répercuter sur France Télévisions !
Sans moyens suffisants, comment France Télévisons pourra-t-elle à la fois soutenir l’audace de la création, conforter France 2 dans son rôle de chaîne phare, rajeunir et en même temps redonner de la proximité à France 3, faire de France 4 la chaîne jeunesse de référence, accompagner le lancement de la TNT outre-mer et développer le global média qui a pris beaucoup de retard ?
Toutes ces missions sont pourtant stratégiques. France Télévisions est malmenée alors qu’elle est loin d’avoir démérité, dans un contexte de fortes turbulences ! Heureusement qu’elle conserve la régie publicitaire qui a failli être vendue, malgré ses excellentes performances !
La publicité constitue une ressource vitale du service public audiovisuel, surtout dans le contexte actuel de crise et de déficits. Il est légitime que les recettes publicitaires, lorsqu’elles excèdent les prévisions, reviennent intégralement à France Télévisions, qui en a bien besoin pour innover et se développer.
Or, sa dotation publique est réduite de 75 millions d’euros et l’encadrement du parrainage va lui faire perdre 10 millions d’euros supplémentaires, non compensés, contrairement aux engagements pris. Alors que les sources de financement ne font que diminuer, il n’est pas acceptable que l’État se permette, de surcroît, un hold-up sur les ressources propres de France Télévision, fruit de ses propres efforts.
L’indépendance de France Télévisions est en danger, non seulement du fait du nouveau mode de nomination et de révocation de son président mais aussi du fait de sa mise sous tutelle financière, puisque sa dotation publique dépend dorénavant du bon vouloir du prince. De fait, la suppression de la publicité en soirée ne sert qu’à voiler la volonté d’affaiblir la télévision publique et à masquer les privilèges exorbitants accordés aux chaînes privées.
Par ailleurs, la réorganisation de France Télévisions en société unique génère un réel malaise chez de nombreux salariés. Il me paraît souhaitable de mieux les associer et aussi d’entendre leurs préoccupations liées à la négociation des conventions collectives.
Ce budget n’est pas rassurant, et le climat qui règne sur les médias l’est encore moins. Comment ne pas s’insurger, encore et encore, contre cette véritable hérésie démocratique qu’est la nomination des présidents de la radio et de la télévision publiques par l’exécutif ? Comment accepter la remise en question permanente de la protection des sources des journalistes, ainsi que la fragilisation de leur indépendance ? Le principe constitutionnel de liberté de l’information, de liberté des expressions et des opinions est de plus en plus bafoué.
La presse écrite, pour ce qui la concerne, est toujours en crise, et le pluralisme y est menacé par de nouvelles concentrations. L’engagement triennal de l’État en faveur de ce secteur prend fin en 2011. Or ce dernier est loin d’être sorti d’affaire, et les préconisations du rapport Cardoso laissent craindre le pire.
S’il est pertinent d’améliorer et d’optimiser les aides à la presse, il est indispensable de renforcer le soutien aux journaux à faibles ressources publicitaires. L’intervention de l’État demeure très insuffisamment ciblée sur les titres qui en ont le plus besoin et qui concourent à l’exercice de la démocratie en s’adressant à un lecteur citoyen plutôt que consommateur.
Je suis par ailleurs partisan d’une modulation des aides qui prenne en compte le degré de concentration des titres. De plus, alors que le nombre des utilisateurs de tablettes progresse significativement et que l’avenir appartient au téléchargement payant, il devient urgent d’aligner le taux de la TVA applicable à la presse numérique sur celui du papier.
Le portage à domicile constitue l’un des objectifs essentiels qu’il faut atteindre avec la mutation numérique C’est pourquoi il serait souhaitable de moduler l’aide en vue de favoriser le portage multi-titres et inciter ainsi la presse quotidienne régionale à proposer de meilleures offres à la presse quotidienne nationale.
Par ailleurs, il faut aller encore plus loin dans les efforts accomplis pour que la presse écrite soit lue par les jeunes Il est vrai que la culture de l’écran se développe au grand galop. Il est donc essentiel de rendre le goût de la lecture aux jeunes, qui se détournent de celle-ci alors qu’elle est un élément fondamental de la formation et de la citoyenneté.
Dans ce combat en faveur du livre et de la lecture, l’arrivée du numérique est une occasion qu’il faut saisir pour rendre le goût de la littérature, de la poésie et des sciences à la jeunesse. L’amendement visant à instaurer un taux réduit de TVA à 5,5 % pour le livre numérique comme pour le livre papier est de bon sens. D'ailleurs, le marché du livre numérique n’étant qu’émergent, cette mesure sera quasiment indolore pour le budget de l’État, alors qu’elle sera décisive pour l’essor du livre numérique.
En ce qui concerne l’AFP, si l’État augmente bien la part de ses abonnements, la légère hausse consentie revient à une quasi-stagnation en valeur réelle. Les injonctions à la modernisation et au développement de nouvelles ressources multimédias de l’AFP se font toujours plus pressantes. Nous sommes en droit de nous demander si l’insuffisance des crédits alloués n’est pas un moyen déguisé de faire passer pour inéluctable le changement de statut de l’agence, qui a pourtant fait ses preuves. Or sa modernisation peut se faire dans le cadre du statut actuel et du respect total et entier de l’indépendance de l’AFP, qui lui ont permis de devenir une référence internationale.
Monsieur le ministre, pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas les crédits de cette mission. Vous avez déclaré l’autre jour que l’État roulait en Trabant et Google dans l’Aston Martin de James Bond. (Sourires.) Pour changer la donne, plutôt que d’affaiblir le service public en faisant des économies sur son dos, taxez donc les bénéfices extravagants de Google, qui se sert sans conscience ni miséricorde des contenus culturels et informationnels produits par d’autres ! Dans ce cas, nous voterons peut-être un jour votre budget, monsieur le ministre.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Voilà une perspective intéressante !
M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois.
M. Louis Duvernois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’appétence pour le conflit est-elle inhérente à la politique audiovisuelle extérieure de la France ? Serions-nous condamnés à subir plutôt qu’à agir ?
La société holding AEF, c'est-à-dire Audiovisuel extérieur de la France, dotée pour 2011 d’un budget de 330 millions d’euros, en hausse de 2,9 %, tarde dans la conclusion du contrat d’objectifs et de moyens et souffre de l’insuffisante implication de la puissance publique actionnaire.
Un projet de décret serait en cours d’élaboration par le ministère de la culture et de la communication, après la stabilisation de la restructuration de la holding et des entités qui la composent.
Qu’en est-il sur ce point, monsieur le ministre ? La réforme de l’audiovisuel extérieur de la France entre, semble-t-il, dans une nouvelle phase, marquée par la transformation de la holding AEF, de Radio France Internationale, de Monte Carlo Doualiya – cette filiale arabophone de RFI – et de France 24 en une seule entreprise, tandis que TV5 Monde, chaîne multinationale et multilatérale, conserverait sa place à part de télévision partenaire.
Pensez-vous que cette stratégie rendra notre audiovisuel extérieur plus compétitif sur la scène internationale ? Pouvez-vous nous confirmer que les arbitrages budgétaires rendus sur la trajectoire des ressources publiques, pour les années 2011 à 2013, ont bien pris en compte les risques adjacents encourus dans un contexte social souvent complexe ? Nous pensons, notamment, au plan de sauvegarde pour l’emploi de RFI, particulièrement éprouvant pour l’audiovisuel extérieur, puisque 206 départs volontaires sont prévus, pour un coût estimé à 42 millions d’euros, pour un budget global de Radio France Internationale de 133 millions d’euros. RFI attend désormais un véritable rebond.
Cela dit, à l’époque d’internet, une technologie dont l’usage, on le sait, est particulièrement difficile à contrôler – l’actualité diplomatique de ces derniers jours en constitue une illustration –, la société holding AEF a fait l’objet d’un piratage informatique. Le journal Le Monde en fait d'ailleurs état aujourd'hui, sous le titre : « Une sombre affaire d’espionnage informatique agite France 24 et RFI ». Monsieur le ministre, avez-vous des éléments appréciatifs à nous communiquer à ce sujet ?
M. Alain Gournac. Ce serait intéressant.
M. Louis Duvernois. Quant à France 24, cette chaîne a absorbé en 2010 les trois quarts de la hausse du budget global de l’AEF. La subvention pour 2011 devrait s’établir à 115 millions d'euros. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer ce montant, alors que la nouvelle grille des programmes, mise en place par France 24, a suscité à la fois un déficit financier et une baisse d’audience ?
L’augmentation de la dotation de l’AEF en 2010, dont a principalement bénéficié France 24, était justifiée par la diffusion de la chaîne en arabe 24 heures sur 24 et l’extension de son réseau de diffusion.
La France, certes, peut être fière aujourd’hui de posséder un média international en langue arabe, capable de s’exprimer en direction d’opinions publiques trop souvent instrumentalisées. Dès lors, peut-on envisager de développer de nouvelles langues sur cette chaîne ?
Lancée sur fond de compromis en 2006, France 24 souffre toujours d’une insuffisance de pilotage politique. Le poids du ministère des affaires étrangères et européennes n’est pas à la hauteur des enjeux du développement de l’influence de notre pays sur la scène internationale.
Mme Nathalie Goulet. Très bien.
M. Louis Duvernois. Alors que la France était souvent citée en exemple à l’international, la voilà désormais montrée du doigt. L’actualité récente le confirme. À l’heure où le Chef de l’État assume la présidence du G20, nous ne pouvons continuer à faire du nombrilisme éditorial si nous voulons retrouver notre audience, notre prestige,…
Mme Nathalie Goulet. Très bien.
M. Louis Duvernois. … ainsi que – objectif premier de France 24 –, notre notoriété auprès des opinions publiques internationales.
M. Alain Gournac. Très bien.
M. Louis Duvernois. L’indifférence de nos administrations face aux enjeux relatifs à l’image de la France dans le monde provoquera inéluctablement l’effacement de notre pays sur les grands dossiers internationaux.
Venons-en maintenant à la réforme de Monte-Carlo Doualiya.
Mme Nathalie Goulet. Aïe !
M. Louis Duvernois. Cette radio arabophone est revenue à l’équilibre en 2010, et cela de manière pérenne. Une nouvelle grille de programmes conjuguant information et divertissement a été élaborée. Une politique multipliant le nombre de fréquences FM au Liban, dans les Émirats arabes unis et dans plusieurs nouveaux pays du Proche et du Moyen-Orient se met en place, enrayant une chute d’audience qui a été considérable, puisque le nombre des auditeurs de la radio est passé de plus de 10 millions à 5 millions en quelques années.
Cet exemple prouve bien, pour Monte-Carlo Doualiya comme pour les autres entités de la holding, que les investissements trouvent leur justification dans la volonté de développer les audiences, donc l’influence de la France dans le monde.
Mme Nathalie Goulet. Très bien.
M. Louis Duvernois. Toutefois, pour accompagner l’effort engagé par Monte-Carlo Doualiya et permettre à cette radio de continuer son développement, un investissement supplémentaire est nécessaire. Cet effort financier suivra-t-il, monsieur le ministre ?
Cela dit, terminons en nous demandant quelle place sera réservée à l’exception francophone TV5 Monde et au rayonnement culturel de la France.
Mme Nathalie Goulet. Aïe !
M. Louis Duvernois. Nonobstant la complémentarité utile entre France 24, chaîne d’informations continues, et TV5 Monde, télévision généraliste, nous pouvons nous interroger sur la véritable place de la chaîne multilatérale francophone dans le COM à venir de l’AEF, sachant que la réflexion sur une révision de la charte ou sur une modification de la place de TV5 Monde dans le COM n’a pas encore été engagée avec l’autorité de tutelle.
Pour l’exprimer autrement, la contrainte réside dans la divergence entre le programme de financement de l’État de l’AEF et l’évolution du plan stratégique de TV5 Monde, qui appelle une contribution croissante de l’Audiovisuel extérieur français.
Pour rappel, la subvention française minimale nécessaire à TV5 Monde pour 2011 s’élève à 75,38 millions d’euros, comme il est indiqué dans le document budgétaire pluriannuel remis à la conférence ministérielle d’Ottawa.
Or l’enveloppe attribuée à la holding AEF ne permet pas d’allouer à TV5 Monde une subvention supérieure à 73,53 millions d’euros. Il en résulte une insuffisance de 1,85 million d’euros qui, en vertu d’un système comptable propre à la charte de TV5 Monde, ne peut, en définitive, affecter que les acquisitions de programmes français.
TV5 Monde se trouvera ainsi dans l’obligation de réduire significativement la diffusion de la création française dans le monde, notamment en matière de cinéma et de documentaires, ce qui, monsieur le ministre, ne peut vous laisser indifférent. (M. le ministre acquiesce.)
En outre, toute régression de la qualité des grilles de programmes entraînera nécessairement un recul des audiences. Ce ne serait pas d’ailleurs la première fois qu’une telle situation se produirait.
Monsieur le ministre, pouvez-vous ouvrir un dialogue avec les pays partenaires de TV5 Monde, principaux bailleurs de fonds à nos côtés, c'est-à-dire le Canada, le Québec, la Communauté française de Belgique et la Suisse, pour que la comptabilité de TV5 Monde soit rendue plus lisible et opérationnelle, afin de maintenir, ou même d’améliorer, la qualité des programmes financés ? Cette question est d’importance, monsieur le ministre, et nous attendons votre réponse. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup ayant déjà été dit, je me contenterai de quelques observations, sans reprendre les chiffres de ce budget pour 2011, qui ont été largement détaillés par nos rapporteurs.
En dégageant la télévision publique des contraintes commerciales, la loi du 5 mars 2009 a changé son visage. Aujourd’hui regroupée en une entreprise unique, France Télévisions doit être en mesure de se doter de moyens suffisants afin d’élaborer et de mettre en œuvre un projet éditorial cohérent et innovant.
Initialement, la suppression de la publicité sur France Télévisions devait être réalisée en deux étapes : dès 2009 pour la publicité en soirée – après 20 heures –, puis, dans un second temps, à partir de 2011 pour la publicité en journée, c’est-à-dire avant 20 heures.
Les centristes se sont battus de longue date sur ce sujet, notamment pour obtenir une augmentation de la redevance, devenue depuis lors la contribution à l’audiovisuel public, la CAP, afin d’assurer un financement pérenne de l’audiovisuel public.
Dans notre esprit, avant de voir disparaître définitivement la publicité sur France Télévisions, il est indispensable de nous assurer de la pérennité du financement permettant la mise en place de cette mesure.
Suppression de la publicité et création de ressources pérennes doivent aller de pair : et la première ne saurait intervenir tant que la seconde n’est pas garantie.
La contribution à l’audiovisuel public est aujourd’hui au cœur du financement des médias audiovisuels français du secteur public : elle représente plus de 84 % de leurs recettes. Ce mode de financement doit être renforcé, d’autant que les taxes annexes que l’on a pu imaginer, comme celle sur les fournisseurs d’accès à internet, se révèlent juridiquement fragiles au regard du droit européen et, en tout état de cause, insuffisantes au regard de l’importance des besoins à couvrir.
Dans le rapport sur les comptes de France Télévisions, remis en juin dernier par nos collègues Catherine Morin-Desailly et Claude Belot, deux hypothèses étaient proposées : soit la suppression totale de la publicité sur France Télévisions en 2012, accompagnée d’un élargissement de l’assiette de la CAP ; soit la mise en place d’un moratoire jusqu’en 2015 sans modification profonde du système de financement envisagé.
À l’article 76 du projet de loi de finances, le Gouvernement proposait initialement de reporter l’échéance de suppression de la publicité sur France Télévisions au 6 janvier 2014. Le groupe Union centriste approuvait en partie le modèle proposé.
L’application d’un moratoire apparaissait nécessaire au vu de la situation des finances publiques de notre pays et des difficultés de mise en place des taxes compensatoires pour le budget général.
Nous étions en revanche réservés sur le texte voté par l’Assemblée nationale, qui supprime complètement la disposition relative à la disparition de la publicité en journée, car nous souhaitons au contraire le maintien de celle-ci.
Aujourd’hui, cependant, force est de constater que le compte n’y est pas.
C’est pourquoi nous aurions souhaité l’adoption de l’amendement de la commission de la culture, défendu par ma collègue Catherine Morin-Desailly, et qui tend à augmenter le produit de la contribution à l’audiovisuel public via un élargissement de son assiette.
Le système proposé était simple : une taxe d’habitation, une contribution à l’audiovisuel public.
Cette position est défendue de longue date par notre commission de la culture : dès 2004, notre collègue Louis de Broissia s’était opposé à l’exonération pour les résidences secondaires.
Le principe d’une contribution par la taxe d’habitation paraissait être à la fois juste et simple à appliquer, avec un rendement évalué entre 200 millions et 250 millions d’euros.
L’amendement tendant à élargir l’assiette aux résidences secondaires n’ayant pas été adopté, l’application d’un moratoire jusqu’en 2015 devient selon nous sans objet, puisque ce dernier ne permettra pas de mettre en œuvre un financement pérenne. En effet, si le compte n’y est pas aujourd’hui, ce ne sera malheureusement pas non plus le cas en 2015
Ainsi, il ne nous semble pas souhaitable, en l’état, d’adopter un tel moratoire.
Je tenais à réaffirmer ici l’attachement des centristes à une télévision publique de qualité, financée par des ressources propres ne venant pas grever les finances de l’État. Celle-ci serait alors pleinement délivrée des contraintes de l’audimat et de la publicité, ce qui était un des objectifs majeurs de la grande réforme de l’audiovisuel votée en 2009.
Mme Françoise Laborde. Tout à fait !
Mme Françoise Férat. Après avoir exprimé ces quelques regrets, j’évoquerai une modification plus positive : l’évolution du taux de TVA sur le livre numérique.
Dans la première partie du projet de loi de finances pour 2011, un amendement de la commission de la culture visant à harmoniser le taux de TVA applicable au livre numérique et celui qui est appliqué au livre papier a été adopté. Je tenais à réaffirmer que les membres du groupe Union centriste se félicitent de l’adoption de cette modification.
En effet, appliquer un même taux réduit de 5,5 % pour les deux types de support évitera une distorsion de concurrence entre ces derniers. Cela permettra également à une industrie encore embryonnaire de se développer dans le cadre d’un marché très concurrentiel à l’échelle internationale.
Par ailleurs, il est urgent de poursuivre activement le débat sur cette question au plan européen afin d’obtenir du Conseil un consensus sur la faculté des États membres d’appliquer une TVA à taux réduit non seulement à tous les livres, y compris ceux accessibles seulement en ligne, mais aussi aux autres bien culturels.
Nous sommes conscients des difficultés que présente une telle mesure par rapport au droit communautaire en vigueur, mais il est indispensable de maintenir l’avancée obtenue. Celle-ci sera un signal fort adressé à Bruxelles et devrait donner des arguments supplémentaires aux représentants de la France dans la perspective d’une négociation au niveau européen.
Pour conclure, je tenais à saluer une fois encore le travail des commissions des finances et de la culture, en particulier de leurs rapporteurs, dans l’examen de cette mission.
Le groupe Union centriste votera l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Je concentrerai mon intervention sur un seul sujet concernant l’audiovisuel.
« À quoi bon garder une régie publicitaire dans une chaîne de télévision dès lors qu’il est prévu de supprimer la publicité ? » Reconnaissez-vous ces propos, mes chers collègues ? Je poursuis : « La vocation de France Télévisions n’est pas de gouverner une régie publicitaire dont elle n’a plus que faire. » Monsieur le ministre, c’est la réponse que vous avez apportée à la question que je vous ai posée le 18 février 2010 dans cet hémicycle.
Je me permets de citer vos propos aujourd'hui parce que le débat sur le sujet a avancé ; il conviendrait de le reconnaître.
Nous soutenions alors que le problème était non pas la publicité – est-ce bien, est-ce mal ? – mais la pérennité financière du service public de l’audiovisuel. Selon nous, l’indépendance, l’autonomie de France Télévisions devait être garantie grâce à un financement sûr – on ne peut en effet prendre le risque de sacrifier le service public de l’audiovisuel de quelque manière que ce soit – et nous considérions que la publicité sur les chaînes publiques constituait une telle garantie.
On nous a rétorqué que le financement serait assuré sans recourir aux recettes publicitaires. Or la taxe qui avait été prévue à cette fin a été retoquée par l’Europe. Monsieur le ministre, vous avez beau nous répéter sans cesse que ce refus n’est pas justifié, notamment parce qu’il s’agit d’une taxe indirecte, l’Europe reste ferme sur ce point et on ne peut plus compter sur le produit d’une telle taxe.
Ensuite, la première concession a été faite : la suppression de la publicité avant vingt heures a été reportée, pour laisser un temps de réflexion.
Nous savons qu’il n’est pas possible aujourd'hui pour France Télévisions de construire une stratégie d’entreprise – même si elle est publique, l’entreprise doit avoir une stratégie, elle doit voir loin – si l’enveloppe de 450 millions d'euros censée être donnée par l’État pour la pérennité du financement n’est pas garantie.
Et depuis est survenue la crise financière. Or, ainsi que je vous l’ai répété dix fois à cette tribune, on ne peut pas expliquer aux Français que les caisses sont vides, qu’il faut réduire toutes les dépenses, que les crédits destinés aux services publics essentiels pour la cohésion sociale seront rabotés, et surtout qu’ils doivent se serrer la ceinture, et, en même temps, dire : on ne veut plus de l’argent qui provenaient des recettes publicitaires et c’est l’État qui va mettre la main à la poche. Une telle position n’était pas tenable longtemps.
On en revient donc à la raison ; mais pas complètement ! Vous avez proposé cette année un moratoire sur la suppression de la publicité avant vingt heures pour 2014. C’est encore une façon de ne pas prendre de véritable décision. Mais pourquoi avoir choisi cette date ? Que se passera-t-il d’ici à 2014 ? Quel est le plan pour compenser la suppression des recettes publicitaires ? Il n’y en a pas !
En fait, il faut seulement faire semblant de maintenir la décision prise pour répondre au caprice du Président de la République, qui, un jour, a dit : « on supprime tout ». Même si on n’y arrive pas, il ne faut pas déjuger le Président. Mais enfin, nous ne sommes pas là pour faire plaisir ou non au Président ! Nous sommes là pour légiférer !
J’en appelle donc à l’ensemble des sénateurs sur quelque travée qu’ils siègent, car, dorénavant, le diagnostic que je viens de dresser est partagé.
Il a d’ailleurs été partagé à l’Assemblée nationale, puisque le texte transmis à la Haute Assemblée prévoit non pas un moratoire en 2014, mais la suppression de la suppression de la publicité avant vingt heures. Le service audiovisuel public peut donc désormais voir loin : il sait que, entre vingt heures et six heures, il n’y aura plus de publicité, mais qu’en dehors de cette tranche horaire la réclame sera toujours autorisée. Le budget sera ainsi construit à partir de cette donnée, avec l’aide de l’État qui compense.
Je voudrais maintenant aborder le problème sous l’angle de la stratégie d’entreprise.
Je suis un sénateur de gauche et, en tant que tel, je me sens obligé, chers collègues de la majorité, de vous renvoyer les arguments que vous nous opposez souvent dans l’hémicycle, sous prétexte que vous, vous connaissez l’entreprise et pas nous.
Alors, chers collègues, expliquez-moi pourquoi, du fait du dépassement de ses prévisions de recettes publicitaires – les salariés de la régie sont compétents, dynamiques –, France Télévisions voit sa dotation de compensation de 450 millions d’euros rabotée de 60 millions d’euros. Comment voulez-vous, dans ces conditions, stimuler le dynamisme de l’entreprise ?
Connaissez-vous une entreprise où l’on demande aux salariés de chercher des contrats, et où on leur dit : plus vous en trouverez, plus on vous enlèvera de recettes… Avec une telle logique, ils n’iront plus rien chercher ! Pourquoi le feraient-ils ? Vous cassez la dynamique de la régie publicitaire ; c’est évident !
Pour la deuxième année consécutive, les salariés de la régie ont fait plus que ce qui leur était demandé, plus que ce qui était prévu – et c’est rare, à plus forte raison dans une entreprise publique – afin que France Télévisions s’en sorte et que l’argent supplémentaire puisse être investi.
L’État s’est engagé à verser 450 millions d'euros, il doit le faire. Quand le budget prévisionnel est dépassé, le surplus peut être réinjecté pour l’investissement, notamment pour développer le média global et le numérique et faire en sorte que nous atteignons le meilleur niveau.
Regardons autour de nous : au Japon et ailleurs, l’investissement permet aux sociétés d’audiovisuel d’être toujours au top, alors que la France, notamment sur le numérique, est toujours en retard. Or, dans ce domaine, le retard ne peut se rattraper parce que les progrès sont trop rapides : lorsqu’on rattrape un certain niveau de technologie, d’autres ont déjà développé des outils encore plus performants.
Je n’ai pas prononcé l’intervention que j’avais préparée, car nous allons avoir un débat approfondi sur le sujet, et j’aimerais convaincre M. Legendre que le moratoire…
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Vous dépassez votre temps de parole !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. David Assouline. J’ai fini !
J’aimerais convaincre M. Legendre, disais-je, que le moratoire est désormais inutile puisque rien n’est prévu pour que l’on puisse se passer de la publicité en 2014. Et France Télévisions a besoin d’un financement pérenne !
Je relève d’ailleurs que le débat aura lieu non pas à la suite de celui d’aujourd’hui, mais demain ou après-demain, alors qu’un vote très important doit avoir lieu – il s’agit en effet de choisir entre le moratoire et le maintien définitif de la publicité avant vingt heures – en conclusion des discussions que nous allons avoir aujourd’hui.
Il n’y a habituellement pas d’enjeux décisifs dans nos débats – on vote pour, on vote contre –, à quelques exceptions près. Et aujourd’hui, alors que l’enjeu est d’importance, on choisit de reporter le débat à samedi ou dimanche, de le détacher du reste de la discussion…. À mon sens, ce n’est pas une très bonne façon d’organiser les séances ; je le dis à l’adresse de la commission des finances, qui est sans doute à l’origine de cette décision.
Nous essaierons toutefois d’être présents quand l’amendement en cause sera discuté en séance publique : samedi vingt heures, ou dimanche quatorze heures, nous ne savons pas… Nous ferons notre possible !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer. » (Sourires.)
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Je n’ai encore jamais entendu cela… (Nouveaux sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, ce débat budgétaire me donne l’occasion une nouvelle fois d’attirer votre attention sur l’impérieuse nécessité qu’il y a à protéger la liberté de la presse, mais également à revoir complètement notre droit de la presse, en particulier le droit à réparation des victimes de délit de presse.
J’en ai fait l’amère expérience – je l’ai dit à cette tribune –, ce genre de mésaventures n’arrive pas qu’aux autres !
Notre droit de la presse est totalement inadapté aux nouveaux médias : injures et diffamation sont instantanément répandues sur la toile ; les procédures sont interminables devant des tribunaux surchargés ; il est impossible de faire retirer des serveurs des imputations diffamatoires, y compris celles qui pourtant ont été reconnues comme telles par les tribunaux ; le droit à l’oubli sur internet, pour lequel nos collègues M. Détraigne et Mme Escoffier ont plaidé devant cette assemblée, n’existe pas.
Monsieur le ministre, je revendique haut et fort ce droit à l’oubli ; je revendique haut et fort le droit de réfléchir, avec vos services, à une nouvelle architecture du droit de la presse mieux adaptée aux nouveaux médias du XXIe siècle.
C’est pourquoi je vous demande, comme je l’ai demandé au président du Sénat, de bien vouloir constituer un groupe de travail qui nous permettrait de réfléchir à une meilleure protection de la vie privée, de la présomption d’innocence et des droits de chacun d’entre nous tout en protégeant le droit absolu et sacré de la liberté de la presse.
Les blogueurs ne sont pas seuls au monde, leurs droits s’arrêtent où commencent ceux des autres ; d’ailleurs, l’affaire Wikileaks constitue une illustration déplorable et extrême de mes propos.
Monsieur le ministre, j’espère que vous entendrez ma demande. Je la réitérerai lors de la discussion des différents amendements et chaque fois que j’en aurai l’occasion à cette tribune. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la constitution, en 2008, de la société holding Audiovisuel extérieur de la France, AEF, est le point d’orgue de la réforme de l’audiovisuel extérieur public.
L’objectif affiché était que ce « meccano abracadabrant », selon les mots de M. Benamou, éphémère conseiller de M. Nicolas Sarkozy, puisse rivaliser avec BBC World et CNN.
Où en sommes-nous près de trois années plus tard?
Les tribulations de l’audiovisuel extérieur de la France se poursuivent !
Dès 2008, une crise diplomatique est évitée de justesse, après que les partenaires francophones de TV5 Monde se sont opposés à la réforme, craignant leur absorption pure et simple.
En 2009, le plus long conflit social de l’audiovisuel public se joue à RFI.
En 2010, d’importantes dissensions entre le président d’AEF et sa directrice générale déléguée occupent le devant de la scène et les pages des médias étrangers.
Cette situation n’est pas le fruit d’une quelconque malédiction qui pèserait sur notre audiovisuel extérieur. Elle résulte, plus trivialement, de maladresses stratégiques et politiques. En tout état de cause, elle suscite, un profond sentiment de gâchis.
Pour 2011, la dotation globale d’AEF est en augmentation de 3 %. Elle demeure pourtant en deçà des demandes de la holding. Qu’en sera-t-il, alors, avec la diminution significative, d’ores et déjà prévue, des crédits de l’audiovisuel extérieur, de 7 % en 2012 et de 10,3 % en 2013 ?
Le Gouvernement attendrait, semble-t-il, un « retour sur investissement »... Cette obligation de dégager des ressources propres suscite une certaine inquiétude, encore exacerbée par la propension, constante ces dernières années, à privilégier France 24 au détriment de RFI et de TV5 Monde.
À cet égard, permettez-moi de m’émouvoir de l’impossibilité, pour la représentation nationale, de connaître ne serait-ce qu’une estimation de la répartition des subventions attribuées pour 2011 à chacune des entités de la holding.
Le contrat d’objectifs et de moyens, dont l’imminente publication est annoncée depuis des mois, revêt ici une importance toute particulière puisqu’il doit être assorti d’un plan de financement pluriannuel indiquant les montants des ressources publiques et les affectations des ressources propres. Où en est son élaboration, monsieur le ministre ?
Aujourd’hui, France 24, dernier né et enfant gâté d’AEF, est à son tour dans la tourmente. Au-delà des regrettables querelles de personnes, un sentiment de malaise point chez les salariés, en raison des conditions de travail en « flux tendu » et du flou de la ligne éditoriale.
Rappelons que l’objet même de la chaîne est bien de porter un regard français sur l’actualité internationale. Pour que cette sensibilité soit promue, encore faut-il que la chaîne soit accessible partout dans le monde. À cet égard, les synergies avec TV5 Monde sont réelles. Toutefois, il importe de finaliser davantage de contrats avec les opérateurs pour parvenir à une couverture mondiale.
D’ailleurs, d’importantes difficultés en termes de distribution existent, notamment en Amérique latine. Monsieur le ministre, des solutions ont-elles permis de pallier ce problème ?
TV5 Monde, justement, partenaire d’AEF et troisième réseau mondial de distribution, se révèle un outil précieux du rayonnement de la France. Il importe de le répéter, tant cette chaîne semble sous-estimée en France et au sein de la direction d’AEF.
Pour terminer, je veux évoquer la situation de RFI. Cette radio, dont le sérieux et l’expertise sont unanimement loués, sort peu à peu de sa convalescence. Le conflit de l’an passé a laissé des traces et l’importance du nombre de demandes de départ volontaires est très significative.
Aujourd’hui, c’est le projet de fusion avec France 24 qui nourrit des inquiétudes. En effet, outre le déménagement que cette fusion impliquerait, elle pourrait avoir des effets sur la gestion du personnel et l’évolution des rédactions. Par ailleurs, le rapport des experts mandatés par le comité d’entreprise, dans le cadre du droit d’alerte, et présenté il y a quelques semaines est extrêmement troublant. Ainsi, RFI aurait été volontairement mise en difficulté, et cette opération d’étranglement budgétaire trouverait son couronnement dans la fusion avec France 24…
Au-delà de tout jugement sur leur pertinence, ces conclusions radicales révèlent la persistance d’un profond traumatisme. RFI est une grande radio et l’un des meilleurs promoteurs de ce « regard français sur le monde ». Il nous appartient de veiller sur elle et de garantir sa pérennité.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à dire combien je regrette que le temps qui nous est imparti pour évoquer les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles» soit aussi restreint. Dans ces conditions, je m’intéresserai à la situation de la presse, mes collègues Claudine Lepage et David Assouline ayant déjà évoqué la situation des médias.
En vérité, la situation de la presse n’est guère plus florissante que celle des médias. Du reste, c’est en grande partie pour cette raison que le Gouvernement a décidé de reconduire sa mesure d’accompagnement exceptionnelle du secteur pour la troisième année consécutive.
En trois ans, cette mesure, prise dans le prolongement des états généraux de la presse écrite, aura permis au secteur de bénéficier de près de 900 millions d’euros d’aides directes, sans compter les aides indirectes. Cette année, ce sont 305 millions d’euros d’aides directes qui vont venir soutenir le secteur. Ainsi, 198 millions d’euros seront consacrés aux aides à la diffusion, 12 millions d’euros aux aides au pluralisme et 94 millions d’euros à la modernisation. Pour autant, les transformations structurelles qui attendent la presse à l’heure d’Internet restent à mener. Or ces aides n’ont, en fin de compte, pas véritablement permis de favoriser le développement de la presse. Elles ont surtout permis à beaucoup d’entreprises d’éviter des difficultés graves, voire le dépôt de bilan.
Dans ces conditions, une première question s’impose : alors que nous arrivons à la dernière année du plan d’aide prévu par le Gouvernement, quelle sera la situation à partir de l’année prochaine ?
Au reste, ce plan d’aide ne fait que montrer l’état de fragilité dans lequel se trouve désormais la presse française.
Cette fragilité tient avant tout aux difficultés qu’éprouvent les acteurs du secteur à préserver le tirage de leurs titres. Deux chiffres illustrent cette situation : les cinq premiers quotidiens régionaux vendent environ 2 millions de numéros par jour, tandis que les cinq premiers quotidiens nationaux n’en vendent que 1,3 million. Non seulement les ventes sont donc plutôt faibles, mais elles enregistrent une décroissance.
Pour y remédier, les journaux se lancent dans une politique de concentration, et chacun de nous peut l’observer dans son département. C’est ainsi que de grands groupes maîtrisent l’offre sur des portions entières du territoire, tout en contrôlant, souvent, des titres nationaux.
Néanmoins, cette stratégie ne garantit en rien l’avenir de la presse, d’autant qu’elle n’empêche pas la chute du lectorat. D’autres voies doivent donc être explorées.
De ce point de vue, je ne partage pas les conclusions du rapport Cardoso, lequel invite notamment à poursuivre le mouvement de concentration. Ce rapport propose en effet de moderniser le secteur, ce qui, dans l’état actuel des choses, ne manquera pas d’entraîner la disparition des journaux à faible tirage en réduisant les aides à la distribution.
Non seulement cette stratégie n’est pas forcément la plus efficace, mais elle renvoie aussi au problème du pluralisme et de la liberté éditoriale. La concentration du capital de la presse au bénéfice de groupes dont ce n’est souvent pas le cœur de métier soulève des interrogations en termes de liberté d’expression et de respect du pluralisme.
Nous avons déjà pu en discuter à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de David Assouline visant à limiter la concentration dans les médias, mais que le Sénat a rejetée. Bien entendu, le problème n’est nullement réglé aujourd’hui, et nous pouvons le constater quotidiennement.
La presse, en France, doit donc relever un défi économique, mais elle doit en outre relever un défi tout aussi essentiel : conserver sa singularité et sa liberté. Or cela n’a rien d’évident ! Nous l’avons vu avec le projet de réorganisation de l’AFP, l’autonomie des organes de presse reste menacée. La précarité, très forte dans ce secteur, représente également une menace pour l’indépendance journalistique. Mais c’est surtout l’autonomie des journalistes, chaque jour plus réduite, vis-à-vis des groupes propriétaires de leurs journaux qui peut susciter des craintes à cet égard.
Autrement dit, derrière l’apparence d’un budget à première vue satisfaisant, aucune réponse concrète n’est apportée aux défis qui attendent la presse écrite. Or c’est bien sur ces points qu’une direction doit être indiquée. On ne peut se contenter de considérer que la concentration des titres réglera à elle seule tous les problèmes du secteur. Le croire, c’est se tromper économiquement et tourner le dos aux valeurs du journalisme. C’est pourquoi je ne voterai pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le domaine des industries culturelles, des médias et de la communication, nous vivons une « révolution » qui ne dit pas vraiment son nom. Chacun le sent, chacun le mesure tous les jours. Mondialisation et tournant numérique sont aujourd’hui les deux mutations majeures de la création et des pratiques culturelles.
Face à la crise, les industries culturelles, et plus généralement toutes les activités de la culture et des médias, ont montré leur solidité, pour devenir des pôles de résistance et inventer de nouvelles formes de croissance. Il faut cependant aller plus loin pour adapter, voire réinventer, nos modes de régulation et d’intervention.
Nos industries culturelles et nos médias sont aujourd’hui placés devant le défi de la concurrence mondiale. Ils sont également confrontés aux enjeux technologiques liés au développement de la numérisation et de la circulation des contenus et des œuvres sur Internet. C’est un chantier considérable ; ce doit être aujourd’hui un terrain d’action prioritaire du ministère de la culture et de la communication, en vue de construire l’économie de la culture de demain.
Dans ce contexte, la hausse de 2,8 % des crédits prévus pour les médias, le livre et les industries culturelles, qui s’élèvent à 4,7 milliards d’euros, y compris les ressources de l’ex-redevance, permet, ce me semble, de répondre à ces défis.
C’est toute l’ambition du programme Presse, livre et industries culturelles, dont le montant global s’élève à 700 millions d’euros. Le budget pour 2011 vise à favoriser l’épanouissement de nos médias et de nos productions culturelles dans le cadre d’une offre diversifiée et pluraliste.
Dans le sillage des états généraux de la presse de 2009, j’ai décidé de confirmer l’aide exceptionnelle en faveur de la presse. En dédiant à ce secteur 420,5 millions d’euros, l’État confirme les engagements contractuels qu’il a pris vis-à-vis de lui. Il n’y a aucun désengagement. Nous entendons accompagner les mutations d’un secteur profondément touché par la crise. Il s’agit de garantir, toujours, le pluralisme des idées, la vitalité du débat démocratique dans notre pays, mais aussi la qualité des contenus et la spécificité du métier de journaliste.
Le budget 2011 confirme l’engagement en faveur de l’innovation et de l’investissement, notamment grâce au fonds d’aide aux services de presse en ligne qui, comme il a été dit, produit des effets notables. Je rappelle qu’il est doté du même montant que celui qui est affecté au développement industriel et au plan massif d’aide au développement du portage.
J’entends également donner suite aux propositions du rapport Cardoso afin de promouvoir des entreprises d’information fortes et indépendantes, capables d’enrichir durablement le débat public. Mais il ne s’agit pas que les gros mangent les méchants… Les petits, voulais-je dire !
Mme Nathalie Goulet, MM. Claude Bérit-Débat et David Assouline. On peut être petit et méchant ! (Rires.)
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Quel lapsus ! Si les gros pouvaient manger les méchants, tout serait tellement plus simple ! (Nouveaux rires.)
Dans cette perspective, monsieur Assouline, monsieur Bérit-Débat, j’ai décidé de réunir très prochainement les représentants des familles de presse, afin qu’ils débattent des propositions faites dans ce rapport, avant de déterminer mes principales priorités d’action.
Je suis notamment favorable à ce que les aides fassent l’objet d’une contractualisation.
Des pistes devront être également recherchées afin d’améliorer la transparence des dispositifs de soutien.
Mais il ne faut pas s’y tromper, nos priorités resteront, après le rapport Cardoso, les mêmes qu’avant celui-ci : garantir la liberté de la presse et assurer sa transition vers un modèle pérenne.
Je suis extrêmement attentif aux mécanismes de contrôle et d’évaluation des aides. En complément des dispositifs déjà existants – commissions paritaires, commissions de contrôle –, les conventions pourraient notamment prévoir des indicateurs améliorant l’évaluation par l’administration des projets que l’État contribue à financer. C’est en effet la garantie d’une aide vraiment efficace. En d’autres termes, améliorer l’évaluation, c’est servir l’ambition qui consiste à faire de l’État non plus un simple bailleur mais aussi un stratège dans l’économie nouvelle de l’information et des médias.
À cet égard, je suis également très attentif à la situation de l’Agence France-Presse et au projet porté notamment par son président, M. Emmanuel Hoog, en contact avec les parlementaires et les agents de cet organisme.
De la même manière, la politique du livre est dotée d’un budget de 253 millions d’euros, afin de préserver les secteurs traditionnels, notamment la librairie indépendante, qui doit à tout prix être protégée et valorisée dans le contexte de la révolution numérique que nous connaissons. Il s’agit là d’un objectif majeur.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, et M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Cela doit se faire tout en développant les nouveaux accès et les nouveaux usages liés à l’ère numérique : ce n’est pas contradictoire.
Chacun le sait, la lecture reste un mode d’accès privilégié à la culture : c’est pourquoi l’action en faveur du développement de la lecture est essentielle, comme l’a si justement souligné M. Nachbar. J’ai lancé, au mois de mars dernier, quatorze propositions pour le développement de la lecture en direction des principaux partenaires : collectivités territoriales, associations. J’ai eu l’occasion d’évoquer assez longuement la question de l’édition et du tournant numérique à l’occasion du récent Forum d’Avignon, auquel Jack Ralite a fait allusion avec bienveillance ce matin, lors de l’examen des crédits de la mission « Culture ».
Dans le domaine de l’écrit, au regard de la stratégie de numérisation lancée par Google, l’objectif est de faire une proposition nationale, légale et concertée. Ce projet est inscrit dans le cadre des investissements d’avenir, en lien avec la Bibliothèque nationale de France.
À cet égard, mes récentes rencontres avec le commissaire général à l’investissement, M. Ricol, permettront d’accélérer le processus de mise en œuvre.
Dans ce domaine, je fais partie des convaincus : le livre numérique est aujourd’hui la « nouvelle frontière » de l’édition, il sera demain un horizon partagé.
Dans cette perspective, le projet de budget pour 2011 réaffirme le rôle du Centre national du livre : il permettra aux éditeurs, quelle que soit leur taille, de bénéficier d’une nouvelle politique numérique et poursuivra son action vis-à-vis des libraires traditionnels et des libraires en ligne.
S’agissant de la taxe CNL sur laquelle vous attirez mon attention, monsieur Lagauche, les objectifs de rendement devraient être bel et bien atteints si la dynamique actuelle perdure. Il n’est donc pas envisagé d’en modifier l’assiette.
Le soutien à la librairie, vecteur essentiel de la diversité éditoriale, repose également sur la création du label « Librairie indépendante de référence » : 406 librairies ont jusqu’à présent été labellisées et constituent autant de lieux de contacts et de rencontres entre auteurs.
Enfin, je veux réaffirmer mon attachement au prix unique du livre, loi de régulation fondamentale, qui a permis de préserver dans notre pays la diversité éditoriale et les libraires, qui la font vivre. Sur votre initiative, monsieur Legendre, le Sénat a récemment adopté une proposition de loi relative au prix du livre numérique, ce dont je me félicite particulièrement. Comme l’a rappelé Françoise Férat, l’alignement du taux de la TVA à 5,5 % est enfin à l’ordre du jour.
Dans le domaine du numérique, il me semble que le dogme de la gratuité a perdu de son lustre. Dans une sorte d’emballement sur l’économie de l’immatériel, on avait un temps imaginé un horizon où la gratuité régnerait sur l’ensemble de ce qu’on appelle les « contenus » culturels, tant pour leur production que pour leur consommation. Installée et dotée d’un budget de 12 millions d’euros, la HADOPI est désormais en ordre de marche. Elle repose sur un dispositif incitatif et pédagogique, sur une réponse graduée à travers des messages adressés aux internautes.
Je le répète encore une fois : il s’agit non pas de « surveiller et punir », mais bien de contrôler et garantir. Les crédits alloués permettront à la Haute Autorité de favoriser le développement de l’offre légale, de garantir la protection des œuvres contre le téléchargement illégal, mais aussi d’observer les usages licites et illicites. En effet, je crois que la pédagogie passe aussi par l’incitation et l’acculturation à la légalité : telle est l’ambition de la « carte musique » destinée aux jeunes âgés de 12 à 25 ans, disponible depuis quelques semaines. Les problèmes techniques mineurs constatés lors de son lancement sont tous résolus.
Dans le domaine des industries musicales, il nous faut être encore plus volontaristes. Le ministère de la culture et de la communication a soutenu, lors des débats sur le budget 2011, la revalorisation du crédit d’impôt en faveur de la production phonographique. Cette mesure n’a pas été retenue. Pour autant, je continuerai à défendre cette revalorisation avec insistance. Je demeure en effet convaincu que, tout en représentant une dépense fiscale modeste – environ 4 millions d’euros en 2009 –, ce crédit d’impôt est indispensable au développement des labels indépendants, qui sont les plus fragilisés par la crise du secteur.
En ce qui concerne le cinéma, enfin, et je réponds plus particulièrement à M. Ivan Renar, j’ai personnellement conduit une bataille pour préserver les financements de la filière économique du cinéma, dans le cadre de la discussion budgétaire sur les niches fiscales. L’arbitrage du Président de la République traduit une exigence forte : la préservation du système français de financement de la création cinématographique et audiovisuelle, qui est partie prenante de l’exception culturelle française en Europe.
Madame Morin-Desailly, je mesure les craintes que vous exprimez concernant les accords des fournisseurs d’accès à Internet avec les sociétés d’auteurs. Il s’agit d’une négociation entre les deux parties ; je veillerai personnellement à ce que la discussion garantisse la rémunération des créateurs. La modification du taux de la TVA ne doit pas conduire à une réduction des assiettes ou des taux de rémunération prévus dans les accords entre les FAI et les sociétés d’auteurs : cela tombe sous le sens.
Je souligne d’ailleurs que les soutiens mis en œuvre par le Centre national du cinéma et de l’image animée sont en progression en 2011. Les moyens alloués au fonds de soutien atteindront 730 millions d’euros.
La numérisation des salles de cinéma constitue un autre chantier stratégique et prioritaire. Un effort financier sans précédent, de 125 millions d'euros sur trois ans, sera consenti par les pouvoirs publics dans le cadre du plan de modernisation de notre parc en faveur de l’équipement des petites salles et des circuits itinérants. L’aide au numérique s’ajoutera, bien sûr, au maintien des dispositifs d’aide à l’exploitation existants. C’est l’expression d’une volonté politique forte, qui reconnaît le rôle du cinéma dans l’offre culturelle de notre pays et dans le « bien vivre ensemble ».
Je voudrais finir la présentation des crédits de la mission « Médias » en soulignant le soutien renouvelé en faveur de l’audiovisuel public.
Son budget progresse de 3,4 % en 2011, pour atteindre près de 4 milliards d’euros, en additionnant le budget général et les ressources de la contribution à l’audiovisuel public, l’ex-redevance.
Madame Laborde, vous avez exprimé des inquiétudes à propos du groupe France Télévisions. Je suis en mesure de vous rassurer : le projet de loi de finances prévoit un montant global de ressources publiques de 2,5 milliards d'euros, dont 2,1 milliards d'euros issus de l’ex-redevance auxquels s’ajoute une dotation de 0,4 milliard d’euros qui est issue du budget général et complète ainsi le financement des missions de service public du groupe.
Il s’agit d’une dotation révisée, eu égard au plan d’affaires 2009-2012, du fait du dynamisme des recettes commerciales. Toutefois, elle ne remet nullement en cause l’objectif d’un résultat équilibré en 2011, non plus que les ambitions éditoriales et technologiques du groupe, notamment le haut niveau d’investissements dans le domaine de la création audiovisuelle et cinématographique française et européenne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de dresser devant vous un bref bilan de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Je sais que l’attention de l’opinion s’est concentrée sur la disparition progressive de la publicité. Le bilan de cette suppression après vingt heures est très positif : elle a été appliquée par les professionnels,...
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Tout à fait !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. ... mais elle a surtout été bien accueillie par les téléspectateurs.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Oui !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Madame Morin-Desailly, l’extension de cette mesure dépend aujourd’hui de la décision que le Parlement prendra dans sa grande sagesse, compte tenu des contraintes imposées par le budget triennal de l’État.
Sachez que le Gouvernement aborde cette question sereinement, avec pragmatisme, sans dogmatisme. En effet, indépendamment de la question du moratoire, d’importants changements ont d’ores et déjà vu le jour. Un virage éditorial a été amorcé, favorisant une offre culturelle plus dense et plus créative. La création d’une entreprise unique a, par ailleurs, permis de conjuguer les forces et de mutualiser les compétences.
Au-delà de la réunion juridique, le nouveau président-directeur général du groupe France Télévisions entend désormais proposer une organisation moins centralisée et renforcer l’identité éditoriale des chaînes : il s’agit non pas d’une remise en cause de la loi, mais bien d’un aménagement au service de la qualité et de la diversité, fort bien accueilli par les producteurs et les créateurs, qui s’y retrouvent bien mieux que dans l’organisation précédente.
Dans le cadre de cette ambition modernisatrice, plus de 100 millions d'euros seront consacrés au passage à la TNT en vue de l’extinction progressive de la diffusion analogique des chaînes de télévision à la fin de l’année 2011. C’est une véritable « révolution de l’image », équivalente au passage à la couleur, une révolution que mon ministère entend accompagner fortement, sans négliger les Français les plus modestes et les plus fragiles ; je pense notamment aux personnes âgées et aux foyers isolés. J’ai moi-même suivi le processus d’installation de la télévision numérique terrestre dans plusieurs régions.
Je porte également une attention particulière à l’outre-mer, de manière à y protéger les chaînes privées locales, qui jouent un rôle considérable dans le lien social. À cette fin, un fonds d’aide spécial a été institué.
Les dotations pour 2011 destinées aux organismes de l’audiovisuel public autres que France Télévisions – l’INA, Radio France, Arte et Audiovisuel extérieur de la France –- sont en progression. Elles permettent de financer leurs orientations stratégiques tout en respectant les contrats d’objectifs et de moyens signés avec l’État.
En ce qui concerne Audiovisuel extérieur de la France, vous l’avez souligné, monsieur Kergueris, les synergies commencent à porter leurs fruits. J’en veux pour preuve le lancement de France 24 en langue arabe, 24 heures sur 24, qui s’est appuyé sur l’expertise de radio Monte Carlo Doualiya, dont on a rappelé que le grand retour est programmé. Autre illustration de cette stratégie concertée : RFI déménagera à la fin de l’année 2011 pour se rapprocher de France 24.
Je souhaite également rassurer tous ceux d’entre vous qui m’ont interrogé sur le contrat d’objectifs et de moyens d’Audiovisuel extérieur de la France : celui-ci devrait être finalisé et transmis au Parlement avant la fin de cette année.
Monsieur Duvernois, s’agissant de l’exercice conjoint de la tutelle de l’audiovisuel extérieur de la France entre le ministère de la culture et de la communication et le ministère des affaires étrangères, croyez bien que la Rue de Valois pèse de tout son poids et joue tout son rôle dans cette cotutelle.
Je n’oublie pas la place très particulière que les radios associatives occupent dans le paysage radiophonique français. Le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale, dont les aides profitent à plus de 600 radios, bénéficiera de 29 millions d’euros, soit 2 millions d’euros de plus qu’en 2009.
Mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il s’agisse de la lecture, de la musique ou des médias, c’est bien à une véritable révolution des pratiques culturelles que l’on assiste aujourd’hui. L’individualisation et l’atomisation des pratiques en ligne du lecteur, de l’auditeur, du spectateur, sa solitude, son manque de repères parfois, s’accompagnent également d’une liberté nouvelle, celle de pouvoir accéder à des contenus de tous horizons, venus du monde entier.
Pour agir dans un environnement aussi instable, aussi mouvant, à l’évolution aussi rapide, la politique du ministère de la culture et de la communication doit éviter tout dogmatisme : nous devons faire du sur-mesure, nous devons agir au cas par cas, nous devons écouter.
Cette transformation en profondeur de nos modes d’action en est encore à ses débuts. II s’agit de faire en sorte que nous puissions mieux nous approprier notre futur, en préservant et en valorisant notre patrimoine, en favorisant toujours plus la création artistique et nos médias dans un contexte concurrentiel sur lequel il faut anticiper. Pour cela, il faut être capable de faire preuve d’ambition et il faut savoir se donner les moyens de se projeter dans vingt ou trente ans.
Comme le disait récemment l’historien Pascal Ory, le « pessimisme culturel est éternel » : ce n’est pas lui qui m’anime au ministère de la culture et de la communication, bien au contraire. Pour servir notre création, nos médias et nos industries culturelles, l’heure est aujourd’hui à la prospective, à l’écoute et à l’inventivité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
médias, livre et industries culturelles
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.
État B
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Médias, livre et industries culturelles |
1 450 821 233 |
1 454 210 069 |
Presse, livre et industries culturelles (ligne supprimée) |
||
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique |
524 000 918 |
523 959 999 |
Action audiovisuelle extérieure |
206 519 846 |
206 504 467 |
Presse (ligne nouvelle) |
421 477 426 |
419 922 560 |
Livre et lecture (ligne nouvelle) |
247 818 970 |
252 818 970 |
Industries culturelles (ligne nouvelle) |
51 004 073 |
51 004 073 |
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-382, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Supprimer les programmes « Presse », « Livre et culture » et « Industries culturelles ».
II. - Rétablir le programme « Presse, livre et industries culturelles ».
III. - En conséquence, modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Presse, livre et industries culturelles (ligne supprimée) |
720 300 469 |
723 745 603 |
||
Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique |
||||
Action audiovisuelle extérieure |
||||
Presse (ligne nouvelle) |
421 477 426 |
419 922 560 |
||
Livre et lecture (ligne nouvelle) |
247 818 970 |
252 818 970 |
||
Industries culturelles (ligne nouvelle) |
51 004 073 |
51 004 073 |
||
TOTAL |
720 300 469 |
720 300 469 |
723 745 603 |
723 745 603 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le présent amendement regroupe l'ensemble des crédits destinés à la presse, au livre et aux industries culturelles dans un programme unique, intitulé « Presse, livre et industries culturelles », de la mission « Médias, livre et industries culturelles », conformément à la présentation initiale du projet de loi de finances.
L'Assemblée nationale a souhaité modifier l'architecture budgétaire de cette mission telle qu’elle a été proposée par le Gouvernement et présentée au début de l'été dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques. Elle a voulu identifier par des programmes ad hoc les crédits relatifs à la presse, au livre et, enfin, aux industries culturelles.
Sans remettre en cause l'objectif de clarification et de facilité de suivi des différentes politiques publiques concernées, l’amendement que je présente vise à faciliter la gestion budgétaire, notamment au sein des directions régionales des affaires culturelles, dont les crédits seraient éparpillés sur plusieurs programmes qui n’ont pas la taille critique pour constituer des programmes spécifiques.
Les difficultés de gestion par les DRAC de crédits répartis sur plusieurs programmes avaient, du reste, été mises en lumière, s'agissant de la mission « Culture », à l’occasion des travaux menés par la commission des finances du Sénat, conduits notamment sous l’autorité de M. le rapporteur spécial Yann Gaillard. La fragmentation excessive des crédits consacrés au livre et aux industries culturelles conduirait à la même difficulté au sein des interventions déconcentrées relevant de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement propose de regrouper à nouveau les crédits sur un programme unique intitulé « Presse, livre et industries culturelles », dont chacune des actions correspondra précisément aux différents ensembles distingués par l’Assemblée nationale. Cela permettra d'identifier facilement les différentes politiques, tout en offrant au ministère la faculté d'assurer un fonctionnement mutualisé des tâches de gestion.
Deux actions sont clairement relatives à la presse, tandis qu'une action rassemble les crédits du livre et une dernière les crédits des industries culturelles. Ces actions feront l'objet d'un suivi individualisé et donneront lieu à une présentation détaillée dans le rapport annuel de performances, permettant ainsi de rendre compte de manière précise de l'exécution des objectifs de performances.
M. le président. L'amendement n° II-223, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Presse, livre et industries culturelles (ligne supprimée) |
||||
Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique |
||||
Action audiovisuelle extérieure |
306 049 226 |
304 494 360 |
||
Presse (ligne nouvelle) |
306 049 226 |
304 494 360 |
||
Livre et lecture (ligne nouvelle) |
||||
Industries culturelles (ligne nouvelle) |
||||
TOTAL |
306 049 226 |
306 049 226 |
304 494 360 |
304 494 360 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. C’est devenu un rituel : je dépose depuis plusieurs années un amendement de ce type, amendement de mauvaise humeur, mais je le retire tout aussi systématiquement, et là avec bonne humeur ! (Sourires.)
Plus sérieusement, je souhaite attirer l’attention sur l’efficacité des aides à la presse. Le rapporteur général de la commission des finances, Philippe Marini, avait expliqué voilà deux ans, en réponse à mes amendements, que le moment était peut-être venu de tenter de vérifier l’efficacité de toutes ces aides à la presse, notamment dans le cadre de la RGPP.
Dans sa proposition n° 15, en particulier, le rapport Cardoso appelle à une décision qui ne peut plus être repoussée, constatant que le défaut d’évaluation du système et de l’ensemble des dispositifs d’aide à la presse fait obstacle à tout pilotage stratégique efficace, à toute possibilité de garantir une utilisation des fonds conforme à leur objet et la transparence de l’intervention publique.
Il me paraît important que, dans le cadre du débat budgétaire, le ministre réponde à ces questions.
Je propose que la somme visée soit transférée à l’action audiovisuelle extérieure de l’État, notamment au bénéfice de RFI, qui est dans une situation extrêmement difficile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Belot, rapporteur spécial. La commission est favorable à l’amendement n° II-382 et à la volonté de clarté qu’il exprime.
S’agissant de l’amendement n° II-223, je comprends le souci de notre collègue de poser un problème qu’elle connaît bien. Cela dit, il est impossible de mettre en œuvre ce qu’elle propose puisqu’il s’agit d’entreprises de presse totalement indépendantes. Je lui demande donc de bien vouloir retirer son amendement. Sinon, je serai contraint d’émettre, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Madame la sénatrice, puisque vous avez parlé d’humeur, je vous rappelle la phrase célèbre selon laquelle les Français sont des Italiens de mauvaise humeur. J’aspire donc à vous faire repasser la frontière malgré l’avis défavorable que je vais émettre. (Sourires.)
En effet, les aides à l’investissement ne sont pas apportées sans contrepartie puisque l’État conclut déjà avec les éditeurs qui en bénéficient des conventions pluriannuelles qui définissent les objectifs devant être remplis au terme de l’opération d’investissement.
L’une des propositions que je retiens du rapport Cardoso, lequel m’a été remis en septembre dernier, est justement la généralisation de la contractualisation des aides à la presse. Je présenterai prochainement aux représentants du secteur des pistes très concrètes pour la mise en œuvre de cette approche, qui sera généralisée aux titres bénéficiant le plus du soutien de l’État.
En matière de déontologie, le Président de la République a lui-même, dans son discours de clôture des états généraux de la presse, incité la profession à constituer un comité chargé d’élaborer un code de déontologie modernisé applicable à l’ensemble des journalistes. Ce comité, présidé par M. Bruno Frappat, a rendu ses conclusions en octobre 2009. Depuis, le syndicat professionnel de la presse magazine et d’opinion a décidé d’annexer ce code à ses statuts. Pour sa part, le syndicat de la presse magazine a adopté un code proche de celui qu’avait proposé M. Frappat.
Le Gouvernement est très attentif aux suites données à ces initiatives et attend du secteur de la presse qu’il témoigne de son engagement en la matière. Il s’agit d’un enjeu démocratique majeur puisqu’il y va de la crédibilité et donc de l’avenir des médias d’information.
Pour autant, la suppression des aides à la presse ne saurait constituer une incitation appropriée et ne pourrait que fragiliser très gravement ce secteur. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous invite, madame Goulet, à retirer cet amendement. À défaut, il y serait défavorable.
M. le président. Une Française de bonne humeur est-elle disposée à retirer l’amendement ? (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Une Italienne pourrait en tout cas faire remarquer qu’entre le dire et le faire, il y a la moitié de la mer ! (Nouveaux sourires.)
Je vais retirer cet amendement pour ne pas rallonger nos débats. Je pense que M. le ministre pourra ultérieurement répondre à mon souci du droit à l’oubli sur Internet. Cela me mettra définitivement de bonne humeur !
M. le président. L’amendement n° II-223 est retiré.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l’amendement n° II-382.
M. David Assouline. J’ai écouté les arguments du ministre. Essayons de prendre en compte ces arguments, mais aussi ceux que j’ai pu développer dans mon rapport sur cet impératif auquel nous sommes soumis de tenir les objectifs de la LOLF, laquelle nous assigne une lisibilité et une cohérence dans la façon d’établir les lignes budgétaires et de les voter ensuite. Or, là, cette lisibilité et cette cohérence sont absentes, monsieur le ministre : la confusion est totale !
Sur les crédits consacrés à la presse, au livre et aux industries culturelles, il est préférable de constituer deux programmes.
Le premier serait consacré aux crédits de la presse. Le programme Presse a toujours existé de façon indépendante jusqu’ici et ses crédits atteignent déjà une masse critique suffisante puisqu’ils dépassent 420 millions d’euros, s’élevant même à 580 millions d’euros si l’on rapatrie le reste des crédits du transport postal de la presse qui figurent au sein de la mission « Économie ».
Le second serait consacré au livre et aux industries culturelles.
Car il s’agit bien de deux politiques bien distinctes, obéissant à des impératifs eux aussi bien distincts. Pour la presse, il s’agit de soutenir la liberté et la pluralité de l’information. Pour le livre et les industries culturelles, il s’agit de soutenir la création et la protection de l’écrit et de patrimoines. Sommes-nous bien d’accord sur ces objectifs ? En tout cas, ce sont ceux qui sont affichés par le Gouvernement et par le ministère de la culture.
Si nous nous rejoignons sur cette analyse, il faut deux lignes budgétaires. Je prends en compte ce que vous nous avez dit, mais tout rapatrier sur une seule ligne budgétaire n’a pas de cohérence.
Je vous demande de respecter l’esprit de la LOLF. Sinon, on nous reprochera un jour d’avoir inventé la LOLF et d’avoir de ce fait rendu les choses bien plus compliquées qu’avant. Bref, on nous dira que nous avons raté une réforme dont les objectifs étaient assez clairs et que nous partagions.
Accepteriez-vous, monsieur le ministre, de rectifier votre amendement afin de conserver deux programmes : l’un pour la presse, l’autre pour le livre et les industries culturelles ? Cela faciliterait au moins le travail de la représentation parlementaire au cours des débats à venir.
Ma proposition, qui n’est ni de gauche ni de droite, vise simplement à nous permettre de continuer à travailler dans de bonnes conditions. Le rapporteur pour avis des crédits de la presse que je suis y tient vraiment.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur Assouline, je suis très attentif à vos propos en général et à nombre de vos suggestions. Depuis que je suis amené à me trouver dans cet hémicycle au banc du Gouvernement, vous avez pu constater à diverses reprises combien je veille à tenir compte de vos idées dans mes réponses et dans mon travail, surtout quand elles me semblent très justes. Néanmoins, je suis défavorable à la suggestion que vous venez de faire et je maintiens ma proposition en l’état.
M. le président. L'amendement n° II-73, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Presse, livre et industries culturelles (ligne supprimée) |
||||
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Action audiovisuelle extérieure |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Presse (ligne nouvelle) |
||||
Livre et lecture (ligne nouvelle) |
||||
Industries culturelles (ligne nouvelle) |
||||
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis.
M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à abonder les crédits de l’action audiovisuelle extérieure de 5 millions d’euros, afin de financer notamment le surcoût que représente la diffusion de France 24 sur la TNT outre-mer et de TV5 Monde sur la TNT en Île-de-France.
La diffusion des chaînes de l’audiovisuel extérieur sur le territoire national permettrait de donner une meilleure visibilité à leurs programmes, de promouvoir la francophonie et la diversité culturelle, et aussi de consolider leurs ressources propres.
Alors que TV5 Monde dispose du deuxième réseau de distribution au monde, derrière MTV, mais devant CNN et la BBC, avec 215 millions de foyers dans 200 pays, elle n’est accessible en France métropolitaine que par les foyers équipés du câble, du satellite ou de l’ADSL.
Sa diffusion sur la TNT en Île-de-France, en remplacement de France Ô, lui permettrait de toucher 19 % de la population française, de développer ses ressources publicitaires et contribuerait au rayonnement de la francophonie puisque TV5 Monde est une chaîne multilatérale.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Tout à fait !
M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis. De même, la diffusion de France 24 sur la TNT outre-mer permettrait de renforcer notre rayonnement culturel et linguistique grâce à l’atout que représentent nos collectivités ultramarines.
La commission des affaires étrangères propose un prélèvement assez modique sur les crédits de l’action 02, Passage à la télévision tout numérique, au sein du programme 303, Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique, action qui a précisément pour objet d’accompagner le basculement de l’analogique au numérique.
Je rappelle que la dotation initialement prévue était de 131 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2011, contre 40 millions d’euros en 2010.
Or, comme le reconnaît le Gouvernement, les dernières prévisions transmises par le groupement d’intérêt public France Télé Numérique laissent présager une probable sous-consommation des aides au passage à la télévision numérique.
D’ailleurs, à l’Assemblée nationale, dans le cadre de la seconde délibération, le Gouvernement a déposé un amendement, qui a été adopté, pour retirer 25 millions d’euros des crédits de cette action et les affecter au financement du dispositif relatif à la « carte musique ». Il reste encore 106 millions d’euros, ce qui représente plus du double du montant de la dotation de l’an dernier. Un prélèvement de 5 millions d’euros ne devrait donc pas poser de difficultés, d’autant qu’il s’agit précisément de financer la diffusion sur la TNT.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Belot, rapporteur spécial. La commission des finances juge très intéressante la proposition de la commission des affaires étrangères. Nous ne pouvons tous que souscrire à l’objectif de favoriser la diffusion de France 24 et de TV5 Monde sur la TNT.
Cependant, sur le plan financier, il me semble que, avec le transfert de crédits proposé, on ne frappe pas à la bonne porte. Si le problème de surcoût de la diffusion de ces deux chaînes sur la TNT est avéré, c’est au Gouvernement de le résoudre, et ce au travers du prochain contrat d’objectifs et de moyens, qu’on nous a promis pour la fin de l’année. Nous ne sommes pas en état de procéder, aujourd'hui, à quelque arbitrage que ce soit en la matière.
C'est la raison pour laquelle la commission des finances sollicite le retrait de l’amendement n° II-73.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur le rapporteur pour avis, le passage au tout numérique est une priorité. Afin d’en assurer la pleine réussite, un effort financier important a été prévu pour l’année 2011, effort qui sera déterminant dans la mesure où la grande majorité de la population basculera alors vers le numérique.
Une attention particulière a été portée à l’accompagnement des catégories sociales les plus fragiles et des foyers résidant dans les zones qui ne seront pas couvertes par la TNT. C’est un dispositif de portée générale.
Il convient donc de ne pas mettre en péril ce projet, sur lequel le Gouvernement sera notamment jugé par nos concitoyennes et nos concitoyens. Par ailleurs, la dotation destinée à AEF proposée dans le projet de loi de finances pour 2011 prend déjà en compte la diffusion de France 24 outre-mer.
C'est pourquoi, monsieur le rapporteur pour avis, je vous invite à retirer cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Monsieur Kergueris, l’amendement n° II-73 est-il maintenu ?
M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis. En proposant cet amendement, la commission des affaires étrangères avait pour but de consolider la position de l’audiovisuel extérieur cette année, dans la mesure où, l’année prochaine et les années suivantes, compte tenu de ce que j’ai pu vous dire lors de la présentation de mon rapport, AEF risque de se trouver dans une situation qui ne lui permette pas nécessairement d’atteindre ses objectifs.
Même si je sais que la méthode proposée n’est pas d’une orthodoxie absolue, il nous est apparu possible, dès cette année, alors que disponibilités se présentaient sur une ligne budgétaire, de donner à ces deux outils d’AEF que sont France 24 et TV5 Monde les moyens de continuer à travailler et de préparer l’avenir.
Monsieur le président, je m’en remets à la sagesse de notre assemblée, qui tranchera. Je maintiens donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Monsieur Kergueris, j’entends bien les arguments que vous avancez. Cependant, dès lors qu’il s’agit d’intervenir en bout de course et de chercher des crédits pour une noble cause en amputant ceux d’une autre noble cause, ce n’est pas satisfaisant.
Vous l’avez rappelé, à la suite de l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale, les crédits de l’action 02 du programme 313 ont déjà été amputés de 25 millions d'euros pour financer la « carte musique ». Il ne reste donc déjà plus que 106 millions d'euros, et non 131 millions d'euros, pour une action qui a vu son périmètre élargi : elle finance désormais le fonds d’aide à l’équipement numérique, le dispositif d’assistance technique destiné aux personnes âgées et handicapées, ainsi que le fonds d’aide complémentaire instauré, sans condition de ressources, en faveur des personnes résidant dans des zones non couvertes par la TNT et qui dépendent de la voie hertzienne terrestre pour la réception de la télévision.
Dès lors, je n’ai aucune envie d’entrer dans cette logique qui consiste à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Pardonnez-moi, mon cher collègue, mais votre proposition m’apparaît vraiment comme une fausse bonne idée.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. Je le souligne, c’est à titre strictement personnel que je m’exprime en cet instant.
Je comprends parfaitement les raisons pour lesquelles la commission des affaires étrangères a déposé cet amendement. Il est juste et logique que France 24 puisse être reçue dans les départements et territoires d'outre-mer. Il est en outre particulièrement important de favoriser la diffusion de TV5 sur la TNT, en particulier en l’Île-de-France, où résident de nombreuses personnes susceptibles d’être sensibles à ses programmes. Ce serait un moyen de montrer combien nous sommes attachés à cet objectif.
Cela dit, je reconnais aussi que le financement proposé laisse planer quelques incertitudes. Je n’irai donc pas jusqu’à voter l’amendement, mais je veux profiter de ce débat pour dire qu’il est, à mes yeux, indispensable…
M. David Assouline. De trouver l’argent !
M. Jacques Legendre. … de permettre à TV5 de figurer sur la TNT. Il convenait effectivement de le rappeler aujourd'hui avec force.
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. le président. Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 117 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 194 |
Contre | 146 |
Le Sénat a adopté les crédits, modifiés, de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
compte spécial : avances à l’audiovisuel public
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Avances à l’audiovisuel public |
3 222 000 000 |
3 222 000 000 |
France Télévisions |
2 146 460 743 |
2 146 460 743 |
ARTE France |
251 809 230 |
251 809 230 |
Radio France |
606 591 415 |
606 591 415 |
Contribution au financement de l’action audiovisuelle extérieure |
125 197 562 |
125 197 562 |
Institut national de l’audiovisuel |
91 941 050 |
91 941 050 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que l'examen de l’article 76 et des amendements portant articles additionnels, rattachés à la mission « Médias, livre et industries culturelles », a été réservé jusqu’après le vote de l'article 51.
Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Travail et emploi ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » dispose de 11,46 milliards d’euros, qui sont destinés, en principe, à réduire le chômage et à développer l’emploi.
Le budget de la politique de l’emploi dépasse largement les seuls crédits de cette mission. En effet, le Gouvernement mobilisera 51,4 milliards d’euros en 2011 pour la politique de l’emploi et du travail, soit plus de la moitié de notre déficit budgétaire, pour un résultat très contestable, car ces crédits financent en réalité une multitude d’aides sociales n’aboutissant à aucune création d’emploi.
Dans cette période cruciale où le Gouvernement essaie de trouver les économies nécessaires pour réduire notre déficit budgétaire et conserver notre notation AAA, il ne serait pas inutile d’étudier de plus près des dépenses qui n’ont aucun effet sur l’augmentation du nombre d’emplois et qui ne sont en fait que des dépenses sociales.
En plus des 11,46 milliards d’euros de la mission « Travail et emploi », sur lesquels nous reviendrons, doivent être également pris en compte 10,51 milliards d’euros de dépenses fiscales, dont près de 3 milliards d’euros affectés à la prime pour l’emploi. Il faut bien le dire, ces dépenses ne créent aucun emploi et ne sont, en réalité, qu’un complément de salaire très agréable pour ceux qui en profitent, mais très lourd pour l’État. Il faut également comptabiliser les crédits et réductions d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, dont le coût dépasse les 3 milliards d’euros, mais qui permettent, eux, de créer de nombreux emplois.
Les exonérations d’impôt sur le revenu au titre des heures supplémentaires, qui coûtent 1,36 milliard d’euros à l’État, ne créent aucun emploi. Elles pourraient donc être supprimées ; j’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens.
Si l’État acceptait de supprimer la prime pour l’emploi et l’exonération d’impôt au titre des heures supplémentaires, qui ne créent aucun emploi, je ne me lasserai pas de le répéter, il économiserait 4,29 milliards d’euros.
Les allégements généraux de cotisations de charges sur salaires coûtent près de 25 milliards d’euros. Le MEDEF accepterait désormais – car c’est nouveau – de les aménager de manière progressive et différenciée en fonction de la situation conventionnelle des entreprises. Il souhaiterait que soit, au préalable, réglée la question très importante de la durée légale du travail, de telle sorte que celle-ci puisse être modulée, après discussions avec les syndicats, en fonction des besoins et des charges de chaque entreprise : ce serait effectivement beaucoup plus efficace en termes de rendement des activités industrielles.
Il est certain que des modifications des allégements de charges ne pourraient s’appliquer qu’aux entreprises ou aux branches qui seraient sorties du système de durée légale du travail. Il serait intéressant que le Gouvernement puisse étudier cette nouvelle proposition du MEDEF.
En finançant 25 milliards d’euros d’allégements de cotisations de charges par an depuis plus de dix ans, l’État aura fait augmenter notre dette de plus de 250 milliards d’euros, sans compter les charges afférentes, et cela sans aucune limite. Il s’agit d’une dépense considérable, sur laquelle il me semble utile d’attirer votre attention.
Par ailleurs, en vertu de la loi TEPA, les heures supplémentaires entraînent 3,23 milliards d’euros d’exonérations de charges, là encore sans aucune création d’emploi.
Enfin, les exonérations ciblées de cotisations patronales, sur lesquelles je n’ai aucune information, mais qui représentent 5 milliards d’euros, pourraient aussi être supprimées, car leur contribution à la création d’emplois ne paraît pas évidente.
Au total, la politique de l’emploi, qui mobilise aujourd’hui 51,44 milliards d’euros, pourrait être réduite de 37,5 milliards d’euros et ramenée à 14,4 milliards d’euros, sans compromettre l’emploi, mais notre déficit budgétaire s’en trouverait diminué d’autant.
Mes chers collègues, je vous fais remarquer que cet énorme budget, de plus de 51 milliards d’euros, ne prévoit que très peu de financements en direction des entreprises, pour les aider à développer leurs activités, ou des créateurs d’entreprise, alors que c’est là que se trouve le plus sûr moyen de créer des emplois. Certes, le programme 103 prévoit 307 millions d’euros d’aides à la création et à la reprise d’entreprises, mais il s’agit essentiellement d’exonérations, et non de subventions efficaces pour aider les entreprises en début d’activité.
Les entreprises auraient pourtant bien besoin de ces aides en capital pour la création d’activités nouvelles, le lancement de nouveaux produits, la modernisation de leurs installations ou encore la recherche de nouveaux marchés à l’étranger.
Il serait vraiment utile que le budget de l’emploi favorise la création d’emplois par les entreprises au lieu de financer la multiplication d’aides sociales qui ne créent aucun emploi.
Mais revenons au budget de la mission « Travail et emploi ». Le Gouvernement propose de faire des économies sur plusieurs dispositifs.
Les subventions accordées aux maisons de l’emploi sont très significativement revues à la baisse, avec une diminution de 45 % : elles s’élèvent désormais à 53 millions d’euros, au lieu de 95 millions d’euros en 2010. Cette mesure est contestée par plusieurs de mes collègues ici présents.
Diverses mesures de suppression de crédits, notamment l’exonération de 15 points pour les particuliers employeurs, permettront d’économiser globalement plus de 530 millions d’euros, mais auront pour conséquence de réduire les emplois à domicile. J’y suis tout à fait opposé ; je serai donc favorable à l’amendement de ma collègue Marie-Thérèse Hermange, qui propose de conserver cette exonération, en la ramenant de 15 à 10 points.
Le Gouvernement propose de supprimer l’exonération des avantages en nature dans la restauration, qui avait été adoptée par la commission des finances l’année dernière avant d’être rejetée en séance publique. Cette mesure d’économie est désormais acceptée, mais elle n’aura aucun effet sur l’emploi.
J’en viens aux crédits de la mission « Travail et emploi » qui, je le rappelle, s’élèvent à 11,46 milliards d’euros. Ils se décomposent en quatre programmes : le programme 102, Accès et retour à l’emploi, doté de 6,19 milliards d’euros ; le programme 103, Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi, doté de 4,45 milliards d’euros ; le programme 111, Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail, doté de 77 millions d’euros ; enfin, le programme 155, Conception, gestion et évaluation de la politique de l’emploi et du travail, qui est le programme « support » intégrant les moyens en personnel, doté de 744 millions d’euros.
Le programme 102 affecte 1,36 milliard d’euros à Pôle emploi, dont on ne sait pas si son action a un quelconque effet sur les chiffres du chômage, et 1,6 milliard d’euros à l’indemnisation des chômeurs en fin de droits. Cette dernière mesure est complètement inutile : elle ne crée aucun emploi puisqu’elle vise des chômeurs. Elle devrait être supprimée, car « il est reconnu que le maintien d’un haut niveau d’allocation peut être un frein au retour à l’emploi », ainsi que le dit Christopher Pissarides, qui a reçu le prix Nobel d’économie en 2010.
Les crédits pour l’emploi devraient être affectés en priorité au développement de l’économie et non aux aides sociales.
Ensuite, 2 milliards d’euros sont prévus pour les contrats aidés, dont seulement 232 millions d’euros pour les contrats marchands, les seuls qui soient vraiment créateurs d’emploi, le reste, soit près de 1,7 milliard d’euros, étant affecté aux contrats non marchands. Sans contester l’intérêt des contrats aidés non marchands, qui permettent aux collectivités de recruter des jeunes inactifs, ce qui a au moins le mérite d’amener ceux-ci vers une situation d’emploi, il serait tout de même utile d’augmenter le budget des contrats aidés marchands, qui débouchent, eux, sur de vrais contrats de travail.
À ce sujet, si les rapporteurs des budgets pouvaient disposer d’informations sur les budgets consommés l’année précédente, ils pourraient mieux juger de la nécessité de les augmenter ou de les réduire. Les projets de loi de règlement des comptes existent, mais ils ne sont pas assez bien renseignés sur les détails des dépenses effectuées.
Les missions locales reçoivent 179 millions d’euros pour procurer des emplois ou des formations à des jeunes de moins de 25 ans, ce qui est extrêmement utile. Elles complètent le travail de Pôle emploi, qui s’occupe des chômeurs de plus de 25 ans. La commission des finances a accepté d’accorder 15 millions d’euros de crédits supplémentaires à l’accompagnement renforcé des jeunes vers l’emploi, même si j’avais proposé un montant beaucoup plus élevé. J’ai déposé un amendement en ce sens et la commission des finances a bien voulu accepter d’accorder 5 millions d’euros supplémentaires aux missions locales et la même somme aux écoles de la deuxième chance ainsi qu’au Fonds d’insertion professionnelle des jeunes.
L’intitulé du programme 103, « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi », qui est doté de 4,45 milliards d’euros, est prometteur.
La sous-action 2, avec 3,2 milliards d’euros de crédits, favorise le développement de l’alternance et de l’apprentissage, ce qui est bien. Néanmoins, elle devrait aussi comporter une incitation pour les entreprises à embaucher des apprentis, ce qui est aujourd’hui très difficile. Il y a malheureusement un certain nombre de jeunes qui cherchent des stages en entreprise, qui n’en trouvent pas et qui risquent de ne pas pouvoir être formés.
Les exonérations d’impôt sur le revenu au titre des heures supplémentaires, qui s’élèvent à 1,36 milliard d’euros et qui correspondent à des pertes pour l’État, pourraient être réduites, voire supprimées, car il n’y a aucune raison que des salariés ne paient pas d’impôt sur ces revenus. J’ai donc déposé un amendement de suppression de ces exonérations. Grâce aux économies ainsi réalisées, 500 millions d’euros pourraient, par exemple, être affectés aux aides à la création d’entreprises, Ces dernières constituent la plus forte source de créations d’emplois. Il n’en est pourtant absolument pas question dans ce budget.
Le programme 111, Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail, est doté de 77 millions d’euros. Or, il ne comporte aucune action en faveur de l’emploi.
Au titre du programme 155, Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail, 744 millions d’euros sont dévolus à l’ensemble des moyens humains mis en œuvre pour les autres programmes, c’est-à-dire au paiement du personnel. Or il s’agit de près de 60 000 personnes, dont 46 000 pour Pôle emploi. Il serait peut-être utile d’évaluer l’intérêt d’avoir autant de personnel pour ces opérations. Cela permettrait peut-être de réaliser des économies.
Je présenterai plusieurs amendements.
Au nom de la commission des finances, je proposerai : premièrement, la réduction de 10 % de la prime pour l’emploi ; deuxièmement, la suppression – souhaitée par M. Carle – de l’article 96, qui prévoit un prélèvement de 300 millions d’euros sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels ; troisièmement, j’en ai déjà parlé, le transfert de 15 millions d’euros aux missions locales, au Fonds d’insertion professionnelle des jeunes et aux écoles de la deuxième chance.
À titre personnel, je vous proposerai de supprimer l’exonération d’impôt sur le revenu des heures supplémentaires au-delà de 35 heures.
Pour mieux connaître l’efficacité de tous ces dispositifs, je proposerai que le budget de la mission « Travail et emploi » fasse l’objet d’un audit d’ensemble. Je souhaite pouvoir établir la liste de toutes les dépenses inutiles pour l’emploi, ou dotées trop largement, et supprimer tout ce qui correspond à une aide sociale, pour reporter les sommes correspondantes vers les entreprises, seules véritables créatrices d’emplois. Je voudrais que l’État reporte les aides sociales vers le budget dont elles relèvent vraiment, c’est-à-dire celui de la sécurité sociale.
Je voudrais, pour terminer, rappeler quelques impératifs en matière de création d’emplois.
Il faudrait, tout d’abord, réformer l’enseignement, pour permettre aux jeunes d’apprendre un métier dès 14 ans. Il est indéniable que l’éducation nationale échoue dans sa mission d’apporter aux jeunes la possibilité d’exercer un métier à la fin de leurs études puisque près de 140 000 jeunes sortent chaque année des collèges, des lycées et des universités sans aucune formation. Ils constituent le peloton des jeunes au chômage, qui s’accroît chaque année, et dont certains deviennent des délinquants.
En effet, si les jeunes étaient mieux formés à des métiers, ce qui est actuellement dépensé pour faire travailler ceux qui ne savent rien faire serait beaucoup moins élevé. C’est pourquoi je propose que la formation professionnelle initiale s’adresse aux jeunes à partir de 14 ans, avec apprentissage dès 16 ans, afin que ceux qui sont désorientés par les études théoriques et non motivés puissent occuper rapidement des emplois de proximité.
Sans formation, les jeunes deviennent des chômeurs. Sans entreprises, ils ne trouvent pas d’emploi. Sans création d’entreprises nouvelles, ils restent au chômage. Pour éviter ces conséquences néfastes, il faut adopter les mesures utiles pour les entreprises et pour l’emploi.
Par ailleurs, il faut savoir que de plus en plus de jeunes diplômés et de chercheurs s’expatrient aux États-Unis. Ainsi, d’une part, un grand nombre de jeunes sans diplôme deviennent chômeurs ou délinquants et restent chez nous, tandis que les bons, ceux qui sont diplômés, s’en vont. Que va-t-il nous rester pour faire tourner nos entreprises ?
En réalité, un vrai programme pour l’emploi devrait tenir compte de la nécessité absolue de maintenir nos jeunes et nos entreprises en France. À cet égard, la création du statut d’auto-entrepreneur, sur l’initiative de M. Novelli, a été un grand succès. Il faut renforcer ce mouvement en favorisant l’investissement dans les jeunes entreprises.
En conclusion, je voudrais vous dire que j’ai rédigé ce rapport avec le souci de l’emploi et animé par la volonté d’apporter des propositions pour éviter au Gouvernement des dépenses ne correspondant pas prioritairement à cet objectif, à savoir des aides sociales n’ayant rien à voir avec cette mission. Ce qui m’a toujours choqué dans ce budget, que je vous présente depuis cinq ans, ce sont les dépenses orientées davantage vers les aides sociales que vers les emplois et les entreprises qui, seules, peuvent créer ces emplois.
Je pense que le rôle de la commission des finances n’est pas uniquement de vous présenter les propositions du Gouvernement, mais aussi d’attirer votre attention sur l’urgence de revenir sur des décisions antérieures, prises dans des conditions financières et politiques totalement différentes, et qui grèvent lourdement notre budget.
De toute façon, le rapporteur propose, le Sénat et le Gouvernement disposent. Je m’en remettrai à vos décisions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en élaborant le projet de budget pour 2011, le Gouvernement a dû tenir compte de deux contraintes difficiles à concilier.
Premièrement, il a fallu veiller à ne pas étouffer la reprise économique, alors que la croissance reste fragile.
Deuxièmement, il a fallu aussi engager une politique déterminée de réduction des déficits publics, indispensable pour garantir la crédibilité financière de notre pays. Les difficultés que rencontrent en ce moment plusieurs États européens nous obligent à faire preuve de responsabilité dans ce domaine.
Au fil du temps, de nombreux avantages fiscaux et sociaux ont été accordés aux entreprises ou aux particuliers pour encourager la création d’emplois. Avec le recul, nous constatons que ces dispositifs n’ont pas tous démontré leur efficacité, ce qui incite le Gouvernement à proposer, avec courage, la remise en cause d’un certain nombre d’entre eux.
Lors du débat très riche que nous avons eu en commission des affaires sociales, certains se sont inquiétés des conséquences négatives que pourrait entraîner telle ou telle mesure d’économie. D’autres ont déploré que la Mission « Travail et emploi » serve de variable d’ajustement en matière budgétaire. J’observe toutefois que ce sont parfois les mêmes qui critiquent les cadeaux faits aux employeurs, lorsqu’une mesure d’exonération de cotisations est décidée, et qui combattent ensuite les économies proposées, au motif qu’elles pénaliseraient l’emploi.
Pour ma part, je ne pense pas que l’on puisse mener une politique résolue de redressement de nos comptes publics sans faire évoluer des situations acquises.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Je ne pense pas non plus qu’il soit possible de réduire durablement les déficits sans s’interroger sur la bonne utilisation des sommes consacrées à la politique du travail et de l’emploi. Je rappelle que cette politique absorbe 11,4 milliards d’euros de crédits budgétaires, mais aussi 10 milliards d’euros de dépenses fiscales et 30 milliards d’euros d’exonérations de cotisations, soit au total une cinquantaine de milliards d’euros.
En 2011, plusieurs dispositifs qui avaient été renforcés pendant la crise vont être réajustés, pour tenir compte de l’amélioration de la conjoncture. Je pense en particulier aux contrats aidés, dont le nombre devrait diminuer, ou au régime de l’activité partielle.
Pôle emploi va devoir réaliser des gains de productivité et réduire légèrement ses effectifs, qui ont beaucoup augmenté depuis deux ans.
Le projet de loi de finances préserve cependant les crédits destinés à protéger nos concitoyens les plus vulnérables. Ainsi, les moyens affectés à l’insertion par l’activité économique ou aux écoles de la deuxième chance, pour ne prendre que ces deux exemples, seront stables par rapport à 2010.
La politique de redressement de nos comptes publics ne doit pas nous conduire à sacrifier les dépenses d’avenir. De ce point de vue, je me réjouis que le Président de la République ait réaffirmé son engagement en faveur du développement des formations en alternance, c'est-à-dire de celles qui offrent aux jeunes les meilleures perspectives d’insertion professionnelle.
Dans le cadre du grand emprunt, 500 millions d’euros d’investissements sont prévus pour financer la construction de centres de formation et de logements pour les jeunes travailleurs. Cependant, les apprentis ont souvent du mal à trouver une entreprise pour les accueillir. Laurent Wauquiez avait annoncé un plan de relance de l’apprentissage et je ne doute pas que son successeur aura à cœur de mener à bien ce projet. Le développement de l’alternance dans le secteur public et dans l’enseignement supérieur me semble être un axe de réflexion très intéressant.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Si la commission des affaires sociales approuve globalement le projet de budget, nous aurons néanmoins un débat sur deux points.
Il s’agira, d’une part, des exonérations applicables dans le secteur des services à la personne. Nous sommes préoccupés, en effet, par les conséquences que pourrait avoir une remise en cause trop brutale des avantages qui sont aujourd’hui accordés. Ne risque-t-on pas d’assister à des destructions d’emplois, alors que le chômage reste élevé ? Peut-on exclure une résurgence du travail au noir ou un retour à une déclaration des salariés au forfait, moins favorable sur le plan social ? Les femmes qui ont besoin d’une aide à domicile pour faire garder leurs enfants pourront-elles continuer à avoir accès à ces services ?
D’autre part, nous comprenons les critiques de principe formulées par la commission des finances au sujet du prélèvement de 300 millions d’euros opéré sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. La commission n’a pas souhaité en demander la suppression mais elle espère que cette mesure conservera un caractère exceptionnel. Nous l’avions déjà dit l’année dernière…
En conclusion, considérant que le projet de budget prépare efficacement la sortie de crise, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission, ainsi qu’aux articles rattachés, sous réserve des deux amendements que je vous présenterai dans la suite de nos débats. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que la France soit certainement l’un des pays qui ait le mieux résisté, la crise qui nous a frappés en 2008 a eu, nous le savons tous, de graves répercussions sur l’emploi. Les chiffres sont éloquents : en août dernier, la France comptait près de 4 millions de demandeurs d’emploi, chiffre très proche du triste record de 1999.
Dans le contexte actuel, la politique de l’emploi doit donc revêtir une importance toute particulière.
Monsieur le ministre, le projet de loi de finances est fondé sur des prévisions de croissance pour le moins optimistes puisqu’il table sur une hypothèse de croissance de 2 % en 2011 et sur une amélioration de la situation de l’emploi en France.
Pourtant, selon les prévisions de l’Observatoire français des conjonctures économiques, la reprise devrait s’essouffler l’année prochaine, en raison notamment de la politique de rigueur budgétaire, et le taux de croissance ne devrait pas dépasser 1,6 %.
Je sais bien que, le mois dernier, le nombre de chômeurs a baissé, pour la première fois depuis mai 2008. En réalité, le niveau de chômage s’est juste stabilisé ces trois derniers mois.
Votre prédécesseur s’était fixé l’objectif de faire passer le taux de chômage en dessous de 9 %. Selon ce que j’ai pu lire aujourd’hui, vous êtes beaucoup plus prudent. Quoi qu'il en soit, à l’évidence, la croissance ne sera pas suffisamment élevée pour maintenir l’emploi et l’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi pourrait ne pas s’achever avant 2012.
Plus préoccupant : le chômage de longue durée devrait progresser puisque davantage de chômeurs arriveront en fin de droits. Actuellement, la durée moyenne de chômage atteint 438 jours, et la part des demandeurs d’emploi depuis plus de deux ans a progressé de 25 % en un an. D’ailleurs, un certain nombre d’entre eux risquent de basculer rapidement dans les minima sociaux.
Cette tendance s’ajoute à la hausse du chômage des seniors, qui poursuit son inquiétante progression, et au taux toujours préoccupant du chômage des jeunes.
Cet afflux va alourdir la tâche des agents de Pôle emploi. Censé être un des outils majeurs de la lutte contre le chômage, le remède pour passer en dessous de la barre des 5 % de sans emplois à l’horizon 2012, Pôle emploi, issu du mariage forcé de l’ANPE et des ASSEDIC, s’avère être un quasi-échec.
Le 9 novembre dernier, plus de 35 % des salariés de Pôle emploi étaient en grève et près de 400 sites étaient fermés pour protester contre les conditions de travail et les suppressions de postes à venir. Dans la conjoncture actuelle, on aurait pu s’attendre à une augmentation des effectifs, ou au moins à leur maintien. C’est l’inverse qui s’est produit puisque 1 500 CDD ne seront pas renouvelés et 300 départs de CDI ne seront pas remplacés, soit une suppression totale de 1 800 postes. Pourtant, monsieur le ministre, la situation aurait amplement mérité le maintien de ces postes.
Lors de la fusion, il avait été annoncé que le portefeuille de chaque conseiller n’excéderait pas, à terme, 60 personnes, voire 30 pour les cas jugés les plus difficiles. Or, actuellement, un conseiller traite en moyenne 120 dossiers, soit le double du nombre raisonnable estimé, et certains doivent même parfois s’occuper de 200 dossiers, pour gérer au mieux le flux des nouveaux inscrits. Cette situation place les salariés de Pôle emploi dans des conditions de travail difficiles, qui les empêchent de remplir correctement leur mission. Par ailleurs, le mécontentement des usagers s’amplifie, les files d’attente s’allongent, tout comme les délais pour obtenir un simple rendez-vous.
Cette situation n’est donc pas satisfaisante, ni pour les agents, ni pour les demandeurs d’emploi. Ces derniers sont évidemment les premières victimes de la grande désorganisation et de l’absence de disponibilité d’un personnel débordé, et surtout démotivé.
Je m’interroge d’ailleurs sur l’opportunité d’une diminution des crédits affectés aux maisons de l’emploi, qui jouent un rôle très important au sein du service public de l’emploi.
Face à l’urgence, il aurait été indispensable de prendre des mesures fortes afin d’aider les chômeurs et de protéger l’emploi dans notre pays. Il aurait également fallu se donner les moyens d’une refonte réelle du service public de l’emploi.
À ce titre, je souhaiterais me faire le porte-parole de l’ensemble des ultramarins, pour qui le constat est tout aussi alarmant, sinon plus.
Le marché du travail s’est fortement dégradé en 2009 en raison du blocage de l’activité économique. Nos régions sont rongées par le chômage. Celui-ci est en effet trois fois plus élevé aux Antilles-Guyane, par exemple, qu’en métropole. Les minima sociaux représentent d’ailleurs la seule ressource financière de 15 % de la population. Rien qu’en Guadeloupe, on dénombre plus de 60 000 demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi. Ainsi, en 2009, le taux de chômage atteignait 23 %.
La dégradation du marché du travail touche principalement, comme en métropole d’ailleurs, les jeunes actifs de moins de trente ans – plus de 50 % d’entre eux sont au chômage – et les seniors. Plus de la moitié des chômeurs sont sans emploi depuis plus de trois ans.
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi » soit important pour la région que je représente et pour l’outre-mer en général. Cela étant, je n’ignore pas que ce sujet est également essentiel pour la métropole.
Les crédits de la mission, bien qu’en légère progression, me semblent insuffisants par rapport à l’ampleur de la tâche. Je suis surpris, pour ne pas dire inquiet, de constater que, sur la période 2011-2013, leur diminution atteindra 20 %.
En revanche, je me réjouis profondément de l’augmentation de 7 % des crédits consacrés à l’amélioration de l’accès à la qualification. La formation professionnelle, M. le rapporteur l’a souligné, est une priorité. En l’occurrence, il faut le dire, les actions menées par le Gouvernement depuis 2009 sont un réel succès.
On peut tout particulièrement se féliciter de la volonté du Président de la République de doubler le nombre de jeunes en contrat en alternance pour lutter contre le chômage. L’alternance peut en effet être un véritable tremplin pour les jeunes, car elle améliore les compétences et facilite l’insertion dans la vie active. En effet, les jeunes entrent en moyenne à vingt et un ans dans le monde professionnel et accumulent souvent périodes d’inactivité, stages et CDD. Il est donc important que ces contrats débouchent sur une embauche définitive, ce qui nécessite la mise en place d’une véritable formation.
Monsieur le ministre, en dépit des quelques éléments de satisfaction, notamment ceux que je viens d’évoquer, la majorité de mes collègues du RDSE considère que ce projet de budget manque d’ambition dans un climat de crise sociale. C’est la raison pour laquelle ils expriment leur plus grande réserve quant aux crédits alloués à cette mission.
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais malheureusement vous faire part, comme l’an dernier, de notre mécontentement concernant l’organisation de nos travaux.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Oh oui !
Mme Annie David. Aucune audition n’a eu lieu dans le cadre de l’examen de cette mission, pas même la vôtre, monsieur le ministre, alors que vous estimez que ce budget revêt une très grande importance. Il est vrai que cette année, remaniement oblige, le ministre qui a préparé le projet de budget n’est pas celui avec qui nous débattons.
Il n’y a pas non plus eu de rapport de la commission des affaires sociales, monsieur Gournac. Cette première n’est pas à son honneur.
Quant au fait de reporter à la nuit de samedi l’examen des articles rattachés aux missions, c’est un manque de respect pour le Parlement. Je tenais à le dire ici !
J’en viens maintenant au cœur de cette mission.
« Notre première priorité, c’est la croissance au service de l’emploi. » Ces mots, prononcés par le « nouveau » Premier ministre François Fillon lors de son discours de politique générale, auraient pu trouver un écho favorable au sein de notre groupe s’ils s’accompagnaient de mesures concrètes. Or les crédits de la mission « Travail et emploi » sont loin d’être à la hauteur des enjeux d’une société toujours confrontée à la crise, avec une croissance économique en berne. Pis, ils sont contre-productifs. Aussi compléterions-nous volontiers cette phrase à la manière de Victor Hugo : « Il vient une heure où protester ne suffit plus : après la philosophie, il faut l’action. »
De l’aveu même de Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances, cette mission est l’une de celle qui supporte le plus l’effort de réduction budgétaire : « la réduction des crédits budgétaires sera de 20 %, soit une diminution de 2,2 milliards d’euros sur le triennal », après une baisse de 6 % en 2010.
Pour l’exercice 2011, contrairement à ce qui nous est annoncé, le budget est non pas constant, mais en baisse. En effet, je vous rappelle que, l’an passé, ce budget, déjà en baisse par rapport à l’année précédente, avait bénéficié de 1,8 milliard d’euros au titre du plan de relance. Or ces crédits n’ont pas été reconduits pour 2011, comme si la page de la crise était tournée…
Certes, elle l’est pour les entreprises du CAC 40, lesquelles ont globalement augmenté leur bénéfice de 85 % durant le premier semestre de 2010, mais pas pour nos concitoyennes et nos concitoyens, qui mesurent chaque jour les dégâts sociaux provoqués par cette crise et amplifiés par les arbitrages financiers et politiques du Gouvernement. Les chiffres sont éloquents, notamment en ce qui concerne la pauvreté et le chômage : 8 millions de personnes pauvres dans notre pays, dont 2 millions d’enfants !
Pour ce qui est du chômage, si le nombre de demandeurs d’emploi dans la catégorie A, celle qui regroupe les personnes sans activité et en recherche active d’emploi, a diminué de 0,8 %, leur nombre reste en hausse de 1,8 % par rapport à octobre 2009. Et si l’on ajoute les demandeurs d’emploi des catégories B et C, on atteint 3 985 500 demandeurs d’emploi, soit presque le niveau de l’année 1999, année qui a connu le plus fort taux de chômage.
Ainsi, ce repli du chômage pour octobre 2010 est à relativiser puisqu’il intervient après vingt-huit mois consécutifs de hausse. En outre, il convient de souligner que cette hausse se poursuit chez les plus de 50 ans ainsi que chez les chômeurs de longue durée inscrits à Pôle emploi depuis un an ou plus.
À ce sujet, comment ne pas évoquer la proposition, ou devrais-je dire la provocation, de l’entreprise Renault…
Mme Isabelle Pasquet. Eh oui !
Mme Annie David. …de faire partir 3 000 salariés de plus de 58 ans à la retraite anticipée, sans avoir l’intention de les remplacer. Même si ce n’est pas dit, il s’agit bien là d’un plan social déguisé !
Lors du débat sur les retraites, monsieur le ministre, votre prédécesseur avait pourtant mis l’accent sur la nécessité de maintenir les seniors dans l’emploi. Vous le voyez, en dépit du nouveau dispositif d’aide à l’embauche des seniors créé par la réforme des retraites, et que nous avons fortement dénoncé, ceux-ci restent la première variable d’ajustement des entreprises.
En ce qui les jeunes, la non-reconduction des 120 millions d’euros du plan « Agir pour la jeunesse » et la suppression progressive de près de 210 000 contrats aidés vont inéluctablement dégrader leur situation quant à l’emploi. Bien que le Gouvernement affiche une volonté farouche en matière de contrats en alternance, il sera confronté au manque d’entreprises prêtes à accueillir ces jeunes, qui pourraient y trouver une solution alternative.
En choisissant l’austérité pour répondre à ce chômage de masse, vous faites fausse route. Le prolongement durable de la crise résulte notamment de la faiblesse de la demande, imputable à un pouvoir d’achat en berne et à la stagnation des revenus. Ainsi, selon des travaux récents du Fonds monétaire international, promoteur par excellence du libéralisme économique et social, un pays qui consent un effort d’austérité de 1 % de son PIB verra la croissance de celui-ci se contracter de 0,5 point au bout de deux ans. C’est donc bien d’une véritable politique de relance par la demande, offensive et ambitieuse, que notre pays a besoin !
D’ailleurs, l’Allemagne, que vous aimez à citer en exemple, monsieur le ministre, ne s’y est pas trompée puisque le ministre fédéral de l’économie et de la technologie, le très libéral Rainer Brüderle, déclarait récemment en réponse au syndicat allemand IG Metall, qui réclamait leur « juste part de croissance » pour les salariés, que « des hausses de salaires substantielles sont possibles ».
Ainsi, pour sortir de la crise, nous devons définir une autre répartition des richesses et mettre en œuvre une autre politique de développement. En effet, celle qui est à l’œuvre aujourd’hui se caractérise par la prégnance de la sphère financière sur la sphère réelle, par une fiscalité qui favorise les plus nantis, par une répartition des richesses qui privilégie les actionnaires, à tel point que, en 2009, selon le magazine l’Expansion, 580 milliards de dollars ont été amputés de la fiche de paie des salariés du monde entier au bénéfice des profits des entreprises.
Monsieur le ministre, avec ce budget, le Gouvernement fait le choix du renoncement et de la rigueur, tout en maintenant pourtant les allégements généraux de cotisations patronales dits « Fillon », ainsi que les exonérations des heures supplémentaires et complémentaires. Sur un budget total de 51,44 milliards d’euros, la part cumulée de ces allégements et exonérations s’élève à 29,71 milliards d’euros, soit plus de 55 %.
Maintenir ces exonérations et ces allégements sans faire un état des lieux et une étude d’impact de leurs effets sur l’emploi est aujourd’hui un non-sens, d’autant que ce maintien se fait au prix d’un désengagement de l’État vis-à-vis du service public de l’emploi et de la formation professionnelle.
En effet, alors que Pôle emploi est en proie à des dysfonctionnements importants, dus au manque criant de moyens humains qui lui sont alloués – ce qui a d’ailleurs conduit à la démission du médiateur de Pôle emploi, Benoît Genuini –, vous décidez de supprimer 1 800 postes. Or, aujourd’hui, chaque agent de Pôle emploi est chargé du suivi de 103 demandeurs d’emploi, contre 92 l’an dernier, soit une augmentation de 12 % de leur charge de travail. Nous sommes donc largement au-dessus de l’objectif initial – souvenez-vous, monsieur le ministre – de 60 demandeurs d’emploi par conseiller. Une telle surcharge de travail ne permet pas de répondre aux besoins des usagers ou à l’attente des salariés. C’est en tout cas ce que les salariés ont exprimé lors de leur mobilisation, le 9 novembre dernier.
Quant aux maisons de l’emploi, vous les asphyxiez financièrement. En réduisant leurs crédits de fonctionnement de plus d’un tiers, vous les condamnez à mourir. Pourtant, depuis leur création, elles travaillent en complémentarité avec l’État, Pôle emploi et les collectivités territoriales afin de favoriser l’ancrage territorial des politiques de l’emploi.
Et que dire de nos missions locales, qui voient, elles aussi, leurs crédits diminuer, alors que chacun reconnaît leur rôle essentiel dans l’accompagnement en matière d’insertion sociale et professionnelle de nos jeunes de 16 à 25 ans ?
L’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, n’est pas non plus épargnée. Après avoir transféré ses psycho-orienteurs à Pôle emploi, qui n’a d’ailleurs pas la capacité de les accueillir, après lui avoir transféré l’entretien du patrimoine, après l’avoir soumise à la loi du marché, elle est aujourd’hui confrontée à des difficultés financières majeures. Or les crédits qui lui sont alloués dans le cadre de ce projet de loi de finances sont à peine de 57,7 millions d’euros quand ils s’élevaient à 109,2 millions d’euros en 2010 et à 716,30 millions d’euros en 2003.
Le temps me manque pour évoquer ici le secteur de l’insertion par l’emploi. J’y reviendrai donc au moment de la défense d’un amendement déposé par notre groupe à ce sujet.
Pour terminer, je souhaite dénoncer une autre baisse affectant ce budget, celle de 10 % des crédits destinés à l’ANACT, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail. Monsieur le ministre, cette réduction est un non-sens alors que la souffrance au travail est devenue un « mal sociétal ». Le débat sur les retraites a d’ailleurs mis en exergue cette souffrance qui incite des salariés à partir plus tôt à la retraite, au prix même d’une décote.
L’amélioration des conditions de travail est une responsabilité dont notre pays ne doit pas s’exonérer. Vous vous étiez d’ailleurs engagé ici même, au sein d’un autre gouvernement, à obtenir un accord sur la pénibilité. Les salariés concernés attendent toujours !
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Et c’est dedans !
Mme Annie David. Notre groupe avait déposé deux amendements touchant aux conditions de travail. Éloignés, certes, du projet de loi de finances, ils ont donc été retoqués pour irrecevabilité ; ils nous auraient néanmoins permis d’aborder davantage cette question étroitement liée au travail.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe CRC-SPG votera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, j’irai droit au but : après avoir examiné les crédits de la mission « Travail et emploi » mais surtout l’article 96, qui y est rattaché, c’est avec une certaine colère que le rapporteur de la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie s’adresse à vous cet après-midi.
Cet article 96, qui ponctionne 300 millions d’euros sur le FPSPP, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, c’est d’abord une provocation pour le Parlement ; c’est ensuite une erreur de gestion des finances publiques ; plus grave encore, il est en contradiction avec les engagements du Président de la République et de sa majorité sur l’alternance.
Tout d’abord, c’est une provocation pour le Parlement.
Que dit la loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie du 24 novembre 2009, en particulier le nouvel article L. 6332-22-1 du code du travail ? Aux termes de cet article, qui avait été, je le rappelle, introduit par le Sénat et adopté à l’unanimité, « les sommes dont dispose le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels au 31 décembre de chaque année constituent, l’année suivante, des ressources de ce fonds ». Il ne faut donc pas les assimiler à des excédents de trésorerie.
Or c’est exactement ce qui est fait avec l’article 96 du projet de loi de finances ! Il tend à prélever 300 millions d’euros sur le fonds. Autrement dit, cet article s’assoit sur la représentation nationale, mais aussi sur le paritarisme.
Jusqu’à quand, mes chers collègues, allons-nous tolérer que les décisions que nous prenons, et qui sont pour certaines longuement discutées, pesées, mûries, et parfois adoptées à l’unanimité, soient balayées d’un revers de main par la technocratie scolaire de Bercy ? (M. Claude Jeannerot applaudit.)
Si le Gouvernement fait davantage confiance à ses conseillers qu’aux élus de la Nation, à quoi sert le Parlement ? (Mme Catherine Procaccia applaudit.)
Mme Annie David. Eh oui !
M. Jean-Claude Carle. À quoi servons-nous, mes chers collègues ? Pourquoi perdons-nous notre temps à discuter, à convaincre, à trouver des compromis si les fonctionnaires de Bercy peuvent effacer aussi facilement les décisions démocratiques qui ne leur conviennent pas ?
« La démocratie est le pire des régimes, à l’exception de tous les autres », disait Churchill : on serait bien inspiré de méditer davantage cette sentence et d’écouter un peu plus la représentation nationale, et un peu moins ces fonctionnaires qui, eux, n’ont pas de comptes à rendre à la population.
Car ce prélèvement sur le FPSPP, n’est pas seulement une provocation, c’est aussi, je l’ai dit, une erreur de gestion des finances publiques.
La démonstration en est très simple : c’est une question d’arbitrage entre le court et le long terme. À court terme, bien sûr, le Gouvernement économisera 300 millions d’euros en 2011. Mais, à moyen et long terme, cette économie se transformera en dépense, car l’économie se fait sur la formation professionnelle des chômeurs et des jeunes, c’est-à-dire sur des personnes qui, d’une manière ou d’une autre, seront prises en charge par la collectivité si elles ne trouvent pas d’emploi.
L’absence ou le manque de formation en 2011 fabriquera les chômeurs de 2012 : en matière de formation, les économies d’aujourd’hui font toujours les dépenses de demain. Nul doute, de ce point de vue, que cet article 96, si raisonnable en apparence, constitue une faute de gestion à moyen terme.
Alors, bien sûr, monsieur le ministre, vous m’objecterez que ces 300 millions d’euros restent à la formation puisqu’ils financeront notamment les primes d’aide aux contrats de professionnalisation, les conventions de reclassement personnalisé, la rémunération des stagiaires et la mise en œuvre des titres professionnels.
Si je vous le concède, c’est pour vous faire immédiatement remarquer que cette ponction opérée sur le FPSPP est destinée à remplacer des crédits budgétaires des programmes 102 et 103, c’est-à-dire, pour le dire clairement, qu’ils pallieront l’insuffisance de la dotation initiale.
Mme Annie David. Et voilà !
M. Jean-Claude Carle. À l’arrivée, ce sont bien 300 millions d’euros en moins pour la formation professionnelle, c'est-à-dire des économies à court terme que nous paierons comptant le moment venu.
Mais, ce qui est plus grave encore, cet article 96 contredit ostensiblement les engagements du Président de la République et de sa majorité en matière de stabilisation des prélèvements obligatoires et de développement de l’alternance. S’attaquer à deux grandes promesses politiques d’un coup, il fallait le faire, et l’article 96 y parvient !
La stabilisation des prélèvements obligatoires, d’abord.
Je l’ai dit, le prélèvement de 300 millions d’euros sur le FPSPP viendra abonder les programmes de la mission « Travail et emploi » : une partie des cotisations payées par les entreprises au titre de la formation professionnelle va donc servir à prendre en charge des dépenses autrefois assumées par l’État.
Qu’est-ce donc alors que ce prélèvement sinon un impôt caché ? Avec cette ponction sur le FPSPP, monsieur le ministre, vous levez sans le dire un nouvel impôt sur les entreprises !
En outre, comme les dépenses qu’il servira à financer ne sont pas exceptionnelles, ce nouvel impôt risque de devenir pérenne, ce qui n’est vraiment pas une bonne nouvelle pour les entreprises… Drôle de manière de respecter les engagements du Président de la République concernant la stabilisation des prélèvements obligatoires !
Mais ce n’est pas tout, car le plus ahurissant est la réduction des moyens affectés à l’alternance que cet article a du mal à cacher.
Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a rappelé la volonté du Gouvernement de développer l’apprentissage et la professionnalisation, et la majorité y est déterminée.
Mais, avec cet article 96, comment voulez-vous que nous soyons crédibles ? En effet, 300 millions d’euros prélevés sur le FPSPP, c’est exactement 50 000 contrats de professionnalisation en moins ! Au moment même où le Président de la République et le Premier ministre annoncent une relance de l’alternance, Bercy coupe dans le fonds destiné à la financer !
Comprenne qui pourra ! Mais qui pourra comprendre cet article 96 ? Personne, en tout cas pas ceux qui croient en l’alternance, pas ceux qui soutiennent le Président de la République et souhaitent l’aider à tenir ses engagements.
Monsieur le ministre, je sais que les temps budgétaires sont durs et que votre tâche est ingrate. Sachez que, pour développer l’alternance et l’emploi des jeunes, vous trouverez toujours la majorité à vos côtés, comme force de critique – c’est le cas avec cet article 96 –, mais surtout comme force de proposition et de soutien dans les prochains mois. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’analyse de la situation de l’emploi dans notre pays devrait inspirer, c’est une évidence, les choix budgétaires de la mission « Travail et emploi ». Quelle est donc la situation de l’emploi et quels sont, en regard, les choix qui nous sont proposés dans ce budget ?
Certes, en octobre dernier, et pour la première fois depuis longtemps, le nombre des demandeurs d’emplois de catégorie A a marqué le pas, s’établissant à 2 676 800, soit une baisse de 0,8 %. Cette annonce est évidemment bonne à prendre, mais elle ne doit pas pour autant nous conduire à baisser la garde sur le front de l’emploi. Elle ne doit surtout pas nous faire oublier les données structurelles, qui restent préoccupantes. J’en citerai quelques-unes.
En un an, le chômage des trois catégories de demandeurs d’emplois a augmenté de 5 %. Le nombre de chômeurs de longue durée a augmenté plus gravement encore, de 23 % pendant la même période ; or ceux-ci représentent aujourd’hui 37 % des demandeurs d’emplois et la durée moyenne d’inscription au chômage ne cesse de s’allonger. En outre, 23 % des jeunes actifs sont aujourd’hui demandeurs d’emplois. Enfin, le chômage des seniors progresse de 16 % en un an.
Pour résumer en une phrase la situation que nous observons aujourd’hui, je dirai que le chômage est de plus en plus grave et surtout qu’il dure de plus en plus longtemps, en touchant les publics fragiles que sont les jeunes et les seniors.
Face à cette situation, quelles sont les réponses du projet de loi de finances pour 2011 ? Le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales nous a expliqué que c’était un budget soumis à de fortes contraintes, ajoutant que la mission « Travail et emploi » ne devait pas échapper à l’effort de maîtrise des dépenses qui touche tous les domaines.
Si nous nous accordons sur la nécessité de la réduction du déficit public, monsieur le ministre, nous contestons en revanche l’application uniforme et aveugle de la politique de rigueur. Deux secteurs auraient mérité, selon nous, d’être sanctuarisés, le logement et l’emploi, car ils ont un effet direct sur la situation sociale de nos concitoyens, mais aussi sur la croissance et l’activité économique.
Dans ce contexte, on aurait pu s’attendre à un renforcement de la politique de l’emploi. Dès lors, monsieur le ministre, comment accepter que la dotation de la mission « Travail et emploi » affiche une diminution de l’ordre de 13 % en un an – si je tiens compte des crédits inscrits dans le plan de relance de 2010, qui ne sont pas reconduits – et que 805 millions d’euros d’aide à l’emploi des jeunes et des seniors soient supprimés ?
Comment comprendre, par ailleurs, l’annonce faite par le Président de la République de doubler le nombre de jeunes admis en formation en alternance, alors que, dans le même temps, vous ponctionnez le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels ?
Comment comprendre également que la subvention que l’État accorde à Pôle emploi diminue en valeur absolue ?
Je focaliserai mon propos sur deux points.
Le premier concerne le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, au sujet duquel j’approuve sans réserve la démonstration apportée à l’instant par notre collègue Jean-Claude Carle.
Ce fonds, je le rappelle, a été mis en place par la loi du 24 novembre 2009, relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, qui avait fait l’objet d’un consensus au sein de notre assemblée, notamment sur ce point. Alimenté par une contribution des entreprises, ce fonds a pour but d’assurer la qualification ou la requalification des salariés, mais aussi des demandeurs d’emploi, par des actions adaptées. Quelque 500 000 salariés supplémentaires, parmi les moins qualifiés, devaient être formés grâce à ce fonds, ainsi que 200 000 demandeurs d’emplois.
Or, par l’article 96, monsieur le ministre, vous opérez une sorte de hold-up – ce n’est d'ailleurs pas le seul domaine où vous procédez de la sorte – en prélevant 300 millions d’euros sur ce fonds, soit le tiers des sommes dont il dispose, alors qu’il avait précisément pour objet d’agir sur le front de la formation professionnelle.
De surcroît, l’argent que vous allez prélever servira à financer ce que le budget de l’État avait habituellement vocation à assumer : la prise en charge, d’une part, de la certification des titres professionnels par l’AFPA, à hauteur de 50 millions d’euros, et, d’autre part, de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle, pour un montant de 126 millions d’euros – excusez du peu !
Si le FPSPP est effectivement privé d’une telle somme, on peut penser – et j’en prends le pari aujourd’hui – que jamais les crédits dont elle va combler le manque ne reviendront dans le budget de la nation.
Quelles seront les conséquences de ce prélèvement, s’il est confirmé après que nous aurons examiné l’article 96 ?
Premièrement, vous le savez, monsieur le ministre, les partenaires sociaux ont décidé, dans ces conditions, de ramener le taux maximal de contribution de 13 % à 10 %. Autrement dit, avant même d’avoir commencé le match, si j’ose dire, nous avons déjà perdu des moyens !
Deuxièmement, et c’est beaucoup plus grave, les actions de formation professionnelle vont diminuer, alors que les besoins sont immenses, comme l’a fort bien indiqué notre collègue Jean-Claude Carle.
J’en viens à mon second point, à savoir Pôle emploi.
Je vous le concède, monsieur le ministre, cette institution n’a pas d’effet direct sur la croissance, mais elle joue un rôle majeur non seulement comme amortisseur social – ce qui est déjà très important – mais aussi comme outil de régulation du marché du travail.
Dès lors, comment comprendre, au regard précisément des indicateurs que je rappelais tout à l’heure, que vous décidiez de diminuer les moyens alloués à Pôle emploi et d’y supprimer 1 800 emplois ?
Par ailleurs, en ne finançant pas le transfert des 920 psychologues de l’AFPA qui ont été alloués à Pôle emploi au cours de l’année 2010, vous dégradez les conditions d’exercice et de travail de ce service public.
Chaque conseiller se verra confier en moyenne 130 demandeurs d’emplois, ce qui est très au-dessus des normes européennes. Dans certaines zones où la situation est particulièrement difficile, le nombre de dossiers pourra même aller jusqu’à 200.
En résumé, monsieur le ministre, ce budget est à nos yeux un budget de capitulation, à moins qu’il ne résulte d’une double erreur d’analyse.
La première serait d’estimer que nous sommes sortis de la crise et que le retour de la croissance fera son œuvre. Or, comme en témoignent les indicateurs que j’ai rappelés, vous le savez, monsieur le ministre, nous ne sommes pas dans cette situation.
La seconde serait de considérer que toutes les dépenses de l’État, emploi inclus, doivent diminuer. Or les politiques malthusiennes n’ont jamais démontré leur efficacité dans les périodes difficiles. De ce point de vue, ce budget est un mauvais coup porté à l’emploi dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si l’on veut avoir une vision globale des crédits consacrés au soutien à l’emploi, il faut prendre en compte les avantages fiscaux, les allégements de charges, généraux ou ciblés. On arrive alors, comme l’ont excellemment rappelé MM. les rapporteurs, à un volume de dépenses de plus de 50 milliards d’euros, soit l’équivalent de la recette de l’impôt sur le revenu. C’est dire le poids de l’action de l’État, et donc sa responsabilité, en ce domaine.
Or la période impose une double obligation : réduire nos déficits, mais aussi accompagner la sortie de crise et conforter les résultats encourageants de baisse du chômage. L’exercice budgétaire est donc particulièrement redoutable et conduit inévitablement à des arbitrages douloureux.
Je tiens dès à présent à vous dire, monsieur le ministre, que j’approuve la plupart de vos arbitrages, car ils sont dictés par le souci de préserver les plus fragiles : les jeunes, les licenciés économiques, les personnes en difficulté d’insertion. Vous avez maintenu les contrats aidés à un niveau élevé, vous maintenez pour l’essentiel les avantages fiscaux en faveur des publics fragiles et vous prévoyez 50 millions d’euros pour l’aide à l’embauche des seniors. Ces mesures illustrent l’orientation sociale de votre budget, en dépit de la rigueur du temps.
Je crois néanmoins, monsieur le ministre, que cette année, plus que toute autre, l’exigence de réduction des déficits aurait dû conduire le Gouvernement à être plus attentif aux propositions chaque année répétées par le rapporteur spécial, M. Serge Dassault. Par exemple, une réduction des exonérations d’impôt sur le revenu des heures supplémentaires permettrait des réductions de dépenses de plusieurs centaines de millions d’euros, notamment en faveur du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Ce n’est pas le choix qui a été fait.
En revanche, vous, ou plutôt votre prédécesseur, avez trouvé une formidable source d’économie en réduisant de 50 % les crédits alloués aux maisons de l’emploi. En fait, l’amendement voté par l’Assemblée nationale a permis de limiter à 35 % la réduction de ces crédits, lesquels passent de 95 millions d’euros à 63 millions d’euros en 2011. Je note dans le même temps que Pôle emploi et les missions locales sont à peu près épargnés. C’est très bien.
Mais alors pourquoi donc les maisons de l’emploi sont-elles les mal-aimées ? Ce n’est certainement pas un dégât collatéral de la disparition de Jean-Louis Borloo de l’équipe gouvernementale. Je ne pense pas non plus que cela puisse être la conséquence de la fusion de l’UNEDIC et de l’ANPE, laquelle a donné naissance à Pôle emploi, car les missions des maisons de l’emploi sont différentes et complémentaires. Il faut d’ailleurs veiller à éviter tous les doublons.
Pourquoi avez-vous donc choisi, monsieur le ministre, d’asphyxier les 203 maisons de l’emploi ? Leur asphyxie a d’ailleurs commencé dès 2010. Ainsi, la maison de l’emploi de Perpignan vient à peine de percevoir, voilà quelques jours, le premier versement de la dotation de 2010. Heureusement que les collectivités locales respectent, quant à elles, leurs engagements !
Pourquoi un tel acharnement sur des structures qui, certes, doivent être améliorées – elles sont pour la plupart très récentes –, mais qui sont un outil partenarial efficace pour bâtir des stratégies locales, pour exploiter les gisements d’emplois, pour dynamiser les plans locaux pour l'insertion et l'emploi, pour réduire les obstacles culturels et sociaux d’accès à l’emploi ou encore, avec leur Cyber-base mise à la disposition des publics les plus précaires, pour réduire la fracture numérique ?
Savez-vous, monsieur le ministre, que les clauses d’insertion dans les marchés publics, mises en œuvre avec l’assistance des maisons de l’emploi, ont représenté plus de 10 millions d’heures de travail et qu’elles ont permis à plus de 25 000 personnes d’avancer sur les chemins de l’emploi ?
D’ailleurs, dans cette enceinte, à droite, au centre ou à gauche, nombreux sont les élus qui peuvent témoigner de la valeur ajoutée des maisons de l’emploi dans le cadre du service public local de l’emploi.
Je sais, monsieur le ministre, que vous savez que je dis vrai.
Je sais que, grâce à votre expérience sur le terrain, à Saint-Quentin, vous mesurez à sa juste valeur l’intérêt, dans la période actuelle, de ne pas briser des maisons, où se rassemblent les services de l’État, Pôle emploi, les collectivités locales, les chambres consulaires, les syndicats et les associations d’entreprises.
Je sais, monsieur le ministre, que vous aurez à cœur de sauver et de renforcer les maisons de l’emploi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en matière d’emploi, seule doit guider notre action, et donc déterminer les moyens qui y sont alloués, la réponse à une question simple, centrale, évidente : sur le front de l’emploi, est-on sorti de la crise ?
À la fin du mois d’octobre, les chômeurs des catégories A, B et C cumulées, c’est-à-dire tous les chômeurs, hormis les stagiaires et les personnes en contrats aidés, étaient près de 4 millions. Malgré des chiffres mensuels en très légère amélioration, sur les douze derniers mois, le chômage a encore augmenté de 5 %.
Le chômage des seniors explose – il a augmenté de 16 % en un an – et si celui des jeunes diminue, il demeure à un taux excessivement et durablement haut, à 23 %. Pour mesurer l’ampleur de la catastrophe, je rappelle que les jeunes sans emplois représentent 37 % des chômeurs en France.
Nous sommes loin, très loin, du niveau de l’emploi de 2008. La crise est arrivée, elle se poursuit, et les prévisions de croissance sont trop faibles pour permettre de relancer efficacement la création d’emplois. L’Observatoire français des conjonctures économiques, le centre de recherche en économie de Science Po, prévoit que nous aurons, en 2011, 800 000 chômeurs de plus qu’en 2008. L’INSEE confirme cette prévision et parle d’une reprise « timide » à partir du deuxième trimestre de 2011.
Enfin, deux autres éléments structurels viennent malheureusement encore ternir les perspectives en matière d’emploi.
Avec la crise et la raréfaction des emplois, les populations qui devaient faire leur entrée sur le marché du travail retardent cette arrivée. Ainsi les jeunes préfèrent-ils prolonger leurs études et les femmes en congé maternité allonger leur congé. Mais ces reports ne dureront pas éternellement. Dès que la situation de l’emploi commencera à s’améliorer, ces populations viendront grossir les rangs des demandeurs d’emploi, sauf si de nombreux emplois sont créés, ce qui est peu probable. Si l’on se fonde sur les taux de croissance estimés, le chômage risque fort de repartir à la hausse.
Par ailleurs, rappelons que, au cours des douze derniers mois, 97 000 des 100 000 emplois créés étaient des emplois en intérim, donc non pérennes ! Comme toujours, précarité et chômage se cumulent et s’alimentent au détriment des plus fragiles.
Dans ces conditions, comment croire que, sur le front de l’emploi, nous sommes sortis de la crise ? C’est impossible, mais c’est pourtant le postulat de la majorité.
À l’Assemblée nationale, Mme Chantal Brunel, rapporteur de la commission des finances, n’a pas hésité à écrire dans son rapport que « notre pays sort de la crise ». Je lui rappelle que les indicateurs économiques la contredisent, particulièrement en matière d’emploi, et que les Français ne sont pas du tout d’accord avec elle. En effet, selon une étude d’opinion du 22 novembre, 70 % de nos concitoyens estiment que « le gros de la crise reste à venir ».
Partant de ce constat, il eût été non seulement logique et, surtout, indispensable que les crédits de la mission « Travail et emploi » soient augmentés pour l’année 2011. Au contraire, ils diminuent de 13 % !
M. le rapporteur pour avis, Alain Gournac, qualifie pudiquement cette baisse de « sensible », mais il atténue immédiatement ses propos en précisant qu’il n’est pas « illégitime de revenir sur certaines augmentations de crédits réalisées au plus fort de la crise et qui ne sont plus justifiées aujourd'hui ».
Mes chers collègues, dans le contexte actuel, on ne peut qualifier de « sensible » une baisse de 13 %. Une telle baisse est irresponsable et traduit le désengagement de l’État de nombre de programmes qui avaient permis d’amortir, en partie, l’effondrement de l’emploi.
Je ne prendrai qu’un seul exemple de ces désengagements inscrits noir sur blanc dans ce projet de budget : celui de la disparition de 130 000 contrats aidés. Pourquoi cette suppression ? Sans doute s’explique-t-elle par le coût de ces dispositifs, mais aussi, peut-être, par votre répugnance, monsieur le ministre, à admettre que ce type de contrats, à l’instar des emplois-jeunes de Lionel Jospin, constitue bien une des réponses nécessaires en temps de crise.
En sus de ces désengagements, d’autres mesures prévues dans le budget de la mission « Travail et emploi » sont pour le moins critiquables.
Je pense, d’abord, à la suppression de la prime de retour à l’emploi pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique. Elle permettra de réaliser une économie de 40 millions d’euros, au détriment des plus démunis, ceux qui retrouvent un emploi après avoir vécu des minima sociaux des mois durant.
Je pense, ensuite, à l’augmentation des charges des particuliers employeurs. Il s’agit là non pas de rééquilibrer les exonérations dont bénéficie Mme Bettencourt, mais bien d’aller taxer les familles des classes moyennes. Or ces familles, compte tenu de leurs temps de transport ou de leurs horaires de travail, sont obligées de recruter une « nounou » à temps partiel pour aller chercher leurs enfants à la sortie de l’école ou à la fermeture de la crèche. Les frais que cela représente s’ajoutent à ceux de la garderie pré et post-scolaire, de la cantine et de la crèche.
Quoi que vous en pensiez, monsieur le ministre, cette situation, c’est le quotidien de milliers de parents. Une telle mesure, sous couvert d’abroger une niche fiscale, aura notamment pour conséquence de favoriser, de nouveau, le travail au noir. Je ne suis pas la seule dans cet hémicycle à dénoncer cette situation.
Au-delà de ces points précis, nous contestons la nature même de votre projet de budget, monsieur le ministre, pas seulement son orientation. M. le rapporteur pour avis a d’ailleurs un mérite réel. Il est sans ambigüité quant à la nature de ce projet de budget pour 2011, puisqu’il a déclaré, en conclusion, que ce budget « contribue à l’effort nécessaire de réduction de nos déficits publics ». C’est bien de cela qu’il s’agit, mes chers collègues.
Pour la majorité, le problème est non pas d’agir en faveur de l’emploi et contre la précarité, mais de réduire les déficits, coûte que coûte.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Et le Portugal, l’Irlande ?
Mme Raymonde Le Texier. En termes profanes, on ferme le robinet des mesures de soutien à l’emploi en claironnant que la crise est derrière nous. Place à la rigueur et au principe du chacun pour soi !
Au lendemain de son bis repetita à la tête du Gouvernement, M. Fillon a évoqué un « gouvernement de combat ». Avec le projet de budget que vous défendez aujourd’hui, monsieur le ministre, on ne sait pas bien quel combat votre gouvernement entend mener, mais ce n’est certainement pas celui de l’emploi !
Nous sommes tous conscients de la nécessité d’assainir nos comptes publics. Cependant, je vous rappelle que cette dette ne résulte pas seulement de la crise. La majorité a creusé la dette avec ses politiques inadaptées : défiscalisation des heures supplémentaires, baisse de la TVA sur la restauration, cadeaux fiscaux aux plus riches, individus et grandes entreprises confondus, à l’instar du bouclier fiscal ou encore des 22 milliards d’euros de la niche Copé.
Lorsqu’un pays traverse une situation comme celle que nous affrontons, il devrait être clair pour tous qu’il y a deux priorités : la formation et l’emploi. Ce sont les deux budgets de l’avenir.
Qui parle d’avenir parle de politique de la jeunesse. Or votre projet de budget, monsieur le ministre, ne prévoit aucune mesure en faveur de l’emploi des jeunes. Au contraire, il prévoit une coupe symbolique : la disparition des crédits du plan « Agir pour la jeunesse ».
Alors, je le répète, monsieur le ministre : non, nous ne sommes pas sortis de la crise, même si vous vous efforcez de prétendre le contraire afin de justifier votre projet de budget de renoncement.
Mes chers collègues, nous ne sommes pas sortis de la crise, car la crise n’est pas seulement la conséquence de l’effondrement du système bancaire. Elle résulte également de la politique que vous menez et qui laisse sur le carreau tous ceux qui ne produisent de la richesse qu’avec leur force de travail.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le ministre, nous voterons résolument contre les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » constitue l’un des principaux budgets d’intervention de l’État. Au sein de celle-ci, deux programmes sont plus spécifiquement dédiés à l’emploi, le programme 102, Accès et retour à l’emploi, et 103, Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi.
Au total, ils sont en augmentation de 7,52 % pour les autorisations d’engagement et de 1,22 % pour les crédits de paiement.
L’effort de l’État en faveur de l’emploi est donc confirmé, malgré le contexte de contraintes budgétaires ; il s’agit de prendre le relais du « plan de relance » qui a protégé notre économie.
Plan de relance, fonds d’investissement social, plan d’urgence pour l’emploi des jeunes, plan « Agir pour la jeunesse », depuis deux ans, le Gouvernement a ainsi tenté de préserver nos compatriotes du choc de la crise. Cette détermination a été payante, car les outils mobilisés en faveur de la politique de l’emploi ont atténué la violence du choc avant de permettre, aujourd’hui, de stabiliser la situation.
Selon les derniers chiffres publiés par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, l’activité économique a accéléré au deuxième trimestre, donnant des espoirs de sortie de crise. Ainsi, 46 000 postes ont été créés et le taux de chômage, en baisse de 0,2 point par rapport au trimestre précédent, s’est établi à 9,3 %.
La mise en œuvre des différentes mesures de lutte contre le chômage semble donc produire ses effets et il faut, selon nous, continuer ces efforts.
À l’occasion de l’examen de ce projet de budget, je souhaite faire plusieurs remarques.
J’aborderai, tout d’abord, les publics visés. Afin d’aider les publics les plus éloignés de l’emploi, 340 000 nouveaux contrats aidés non marchands et 50 000 nouveaux contrats aidés marchands sont financés pour 2011, moyennant un coût de 2,1 milliards d’euros, contre 1,7 milliard en 2010.
Je tiens aussi à souligner l’effort en direction des entreprises pour le financement de l’aide à l’embauche des seniors.
L’accès à l’emploi des jeunes demeure une priorité gouvernementale, concrétisée par des crédits importants alloués aux contrats d’insertion dans la vie sociale, au fonds pour l’insertion professionnelle des jeunes, aux actions de parrainage, aux écoles de la deuxième chance, entre autres.
Ces dispositifs s’adressent tout particulièrement aux jeunes non qualifiés ou résidant dans des zones urbaines sensibles, qui ne sont pas pris en charge par d’autres dispositifs.
Vous comprendrez cependant, mes chers collègues, que je veuille dire quelques mots sur le service public de l’emploi, puisque j’en fus le rapporteur au Sénat.
Un peu plus de dix-huit mois après sa création et dans un contexte très difficile, Pôle emploi fonctionne, certes parfois avec difficulté dans certains bassins d’emplois, mais en maintenant son effort de prise en charge et d’accompagnement des chômeurs. Tout comme se maintient, d’ailleurs, la subvention de l’État, à hauteur de 1,36 milliard d’euros.
Selon une grande consultation auprès de 500 000 demandeurs d’emploi, rendue publique le mois dernier, 66 % des personnes interrogées sont satisfaites des services de Pôle emploi. Les demandeurs d’emploi estiment que 69 % des démarches sont plus simples qu’avant la fusion et 67 % d’entre eux les jugent également plus rapides. C’est donc que le but de simplification que nous avions assigné à Pôle emploi est en grande partie atteint.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, vouloir améliorer le dispositif en vous fondant sur les résultats de la consultation des demandeurs d’emploi, afin de ne pas en rester au stade de la réflexion interne.
Pourriez-vous nous dire quelles sont vos pistes de travail, mais aussi nous parler de l’évolution annoncée des effectifs, alors que la diminution du nombre de chômeurs n’est peut-être pas pérenne ?
Je veux aussi évoquer les maisons de l’emploi. Je me permets ici de rappeler ma position en tant que rapporteur du texte sur la fusion ANPE-UNEDIC, qui n’est pas forcément en complète adéquation avec celle d’un certain nombre de mes collègues, très attachés à cet outil de proximité. Certains se sont exprimés sur ce sujet juste avant moi.
Si certaines maisons de l’emploi complètent utilement l’action de Pôle emploi, elles n’ont ni la vocation ni la compétence pour s’y substituer. En outre, si certaines sont effectivement très opérationnelles, d’autres ont une activité très limitée. La loi que nous avions votée stipule clairement que ce sont celles qui « respectent les missions qui leur sont attribuées » qui « bénéficient d’une aide de l’État selon un cahier des charges » défini en Conseil d’État. Cette aide est fixée à 53 millions d’euros en crédits de paiement, au lieu de 95 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2010.
J’approuve donc le Gouvernement qui veut rationaliser l’ensemble de ses dépenses, d’autant que l’Assemblée nationale a généreusement abondé leurs crédits de 10 millions d’euros supplémentaires !
Monsieur le ministre, je pense que mes collègues aimeraient, comme moi, savoir comment vous entendez approcher l’écart de performance entre chacune des maisons de l’emploi et mieux mesurer leur rapport efficacité-coût, en tenant compte, naturellement, de la situation hétérogène des bassins d’emplois.
Enfin, s’agissant du transfert des personnels de l’Association pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, même si je présidais la commission spéciale du Sénat chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, je n’ai pas le souvenir que nous ayons évoqué l’hypothèse d’un transfert de personnes plutôt que de salaires. J’ai donc relu le texte de loi : hormis le transfert des biens, rien n’y figure sur ce point ! Pouvez-vous m’expliquer, monsieur le ministre, ce qui amène les services de l’État à penser que 900 personnes peuvent être transférées et rémunérées, sans difficulté pour Pôle emploi ?
Je voudrais aussi évoquer la volonté gouvernementale de réaliser des économies avec la disparition de certains dispositifs d’exonération. Cette démarche est louable, mais je m’inquiète, comme d’autres, de ses conséquences sur les services à la personne.
L’article 90 du projet de loi de finances supprime en effet l’abattement de 15 points de cotisation patronale pour les particuliers employeurs déclarant leurs salariés à domicile au régime réel.
Cette mesure me contrarie pour plusieurs raisons.
D’une part, les bénéficiaires risquent de préférer désormais le régime forfaitaire au régime réel, ce qui aura des conséquences sur la couverture sociale et les droits à pension des salariés concernés, qui sont très souvent des femmes. L’an passé, j’avais dénoncé le système de déductibilité fiscale de certains emplois à domicile comme celui du coach sportif. Mon exemple a fait florès. Mais ce type de mesure ne concerne que les emplois au réel, auxquels on ne veut pas mettre fin !
En revanche, nous devons penser aux femmes qui n’ont pas d’autre choix que de faire garder leurs enfants à domicile, en garde directe ou partagée, ainsi qu’à celles qui n’ont pas accès à une crèche ou à l’école maternelle avant que leurs enfants aient atteint l’âge de trois ans, voire trois ans et demi s’ils sont nés au premier semestre. Pour ces mères, la garde à domicile ou partagée est souvent la seule solution, particulièrement pour les femmes isolées. Certes, la déductibilité fiscale demeure. C’est heureux car, avec sa disparition, nous aurions vu des emplois maintenant déclarés rebasculer dans le travail « au noir ».
J’approuve donc les amendements déposés par notre rapporteur, ainsi que celui de Marie-Thérèse Hermange, qui sont très modérés.
Je vous proposerai un amendement, allant un peu moins loin, qui sera donc moins coûteux pour l’État, mais qui ne concerne que les gardes d’enfants.
Il est clair que l’article 90 donnera lieu à un échange intéressant.
Mme Annie David. S’il y a des sénateurs en séance !
Mme Catherine Procaccia. Mes chers collègues, malgré les contraintes budgétaires, je considère que le Gouvernement fait de la lutte pour l’emploi en faveur des publics les plus en difficulté une véritable priorité.
C’est pourquoi, malgré certaines réserves, le groupe UMP apportera son soutien à cette politique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’en venir à l’examen du programme 111, Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail, je souhaite faire quelques remarques sur la présentation des crédits de la mission « Travail et emploi ».
Tout d’abord, monsieur le ministre, il me semble que la présentation que vous faites de ces crédits est en léger décalage par rapport à la réalité. Vous prétendez que les crédits du budget de l’emploi sont maintenus, voire augmentés : en effet, selon le tableau de récapitulation des crédits de la mission par programme et titre du document budgétaire, 11,463 milliards d’euros en crédits de paiement sont demandés pour 2011, soit 61 millions d’euros de plus qu’en 2010. Mais, en tenant compte des crédits inscrits l’an dernier dans le plan de relance de l’économie, ces crédits subissent, en fait, une baisse de 1,75 milliard d’euros, soit 15 %. Vous admettrez que ces chiffres sont significatifs.
En outre, dans le cadre de la programmation pluriannuelle de 2011 à 2013, il est annoncé une baisse, de 11,4 à 9,2 millions d’euros, des crédits de la mission « Travail et emploi ». C’est un choix qui pousse à s’interroger sur les véritables priorités du Gouvernement en ces temps de crise.
Le fait est que le budget pour 2011, notamment celui de la mission « Travail et emploi », est entièrement bâti sur l’hypothèse que la crise est finie, ou en voie de l’être. Monsieur le ministre, cela me semble bien audacieux quand, en réalité, les conséquences de cette dernière perdurent.
En témoigne le taux de chômage, qui continue de s’alourdir. Certes, ce dernier a légèrement baissé entre octobre et novembre 2010, mais il a augmenté de 5 % depuis octobre 2009 ! Il convient donc de relativiser les derniers chiffres.
S’agissant du chômage des jeunes, la situation est encore plus grave. Quant aux seniors, nous en avons longuement parlé dans le cadre du projet de loi de réforme des retraites. Enfin, le chômage de longue durée, devenu endémique, constitue un vrai problème
On pourrait donc s’attendre à ce que les pouvoirs publics ne relâchent pas l’effort. Mes collègues Claude Jeannerot et Raymonde Le Texier ont parlé avant moi de la baisse considérable des actions en faveur des publics les plus fragiles et du désengagement de l’État du financement des opérateurs du service public de l’emploi.
À cet égard, la diminution du budget alloué aux maisons de l’emploi ne sera pas sans conséquence sur ces structures dont nous connaissons tous, élus de terrain, le rôle concret et fédérateur. Sur ce point, je suis en désaccord avec les propos de ma collègue Mme Procaccia.
Si la baisse des budgets se répercute uniformément sur l’ensemble des maisons de l’emploi, la maison de l’emploi et de la formation du Cotentin perdra 350 000 euros de financements par an : dès lors, elle se trouvera dans une situation très difficile, et avec elle l’ensemble des personnes qui bénéficient de ses services.
C’est pourquoi des élus de tous bords se mobilisent aujourd’hui pour que les maisons de l’emploi puissent continuer à remplir leur rôle sur les territoires, car elles apportent indéniablement une valeur ajoutée aux politiques nationales de l’emploi.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, la maison de l’emploi et de la formation du Cotentin a été créée à Cherbourg en novembre 1991, voilà presque vingt ans. À l’époque, nous étions des pionniers, et M. Borloo n’avait pas encore tenté de généraliser de telles structures. Il le fera beaucoup plus tard et, selon moi, avec raison.
Les débats avec lui furent très intéressants bien qu’ils ne se soient pas toujours répercutés dans les faits, comme l’a rappelé Mme Procaccia. Certaines expériences se sont révélées positives, et d’autres un peu plus compliquées.
C’est la raison pour laquelle les maisons de l’emploi et de la formation font l’objet d’un amendement du groupe socialiste. Par ailleurs, je veux dire très clairement que celui-ci partage totalement l’argumentaire développé tout à l’heure par M. Alduy.
S’agissant du programme Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail, les crédits de paiement sont en baisse de 1,265 million d’euros, alors que les autorisations d’engagement sont en hausse de 69 millions d’euros.
L’action 3 « Dialogue social et démocratie sociale » est la mieux dotée, puisque ses crédits font un bond de 17,4 à 90 millions en autorisations d’engagement et sont stables en crédits de paiement.
Cette hausse est liée à l’application de la loi du 20 août 2008 sur la représentativité syndicale, qui implique la mesure de l’audience des organisations par remontée des procès-verbaux des élections des instances représentatives du personnel dans les entreprises.
Pour ce faire, le ministère a mis en place un projet de mesure de l’audience de la représentativité syndicale, le projet MARS, et passé des marchés publics d’une durée de quatre ans avec des prestataires extérieurs, qui ont déjà donné lieu à plusieurs avenants.
Les crédits relatifs à l’administration du travail, à l’inspection du travail et à la justice prud’homale sont, pour leur part, relativement stables.
Quant à la lutte contre le travail illégal, elle n’est plus créditée dans la mission « Travail et emploi », au motif qu’il s’agit d’une action interinstitutionnelle.
Parmi les éléments notables, le plan santé au travail, PST2, qui comprend également les subventions à la nouvelle Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, ANSSAET – cette dernière est issue de la fusion de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET, et de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA – et à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, perd 2 millions d’euros en crédits de paiement et 3,5 millions d’euros en autorisations d’engagement. Cela reflète la vraie nature des engagements du Gouvernement en matière de prévention et d’amélioration des conditions de travail.
Dans le cadre du projet de loi de réforme des retraites, nous avions eu un long débat à ce sujet, et je crois que nous sommes aujourd’hui en contradiction avec ce qui avait été dit dans cet hémicycle concernant la nécessité d’anticiper les maladies professionnelles et les accidents du travail en établissant une véritable politique de prévention.
Cette question a été particulièrement examinée à l’occasion de l’examen des dispositions relatives à la pénibilité et à la médecine du travail.
S’agissant d’ailleurs de la médecine du travail, je tiens à rappeler que nous avions alerté M. Woerth sur le cavalier manifeste que représentaient les dispositions introduites par amendements par l’Assemblée nationale.
Mme Annie David. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il avait pris nos avertissements avec une certaine désinvolture ; le Conseil constitutionnel nous a pourtant donné raison. Nous avons toujours dit qu’une telle réforme méritait un texte spécifique.
Quant au contenu, la rédaction issue des travaux du Sénat avait permis certaines avancées, même si elle n’était pas parfaitement satisfaisante. La version finale du texte de loi, issue de la commission mixte paritaire, est en retrait.
Pourriez-vous donc nous dire, monsieur le ministre, si le Gouvernement a l’intention de déposer un nouveau texte à ce sujet ? Si oui, dans quel délai et dans quelle version, sachant que nos collègues de l’Union centriste ont déposé une proposition de loi reprenant les conclusions de la commission mixte paritaire ?
La réforme des retraites ayant été discutée dans les conditions que l’on sait, je pense qu’il serait utile d’avoir prochainement un vrai débat sur la médecine du travail.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. J’y serais favorable.
M. Jean-Pierre Godefroy. En effet, le doute ne doit plus subsister, maintenant qu’il y a eu un débat et certaines avancées, notamment issues des propositions de la commission des affaires sociales du Sénat.
Ce qui m’a également frappé à la lecture du bleu budgétaire, c’est que la préoccupation la plus clairement exprimée est celle d’une « rationalisation de l’action publique » par la recherche de synergies avec les autres plans de santé publique, notamment environnementale, et la mise en œuvre de contractualisations. Je crois que la révision générale des politiques publiques, la RGPP, a encore de beaux jours devant elle…
Nous voterons contre l’adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », qui, comme je le regrette, ne traduisent pas une véritable volonté politique et relèvent plutôt d’une vision purement comptable, sous le contrôle – nous le voyons bien – des agences de notation.
C’était déjà le cas pour la réforme des retraites. Aujourd'hui, on ne s’en cache plus. Il va falloir que chacun en tienne compte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission « Travail et emploi » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011.
Je veux avant tout saluer le travail effectué par l’ensemble des membres de la commission des finances et la commission des affaires sociales, sous l’autorité de leur président respectif, M. Jean Arthuis et Mme Muguette Dini.
J’ai entendu sur toutes les travées des remarques, des propositions, des incitations à aller plus loin, à faire davantage ou, au contraire, à ne pas diminuer autant les crédits de tel ou tel programme. J’entends bien ces messages, mais – je le dis très clairement – il y a un véritable changement dans nos pratiques. Certains peuvent s’en étonner, mais c’est ainsi ! Avec la réforme constitutionnelle, les rapports entre l’exécutif et le législatif ont évolué. Ceux qui refuseraient de l’entendre n’auraient rien compris !
D’ailleurs, le Sénat, toutes tendances politiques confondues, a toujours eu une tradition de libre expression ; il n’y a aucune raison qu’elle ne se perpétue pas. Pour ma part, je continuerai à écouter vos remarques et vos demandes, en vous précisant les points sur lesquels il est possible d’évoluer, d’obtenir des avancées, et ceux où ce sera plus difficile.
Je veux aussi remercier de la qualité de leurs travaux M. le rapporteur spécial, Serge Dassault, et M. le rapporteur pour avis, Alain Gournac. Je les retrouve tous deux avec plaisir.
Le ministère dont j’ai la charge réunit désormais le travail et l’emploi, ce qui est très positif aux yeux de nombreux interlocuteurs, notamment syndicaux. C’est au nom du pragmatisme que nous avons souhaité cette réunification, qui permettra de mieux coordonner l’action de l’État afin de revaloriser le travail et de développer l’emploi. Travailler plus, cela signifie également faire travailler plus de nos concitoyens.
Les crédits que nous avons prévu d’affecter à la mission « Travail et emploi » nous permettront de remplir de ces objectifs, et ce dans le respect de nos engagements budgétaires, monsieur Godefroy.
Nous ne cherchons à satisfaire personne d’autre que les Français ! C’est à eux que nous pensons ! De mon point de vue, il vaut mieux savoir faire soi-même les réformes nécessaires, plutôt que d’y être un jour contraint par l’extérieur ! (M. Jean-Pierre Fourcade acquiesce.)
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Comme l’Irlande ou le Portugal !
M. Xavier Bertrand, ministre. Ce sont donc des missions essentielles.
Vous le savez, l’emploi est la priorité des Français. C’est aussi celle du Président de la République et du Gouvernement.
Je le dis clairement, nous avons une obligation de résultat : faire baisser le chômage. Je n’ai aucune intention de me défausser.
La mobilisation du Gouvernement pendant la crise a porté ses fruits, mais nous devons faire encore mieux. Nous le savons pertinemment pour nos concitoyens, le véritable baromètre, le vrai marqueur de la sortie de crise, ce sera l’emploi et le recul du chômage.
Nous allons mobiliser, avec Nadine Morano et en lien avec les parlementaires, les élus locaux et les partenaires sociaux, tous les moyens de la politique de l’emploi sur l’ensemble du territoire national pour conforter cette tendance.
Je commencerai par les deux programmes qui concernent le travail, le programme 155, Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail, et le programme 111, Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail.
Au sein de la mission, d’un budget total de 11,5 milliards d’euros, ces programmes représentent à eux deux 820 millions d’euros de crédits de paiement. Bien évidemment, malgré une légère augmentation de 0,29 % en 2010, ils s’inscrivent dans le cadre de la politique de redressement de nos finances publiques.
La règle du non-remplacement de plus d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite a été appliquée et les effectifs diminueront donc en conséquence de 168 emplois. Les moyens de fonctionnement, hors baux immobiliers, diminueront de 5 % l’an prochain. En outre, des efforts de productivité seront demandés aux opérateurs de ces programmes.
Nous prévoyons cependant le financement de la formation syndicale, au travers de l’engagement de nouvelles conventions triennales entre l’État et les organisations syndicales, avec 73 millions d’euros d’autorisations d’engagement pour les trois prochaines années. Ce point est important. On ne peut pas déclarer préférer les organisations syndicales aux coordinations de terrain et ne pas se donner les moyens d’assurer la formation des militants syndicaux !
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. On ne peut pas vouloir une véritable démocratie sociale et refuser d’admettre que le dialogue passe aussi par la formation.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je sais qu’existe sur certaines travées, parfois de tous bords, la tentation de toucher à ces crédits. Mais, je vous le dis franchement – c’est une simple question de bon sens –, ce ne serait vraiment pas une bonne solution !
Les moyens consacrés à la mesure de l’audience de la représentativité syndicale sont en hausse de près de 35 %. Cette augmentation tient compte de l’adoption de la loi du 15 octobre 2010, qui comporte des dispositions sur la mesure de l’audience syndicale auprès des salariés des très petites entreprises. Nous devons aller au bout des engagements qui ont été pris, notamment à l’issue de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
Je souhaite à présent insister sur les trois priorités de notre politique du travail pour les dix-huit mois à venir.
Premièrement, il importe de continuer à faire évoluer l’organisation du dialogue social. C’est l’objectif de la loi du 20 août 2008 que j’évoquais à l’instant, complétée par la loi du 15 octobre 2010.
Deuxièmement, nous devons poursuivre l’amélioration des conditions de travail. Le deuxième plan Santé au travail pour 2010-2014 nous permet de poursuivre les actions engagées en matière de prévention des risques professionnels et d’amélioration de la santé au travail.
Troisièmement, il s’agit de rendre l’application du droit plus efficace et plus concrète dans les entreprises. Nous nous appuyons à cette fin, notamment, sur l’intervention des services d’inspection du travail et sur l’organisation de la justice prud’homale.
Je le précise, j’aurai également à cœur de faire en sorte que les crédits adoptés soient consommés.
Actuellement, en matière d’amélioration des conditions de travail, voire de santé au travail, certains crédits adoptés ne sont pas dépensés ; ils représentent des millions d’euros.
Ma responsabilité à l’égard des parlementaires que vous êtes est de m’assurer que les crédits adoptés pour répondre, par exemple, à des objectifs de santé et de sécurité au travail, sont effectivement utilisés.
Il s’agit non pas de se faire plaisir en se prévalant d’avoir dépensé les crédits votés par la représentation nationale, mais bien de répondre à un réel besoin d’amélioration !
J’en viens maintenant aux moyens d’intervention des politiques de l’emploi, c'est-à-dire au programme 102, Accès et retour à l’emploi, et au programme 103, Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi.
La forte augmentation des crédits en faveur de l’emploi en 2009 et 2010 était justifiée par la crise. Ce n’est pas un hasard si la France a mieux résisté que nos voisins !
Certes, notre système de protection sociale a servi d’amortisseur ; nous pouvons en être fiers. Mais nous avons aussi voulu renforcer les moyens pour faire face à la crise.
Le chômage a effectivement beaucoup augmenté en France, à hauteur de 33 %. Mais, dans le même temps, la hausse moyenne était de 43 % dans les autres pays de l’Union européenne. Et je n’évoquerai même pas les chiffres du Royaume-Uni, de l’Espagne ou des États-Unis.
Il est vrai que nos voisins allemands connaissent aujourd'hui une légère baisse, de 9 %. Mais il y a tout de même une certitude : je le répète, ce n’est pas un hasard si la France a mieux résisté. Je peux comprendre que ce soit difficile à admettre sur certaines travées ; il est des pudeurs politiques que je peux concevoir ! (Mme Annie David s’exclame.)
En tout état de cause, c’est le choix de cette majorité que d’avoir pris des mesures permettant de résister mieux à la crise.
Nous avons mis sur la table plus de 2 milliards d’euros supplémentaires dès le printemps 2009 dans le cadre du plan de relance. La loi de finances pour 2010 a ajouté une enveloppe de 1,7 milliard d’euros pour maintenir les salariés dans l’emploi, par exemple avec l’activité partielle, ou soutenir ceux qui avaient perdu leur emploi, notamment grâce aux contrats de transition professionnelle et aux contrats aidés.
Mme Annie David. Que vous supprimez cette année !
M. Xavier Bertrand, ministre. Cette politique de relance, que vous avez soutenue par vos votes, a obtenu des résultats.
Nous avons indiqué dès le départ que ces moyens étaient exceptionnels et n’avaient donc pas vocation à être pérennisés.
Mais l’emploi reste une priorité, comme l’a rappelé le Président de la République. Les chiffres sont clairs, hors plan de relance, les moyens progresseront en 2011 par rapport à la loi de finances initiale pour 2010, madame David.
Mme Annie David. De 0,8 % !
M. Xavier Bertrand, ministre. En même temps, nous examinerons avec attention les dispositifs qui sont efficaces et ceux qui le sont moins.
Nous allons cibler les niches sociales et fiscales, comme nous le faisons pour l’ensemble du budget de l’État. C’est le cas, par exemple, des repas des salariés du secteur des hôtels, cafés et restaurants, qui constituent des avantages en nature.
Je pense également à la suppression de l’exonération de quinze points de charges sociales des particuliers employeurs et du régime spécifique des structures agréées dans le domaine des services à la personne. Je sais que ces sujets font débat.
Mme Annie David. Oh oui ! Ils font débat !
M. Xavier Bertrand, ministre. Par ailleurs, la question de savoir s’il fallait revenir sur la niche des emplois à domicile s’est posée à un moment donné.
Le choix a été fait de la préserver. D’ailleurs, le terme de « niche » peut surprendre ou choquer certains. En réalité, la mise en place de ce crédit d’impôt a entraîné une forte baisse du travail clandestin. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
C’est pourquoi nous avons voulu absolument préserver ce crédit d’impôt. C’est un dispositif qui a du sens en matière d’emploi et de protection sociale. Le choix qui a été retenu est beaucoup moins pénalisant que la solution initialement envisagée.
J’insiste aussi sur le fait que nous préservons les avantages pour les personnes fragiles. Grâce à cet avantage fiscal de 50 %, le coût du travail restera toujours inférieur à celui du travail clandestin. Je le précise au rapporteur pour avis Alain Gournac, que je remercie de ses propos.
Nous allons réaliser des économies sur les dispositifs les moins efficients en termes d’emploi. Nos priorités résident dans le soutien aux secteurs créateurs d’emplois et à la reconversion des salariés fragilisés. Je pense à la convention de reclassement personnalisé, la CRP.
S’agissant de l’emploi des seniors, dans le cadre de la réforme des retraites, que vous n’avez pas votée, madame David, …
Mme Annie David. C’est sûr, je ne l’ai pas votée, et je ne le regrette pas !
M. Xavier Bertrand, ministre. … nous avons mis en place une nouvelle aide au recrutement, dotée de 50 millions d’euros.
J’en viens à l’emploi des jeunes que M. le rapporteur spécial, Serge Dassault, a évoqué à de nombreuses reprises.
Au cours de l’année 2009, nous avons créé 30 000 contrats aidés non marchands dits « passerelles » et financé 50 000 contrats d’initiative emploi dans les entreprises. Nous avons créé une prime à l’embauche de jeunes stagiaires en contrat à durée indéterminée. Nous avons renforcé l’accès à l’offre de formation, avec 50 000 nouveaux contrats d’accompagnement formation. Ces contrats permettront aux jeunes d’élever leur niveau de qualification et d’adapter leurs compétences aux besoins actuels du marché du travail.
C’est pour atteindre notre objectif que nous avons aussi permis la scolarisation de 7 200 jeunes dans les écoles de la deuxième chance en 2009 et 2010. Une dotation de 24 millions d’euros est prévue dans le projet de loi de finances pour 2011, comme nous nous y étions engagés.
En outre, nous allons continuer à développer l’alternance.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. C’est très important !
M. Xavier Bertrand, ministre. L’alternance apporte des résultats. Un jeune qui apprend le métier à la fois à l’école et dans l’entreprise a beaucoup plus de chances de garder son emploi. Il a également plus de chances de pouvoir progresser dans l’entreprise dans laquelle il a été formé.
Mme Annie David. Trouvez donc des entreprises qui acceptent de prendre des jeunes en alternance !
M. Xavier Bertrand, ministre. C’est du bon sens. Je ne comprends pas pourquoi certains ont encore parfois des discours d’arrière-garde.
Lorsque nos compatriotes observent ce qui se passe en Allemagne ou, tout simplement, chez nous, ils constatent que les centaines de milliers de jeunes en alternance ont plus de chances de décrocher un emploi durable.
Mme Annie David. Dites-le aux entreprises !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je me réjouis donc de cette formule, et nous allons continuer dans cette voie !
Ainsi, dans le cadre du plan d’urgence pour l’emploi des jeunes, nous avons pris de nombreuses mesures pour soutenir l’alternance. Nous avons déjà obtenu des résultats : près de 600 000 jeunes seront en alternance à la fin de l’année 2010. À terme, l’objectif est de doubler ce nombre.
Je rappelle aussi que, dans le cadre du grand emprunt, conjointement avec Nadine Morano, ainsi que René Ricol, qui accomplit un travail formidable, 500 millions d’euros d’investissements ont été décidés pour financer la création de nouveaux centres de formation en alternance, nos fameux CFA, et des places supplémentaires d’hébergement hors des CFA pour les jeunes travailleurs.
Je sais à quel point l’alternance est une priorité pour M. Jean-Claude Carle ; c’est également une priorité pour nous. Je me souviens avoir discuté dans des entreprises, notamment dans l’Orne, où l’on m’expliquait que, si les CFA étaient en capacité d’accueillir des jeunes, l’absence de structures d’hébergement sur place empêchait les éventuels apprentis de profiter de dispositif.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà pourquoi nous avons décidé de débloquer ces 500 millions d’euros.
Je ne peux pas parler de nos priorités en matière d’emploi sans évoquer le rôle fondamental de Pôle emploi, madame Procaccia.
La fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, voulue par le Président de la République, a été une réforme majeure qui a du sens.
J’étais présent ce midi dans une agence de Pôle emploi des Hauts-de-Seine. Il s’agissait non pas d’une énième visite, mais d’une discussion autour d’une table avec l’ensemble des agents, sans la présence de la presse, de la hiérarchie et des responsables, afin que ces personnels me fassent part de leur vécu et de leur ressenti.
Cette réforme avait, et a toujours, du sens. Les questions relatives à l’indemnisation et au placement sont désormais traitées dans un lieu unique. Une telle fusion est évidemment gigantesque, et demande à ce titre des efforts et un engagement permanents, je le sais bien.
Il ne s’agit pas d’établir une quelconque concurrence entre les maisons de l’emploi et Pôle emploi. Ces deux structures ont chacune leur place. J’y reviendrai, monsieur Alduy.
Je voudrais d’ailleurs remercier les agents de Pôle Emploi, qui ont su s’adapter. Il n’est déjà pas facile, dans le cadre d’une fusion, de changer en profondeur ses habitudes et son mode de fonctionnement. Et c’est encore moins évident dans une situation économique difficile, où il a fallu faire face à un nombre croissant de chômeurs, proposer le meilleur service possible aux demandeurs d’emploi et mettre en œuvre les dispositifs d’accompagnement adaptés.
Je veux souligner aussi les résultats de la grande consultation des demandeurs d’emploi, lancée par Laurent Wauquiez, alors secrétaire d’État chargé de l’emploi. Ils montrent que les deux tiers des demandeurs d’emploi sont satisfaits de la qualité des services de Pôle emploi.
Nous allons renforcer l’efficacité des agences, afin d’améliorer encore le service rendu aux demandeurs d’emploi et aux employeurs.
Nos axes d’action seront les suivants.
Premièrement, nous voulons faire en sorte que la prise en charge du demandeur d’emploi soit de plus en plus personnalisée et humanisée. C’est dans ce but qu’une direction de l’orientation et de la formation a été créée au sein de Pôle emploi.
Deuxièmement, nous voulons mieux répondre aux besoins de recrutement des entreprises, parce qu’il y a encore trop d’offres d’emploi qui ne trouvent pas preneur : 200 000 à 250 000 offres d’emploi chaque année ne sont pas pourvues par Pôle emploi. Cela ne signifie pas que ces emplois n’ont pas du tout trouvé preneur, mais ce sont autant de personnes qui auraient pu regagner un emploi plus rapidement grâce à Pôle emploi.
Troisièmement, nous voulons renforcer les partenariats locaux avec les autres acteurs du service public de l’emploi, selon les préconisations du rapport Van Lerberghe.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je voulais vous apporter.
Je souhaite à présent, afin d’avancer plus vite lors de l’examen des amendements, répondre plus particulièrement à certaines interventions.
Monsieur Carle, même si le sujet ne vient pas en discussion ce soir, le choix gouvernemental ne vise qu’à mobiliser des moyens de trésorerie du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP. En aucun cas nous ne voulons remettre en cause la capacité du Fonds à lancer de nouvelles actions, car – vous avez raison, monsieur le sénateur – ce serait une erreur. De plus, les moyens prélevés sur ce fonds serviront à financer des actions liées à la formation professionnelle. L’argent ne revient pas dans la poche de l’État : il va aux opérateurs, c'est-à-dire Pôle emploi et l’AFPA, qui mettront en œuvre ces politiques sur le terrain.
Monsieur Marsin, l’emploi outre-mer, comme sur l’ensemble du territoire national, est pour nous une préoccupation. Je connais bien les chiffres, même ceux qui ont été publiés ce matin par le Bureau international du travail, le BIT.
Des dispositifs spécifiques existent, comme l’allocation de retour à l’activité en faveur des bénéficiaires de minima sociaux, le contrat d’accès à l’emploi dans les DOM. Plus de 65 millions d’euros sont consacrés spécifiquement à l’outre-mer.
L’outre-mer émarge également aux dispositifs nationaux. Je pense, notamment, aux contrats aidés. Nous y reviendrons certainement, monsieur le sénateur, lors de l’examen des amendements.
Madame David, après votre intervention, je souhaite revenir en détail sur un point que j’ai évoqué rapidement. Les crédits de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, qui se sont élevés à 12,5 millions d’euros en loi de finances initiale, atteindront 11,8 millions d’euros en 2011, soit une baisse de 5,4 %.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Xavier Bertrand, ministre. La baisse sur la période triennale sera de l’ordre de 9,5 %.
Les économies seront réalisées sur les dépenses de fonctionnement de l’Agence, notamment celles concernant l’immobilier. Les capacités d’intervention de l’Agence seront préservées.
Ses priorités d’intervention concernent la gestion des âges, la santé, la sécurité au travail, les troubles musculo-squelettiques et les risques psychosociaux.
Madame Procaccia, les maisons de l’emploi sont nécessaires. J’ai eu l’occasion de le dire à Jean-Paul Alduy, qui possède une véritable expertise sur ce sujet auquel il porte un intérêt soutenu. Je le dis également, avec le regard de maire de Saint-Quentin que je suis, à un autre sénateur qui m’est cher, Pierre André, élu de l’Aisne, ancien maire de Saint-Quentin et actuel président de la communauté d’agglomération de Saint-Quentin, qui a cosigné l’amendement déposé par Jean-Paul Alduy.
Alors que la situation de l’emploi impose toujours la mobilisation totale de l’ensemble des acteurs sur le terrain, les maisons de l’emploi qui fonctionnent et dont l’utilité est perçue par tous continueront à être soutenues. Nous aurons certainement un débat sur les chiffres.
Nous estimons aujourd'hui que la baisse des crédits peut être absorbée compte tenu d’un certain nombre d’investissements qui sont déjà réalisés.
Je sais que vous avez vos arguments, monsieur le sénateur ! (M. Jean-Paul Alduy sourit.) Je le vois à votre sourire… Vous les avez d’ailleurs déjà fourbis, pas seulement pour votre intervention dans la discussion générale à cette tribune, mais aussi pour défendre votre amendement.
L’articulation des maisons de l’emploi avec Pôle emploi devra être simple et claire. La sortie de la crise actuelle devra mobiliser toutes les compétences à cent pour cent. Je suis d’accord avec vous, il n’y a pas de place pour les concurrences stériles (M. Jean-Paul Alduy acquiesce.). Il y en a seulement pour la complémentarité.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne suis pas de ceux qui prônent la suppression des maisons de l’emploi au motif qu’elles font concurrence à Pôle emploi. Ces deux structures ont des vocations différentes, mais l’ambition qui les sous-tend est identique : faire reculer le chômage.
Les maisons de l’emploi n’ont pas vocation à se substituer à Pôle emploi, mais à ajouter des services complémentaires, à savoir les fonctions d’observation du territoire et d’élaboration du positionnement stratégique du territoire. Ce sont deux domaines dans lesquels les maisons de l’emploi apportent une valeur ajoutée importante.
Toutefois, il faut que les uns et les autres dialoguent davantage. C’est notamment le cas dans ma localité où les deux structures sont voisines.
J’ai pu mesurer ce midi, à Pôle emploi, à quel point le dialogue est essentiel. Certains agents ont également souhaité que les élus leur fassent part, une ou deux fois par an, de leurs projets et les informent sur les perspectives de développement de tel ou tel secteur, par exemple, dans le tertiaire, pour permettre de définir les formations pour lesquelles il faudra mobiliser des financements dans les mois à venir. (M. Jean-Paul Alduy acquiesce.) Oui, je plaide pour le renforcement de ce dialogue, qui est également essentiel.
Le nouveau cahier des charges imposera plus de rigueur, c’est vrai, avec un contrôle approfondi des actions des maisons de l’emploi.
Quand l’État décide de déclencher des financements, il faut que ces derniers arrivent en temps et en heure. Les élus ne doivent pas passer leur temps à rappeler à l’État ses obligations relevant des choix budgétaires du Parlement. (MM Jean-Paul Alduy et Michel Bécot applaudissent.)
Vous connaissez tous certainement de telles situations. J’ai dû moi-même y faire face lorsque j’occupais d’autres fonctions, et ce n’est pas parce que je suis passé du statut de parlementaire à celui de ministre que je l’ai oublié. Je sais quelle énergie vous devez souvent dépenser en la matière.
Enfin, au cours de cette discussion générale, j’ai retrouvé M. Serge Dassault, avec ses convictions fortes, bien ancrées. Ce sont des contributions au débat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je tenais à vous apporter sur les moyens que nous consacrons à la mission « Travail et emploi » prouvent que ce secteur est une priorité pour les Français, comme elle l’est pour le Président de la République et pour le Gouvernement. Je vous remercie de votre soutien. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons maintenant procéder à l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.
État B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Travail et emploi |
12 349 771 679 |
11 574 819 639 |
Accès et retour à l’emploi |
6 853 982 885 |
6 189 100 218 |
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
4 503 135 309 |
4 554 262 719 |
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
139 305 493 |
86 932 088 |
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail |
853 347 992 |
744 524 614 |
Dont titre 2 |
592 510 540 |
592 510 540 |
M. le président. L'amendement n° II-344, présenté par Mme Le Texier, MM. Jeannerot et Godefroy, Mmes Jarraud-Vergnolle, Alquier, Campion, Demontès, Printz, Ghali, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Kerdraon, Desessard, Le Menn, Teulade, S. Larcher, Gillot, Courteau, Collomb, Guérini, Raoul et Rebsamen, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l'emploi |
124 000 000 |
124 000 000 |
||
Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
124 000 000 |
124 000 000 |
||
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail |
||||
Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2 |
||||
TOTAL |
124 000 000 |
124 000 000 |
124 000 000 |
124 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement vise à augmenter de 124 millions d’euros la subvention à Pôle emploi afin de permettre à cette structure de faire face aux charges qui lui sont imposées.
Nous avons tous été interpellés par les difficultés dans la gestion de la demande et de l’indemnisation des chômeurs provoquées par une fusion précipitée et désordonnée.
De nombreux impératifs n’ont pas été pris en compte. Des agents ont été mis en demeure de changer de métier, mais n’ont pas reçu à temps la formation nécessaire. Les portefeuilles des conseillers se sont gonflés de manière exponentielle, jusqu’à 200 demandeurs d’emploi dans certaines agences. Les demandeurs d’emploi sont sous-traités à des entreprises privées qui font du chiffre et ponctionnent le budget de Pôle emploi en plaçant des chômeurs sur des contrats de six mois, baptisés contrats de longue durée. Le traitement par téléphone fait des ravages, non seulement parce qu’on ne peut pas joindre un agent sans une longue attente, mais aussi parce que ce mode de traitement est devenu un moyen notoire de radiations massives.
Il est bien évident dans ces conditions que l’aide apportée aux demandeurs d’emploi en est affectée, alors même que la crise a aggravé le chômage. Mais ce n’est pas tout, puisque Pôle emploi, dans une perspective d’économies, prévoit de supprimer 1 800 emplois, dont 300 contrats à durée indéterminée.
Comment, dans ces conditions, améliorer l’accueil et l’aide aux chômeurs ? Par exemple, quels agents seront affectés à la relation avec les entreprises du territoire ?
Ce qui se passe aujourd’hui soulève la question majeure de la manière dont est conçue l’aide à la recherche d’emploi au sein de notre pays, dans le respect des personnes concernées.
Dans le même temps, le Gouvernement impose à Pôle emploi de financer le transfert des psychologues orienteurs de l’AFPA, transfert que personne n’avait demandé.
Pôle emploi devra aussi assumer les frais de gestion des allocations de solidarité des chômeurs en fin de droits, qui relèvent normalement de l’État.
Notre amendement vise à abonder la dotation à Pôle emploi de 124 millions d’euros. Il n’aura pas échappé à votre sagacité que ce montant est exactement celui de la fraction du prélèvement de 300 millions d’euros sur le FPSPP que le Gouvernement destine à Pôle emploi.
Il nous semble nettement préférable – nous ne sommes pas les seuls à le penser – de respecter l’autonomie des partenaires sociaux dans la gestion du FPSPP et de ne pas débudgétiser des crédits d’État, sinon nous serons certainement amenés à de nouveaux bricolages analogues à l’avenir.
C’est pourtant le procédé qui a été choisi pour présenter un budget au déficit limité, non seulement pour réduire la dette, mais également pour afficher des chiffres convenant aux agences de notation internationales.
Dans le cadre de la mission d’information sur le mal-être au travail, que j’ai eu l’honneur de présider, et dont certains membres sont présents dans cette enceinte, nous avons reçu les agents de Pôle emploi. Nous avons pu constater à quel point, dans un certain nombre de cas, ces personnels étaient en profonde détresse, en grand stress et en sérieuse difficulté. Nous avons assisté parfois à des témoignages dramatiques sur leurs conditions de travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. La dotation de Pôle Emploi en 2011 est établie sur la base de l’effort demandé à tous les opérateurs de l’État en vue de réduire des dépenses.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Avis défavorable. J’ai expliqué tout à l’heure pour quelles raisons le Gouvernement s’opposait à ce type d’amendement. Si M. Godefroy le souhaite, je développerai volontiers mon avis.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Le groupe CRC-SPG votera cet amendement.
Jean-Pierre Godefroy l’a bien souligné – j’avais également insisté sur ce point dans mon intervention lors de la discussion générale –, la situation actuelle dans laquelle se trouvent non seulement les salariés de Pôle emploi, mais aussi les publics qui y sont accueillis, n’est pas à la hauteur des attentes des uns et des autres concernant ce service public de l’emploi. Cela ne donne pas une image positive de l’action de l'État dans ce domaine.
Monsieur le ministre, vous dites vouloir défendre le service public de l’emploi et souhaiter lutter contre le chômage de manière efficace. Plutôt que de pressuriser chaque année un peu plus ce service de l’emploi, vous devriez lui accorder plus de considération et le soutenir davantage en lui affectant les budgets dont il a besoin pour aider les demandeurs d’emploi à retrouver le chemin de l’entreprise.
M. le président. L'amendement n° II-362, présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l'emploi |
50 000 000 |
50 000 000 |
||
Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
50 000 000 |
50 000 000 |
||
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail Dont Titre 2 |
||||
Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2 |
||||
TOTAL |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement, dans le même esprit que le précédent, vise à modifier l’affectation des crédits alloués aux différents programmes.
Nous souhaitons abonder les crédits affectés aux maisons de l’emploi, qui subissent cette année une baisse très importante de 37,5 %, et ce malgré l’adoption d’un amendement par l’Assemblée nationale qui les a augmentés de 10 millions d’euros par rapport au projet de loi de finances initial. Le Gouvernement avait en effet prévu une diminution de l’ordre de 47 %.
Même atténuée par les députés, la baisse reste dramatique et met en péril la pérennité des maisons de l’emploi.
Or, depuis leur création en 2005, ces maisons ont réussi, au travers d’une gouvernance très spécifique réunissant à la fois l’État, Pôle emploi et les collectivités territoriales, à mettre en œuvre des politiques territoriales de l’emploi à partir d’un diagnostic analysant les forces et les faiblesses des territoires, ainsi que les besoins des populations, des entreprises et des différents acteurs institutionnels.
Pour justifier cette baisse drastique des crédits, vous arguez que les maisons de l’emploi ne doivent pas faire concurrence à Pôle emploi, comme vous venez de nous le redire à l’instant. L’on doit comprendre que ces maisons sont vouées à disparaître. Or il s’agit non pas de se faire concurrence, mais bien de travailler en complémentarité afin de réduire le chômage, d’autant que la situation actuelle de Pôle emploi est particulièrement préoccupante.
Dans un contexte marqué par un fort faux de chômage, les conséquences d’un affaiblissement de ces services de proximité seront préjudiciables pour les populations et les entreprises.
C’est la raison pour laquelle nous proposons, afin de permettre à cet outil d’animation du territoire de continuer à œuvrer pour réduire le chômage, qui reste la première préoccupation de nos concitoyennes et de nos concitoyens, d’abonder les crédits des maisons de l’emploi à hauteur de 25 millions d’euros.
Dans un second temps, nous proposons d’abonder également de 25 millions d’euros les 4 000 structures de l’insertion par l’activité économique.
Depuis trente ans, ces structures jouent un rôle social et économique indéniable en direction des personnes durablement écartées du marché du travail et enfermées dans l’exclusion. Or la crise économique a plongé dans l’exclusion un grand nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens.
Aujourd’hui, ces structures doivent donc redoubler d’efforts au risque de voir toute une frange de notre population durablement exclue, condamnée au RSA et à la très grande pauvreté.
Pour ce faire, elles ont besoin d’un budget qui soit à la hauteur des enjeux, ce qui est loin d’être le cas.
De même, il faudrait augmenter les aides aux postes qui n’ont pas été réévaluées depuis une dizaine d’années.
Afin de permettre aux maisons de l’emploi et aux structures d’insertion de continuer à jouer leur rôle de proximité et de vecteur de la cohésion sociale, je vous demande d’adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° II-363, présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l'emploi |
30 000 000 |
30 000 000 |
||
Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
30 000 000 |
30 000 000 |
||
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail Dont Titre 2 |
||||
Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2 |
||||
TOTAL |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Je ne vais pas me décourager aussi vite. (Sourires.)
Comme je l’ai souligné dans mon intervention lors de la discussion générale, le Gouvernement orchestre le démantèlement de l’AFPA, par le biais de différentes mesures : transfert des agents d’orientation de l’AFPA vers Pôle emploi, engendrant une crise du recrutement des stagiaires ; financements publics soumis à la loi du marché ; alignement de la gestion de ce service public sur des critères de gestion du secteur privé ; transfert du patrimoine foncier et immobilier.
Ces mesures vont irrémédiablement mettre en cause la capacité de l’AFPA à maintenir sa mission même de formation et d’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi, alors que la situation de l’emploi est plus que préoccupante dans notre pays. Vous en avez d’ailleurs parfaitement conscience, monsieur le ministre.
On pourrait donc croire que c’est à dessein que vous la mettez en péril, pour mieux la livrer au marché privé. La formation professionnelle est en effet un marché évalué à plus de 30 milliards d’euros, marché que la sphère privée souhaiterait, sans nul doute, s’accaparer !
Aujourd’hui, et c’est de votre responsabilité, l’AFPA connaît de sérieuses difficultés financières, qui risquent de s’aggraver si rien n’est fait pour sauver cette structure de formation professionnelle des adultes.
Avec un budget de 57,7 millions d’euros, alors qu’il s’élevait à 716,30 millions d’euros en 2003, l’AFPA ne sera pas en mesure d’assurer ses missions de service public. De même, les conditions de travail de ces personnels, déjà durcies par le gel des embauches, risquent encore de se détériorer !
L’urgence sociale et économique exige d’autres choix. Acteur incontournable dans nos territoires, l’AFPA joue dans le paysage social un rôle de correcteur des inégalités, grâce aux formations qualifiantes qu’elle dispense, et un rôle d’accompagnement adapté aux publics les plus fragilisés, qui est reconnu par tous.
Aussi, nous vous soumettons cet amendement qui a pour objet d’augmenter de 30 millions d’euros les crédits destinés à l’AFPA, en les prélevant sur l’action 3 « Développement de l’emploi » du programme 103, Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi.
Nous proposons d’opérer une ponction sur les crédits liés aux aides aux personnes qui ont souhaité adopter la forme de l’auto-entrepreneur. Nous considérons, en effet, que ce statut est plus que discutable, dans la mesure où il prive de droits et de devoirs toute une catégorie de travailleurs indépendants. En outre, ce statut a conduit à certaines dérives. En effet, certaines entreprises ont imposé à de jeunes diplômés de travailler sous le statut d’auto-entrepreneur plutôt que de les embaucher !
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. L’augmentation proposée des crédits est trop importante. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° II-343, présenté par Mme Le Texier, MM. Jeannerot et Godefroy, Mmes Jarraud-Vergnolle, Alquier, Campion, Demontès, Printz, Ghali, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Kerdraon, Desessard, Le Menn, Teulade, S. Larcher, Gillot, Courteau, Collomb, Guérini, Raoul et Rebsamen, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l'emploi |
28 570 000 |
28 570 000 |
||
Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
28 570 000 |
28 570 000 |
||
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail |
||||
Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2 |
||||
TOTAL |
28 570 000 |
28 570 000 |
28 570 000 |
28 570 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement propose d’augmenter les crédits de l’Association pour la formation professionnelle des adultes.
L’AFPA voit sa contribution au service public de l’emploi et ses moyens se réduire à nouveau.
La subvention de fonctionnement versée à cet organisme pour 2011 est réduite à 57,7 millions d’euros pour l’exécution de ses missions de service public. II s’agit notamment de l’intervention de l’AFPA dans l’accompagnement des mutations économiques et les sujétions de service public imposées par l’État. Il faut y ajouter les charges financières restant à l’AFPA en raison du transfert de l’activité d’orientation à Pôle emploi en 2010. Nous rappelons que la loi de finances pour 2010 prévoyait une subvention de 109 millions d’euros.
Pour 2011, la subvention finançant à titre principal la politique de certification mise en œuvre par l’AFPA est réduite à 5,7 millions euros contre 59 millions d’euros en 2010. C’est avec une partie du prélèvement sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, ou FPSPP, que le Gouvernement parvient à ajouter 50 millions d’euros de crédits.
La faiblesse de la dotation prévue pour l’AFPA correspond à la remise en cause de ce service public et au choix fait par le Gouvernement de laisser à la concurrence le service de la formation professionnelle. La recherche de rentabilité s’est substituée à la conscience du service public.
Dans ces conditions, la question qui va se poser maintenant à l’AFPA, parmi beaucoup d’autres, est celle des investissements, condition de sa pérennisation. Or le montant des subventions d’investissement allouées à l’AFPA n’est que de 10 430 000 euros pour 2011, contractualisées avec les régions dans le cadre des contrats de projets État-région.
Déjà, des formations ont dû être annulées et des hébergements, fermés, en raison de l’insalubrité des locaux. Une solution s’amorce avec la démarche entreprise par les conseils régionaux du Centre et de Poitou-Charentes, en vue d’obtenir un décret du Conseil d’État leur permettant d’acquérir les locaux de l’AFPA dans leur ressort.
Mais cette solution, outre le fait qu’elle est incertaine – on peut d’ailleurs s’interroger sur le transfert de cet effort vers les régions –, ne permet pas de répondre à la situation immédiate pour 2011. C’est pourquoi nous proposons d’abonder de 28 570 000 euros la dotation de l’AFPA pour l’investissement, l’objectif étant dans un premier temps de maintenir sa capacité d’intervention, ce qui est absolument vital.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Cet amendement a le même objet que le précédent. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable.
Comme vous le savez, l’État a prévu de transférer le patrimoine immobilier à l’AFPA. Cela constitue un effort important, qui donnera à l’Association la pleine responsabilité de ses moyens. (Mme Annie David s’exclame.)
Il appartient ensuite à l’AFPA, au sein de son parc immobilier, de dégager les marges de manœuvre, de rationaliser les implantations et d’en céder certaines, ce qui lui permettra de retrouver les moyens nécessaires à la réhabilitation ou la modernisation des implantations, qu’il s’agisse des plus anciennes ou des plus importantes.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je ne voterai pas l’amendement de nos collègues, qui consiste à déshabiller Pierre pour habiller Paul.
L’amendement prévoit de prélever 28,57 millions d’euros de crédit sur la dotation allouée aux contrats d’autonomie inscrite dans l’action n° 2 du programme Accès et retour à l’emploi. Ce prélèvement pénalisera inévitablement l’insertion par l’activité économique, ou IAE.
Nous allons d’ailleurs examiner dans un instant un amendement de M. le rapporteur spécial, Serge Dassault, qui propose d’abonder de 15 millions d’euros la ligne que vous voulez « déshabiller » de 28,57 millions d’euros.
Je suis d’autant plus surpris par votre proposition que j’avais moi-même déposé, l’an dernier, un amendement tendant à revaloriser la ligne qui fait l’objet de l’amendement du rapporteur spécial.
Vous aviez alors soutenu mon initiative, tout comme d’ailleurs le groupe CRC-SPG, au point de regretter le retrait de mon amendement au bénéfice des engagements qu’avait pris le Gouvernement pour apporter une solution sur ce sujet par le biais d’une expérimentation. Nous y reviendrons dans un instant.
Je ne peux donc pas voter un amendement qui vous place en contradiction par rapport à la position que vous aviez adoptée l’année dernière.
Il aurait été préférable que vous touchiez une autre ligne budgétaire que celle-ci. Avec cet amendement, vous êtes en train d’affaiblir l’IAE, ce qui me semble aller à l’encontre de votre engagement en faveur de la réinsertion dans l’emploi des publics en difficulté.
M. le président. L'amendement n° II-25, présenté par M. Dassault, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l'emploi |
15 000 000 |
15 000 000 |
||
Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
15 000 000 |
15 000 000 |
||
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail Dont Titre 2 |
||||
Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2 |
||||
TOTAL |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de mobiliser davantage de fonds en direction de l’insertion des publics les plus en difficulté, notamment les jeunes sans qualification ou résidant dans des zones urbaines sensibles.
Ces crédits seront affectés à la sous-action 2 « Accompagnement des publics les plus en difficulté » dans le cadre de l’action 2 « Amélioration des dispositifs en faveur de l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail », afin d’abonder de 15 millions d’euros les dispositifs suivants : les missions locales, à hauteur de 5 millions d’euros ; les écoles de la deuxième chance, à hauteur de 5 millions d’euros ; enfin, le Fonds d’insertion professionnelle des jeunes, à hauteur de 5 millions d’euros.
J’avoue que j’avais demandé des moyens plus importants à la commission des finances, mais cette dernière ne m’a accordé que 15 millions d’euros.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne peux pas être favorable à cette augmentation de 15 millions d’euros.
Monsieur Dassault, vous vous êtes toujours montré très attentif aux nécessaires réductions de la dépense publique, des déficits publics et de la dette. Vous en avez même fait, à juste raison, votre cheval de bataille.
Tout d’abord, s’agissant des missions locales, la dotation a été maintenue à hauteur de 180 millions d’euros. Si nous avions appliqué de façon mécanique les règles d’élaboration du budget de l’État, qui prévoient une réduction de ses dépenses courantes de 5 % en 2011, nous aurions dû réduire de 9 millions d’euros les crédits affectés à ces missions locales. Or, je le répète, nous les avons conservés intégralement.
Ensuite, les écoles de la deuxième chance étaient financées l’an passé sur le plan de relance et budgétées sur la mission à hauteur de 24 millions d’euros, comme s’y était engagé le Gouvernement.
Par ailleurs, le Fonds d’insertion professionnelle des jeunes a été préservé, lui aussi, à hauteur de 20 millions d’euros.
Par conséquent, l’ensemble de ces crédits ont été préservés, mais je ne peux pas les augmenter.
En outre, monsieur le rapporteur spécial, nous touchons là également à un sujet sur lequel vous intervenez régulièrement. Si l’on vous suivait, il faudrait rembourser à la sécurité sociale les exonérations qui vous servent de gage et trouver l’argent pour le faire, ce qui accroîtrait mécaniquement le déficit public.
Je vous propose donc, monsieur le rapporteur spécial, de retirer votre amendement, faute de quoi je serai obligé d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l’amendement n° II-25 est-il maintenu ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° II-25 est retiré.
Les deux amendements suivants font l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° II-187 rectifié bis, présenté par MM. Alduy, Marini et Cambon, Mmes Morin-Desailly et Férat, M. Lecerf, Mmes Malovry, Deroche et Lamure, MM. J.P. Fournier, Béteille, Doublet, Laurent et Lefèvre, Mlle Joissains, MM. Buffet, Ferrand, J. Blanc, Lardeux, P. André et Chatillon, Mme Desmarescaux, M. Vanlerenberghe, Mme Panis et MM. Braye, Martin, Dubois et Deneux, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l'emploi |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail |
||||
Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2 |
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TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Paul Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. Je ne répéterai pas l’argumentation que j’ai développée tout à l'heure.
Je souhaite tout d’abord remercier M. le ministre pour ses propos concernant les maisons de l’emploi. Ils sont en effet encourageants, et en tout cas très différents de ceux qu’avait tenus son prédécesseur. Je tenais à le souligner.
L’amendement que je propose, vous l’avez compris, vise à abonder le budget actuel des maisons de l’emploi, qui subit aujourd’hui une réduction de 35 %.
Pourquoi ai-je « calibré » ma proposition à 10 millions d’euros ?
Il existe à l’heure actuelle deux cents maisons de l’emploi, dont beaucoup sont récentes et de petite taille. Face à une réduction des crédits de 35 %, on sait très bien que l’essentiel de la diminution sera supporté par les structures les plus importantes, les plus abouties et qui rendent le meilleur service. La réduction qu’elles subiront sera donc supérieure à 35 % : elle atteindra 40 %, voire 50 % ! Cela conduira à asphyxier totalement les maisons de l’emploi les plus utiles.
Par ailleurs, j’ai bien entendu, monsieur le ministre, que l’on peut faire des gains de productivité et que l’on dispose d’économies, notamment dans le domaine de l’investissement.
Appliquer une augmentation de 10 millions d’euros par rapport à l’équation budgétaire actuelle revient, en fait, à diminuer tout de même de 20 % la dotation des maisons de l’emploi.
Par conséquent, une réduction de 20 % du budget global conduirait à faire peser sur les structures les plus importantes une diminution de 25 ou 30 %. Une telle réduction de moyens serait déjà excessivement difficile à « absorber », étant donné qu’un grand nombre de ces maisons de l’emploi sont récentes, je l’ai dit, et ne peuvent pas subir une diminution égale ou supérieure à 30 %.
Une augmentation de 10 millions d’euros correspond donc, à mon sens, au bon « calibrage ». Je signale qu’à l’Assemblée nationale, les députés avaient proposé une augmentation de 30 millions d’euros, qui a été réduite à 10 millions d’euros. L’augmentation de 10 millions d’euros que je propose, s’ajoutant à celle d’un montant égal votée par l’Assemblée nationale, porterait donc à 20 millions d’euros l’augmentation totale de la dotation des maisons de l’emploi.
Tel est l’objet de mon amendement.
M. le président. L'amendement n° II-342, présenté par Mme Le Texier, MM. Jeannerot et Godefroy, Mmes Jarraud-Vergnolle, Alquier, Campion, Demontès, Printz, Ghali, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Kerdraon, Desessard, Le Menn, Teulade, S. Larcher, Gillot, Courteau, Collomb, Guérini, Raoul et Rebsamen, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l'emploi |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail |
||||
Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2 |
||||
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous retirons notre amendement, au profit de l’amendement n° II-187 rectifié bis présenté par M. Alduy, qui a parfaitement exposé la situation.
Je rappelais tout à l’heure à la tribune que la maison de l’emploi et de la formation, dans ma région, a été créée en 1991.
Elle met déjà en œuvre régulièrement toutes les actions que M. le ministre souhaite encourager, à savoir les études prospectives, l’évaluation des besoins des entreprises et la création de formations en fonction des emplois qui doivent se développer dans notre secteur géographique. Elle est donc d’une très grande utilité.
Le sort que vous réservez aux maisons de l’emploi, c’est-à-dire une diminution de 30 % de leur dotation, revient à les condamner à mort. Elles ne pourraient pas s’en remettre, sauf à se tourner vers les collectivités locales, mais j’espère que ce n’est pas le but recherché.
Les maisons de l’emploi constituent des outils extrêmement performants. Elles accomplissent un travail remarquable, notamment dans des bassins d’emplois en difficulté, tel que le mien. C’est grâce à leur action que l’on parvient, notamment, à sauver un certain nombre de jeunes.
J’entends bien que tout le monde doit faire des efforts. Encore faut-il que leur répartition soit juste !
Or la réduction de dotation de 30 millions d’euros infligera, on le voit bien, un choc considérable aux maisons de l’emploi.
C’est une cote mal taillée qui nous est proposée. Même en accordant une revalorisation de 10 millions d’euros de leur dotation, ces maisons de l’emploi n’en subiraient pas moins une réduction de 20 % de leur budget.
Ce serait, à mon sens, un effort suffisant, surtout si on le compare à celui fourni par d’autres.
M. le président. L’amendement n° II-342 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° II-187 rectifié bis ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. L’Assemblée nationale a déjà abondé ces crédits de 10 millions d’euros.
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je vais vous parler très franchement. J’étais encore député quand la première phase de cette discussion sur le financement des maisons de l’emploi s’est ouverte devant le Parlement.
La maison de l’emploi de ma commune, Saint-Quentin, que j’évoquais tout à l’heure à la tribune, rend des services ; je veille donc à ce que son financement soit assuré et à ce que l’argent promis par l’État lui soit versé en temps et en heure. Cela évite au maire que je suis d’intervenir en permanence pour obtenir le décaissement des fonds et de se retrouver en cessation de paiement. Je ne dois pas être le seul maire dans ce cas.
Quand je suis arrivé au ministère, on m’a demandé de présenter la suite de ce projet devant le Sénat. J’ai alors demandé que l’on m’explique comment il serait possible de supporter cette baisse de 37 millions d’euros. J’étais très sceptique, c’est le moins que l’on puisse dire !
L’explication que je vais vous donner, je l’ai faite mienne. Croyez-moi, je ne suis pas du genre à changer de conviction en même temps que de fonction. Ce n’est pas le genre de la maison ! Il est vrai qu’auparavant, j’avais demandé à ce que l’on m’explique les tenants et les aboutissants du problème dans le détail.
Certes, Jean-Paul Alduy a raison de dire qu’un véritable examen dans le détail devrait se faire au cas par cas : une maison de l’emploi qui compte trois salariés n’est pas dans la même situation qu’une autre employant dix, quinze ou vingt salariés.
Pour faire des économies, on se tourne naturellement vers les maisons de l’emploi dont les dépenses de fonctionnement sont les plus importantes. Or ce n’est pas la chose la plus intelligente à faire. En effet, si l’un de ces établissements emploie de nombreux salariés, la raison en est peut-être que, dans ce secteur, le bassin d’emplois est important et le taux de chômage supérieur à la moyenne nationale. C’est le cas, notamment, à Saint-Quentin, même si cette commune n’est pas représentative de la France entière. Après tout, mon expérience d’élu local me sert aussi dans mes fonctions ministérielles.
Comment ces 37 millions d’euros se décomposent-ils précisément ? Cette évaluation n’a pas été faite au doigt mouillé ou par hasard.
Tout d’abord, cette somme comprend 25 millions d’euros, dont la moitié correspond à des investissements qui sont achevés. En 2011, il n’y aura plus de nouveaux conventionnements au titre des investissements dans les maisons de l’emploi. Ces investissements sont désormais derrière nous, l’aménagement nécessaire des structures ayant été réalisé au cours de la première convention. Si vous pouvez me citer d’autres exemples, je suis prêt à les entendre et à les faire miens.
Ensuite, s’agissant de la seconde moitié des 25 millions d’euros, j’indique que nous avons apuré la dette du passé et payé les charges. Les acomptes et les soldes antérieurs au 1er janvier prochain diminueront en 2011, notamment grâce à la déconcentration du dispositif. Vous savez comme moi que les dépenses importantes ont été réalisées au début de l’opération, c’est-à-dire en 2010. Nous n’aurons plus à les réaliser en 2011. C’est d’ailleurs le point sur lequel j’ai demandé le plus d’explications.
Sur le total de 37 millions d’euros, si l’on déduit les 25 millions d’euros dont je viens de décrire la décomposition, il reste 12 millions d’euros.
Il fallait donc trouver des mesures à la fois moins coûteuses et plus efficaces pour répondre à l’objectif fixé de réduction des moyens.
Ainsi, nous avons adopté un nouveau cahier des charges, qui se traduira nécessairement par des économies. Elles seront de l’ordre de 2 millions d’euros.
Enfin, les 10 millions d’euros d’augmentation des crédits votés par l’Assemblée nationale nous permettront d’atteindre les 12 millions d’euros pour couvrir l’ensemble de ce budget.
Il ne s’agit pas de faire une mauvaise façon à la Haute Assemblée. Nous ne vous disons pas : « Circulez, il n’y a rien à voir ; les députés ont fait le travail, et vous n’avez plus rien à dire ! ». Pas du tout ! Je n’ai jamais procédé ainsi. Il s’agit simplement de vous dire que les 10 millions d’euros qui ont été ajoutés par l’Assemblée nationale nous paraissent sincèrement suffisants.
Des questions de fond ont été posées, notamment sur la complémentarité. Certains se sont ainsi demandé comment établir la meilleure articulation possible entre les maisons de l’emploi, Pôle emploi et les missions locales.
Je serai très franc et je ne vous raconterai pas d’histoires : après les votes, il y a l’exécution budgétaire. Étant donné les conventionnements mis en place, même si l’on ajoutait les 10 millions d’euros que vous proposez, le problème des conventions établies se poserait toujours. Êtes-vous certains que nous ne retomberons pas dans les errements du passé ?
En revanche, avec les 10 millions d’euros votés par l’Assemblée nationale, je prends l’engagement devant vous de trouver la formule adéquate. Loin de moi l’idée de critiquer le bilan de mes prédécesseurs ; au contraire, je le fais mien. Être élu sénateur, maire, ou être nommé ministre, ce n’est pas écrire une page blanche : on assume les actions engagées auparavant.
Je suis prêt à m’engager, sur la base des crédits votés, pour trouver les moyens nécessaires et pour faire en sorte que les financements et les subventions soient versés en temps et en heure.
Nous avions un problème : certains cahiers des charges étaient finalisés, mais les conventions ne l’étaient pas totalement. Désormais, ce problème est réglé.
Je tiens à dire à Jean-Paul Alduy, ainsi qu’aux membres de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, que si la Haute Assemblée souhaite aller plus loin et examiner les problèmes spécifiques qui ont été pointés du doigt au cours de cette discussion, je suis prêt à les accompagner dans cette démarche.
En tout état de cause, j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement, s’il est maintenu.
L’argumentation que l’on m’a livrée m’a convaincu. Elle permet, à la fois, de tenir compte des impératifs de réduction des dépenses sur lesquels nous nous retrouvons tous, et de garantir le bon fonctionnement de ces maisons de l’emploi dont je suis un partisan et un militant.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je suis, moi aussi, un militant des maisons de l’emploi. J’ai participé, en tant qu’élu local, à l’ouverture d’une de ces maisons dans mon département. C’était en 2005, à une époque où chacun déplorait la séparation entre l’UNEDIC et l’ANPE. On pensait alors que les maisons de l’emploi permettraient de rassembler ces deux services et d’en améliorer l’efficacité.
Depuis, l’ANPE et l’UNEDIC ont fusionné pour constituer Pôle emploi. Nous devons donc vérifier qu’il n’y ait pas de doublons entre les maisons de l’emploi et Pôle emploi.
Mme Marie-Thérèse Hermange. C’est exact !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous sommes en discussion budgétaire et que notre préoccupation fondamentale doit être de réduire le déficit public.
Nous sommes ici en présence d’une ligne de crédits d’intervention que le Gouvernement s’est efforcé de comprimer. Il faut saluer cette démarche, qui mérite notre reconnaissance.
L’idéal serait d’aller voir sur le terrain ce qu’il en est. Je ne suis pas certain que chacune des maisons de l’emploi ait réellement consommé tous les crédits mis à sa disposition. J’ai pu observer que des études avaient été lancées sur ce sujet.
L’emploi est naturellement un problème poignant, et tous les élus entendent être partenaires du service de l’emploi. Nous avons cependant le devoir de faire des maisons de l’emploi des lieux de concertation, d’observation, d’évaluation, j’oserais même dire de « mise sous pression » de Pôle emploi.
S’il apparaît qu’il existe des dysfonctionnements au sein de Pôle emploi, la maison de l’emploi doit être le lieu de l’échange, pour établir un diagnostic partagé et déclencher les mesures permettant d’améliorer l’efficacité de Pôle emploi.
Dans mon département, certaines communautés de communes ont créé de petites équipes chargées de l’emploi. Il serait plus opérationnel de passer une convention avec Pôle emploi et ses équipes et d’installer un terminal de Pôle emploi au siège de la communauté de communes, sur la base d’un cahier des charges très clair.
M. Gérard César. Très bien !
M. Alain Vasselle. Très juste !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Aujourd’hui, des agents des communautés de communes font en double ce que fait déjà Pôle emploi. Cela n’a pas de sens.
Méfions-nous de tous ces doublons ! Alors que nous voulons rationnaliser l’offre de service public, nous mettons en place de nouvelles structures multipliant les guichets pour les premiers intéressés, c’est-à-dire les demandeurs d’emploi. Aux yeux des employeurs qui cherchent parfois désespérément des collaborateurs, ces situations sont scandaleuses. Ce n’est pas en créant des maisons de l’emploi que l’on résoudra tous les problèmes. Sauf à vouloir créer un doublon de Pôle emploi.
Monsieur le ministre, vos services doivent donc procéder à des évaluations des maisons de l’emploi.
Les parlementaires pourraient d’ailleurs faire de même. Ainsi, au Sénat, le rapporteur spécial de la commission des finances pourrait judicieusement, dans le cadre de son programme de contrôle pour l’année à venir, évaluer certaines de ces maisons et étudier leur fonctionnement.
Voter des crédits ne signifie pas que vous devrez les dépenser intégralement ! S’il vous apparaît que des économies sont possibles, vous ne devrez pas hésiter un seul instant à les prendre en compte avant de mettre les fonds à la disposition des maisons de l’emploi. Je me permets d’insister sur ce point.
Pour ma part, je crois beaucoup à ces maisons de l’emploi, lieux de concertation qui faisaient défaut jusqu’à présent.
Il importe que l’administration de Pôle emploi accepte de mettre sur la table un certain nombre de données et de se soumettre à une évaluation.
Il s’agit, ce faisant, non pas de compliquer la tâche de cet organisme, mais de réunir les meilleures conditions pour la réussite de la rencontre entre ceux qui cherchent un emploi et ceux qui en proposent.
Ne mettons donc pas en place de nouvelles administrations : elles sont toutes sources de dépense publique et, d’une certaine façon, de gaspillage des fonds publics.
M. Gilbert Barbier. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À la vérité, la commission des finances n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur cet amendement signé, notamment, par MM. Alduy et Marini. Mais ce sont là de telles références qu’il est difficile de ne pas s’en remettre à l’avis du Gouvernement. Cela étant, je pressens que nous aurons à nouveau ce débat en commission des finances.
Mes chers collègues, je vous le rappelle, notre tâche n’est pas de répartir 10 millions d’euros ici ou là. Elle est de veiller à ce que ces moyens soient convenablement utilisés sur le terrain.
Autrement dit, je suis un militant des maisons de l’emploi, mais je suis conscient qu’il existe des marges de progression.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Ma commune compte une maison de l’emploi, une mission locale et un Pôle emploi.
Mme Annie David. Vous avez de la chance !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. On oublie trop souvent les missions locales, qui jouent un rôle fondamental auprès des jeunes de moins de vingt-cinq ans, dont ne s’occupent ni Pôle emploi ni la maison de l’emploi.
Ce sont surtout les missions locales qui procurent du travail aux jeunes au chômage ou qui traînent dans les quartiers ! (Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit.)
Il est important de développer les missions locales dans les communes. J’avais demandé qu’on y consacre un peu d’argent ; malheureusement, cela n’a pas été accepté. Elles sont beaucoup plus intéressantes et efficaces que les maisons de l’emploi.
Je partage donc l’avis de M. le président de la commission des finances et de M. le ministre.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. On ne peut envisager une évaluation des maisons de l’emploi d’un point de vue uniquement financier. Si elle a lieu, il est extrêmement important d’y associer la commission des affaires sociales.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. J’ai bien entendu les propos de M. le ministre et de M. le président de la commission des finances concernant l’évaluation des maisons de l’emploi : effectivement, il faut éviter de créer des doublons ou d’abonder des coquilles vides.
Nous avons, dans nos territoires, des maisons de l’emploi qui arriveront à maturité en 2011. Je tiens à défendre celle du Saumurois, qui est installée dans un secteur fragile de mon département ; elle accomplit un travail remarquable et les élus locaux y sont particulièrement attachés. Nous craignons que la diminution de ses crédits ne mette en péril sa mission, qui s’inscrit dans le cadre d’un cahier des charges et des objectifs définis par M. le ministre. C’est la raison pour laquelle je voterai cet amendement, dont je suis signataire.
Il existe des spécificités territoriales : toutes les maisons de l’emploi ne répondent pas forcément aux mêmes attentes. Celle du Saumurois répond à un réel besoin. L’adoption de cet amendement permettrait d’envoyer un signal fort aux élus locaux.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. M. le président de la commission des finances a parlé d’or !
M. Gérard César. Comme toujours !
M. Alain Vasselle. Je souhaite qu’il puisse transformer cet essai. M. le rapporteur spécial, Serge Dassault, pourrait prendre une initiative en matière d’évaluation des maisons de l’emploi et de Pôle emploi.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Exactement !
M. Alain Vasselle. Comme le disait à l’instant M. le rapporteur pour avis, ce n’est pas uniquement une question…
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. D’argent !
M. Alain Vasselle. En effet, monsieur le rapporteur pour avis, au-delà de son aspect comptable, c’est une question d’efficacité.
De ce point de vue, faut-il privilégier la complémentarité entre les deux organismes ou leur émulation au travers de la concurrence de leurs missions ?
N’oublions pas que ce sont des deniers publics qui sont en jeu.
M. Alain Vasselle. Essayons donc plutôt de jouer la complémentarité au lieu de créer de la concurrence entre deux établissements publics.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Alain Vasselle. Dans un premier temps, j’étais prêt à soutenir cet amendement. En effet, j’ai eu des contacts avec la maison de l’emploi de mon département, très inquiète de cette diminution de crédits. La crainte était que les collectivités locales soient obligées de compenser le désengagement de l’État.
Toutefois, selon les explications fournies par M. le ministre, l’enveloppe en cause est composée pour moitié de crédits destinés à l’investissement et pour l’autre moitié de crédits de fonctionnement.
Si j’ai bien compris, le montant dévolu à ces derniers reste à peu près stable. En revanche, les investissements étant inférieurs à ceux des années précédentes, la somme qui leur est attribuée doit être minorée, ce qui justifie la diminution de 25 % par rapport aux crédits budgétés en 2010. J’ajoute qu’elle est tout de même limitée : elle n’est pas de 50 % ! Par conséquent, dans la mesure où il n’y a plus autant d’investissements à réaliser, si j’en crois le Gouvernement, l’enveloppe prévue à cet effet devrait suffire.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Alain Vasselle. Je suis donc prêt à suivre le Gouvernement, d’autant plus, monsieur Alduy, même si je partage votre inquiétude, que le ministre a pris un engagement très clair,…
Mme Annie David. Comme chaque année !
M. Alain Vasselle. … celui de veiller à ce que les maisons de l’emploi puissent continuer à fonctionner correctement. Si, toutefois, certaines d’entre elles, y compris celle de Perpignan, sont confrontées à des difficultés, il est prêt à étudier leur situation.
En tout état de cause, j’insiste sur la nécessité d’une évaluation conjointe de Pôle emploi et des maisons de l’emploi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Alduy. Tout d’abord, je veux souligner que, à l’heure actuelle, la réduction atteint globalement plus de 35 %, voire 50 % pour les structures qui sont à maturité.
Mme Annie David. Tout à fait !
M. Jean-Paul Alduy. Mais comment ces organismes en pleine crise, sollicités tous les jours par les syndicats professionnels, les chambres de commerce, les collectivités locales, pourront-ils assumer une telle diminution ?
Ensuite, force est de constater, monsieur le ministre, que les économies sur investissement ne figurent pas dans ce budget. L’investissement se trouve sur d’autres lignes.
Mme Annie David. Oui !
M. Jean-Paul Alduy. Je ne comprends donc pas ce qui nous est dit.
Par ailleurs, j’en conviens, il faut réaliser des évaluations, mais tel est déjà le cas. En effet, nous avons affaire ici non pas à Pôle emploi, mécanisme national, mais à des structures totalement décentralisées. Les évaluations se font commune par commune, département par département, maintenant que la première étape de la mise en place des maisons de l’emploi est achevée. Ainsi, au cours de cette année, sous l’autorité des préfets, dans le cadre du service public de l’emploi, chaque maison de l’emploi a été évaluée afin de bâtir les chartes pour 2011, 2012 et 2013.
Si, malgré les évaluations, les préfets ne repèrent pas les doublons, il y a lieu de s’interroger sur l’utilité de leur mission. Ils doivent se mettre autour de la table pour rechercher les doublons. Pôle emploi doit en faire autant. Les élus eux-mêmes ne supportent pas ces doublons.
Instituer un débat national pour vérifier s’il ne faut pas, par exemple, mener une politique de fusion des missions locales et des maisons de l’emploi, pourquoi pas ? Cette question relève de l’échelon national.
Qu’à un moment donné l’on restructure de manière très précise les chartes des maisons de l’emploi sur le plan national, j’y suis favorable. Nous devrons bien, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur pour avis, nous engager dans cette direction.
Mais, je le répète, une diminution de 35 % des moyens ne permettra pas de gérer les conventions actuellement négociées sur le terrain, et les collectivités locales devront pallier les insuffisances du budget de l’État.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, lors de votre intervention liminaire, vous vous êtes réjoui de la révision constitutionnelle qui a renforcé les pouvoirs du Parlement.
En l’espèce, un certain nombre de parlementaires vous demandent de déplacer 10 millions d’euros d’un programme à un autre, à dépenses constantes.
S’il nous est impossible à nous, parlementaires, de déplacer un crédit d’une ligne à une autre à l’intérieur d’un budget constant, à quoi servons-nous ? C’est une question de principe.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. Pour ma part, j’ai créé une mission locale voilà dix ans, parce que l’AFPA ne fonctionnait pas et parce que je n’étais pas satisfait de la mission qui existait.
L’administration centrale, à l’époque, m’a empêché de fusionner la mission locale et la maison de l’emploi en raison du statut particulier de la mission locale, de lois différentes, de problèmes de présidence, de subventions budgétaires, d’intervention du conseil régional, entre autres.
Les maisons de l’emploi ont un avantage principal : les représentants des entreprises y siègent conjointement avec les élus, ce qui leur permet de discuter ensemble des orientations, des évolutions de la politique d’urbanisme.
C’est le cas notamment dans ma ville, où j’ai pu, grâce à cet outil, créer un certain nombre d’emplois. Pôle emploi, quant à lui, était tout à fait en dehors de l’opération.
Monsieur le ministre, vous considérez, compte tenu de la situation des investissements, des retards de paiement, que je reconnais volontiers, et du vote de l’Assemblée nationale, que les problèmes ne sont pas tragiques. Vous êtes redevenu ministre ! Je ne dis pas qu’il s’agit à tout prix de voter des transferts. Mais, tout de même, si nous n’avons pas la possibilité de modifier dans le cadre d’un budget à dépenses constantes l’affectation d’un crédit à un autre, à quoi servons-nous ?
Mme Marie-Thérèse Hermange. Exactement !
M. Jean-Pierre Fourcade. On a fait avaler au Sénat nombre de textes et de dispositions, puis, quelques années plus tard, les jugeant inadaptés, on le prie de les modifier.
J’estime que les maisons de l’emploi sont un vrai sujet. Il ne faut pas décourager les chefs d’entreprise qui ont accepté de discuter avec les élus sur le terrain pendant quelques heures et de réfléchir à la manière d’orienter les jeunes, mais aussi les travailleurs âgés. En effet, il va bien falloir tenter de reconstituer la force de travail des salariés âgés de plus de 55 ans. C’est dans les maisons de l’emploi que l’on pourra créer des systèmes de tutorat et organiser différents dispositifs.
Monsieur le ministre, vous estimez trop élevée la somme de 10 millions d’euros. Je crois que M. Alduy serait d’accord pour retenir un chiffre inférieur. (Rires.)
Il faut absolument que nous montrions que nous sommes favorables à une certaine connexion entre les entreprises. D’ailleurs, j’ai appelé la maison que j’ai bâtie « Maison des entreprises et de l’emploi », pour bien la distinguer de Pôle emploi.
Essayons de trouver un chiffre raisonnable, qui permettrait de donner satisfaction à tout le monde. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si M. Alduy pouvait rectifier son amendement et retenir le chiffre de 5 millions d’euros, peut-être pourrions-nous conclure ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Avant de passer à la négociation entre 20, 15, 10 millions d’euros – le Normand, dans cet hémicycle, c’est moi ! – (Sourires.)…
M. Ambroise Dupont. Nous sommes deux ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. … je veux formuler deux observations.
Tout d’abord, une distinction me semble nécessaire. Les maisons de l’emploi et de la formation qui existent depuis longtemps ont un impact colossal sur le lieu de leur implantation. Nos concitoyens s’adressent naturellement à elles. En revanche, celles qui ont été créées plus récemment peuvent donner l’impression de constituer un doublon avec Pôle emploi.
Je partage totalement les propos de M. Alduy. Les plus anciennes de ces maisons vont connaître une diminution drastique de leurs crédits et n’auront pas d’autre solution que de se tourner vers les collectivités locales.
Monsieur le ministre, contrairement à vos dires, il me semble que c’est non pas l’investissement, mais le fonctionnement qui est visé. Ce point mérite quelques explications.
Ensuite, les maisons de l’emploi et de la formation jouent un rôle important, que le Gouvernement devrait prendre en compte. Ainsi, lors du débat sur la réforme des retraites, indépendamment des mesures techniques qui ont été adoptées, le cœur du problème était bel et bien la création d’emplois. Or ces organismes sont de grands vecteurs pour créer des emplois, pour assurer une coordination entre les entreprises, pour préparer les métiers d’avenir et les futures embauches.
Pour 10 millions d’euros, on risque de faire fausse route et de mettre en difficulté des maisons qui fonctionnent très bien.
Je pourrais me rallier à un amendement mixte, en quelque sorte…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Allez, on vote !
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président de la commission des finances, je souhaite insister sur les risques dommageables que l’on fait prendre à de telles structures qui existent depuis très longtemps et qui ont servi de modèle à M. Borloo lorsqu’il a créé de par la loi les maisons de l’emploi et de la formation.
Si aujourd’hui les élus locaux sont alertés, c’est en raison de l’inquiétude des salariés de ces maisons de l’emploi et de la formation quant à leur avenir.
Et puis, vous l’avez dit, même si 10 millions d’euros sont inscrits au budget, nul n’est obligé de les dépenser.
M. Jean-Pierre Godefroy. La réduction de crédits prévue permettra-t-elle cependant aux maisons de l’emploi de fonctionner tout au long de l’année prochaine ? C’est toute la question. Si leur fonctionnement est impossible, alors il faut accorder une « rallonge ». S’il est possible, j’aimerais que l’on me le démontre sans ambigüité.
Si nous ne rétablissons pas l’équilibre ce soir, quand le ferons-nous en cours d’année ? Nous aurons perdu du temps pour rien.
En l’état, l’amendement présenté par M. Alduy me paraît tout à fait acceptable. Si toutefois une négociation a lieu au sein de la majorité pour retenir un montant autre que les 10 millions d’euros prévus, nous verrons ce que nous ferons.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je n’ai que mes arguments, auxquels je crois, à opposer à l’expérience de Jean-Pierre Fourcade ou au talent oratoire de Jean-Paul Alduy.
Madame Deroche, quelles mesures comporte le cahier des charges national qui ne sauraient être financées avec le budget proposé ? Prévenez-moi tout de suite si la maison de l’emploi de votre circonscription – je ne sais pas si elle est conventionnée – ne peut pas mener à bien une action figurant dans le cahier des charges.
Cela étant, une chose est certaine : tout ce que comporte aujourd’hui le cahier des charges…
M. Jean-Paul Alduy. Non !
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, permettez-moi de finir ma phrase et donnez leur chance à mes arguments ! Ne les refusez pas par avance.
Toutes les actions figurant dans le cahier des charges seront financées par l’État en temps et en heure.
Monsieur Fourcade, le droit d’amendement, avant comme après la révision, est constitutionnel. Bien sûr, vous avez le droit d’apporter des modifications.
M. Jean-Pierre Fourcade. Merci, monsieur le ministre !
M. Xavier Bertrand, ministre. Certes, la lecture de l’article 40 de la Constitution est parfois différente à l’Assemble nationale et au Sénat, le pouvoir d’appréciation est parfois plus important dans l’une des deux assemblées. Je n’aurais pas utilisé un argument si vous ne l’aviez fait vous-même. Où prélevez-vous les 10 millions d’euros ? Sur quelle ligne ? Le gage porte sur des conventions de gestion prévisionnelle et de compétences envers des branches professionnelles et des territoires, sur des actions déjà engagées.
Pourquoi prélever 10 millions d’euros, que nous ne dépenserons peut-être pas, sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC ?
Monsieur Alduy, vous avez déposé cet amendement pour savoir si le Gouvernement soutenait les maisons de l’emploi, et s’il le faisait du bout des lèvres, comme vous en avez eu le sentiment pendant longtemps, ou s’il les soutenait pleinement. Voilà la vérité !
Je ne veux être ni votre interprète ni votre porte-parole, mais voici la vraie question que vous nous adressez par cet amendement, monsieur le sénateur : étranglez-vous doucement les maisons de l’emploi en réduisant les budgets jusqu’au dernier souffle ou bien y croyez-vous vraiment ? Comme je l’ai dit tout à l’heure à la tribune, j’y crois fermement, ce n’est pas simplement une bonne intention !
Par ailleurs, je ne confonds pas le budget d’investissement et le budget de fonctionnement. Effectivement, il s’agit d’une réduction de 35 %. Au final, après le passage du texte à l’Assemblée nationale, de 94 millions d’euros nous passons à 67 millions d’euros, et je ne compte pas deux fois les investissements.
Mais, dans cette somme, 12 millions d’euros sont consacrés aux investissements et aux aménagements de structures déjà réalisées. Or on n’investit plus aujourd’hui, même dans les conventionnements, dans de nouvelles maisons de l’emploi. On ne fait plus de travaux et on n’achète plus de locaux. En outre, ce sont les grosses opérations et non les dépenses de personnels qui sont comptabilisées.
Réduire le budget constant de 35 % serait impossible. Même chez moi, à Saint-Quentin, je ne saurais pas le faire ! C’est une évidence, je ne m’amuse pas à cela !
J’essaie en permanence d’avoir à la fois le regard du maire de Saint-Quentin et celui du ministre. Cela aide à ne pas faire d’erreur technocratique !
Que ce soit 10 ou 5 millions d’euros, 20 ou 8 millions d’euros, là n’est pas le problème. Il ne s’agit pas de vous donner satisfaction pour vous faire plaisir, si, en fonction des conventionnements et du cahier des charges, vous n’avez pas cet argent.
Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, si vous souhaitez plus de détails, dites-moi quels sont vos critères d’évaluation, et je prendrai mes responsabilités.
Avec ce budget, nous avons largement les moyens de fonctionner, mais je m’engage à donner les instructions en interne pour que les crédits votés ce soir soient bien débloqués et fassent tourner les maisons de l’emploi. (Mme Christiane Kammermann et M. Alain Vasselle applaudissent.)
M. le président. Monsieur Alduy, l'amendement n° II-187 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Paul Alduy. La seule garantie que j’ai, c’est que M. le ministre est maire de Saint-Quentin ! Quand il se verra obligé d’utiliser le budget de la commune pour faire survivre sa maison de l’emploi, je suppose qu’il commencera à changer d’avis !
J’ai essayé de faire l’exercice à Perpignan. Je suis incapable de réduire de plus de 20 % le budget, dans le cahier des charges qui m’est donné.
Une réduction de 35 % n’est pas supportable pour des maisons de l’emploi qui fonctionnent, dans une période de crise où les sollicitations sont multiples. Jean-Pierre Fourcade a raison, c’est le seul endroit où les entreprises sont présentes et où l’on peut aborder la question des freins sociaux et culturels à l’accompagnement vers l’emploi. C’est le seul endroit où la négociation avec les syndicats, les entreprises et les associations d’entreprises peut se réaliser !
Une réduction de 35 % n’est pas possible, je le répète, monsieur le ministre !
M. le président. Mon cher collègue, rectifiez-vous votre amendement ?
M. Jean-Paul Alduy. Je suis prêt à accepter la proposition d’une réduction de 5 millions d’euros si, dans six mois, un bilan évalue le nombre de maisons de l’emploi qui n’ont pas pu fonctionner.
M. le président. Je suis donc saisi de l’amendement n° II-187 rectifié ter, présenté par MM. Alduy, Marini et Cambon, Mmes Morin-Desailly et Férat, M. Lecerf, Mmes Malovry, Deroche et Lamure, MM. J.P. Fournier, Béteille, Doublet, Laurent et Lefèvre, Mlle Joissains, MM. Buffet, Ferrand, J. Blanc, Lardeux, P. André et Chatillon, Mme Desmarescaux, M. Vanlerenberghe, Mme Panis et MM. Braye, Martin, Dubois et Deneux, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l'emploi |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail |
||||
Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2 |
||||
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° II-360 rectifié, présenté par M. Vasselle, Mmes Dini, Debré et Henneron, M. Lefèvre et Mme Rozier, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l’emploi |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
||||
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travailDont Titre 2 |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement revient à une proposition comparable à celle que j’avais faite l’année dernière.
J’avais accepté de retirer cet amendement en me fondant sur les engagements de M. Laurent Wauquiez, alors secrétaire d'État chargé de l’emploi, qui avait indiqué, à l’époque, que de nouvelles modalités de financement allaient être orientées vers les structures d’insertion par l’activité économique, ou SIAE. Or rien n’est intervenu depuis.
Une expérience, conduite dans quatre départements, le Doubs, la Gironde, le Rhône et le Haut-Rhin, a été chiffrée et a mis en lumière, de façon de neutre et partagée, un constat avancé depuis longtemps par les structures d’insertion : ces SIAE souffraient d’un manque de financement allant de 700 euros à 6 000 euros par poste, selon le type de structure.
Ce sous-financement a un impact direct sur leur santé financière. Ainsi, 53 % d’entre elles sont en déficit d’exploitation, soit 103 structures au sein de l’échantillon d’expérimentation. Ce déficit les met immédiatement en péril.
J’avais donc alerté le Gouvernement sur ce point, et M. Wauquiez s’était engagé à apporter, dans le courant de l’année 2010, des réponses aux inquiétudes de ces structures.
Sans vouloir mettre en difficulté le nouveau ministre chargé de ce dossier – je suis prêt, une nouvelle fois, à faire confiance au Gouvernement –, j’aimerais que l’on m’explique les raisons pour lesquelles aucune réponse concrète n’a été apportée à l’appel de ces structures.
Je l’ai dit, chaque fois que l’État investit un euro dans une entreprise d’insertion, elle récolte trois euros dans le budget de l’État et de la sécurité sociale.
L’effet de levier de cette proposition est donc entièrement profitable pour le budget de l’État. Je ne comprendrai donc pas que l’on ne puisse pas accepter d’abonder cette ligne, qui sert un public en extrême difficulté et ayant du mal à se réinsérer dans l’emploi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne veux pas être parcimonieux avec le crédit de confiance qui m’est accordé par les sénateurs et les sénatrices ; je souhaite simplement faire le point sur la situation, même si, en un an, les réponses ne sont pas connues.
À la demande de M. Wauquiez, un cabinet de consultants a travaillé et a essayé de mettre en place le financement des structures. Les conclusions ont été remises à la rentrée, au mois de septembre, mais le processus n’a pas encore abouti. En effet, le sujet est complexe et nous voulons trouver un consensus avec les têtes de réseaux. Nous n’avons pas réuni l’ensemble des réponses.
Monsieur Vasselle, je sais que vous continuerez à suivre ce dossier et je m’engage à donner suite à ces démarches pour trouver un consensus.
Tel est le stade où nous en sommes. Donc, oui, très sincèrement, un an après, je le confesse, nous ne sommes pas encore parvenus au point d’arrivée, même si nous avons beaucoup progressé.
Je souhaiterais donc que, à ce stade, vous retiriez cet amendement, monsieur le sénateur.
M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement n° II-360 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Je n’ai aucune raison de ne pas faire confiance à un ministre qui vient de prendre ses fonctions, a fortiori sur un sujet qui n’est pas facile à traiter.
Mme Annie David. Ce sera pareil pour chaque PLF et à chaque changement de ministre ?
M. Alain Vasselle. Néanmoins, je reviendrai inévitablement vers vous, monsieur le ministre, dans le courant de l’année si ces structures se trouvent en situation financière extrêmement délicate, voire au bord du dépôt de bilan pour certaines d’entre elles. Ce n’est pas ce que cherche le Gouvernement, je l’espère.
Attendre deux ans pour apporter une réponse à un problème réel et nécessitant une réaction rapide, c’est un peu long ! Il faudrait que notre administration d’État apprenne à être beaucoup plus réactive dans des situations aussi sensibles que celles de l’emploi, surtout pour des publics en difficulté.
Monsieur le ministre, je retire donc cet amendement à condition que vous preniez l’engagement d’apporter une réponse concrète dans le courant de l’année.
M. le président. L'amendement n° II-360 rectifié est retiré.
L'amendement n° II-350 rectifié, présenté par MM. Gillot, Antoinette, S. Larcher, Lise, Patient, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste et rattachés, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l'emploi |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
|
5 000 000 |
|
5 000 000 |
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail |
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Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2 |
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TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Yves Krattinger. La masse des demandeurs d’emploi, dans les départements d’outre-mer, inscrits à Pôle emploi, a augmenté de plus de 10 % en un an.
Dans le même temps, les crédits destinés aux dispositifs « emploi » spécifiques à l’outre-mer du programme 102 ont été réduits de près de 30 %.
Très précisément, les crédits de la mission « Travail et emploi » destinés aux emplois aidés outre-mer diminuent de 26 millions d’euros et ceux qui sont affectés outre-mer à l’aide au retour à l’emploi, c'est-à-dire pour les dispositifs d’allocation de retour à l’emploi, de maison de l’emploi et Pôle emploi, diminuent de 18 millions d’euros.
Depuis 2009, ce sont près de 100 millions d’euros de crédits pour l’accès et le retour à l’emploi que le Gouvernement a supprimés outre-mer, selon le document de politique transversale relatif à l’outre-mer.
Cet amendement vise à augmenter de 5 millions d’euros les crédits de la sous-action 1 « Insertion dans l’emploi au moyen des contrats aidés » et de l’action 2 « Amélioration des dispositifs en faveur de l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail » du programme 102, Accès et retour à l’emploi.
L’objectif est d’augmenter de 5 millions d’euros les crédits des contrats aidés destinés à l’outre-mer, notamment pour la reconduction des contrats d’accès à l’emploi.
Par conséquent, vous ne serez pas surpris de voir que ces 5 millions d’euros sont supprimés dans la sous-action 2 « Promotion de l’activité » de l’action 3 « Développement de l’emploi » du programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi, les exonérations liées au régime social des micro-entreprises, notamment des auto-entrepreneurs, étant augmentées de plus de 56 %.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Le présent amendement abonde les crédits de contrats aidés dans le secteur non marchand. Or ces contrats présentent un très faible taux de retour durable à l’emploi.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. J’aimerais que l’amendement soit retiré.
Comme l’avait indiqué Laurent Wauquiez, il faut un fléchage de crédits en direction de l’outre-mer : je pense notamment à la reconduction des contrats d’accès à l’emploi, les CAE, mais aussi aux contrats d’insertion par l’activité, qui sont très importants sur ces territoires.
Dans les répartitions régionales, nous veillerons à assurer un effort plus spécifique pour l’outre-mer. Cette mesure est nécessaire, et nous la mettrons en œuvre. C’est pourquoi je rappelle l’engagement pris par mon prédécesseur.
En conséquence, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, monsieur Krattinger ; à défaut, je devrai émettre malheureusement un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Krattinger, l'amendement n° II-350 rectifié est-il maintenu ?
M. Yves Krattinger. Je ne pense pas qu’il soit souhaitable de retirer cet amendement.
Il s’agit là de crédits spécifiquement fléchés en direction de l’outre-mer. Or la description de la situation telle qu’elle est présentée montre qu’il y a, outre-mer, une aggravation du marché du travail plus importante qu’ailleurs et des restrictions dans la même proportion qu’ailleurs.
Nos collègues de l’outre-mer demandent non pas que l’on ajoute des dépenses supplémentaires, mais que l’on affecte ces dépenses à des contrats aidés qui, à l’évidence, sont l’un des moyens privilégiés pour répondre aux attentes de ces populations.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous soutiendrons cet amendement. En effet, cette demande de crédits est bien fléchée.
Cela m’amène à m’interroger sur les engagements pris par le Gouvernement en réponse au retrait de l’amendement n° II-360 de M. Alain Vasselle sur les SIAE.
Selon le ministre, si, en cours d’année, ces structures d’insertion par l’activité économique, étaient en difficulté, on leur allouerait des crédits supplémentaires.
Cependant, une fois que le PLF est voté, il est trop tard.
Monsieur le ministre, pour répondre à la demande de M. Vasselle, vous vous êtes engagé à vérifier en cours d’année que ces structures ne sont pas en difficulté et à les soutenir si tel est le cas. C’est à cette condition que l’amendement a été retiré, M. Vasselle ayant affirmé qu’il était prêt à vous faire confiance, puisque vous venez de prendre vos fonctions.
Toutefois, si, chaque année, au moment de l’examen du PLF, on nomme un nouveau ministre, nous serons perpétuellement obligés de lui faire confiance. (Sourires.)
Mme Annie David. Et si les promesses de ses prédécesseurs n’ont pas été tenues, nous ne pourrons en toute bonne foi le lui reprocher.
Comment faire si, en cours d’année, nous nous apercevons que certaines structures, par exemple les SIAE ou les maisons de l’emploi, manquent de crédits ?
Nous n’avons finalement abondé le programme correspondant que de 5 millions d'euros, ce que je regrette pour ma part, car j’avais été plus ambitieuse que M. Alduy au travers d’un précédent amendement. Je le répète, si, en cours d’année, nous nous apercevons que ces structures de soutien à l’emploi qui, finalement, se trouvent au cœur du service public de l’emploi, à côté de Pôle emploi, sont sous-financées, comment ferons-nous pour les abonder ?
Nous soutiendrons donc cet amendement, car je crois important d’identifier clairement les crédits dans le cadre de l’examen du PLF. Pour une fois, je rejoindrai notre collègue Fourcade : si, lors de la discussion du budget, les parlementaires ne peuvent modifier les lignes de crédits, à quoi servent-ils ?
Que le Gouvernement n’écoute pas les sénateurs du groupe CRC-SPG, nous y sommes habitués. Qu’il émette un avis défavorable sur nos amendements, nous y sommes également habitués. Mais qu’il n’entende même pas les parlementaires de sa propre majorité, c’est nouveau !
À quoi servent toutes les séances de nuit passées à examiner ce budget, qui durent indéfiniment, au grand désespoir de M. le président de la commission des finances d'ailleurs, et qui vont se poursuivre pendant quelque temps encore ?
Nous soutiendrons cet amendement parce que, aux termes de la LOLF, le PLF a précisément pour objet de flécher les crédits. Le Gouvernement ne peut promettre ici de les transférer dans un sens ou dans un autre par la suite. Si ces mouvements financiers ne sont pas prévus par le PLF, ils ne sont pas possibles, mes chers collègues. Nous devons clairement identifier les crédits au travers de notre vote.
M. le président. L'amendement n° II–341 rectifié, présenté par MM. P. Blanc, J. Blanc, Laménie, Vasselle et Dallier et Mmes Henneron, B. Dupont et Giudicelli, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l'emploi |
2 620 800 |
2 620 800 |
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Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
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Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail |
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Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2 |
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La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Notre collègue Paul Blanc, qui est le grand spécialiste du handicap dans cette maison, m’a demandé de bien vouloir défendre cet amendement. Monsieur le ministre, j’essaierai donc de vous convaincre qu’il a eu raison de formuler cette proposition, dont l’impact financier est au demeurant modeste, car, si elle était adoptée, l’écart par rapport aux crédits qui ont été votés l’année dernière serait de moins de 1 %.
Pour 2011, le Gouvernement a prévu de reconduire purement et simplement l’enveloppe votée dans la loi de finances pour 2010. Or notre collègue Paul Blanc craint que ces crédits ne permettent de financer l'année prochaine que 19 535 aides au poste, soit 465 de moins que l'an dernier, car il faut tenir compte de la revalorisation du SMIC de 2,03 % à compter du 1er janvier 2011.
L’arbitrage du Gouvernement semble tirer les conséquences de la sous-consommation de ces aides l’an dernier, 700 d’entre elles n'ayant pas été sollicitées du fait de la crise. Toutefois, les responsables de l'Union nationale des entreprises adaptées, qui ont été entendus par M. le rapporteur spécial, ont fait valoir que, avec la reprise de l'activité, les entreprises adaptées pourraient embaucher 600 personnes de plus au cours de l'année 2011.
Monsieur le ministre, la réduction du nombre d'aides au poste allouées à ces entreprises risquerait donc de freiner leur développement, privant ainsi certaines personnes handicapées d'une perspective d'embauche.
En outre, incapables de procéder à des recrutements nouveaux, les entreprises adaptées ne seraient pas en mesure d'honorer les éventuelles commandes ou de répondre aux demandes de leurs partenaires économiques qui ont recours à elles via la sous-traitance.
C'est pourquoi Paul Blanc propose de financer 200 aides au poste supplémentaires, afin de constituer une réserve nationale mobilisable au profit des entreprises adaptées qui bénéficieraient de la reprise économique en 2011 et qui seraient en mesure d'embaucher des personnes handicapées.
Si le Gouvernement rejetait cette proposition, cela signifierait qu’il ne croit pas en la reprise, ni en sa politique dynamique en matière d’emploi, et que, en définitive, ces crédits seront inutiles. C’est là un argument supplémentaire qui plaide en faveur de ce transfert de crédits de 2,6 millions d'euros, dont l’impact, je le répète, serait relativement limité. (Marques d’impatience au banc des commissions.)
Je suis persuadé que la commission des finances a été convaincue de l’argumentation développée par notre collègue Paul Blanc.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Oui, monsieur Vasselle, je crois à la reprise ! Dans ces conditions, je serai même plus ambitieux que Paul Blanc ou que vous-même, qui vous êtes fait l’interprète de sa pensée.
Vous avez évoqué 465, puis 600 aides au poste. Pour ma part, je vous en propose 700, pour une simple et bonne raison : tel a été l’an passé le nombre des aides qui n’ont pas été créées parce que les crédits n’ont pas été utilisés. (M. Jean-Paul Alduy opine.) À l’évidence, j’ai cette fois le soutien de Jean-Paul Alduy. Croyez bien que je le mesure à sa juste valeur et que je goûte ce moment, monsieur le sénateur ! (Sourires.)
Plus sérieusement, le PLF pour 2011 reconduit l’enveloppe votée dans la loi de finances initiale pour 2010, c’est vrai. Toutefois, l’an dernier, nous avions prévu des crédits pour 700 aides au poste supplémentaires et nous ne les avons pas utilisés.
Si nous avons repris ce chiffre cette année, c’est non pas pour faire des économies de bouts de chandelles, surtout sur un sujet comme celui-ci – j’ai été ministre en charge du handicap et je sais l’importance de ce dispositif –, mais, tout simplement, parce que nous considérons que nous pourrons créer plus d’aides que les 465 ou 600 dont les entreprises adaptées estiment aujourd'hui avoir besoin. Les crédits me semblent dès lors suffisants.
La vraie question qui se pose à nous est celle de la consommation des crédits, et je parle ici sous le contrôle de M. le président de la commission des finances. Chaque année, on prétend qu’il faut avant tout, pour certains dossiers, que les crédits augmentent. En fait, il faut avant tout qu’ils soient consommés.
La non-consommation des crédits votés est presque un déni du rôle du Parlement. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous allouez des financements, nous nous engageons à les mettre en œuvre et ils restent lettre morte. Or 700 aides au poste, ce n’est pas rien. Ce chiffre signifie que, dans chaque département – en moyenne, car ces territoires sont inégalement importants – sept au moins n’ont pas été créées, alors que nous savons pertinemment que des besoins existent.
M. Alain Vasselle. Pour prendre des marchés !
M. Xavier Bertrand, ministre. En effet, monsieur le sénateur : contrairement à ce que certains pensent, il y a toujours des marchés à prendre pour ce genre d’entreprises.
Voilà pourquoi je serais tenté de demander à Paul Blanc, s’il pouvait nous entendre, de retirer cet amendement – mettez cela sur le compte d’un sort commun réservé aux propositions des sénateurs des Pyrénées-Orientales, monsieur Alduy ! –, ou du moins à M. Vasselle de se faire mon messager ou son porte-parole.
M. le président. Quel est, en définitive, l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Même avis.
M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement n° II–341 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Nous avons au Sénat l’habitude de retirer nos amendements.
M. Alain Vasselle. C’est ce que nous faisons neuf fois sur dix ou quatre-vingt-dix-huit fois sur cent,…
Mme Annie David. Pas nous !
M. Alain Vasselle. … parce que le Gouvernement a de bons avocats. En outre, comme M. Fourcade n’a pas pris la parole pour défendre cet amendement, je le retirerai sans plus d’explication, en me reposant sur l’argumentation que vous avez développée, monsieur le ministre. (Mme Annie David s’exclame.) J’espère d'ailleurs que vous serez démenti parce que la croissance aura été plus forte que vous ne l’imaginiez. Auquel cas, nous reparlerons de cette proposition.
M. le président. L'amendement n° II–341 rectifié est retiré.
L'amendement n° II–84 rectifié bis, présenté par Mme Hermange, MM. de Legge, Revet et Gilles, Mmes Rozier, Lamure, Procaccia et B. Dupont, MM. Bailly, Houel et Darniche, Mme Desmarescaux et M. Lardeux, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l'emploi |
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Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
1 500 000 |
1 500 000 |
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Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail |
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Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travailDont Titre 2 |
1 500 000 |
1 500 000 |
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TOTAL |
1 500 000 |
1 500 000 |
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1 500 000 |
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La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Le DLA, le dispositif local d’accompagnement, constitue un outil essentiel de soutien au développement de l’emploi associatif. Il accompagne annuellement plus de 7 000 associations et structures d’insertion par l’activité économique, qui représentent plus de 120 000 emplois.
Je le rappelle, en 2009, les associations ont contribué à la création de 31 000 postes, alors que, dans le même temps, le secteur privé dans son ensemble perdait massivement des emplois.
Par ailleurs, ce dispositif permet, notamment, de professionnaliser les méthodes d’action et de gestion des associations, avec une grille reconnue de diagnostic, d’apport, d’expertise, de formation et d’accompagnement dans la durée.
Je veux aussi rappeler qu’il a permis d’améliorer la qualité de l’emploi, puisque les contrats aidés ont diminué de 25 % au profit d’emplois de droit commun. En outre, les associations concernées développent leur activité : le nombre de leurs bénéficiaires a augmenté de 20 % et elles ont vu, pour 60 % d’entre elles, leur situation économique se consolider ou s’améliorer malgré la gestion de la crise.
Ce dispositif bénéficie à tous les secteurs d’activité associative, notamment dans le champ sanitaire et social et dans le domaine de l’insertion par l’activité économique. Sur le plan financier, je tiens à souligner que les crédits de l’État ont ici un effet de levier majeur, puisqu’ils permettent de mobiliser les soutiens des collectivités territoriales, de la Caisse des dépôts et consignations, mais aussi des fonds structurels européens. Ce financement croisé se traduit également par un système innovant de gouvernance, en liaison avec les acteurs publics et le mouvement associatif.
Voilà de nombreux arguments qui militent en faveur du maintien au même niveau de l’intervention de l’État. Monsieur le ministre, que se passerait-il si la baisse de crédits était confirmée ? Quelque 1 000 associations accompagnées disparaîtraient et 2 400 emplois seraient supprimés. Cette mesure risquerait aussi de déclencher une spirale négative, le retrait de l’État favorisant celui des autres partenaires financeurs.
Je voudrais rappeler les propos du Premier ministre, qui demandait, le 17 décembre 2009, de mieux connaître « les besoins non couverts » par le dispositif en vue de l’élargissement de son action. C'est la raison pour laquelle il me semble que le DLA est un investissement dont la rentabilité est double : au retour économique pour ces associations s’ajoute une plus-value pour la société, grâce à davantage de cohésion sociale et d’emploi.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose de soutenir l’adoption de cet amendement, qui tend à affecter 1,5 million d'euros supplémentaires au DLA en diminuant du même montant le budget de la communication prévu à l’action 5 du programme 155 de la mission « Travail et emploi ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur. La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
Mme Annie David. À quoi sert la commission des finances ?
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je serais tenté de citer M. Alduy. Celui-ci a affirmé tout à l'heure qu’il était impossible de réduire un budget de 35 %. Or, madame Hermange, vous proposez au travers de votre gage de diminuer le budget correspondant du ministère de 50 %. « Ce n’est pas supportable », pour citer un sénateur ! (Sourires.) Voilà pourquoi je ne puis accepter ce gage.
Plus sérieusement, ce sujet est important pour nous, il faut le savoir. C’est pourquoi d'ailleurs nous rétablirons les crédits destinés au DLA au niveau prévu par la loi de finances pour 2010. Comment cela ? Non pas par un tour de magie mais, tout simplement, par un redéploiement de crédits au sein du programme 103.
J’en prends l’engagement devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs : nous procéderons à un travail de peignage des lignes budgétaires et réaffecterons des moyens au sein du programme 103, afin que les demandes puissent toutes être honorées, dans les mêmes proportions qu’en 2010.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est, en définitive, l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Même avis.
M. le président. Madame Hermange, l'amendement n° II–84 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre engagement. Je vous fais confiance. Le Parlement exercera sa mission de contrôle. Vous nous indiquerez quels fonctionnaires seront chargés, au sein de votre ministère, de procéder à ce peignage.
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-84 rectifié bis est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix, modifiés, les crédits de la mission « Travail et emploi ».
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Je rappelle que l’examen des articles rattachés à la mission « Travail et emploi » a été réservé jusqu’après le vote de l’article 51.
7
Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date de ce jour, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi organique relative au département de Mayotte.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
8
Loi de finances pour 2011
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale.
Conseil et contrôle de l’État
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».
La parole est à M. le président de la commission des finances, en remplacement de M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, en remplacement de M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais m’efforcer de suppléer Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Il est retenu par une session du Conseil de l’Europe.
La mission « Conseil et contrôle de l’État » se compose de trois programmes très indépendants les uns des autres : le Conseil d’État et les autres juridictions administratives ; la Cour des comptes et les autres juridictions financières ; le Conseil économique, social et environnemental, le CESE. Elle s’appuie sur une enveloppe budgétaire totale de 588,9 millions d’euros consacrée à 57,3 % à la justice administrative, les juridictions financières pesant pour 36,3 % et le CESE pour « seulement » 6,3 %.
En raison de leurs spécificités, ces trois programmes dérogent à la règle générale fixée par le Gouvernement de réduction des effectifs par non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partis à la retraite.
Le programme Conseil d’État et autres juridictions administratives comporte 337,6 millions d’euros de crédits de paiement, soit un budget en hausse de 4,8 % par rapport à 2010. Dans le contexte budgétaire tendu que nous connaissons, cette progression confirme l’importance attachée aux moyens de la justice administrative.
Confirmant une tendance engagée depuis déjà plusieurs années dans le but principal de réduire les délais de jugements, les effectifs des juridictions augmentent de quarante emplois équivalents temps plein travaillé en 2011, dont vingt pour la seule Cour nationale du droit d’asile, la CNDA.
Si celle-ci s’est engagée dans une démarche volontariste de réorganisation de son fonctionnement, sa performance constitue une préoccupation majeure, tant elle peine à atteindre l’objectif de réduction des délais à six mois, repoussé à 2013.
En revanche, s’agissant des autres juridictions administratives, l’objectif fixé en 2002 par la loi d’orientation et de programmation pour la justice de ramener les délais à un an peut être considéré comme globalement atteint.
Le CESE disposera en 2011 d’un budget de 37,4 millions d’euros, en légère diminution de 0,4 % par rapport à 2010.
Le budget pour 2011 peut donc être qualifié de « budget de stabilité », en ce qu’il ne prévoit aucun moyen supplémentaire pour faire face aux nouvelles missions du CESE, issues de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Celles-ci seront donc mises en œuvre, soit par redéploiement des moyens existants, soit par économie nette. Toutefois, en l’absence de précisions sur la mise en application concrète de la réforme, celle-ci apparaît toujours délicate à évaluer budgétairement. Il en est ainsi, par exemple, du coût de traitement des pétitions citoyennes ou du montant de la rémunération des membres associés, tous les décrets chargés de mettre en œuvre la réforme n’étant pas encore parus.
Par ailleurs, le financement de la caisse de retraite du Conseil, fragilisée par le rajeunissement et la féminisation des membres de cette assemblée, demeure un sujet de préoccupation.
Le programme Cour des comptes et autres juridictions financières est doté de 213,8 millions d’euros en crédits de paiement, soit une progression de 1,3 % par rapport à 2010.
Alors que les dépenses de fonctionnement augmentent de 3,7 % en crédits de paiement, elles progressent de plus de 11 % en autorisations d’engagement du fait de dépenses de loyers budgétaires. Ce budget est néanmoins caractérisé par un coup d’arrêt sur les grands chantiers immobiliers et une stabilité des effectifs.
Enfin, il est bien évidemment encore difficile d’évaluer l’impact financier de la réforme des juridictions financières en attente de discussion à l’Assemblée nationale. On peut toutefois espérer que le coût d’adaptation et de structure de cette réforme devrait, à terme, être compensé par une réduction des effectifs.
En conclusion et au bénéfice de ces observations, la commission des finances propose au Sénat l’adoption des crédits de la mission et de chacun de ses programmes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Simon Sutour, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’évolution positive des indicateurs mesurant les délais de jugement est le résultat des efforts consentis en matière budgétaire concernant les crédits de la justice administrative du programme Conseil d’État et autres juridictions administratives, et ce depuis maintenant plusieurs années.
Pour le projet de loi de finances 2011, comme cela a été indiqué à l’instant par le président Arthuis, l’augmentation de ces crédits va se poursuivre avec 347,9 millions d’euros en crédits de paiement. Ceux-ci progressent de 4,8% par rapport à la loi de finances pour 2010.
Nous pouvons d’ores et déjà dresser un premier bilan de la loi d’orientation et de programmation pour la justice qui prévoyait la création de 210 emplois de magistrats sur la période 2002-2007. À ce jour 207 emplois ont été créés, et 20 vont s’y ajouter en 2010, soit, en définitive, 227 emplois depuis 2003. L’objectif de la loi d’orientation et de programmation pour la justice sera alors légèrement dépassé avec, tout de même – il faut le souligner – trois ans de retard.
Sans détailler l’ensemble de la maquette pour 2011, le projet de budget triennal 2011-2013 qui répond à un triple objectif, à savoir la maîtrise des délais de jugement, le maintien de la qualité des décisions rendues ainsi que, pour le Conseil d’État, l’efficacité de son action consultative, prévoit la création de 90 emplois sur la période et, dès 2011, la création de 20 postes de magistrats pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel.
Lorsque l’État met des moyens supplémentaires accompagnés de la création de nouvelles juridictions, comme le tribunal administratif de Nîmes – que je connais bien – en 2006, de Toulon en 2008 ou encore celui de Montreuil-sous-Bois en 2009, l’impact est immédiatement positif. Ainsi, pour le sud-est, la création du tribunal administratif de Nîmes a permis de rééquilibrer les tribunaux administratifs de Montpellier et Marseille, qui, tout en faisant face à une augmentation de 8,5 % des affaires enregistrées, ont diminué leur stock global de 36 %.
Toutefois, si globalement les statistiques font apparaître une amélioration des délais de jugement au sein de la juridiction administrative, certaines réformes récentes ou à venir sur le logement ou le droit des étrangers appellent à rester vigilant.
Pour illustrer mon propos, je prendrai en exemple le contentieux du droit au logement résultant de la loi du 5 mars 2007 qui institue le droit au logement opposable, le DALO. Ce sont déjà, pour 2009, 3 539 requêtes qui ont été enregistrées à ce titre dont 54,8 % du total pour le seul tribunal administratif de Paris.
L’évolution attendue du DALO qui va à partir du 1 er janvier 2012 s’ouvrir à toute personne remplissant les conditions pour obtenir un logement social fait craindre une explosion de ce contentieux et, par voie de conséquence, un engorgement des tribunaux administratifs.
Il en est de même du revenu de solidarité active, le RSA, et de la mise en œuvre de la question prioritaire de constitutionnalité.
Le contentieux des étrangers, quant à lui, a représenté 24 % des entrées en 2009 en moyenne nationale, mais cette part s’est élevée à 57 % au tribunal administratif de Montreuil-sous-Bois, 51 % au tribunal administratif de Cergy-Pontoise et 41 % au tribunal administratif de Paris.
Les nouvelles dispositions envisagées dans le cadre du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité devraient avoir une incidence non négligeable sur l’activité de la juridiction administrative. Ainsi, alors que, jusqu’à présent, l’étranger était, dans la plupart des cas, présenté au juge des libertés et de la détention avant que son recours soit, le cas échéant, examiné par le juge administratif, c’est l’inverse qui prévaudra désormais. Je considère que les conséquences de ces nouvelles dispositions devront être évaluées avec attention.
Je voudrais, cette année, monsieur le ministre, aborder tout particulièrement la difficile mutation de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, et mettre à profit l’examen du projet de loi de finances pour 2011 pour dresser un bilan d’étapes des transformations en cours dans cette juridiction. La CNDA a été créée par la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile. Elle est, selon la loi, « une juridiction administrative placée sous l’autorité d’un président, membre du Conseil d’État, désigné par le vice-président du Conseil d’État ».
Le nombre de recours est loin d’être anecdotique puisqu’ils s’établissent à 25 040 en 2009, soit près de 16 % de plus qu’en 2008 et il semble, d’après les premières informations disponibles, que cette évolution se soit poursuivie en 2010. D’ailleurs, Mme Martine Denis-Linton, présidente de la CNDA, m’a indiqué que cette augmentation du nombre de recours n’avait pas été suffisamment anticipée.
Toutefois, il faut noter que les décisions rendues ne suivent pas le même rythme. Elles ont même tendance à diminuer pour différentes raisons, notamment à cause des renvois prononcés avant l’audience dans l’attente de l’aide juridictionnelle, dont chaque demandeur d’asile peut désormais se prévaloir, ou encore du fait d’innombrables incidents de procédures liés à la non-production de pièces ou encore à l’absence des requérants. Cela a pour conséquence des délais de jugement trop longs, comme le relèvent nos collègues Pierre Bernard-Reymond et Jean-Claude Frécon dans leur rapport sur les conséquences budgétaires des délais de traitement du contentieux d’asile par la CNDA. Ce délai a, par ailleurs, un coût élevé pour les finances publiques.
C’est pourquoi, il est indispensable de continuer à renforcer les moyens de la CNDA.
En conclusion, s’il faut se féliciter du maintien des efforts en faveur de la justice administrative pour la période 2011-2013, gardons-nous cependant d’être trop optimistes tant la situation de la justice administrative repose sur un équilibre fragile.
Il ne faudrait pas que ces efforts communs soient mis à mal par de nouvelles dispositions législatives ou réglementaires génératrices de contentieux incontrôlables.
Sous ces réserves, je vous propose, au nom de la commission des lois, d’adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Gilbert Barbier et Yves Détraigne ainsi que M. le président de la commission des finances applaudissent également.)
M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
Je vous rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour cette mission.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’axerai mon propos sur le programme Conseil d’État et autres juridictions administratives.
Nous ne méconnaissons pas l’augmentation de 4,8 %, la création de 90 emplois d’ici à 2013 et l’ouverture, pour la région parisienne, du tribunal administratif de Montreuil-sous-Bois. Néanmoins, cela sera-t-il suffisant pour faire face à une charge de travail croissante qui met en cause les objectifs assignés aux juridictions administratives, à savoir la « maîtrise des délais de jugement » et le « maintien de la qualité des décisions » ?
Reconnaissons que les magistrats ont fait des efforts très importants qui ont permis de réduire le nombre des affaires en attente et les délais de jugement. C’est un progrès fragile. Comme le confirme notre rapporteur pour avis, le contentieux administratif ne cesse de croître : il s’est en effet accru de 51,8 % pour les tribunaux et de 65,92 % pour les cours d’appel entre 2000 et 2009. Or, les effectifs sont bien loin de connaître une telle progression.
Ce progrès est également fragile en raison de l’augmentation très importante de certains contentieux, conséquence de réformes faites sans évaluation ou sans les réponses pour y faire face. Il faut s’attendre à un accroissement du contentieux du revenu de solidarité active, avec la mise en œuvre de la réforme. Mais de combien ? On ne sait pas. Le contentieux relatif à la mise en œuvre du droit au logement opposable continue sa progression : 35,8 % en 2009. Comment en serait-il autrement avec une politique faite pour les promoteurs privés au détriment de logements accessibles à tous ?
Des disparités géographiques pèsent sur certaines juridictions. Selon le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, 60 % des recours émanent d’Île-de-France. Le tribunal administratif de Paris a enregistré, à lui seul, 54,8 % du total des requêtes déposées au plan national. Il est vrai qu’à Paris se loger devient un luxe.
Avec votre politique migratoire, toujours plus répressive, avec la multiplication des refus de séjour et des éloignements, le contentieux relatif aux étrangers s’est déjà accru de 75 % de 2006 à 2008. Il représente 57 % des entrées à Montreuil-sous-Bois, 51 % à Cergy-Pontoise, 41 % à Paris ; contre 24 % en moyenne nationale.
Dans votre dixième projet de réforme de l’immigration, vous voulez retarder l’intervention du juge des libertés et de la détention de quarante-huit heures à cinq jours. Cela contribuera, à n’en pas douter, à augmenter le nombre de saisines du juge administratif.
Outre mon opposition de fond à cette disposition, je conteste la possibilité des juridictions administratives, compte tenu de leurs effectifs actuels, de faire face à ce surcroît de travail, si ce n’est au prix d’une dégradation de leurs missions.
En outre, le contentieux des étrangers se complexifiera davantage. Comme le souligne la présidente du Syndicat de la juridiction administrative, Mme Elsa Costa, le juge administratif pourra être amené à statuer sur six décisions simultanément. J’ajoute que le tribunal administratif de Nantes est désormais compétent en premier et dernier ressort pour le contentieux des affaires de refus de visa d’entrée en France.
Dans ces conditions, il faudrait selon Mme Costa soixante-dix postes de magistrats administratifs supplémentaires pour faire face à cette seule réforme. Autrement dit, les créations de poste prévues d’ici à 2013 seront immédiatement absorbées par celle-ci.
Quant à la délocalisation des salles d’audience en matière de droit des étrangers, elle est peut-être dans l’intérêt du ministère de l’intérieur, mais elle coûtera cher en frais de déplacements – parfois sur de longues distances – et en temps de travail des magistrats, greffiers et interprètes.
La Cour nationale du droit d’asile connaît une situation « critique » qui exige, selon notre rapporteur pour avis, un nouveau renforcement de ses moyens. Il est évident que la politique de la France en la matière n’est pas si humaine que veut nous en convaincre le Gouvernement. La CNDA a d’ailleurs assuré en 2009 plus de 50 % des protections, annulant autant de décisions de l’OFPRA, l’Office français pour la protection des réfugiés et apatrides.
Par ailleurs, il faut aussi s’attendre à une montée en puissance des procédures liées à la mise en œuvre de la question prioritaire de constitutionnalité, pour le Conseil d’État et pour les tribunaux administratifs.
Je ne pense pas qu’une suppression de l’intervention du rapporteur public dans certains cas – pour l’heure, une telle disposition a heureusement été rejetée par la commission des lois – soit une solution, pas plus que l’intervention croissante du juge unique, à laquelle je suis également opposée, car ce moyen de réduction des délais de jugement ne me paraît pas souhaitable pour les personnes concernées.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce budget, malgré l’augmentation de 4,8 %. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Conseil et contrôle de l’État » bénéficie de 588,9 millions d’euros de crédits de paiement, soit une hausse de 3,2 % par rapport à 2010.
Cette augmentation traduit l’importance que revêtent les juridictions administratives et financières au sein de l’organisation institutionnelle de l’État. Les avis du Conseil d’État, de la Cour des comptes et, beaucoup plus rarement, hélas ! du Conseil économique, social et environnemental, le CESE, constituent toujours pour le Parlement de remarquables analyses qui viennent éclairer sa réflexion.
Je note en premier lieu la progression de 4,8 % des crédits du programme Conseil d’État et autres juridictions administratives ainsi que la création de 40 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, pour 2011, et de 50 autres ETPT d’ici à 2013.
C’est probablement un des rares programmes qui bénéficie d’une telle évolution dans le contexte budgétaire particulièrement contraint du projet de loi de finances pour 2011. La spécificité des missions des juridictions administratives justifie amplement qu’il soit accordé à ces dernières un traitement plus favorable.
La montée en puissance de contentieux de masse – je pense au droit des étrangers ou au droit au logement opposable, mais ce sera peut-être demain aussi le cas du contentieux du permis à points – nécessite une adaptation des moyens des juges administratifs à leur mission de régulation des rapports entre les citoyens et l’administration.
La création de 207 des 210 postes prévus par la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice a déjà permis d’améliorer la situation des tribunaux administratifs. Malgré une augmentation notable des affaires à traiter, le délai moyen de jugement a globalement diminué.
J’ajouterai toutefois quelques mots au sujet de la difficile mutation de la Cour nationale du droit d’asile, rattachée au Conseil d’État depuis 2009.
Celle-ci connaît une augmentation des affaires à traiter de 15 % par an, qui s’est traduite par l’allongement du délai de jugement à quinze mois et neuf jours en 2009. Sur la même période, le nombre de décisions rendues a diminué de 19 % en raison d’une forte augmentation du nombre d’affaires renvoyées. Dans ces conditions, l’objectif fixé pour 2011 d’un délai moyen de jugement de six mois me paraît bien optimiste.
De surcroît, l’accès des demandeurs d’asile à l’aide juridictionnelle et le nombre d’avocats intervenants devant la Cour demeurent très insuffisants. Au regard des enjeux humains, l’augmentation des moyens et des effectifs prévus en 2012 et 2013 par le Gouvernement doit être accueillie favorablement.
S’agissant des juridictions financières, les crédits de paiement demandés pour 2011, en progression de 1,3 %, doivent bien sûr être lus à la lumière du projet de loi portant réforme de ces juridictions. Il est à ce jour difficile d’évaluer l’impact financier de la réforme, mais on sait déjà que les effectifs des cours devraient baisser de manière significative. Cette réduction est-elle opportune alors que la Cour des comptes s’oriente vers une plus grande professionnalisation et voit ses missions élargies à la certification des comptes de l’État et de la sécurité sociale ? Nous aurons l’occasion d’exprimer nos inquiétudes, notamment sur l’autonomie des chambres régionales des comptes, lors de l’examen du projet de loi de réforme.
Enfin, je dirai un dernier mot sur les crédits du CESE, qui sont en quasi-reconduction par rapport à 2010.
Nous avions voté, voilà quelques mois, une loi organique visant à redynamiser cette institution et à lui donner une meilleure visibilité. Comme l’a relevé le rapporteur pour avis, la mise en œuvre de cette réforme se fera à moyens constants, par des redéploiements de crédits ou par des mesures d’économie.
S’agit-il d’une forme de mise à l’essai pour un Conseil économique, social et environnemental rénové ? Il est clair que celui-ci doit gagner une légitimité et une crédibilité qui lui font encore largement défaut dans notre paysage institutionnel, ce qui est d’autant plus regrettable que la révision de la Constitution en a fait une véritable troisième chambre.
Comme pour les juridictions financières, l’année budgétaire 2011 est donc une année de transition. Je souhaite que l’élection récente de notre ancien collègue Jean-Paul Delevoye à la présidence du CESE permette à cette institution de trouver le nouveau souffle dont elle a besoin, de la même façon que le Médiateur de la République a su, ces dernières années, renouveler son image auprès de nos concitoyens.
Sous le bénéfice de ces quelques observations, je voterai les crédits de la mission. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – M. Yves Détraigne et M. le président de la commission des finances applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, pour le programme Cour des comptes et autres juridictions financières, M. le président Arthuis et M. Barbier ont évoqué la question de l’impact financier de la réforme des juridictions financières.
Tout d’abord, je voudrais préciser que les ressources humaines supplémentaires à mobiliser, à horizon de dix ans, pour la mise en œuvre des missions nouvelles de la Cour des comptes avaient été initialement estimées à 108 postes dans l’étude d’impact. Cette augmentation devait être compensée, à long terme, principalement par les gains liés à la mise en œuvre de l’unité organique statutaire de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes. Or cette dernière orientation a été abandonnée.
On peut néanmoins raisonnablement considérer que les mesures de rationalisation engagées sur la gestion des fonctions supports des juridictions financières permettront de dégager 20 emplois administratifs sur la période.
S’agissant de l’impact des missions nouvelles, hors ressources humaines, il est difficile d’en établir un chiffrage, même approximatif, celui-ci étant largement tributaire du périmètre définitif de la réforme votée par le Parlement et de son calendrier de montée en charge.
À cet égard, je voudrais confirmer la volonté du Gouvernement d’avancer sur cette réforme, que le calendrier parlementaire très chargé de ces dernières semaines – cela ne vous a pas échappé (Sourires.) – n’a pas encore pu permettre d’inscrire à l’ordre du jour.
Les grands axes d’évolution du projet de loi qui ont été proposés par le Premier président de la Cour des comptes ont été validés dans la phase d’arbitrages interministériels préalable au passage en commission à l’Assemblée nationale.
Sur le volet statutaire de la réforme, l’équilibre envisagé par le Gouvernement a été profondément modifié. Nous devons encore travailler à adapter les procédures de recrutement de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes pour nous assurer que les juridictions financières seront à même de faire face à leurs nouvelles missions.
Dans l’attente de la réforme, les moyens budgétaires alloués aux juridictions financières sont maintenus sur la période 2011-2013. En 2011, quatre postes d’auditeurs à la Cour des comptes et quatre postes de conseillers de chambres régionales des comptes seront offerts à la sortie de l’ENA ; deux postes de magistrats à la Cour des comptes ainsi que trois dans les chambres régionales des comptes seront offerts à des officiers.
La Cour des comptes s’attachera également à recruter des experts de haut niveau en certification, par contrat.
Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur pour avis, madame Borvo Cohen-Seat, monsieur Barbier, concernant le programme Conseil d’État et autres juridictions administratives, vous avez souligné les efforts prévus, au titre du budget 2011, en faveur des tribunaux administratifs, des cours administratives d’appel et de la Cour nationale du droit d’asile ; je vous en remercie.
En effet, la programmation pluriannuelle 2009-2011, qui renforce les moyens alloués à la juridiction administrative, couplée à l’engagement des membres de cette juridiction a d’ores et déjà permis d’atteindre globalement l’objectif majeur de ramener à moins d’un an le délai prévisible moyen de jugement. Le Gouvernement attache de l’importance à l’inscription de cet effort dans la durée.
Monsieur le rapporteur pour avis, madame Borvo Cohen-Seat, monsieur Barbier, vous vous êtes interrogés sur la capacité de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, à atteindre l’objectif de réduction des délais à six mois, déjà repoussée à 2013.
La CNDA est confrontée au défi de la croissance massive du contentieux de l’asile – plus de 15 % par an – souvent accompagné de demandes d’aide juridictionnelle. Le délai moyen de jugement a ainsi atteint quinze mois en 2009, alors qu’il était prévu de le ramener à six mois en 2011.
Dans la mesure où la progression du contentieux devrait durer, comme le relève le rapport d’information déposé le 6 octobre 2010 par MM. Frécon et Bernard-Reymond, un plan d’action spécifique a été élaboré pour les années 2011-2013. Il prévoit un renforcement significatif des moyens de la juridiction : ayant bénéficié dès 2010 du concours des 10 magistrats siégeant à titre permanent, elle sera dotée de 10 emplois d’agents et 10 emplois de magistrats en 2011, de 20 emplois d’agents en 2012 et de 10 en 2013. Ces chiffres devraient vous rassurer.
Ce plan d’action prévoit aussi, grâce à un audit prévu au début de l’année 2011, une évolution des méthodes pour juger mieux et un plus grand nombre d’affaires.
L’amendement de MM. Bernard-Reymond et Frécon, adopté au Sénat dans le cadre de la mission « Immigration, asile et intégration », facilitera l’accès à l’aide juridictionnelle.
L’ensemble de ces mesures doit permettre de porter progressivement le nombre de décisions rendues chaque année par la CNDA de 20 000 en 2009 à 45 000 en 2013, et de ramener le délai moyen de jugement – en tout cas, c’est l’objectif visé – à six mois à la fin de l’année 2013.
Un protocole d’accord, signé le 22 octobre 2010 avec l’ensemble des représentants du personnel, inscrit cette démarche dans une perspective consensuelle.
Monsieur le rapporteur pour avis, monsieur Barbier, vous vous êtes préoccupés des effets des contentieux nouveaux sur la juridiction administrative.
En ce qui concerne le droit au logement opposable, ou DALO, 4 823 requêtes ont été déposées en 2009. La progression constante du nombre d’affaires enregistrées devant les tribunaux administratifs conduit à penser que ce contentieux pourrait représenter un flux annuel de plus de 8 000 affaires en 2010. Ce contentieux se concentre dans les cinq juridictions de la région d’Île-de-France.
En matière de revenu de solidarité active, le RSA, 1 324 dossiers ont été enregistrés dans les tribunaux administratifs en 2009 ; on pourrait en dénombrer 2 500 en 2010. Il est à noter que l’existence d’un recours administratif préalable mis en place par la loi retarde, en tout état de cause, la saisine du juge.
La question prioritaire de constitutionnalité est quant à elle entrée en vigueur le 1er mars 2010. Au 31 octobre, les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel ont été saisis de 621 questions prioritaires de constitutionnalité. À cette date, 403 de ces questions ont été traitées dont 82 ont été transmises au Conseil d’État.
Outre ces 82 saisines, le Conseil d’État a, pour sa part, été saisi directement par les justiciables de 137 questions prioritaires de constitutionnalité. Il s’est déjà prononcé sur 179 d’entre elles, dont 46 ont fait l’objet d’une transmission au Conseil constitutionnel.
Voilà les chiffres que je suis en mesure de vous communiquer.
Pour le permis à points, l’augmentation constatée du contentieux devant les tribunaux administratifs depuis 2005 est de 24 %. Ce contentieux représentait environ 10 500 dossiers en 2005 ; il en génère environ 13 000 en 2010. Devant les cours administratives d’appel, il a presque été multiplié par sept, en passant de 169 dossiers en 2004 à environ 1 400 en 2010.
Enfin, en ce qui concerne le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, l’innovation majeure porte, en cas de placement de l’intéressé en rétention administrative, sur le différé de l’intervention obligatoire du juge des libertés et de la détention, ce qui aboutira à ce que, dans la plupart des cas, le juge administratif soit saisi en premier.
Les modifications apportées aux procédures contentieuses applicables aux mesures d’éloignement prises à l’encontre des étrangers en situation irrégulière sont susceptibles d’avoir trois sortes d’impact sur l’activité des juridictions administratives : d’abord, un accroissement du nombre de requêtes, que l’on peut estimer à 10 000 ; ensuite, un alourdissement de la charge de travail induite par chaque requête, compte tenu de l’élargissement des mesures susceptibles de recours ; enfin, des contraintes d’organisation majeures pour certaines juridictions, en raison de la possibilité ouverte de faire statuer le juge administratif dans des salles d’audience aménagées, à proximité immédiate du centre de rétention administrative ou en son sein.
J’en viens au programme Conseil économique, social et environnemental.
Monsieur le président Arthuis, vous avez remarqué l’absence de prise en compte du coût du traitement des pétitions citoyennes et du montant de la rémunération des membres associés. L’impact budgétaire du traitement des pétitions citoyennes n’a pas fait l’objet d’une traduction effective en loi de finances. Nous n’en connaissons pas a priori le nombre. Vous comprendrez donc qu’il soit à ce stade difficile, d’un point de vue budgétaire, de le chiffrer.
Dans la mesure où le budget du Conseil économique, social et environnemental est constant, il est convenu, dans la phase initiale, que les « autosaisines » puissent servir de variable d’ajustement.
En ce qui concerne les membres associés, je suis en mesure de vous indiquer que le Conseil économique, social et environnemental, qui est mobilisé par une réforme de grande ampleur, y travaille de son côté et que la préparation des textes réglementaires se poursuit. Je sais que M. Delevoye, que je tiens à féliciter de nouveau pour son élection à la présidence de cette instance, s’est déjà mobilisé sur ce sujet.
Monsieur Barbier, vous avez jugé qu’il était paradoxal que les moyens alloués au Conseil économique, social et environnemental soient constants alors que son rôle a été renforcé. Vous estimez, dans le même temps, que l’institution devrait gagner en légitimité. Vous avez raison.
Les nouvelles compétences du Conseil économique, social et environnemental devraient pouvoir être financées à enveloppe constante, notamment, comme je viens de l’évoquer, par la réduction des « autosaisines ».
Le constituant a décidé, au mois de juillet 2008, de consolider cette institution en lui permettant de se réformer. On va dans le sens que vous souhaitez.
Je veux ici souligner l’utilité et la légitimité de cette institution. Lieu de dialogue et de réflexion, le Conseil économique, social et environnemental a apporté une contribution essentielle à notre démocratie et à la décision publique en exprimant la voix des corps intermédiaires et des organisations de la société civile. Il est appelé à poursuivre dans cette voie.
C’est pour l’ensemble de ces raisons que le Gouvernement est très attaché à cette institution et très attentif à ses recommandations. Pour autant, il ne néglige pas la nécessité d’en améliorer la mesure de la performance, retracée par de nouveaux indicateurs de performance. Il faut aussi que cette instance s’y soumette.
Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », figurant à l’état B.
État B
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Conseil et contrôle de l’État |
615 452 839 |
589 590 461 |
Conseil d’État et autres juridictions administratives |
348 209 777 |
337 947 399 |
Dont titre 2 |
275 947 207 |
275 947 207 |
Conseil économique, social et environnemental |
37 502 421 |
37 502 421 |
Dont titre 2 |
30 797 421 |
30 797 421 |
Cour des comptes et autres juridictions financières |
229 740 641 |
214 140 641 |
Dont titre 2 |
181 405 829 |
181 405 829 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».
Direction de l’action du Gouvernement
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « L’inaccompli bourdonne d’essentiel ». Cette citation de René Char, que notre collègue Jacques Ralite nous a rappelée la semaine dernière, caractérise parfaitement la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».
Cette mission est inaccomplie, car son périmètre est en constante évolution au gré des réformes. Ainsi, la maquette a de nouveau été modifiée en 2011.
Cette mission est essentielle, car elle rassemble, d’une part, des services administratifs participant aux fonctions d’état-major stratégiques, d’autre part, des autorités administratives indépendantes, les AAI, promouvant la protection des droits et libertés.
Les services administratifs participant aux fonctions d’état-major stratégiques regroupent plus de 81 % des crédits, pour un montant d’un peu plus de 1 milliard d’euros en crédits de paiement en 2011, contre 91 millions d’euros pour les autorités administratives indépendantes.
S’agissant du changement de la maquette, après avoir accueilli les crédits de la Présidence française de l’Union européenne, la mission compte un nouveau programme 333, Moyens mutualisés des administrations déconcentrées.
Placé sous la responsabilité du secrétaire général du Gouvernement, ce programme met en œuvre la réforme relative à la nouvelle architecture de l’administration territoriale de l’État, afin de simplifier le fonctionnement des nouvelles directions départementales interministérielles, les DDI.
Il regroupe aussi les crédits immobiliers non seulement des nouvelles DDI, mais des directions régionales des ministères concernés par les DDI, des préfectures et de certains services de l’éducation nationale, tout cela dans un souci de rationalisation des dépenses.
Avec le programme 333, le programme 129, Coordination du travail gouvernemental, fédère un certain nombre d’entités autour de fonctions d’état-major, de stratégie et de prospective. Son périmètre est également élargi, notamment avec le rattachement des crédits et des emplois destinés à la rémunération des membres du ministère chargé des relations avec le Parlement ou du commissaire général à l’investissement.
Quant au programme 308, Protection des droits et libertés, il accueille un nouveau venu, le Défenseur des enfants, dans l’attente de la mise en place du Défenseur des droits. Le projet de loi organique a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale au mois de juin dernier.
Après les changements de périmètre de la mission, passons aux évolutions en matière de crédits.
Les crédits du programme 129, Coordination du travail gouvernemental, progressent de près d’un quart par rapport à 2010, en raison de l’élargissement du champ d’intervention du programme. Cette hausse est essentiellement imputable à l’action Administration territoriale, à laquelle est rattachée la rémunération des directeurs départementaux interministériels.
Les crédits du programme 129 en faveur de la « coordination de la sécurité et de la défense » croissent également en réponse à la montée en puissance de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, chargée de la veille face à la cybermenace.
Je déplore néanmoins qu’en période de restriction budgétaire l’exigence d’effort de rationalisation des dépenses de fonctionnement n’ait pas été répercutée sur l’ensemble des services du Premier ministre. En effet, les crédits alloués au service d’information du Gouvernement, le SIG, demeurent très importants. Je ne ferai référence qu’aux 4,3 millions d’euros prévus pour les sondages d’opinion ainsi qu’aux 13,2 millions d’euros destinés à la mise en œuvre de la stratégie de communication gouvernementale.
Monsieur le ministre, j’espère que vous pourrez nous éclairer sur l’utilisation de ces fonds en 2011.
Au contraire, les crédits de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, ont été réduits de près de 20 %. C’est regrettable.
Quant au programme 308, il rassemble douze autorités administratives indépendantes différentes en matière de protection des libertés, notamment la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, ou encore le Médiateur de la République. Ce programme voit ses crédits de paiement augmenter globalement de 2,6 % en 2011. En effet, le renfort des effectifs des différentes autorités est poursuivi, conduisant même à une hausse globale des crédits de personnel de 6,33 %.
En revanche, les dotations de fonctionnement du programme 308 sont, en moyenne, réduites de 1,16 %, conformément à l’objectif de réduction de la dépense publique.
Je tiens tout particulièrement à saluer la gestion rigoureuse du Médiateur de la République. Il a su optimiser ses moyens tout en renforçant son action. Il constitue un exemple que chaque autorité administrative indépendante devrait suivre. Même s’il faut reconnaître que la plupart d’entre elles ont été ces dernières années confrontées à une augmentation des réclamations à traiter, leur gestion doit avoir pour objectif a fortiori de progresser toujours plus en efficience.
Cette remarque nous conduit naturellement à évoquer la question de l’État locataire – un locataire parfois dispendieux – que notre collègue Nicole Bricq a fort justement analysée dans son rapport d’information.
Là encore, nous avons les bons et les moins bons élèves. Le Médiateur de la République et le Conseil supérieur de l’audiovisuel sont parvenus à renégocier leur contrat de bail, alors que la HALDE, en dépit de réels efforts, a échoué. La Haute Autorité se trouve captive d’un contrat qu’elle n’a pas négocié.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer le sort que vous allez réserver aux organismes tels que la HALDE, une fois qu’ils seront libérés de leur bail ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. Est-il vraiment envisageable, en termes d’indépendance, que certains de ces services soient regroupés dans le nouveau centre du Gouvernement, situé avenue de Ségur et promis pour 2015 ?
Ce constat m’amène à espérer que, en tout état de cause, des règles de pilotage de la gestion de l’hébergement des services du Premier ministre et des autorités administratives indépendantes soient clairement définies afin de réduire les coûts des implantations.
Ce pilotage ne devrait pas se contenter de vérifier les conditions financières des baux, il devrait également conduire à l’élaboration de « clauses contractuelles types » communes à l’ensemble des contrats, notamment en matière de révision des loyers et de résiliation.
Telles sont, mes chers collègues, les principales observations que je souhaitais porter à votre connaissance et au bénéfice desquelles la commission a proposé l’adoption sans modification des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et au banc des commissions. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis.
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme 308, Protection des droits et libertés, regroupe douze autorités administratives indépendantes, dont les quatre qui seront absorbées par le futur Défenseur des droits : la HALDE, le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité, ou CNDS.
Vous le savez, les crédits ont été sanctuarisés, de telle sorte qu’ils échappent à la fongibilité asymétrique. Cette expression est merveilleuse. J’ai fait remarquer au président de la commission des finances que cela prouvait que les technocrates pouvaient aussi être des poètes. N’est-ce pas magnifique ? (Sourires.) Je me réjouis par ailleurs que le Défenseur des enfants ait rejoint ce programme 308.
En préambule, j’ai voulu vérifier si les critiques qui avaient été formulées à l’égard de la HALDE et de ses dépenses de communication jugées excessives étaient fondées ; j’y reviendrai lors de l’examen d’un amendement.
Je constate que ce reproche est exagéré. S’il est vrai que, au début de son fonctionnement, la HALDE a mobilisé 29 % de ses crédits de fonctionnement pour sa communication, elle n’y consacre plus que 7 %. Ces dépenses étaient nécessaires : il fallait que cette nouvelle institution gagne en visibilité.
Je rappelle en effet que la loi prévoit que les nouvelles autorités administratives indépendantes ont l’obligation de se faire connaître du public, puisque c’est lui qui doit les saisir.
En revanche, quand on les examine dans le détail, on peut s’interroger sur l’opportunité de certaines de ces dépenses. Un certain nombre d’actions qui sont entreprises par ces instances ne sont pas assez abouties ou finalisées. Ainsi, les sondages de notoriété qu’achètent la HALDE ou la CNIL n’ont pas grand intérêt. Ce qui importe, ce n’est pas de savoir si le public connaît la HALDE ou la CNIL, c’est de savoir ce qu’elles font. Il faudrait donc dans l’avenir que des questions plus fines soient posées dans le cadre de ces sondages qui, par ailleurs, ne sont pas dépourvus d’intérêt.
Sur le fond et au moment où nous sommes, monsieur le ministre, je m’inquiète de voir que ce projet de budget n’anticipe en rien l’installation du Défenseur des droits, qui est annoncée pour l’année prochaine. Certes, on nous oppose, et à raison, que le processus législatif n’est pas parvenu à son terme, puisque le projet de loi organique est en cours de discussion à l’Assemblée nationale, et que le Défenseur des droits a une indépendance reconnue constitutionnellement.
Tout cela est vrai juridiquement, mais cela empêche-t-il de chercher à anticiper et de définir des objectifs qui permettraient de fixer un cap, même s’ils ne sont pas atteints. J’ai constaté que l’impréparation était grande et inquiétait sérieusement même les autorités concernées.
Pourtant, toute une série de questions se pose.
La question immobilière n’est pas la moins importante. Où seront situés les locaux appelés à regrouper les quatre autorités administratives indépendantes ? Actuellement, l’État loue des locaux, en particulier pour la HALDE et pour le Médiateur de la République. On sait ce qu’il en est : les baux coûtent très cher mais courent jusqu’en 2014.
Sans anticiper sur la période transitoire, le Gouvernement semble pour l’instant dans l’attente de la réfection des vastes locaux situés avenue de Ségur. C’est une belle adresse, moins chère que les quartiers dans lesquels sont actuellement logées les institutions que j’ai citées tout à l’heure.
Mais en attendant la fin des travaux, qui n’est pas prévue avant 2015, voire 2016, que fait-on ? Le moment n’est-il pas venu de fixer des objectifs ? Il serait, à mon sens, indispensable que le regroupement des services et autorités administratives indépendantes, AAI, placés sous la houlette du nouveau Défenseur des droits, intervienne dès la nomination de ce dernier. En effet, rien ne serait pire qu’une situation dans laquelle le Défenseur des droits serait, en quelque sorte, décomposé, en tout cas éclaté géographiquement sur deux, voire trois sites. L’absence de lieu identifiable rendrait sans doute extrêmement difficile la tâche du Défenseur à peine entré en fonctions.
On éviterait cet inconvénient en réussissant à louer des locaux en mesure d’accueillir d’emblée les quatre AAI. Je sais bien que cela va coûter cher, je sais que les locaux actuellement loués coûtent cher. Mais, comme l’État paie de toute façon ces locaux jusqu’en 2014, il n’aura pas de difficulté pour trouver des services à y installer.
S’il existe, certes, des possibilités de mutualisation, elles seront limitées dans le temps, notamment au cours de l’année 2011. Dans le futur, la seule mutualisation envisageable portera sur les équipes supports, c’est-à-dire 32 postes sur 220.
En matière de ressources humaines, il faut s’attendre à des difficultés en raison des différences de statut, je pense notamment aux contractuels.
Au vu de tous ces éléments, je vous propose, mes chers collègues, de voter le budget du programme « Protection des droits et libertés », et, par l’amendement n° II–99, de rétablir les crédits dans leur montant initial. Il ne me paraît pas opportun, en effet, de diminuer les crédits de la HALDE. (Applaudissements au banc des commissions. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, le budget de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, baisse, cette année, de plus de 19 % pour s’établir à près de 23,9 millions d’euros. Cette réduction importante ne traduit pas un désengagement de l’État dans la lutte contre la drogue, mais illustre, au contraire, le succès des mesures prises pour mobiliser le fonds de concours de la MILDT.
Ce fonds, créé en 1994, est abondé par la valeur des biens et du numéraire saisis lors de l’interpellation de trafiquants. Son montant, de 70 000 euros en 2004, atteindra 20 millions d’euros en 2011. Cela compensera la baisse des crédits budgétaires. La MILDT devrait donc disposer, au total, de 12 millions d’euros de crédits supplémentaires par rapport à 2010 pour conduire ses actions.
La mission de la MILDT est essentiellement d’impulsion et de coordination interministérielle de la lutte contre la drogue. Elle assure la mise en œuvre du plan gouvernemental 2008-2011 de lutte contre les drogues et la toxicomanie. Le programme de politique transversale annexé au projet de loi de finances indique que le montant total des crédits alloués à la lutte contre la drogue est de 1,15 milliard d’euros auxquels s’ajoutent environ 300 millions d’euros de l’assurance maladie.
Cependant, la situation française en matière de consommation de drogues demeure inquiétante. À l’âge de dix-sept ans, 42,2 % des jeunes interrogés lors des journées défense et citoyenneté déclarent avoir expérimenté une fois le cannabis, et 7,3 % en font un usage régulier. La France demeure parmi les pays les plus touchés par la consommation de cannabis en Europe, après la République tchèque, l’Espagne et le Royaume-Uni.
La consommation d’ecstasy est également en baisse chez les jeunes, de même que la consommation régulière des drogues licites que sont le tabac et l’alcool. Mais les ivresses dites « occasionnelles » sont en augmentation continue. Près de 60 % des jeunes de dix-sept ans étaient concernés en 2008, contre 56 % en 2002.
On constate également le retour de certaines drogues : la cocaïne et l’héroïne. Le nombre de jeunes ayant expérimenté la cocaïne a triplé entre 2000 et 2008, pour s’établir autour de 25 000. L’expérimentation de l’héroïne a également augmenté sur la même période : elle toucherait un peu plus de 1 % des jeunes.
La cocaïne jouit dans certains milieux d’une image valorisante de stimulant des facultés intellectuelles, de drogue festive consommable en société, voire de produit de luxe. C’est contre cette banalisation de la drogue qu’il convient de lutter par l’information et la répression de l’usage.
Mais le principal sujet d’inquiétude porte sur la part de plus en plus importante de jeunes usagers de moins de vingt-cinq ans que nous qualifierons de « désaffiliés ». Leurs « conditions de précarité souvent extrêmes » sont décrites par l’expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, publiée en octobre dernier sur la réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues.
Repoussés en dehors des villes par le coût du logement, un grand nombre de ces jeunes s’installent de plus en plus dans les zones périurbaines ou même rurales, vivant dans un habitat délabré. Ils adoptent des conduites d’usage radical – polyconsommation et injection – auxquelles s’ajoute une prise de risque accrue, notamment le partage du matériel d’injection dans les rues pour ne pas être arrêté en possession du produit, ce qui rend particulièrement dramatique leur condition sanitaire.
La présence croissante, depuis 2002, d’une population féminine parmi les jeunes désaffiliés pose des problèmes spécifiques sur le plan socio-sanitaire : violences, grossesses non désirées, prostitution..., pour lesquelles il n’existe, à l’heure actuelle, aucune réponse institutionnelle spécifique.
Malgré l’apparition de cette population particulièrement fragile, les études dont nous disposons indiquent que le nombre total d’usagers problématiques de drogues reste stable, autour de 230 000 personnes. Les actions de prévention en matière de transmission du VIH ont porté leurs fruits et limité les infections. Mais l’hépatite C demeure à un niveau particulièrement élevé puisqu’un toxicomane sur deux utilisant l’injection en est atteint. La mise en place de traitements de substitution a pu stabiliser les décès prématurés. Au cours des cinq dernières années, cependant, le nombre d’overdoses a recommencé d’augmenter. On en comptait plus de 200 en 2008.
Si la politique de réduction des risques a permis de sauver de nombreuses vies, je souhaite néanmoins insister sur le fait que limiter les risques ne suffit pas. C’est vers la réinsertion sociale et le sevrage qu’il faut mener tous les usagers qui en sont capables. Certains plaident en faveur d’une simple stabilisation du niveau de dépendance grâce à la fourniture d’un traitement de substitution. Cela ne me paraît pas acceptable, car l’État ne doit pas devenir, directement ou par l’intermédiaire d’associations, un simple pourvoyeur de drogues.
Je regrette également la réticence de certaines administrations, principalement l’éducation nationale, à s’engager dans les actions communes de lutte contre la drogue. L’évolution de la consommation dans un environnement périscolaire devrait conduire à une remise en cause des acteurs de ce secteur.
Enfin, la commission des affaires sociales souhaite que soit mis en place le comité consultatif des jeux qui doit comprendre un observatoire des jeux. La loi votée a prévu la création de cet organisme, que nous avons chargé d’assurer le suivi des effets pathologiques du jeu et de proposer des mesures correctrices. Le décret d’application n’est toujours pas paru. Il me revient que les services du Premier ministre bloqueraient ce texte car ils refusent d’assurer le secrétariat du comité. J’espère, monsieur le ministre, qu’il pourra être mis fin rapidement à ce dysfonctionnement.
En prenant en compte les avancées faites et les progrès qui restent à accomplir, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la MILDT. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste.)
M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
Je vous rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour cette mission.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
La parole est à M. Roger Romani.
M. Roger Romani. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon intervention portera uniquement sur le programme 129, Coordination du travail gouvernemental, et, plus précisément, sur les crédits de l’action Coordination de la sécurité et de la défense dévolus au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.
C’est en effet sur ce chapitre que figurent les dotations de la nouvelle Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI.
Dans un rapport d’information que m’avait confié la commission des affaires étrangères et de la défense il y a bientôt trois ans, j’avais, hélas ! eu l’occasion de souligner le retard de la France dans la prise en compte des attaques informatiques.
De multiples exemples empruntés à l’actualité internationale démontrent la réalité et l’amplification de cette menace visant soit à paralyser, soit à pénétrer les réseaux de gouvernements ou de grands organismes publics ou privés. Notre pays ne saurait se considérer à l’abri.
La création de l’ANSSI et le renforcement des moyens humains, techniques et financiers dévolus à la cyberdéfense figuraient parmi les orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008.
Je me félicite de constater qu’en dépit des arbitrages budgétaires difficiles imposés par la situation de nos finances publiques ces engagements n’ont pas été remis en cause et seront honorés en 2011, comme ils l’ont été en 2009 et en 2010.
C’est le cas, tout d’abord, en matière d’effectifs, avec la création de 40 emplois supplémentaires l’an prochain, en vue d’atteindre un niveau de 250 personnes à l’horizon 2012, contre 110 seulement en 2008 dans le service dont l’Agence a repris les missions.
C’est également le cas en matière de moyens techniques et d’investissements. Il s’agit de poursuivre la mise en place de moyens de communication sécurisés, notamment l’intranet gouvernemental ISIS, de développer et d’acquérir des produits de sécurité informatique, et de mettre enfin en place une capacité de détection précoce des attaques informatiques, qui nous faisait cruellement défaut.
Voilà quelques années, nos ambassades ont fait l’objet d’attaques que nous n’avons découvertes qu’avec l’aide d’un pays allié et voisin. Nous n’étions pas les seuls à être exposés à ce genre d’attaques : une dizaine de pays occidentaux en avaient également fait l’objet. Je me réjouis donc de la mise en place de cette capacité de détention précoce des attaques informatiques.
Certains ministères ont déjà été équipés en priorité de ces moyens de détection qu’il faut désormais étendre à l’ensemble des administrations. Par ailleurs, le centre opérationnel de cyberdéfense, actuellement situé aux Invalides, sera étoffé, modernisé et transféré dans des locaux mieux équipés au Mont-Valérien.
Enfin, je me réjouis également que figurent dans les documents budgétaires des indicateurs mesurant l’avancement de ces projets, ainsi qu’une évaluation globale de la sécurité des systèmes de nos administrations. L’ANSSI a attribué en 2009 une note très moyenne de 3 sur 5 en matière de sécurité des systèmes d’information de l’État. Il y a donc encore beaucoup de chemin à parcourir.
En effet, s’il faut, bien entendu, saluer les mesures positives incluses dans ce projet de budget, il faut garder à l’esprit qu’elles demeurent modestes – elles se chiffrent en quelques dizaines d’emplois et quelques millions d’euros – et que nous avons un important retard à rattraper.
En 2012, l’ANSSI disposera normalement de 250 personnels, mais les services homologues allemand ou britannique en compteront entre 500 et 700.
À Londres, il y a quelques jours, devant la Chambre des communes et au moment même où il décidait des coupes budgétaires drastiques, M. Cameron a annoncé un effort supplémentaire de 500 millions de livres sur quatre ans pour la cyberdéfense, c’est-à-dire 580 millions d’euros. Ces chiffres laissent songeurs quand on pense que le plan de montée en charge de l’ANSSI prévoit un budget de l’ordre de 90 millions d’euros en 2012.
Lors du sommet du 2 novembre dernier, la France et le Royaume-Uni ont décidé de coopérer dans ce domaine pour renforcer la résilience de leurs systèmes nationaux et communs. C’est une bonne nouvelle, et il faut s’en réjouir. Mais il faudra, me semble-t-il, nous mettre véritablement au diapason des efforts réalisés outre-Manche et en Allemagne.
Au-delà de l’ANSSI, qui constitue l’un des volets du dispositif, une stratégie d’ensemble est nécessaire en matière de cyberdéfense et elle doit s’appuyer sur des moyens renforcés.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, j’apporte tout mon soutien et celui de mon groupe au projet de budget pour 2011 de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », car il met en œuvre les mesures prévues en matière de sécurité des systèmes d’information. Mais je le fais en souhaitant que cet effort indispensable se poursuive et s’amplifie dans les années à venir. Rappelons-nous, à cet égard, les événements survenus récemment, il y a quelques mois.
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. C’est vrai !
M. Roger Romani. Ils ont touché, et touchent toujours d’ailleurs, un grand pays, les États-Unis. Ces jours-ci, un certain nombre de nos établissements publics ont également été visés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. Yves Détraigne et Gilbert Barbier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Direction de l’action du Gouvernement » se distingue par son caractère essentiellement hétérogène, comme l’a souligné notre rapporteur spécial, et flexible, au gré des changements de stratégie gouvernementale.
Hétérogénéité et flexibilité ne facilitent guère les comparaisons des évolutions d’un exercice budgétaire à l’autre.
Je veux néanmoins souligner l’effort, dont nous n’avons qu’à nous féliciter, de rationalisation et de coordination qui marque cette mission dans sa globalité. Comment ne pas saluer, par exemple, la volonté de donner plus de corps à la fonction d’état-major, en lui rattachant des crédits jusqu’à présent dispersés, ou de réunir, dans un même programme, les douze autorités administratives indépendantes concourant à la protection des droits et libertés, qui pourraient être fédérées, à terme, au sein du Défenseur des droits ?
Comment encore ne pas admettre qu’il est cohérent de vouloir réunir, dans un même bâtiment, en respectant des critères croisés, des services du Premier ministre aujourd’hui éclatés sur plusieurs sites avec des loyers qui méritaient d’être renégociés ?
Ce travail est en cours et le nouveau « Centre du Gouvernement », qui sera probablement situé dans l’îlot Ségur-Fontenoy, devrait répondre à ce double objectif.
Je ne m’arrêterai pas, monsieur le ministre, sur l’évolution des enveloppes globales de cette mission, en raison surtout, comme je viens de l’indiquer, du changement de périmètre, sauf pour relever l’augmentation du budget de communication – hausse de 10,2 % pour les sondages d’opinion –, qui ne manque pas de laisser perplexe.
Mais je voudrais intervenir dans trois domaines, sur lesquels vous ne manquerez sûrement pas de nous apporter quelques éclaircissements.
Il s’agit, en premier lieu, de la CNIL. Peut-être savez-vous que mon collègue Yves Détraigne et moi-même avions déposé une proposition de loi tendant à « mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique ».
Avec le rapporteur Christian Cointat, nous avions à mon sens enrichi ce texte, notamment au regard du fonctionnement de cette autorité indépendante ; lors de l'examen de la loi de finances pour 2010, nous étions parvenus à éviter une réduction de ses crédits.
Aujourd’hui, certes, il n’y a pas de réduction, puisque la CNIL bénéficie de 14 ETPT supplémentaires et d’une progression de ses crédits de paiement de 3,5 %, progression au demeurant seulement mécanique pour répondre aux nouvelles charges de personnel.
Or les compétences nouvelles de la CNIL – pouvoir de labellisation, communication, animation des réseaux de correspondants informatique et liberté – auraient nécessité un effort supplémentaire pour améliorer son maillage territorial, ô combien indispensable. Je voudrais ici regretter que l’on n’ait pas pu aller plus loin.
Il s’agit, en deuxième lieu de la MILDT, qui, avec un budget réduit de 20 %, soulève de réelles préoccupations.
Mon ami Gilbert Barbier, il y a quelques instants, est venu le dire avec beaucoup d’autorité en même temps que de mesure. Ce n’est pas tant un problème budgétaire, au demeurant compensé très largement par un fonds de concours qui verra le budget global augmenté de 12 millions d’euros supplémentaires, qu’un problème de société.
Le constat est grave : la consommation de drogue, loin de baisser, se durcit et fait de plus en plus d’adeptes chez les jeunes de moins de 25 ans. Il est tout à fait indispensable que, face à cette situation, l’État soit tout entier mobilisé, lui et l'ensemble des acteurs qui, à ses côtés, se préoccupent des questions d’addiction aux drogues. Le rôle et la place de l’éducation nationale ne sauraient être minimisés au profit d’interventions de la police et de la gendarmerie, dont je sais la qualité, mais qui ne prendront tout leur sens que si le volet répression et le volet éducation-prévention s’équilibrent.
Il s’agit, en troisième lieu, du nouveau programme 333, Moyens mutualisés des administrations déconcentrées.
C’est un programme que l’on a voulu inscrire dans une démarche de coordination et de rationalisation, à la suite de la réforme de l’organisation territoriale de l’État.
J’avais été amenée, monsieur le ministre, devant vous, l’autre jour, à dire toute l’inquiétude et même davantage, le désarroi des personnels et hauts fonctionnaires des services déconcentrés de l’État au niveau régional et départemental.
La gestion de ce programme 333 et les conditions qui l’accompagnent créent un vrai malaise. Qu’il est difficile de conduire une réflexion stratégique quand les seuls critères sont ceux des mètres carrés à affecter et des réductions de budget au détriment des conditions convenables de travail des personnels !
Si, dans l’absolu, on ne peut que souscrire à une telle démarche, en revanche, on doit s’inquiéter du devenir de bâtiments qui n’entreront pas dans les grands ensembles immobiliers de demain et qui serviront, à n’en pas douter, de variable d’ajustement.
Telles sont les préoccupations que je voulais exprimer devant vous, monsieur le ministre, des préoccupations qui, cependant, n’empêcheront pas les membres du groupe RDSE d’adopter ce budget. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur le programme 308, Protection des droits et libertés, bien que les propos que j’ai entendus sur la MILDT auraient mérité que j’y consacre un certain nombre de développements ; mais ce sera pour une autre fois…
La création du programme 308 correspondait à la spécificité budgétaire des onze autorités administratives indépendantes. Or, aujourd'hui, le trouble est grand puisque nous sommes en pleine phase de transition, avec la perspective de voir créé le Défenseur des droits.
À ce propos, je note que les députés ont voté – déjà ! – l’intégration pour 2014 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans le périmètre du Défenseur des droits. Je le déplore. Ici, au Sénat, nous avions considéré que l’expérience récente du Contrôleur général des lieux de privation de liberté devait se poursuivre avant que la question d’une telle intégration soit posée.
Le Premier ministre a annoncé la mise en place du Défenseur des droits au printemps, anticipant sur le vote du Parlement. Toutefois, cette annonce ne s’est pas accompagnée d’une anticipation budgétaire : l’instance n’existant pas dans la loi, elle n’a pas à figurer dans le budget ; voilà une contradiction difficile à assumer !
Si nous sommes donc bien sûr en phase de transition, force est de constater que la confusion règne.
Le Médiateur de la République, dont nous avions prolongé le mandat, a été élu président du Conseil économique, social et environnemental et n’assure plus qu’un intérim. En outre, nous avons appris aujourd'hui la prochaine nomination du président de la HALDE.
Des questions se posent sur l’organisation concrète de la future institution, notamment sur l’adaptation des procédures de réception, de suivi et de traitement des dossiers, mais aussi, bien évidemment, sur la localisation.
Rien n’est écrit des incidences sur les prochains budgets. Or, si celles-ci sont, à ce jour, difficilement prévisibles, elles seront sans doute bien réelles.
Notre rapporteur s’est essayé à les cerner. Ses conclusions invitent à penser que l’argument tiré des économies liées à la fusion de quatre institutions en une seule a d’ores et déjà fait long feu. L’année 2011 s’annonce budgétairement difficile, avec des dépenses certainement supérieures à l’addition de celles qui sont actuellement constatées, sauf à considérer que l’on diminue considérablement les possibilités d’accomplir les missions des administrations existantes. À partir de 2012, est prévu un simple retour à l'équilibre.
Par conséquent, nous sommes largement dans l’improvisation.
Ce que nous savons, en revanche, c’est que l’activité des autorités concernées n’a pas faibli, tant s’en faut.
Après avoir augmenté de 16 % entre 2008 et 2009, celle du Médiateur de la République s’est accrue au 1er semestre 2010 par rapport à celui de 2009.
Depuis sa création en 2000, les saisines de la CNDS se sont multipliées – 97 en 2004, 228 en 2009 –, du fait, me semble-t-il, que nos concitoyens éprouvent de plus en plus le besoin de faire appel à cette instance.
La HALDE a reçu 10 700 plaintes en 2009. Aujourd'hui, les dossiers s’entassent. Une telle situation pourrait avoir des conséquences très préjudiciables pour les personnes qui l’ont saisie. Cela n’a pas empêché l’annulation de l'augmentation de 3 % prévue pour son budget. S’agit-il d’une mesure de rétorsion ? En tout cas, ce n’est pas très clair.
Quant à la Défenseure des enfants, son rapport de 2010 souligne la « modicité » de la dotation qui lui est affectée. Elle est ainsi conduite à rechercher d’autres financements pour faire face à ses missions : partenariats, soutien du conseil régional d’Île-de-France, etc.
Les membres de mon groupe et moi-même sommes opposés à la création du Défenseur des droits, non sur le principe, bien entendu, mais parce que cela marque, à nos yeux, la reprise en main d’autorités qui ont su faire la preuve d’une certaine indépendance. Nous risquons d’assister à un recul des garanties démocratiques offertes à nos concitoyens.
D’ailleurs, la commission des lois de l’Assemblée nationale vient de supprimer l’avis des commissions permanentes du Parlement sur la nomination des adjoints du Défenseur des droits. C’était pourtant une disposition que le Sénat avait proposée et votée. Voyez, le recul prévisible est déjà en marche !
La CNIL a, elle, vu son activité multipliée par dix en six ans. Ses missions se sont encore accrues en 2009 et 2010. Avec le développement des moyens informatiques, des fichiers, de la vidéosurveillance – je pense aux mesures adoptées dans le cadre de la LOPPSI 2 –, avec les échanges grandissants de données personnelles, chacun sait qu’une telle tendance ne va pas s’arrêter.
Pour ce qui est de la CNCDH, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, je constate que le Gouvernement et sa majorité nient régulièrement ses avis et, de manière significative, celui qui porte sur le Défenseur des droits.
Les droits des personnes, en France, sont loin d’être respectés. Pis, ils régressent plutôt dans bien des domaines. Les autorités administratives indépendantes sont donc absolument nécessaires : à condition d’être réellement indépendantes et d’avoir les moyens de fonctionner !
Aussi, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pourrons pas voter les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai mon propos en répondant aux questions posées sur le programme Coordination du travail gouvernemental.
Monsieur Krattinger, vous m’avez ainsi interrogé sur le service d’information du Gouvernement, le SIG, notamment en ce qui concerne les dépenses de sondages et la mise en œuvre de la stratégie de communication gouvernementale.
Le budget du SIG est en diminution constante depuis 2009, surtout pour ses dépenses de fonctionnement. De plus, les dépenses de sondage seront plafonnées en 2011, comme en 2010, à 2,8 millions d'euros. Voilà une réponse précise qui devrait être de nature à vous rassurer.
Messieurs Krattinger et Barbier, madame Escoffier, vous avez critiqué la réduction de 20 % des dépenses de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT.
Je souhaite donc vous éclairer sur l’utilisation de ces fonds pour 2011. D’ailleurs, madame Escoffier, vous avez vous-même répondu à la question que vous aviez posée. En effet, dans le projet de loi de finances pour 2011, le budget de la MILDT s’élève à 22 millions d'euros, hors dépenses de rémunération, contre environ 28 millions d'euros l’année dernière. Il y a, c’est vrai, une diminution incontestable.
Cependant, cette diminution doit être relativisée, car elle ne prend pas en compte une autre source de financement de la MILDT, à savoir le fonds de concours, évoqué par vous-même, madame Escoffier. Celui-ci, institué par le décret du 15 mars 1995, permet d’affecter au budget de la MILDT les produits de ventes issues des saisies opérées par la justice dans le cadre d’affaires de drogues. Ces produits sont utilisés pour l’acquisition d’équipements au profit des services de l’État luttant contre la drogue. Supérieures à 10 millions d’euros par an depuis deux ans, les recettes de ce fonds sont très dynamiques.
Une partie de cette ressource pourra être utilisée par la MILDT, au moins à hauteur de 3 millions d’euros, pour son action interministérielle de coordination et d’impulsion des politiques liées à la lutte contre les drogues et toxicomanies.
Le budget de la MILDT prend bien en compte la décision du Premier ministre de diminuer les budgets de fonctionnement des administrations de 10 % sur trois ans, dont 5 % en 2011. La MILDT doit aussi se soumettre à cette règle générale, qui s’applique à l’ensemble des administrations.
Hors moyens de fonctionnement et subventions aux opérateurs, les moyens dont disposera la MILDT seront de 20,65 millions d’euros, dont 3 millions d’euros du fonds de concours, alors que le projet de loi de finances pour 2010 avait prévu une enveloppe de 23,38 millions d’euros, ce qui représente une diminution de 10 %.
Mais – et cela devrait vous rassurer, mesdames, messieurs les sénateurs –, en tant que de besoin, le fonds de concours pourra davantage être sollicité ; ses réserves sont actuellement de l’ordre de 14 millions d’euros
Monsieur Barbier, nous avons décidé cet après-midi de débattre samedi, dans la nuit, des articles rattachés. Vous aurez donc l’occasion, lors de l’examen de votre amendement, de reprendre, avec le ministre chargé de ce secteur, le débat sur le sujet qui, chacun le sait ici, vous tient particulièrement à cœur.
Monsieur Krattinger, vous déplorez l’absence de pilotage de la gestion des coûts d’hébergement des services du Premier ministre – vous n’avez d’ailleurs pas été le seul à aborder ce sujet – et suggérez l’élaboration de conventions types communes.
Je souhaiterais rappeler que les services du Premier ministre présentent la particularité d’être constitués d’un nombre important de services et d’organismes, qui méritent d’être regroupés. Le périmètre de ces services, ainsi que vous l’avez relevé, peut être extrêmement fluctuant en fonction de décisions telles que la création d’organismes permanents ou temporaires, ou encore le rattachement de ministres ou de leur cabinet lors d’un remaniement ministériel. Compte tenu de ce contexte particulier, un schéma directeur immobilier des services du Premier ministre a été mis en place. J’espère que cela vous rassurera.
Le choix de l’implantation des services du Premier ministre dans l’îlot Ségur-Fontenoy, qui a été évoqué par Mme Escoffier et M. Krattinger, répond au constat de l’implantation dispersée des services. Le regroupement des services permettra de mutualiser les moyens et de dégager ainsi des économies d’échelle, auxquelles chacun aspire de ses vœux. Cette action positive réduira non seulement le coût des loyers budgétaires et des loyers des baux des immeubles locatifs, mais également le coût administratif induit par l’éparpillement du parc.
Quant à l’harmonisation des clauses contractuelles, elle passe désormais par le rôle du service France Domaine, qui est chargé de conclure, au nom de l’État, tous les baux locatifs.
Monsieur Barbier, vous critiquez le rattachement aux services du Premier ministre du secrétariat général du comité consultatif des jeux. L’article 3 de la loi du 12 mai 2010, relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, prévoit la création d’un comité consultatif des jeux. Vous avez raison, un décret en Conseil d’État doit préciser les modalités d’organisation, de fonctionnement et de saisine de ce comité. Je tiens à vous rassurer : il est en cours de préparation. J’espère pouvoir vous annoncer l’année prochaine qu’il aura été mis en application. Il serait, dans ces conditions, tout à fait prématuré de trancher la question du rattachement budgétaire de ce comité.
Monsieur Romani, vous vous êtes exprimé sur le thème de la « cyberdéfense », sujet ô combien d’actualité ! Qu’il me soit permis de rendre hommage à la contribution essentielle pour la réflexion sur la question de la sécurité des systèmes d’information que constitue votre rapport d’information intitulé Cyberdéfense : un nouvel enjeu de sécurité nationale, publié le 8 juillet 2008. Il est une référence pour le Gouvernement.
Vous l’avez souligné, cette réflexion s’est concrétisée par la mise en place de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, rattachée au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN, par le décret du 7 juillet 2009.
Vous avez également évoqué ce point, l’ANSSI assure, dans le domaine de la cyberdéfense, un service de veille, de détection, d’alerte et de réaction aux attaques informatiques, notamment sur les réseaux de l’État.
L’évolution du budget du SGDSN s’inscrit essentiellement dans la priorité, annoncée en 2009 lors de la création de l’ANSSI, de montée en puissance de la politique de sécurité des systèmes d’information et de protection des intérêts nationaux contre les attaques informatiques.
L’évolution des dépenses de personnel est principalement induite par l’objectif, fixé en 2009, de doublement des effectifs de l’ANSSI à échéance de 2012, pour atteindre 250 agents. Les équivalents temps plein travaillé, les ETPT, ouverts au titre de l’Agence verront leur nombre augmenté de 30 en 2011, 30 en 2012 et 28 en 2013. Cet objectif permettra d’atteindre environ la moitié des effectifs consacrés à cette mission tant par l’État britannique que par l’État fédéral allemand, auxquels vous avez fait allusion tout à l’heure.
L’évolution des autres dépenses suit la même dynamique. Les ressources consacrées à l’ANSSI augmenteront ainsi, par rapport à 2010, de 45 % en 2011 et de 73 % en 2013. Ces chiffres sont – je l’espère – de nature à vous rassurer.
J’en viens au programme Protection des droits et libertés. Monsieur Krattinger, vous avez abordé la question des dépenses immobilières des autorités administratives indépendantes, les AAI. Cet important sujet préoccupe également l'Assemblée nationale.
Je voudrais m’appuyer, pour vous répondre, sur le rapport d’information du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, auquel je participais il y a encore quelques semaines, intitulé Les autorités administratives indépendantes : pour une indépendance sous la garantie du Parlement et remis en octobre 2010 par MM. Dosière et Vanneste, que vous avez certainement lu. Les deux rapporteurs, l’un de l’opposition, l’autre de la majorité, ont effectué un travail minutieux et consensuel ; leur rapport ouvre des pistes intéressantes.
Ce rapport recommande le regroupement de certaines autorités administratives indépendantes pour optimiser la répartition des compétences et réduire les dépenses de fonctionnement. C’est un objectif que nous visons tous.
Je tiens à rappeler que le Gouvernement a déjà commencé à travailler au regroupement géographique que les rapporteurs appellent de leurs vœux. À l’horizon 2015, un centre de gouvernement, qui pourrait potentiellement abriter plusieurs autorités administratives indépendantes, devrait voir le jour à Ségur. Cela représenterait pour elles, le plus souvent, une économie par rapport aux loyers privés qu’elles paient aujourd’hui. Des discussions sont en cours avec les services du Premier ministre.
Dans ce contexte, vous vous interrogez, légitimement, sur l’atteinte à l’indépendance des autorités administratives indépendantes qui résulterait du regroupement de certaines d’entre elles sur un même site.
Leur indépendance réside davantage, à mes yeux, dans la non-révocabilité et la non-reconductibilité de leurs membres, dans leur éthique de travail et dans leurs règles de fonctionnement – que le rapport propose d’harmoniser – que dans leur implantation géographique. Je ne pense pas qu’il y ait une relation de cause à effet entre l’implantation géographique des AAI et leur indépendance. J’ai confiance en la capacité des éminentes personnalités qui y siègent pour travailler, quelle que soit la localisation des locaux, en toute indépendance.
À propos du futur Défenseur des droits, monsieur Peyronnet, madame Borvo Cohen-Seat, vous regrettez le choix du Gouvernement de stabiliser les crédits, alors que des dépenses de communications supplémentaires pourraient être justifiées pour faire connaître l’institution et que de nouveaux locaux aideraient à l’émergence d’une culture commune. Vous avez également déploré l’absence de mise en place d’une mission de préfiguration.
Les projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits sont actuellement en navette devant le Parlement après leur adoption par le Sénat le 3 juin 2010. Dans le cas d’une promulgation de la loi organique dans le courant du premier semestre 2011, ce qui est l’objectif du Gouvernement, il n’y aura pas de difficultés en termes de budget pour le nouveau Défenseur des droits.
En effet, l’article 33 du projet de loi organique précise que le Défenseur des droits succède aux différentes autorités absorbées, dans leurs droits et obligations. Aussi, quel que soit le périmètre du Défenseur des droits, il aura les moyens de fonctionner jusqu’à l’examen du projet de loi de finances pour 2012 qui ajustera son budget à son organisation finale telle qu’elle sera issue de la loi adoptée.
Fallait-il aller plus loin au stade du projet de loi de finances pour 2011 en envisageant notamment une possibilité de mettre en place une mission de préfiguration ou d’anticiper une campagne de communication ? Le Gouvernement ne le pense pas, madame.
Pour s’en convaincre, il suffit de considérer les changements de périmètre du Défenseur des droits qui sont intervenus, à l’instar de l’intégration de la HALDE en première lecture au Sénat ou de celle du contrôleur général des lieux de privation de liberté proposée par la commission des lois à l’Assemblée nationale.
S’agissant de la HALDE, vous avez tout à l’heure établi un lien de cause à effet entre les dépenses de communication et la connaissance que l’opinion publique pourrait avoir de cette institution. Les dépenses de communication de la HALDE ont décru au fil des ans, passant de 2,9 millions d’euros en 2006 à 826 000 en 2009. Pendant le même temps, la notoriété est passée de 16 % en décembre 2005 à 54 % en 2009. Ces données prouvent que la HALDE a désormais atteint sa maturité et qu’elle est parfaitement connue de l’opinion publique, ce dont nous devons tous nous réjouir. La hausse du nombre de réclamations, passé de 1 410 en 2005 à 10 545 en 2009, en apporte la confirmation. Je souhaitais, au travers de ces chiffres, vous rassurer, madame Borvo Cohen-Seat, monsieur le rapporteur.
Quant à l’implantation immobilière du Défenseur des droits, aucune décision n’a été prise à ce stade. Je mesure les intérêts qu’il y aurait, pour l’émergence d’une culture commune, à une implantation unique.
J’évoquerai enfin les moyens mutualisés des administrations déconcentrées.
Mesdames Escoffier et Borvo Cohen-Seat, vous vous êtes interrogées sur les bénéfices attendus de la mise en place des directions départementales interministérielles, les DDI.
Il est vrai que l’administration déconcentrée de l’État a été profondément réorganisée : le préfet en région est dorénavant responsable de l’exécution des politiques publiques nationales et communautaires. À ce titre, il a autorité sur les préfets des départements. Les services dans les régions et les départements ont été regroupés pour favoriser les synergies entre les différentes missions, mutualiser les moyens et simplifier les relations entre l’administration et les usagers. Le nombre de directions est passé de 20 à 8 dans les régions et de 10 à 2 ou 3 dans les départements. Cette mesure s’explique uniquement par la recherche d’une plus grande efficacité.
La création du programme 333, Moyens mutualisés des administrations déconcentrées, permet d’exploiter les potentialités de cette réforme en termes de mutualisation, de simplification et de recherche d’efficacité.
La mutualisation des dépenses de fonctionnement des directions départementales interministérielles permettra de pallier les inconvénients, identifiés en 2010, d’une répartition de ces moyens entre divers programmes ministériels. La gestion s’en trouvera facilitée.
Sur le plan de la gestion des ressources humaines, les personnels des directions départementales interministérielles conservent le statut de leurs ministères d’origine et les dépenses correspondantes sont exclues du périmètre du programme. Ainsi, aucun inconvénient ne doit être attendu, pour les personnels, de la création de ce programme. J’espère vous avoir ainsi rassurés.
Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à voter les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », figurant à l’état B.
État B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Direction de l’action du Gouvernement |
1 524 307 556 |
1 108 454 673 |
Coordination du travail gouvernemental |
586 160 306 |
578 668 234 |
Dont titre 2 |
244 511 848 |
244 511 848 |
Protection des droits et libertés |
147 320 185 |
91 207 370 |
Dont titre 2 |
52 856 597 |
52 856 597 |
Moyens mutualisés des administrations déconcentrées |
790 827 065 |
438 579 069 |
M. le président. L'amendement n° II–99, présenté par M. Peyronnet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental Dont Titre 2 |
||||
Protection des droits et libertés Dont Titre 2 |
344 358 |
344 358 |
||
Moyens mutualisés des administrations déconcentrées |
||||
TOTAL |
344 358 |
344 358 |
||
SOLDE |
+ 344 358 |
+ 344 358 |
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis.
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à rétablir les crédits de la HALDE tels qu’ils figuraient initialement dans le projet de loi de finances pour 2011. L'Assemblée nationale a, en effet, adopté un amendement annulant l’augmentation de 3 % des crédits inscrite par le Gouvernement dans le budget, et ce pour trois raisons qui ne me semblent aucunement justifiées.
La première porte sur les dépenses de communication. J’ai déjà traité cette question, je n’y reviendrai donc que très brièvement. J’ai montré, me semble-t-il, qu’il était nécessaire, et même légalement obligatoire, de mener d’importantes opérations de communication. Par ailleurs, si la HALDE a, éventuellement, abusé de ces crédits dans les temps anciens, tel n’est plus le cas aujourd'hui.
La seconde raison avancée concerne l’utilisation excessive des surfaces par agent. Le rapport Dosière-Vanneste, auquel faisait allusion M. le ministre, évoque une surface de vingt-sept mètres carrés par agent. Or, ce n’est pas le cas. Vérification faite, il s’agit de douze mètres carrés par agent. Cela correspond tout à fait à ce que souhaite le Gouvernement.
Enfin, la troisième raison a trait au loyer, qui, nous le savons tous, est très excessif. Néanmoins, cela est tout à fait indépendant de la volonté des membres de la HALDE. Ils ne peuvent pas s’en aller avant 2014. Je rappelle que l’État, à travers France Domaine, a loué ces locaux aux termes d’un contrat qui est passablement léonin. Ils n’y sont pas pour grand-chose.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois vous demande de rétablir les crédits tels qu’ils avaient été prévus dans le projet de budget initial.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. Cet amendement vise à rétablir les crédits tels que prévus par le Gouvernement.
S’agissant du loyer, il n’a pas été négocié par le président précédent, Louis Schweitzer, mais auparavant. La Haute Autorité a depuis tenté de renégocier chaque année les conditions du contrat de bail, en vain. Elle est pour le moment juridiquement captive de ce contrat.
En ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, la HALDE, comme cela a été dit tout à l’heure, doit poursuivre le développement de son réseau de correspondants locaux, afin de préserver et de renforcer sa présence sur tout le territoire.
Avant la fin de l’année 2011, le réseau devrait couvrir l’ensemble du territoire français, métropole et départements d’outre-mer. Ce réseau est primordial. Il a traité à ce jour 30 % des réclamations, ce qui est important et permet un écrémage avant d’atteindre l’administration centrale. L’objectif est de passer à 40 % à la fin de l’année 2011.
La HALDE a examiné plus de 10 000 dossiers en 2009 e, à la fin de cette même année, il ne restait que 3 946 dossiers en cours d’instruction, dont seulement 731 étaient ouverts depuis plus de douze mois.
Elle doit également consolider en 2011 son pôle d’orientation, opérationnel depuis le 1er janvier 2010, qui permet de réorienter tous les réclamants dont la saisine ne relève pas du champ d’action de la Haute Autorité.
Au vu de tous ces éléments, même si nous pouvons imaginer quelques marges de manœuvre en termes de réduction de dépenses, elles ne sont pas encore acquises. Aussi, je souscris au rétablissement de crédits prévu dans l’amendement présenté par mon collègue Jean-Claude Peyronnet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre. Messieurs les rapporteurs, vous défendez avec tellement de conviction la position du Gouvernement que je ne peux pas m’opposer à votre amendement. (Sourires.) J’y suis donc favorable et je vous en remercie.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix, modifiés, les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que l’examen de l’amendement portant article additionnel, rattaché à la mission « Direction de l’action du Gouvernement » a été réservé jusqu’après le vote de l’article 51.
Pouvoirs publics
M. le président. Nous allons examiner les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à cette heure avancée, je serai bref, d’autant que le montant global des crédits alloués à la mission « Pouvoirs publics » pour 2011 est égal à celui de l’année dernière.
Dans le détail, l’enveloppe proposée pour la Présidence de la République est reconduite pratiquement à l’identique, avec une légère baisse de 0,2%.
À cet égard, il faut rappeler que, dans son rapport publié en juillet pour la deuxième année consécutive, la Cour des comptes a adressé un satisfecit à l’Élysée sur plusieurs points, notamment le financement des sondages d’opinion, réduits de 45 %, la rationalisation des politiques d’achats, ou encore le plan triennal de rénovation des immeubles publics. Je signale d’ailleurs que, à la fin de l’année 2011, les effectifs de la présidence auront diminué de 15 % en quatre ans.
Malgré ces avancées, des améliorations pourraient être apportées dans certains domaines, les déplacements présidentiels par exemple. Le directeur de cabinet du Président de la République m’a indiqué à ce sujet que des mesures avaient été prises pour réduire ces dépenses, par exemple la négociation de tarifs avec les hôtels et les loueurs de voitures à l’étranger, ainsi qu’une meilleure planification de chaque déplacement.
Je serai plus concis sur les autres chapitres de la mission.
Les deux assemblées parlementaires ont décidé, pour la quatrième année consécutive, de demander la simple reconduction de leur dotation, au regard de budgets qui doivent eux-mêmes demeurer stables.
La dotation des chaînes parlementaires est la seule qui augmente dans la mission, notamment afin de financer les travaux pour l’aménagement des nouveaux locaux de Public Sénat. À l’inverse, la dotation du Conseil constitutionnel baisse de 5 %, malgré les conséquences pratiques de la mise en œuvre de la question prioritaire de constitutionnalité.
Venons-en à la Cour de justice de la République, comme chaque année.
Certes, par rapport à l’année dernière, les crédits de la dotation de la Cour sont en légère baisse, liée à la réduction du coût du loyer annuel. Néanmoins, ce loyer demeure à un niveau important : 450 000 euros pour une vingtaine de personnes, dont sept vraiment stables. Cela fait tout de même beaucoup par personne, entre 25 000 et 30 000 euros par an et par agent. C’est assez impressionnant.
Le Sénat fait cette remarque depuis quatre ans. La réponse progresse cette année, puisqu’il nous est dit qu’en 2015, peut-être un peu après, la Cour de justice de la République déménagerait au Palais de Justice, quittant ainsi le tribunal de grande instance et que, dès lors, il vaut mieux attendre cinq ans, plutôt que d’essayer de déménager dans un autre lieu, à des tarifs normaux.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous faire part de votre point de vue sur ce sujet ? Pour ce qui me concerne, je ne vois plus d’autre méthode que de proposer un amendement de réduction de la dotation, à hauteur de 200 000 euros, pour forcer France Domaine à traiter enfin un sujet qui, je le répète, est posé par le Sénat depuis déjà quatre années.
Sous cette réserve, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d’adopter, ainsi modifiés, les crédits de la mission « Pouvoirs publics ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a examiné les dotations allouées par le projet de loi de finances pour 2011 au Conseil constitutionnel et à la Cour de justice de la République.
Bien que la dotation budgétaire du Conseil constitutionnel soit en baisse de 4,8 %, sa dotation pour opérations courantes connaît une augmentation de 5,5 % en raison de la mise en œuvre de la question prioritaire de constitutionnalité, qui a conduit notamment le Conseil à recruter six collaborateurs supplémentaires.
Le Conseil constitutionnel compte donc désormais 55 collaborateurs à titre principal, auxquels se joignent en tant que de besoin des collaborateurs temporaires.
Je tiens, sur ce point, à saluer la manière dont le Conseil constitutionnel s’est adapté à cette nouvelle mission qui prend de plus en plus d’importance. Alors qu’il avait rendu 48 décisions en 2009 au titre de cette compétence, le Conseil avait déjà enregistré 90 saisines à ce titre à la fin du mois d’octobre dernier.
Pour assurer le succès de la question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil a souhaité informer au mieux les professionnels du droit, avocats et magistrats, en assurant des séances de formation et en éditant des tables analytiques de l’intégralité de sa jurisprudence. Il a en outre adopté, le 4 février 2010, une décision portant règlement intérieur sur la procédure suivie pour ces affaires, ce qui souligne bien le caractère juridictionnel de la procédure appliquée pour l’examen de ces questions.
Ces initiatives ont permis une mise en application rapide et efficace de cette nouvelle procédure, comme l’ont montré les premières décisions rendues à ce titre.
La dotation allouée en 2011 devrait permettre au Conseil de poursuivre dans cette direction.
Je dirai quelques mots sur la dotation de la Cour de justice de la République qui, avec quelque 817 000 euros, connaît une baisse de 13,18 %.
Comme l’a rappelé le rapporteur spécial de la commission des finances, cette baisse est due principalement à une procédure de révision du loyer demandée au bailleur et à l’absence de procès programmé en 2011, contrairement à 2010 où la Cour a siégé onze jours.
Il reste que le loyer représente plus de 50 % du budget de la Cour, ce qui paraît élevé, comme l’a dit le rapporteur spécial. Je partage donc le souci de mon collègue Jean-Paul Alduy, qui a particulièrement bien étudié cette question et qui souhaite un meilleur usage des deniers publics. L’emménagement de la Cour de justice de la République dans une partie des locaux laissés vacants par le tribunal de Paris après son départ pour la future cité judiciaire des Batignolles pourrait, à terme, aller en ce sens. Néanmoins, si quelque chose peut être fait d’ici à 2015 ou 2016, date de ce déménagement, je crois qu’il faudra le faire.
Pour terminer ce bref propos, je ferai une observation concernant les crédits de la mission « Pouvoirs publics », pour souligner à nouveau la nécessité d’intégrer dans cette mission les crédits du Conseil supérieur de la magistrature.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis. Une telle mesure est aujourd’hui indispensable pour assurer l’indépendance du CSM, qui a été confortée par la révision constitutionnelle de juillet 2008 et par la loi organique du 22 juillet 2010 qui dispose notamment que « l’autonomie budgétaire du Conseil supérieur est assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances ».
Le garde des sceaux s’est engagé, lundi dernier, à l’occasion de l’examen du budget de la justice judiciaire, à intégrer le budget du Conseil supérieur de la magistrature dans la mission « Pouvoirs publics ». La commission des lois sera particulièrement attentive à ce qu’il en soit effectivement ainsi dès la prochaine loi de finances.
Au bénéfice de ces observations, la commission a émis un avis favorable au budget de la mission « Pouvoirs publics ». (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP ainsi qu’au banc des commissions. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
Je vous rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour cette mission.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de cinq minutes pour intervenir.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, « les finances publiques doivent être saines. Le budget doit être équilibré. La dette publique doit être réduite. L’arrogance de l’administration doit être combattue et contrôlée. La population doit encore apprendre à travailler, au lieu de vivre de l’aide publique. »
Peut-être aurez-vous reconnu, monsieur le ministre, l’auteur de ces propos d’une actualité troublante. Si j’ajoute la phrase que j’ai volontairement omise – « l’aide aux pays étrangers doit être diminuée, de peur que Rome ne tombe en faillite » –, vous n’aurez pas manqué de reconnaître le grand, l’admirable Cicéron, qui déclamait cela 55 ans avant Jésus-Christ.
Nous voudrions voir ces propos appliqués, au moins certains d’autres eux, s’agissant des dépenses des pouvoirs publics, qui concernent la présidence de la République, les assemblées parlementaires, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République.
En effet, monsieur le ministre, il nous faut admettre que les dépenses de cette mission ne font pas, de par la loi, l’objet d’une évaluation de la performance. Ne faudrait-il pas le regretter ? Pourquoi ces services seraient-ils totalement protégés, au point de se soustraire à la règle commune ?
Je ne verrai que des avantages à ce que les pouvoirs publics se montrent exemplaires ; « se montrent », c’est-à-dire soient une maison de verre, peut-être un peu dépolie, mais certainement pas sans tain.
Je reconnais cependant, et vous auriez raison de me le faire observer, que la Cour des comptes ne s’est pas interdite d’opérer une mission de contrôle sur ces services, qui a d’ailleurs permis des rectifications, des corrections afin que chacun cherche à entrer dans l’épure.
J’observe que seules la Cour de justice de la République et la présidence de la République font encore l’objet de quelques recommandations. Vous me permettrez, à l’inverse, de me féliciter, avec mes collègues, de la bonne gestion du Sénat, qui réduit de près de 63 % les dépenses du musée du Luxembourg. Nous pouvons espérer que la période de sommeil vécue par ce musée lui permettra une renaissance heureuse, dans le cadre de la Réunion des musées nationaux.
S’agissant de la Cour de justice de la République, voilà plusieurs années que notre Haute Assemblée s’émeut du niveau du loyer et que les sages d’ici recommandent un déplacement sur un site dont les jardins seront moins prestigieux que l’esplanade des Invalides.
La présidence de la République, quant à elle, se montre raisonnable ou presque. Je sais qu’elle compte des gardiens de l’orthodoxie budgétaire, dont la vigilance devrait avoir du mal à être trompée. Néanmoins, un effort supplémentaire serait bienvenu sur certains frais, comme la préparation des voyages présidentiels, les frais de table, même si la cuisine française est entrée au patrimoine mondial de l’UNESCO, et sur la réalité des dépenses dont l’Élysée est bénéficiaire.
Nous ne pouvons en effet ignorer les transferts de charges – personnels, immobiliers, prestations de services – vers d’autres services dépensiers.
L’opération de transparence totale du budget conduite en 2008, qui avait abouti à un rebasage de facteur multiplicateur par trois, mériterait sûrement d’être reprise, au moins pour mesurer concrètement ce qui revient à l’Élysée et distinguer cette part de celle qui est imputable à d’autres services.
Sous ces réserves, mais en relevant les améliorations de gestion apportées, nous voterons les crédits de la mission « Pouvoirs publics ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UMP. – M. le président de la commission des finances et Mme Anne-Marie Payet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier, monsieur le rapporteur spécial, d’avoir mis en avant les efforts de bonne gestion récemment accomplis par la présidence de la République.
Mme Escoffier, pour sa part, a abordé sans esprit critique l’absence de maîtrise de certaines dépenses. J’ai même cru comprendre, madame la sénatrice, que vous approuviez les efforts réalisés, ce dont je vous remercie.
Je rappelle que la Cour des comptes a contrôlé pour la première fois en 2009, à la demande du Président de la République lui-même, la gestion des services de la présidence de la République au cours de l’exercice 2008. Je crois pouvoir dire sans me tromper que c’est la seule institution qui est systématiquement contrôlée tous les ans. C’est la preuve que le Président de la République tient à ce que la transparence soit totale.
Les observations formulées par la Cour des comptes à cette occasion, quant aux dépenses de sondage et de déplacement, ont, depuis lors, été prises en compte. La haute juridiction le souligne d’ailleurs en conclusion de son rapport de 2010 : « Vos services ont réalisé un sérieux effort de rationalisation et d’économie dans les relations contractuelles qui les lient à des cabinets de conseil en stratégie et à des instituts de sondage. »
En ce qui concerne les dépenses de déplacement, la comptabilité analytique dont s’est dotée la présidence de la République a permis de mettre en place des procédures de pilotage des dépenses de déplacement, sous l’égide de Christian Frémont, le directeur de cabinet du Président de la République.
Cette procédure implique plusieurs mesures : exigence d’un engagement financier préalable à toute dépense, obligation d’un ordre de mission pour toute mission préparatoire, réduction des effectifs des missions préparatoires et réduction des locations de véhicule à l’étranger.
Comme l’a souligné la Cour des comptes : « Cette décision devrait permettre d’améliorer sensiblement le suivi budgétaire et financier de vos déplacements officiels ainsi que d’en maîtriser le coût. »
La Cour des comptes a déploré, en 2010, le poids trop élevé des charges de personnel de la restauration administrative. Il a alors été décidé une baisse de 10 % d’ici à la fin de 2011 pour ces personnels, contre 5 % pour l’ensemble des effectifs.
Des mesures ont également été prises pour réduire les frais d’approvisionnement, grâce à des appels d’offres, et les coûts de certaines prestations, telles les décorations florales.
Il ressort ainsi clairement des observations de la Cour des comptes, dont l’indépendance est largement reconnue, que des progrès réels ont été accomplis dans la gestion des services de la présidence de la République. Il en ressort aussi que des progrès ont été réalisés par l’institution en matière de transparence. On ne peut que s’en réjouir.
Je tiens à remercier M. Détraigne, rapporteur pour avis, de son intervention ; en particulier, je lui sais gré d’avoir salué les conditions de mise en œuvre de la question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel.
MM. Alduy et Détraigne ont soulevé la question du loyer de la Cour de justice de la République en appelant notre attention sur le rôle du service France Domaine. C’est un sujet sur lequel nous nous sommes déjà entretenus avec M. le rapporteur spécial.
La Cour de justice de la République occupe ses locaux actuels, situés rue de Constantine, depuis 1994, à l’écart des institutions qui lui fournissent ses juges. En 1993, date de sa création, elle avait été hébergée, de façon transitoire, au palais de justice de Paris, sur l’île de la Cité.
En octobre 1999, le secrétaire d’État au budget a demandé au président de la Cour de justice de la République de réfléchir à une réimplantation de la CJR, compte tenu d’un ratio d’occupation trop élevé, à savoir plus de 50 mètres carrés par agent, selon un rapport de Mme Bricq, et du coût du loyer trop important, à savoir 626 euros par mètre carré.
Le 7 juillet 2010, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État a demandé au président de la Cour de justice de la République la résiliation, en août 2011, du bail contracté avec la GMF, avec effet en 2012, en raison du niveau du loyer proposé – 550 euros par mètre carré –, qui est significativement supérieur à la norme de 400 euros par mètre carré qu’il a fixée. Cette décision devrait être de nature à apaiser certaines craintes.
La Cour de justice de la République devra trouver de nouveaux locaux, dont le loyer sera inférieur à 400 euros par mètre carré, dans l’attente de son déménagement au palais de justice, à partir de 2015, c’est-à-dire une fois que le tribunal de grande instance et le tribunal de police seront installés dans la future cité judiciaire des Batignolles. Avant cette date, une solution devra donc être trouvée.
Le ministère de la justice doit libérer des locaux dans le cadre du projet de regroupement de son administration centrale sur un deuxième site. Une solution sera donc recherchée avec la Cour de justice de la République pour examiner les possibilités d’une implantation provisoire pendant quelques années. Je m’engage à ce que le service France Domaine œuvre en ce sens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je pense que cette réponse est de nature à vous donner satisfaction. J’aurai l’occasion de revenir sur ce sujet lors de l’examen de l’amendement présenté par M. Alduy, au nom de la commission des finances.
Dans cette attente, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Pouvoirs publics ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mmes Anne-Marie Escoffier et Anne-Marie Payet applaudissent également.)
M. le président. Nous allons maintenant procéder à l’examen des crédits de la mission « Pouvoirs publics », figurant à l’état B.
État B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Pouvoirs publics |
1 017 915 150 |
1 017 915 150 |
Présidence de la République |
112 298 700 |
112 298 700 |
Assemblée nationale |
533 910 000 |
533 910 000 |
Sénat |
327 694 000 |
327 694 000 |
La chaîne parlementaire |
32 125 000 |
32 125 000 |
Indemnités des représentants français au Parlement européen |
0 |
0 |
Conseil constitutionnel |
11 070 000 |
11 070 000 |
Haute Cour |
0 |
0 |
Cour de justice de la République |
817 450 |
817 450 |
M. le président. L'amendement n° II-11, présenté par M. Alduy, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Présidence de la République |
||||
Assemblée nationale |
||||
Sénat |
||||
La chaîne parlementaire |
||||
Indemnités des représentants français au Parlement européen |
||||
Conseil constitutionnel |
||||
Haute Cour |
||||
Cour de justice de la République |
200 000 |
200 000 |
||
TOTAL |
200 000 |
200 000 |
||
SOLDE |
- 200 000 |
- 200 000 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur spécial. Je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce que j’ai dit tout à l’heure.
Le montant du loyer de la CJR est très excessif. Chaque année, nous le disons et, chaque année, le statu quo perdure. Cette situation a donc conduit la commission des finances à adopter cet amendement d’humeur.
Cela étant, après l’engagement très ferme que vient de prendre M. le ministre, qui devrait se concrétiser dans un délai très proche, en 2011 et en 2012, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° II-11 est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Pouvoirs publics », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
Budget annexe : Publications officielles et information administrative
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Vera, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la fusion, depuis le 1er janvier 2010, des deux « fleurons » de la République que constituaient les Journaux officiels et la Documentation française en une seule direction de l’information légale et administrative, la DILA, est le résultat des profondes réformes menées depuis 2005 dans le double souci de modernisation et de réduction des coûts, réformes facilitées par une forte implication et adhésion des personnels.
L’impact budgétaire de la fusion porte sur une diminution de 9 % de l’ensemble des engagements, réduits de 199 millions d’euros à 182 millions d’euros pour 2011. Les économies sont essentiellement réalisées sur les coûts de fonctionnement des départements, en baisse de 10 %. Les crédits de paiement se maintiennent au niveau de 2010, soit 193 millions d’euros, afin de répondre à la politique de modernisation mise en place ces dernières années.
En effet, les importants investissements engagés permettent d’offrir de nouvelles perspectives techniques de qualité, aptes à répondre au développement de la mission dans ses différents secteurs.
En matière d’impression, la mise en place d’une nouvelle rotative devrait permettre à la DILA de capter une partie du marché des impressions de l’État. Encore faut-il que les efforts se déploient en coopération avec les ministères et que les coûts de production permettent à la direction de proposer des prix compétitifs. Il pourra en résulter un afflux de recettes, nécessaire dans le contexte de baisse des recettes d’annonces légales.
J’ai perçu de réels espoirs de la part des responsables de la SACI-JO, la société anonyme à capital variable de composition et d’impression des Journaux officiels. La mutualisation des tâches et les efforts de formation, voire de reconversion, d’un nombre important de ses salariés leur permettront de se positionner sur de nouveaux travaux dans ce domaine.
En matière d’édition, l’installation de la nouvelle plateforme éditoriale rencontre des difficultés techniques qui compromettent ce projet, pourtant essentiel, puisqu’il s’agit de la production du Journal officiel.
J’avais relayé, l’an passé, l’inquiétude des partenaires sociaux sur les retards dans la mise en place de cet outil. Un an plus tard, une nouvelle procédure devra être engagée afin de pallier ces difficultés. Il serait souhaitable, d’une part, de prévoir son financement et, d’autre part, que le personnel soit associé à la définition de cette nouvelle procédure.
En tout état de cause, il y a urgence, car la fiabilité du système actuel n’est pas assurée ; l’application a plus de vingt ans et il n’y a plus de maintenance depuis quatre ans.
En ce qui concerne l’information administrative, la diffusion des données publiques via Internet est déjà très performante et ne cesse de se développer. À côté des sites Legifrance et Service-Public, d’autres sites ont été mis en place, qui contribuent à la transparence économique, financière et associative.
Pour les usagers n’ayant pas accès à Internet ou souhaitant des réponses individualisées, l’information se fait par le biais du service de renseignement administratif par téléphone « Allo 39-39 ».
Apporter aux usagers des réponses de qualité à des coûts maîtrisés est l’un des enjeux de la DILA. La mesure de la performance dans ce domaine montre les efforts réalisés, même si le coût de ce service reste élevé.
En ce qui concerne les ressources, je rappelle que le budget annexe ne perçoit aucune subvention du budget général. Ce sont les redevances et produits de ventes perçus des usagers ou des clients qui constituent ses principales ressources et qui lui ont permis de dégager jusqu’à ce jour un excédent budgétaire sur chaque exercice – 11 millions d’euros pour 2011.
Les produits d’annonces légales représentent la majeure partie des ressources de la mission et ont à souffrir de modifications réglementaires et d’ouverture à la concurrence. Les augmentations tarifaires pratiquées ont permis de maintenir ces produits à un bon niveau : 170,3 millions d’euros, soit une hausse de 7,6 % par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2010, qui se sont donc révélées trop prudentes. De nouvelles ressources doivent cependant être trouvées.
Je terminerai en évoquant l’impact de la fusion sur les effectifs. Le rapprochement des deux directions en 2009 et la mutualisation des tâches avaient déjà eu une forte incidence sur leur réduction, laquelle avait d’ailleurs été engagée bien auparavant puisque les départs à la retraite ou en préretraite ne sont plus remplacés depuis 2004. La majorité des départs a eu lieu dans le cadre des plans de cessation anticipée d’activité mis en place à la DJO, la direction des Journaux officiels, et à la SACI-JO. Les effectifs sont ainsi passés de 1 032 équivalents temps plein travaillé en 2007, pour les deux directions, à 850 en 2011, soit une réduction de près de 20 % en trois ans. Seize nouvelles suppressions sont prévues en 2012. Les effectifs de la SACI-JO ont subi des réductions plus importantes encore.
Je tiens, comme les années précédentes, à appeler l’attention sur la mission de service public de la nouvelle direction, qui pourrait être remise en cause par une trop forte réduction des effectifs.
Pour conclure, je dirai que, malgré des difficultés restant à surmonter, la DILA est bien engagée sur la voie de la modernisation et qu’elle dispose des atouts pour devenir le grand pôle public d’édition, de diffusion, d’impression et d’information administrative de l’État. Encore faudra-t-il que ce soit la volonté politique des services du Premier ministre.
Mes chers collègues, à ce jour, et dans ce contexte, la commission des finances vous propose d’adopter sans modification les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative ». (M. le président de la commission, Mme Colette Mélot ainsi que MM. Gilbert Barbier et Yves Détraigne applaudissent.)
M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
Je rappelle que l’intervention générale vaut explication de vote pour ce budget annexe.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, les Journaux officiels et La Documentation française font partie de ces institutions dont on ne saurait se priver, pas plus les administrations de l’État que celles des collectivités territoriales, que toutes celles et ceux qui, à un titre ou à un autre, s’intéressent aux sciences sociales et à la chose publique.
Rien d’étonnant ou que de très normal que, voilà près d’un an, ces deux institutions aient fusionné pour créer ensemble la DILA, ressource unique avec une double mission d’éditeur et d’imprimeur.
La fusion était un véritable enjeu sur trois plans au moins : tout d’abord pour les utilisateurs du Journal officiel Lois et décrets, du Bulletin officiel des marchés publics, du Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, des rapports de la Cour des comptes ou des inspections générales et techniques, des études diverses pour les différentes administrations ; ensuite pour les salariés des deux entités, les uns fonctionnaires de droit public à la Documentation française, les autres personnels de droit privé dont la rémunération est liée à la convention collective nationale de l’édition ; enfin, pour les équipements en locaux et en matériels, notamment avec la nouvelle rotative.
À ce triple enjeu s’ajoute un nouveau défi, celui de la dématérialisation des documents, des documents incontournables puisque fixant la norme juridique et apportant les informations légales, et d’autres, moins normatifs, mais essentiels pour la gestion administrative.
Après près d’un an de fonctionnement de cette nouvelle structure, quel bilan peut-on tirer ?
Le nombre de lecteurs utilisateurs de la DILA n’a cessé d’augmenter, qu’il s’agisse des utilisateurs traditionnels ou des nouveaux abonnés par Internet, même si le nombre global des visites est inférieur à celui qui était escompté.
L’inquiétude des salariés, malgré une réduction des effectifs de 9 % environ, s’est estompée grâce, il faut bien l’admettre, à la mise en place d’un dispositif d’harmonisation des rémunérations.
La modernisation des équipements s’est avant tout traduite par l’acquisition de la nouvelle rotative Goss Uniliner, permettant à la DILA de jouer pleinement son rôle d’imprimeur-éditeur.
Dans ce contexte encore fragile après ce premier exercice budgétaire recomposé, la DILA montre, comme l’a indiqué M. le rapporteur spécial, qu’elle peut devenir un grand pôle public d’édition, de diffusion, d’impression et d’information administrative.
Dans l’immédiat, et même si la fusion a pour objectif de générer des économies d’échelle, le budget général supporte le poids des compensations de charges de personnel – départs dans le cadre de plans de cessation anticipée d’activité – et d’investissement dans la nouvelle plateforme éditoriale.
La baisse du budget général de 9 % en autorisations d’engagement et de 4,5 % en crédits de paiement se doit d’être compensée par le budget annexe, constitué des seules redevances et produits de vente perçus des usagers et clients, des ressources évaluées en hausse par rapport à celles de l’année 2010.
C’est dire l’intérêt fort qu’il y a à développer les axes « marchands », celui des produits d’annonce et les nouveaux produits et services numériques payants – librairie en ligne par exemple.
Comme M. le rapporteur spécial, la confiance que nous portons à cette nouvelle institution nous conduit à voter favorablement les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative ». (M. le président de la commission des finances, Mme Colette Mélot, ainsi que MM. Gilbert Barbier et Yves Détraigne applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez souligné à juste titre, madame Escoffier, l’ambition qui a animé le projet de création de la Direction de l’information légale et administrative et reconnu les efforts qui ont été réalisés à cette occasion, pour une meilleure efficacité, à la plus grande satisfaction des personnels.
Je voudrais revenir sur la manière dont va se concrétiser cette ambition dans les années qui viennent.
L’action de la DILA s’inscrit dans une dynamique de modernisation qui mobilise des moyens humains, techniques et financiers importants pour répondre à la mission qui lui a été confiée en matière d’édition, d’impression et de diffusion.
Elle poursuit en particulier une politique de modernisation de ses moyens, par la réalisation d’investissements significatifs, telle l’acquisition d’une nouvelle rotative.
Des démarches commerciales sont d’ores et déjà engagées auprès des administrations publiques telles que le ministère des affaires étrangères, le ministère de l’éducation nationale, la préfecture de police, le musée du Louvre, l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, le Centre national d’enseignement à distance, le CNED, etc.
L’année 2011 sera une année de transition avec l’achèvement de l’installation de la rotative et des périphériques qui y sont associés.
L’année 2012 devra confirmer les objectifs de production qui allieront la production régalienne des publications du Journal officiel à celle d’un panel important de prestations graphiques au bénéfice des administrations publiques. Cette évolution va dans le bon sens et nous ne pouvons que nous en réjouir.
Pour répondre aux questions posées par M. le rapporteur spécial, je souhaiterais tout d’abord rappeler quelques éléments du contexte.
Le marché de la nouvelle plateforme de production éditoriale, la NPPE, a été notifié le 28 décembre 2005 à la société IBM. Le montant initial était de 6,788 millions d’euros et le délai global pour la réalisation du marché avait été fixé à quarante-huit mois, pour une fin théorique le 27 décembre 2009.
Le 11 juillet 2007, un premier avenant d’un montant de 485 000 euros, soit 7,1 % du montant total du marché, a été notifié. Puis, un second avenant de 533 000 euros, soit 7,8 % du montant global du marché, a été notifié le 17 octobre 2008. Enfin, les 27 novembre 2009 et 27 avril 2010, deux avenants supplémentaires ont été notifiés, sans incidence financière, pour prolonger le marché d’un an, jusqu’au 27 décembre 2010.
Ce projet a rencontré de nombreuses difficultés, dues aux différents logiciels nécessaires que le titulaire ne semble pas avoir su maîtriser. En effet, en acceptant de soumissionner, la société IBM n’avait pas pris l’exacte mesure de la complexité des processus du métier de la direction des Journaux officiels. Elle en a découvert la dimension dans le déroulement du projet et a cherché à y répondre tout en restant dans le cadre de son offre contractuelle. Elle s’est alors orientée vers des développements spécifiques qu’elle n’avait pas prévus et qui se sont révélés insatisfaisants.
Aujourd’hui, après être allée au bout des processus de test de la NPPE, la DILA a fait le constat qu’il ne lui était pas possible d’envisager le basculement de ses productions sensibles, notamment le Journal officiel, sur un logiciel dont le fournisseur n’arrive pas à assurer un minimum de stabilité.
Après de nombreuses mises en demeure, la DILA a signifié le 13 juillet 2010 à la société IBM qu’elle ne pouvait mettre en production la plateforme complète telle qu’elle était proposée par cette société. Des discussions – difficiles – sont en cours entre la DILA et la société IBM quant à l’avenir du marché.
En tout état de cause, le logiciel actuel fonctionne normalement et pourra assurer la continuité du service rendu par la DILA, le temps de trouver une solution adéquate.
Dans ces conditions, vous êtes en droit de vous demander, mesdames, messieurs les sénateurs, pourquoi 95 % du marché a d’ores et déjà été payé.
Les sommes réglées à la société IBM correspondent en réalité à des prestations qui ont été livrées et qui sont utilisables. En effet, l’architecture générale du projet est bâtie autour de fonctionnalités particulières pour chacune des publications à traiter, reposant sur des fonctionnalités communes. Si ces fonctionnalités communes ne parviennent pas à un fonctionnement satisfaisant en régime industriel, les fonctionnalités particulières fonctionnent, quant à elles, isolément. Les difficultés n’ont ainsi été posées que pour certains éléments d’assemblage.
Enfin, la question de l’association des partenaires sociaux a été posée. En réalité, non seulement ces derniers ont été associés aux différentes phases de déroulement du projet, mais ils le sont également aujourd’hui pour étudier sa réorientation. Ainsi, un comité de pilotage, dont ils sont membres, s’est réuni la semaine dernière.
Sous le bénéfice de ces informations, je vous invite à adopter les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. Gilbert Barbier et Yves Détraigne applaudissent également.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative », figurant à l’état C.
État C
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Publications officielles et information administrative |
182 847 050 |
193 193 835 |
Edition et diffusion |
98 518 264 |
108 786 903 |
Dont charges de personnel |
32 337 732 |
32 337 732 |
Pilotage et activités de développement des publications |
84 328 786 |
84 406 932 |
Dont charges de personnel |
41 855 468 |
41 855 468 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 3 décembre 2010 à neuf heures trente, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale (n° 110 rectifié, 2010-2011).
Examen des missions :
Économie.
Compte spécial : gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien
MM. André Ferrand et François Rebsamen, rapporteurs spéciaux (rapport n° 111, annexe n° 11) ;
MM. Pierre Hérisson, Gérard Cornu et Mme Odette Terrade, rapporteurs pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 115, tome III).
Aide publique au développement
Compte spécial : engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique
Compte spécial : accords monétaires internationaux
Compte spécial : prêts à des États étrangers
MM. Yvon Collin et Edmond Hervé, rapporteurs spéciaux (rapport n° 111, annexe n° 4) ;
MM. Christian Cambon et André Vantomme, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 112, tome III) ;
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 114, tome II).
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales
Compte spécial : développement agricole et rural
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 3) ;
MM. Gérard César, Daniel Soulage, Jean-Marc Pastor et Raymond Vall, rapporteurs pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 115, tome I).
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Compte spécial : avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics
Compte spécial : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Compte spécial : gestion du patrimoine immobilier de l’État
M. Bernard Angels et Mme Nicole Bricq, rapporteurs spéciaux (rapport n° 111, annexe n° 14) ;
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (Fonction publique – avis n° 116, tome II) ;
Mme Éliane Assassi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (Modernisation de l’État – avis n° 116, tome VI).
Régimes sociaux et de retraite
Compte spécial : pensions
M. Bertrand Auban, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 23) ;
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 113, tome IV).
Remboursements et dégrèvements
Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 25).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 3 décembre 2010, à zéro heure cinquante-cinq.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART