compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Pierre Godefroy,
M. Jean-Noël Guérini.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Demande d'avis sur un projet de nomination
M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010, relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, M. le Premier ministre, par lettre en date du 26 octobre 2010, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière d’agriculture sur le projet de nomination par M. le Président de la République de M. Pascal Viné aux fonctions de directeur général de l’Office national des forêts.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Acte est donné de cette communication.
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Organisme extraparlementaire
M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs, un titulaire et un suppléant, appelés à siéger au sein du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, créé en application du décret n° 2006-826 du 10 juillet 2006.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire à présenter des candidatures.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
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Renvoi pour avis
M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (n° 66, 2010-2011), dont la commission des finances est saisie au fond, est envoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires sociales.
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Représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance
Discussion de deux propositions de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle (proposition n° 223, texte de la commission n° 39, rapport n° 38), et de la proposition de loi relative aux règles de cumul et d’incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance, présentée par Mmes Nicole Bricq, Michèle André, M. Richard Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (proposition n° 291, rapport n° 38).
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mes chers collègues, la séance devant être levée à dix-neuf heures, il convient que chacun d’entre nous fasse preuve de concision dans ses prises de parole pour que le vote puisse intervenir aujourd’hui, comme nous le souhaitons tous, me semble-t-il. Sinon, la suite de la discussion serait renvoyée à une échéance inconnue. Je tenais à attirer votre attention sur ce point.
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi n° 223 a pour objet de permettre une augmentation significative de la représentation des femmes dans les conseils d’administration des entreprises.
Déposée sur l’initiative du groupe UMP de l’Assemblée nationale, cette proposition de loi tend à répondre aux évolutions de notre société et à un droit inscrit dans notre Constitution. En effet, aux termes de l’article 1er de la Constitution, modifiée récemment sur ce point, « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».
Victor Hugo disait : « Une moitié de l’espèce humaine est hors de l’égalité, il faut l’y faire rentrer : donner pour contrepoids au droit de l’homme le droit de la femme. » Deux siècles après, nous continuons à lutter pour que les femmes et les hommes aient un droit égal à avoir un destin !
Ce texte s’inscrit dans la dynamique insufflée par le Gouvernement dans ce domaine. L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est un objectif majeur, au regard duquel chacun est appelé à prendre ses responsabilités. Le Président de la République et le Premier ministre ont inscrit ce sujet à l’agenda social dès 2009. Il s’agit d’un axe fort de l’action du ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Or, en matière d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, beaucoup de choses restent à faire, beaucoup d’habitudes restent à bousculer. Nous l’avons fait dans le projet de loi portant réforme des retraites, avec Éric Woerth, en revenant sur bon nombre d’idées reçues. Les inégalités en matière de retraite sont désormais, pour la plupart des femmes, le résultat des inégalités subies au cours de la carrière. Il faut donc agir sur les véritables causes des écarts de pension entre hommes et femmes : les inégalités en termes de salaire, de promotion et d’accès à la formation.
Grâce à notre réforme des retraites, les congés de maternité ne seront plus pénalisants pour le montant des retraites des femmes, car les indemnités journalières versées en pareil cas seront portées au compte.
Nous avons également ouvert la possibilité aux entreprises de faire en sorte que les périodes de congés familiaux ne soient pas pénalisantes pour les retraites. Les entreprises pourront, par accord collectif, décider de verser dans le cadre des congés familiaux – notamment en cas de congé parental – les cotisations ou contributions destinées à financer les régimes de retraite complémentaire. La part salariale correspondant à ces cotisations ou contributions n’est en effet pas assimilable, en cas de prise en charge par l’employeur, à une rémunération pour les six premiers mois de prise en charge à compter du début du congé.
Surtout, le Gouvernement a mis en place un dispositif pour pénaliser l’absence d’actions en matière d’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes. Ce dispositif sera applicable aux entreprises d’au moins 50 salariés et prendra la forme d’un prélèvement de 1 % sur la masse salariale brute. Cette pénalité sera applicable dès le 1er janvier 2012 et, jusqu’à cette date, nous accompagnerons les entreprises pour mettre ce plan en place.
De plus, nous avons voulu faire en sorte que les entreprises soient transparentes sur le sujet, ce qui valorisera les plus vertueuses d’entre elles. Nous savons que l’image de l’entreprise peut avoir une incidence, notamment sur sa capacité à attirer des clients, mais également des candidates ou des candidats au recrutement. La loi prévoira l’obligation de rendre publiques des informations sur le contenu du diagnostic et du plan en matière d’égalité professionnelle.
Nous avons en outre appelé l’ensemble des acteurs à faire des propositions et à prendre leurs responsabilités. Ainsi, dès novembre 2009, le ministre du travail a saisi les partenaires sociaux d’orientations, afin qu’ils puissent faire avancer la question par leurs discussions.
C’est aussi dans cet esprit que le Premier ministre a souhaité, lors de l’installation de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, que celui-ci puisse être force de proposition en vue d’évolutions législatives.
En particulier, il est nécessaire de faire en sorte que la place des femmes dans les entreprises soit conforme à leur place dans la société. L’augmentation du nombre de femmes dans les conseils d’administration des sociétés est le moyen de permettre aux femmes de trouver leur juste place dans les entreprises.
La présente proposition de loi s’inscrit dans cette démarche d’amélioration de la carrière des femmes et de leur accès à des postes de responsabilité, en ciblant un élément hautement symbolique de leur place dans les lieux de pouvoir. En ce domaine aussi, notre pays est loin d’être exemplaire.
J’ai noté avec attention que, depuis l’annonce de cette initiative parlementaire, la proportion de femmes dans les conseils d’administration est passée de 10 % en 2009 à près de 16 % aujourd’hui. En outre, les grandes entreprises, sous l’impulsion du MEDEF et de l’Association française des entreprises privées – l’AFEP –, ont adopté une charte. Je salue ces évolutions. Elles méritent bien sûr d’être confortées et complétées.
Je veux affirmer l’idée, encore rejetée par trop d’acteurs économiques et politiques, que la mixité dans les conseils d’administration, comme dans toute instance de direction, est une chance pour les entreprises. De nombreuses études l’ont montré : elle constitue la marque d’une gouvernance en relation avec la réalité du marché du travail et des compétences existantes dans le pays. Bref, la mixité est un gage de bonne gouvernance !
Sur la question précise des conseils d’administration, le groupe UMP et les parlementaires ont souhaité prendre l’initiative.
Je veux saluer le travail exemplaire réalisé par Mme le rapporteur de la commission des lois, Marie-Hélène Des Esgaulx, qui a procédé à de nombreuses auditions et beaucoup écouté. Elle s’est ainsi fait une idée claire, précise et partagée des objectifs visés au travers de cette proposition de loi et des dispositions à mettre en place pour les atteindre.
D’ailleurs, je tiens aussi à souligner la persévérance de celles et ceux qui, sur toutes les travées de cette assemblée, ont effectué un véritable travail de rapprochement pour mieux faire valoir l’égalité professionnelle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes satisfaits de l’équilibre global du texte et des avancées apportées par vos soins. Grâce à vous, la France sera le deuxième pays européen, après la Norvège, à conduire une politique aussi volontariste dans ce domaine.
Dans six ans, grâce à ce texte, les grandes sociétés cotées et les entreprises de plus de 500 salariés réalisant un montant net de chiffre d’affaires ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros devront compter au moins 40 % de femmes au sein de leur conseil d’administration. Un premier palier de 20 % est fixé à l’échéance de la première assemblée générale se tenant dans la troisième année suivant la promulgation de la loi.
Les sociétés qui ne respecteront pas cet objectif verront les nominations au conseil d’administration frappées de nullité, mais sans que cela entraîne la nullité des délibérations. C’est une nuance d’importance par rapport au texte qui a été voté à l’Assemblée nationale : la suppression de la nullité des délibérations permet de maintenir une stabilité juridique indispensable au développement économique des entreprises visées.
La disposition la plus innovante à mes yeux consiste à suspendre le versement des jetons de présence des membres du conseil d’administration et à le rétablir une fois la composition du conseil d’administration devenue régulière. Je ne doute pas que ces mesures suscitent, comme vous le souhaitez, un « électrochoc » au sein de nombreux conseils d’administration.
Je suis persuadée que le débat d’aujourd'hui permettra encore d’enrichir le texte. Que les choses soient claires : l’objet de cette proposition de loi est non pas d’empêcher les entreprises de fonctionner, ce qui pénaliserait les salariés, l’emploi et l’économie tout entière, mais de provoquer une évolution en matière d’égalité professionnelle.
Cette réforme, nous l’avons voulue pragmatique.
Cela implique, d’abord, que les entreprises bénéficient d’un délai minimal de mise en œuvre du nouveau dispositif.
Cela suppose, ensuite, de proposer un mécanisme simple, pour éviter la création d’une « usine à gaz ».
Cela commande, enfin, d’exclure momentanément du champ du dispositif les établissements publics industriels et commerciaux qui ne sont pas régis par la loi du 26 juillet 1983, ainsi que les établissements publics administratifs, en raison de leur très grande hétérogénéité. Je crois, en effet, qu’il faut à tout prix éviter de créer un dispositif trop complexe, ce qui imposerait la refonte des décrets.
Comme l’État doit être exemplaire, nous voulons trouver les voies et les moyens d’aboutir au résultat souhaité le plus rapidement possible. Voilà pourquoi Françoise Guégot, députée de la Seine-Maritime, a été nommée parlementaire en mission auprès d’Éric Woerth et de Georges Tron afin d’identifier les obstacles qui demeurent au sein des trois versants de la fonction publique en matière d’égalité professionnelle, en termes de déroulement de carrière et de représentation féminine aux postes de décision et dans les instances de concertation.
À ce propos, je tiens à saluer les recommandations de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes au sujet de la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration faites en juin 2010, recommandations qui mentionnaient déjà la question des délais d’application de ce texte pour les établissements publics administratifs. Nous comptons sur la vigilance de cet organisme et l’expertise de ses membres pour suivre la mise en œuvre de cette réforme et faire toutes propositions utiles.
L’instauration de quotas dans les conseils d’administration des entreprises cotées et des entreprises les plus importantes est un pas important, qui s’inscrit dans le cadre de notre politique globale en matière de promotion des femmes à des postes de responsabilité.
De ce point de vue, il n’est sans doute pas inutile de rappeler que les entreprises ne sont pas, tant s’en faut, les seules responsables de la situation existante.
Les résistances à l’égalité professionnelle proviennent d’abord de représentations culturelles, que nous devons faire évoluer dans tous les domaines, notamment l’éducation et les médias. Notre tâche est donc aussi de travailler sur une certaine vision de l’homme et de la femme, transmise jour après jour à nos enfants, et de lutter contre les stéréotypes sexistes et les déterminismes sexués qui en découlent. C’est ce à quoi nous nous employons.
Nous nous sommes par exemple rendu compte, dans le cadre de la commission présidée par Michèle Reiser, que, dans les médias, les hommes sont consultés comme « savants », quand les femmes le sont plus volontiers comme « profanes » : en effet, 20 % d’entre elles seulement sont sollicitées comme expertes, contre 80 % comme simples témoins.
M. Didier Guillaume. C’est l’inverse dans cet hémicycle ! (Sourires.)
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Nous avons signé avec les médias un engagement d’autorégulation sur ce sujet. Nous ferons le point dans un an, mais nous irons plus loin s’il le faut. L’abstraction et la parole « légitime » sont, par principe, dévolues aux hommes. Ce n’est pas normal ! Il est nécessaire de rétablir l’équilibre.
Il faut aussi améliorer l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale. Pour ce faire, il importe de poursuivre la mise en place d’une offre de modes de garde innovante et diversifiée, répondant aux besoins des femmes qui travaillent.
À l’horizon 2012, ce sont 200 000 places de garde supplémentaires qui seront créées, la répartition devant a priori être la suivante : 100 000 places pour les modes de garde collectifs et 100 000 pour les modes de garde individuels.
Tout le sens de notre politique familiale, c’est de mieux prendre en considération les besoins spécifiques des parents : foyer monoparental, horaires de travail atypiques notamment. Nous devrons dégager des moyens considérables, mais il s’agit aussi de faire preuve d’innovation en imaginant, comme nous l’avons fait, de nouveaux modes de garde. J’insiste, en particulier, sur la création de places dans des crèches d’entreprise, dynamisée grâce au relèvement de 25 % à 50 % du crédit impôt famille par le Parlement, avec un plafond de dépenses de 2 millions d’euros. Les comportements changent : ce sont dorénavant les pères qui emmènent leurs enfants à la crèche ou qui les ramènent à la maison.
Vous le voyez, tous les leviers d’action sont utilisés pour parvenir à l’égalité, notamment professionnelle, entre les hommes et les femmes. J’en suis convaincue, c’est un ensemble de mesures prises sur tous les fronts qui, à la longue, permettra d’améliorer la situation pour que, enfin, l’égalité soit une réalité.
Il est hors de question de sacrifier les politiques de promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes sur l’autel de la crise, bien au contraire ! En ces temps d’incertitude économique, la cause de l’égalité entre les hommes et les femmes et celle de la mixité doivent être soutenues partout, car c’est aussi comme cela que l’on modernise un pays.
Gardons à l’esprit que les entreprises qui ont un taux de féminisation élevé obtiennent de meilleurs résultats que les autres. Une étude du CNRS parue au printemps dernier dans la revue Travail, genre et sociétés est encore venue le démontrer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la lutte en faveur de l’égalité professionnelle, c’est l’intérêt des femmes, c’est l’intérêt des hommes, c’est l’intérêt des entreprises et c’est l’intérêt du pays ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme Sylvie Goy-Chavent. Excellent !
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Souhaits de bienvenue à une délégation de l'Assemblée nationale de Djibouti
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation de l’Assemblée nationale de Djibouti, conduite par Mme Safia Elmi Djibril, questeur de cette assemblée. (Mme la secrétaire d'État, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
La délégation effectue une visite d’étude auprès des deux assemblées françaises et sera au Sénat jusqu’à jeudi soir. Elle rencontrera, au cours de la semaine, nos collègues André Dulait, à la commission des affaires étrangères et de la défense, Louis Duvernois, président de notre très actif groupe sénatorial France-pays de la Corne de l’Afrique, et René Beaumont, président délégué de ce groupe pour Djibouti.
En votre nom à tous, je souhaite à cette délégation une bonne et très studieuse semaine au Sénat ! (Applaudissements.)
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Représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance
Suite de la discussion de deux propositions de loi et adoption du texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, et de la proposition de loi relative aux règles de cumul et d’incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance, présentée par Mmes Nicole Bricq, Michèle André, M. Richard Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, après avoir proposé le renvoi à la commission, le 29 avril 2010, de la proposition de loi de Mme Bricq et de ses collègues du groupe socialiste, déposée au Sénat le 16 février 2010 et relative notamment aux règles de cumul et d’incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes, la commission des lois du Sénat a examiné le texte de la proposition de loi de M. Jean-François Copé et de Mme Marie-Jo Zimmermann relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, adoptée en première lecture le 20 janvier 2010 par l’Assemblée nationale.
La commission des lois a incontestablement enrichi ce texte et l’a clarifié sur des points techniques, ce qui permettra de faciliter son application pour les entreprises. Sur mon rapport, la commission des lois a statué sur le choix difficile du périmètre des sociétés concernées et s’est prononcée en faveur de sanctions proportionnées, ainsi que d’une mise en œuvre progressive de la nouvelle obligation. Enfin, la commission a abordé la problématique du cumul des mandats.
L’article 1er de la proposition de loi instaure une obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes, à hauteur d’un minimum de 40 % de membres du conseil pour chaque sexe, au sein d’un nouvel article L. 225-18-1 inséré dans le code de commerce, cette obligation concernant toutes les sociétés dont les titres sont cotés sur un marché réglementé. En d’autres termes, sont concernées 701 sociétés cotées au 15 septembre dernier sur Euronext. Cette mesure ne s’appliquera que dans les conseils de plus de huit membres, étant entendu que le plafond légal, hors situations particulières, est de dix-huit membres. Lorsque le conseil est composé de huit membres au plus, le minimum légal étant fixé à trois administrateurs, l’écart entre les effectifs des administrateurs de chaque sexe ne doit pas être supérieur à deux.
La commission des lois a considéré que l’obligation de représentation équilibrée devait répondre à une double logique, celle de la cotation, mais aussi celle de la prise en compte d’un critère économique reposant sur la taille de l’entreprise.
C’est ainsi que, sur ma proposition, la commission des lois a retenu non seulement les sociétés cotées sur un marché réglementé, qui, recourant à l’appel public à l’épargne, se doivent d’être vertueuses, mais également les sociétés employant plus de 500 salariés et présentant un chiffre d’affaires ou un total de bilan supérieur à 50 millions d’euros, et ce depuis trois exercices consécutifs.
La proposition de loi énonce ensuite une sanction de nullité de toute nomination d’administrateurs ne respectant pas le principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes, sauf lorsque cette nomination a pour effet d’accroître la proportion d’administrateurs appartenant au sexe sous-représenté dans le conseil.
Il convient de préciser que par « toute nomination », il faut entendre toute nomination d’un administrateur, mais également tout renouvellement d’un administrateur dont le mandat est parvenu à expiration. J’estime que la nullité des nominations constitue en elle-même une sanction très importante.
En effet, en théorie, une société dont le conseil d’administration ne serait pas composé régulièrement pourrait voir progressivement le mandat de tous ses administrateurs frappé de nullité au fil des nominations et des renouvellements, de sorte que cette société, au bout de quelques années, n’aurait légalement plus de conseil et ne pourrait plus désigner son président.
En outre, la proposition de loi précise que la nullité de la nomination n’entraînera pas celle des délibérations du conseil. Cette précision n’est pas juridiquement utile, en vertu du principe selon lequel toute irrégularité dans la composition du conseil ne saurait affecter la validité des délibérations de ce dernier, aux termes du premier alinéa de l’article L. 210-9 du code de commerce.
Cependant, pour éviter tout risque d’interprétation biaisée, il est préférable de prévoir une mention expresse, à l’instar de celle figurant à l’article L. 225-29 du même code, qui écarte tout risque de nullité portant sur les délibérations du conseil irrégulièrement composé.
Sur un amendement de son rapporteur, la commission des lois a complété l’article 1er en ce qui concerne le non-versement de jetons de présence lorsqu’il en existe dans la société concernée. C’est un mécanisme d’incitation à ne pas nommer des administrateurs en violation du principe de représentation équilibrée. Il s’agit d’une suspension du versement des jetons de présence, c’est-à-dire d’une sanction financière contre les administrateurs eux-mêmes, car il revient au conseil d’administration de proposer les nominations ou les renouvellements d’administrateur. Par conséquent, une composition irrégulière du conseil résulte d’abord d’une carence des administrateurs en fonctions. Ainsi, la suspension temporaire du versement des jetons de présence affectera bien les personnes responsables du choix des administrateurs à faire nommer ou renouveler par l’assemblée générale. Toutes les sociétés n’attribuent pas, il est vrai, de jetons de présence, mais les principes de bonne gouvernance d’entreprise prônent leur versement, même dans les petites sociétés. Il est proposé que la suspension prenne fin, avec versement de l’arriéré, dès que la composition du conseil devient régulière.
L’article 2 de la proposition de loi tend à instaurer dans les sociétés anonymes de forme nouvelle, à directoire et conseil de surveillance, une même obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du conseil de surveillance. Il comprend à cet effet des dispositions identiques à celles qui seront introduites dans le code de commerce pour les sociétés anonymes classiques à conseil d’administration.
L’article 2 bis vise à instaurer des dispositions analogues pour les sociétés en commandite par actions.
L’article 3 prévoit la date d’entrée en vigueur de l’obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes et les dispositions applicables au cours de la période transitoire. Du fait de leur caractère transitoire, ces dispositions ne sont pas codifiées dans le code de commerce.
Dans sa rédaction initiale, l’article 3 prévoyait une entrée en vigueur six ans après la promulgation de la loi. La commission des lois a adopté un amendement de son rapporteur visant à prévoir l’application de ces dispositions ainsi que de la règle de suspension du versement des jetons de présence « à compter du 1er janvier de la sixième année suivant l’année de publication de la présente loi ». L’entrée en vigueur coïncidera ainsi avec une date ayant une signification et un rapport avec le calendrier de la vie des sociétés, c’est-à-dire celui des exercices comptables et des assemblées générales statuant sur ces exercices.
Pour les sociétés cotées, était en outre prévue à l’article 3 l’obligation d’atteindre une proportion minimale de 20 % de membres de chaque sexe au sein du conseil trois ans après la promulgation de la loi. Par coordination, la commission a adopté un amendement visant à fixer cette échéance intermédiaire au 1er janvier de la troisième année suivant celle de la publication de la loi.
L’article 3 traite enfin des sanctions au cours de la période transitoire, en posant le principe de la nullité des nominations ne respectant pas les règles de représentation équilibrée des femmes et des hommes. Cette nullité des nominations irrégulières devait initialement entraîner celle des délibérations auxquelles auraient pris part les membres du conseil concernés.
Autant la sanction de nullité des nominations a paru justifiée à la commission, autant la sanction de nullité des délibérations lui a semblé disproportionnée et de nature à remettre en cause la sécurité juridique des délibérations des conseils et, par conséquent, des rapports des sociétés avec les tiers. Une telle nullité serait une source d’extrême insécurité dans la vie des affaires, déjà intrinsèquement marquée par l’incertitude. De plus, dans le code de commerce, la nullité des actes est réservée aux cas les plus graves. Votre rapporteur s’est interrogée sur la constitutionnalité d’une telle sanction et a estimé pour le moins paradoxal de prévoir des sanctions plus lourdes au cours de la période transitoire qu’après l’entrée en vigueur des dispositions définitives de la proposition de loi. La commission a donc adopté un amendement visant à supprimer toute nullité des délibérations.
L’article 4 tend à instaurer une même représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d’administration ou de surveillance des entreprises publiques.
La commission des lois a estimé que l’application indistincte du principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes à l’ensemble des conseils des entreprises publiques pose une difficulté dans la mesure où tous les membres ne sont pas nommés par les mêmes autorités. Elle a jugé que la rédaction retenue était lourde et ne s’insérait pas suffisamment bien dans le texte de la loi du 26 juillet 1983.
Aussi la commission a-t-elle adopté un amendement de clarification rédactionnelle, sur proposition de son rapporteur : l’application de l’obligation est fixée au deuxième renouvellement des conseils suivant la promulgation de la loi, étant entendu que les conseils d’administration et de surveillance des entreprises publiques sont renouvelés intégralement tous les cinq ans ; une échéance intermédiaire est prévue trois ans après la promulgation de la loi : la proportion de membres du conseil de chaque sexe devra alors atteindre au moins 20 %.
La commission des lois a également tenu à écarter la sanction de nullité des délibérations au cours de la période transitoire. Elle n’a pas non plus institué de sanction de suspension des jetons de présence, car le mandat de représentant de l’État est gratuit en vertu de la loi de 1983.
L’article 5 a pour objet d’instaurer l’obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d’administration des établissements publics industriels et commerciaux de l’État, autres que ceux qui sont régis par la loi du 26 juillet 1983, ainsi que des établissements publics administratifs de l’État. L’extension à ces derniers du principe de mixité des conseils répond sans doute à un objectif louable d’exemplarité de l’État. Toutefois, elle ne paraît pas opérante compte tenu de la très grande hétérogénéité des établissements publics ciblés. À titre d’exemple, le conseil d’administration d’une université comporte notamment des membres élus par les étudiants, par les enseignants et par les personnels, dans des conditions fixées par la loi. C’est cette loi particulière qu’il faudrait modifier, ce qui suppose, a minima, de consulter les organisations représentatives intéressées. Dans le même ordre d’idées, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, qui est un EPA, relève de dispositions législatives figurant dans le code de la santé publique. Il faudrait ainsi modifier l’article L. 1313-4 de ce code, qui fixe les règles de composition du conseil d’administration de cette instance. J’aurais pu citer bien d’autres exemples, mais il n’y a pas un EPA qui ressemble à un autre. La commission n’a donc pas été convaincue de la nécessité, de la pertinence et de la portée juridique réelle des dispositions de l’article 5. En conséquence, elle l’a supprimé.
L’article 6 de la proposition de loi, relatif à l’égalité professionnelle, prévoit que le conseil d’administration ou le conseil de surveillance d’une société anonyme délibère chaque année sur la politique de la société en matière d’égalité professionnelle et salariale. Cette délibération peut s’appuyer sur le rapport sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes, dont l’établissement est obligatoire dans les entreprises d’au moins 300 salariés.
Soucieuse de la lisibilité et de la stabilité des dispositions du code de commerce relatives aux sociétés anonymes, la commission des lois a adopté un amendement visant à inscrire cette obligation annuelle de délibération dans deux nouveaux articles autonomes du code de commerce.
L’article 6 disposait initialement que le rapport annuel sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes, qui est obligatoire dans les entreprises d’au moins 300 salariés, serait transmis à l’assemblée générale ordinaire, étant joint au rapport présenté par le conseil d’administration ou le directoire.
Cette disposition ne nous a pas semblé pertinente. En effet, la question de l’égalité salariale et professionnelle dans l’entreprise ne concerne les actionnaires que de façon indirecte. Le rapport sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes intéresse d’abord les institutions représentatives du personnel. C’est pourquoi la commission des lois a adopté un amendement de suppression de cette disposition jugée inopportune.
Enfin, l’article 7 disposait à l’origine que le rapport précité serait transmis à la direction départementale à l’emploi et à la formation professionnelle. Cette mention n’est plus pertinente du fait de la réorganisation territoriale de l’État. En outre, l’article 31 du projet de loi portant réforme des retraites, que nous avons adopté hier, traite de la question de l’information dans les entreprises sur la situation comparée des hommes et des femmes, et prévoit une sanction très dissuasive, s’élevant à 1 % de la masse salariale. Pour toutes ces raisons, la commission des lois a supprimé l’article 7.
Bien que la problématique du cumul des mandats ne soit pas abordée dans la proposition de loi Copé-Zimmermann, la commission des lois s’est penchée, comme elle s’y était engagée, sur cette question qui marque la grande différence entre les deux textes d’initiative parlementaire aujourd’hui soumis à notre examen. La commission a considéré qu’il n’était pas opportun de légiférer trop rapidement sur le cumul des mandats sociaux, dès lors que cette question n’est pas directement et exclusivement liée à celle de la place des femmes dans les conseils d’administration et de surveillance.
Je veux insister sur le fait que la limitation du cumul des mandats ne règlerait pas avec certitude le problème de la sous-représentation des femmes, puisque rien n’empêcherait les conseils d’administration de rester composés exclusivement d’hommes. En revanche, si le dispositif du texte que nous examinons était adopté, les nominations de femmes interviendraient naturellement et progressivement, au rythme de l’arrivée à échéance des mandats, sans qu’il soit nécessaire de créer des postes supplémentaires. La vertu du dispositif vaut aussi pour les renouvellements de mandat, et pas seulement pour les postes créés. Si notre texte ne visait que ces derniers, il serait effectivement nécessaire de se pencher sur la question du non-cumul des mandats sociaux, mais nous sommes allés beaucoup plus loin.
En conclusion, mes chers collègues, ce texte est très juridique. Nous n’en sommes plus au stade des considérations générales sur l’intérêt d’intégrer des femmes au sein des conseils d’administration, sur les vertus de la diversité. Ce texte va indiscutablement faire des femmes une véritable force émergente dans les conseils d’administration.
Mon rapport fait état des études qui mettent en exergue l’intérêt économique d’une plus grande mixité et de la promotion des femmes, qui ont un style de management plus adapté aux défis de l’avenir et une attitude différente face au risque. Je n’y reviens pas.
Je voudrais simplement souligner que notre ministre de l’économie, de l'industrie et de l'emploi, Mme Christine Lagarde, est emblématique de ce rôle que les femmes peuvent enfin jouer. À l’Agence des participations de l’État, l’APE, qui détient et gère les participations que l’État possède dans des entreprises, elle a fait constituer une liste de femmes répondant aux critères les plus exigeants pour devenir administrateur.
Votre rapporteur tient enfin à saluer l’engagement public du Premier ministre en faveur de l’aboutissement d’une initiative authentiquement parlementaire. Lors des états généraux de la femme, organisés le 7 mai 2010, il a ainsi déclaré : « Concernant la place des femmes aux postes de responsabilité économique, là encore il y a beaucoup de progrès à faire, notamment au sein des conseils d’administration des grandes entreprises. L’adoption de la proposition de loi, votée en première lecture par l’Assemblée nationale, est une priorité. »
Le MEDEF s’est également exprimé sur le sujet, allant presque plus loin que notre texte, puisque Mme Parisot a indiqué qu’elle ne serait pas choquée si des recommandations similaires étaient formulées pour les comités directeurs et les comités d’entreprise.
Je signale au passage que si notre texte ne vise pas les comités d’audit ou les comités de nomination, c’est uniquement parce que la création de ces instances n’est pas une obligation légale, mais relève des statuts et du règlement intérieur de chaque société.
Mme Parisot a de surcroît déploré que les EPA ne soient pas encouragés à instaurer la mixité. Pour être membre depuis cet été de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, je puis témoigner que cette instance travaille sur la question. En outre, je sais que Mme Morano, secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité, y est très attentive.
Je souhaite insister sur le fait que le texte issu des travaux de la commission des lois est un bon compromis entre les deux propositions de loi sur la question du périmètre du dispositif et sur celle des sanctions.
Nous avons beaucoup tenu compte de la proposition de loi de Mme Bricq. Sur la question du périmètre, je pense que ce compromis donne très largement satisfaction à notre collègue.