M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très belle institution !
M. Pierre Fauchon. … conception et réalisation suivie très attentivement à l’époque par Régine Pernoud – c’est tout de même une garantie –, qui se réjouissait d’être associée à une telle démarche, en dépit ou précisément à cause de son souci de rendre l’histoire populaire, au meilleur sens du terme. Le vif succès de ce musée auprès de tous les publics, spécialement des plus jeunes, a été notre récompense.
Je crois savoir que, passant aux Journées d’histoire de Blois, monsieur le ministre, vous vous êtes arrêté au stand où était présenté ce musée. Je regrette de ne pas avoir été là pour vous en parler moi-même ! (Sourires.)
Je forme des vœux pour que cette conception vivante et spectaculaire soit aussi une préoccupation majeure au cœur du projet de musée ou de maison de l’histoire de France. Je ne doute pas qu’un tel lieu réponde à l’attente des membres de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Demande de réserve des articles rattachés
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, arrivé à ce stade de la discussion budgétaire, je voudrais, en accord avec le Gouvernement, vous proposer une série de modifications afin que nous puissions nous prononcer sur le projet de loi de finances pour 2011 avant minuit, mardi 7 décembre.
Nous avons à respecter des délais constitutionnels. Or, du fait notamment de la multiplication des articles rattachés aux crédits des missions de la seconde partie du projet de loi de finances, notre agenda s’est en quelque sorte « dilaté ». Un certain nombre de missions pour lesquelles trois heures de discussion avaient été prévues ont nécessité, telle la mission « Outre-mer », près de sept heures d’examen.
En application du principe constitutionnel de précaution (Sourires), permettez-moi de vous présenter un schéma ayant pour objet de faciliter et de rationaliser nos discussions, étant bien entendu que le Sénat se réunira samedi, l’après-midi et le soir, ainsi que dimanche, le matin, l’après-midi et le soir. Nous devons donc faire le meilleur usage possible de ces moments de discussion.
Nous achèverons demain soir, ou dans la nuit de vendredi à samedi, l’examen des missions en nous limitant à partir de maintenant aux seules discussions générales et à l’examen des amendements portant sur les seuls crédits, à l’exception donc des articles rattachés.
Nous réservons l’examen de l’ensemble des articles rattachés, des amendements qui s’y rapportent et des amendements portant article additionnel constituant, s’ils étaient adoptés, des articles rattachés, après la fin de l’examen des missions.
Concrètement, cela signifie que nous examinerons lors de la séance de samedi les missions dont nous avons reporté l’examen, à savoir les missions « Politique des territoires », « Santé », « Engagements financiers de l’État » et « Provisions ».
Puis nous prendrons les articles de totalisation 48 à 51 et, immédiatement après, l’ensemble des articles rattachés non examinés, et ce dans l’ordre de leur inscription initiale.
Cet examen comprendra celui de l’article 99 et des amendements portant article additionnel rattachés à la mission « Ville et logement », dont nous n’avions pas terminé la discussion lundi dernier, ou plus précisément aux premières heures de mardi.
Nous examinerons ensuite et enfin les articles non rattachés à partir de l’article 52 jusqu’à la fin, dimanche, lundi et mardi.
Telle est la décision, mes chers collègues, que nous avons dû prendre, et j’en suis désolé. J’espère que le Gouvernement y apportera son soutien.
Je vous proposerai toutefois une exception : que l’examen de l’article rattaché 68 quater ne soit pas reporté à samedi ou à dimanche matin.
M. le président. Conformément à l’article 44 du règlement, la commission des finances demande de réserver, après l’examen des crédits des missions, des amendements qui s’y attachent et des articles de totalisation, les articles rattachés aux missions et les amendements déposés sur ces articles, ainsi que les amendements portant article additionnel.
Cette réserve, comme M. le président de la commission des finances vient de le rappeler, vaut également pour l’examen de l’article 99 et des deux amendements portant article additionnel après l’article 99, dont nous avions entamé la discussion lors de l’examen de la mission « Ville et logement ». Elle ne vaut pas en revanche pour la mission « Culture ».
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement remercie M. le président de la commission des finances de faire cette proposition, car il a bien senti hier, lors de la conférence des présidents, que la multiplication des articles rattachés avait des conséquences importantes sur le déroulement des travaux du Sénat.
Or le Gouvernement souhaite que l’examen du projet de loi de finances se déroule d’une manière cohérente et si possible hiérarchisée dans le temps, afin que nous n’ayons pas de mauvaise surprise mardi, lors du vote sur l’ensemble.
Non seulement le Gouvernement est favorable à la demande de M. Arthuis, mais il remercie la commission des finances et le Sénat de bien vouloir faciliter cette discussion budgétaire en ayant recours à cette méthode rationnelle et, me semble-t-il, la plus efficace possible.
M. le président. La réserve est de droit.
Monsieur le ministre, les travaux pratiques que nous avons été amenés à faire cette nuit en séance publique, après la conférence des présidents, en passant une heure sur un article rattaché, ont renforcé notre sentiment : une mesure devait être prise.
Nous examinerons donc aujourd’hui et demain les missions programmées, ce qui inclut les amendements portant sur les états. Nous pourrons ainsi tenir le programme dans la limite d’un horaire raisonnable.
Samedi, à partir de quatorze heures trente, nous examinerons les quatre discussions reportées : Politique des territoires, Engagements financiers de l’État, Provisions, Santé.
Si nous en avons le temps, nous examinerons ensuite les articles de totalisation – articles 48, 49, 50 et 51 –, puis les articles rattachés dans leur ordre originel d’inscription.
Dimanche matin, nous poursuivrons l’examen des articles rattachés et nous commencerons les articles non rattachés que nous continuerons lundi.
Le service de la séance, mes chers collègues, mettra en distribution dans les meilleurs délais un dérouleur récapitulant la nouvelle organisation de la fin de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2011.
Nous reprenons maintenant l’examen des crédits de la mission « Culture »
Culture (suite)
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, dans le Cru et le cuit, le grand anthropologue Claude Lévi-Strauss affirme : « Le savant n’est pas l’homme qui fournit les vraies réponses, c’est celui qui pose les vraies questions. » C’est pourquoi il me revient aujourd’hui de répondre aux vraies questions que vous avez soulevées et aux légitimes interrogations qui ont émergé à la lecture des crédits de la mission « Culture » inscrits au projet de loi de finances pour 2011.
Chacun sait dans cette assemblée combien notre environnement budgétaire est tendu, chacun mesure ici combien sont fortes les contraintes qui pèsent sur le budget de l’État. Néanmoins, je tiens à dire que je me suis très fortement engagé afin de préserver cet « État culturel » parfois décrié en France, mais souvent admiré en Europe et dans le monde. Cette politique de développement culturel ne va pas de soi : elle n’est jamais acquise, elle est toujours conquise.
Le budget de la mission « Culture » pour 2011 est un budget consolidé, c’est un budget préservé, un budget qui nous permet d’afficher de nouvelles priorités d’action. Il est en effet en légère augmentation, à 2,7 milliards d’euros, hors crédits de la réserve parlementaire et avant les transferts. C’est un budget conforté, si l’on songe par exemple à d’autres États membres de l’Union européenne, qui ont choisi de tailler, parfois massivement, dans les budgets de la culture pour faire face à la crise de leurs finances publiques, comme si la culture était une valeur d’ajustement. En ce qui nous concerne, nous serons donc en mesure de poursuivre les grands chantiers engagés, et de mettre en valeur de nouvelles priorités.
Certains diront qu’il s’agit d’un budget compliqué. Je veux lever les interrogations à ce sujet. Dans le cadre de la réflexion sur ses missions, dans le cadre aussi de la réforme de l’administration centrale, mon ministère a fait le choix de regrouper le livre, les industries culturelles et les médias. Je soutiens fortement ce choix : la « nouvelle frontière » du livre et de l’édition, c’est le livre numérique. C’est aussi le livre « augmenté ». Les conséquences de la globalisation et de la numérisation sont considérables pour l’ensemble de ces secteurs : il importait d’adapter notre dispositif à cette transformation fondamentale.
La création de la direction générale des médias et des industries culturelles – l’une des trois grandes « directions métiers » de mon ministère – s’inscrit également dans le cadre de cette politique forte et cohérente, que je soutiens, en faveur des industries culturelles.
Certes, la maquette budgétaire s’en trouve perturbée à l’occasion du prochain exercice, mais elle sera stabilisée pour un certain nombre d’années. Permettez-moi maintenant de présenter plus en détail les crédits de la mission « Culture » et de répondre aux questions soulevées par les rapporteurs et les intervenants.
Ce budget entend poursuivre la politique de mise en valeur de tous les patrimoines.
Le programme Patrimoines, tout d’abord, connaîtra une hausse de 1,6 %, pour s’établir à 868 millions d’euros. Par leur capacité à mettre en valeur les territoires et à créer des emplois, l’accent a été mis sur les crédits déconcentrés en région.
Conformément à l’engagement du Président de la République, les monuments historiques bénéficieront l’année prochaine de moyens reconduits par rapport au projet de loi de finances pour 2010, avec un budget de 375 millions d’euros si l’on compte les 10 millions d’euros issus de la taxe sur les jeux en ligne affectés au Centre des monuments nationaux, comme chacun l’a remarqué. C’est donc, comme l’a souligné M. le rapporteur Nachbar, un bon budget.
Entretenir aujourd’hui, c’est aussi investir pour avoir moins à restaurer demain. Par ailleurs, l’effort réalisé en faveur des monuments historiques n’appartenant pas à l’État se poursuit en 2011, pour atteindre 53 % des crédits dédiés aux monuments historiques. Je tiens notamment à insister, à la suite de M. Nachbar, sur l’importance de l’aide à la maîtrise d’ouvrage pour les petites communes : cette dernière sera assurée, protégée et garantie. Ce sont les preuves d’un engagement fort et d’une ambition économique et touristique à l’intention des collectivités locales.
Concernant l’avenir de l’archéologie préventive, je partage, messieurs les sénateurs Gaillard et Nachbar, votre préoccupation sur la situation, que tous s’accordent à présenter comme difficile, de l’INRAP. Au point de rencontre entre mémoire et développement territorial, ce sujet est tout à fait essentiel. Cependant, je ne vais pas le développer aujourd’hui car une réflexion est actuellement en cours, avec – bien naturellement – l’ensemble du personnel de l’INRAP, sur les modalités d’une réforme structurelle de son financement. Nous aurons donc l’occasion d’en reparler prochainement, en nous appuyant également sur les éléments du rapport de l’inspection générale des finances, qui ouvre des pistes intéressantes et qui sera transmis au Sénat.
J’ai évoqué plus haut le développement des territoires : c’est aussi la finalité du plan musées. Le plan musées proprement dit pourra s’appuyer en 2011 sur 25 millions d’euros, sur les70 millions prévus jusqu’en 2013. Ce plan concerne des projets de rénovation, d’extension, voire de construction, de 79 établissements de nature très différente, répartis sur l’ensemble du territoire, comme vous l’avez rappelé, madame Papon. Il s’agit de créer un effet de levier favorable au développement de l’attractivité de nos régions. À cet égard, la réponse des collectivités locales est bien plus qu’encourageante.
Par ailleurs, la révision générale des politiques publiques nous a conduits, vous le savez, à baisser de 5 % les subventions de fonctionnement des grands établissements publics. Cependant, monsieur Ralite, la Réunion des musées nationaux, le Louvre, le musée d’Orsay, le Centre Pompidou et le musée du Quai Branly restent et doivent évidemment rester les acteurs majeurs de notre politique patrimoniale, les « vaisseaux amiraux » de notre dispositif culturel.
Je ne suis pas inquiet à ce sujet : j’en veux pour preuve le dynamisme de leurs recettes propres, leur capacité d’investissement pluriannuel maintenue et leur rayonnement international conforté, notamment grâce à des gestions et à des directions de la plus grande compétence.
Je souhaite à cet égard répondre à M. Yann Gaillard concernant la gratuité pour les 18-25 ans dans les musées. Mise en place en 2009, cette mesure porte ses fruits : la proportion des jeunes de 18 à 25 ans augmente sensiblement chaque trimestre, et près de sept jeunes sur dix considèrent que la gratuité a pesé sur la prise de décision de leur visite.
Parmi les grands chantiers emblématiques que le budget 2011 permet de porter, je citerai évidemment deux projets immobiliers qui apportent leur contribution à l’excellence architecturale de notre pays et représentent une vitrine ainsi qu’un vecteur de rayonnement pour la création contemporaine : le musée des civilisations d’Europe et de la Méditerranée de Marseille – le MuCEM – auquel 30 millions d’euros seront consacrés l’année prochaine afin de permettre l’aménagement du site paysager du fort Saint-Jean et la réalisation du projet architectural de Rudy Ricciotti, mais aussi le programme de rénovation du musée Picasso à Paris, qui sera lancé en 2011.
Madame Papon, vous avez eu raison de rappeler également le grand projet de fusion entre le Grand Palais et la RMN. Le nouvel établissement sera bien créé au 1er janvier 2011.
À Paris, la Maison de l’Histoire de France figure également parmi les grands projets culturels. Je suis particulièrement heureux de voir que cette question a été plusieurs fois évoquée au cours des allocutions précédentes. Je suis conscient des controverses qui entourent ce projet. Je voudrais dire que je les aborde très sereinement, et que chacun d’entre vous pourra se reporter au script de l’entretien d’une heure que j’ai accordé à France Culture, lequel résume – à mon avis – très bien les enjeux de la controverse et devrait entraîner une évolution très favorable du point de vue de ceux qui sont encore sceptiques quant à l’intérêt du projet.
Les crédits permettront notamment l’ouverture des jardins du quadrilatère de Rohan-Soubise au public et l’exposition de préfiguration à la fin de 2011. Vous avez raison, monsieur Fauchon : plus qu’un musée, il s’agira d’une « maison », c’est-à-dire d’un réseau ouvert à la communauté des historiens, des chercheurs, ouvert aux jeunes mais aussi au grand public, et qui constitue la réponse à une véritable « demande d’Histoire », dont témoignent, par exemple, les « rendez-vous de l’histoire de Blois » ou le succès exceptionnel des grandes émissions de télévision à caractère historique.
Grâce à un espace numérique innovant, cette Maison de l’Histoire permettra de cartographier les sites et musées d’histoire existants : non seulement les musées directement rattachés à l’État, mais aussi le millier d’autres qui parsèment le territoire français, et pour lesquels nous n’avons pas encore de repère. Ils seront ainsi, en quelque sorte, confédérés d’une manière souple, cartographiés, et ils permettront d’alimenter très fortement les discours et questions concernant l’Histoire.
La Maison de l’Histoire sera donc un lieu de valorisation de la recherche et du savoir, mais aussi un lieu d’éducation et de transmission à destination du grand public. Il ne s’agit ni de créer un reposoir pour le « roman national », ni d’ériger un conservatoire du passé, mais bien d’ouvrir un questionnement, un dialogue, un échange, en ouvrant notre histoire, ses richesses et ses questions au miroir de l’histoire de l’Europe et du monde.
Parallèlement, le budget des archives nous permettra de respecter le calendrier de construction du centre des archives de Pierrefitte-sur-Seine : la livraison du bâtiment construit par Massimiliano Fuksas – l’un des plus grands architectes du monde, et qui a fait une maquette admirable – est prévue pour la fin de l’année, avec une ouverture au public en 2013. Ce sera le centre d’archives le plus vaste et le plus moderne d’Europe. Je tiens à souligner le fait qu’un effort particulier a également été fait en faveur des centres d’archives en région, qui bénéficient désormais d’une enveloppe de 7,5 millions d’euros.
J’ai en effet la conviction que le patrimoine n’est pas figé : il est ouvert sur les dynamiques de la société, il se façonne et il se construit également dans le présent. Du patrimoine rural – les fontaines, les halles, les lavoirs – au patrimoine immobilier en passant par les grands sites industriels, mais aussi la langue française et les langues de France, les patrimoines, au pluriel, sont une exceptionnelle richesse vivante. Ils nous ont été légués par ceux qui nous ont précédés, il nous revient de les transmettre aux générations futures, en ayant à l’esprit qu’ils ont une valeur mémorielle mais aussi universelle, car la France, c’est la « France Monde » !
Le programme Création entend également préserver la diversité et la qualité du spectacle vivant. Pour sa part, le budget consacré à la création est en hausse de 1,8 %, pour s’élever désormais à 736 millions d’euros.
En ce qui concerne le spectacle vivant, j’entends bien votre inquiétude, monsieur Lagauche. Vous me permettrez toutefois de dire que la reconduction des crédits de fonctionnement en région à hauteur de 276 millions d’euros représente une victoire, si l’on veut bien se rappeler qu’il y a quelques mois encore, il était tout simplement question de diminuer ces crédits d’intervention de 10 %. Oh, certes, pas dans les couloirs du ministère de la culture et de la communication, mais pas très loin non plus…
C’est la marque d’un engagement maintenu de l’État en faveur de la création et de l’émergence des jeunes artistes.
L’année 2011 sera par ailleurs une année essentielle pour la réforme du secteur du spectacle vivant. Les conclusions des Entretiens de Valois ont été tirées et mon ministère procédera à la redéfinition du périmètre et des modalités d’intervention de l’État, en prenant bien soin, monsieur Pignard, de ne pas se payer de mots ; la phrase célèbre de Clemenceau que vous avez fort justement citée à ce propos hante d’ailleurs mon imaginaire et ma mémoire.
Qu’il s’agisse des labels ou du fonctionnement des comités d’experts, accompagner la transformation est une nécessité à la fois pour l’État, pour les opérateurs et pour les établissements, dans le cadre d’un dialogue responsable.
Je tiens à rassurer M. le rapporteur pour avis Serge Lagauche sur la plateforme d’observation du spectacle vivant : ses travaux avancent, et de manière constructive.
Plusieurs chantiers ont d’ores déjà été lancés ou le seront dans les prochaines semaines : des études pilotes sur le financement de la culture, un tableau d’indicateurs communs ou encore une réflexion sur l’homogénéisation des données financières fournies par les structures du secteur.
Dans un paysage européen en pleine évolution, ne pas transformer aujourd'hui le panorama de la création en l’adaptant aux nouvelles formes de la révolution numérique serait mettre en péril les formes d’expression de demain.
Je sais tout l’intérêt que chacun d’entre vous porte au dossier de la Philharmonie. Je le partage pleinement, et j’ai beaucoup œuvré pour la défendre. Dans une lettre très récente qu’il a adressée au maire de Paris, M. le Président de la République a confirmé la poursuite de ce projet ambitieux.
C’est un dossier prioritaire, car il permettra au Grand Paris de bénéficier d’une salle de concerts susceptible d’accueillir les plus grands ensembles symphoniques et de rivaliser avec d’autres métropoles déjà dotées d’un tel outil de prestige et rayonnement culturel. Je pense à Berlin, mais également à Rome,…
M. Ivan Renar. Et Vienne !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. … ville qui, malgré une démographie plus faible que celle de Paris, dispose d’une philharmonie absolument remarquable.
Je précise également que la Philharmonie ne sera pas seulement une salle de concerts. Elle sera véritablement la clé de voûte de toute la transmission et de l’enseignement musical en France, avec des lieux d’accueil pour les étudiants des conservatoires, des lieux de recherche, de travail, de répétition, ce qui manque encore cruellement à Paris.
L’enveloppe consacrée aux arts plastiques connaît une forte hausse pour 2011, passant de 57 millions à 74 millions d’euros, ce dont je me réjouis comme vous, monsieur Plancade.
Cette augmentation est essentiellement liée au lancement du chantier de rénovation des espaces inférieurs du Palais de Tokyo, qui seront totalement consacrés à l’art contemporain et ouvriront au public au printemps 2012.
La création artistique bénéficiera ainsi d’un outil de niveau international qui lui permettra de couvrir l’ensemble de son spectre, des talents émergents aux artistes confirmés, notamment ceux qui sont issus de la scène française.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. À cet égard, je voudrais ouvrir une parenthèse qui me semble importante.
D’aucuns s’inquiètent d’une certaine diminution de la part de la France sur le marché de l’art international. Le meilleur moyen d’inverser cette tendance est de valoriser nos artistes français ! Je pense ainsi aux artistes émergents, mais également à des artistes qui sont en milieu de carrière et qui ne peuvent pas encore accéder aux grandes rétrospectives, comme Soulages au centre Pompidou, mais qui méritent évidemment d’être valorisés fortement par l’État dans un lieu de prestige, tel que le Palais de Tokyo.
M. Jean-Pierre Plancade. Bravo !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. À mon sens, ce sera une manière significative et forte d’inverser l’évolution défavorable pour la France que nous constatons sur le marché de l’art.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade. C’est parfait !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Madame Blondin, le budget consacré aux arts plastiques a été conçu pour veiller également au développement de notre réseau d’institutions en région.
À cet égard, le Palais de Tokyo nouvelle formule sera le réceptacle de tout ce qui se fait en région et permettra d’attirer l’attention du public parisien et des visiteurs étrangers sur la richesse de nos fonds régionaux d’art contemporain, les FRAC, et sur le dynamisme de tout ce qui se fait en région. Il sera l’interlocuteur légitime et permanent du formidable travail réalisé en région grâce à ces fonds.
Par ailleurs, plusieurs FRAC s’installeront dans de nouveaux locaux, ce qui nécessite un effort particulier en termes d’investissements, mais qui augmentera aussi considérablement leur visibilité.
J’ai la conviction qu’il importe de promouvoir l’ensemble du système de l’art contemporain et d’appuyer le travail conjoint de l’ensemble des acteurs contribuant à sa vitalité en France, sur le territoire métropolitain comme en outre-mer. En effet, vous savez l’importance que j’attache à l’action culturelle en outre-mer. D’ailleurs, cela explique que je m’y rende systématiquement pour mettre l’accent et souligner le travail effectué par les acteurs culturels sur place et pour les encourager et valoriser leur action.
La transmission des savoirs et la démocratisation de la culture sont également au cœur de mes priorités. C’est l’ambition que je porte de la « culture pour chacun »
Développer l’accès à la culture pour les publics qui en sont éloignés, redynamiser le lien social en développant les pratiques culturelles qui favorisent la mixité, former les futurs créateurs et les futurs artistes, c’est, à mon sens, conforter le rôle de la transmission dans toutes ses dimensions et, d’une manière plus générale, participer à la refondation d’une « société du vivre ensemble » où chacun s’écoute et se parle.
C’est toute l’ambition du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, dont le budget pour 2011 s’élèvera à 433 millions d’euros hors crédits de personnels.
Cette enveloppe nous permettra de préserver nos dispositifs en faveur des publics les plus éloignés de l’offre culturelle, notamment les quartiers, les personnes handicapées ou encore les territoires ruraux, en faveur desquels j’annoncerai très prochainement un plan « Culture en milieu rural ».
Je vous ai bien entendu, monsieur Jean-Pierre Plancade, mais je tiens à être clair. Il n’y a aucune baisse des crédits consacrés à l’action culturelle sur ce programme. Il y aura même plus de 3 millions d’euros supplémentaires en 2011 pour les régions au titre de l’action culturelle des directions régionales des affaires culturelles, les DRAC.
Je veux pour preuve de cet engagement la préservation de nos moyens d’action dans le domaine de l’enseignement supérieur, comme vous le soulignez à juste titre, monsieur le rapporteur pour avis Philippe Nachbar.
Qu’il s’agisse des écoles d’architecture, des écoles des beaux-arts ou encore de la Fondation européenne pour les métiers de l’image et du son, la FEMIS, les dotations de fonctionnement pourront être actualisées et les crédits d’investissements seront revus à la hausse. Les travaux de rénovation de plusieurs établissements pourront ainsi être poursuivis.
Je tiens également à rappeler que les emplois d’enseignants sont sanctuarisés, puisque la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux ne s’appliquera pas dans ce secteur, en raison du développement considérable du nombre d’étudiants.
Par ailleurs, je voudrais évoquer plus particulièrement avec vous l’éducation culturelle et artistique et l’action en faveur de l’accès à la culture. Un cap a été franchi ; un changement culturel s’est imposé. Nous ne pourrons plus revenir en arrière dans l’enseignement de l’histoire des arts à l’école. Éduquer, former et susciter la curiosité : c’est un travail de Sisyphe, un ouvrage sans cesse recommencé.
J’ai bien entendu vos remarques concernant le sujet de l’évaluation de cette politique, monsieur le rapporteur Philippe Nachbar.
À cet égard, j’ai voulu, comme vous le savez, donner une nouvelle dynamique à la démocratisation de la culture, en lançant notamment une consultation au niveau régional et national consacrée précisément à la « culture pour chacun ». Sur les 77 millions d’euros consacrés à cette ambition, des redéploiements internes nous permettront en 2011 de dégager 3 millions d’euros supplémentaires pour les régions, disponibles pour de nouveaux appels à projet.
Je précise également qu’un grand forum des associations aura bientôt lieu. Nous l’avons, me semble-t-il, vraiment bien préparé, par un repérage constant et – je l’espère – complet du maillage des associations travaillant précisément à sortir les quartiers, à aider les handicapés et à chercher les publics prisonniers qui ne viennent pas. Ce forum aura lieu à la fin du mois de janvier ou au début du mois de février, ce qui nous permettra d’affiner encore notre connaissance des demandes dans ce domaine.
Dès l’origine, André Malraux avait imaginé et réalisé un instrument du lien social avec les maisons des arts et de la culture. Aujourd’hui, reconnaître la diversité des pratiques culturelles, répondre au défi de cette diversité et ouvrir de nouveaux types de structures et de nouveaux territoires pour faire reculer les « déserts culturels » est une ambition politique à part entière, que je porte avec ferveur, car il s’agit de reconquérir les « territoires perdus de la République ».
L’excellence artistique ne doit pas être ce « pays éloigné » auquel de nombreux jeunes des quartiers ne peuvent pas accéder, mais bien un « paysage familier », un horizon partagé, un univers accessible.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget pour 2011 nous permettra de préserver pleinement l’ambition de la politique culturelle de l’État, avec un effort particulier en faveur de son action territoriale, ce qui représente un signal important à l’attention des collectivités locales. Il nous donnera également les moyens de poursuivre les chantiers d’envergure auxquels je suis attaché, notamment en période de crise – il s’agit de montrer que la culture reste le repère incontournable nous permettant de traverser les temps difficiles –, et d’ouvrir de nouvelles priorités, en particulier dans le domaine des nouveaux modes d’accès à la culture.
Je sais les inquiétudes qui existent parmi les élus, parmi les acteurs culturels et les professionnels à propos de la clause de compétence générale. La réforme des collectivités territoriales que vous avez récemment adoptée apporte à cet égard des garanties. Elle réaffirme clairement la clause de compétence générale en matière culturelle, conformément à ce qui a été annoncé par le Président de la République.
Les financements croisés pourront se poursuivre ; j’y suis personnellement très attaché. Ils ont permis une coopération fructueuse entre le ministère de la culture et de la communication et les collectivités territoriales depuis les lois de décentralisation de 1982 et 1983. Cette coopération est une richesse ; elle est aussi un facteur de dynamisme et de pluralisme.
Si les pratiques culturelles se diversifient et s’appuient sur des réseaux de moins en moins institutionnels, je suis persuadé que le modèle français de développement culturel reste fondamentalement pertinent, à condition de pouvoir se transformer, se rénover et de miser sur l’innovation et l’expérimentation. C’est là tout mon projet, c’est là toute mon ambition, et je suis constamment à l’écoute des acteurs chargés de sa mise en œuvre. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, de l’UMP et du RDSE.)