M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 641 rectifié.
Mme Annie David. Monsieur le président, je souhaite seulement poser une question à Mme Debré, à M. le ministre et à M. le rapporteur.
À force de monétiser les jours de congés – en l’occurrence, cinq jours, mais ce sera vingt jours avec le prochain article, puis les articles suivants offriront d’autres possibilités d’alimenter un PERCO, un PERE ou un PEE grâce à ces jours de repos non utilisés –, combien de jours de congé comptez-vous laisser aux salariés qui ne disposent que de cinq semaines dans l’année ? Vous leur enlevez déjà vingt-cinq jours, ce qui réduit considérablement leur nombre de jours de congé !
En plus de ces jours de congé non pris que l’on peut mettre sur le compte épargne-temps, il y a, certes, les jours de récupération.
Mais, monsieur le ministre, qui monétisera ses jours de congé ?
Ceux qui n’ont pas le choix, car ils n’ont même plus le temps de prendre des jours de congés du fait qu’ils ont un emploi du temps très chargé, qu’ils sont débordés et qu’ils n’en peuvent plus, comme de nombreux cadres !
Ce seront aussi des salariés payés au SMIC, quand ce n’est pas moins, qui courent tous les mois pour arriver à joindre les deux bouts, faute d’avoir suffisamment de revenus pour vivre. Ils penseront, peut-être, qu’en monétisant leurs jours de congé ils pourront, peut-être, mettre un peu d’argent de côté, afin d’obtenir, peut-être, une meilleure retraite à l’âge de 62 ans, voire 67 ans pour les femmes qui ont eu un travail à temps partiel, dont la carrière a été hachée, et qui n’ont pas eu la chance d’avoir trois enfants et d’être nées entre 1951 et 1955 !
À force de prendre aux salariés tous leurs droits, qu’allez-vous leur laisser, au bout du compte ?
S’ils n’alimentent pas leur PERCO de cette manière, vous leur direz : pour avoir une meilleure retraite, vous auriez dû monétiser vos jours de repos, adopter un système par capitalisation ! Ne venez donc pas vous plaindre aujourd’hui de percevoir le minimum vieillesse ! Vous avez eu du mal à vivre quand vous étiez en activité ? Attendez de voir ce que ce sera à la retraite ! Si vous aviez fait comme la fourmi de La Fontaine, au lieu de vous comporter en cigale, vous n’en seriez pas là ! Finalement, c’est tant pis pour vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, bien que je sois quelque peu surpris, je comprends que mon amendement pose un certain nombre de problèmes. Effectivement, l’amendement n° 641 rectifié s’inscrit davantage dans le droit fil du projet de loi.
M. Jean Desessard. À mi-chemin ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Par conséquent, je retire l’amendement n° 181.
M. Guy Fischer. Comme par hasard !
M. le président. L’amendement n° 181 est retiré.
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Avant d’expliquer mon vote, j’aurai deux questions à poser.
M. Gérard Longuet. Non ! Il n’y a plus de débat !
M. le président. Vous avez la parole pour une explication de vote, mon cher collègue.
M. Jean Desessard. J’ai tout de même le droit de dire ce que je veux, monsieur Longuet !
M. Gérard Longuet. Vous avez tous les droits ! Pour notre part, nous avons le droit de respecter le règlement de cette assemblée !
M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jean Desessard. Monsieur Longuet, nous avons écouté avec intérêt, alors qu’il est plus de deux heures du matin, votre très intéressante analyse du temps partiel choisi. Dès lors, permettez que je pose mes questions.
Si la procédure accélérée n’avait pas été engagée,…
M. David Assouline. Et sur une grande réforme !
M. Jean Desessard. … il y aurait eu une deuxième lecture de ce texte, ce qui m’aurait permis de poser mes questions à un autre moment. Mais tel n’est pas le cas !
Monsieur Jégou, j’apprécie vos analyses.
Mme Isabelle Debré. Nous aussi ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Au moment de la présentation de ce texte, voilà plusieurs semaines, vous avez affirmé, en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, que cette réforme était loin d’être équilibrée financièrement.
M. David Assouline. Elle ne l’est toujours pas !
M. Jean Desessard. Vous aviez émis des doutes à cet égard, ce qui témoignait d’une certaine lucidité de votre part.
Aujourd’hui, vous m’avez beaucoup intéressé quand vous avez dit que les personnes concernées par cet article 32 bis étaient le « cœur de cible » des PERP.
Pour ma part, j’aimerais mieux comprendre cette expression, même si j’ai bien sûr une petite idée à ce sujet. Par conséquent, si vous souhaitez me l’expliquer, mon cher collègue, je vous écouterai avec intérêt. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Nous avons le droit d’être attentifs à ce qui se dit et, le cas échéant, de nous faire expliquer la teneur exacte des propos qui sont tenus ici !
Monsieur le ministre, ma seconde question s’adresse à vous : quel est le montant total des exonérations de fiscalité de toutes sortes destinées à favoriser la capitalisation ? Bien sûr, j’ai aussi ma petite idée sur ce point…
M. André Lardeux. Si vous avez la réponse, pourquoi posez-vous la question ?
M. François Trucy. Expliquez-lui !
Mme Annie David. Il a simplement une « petite idée » de la réponse !
M. Jean Desessard. Je pose la question pour être sûr que nous nous référons aux mêmes bases, mon cher collègue !
Vous ne cessez de mettre en avant un prétendu dialogue qui n’existe ni dans cet hémicycle ni avec le peuple ! Aujourd’hui, pour m’être rendu sur place, je peux vous dire que les manifestants n’ont pas l’impression que le Gouvernement veut dialoguer.
Je sais bien que le Gouvernement, comme il en a d’ailleurs l’intention, n’est pas obligé de répondre aux parlementaires ! C’est pour cette raison que, sur un projet de loi que vous dites vous-mêmes « fondamental », il a choisi d’engager la procédure accélérée, afin d’éviter tout dialogue. Et quand, au cours du débat, on pose une question au ministre, vous estimez, chers collègues de la majorité, que ce n’est pas normal ! Jusqu’où allez-vous aller ? (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il n’y a que vous qui parlez !
M. Jean Desessard. Vous savez, je suis en forme ! Débattre jusqu’à cinq heures du matin ne me fait pas peur…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. À nous non plus !
Mme Béatrice Descamps. Non, à nous non plus !
M. Jean Desessard. Nous allons passer la nuit ensemble ! Aussi permettez-moi de m’expliquer. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. Pendant une minute et quarante-deux secondes !
M. Jean Desessard. Je respecterai mon temps de parole, comme je l’ai toujours fait.
Monsieur le ministre, quel est le montant de l’ensemble des exonérations fiscales payé par les contribuables pour favoriser la capitalisation, c'est-à-dire les plus aisés d’entre nous ? Bien évidemment, si ce montant était affecté à la retraite par répartition, les choses se présenteraient de façon bien différente !
Madame Debré, vous êtes toujours dans la même logique ! À une époque, il fallait faire plus d’heures supplémentaires, on les a donc exonérées. Aujourd’hui, il faut alimenter sa retraite par des journées de repos non utilisées On exonère donc les sommes correspondantes de cotisations salariales et patronales !
Ce qui se profile, derrière ce type de mesures, c’est un véritable détricotage social. Face au patronat, face aux difficultés financières, face à la précarité, il n’est pas vrai que les gens sans travail ont la liberté de refuser celui qu’on leur propose. Ils ne choisissent pas le travail qu’ils veulent ! En cherchant à tout individualiser en matière sociale, vous niez le code du travail, ainsi que les acquis et droits sociaux. Il faut toujours rester dans une démarche collective. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Je vous remercie, monsieur Jégou, d’avoir bien voulu retirer votre amendement au profit de l’amendement n° 641 rectifié.
Madame David, l’amendement que je propose ne vise pas à « monétiser » les journées de repos, bien au contraire ! Il s’agit en effet d’un amendement de cohérence, puisque les heures en question seraient perdues en cas d’absence de compte épargne-temps, ce qui serait stupide.
M. le président. En conséquence, l'article 32 bis est ainsi rédigé, et les amendements nos 1109, 1110, 1111 et 1112 n'ont plus d'objet.
Article 32 ter A
(Non modifié)
Au troisième alinéa de l’article L. 3153-3 du code du travail, le nombre : « dix » est remplacé par le nombre : « vingt ».
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. Avec cet article, vous poursuivez votre démarche de « monétisation », vous intéressant cette fois-ci aux comptes épargne-temps, pour abonder le PERCO.
À l’article précédent, il fallait absolument monétiser cinq jours, qui, sinon, auraient été perdus. Maintenant, c’est vingt jours qui doivent être monétisés puis versés sur le PERCO, toujours, bien sûr, de manière volontaire. Mais les propos de M. Desessard vous feront, je l’espère, réfléchir sur la notion de « volontariat ».
Par cet article, vous faites la démonstration que le PERCO est un produit qui ne se vend pas bien. Vous voulez absolument le rendre le plus accessible possible. Finalement, quelles sont donc les qualités de ce plan qui motivent un tel comportement ?
Peut-être cela a-t-il à voir avec son affectation, c'est-à-dire l’utilisation de la collecte mise en œuvre. Celle-ci est essentiellement destinée aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières cotées sur la place de Paris.
Non, la qualité principale du PERCO est de permettre aux gestionnaires d’avoir les mains libres sur une longue durée, puisque les conditions de dénouement du plan leur sont, tout de même, très favorables de ce point de vue.
En effet, le PERCO est reversé sous forme non pas de capital au moment du départ à la retraite, mais de mensualités. Évidemment, plus la durée de vie des salariés à la retraite est courte, moins le PERCO est distribué.
En revanche, pour les gestionnaires, le fait de savoir que, pendant huit ou dix ans, ils peuvent jouer en bourse avec l’argent des salariés est tout de même intéressant, avouez-le !
Sans adopter un point de vue idéologique, que M. le ministre nous reproche, je souhaite en revenir à la question des vingt jours de compte épargne-temps monétisables sous forme d’abondement du PERCO.
Honnêtement, quelles sont les entreprises, grandes ou petites, où l’organisation des temps de travail est conçue de telle sorte qu’elle produise vingt jours de repos compensateurs pour les salariés, au-delà des jours de congés payés légaux ? Quelle est donc cette organisation du travail qui permet d’accumuler heures supplémentaires, jours de repos compensateurs et je ne sais trop quoi encore ? C’est justement une organisation en flux tendu, où les horaires atypiques sont devenus le quotidien et les amplitudes s’avèrent terriblement élastiques !
Il est temps de faire de l’ergonomie et de lutter contre les dérives des organisations du travail qui liquident la vie familiale et aliènent le salarié !
Je souhaite alerter celles et ceux d’entre nous qui ont participé à la mission d’information sur le mal-être au travail sur les conditions de vie des salariés dans ces entreprises. Nous avons pu toucher du doigt la détresse de certains, qui les amène parfois à attenter à leur vie.
Plutôt que de monétiser les jours de repos compensateurs, on ferait mieux de réfléchir à une autre organisation du travail, qui permettrait de diminuer leur nombre, afin de préserver la santé des salariés.
Vous nous avez parlé, monsieur le ministre, de prévention de la pénibilité et de conditions de travail. J’attire donc votre attention sur le fait que tous ces jours de repos compensateurs sont accumulés au détriment de la santé des travailleurs. Et vous voulez les monétiser pour que, ensuite, ils les placent sur un PERCO ! En matière de lutte contre la pénibilité et d’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise, vous avez de drôles d’idées !
Plutôt que d’encourager une telle organisation du travail et de monétiser les jours de congé, vous feriez mieux de réfléchir à une autre organisation du monde du travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 47 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 471 est présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy et Daudigny, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer, pour défendre l'amendement n° 47.
M. Guy Fischer. Le Président de la République s’étant montré incapable de faire respecter son engagement présidentiel, « travailler plus pour gagner plus », notamment en raison des pressions constantes du MEDEF en faveur d’une réduction permanente du coût du travail, vous nous proposez aujourd’hui, monsieur le ministre, de porter de dix à vingt le nombre de jours que le salarié pourrait décider de placer sur un compte épargne-temps, afin d’en obtenir par la suite la monétisation et réinjecter les sommes qui en découlent sur un dispositif d’épargne retraite.
Cet article 32 ter A se borne en réalité à proposer un «troc » au salarié : temps de repos contre un peu plus de droits à la retraite. Cette mesure pourrait paraître séduisante si elle n’actait pas une situation extrêmement grave. Bien souvent, en effet, les salariés sont tellement usés par le travail qu’ils veulent partir tôt à la retraite, sans pour autant subir une baisse considérable de leur pouvoir d’achat. Ils sont donc prêts à tous les sacrifices, y compris celui du droit fondamental aux congés.
Pour vous, tout a un prix, tout peut se monnayer, tout peut être marchandé.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Qu’importe que cette disposition remette en cause le droit collectif aux congés payés, qu’importe qu’elle amplifie la part de capitalisation ! Ce qui compte, c’est de donner l’illusion que le salarié a pu décider lui-même. Mais, en réalité, la seule liberté que votre gouvernement laisse aux salariés, singulièrement aux plus précaires, c’est de choisir entre pâtes, riz ou pommes de terre !
C’est bien parce que les travailleurs sont de plus en plus nombreux à ne plus pouvoir boucler leurs fins de mois, à restreindre leurs dépenses dès le 15 du mois, à compter chaque centime et à renoncer aux soins qu’ils acceptent ces mesures.
Vous imposez la capitalisation en maintenant la pression sur les bas salaires, en gelant les pensions et en interdisant toute hausse des rémunérations, puisque celles-ci seront bloquées, notamment dans les fonctions publiques, pendant trois ans.
Monsieur le ministre, plus de 7 millions de salariés perçoivent un salaire inférieur à 722 euros par mois et se trouvent dans l’incapacité de se nourrir, de se loger ou de s’habiller décemment, ainsi que leur famille. Plus de 12 millions de personnes ont moins de 843 euros de revenu mensuel. Plus de trois SDF sur dix ont un travail à temps complet, partiel ou précaire, gagnent souvent entre 900 et 1 300 euros, et cherchent pourtant soir après soir où dormir.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue
M. Guy Fischer. Entre la moitié et les deux tiers des femmes qui travaillent ont un contrat au sigle étrange – CES, CIE, CEC –, touchent moins de 750 euros par mois, ont un enfant, vivent seules et représentent 90 % des familles monoparentales.
Telle est la réalité, celle de l’effondrement des ressources d’un nombre croissant de Français et de Françaises. Voilà à quoi ressemble l’univers de la précarité, celui que vous contraignez à adopter cette mesure.
Nous y sommes résolument opposés, raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour défendre l'amendement n° 471.
M. Jean-Marc Todeschini. Par ce nouvel article 32 ter A, vous poursuivez, monsieur le ministre, dans votre volonté de forcer les salariés à travailler toujours plus pour gagner de moins en moins, puisque vous proposez d’élargir le nombre de jours de congés pouvant être transférés d’un compte épargne-temps à un plan épargne retraite.
Je note que M. Jégou, dans son rapport pour avis, précise que cet élargissement permet au salarié de préparer sa retraite « sans effort d’épargne supplémentaire ».
Comment peut-on affirmer que renoncer à des jours de congés ne coûtera aucun effort aux salariés ? C’est faire preuve, à mon sens, d’une grande méconnaissance de leurs conditions de travail. C’est aussi, sans doute, l’explication de votre refus d’une réelle prise en compte de la pénibilité.
L’effort d’épargne ne sera peut-être pas directement financier. Néanmoins, il s’agit toujours bel et bien d’un effort supplémentaire demandé aux salariés, sommés de travailler toujours plus en renonçant à leur droit légitime au repos et aux loisirs.
Obliger les salariés à renoncer à leur repos pour financer leur retraite, c’est nier le droit que nous avons tous de profiter de la vie d’une autre manière que par l’exploitation au travail.
Après être revenus sur l’acquis social de la retraite à 60 ans, vous revenez aujourd’hui, insidieusement, sur celui des congés payés.
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Jean-Marc Todeschini. Vous voulez ainsi doubler le temps de congés que les salariés pourront attribuer à leur plan épargne retraite. En passant de dix à vingt jours, c’est avec votre réforme quatre semaines par an, presque un mois de congé, auquel les salariés renonceront pour financer une retraite toujours plus tardive et caractérisée par des pensions toujours plus faibles.
L’inefficacité et le manque d’originalité de vos propositions, monsieur le ministre, prouvent l’amnésie du Gouvernement. Avez-vous oublié que ce dernier a déjà condamné les jours de congés des salariés, sacrifiés sur l’autel de la hausse du pouvoir d’achat ?
En effet, l’un vos prédécesseurs, M. Bertrand, a défendu en 2008 un texte modestement intitulé « projet de loi en faveur des revenus du travail » qui permet aux salariés de convertir un certain nombre de droits à congés en argent. Et que dire de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, la loi TEPA, et de ces heures supplémentaires qui coûtent une fortune aux contribuables et constituent un terrible frein à l’emploi en période de chômage ?
Telle était la réponse que le Président de la République, autoproclamé le Président du pouvoir d’achat, apportait au problème récurrent de la stagnation des salaires et de la baisse du pouvoir d’achat des salariés.
Quelle est aujourd’hui la réponse de ce même Président, au problème de l’avenir de nos retraites ? Une nouvelle fois, monsieur le ministre, vous proposez aux salariés de renoncer à leurs congés pour préparer leur retraite.
Ce n’est pas en supprimant tous les jours de repos des salariés que vous sauverez le système de retraite, que vous répondrez au problème du pouvoir d’achat et que vous renforcerez la productivité et la compétitivité de notre pays.
C’est bien entendu par une politique de la formation et de l’emploi offensive que ces problèmes pourront être traités sur le long terme.
Depuis 2002, et plus encore depuis 2007, toutes les politiques menées par les gouvernements successifs, faites de régression sociale et d’injustice économique, ont été vouées à l’échec. Dans ces conditions, nous ne pouvons que refuser le développement anarchique du système de retraite par capitalisation que vous nous proposez.
C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Sur ces deux amendements, le Gouvernement émet un avis favorable. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
En effet, la possibilité de transférer les droits affectés sur le CET, dans la limite d’un plafond de dix jours par an, vers le plan d’épargne pour la retraite collectif n’a été introduite que récemment, par une loi n° 2008-789 du 20 août 2008. À la réflexion, peut-être faut-il laisser du temps au temps, et s’en tenir au plafond de dix jours.
Je souhaiterais donc que vous votiez cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Pour les excellentes raisons que vient d’exposer M. le ministre, et aussi pour l’organisation des débats, nous souhaitons voter ces amendements.
Mme Annie David. Belle stratégie, monsieur Longuet !
M. Gérard Longuet. Il reste la commission mixte paritaire ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 47 et 471.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 32 ter A est supprimé et les dix-huit amendements déposés sur cet article, nos 1114 à 1131, n’ont plus d’objet.
Article 32 ter B
L’article L. 3334-11 du code du travail est complété par les mots : «, dont l’un au moins permet aux participants de réduire les risques financiers du placement à partir d’un moment et dans des conditions fixés par décret. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 48 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 472 est présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy et Daudigny, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour défendre l'amendement n° 48.
Mme Isabelle Pasquet. L’article 32 ter B a le mérite de nous rappeler, au cas où nous l’aurions oublié, que les PERCO sont bel et bien des outils financiers. Ils sont, pour être précis, de véritables fonds de pension à la française, lesquels sont naturellement investis en actions sur les marchés financiers.
Sécuriser de tels comptes paraît naturellement important pour celles et ceux qui ont souscrit ces contrats, ou plutôt devrais-je dire, pour celles et ceux qui ont été contraints de souscrire de tels contrats. En effet, depuis le PLFSS pour 2009, certains salariés n’ont plus le droit de s’opposer à ce que leurs employeurs souscrivent pour eux à des PERCO. Votre gouvernement, qui vante la liberté individuelle, semble l’oublier dès lors qu’il s’agit de leur permettre de refuser le « boursicotage contraint » que vous avez mis en place.
Une telle sécurisation est importante, quand on sait les conséquences dramatiques que peuvent avoir les crises économiques sur le montant des pensions. La crise débutée en 2008 a été lourde de conséquences pour les systèmes de retraite par capitalisation. Les chiffres de l’OCDE sont à cet égard éloquents : en 2008, du fait de l’effondrement des bourses mondiales, les fonds de pension ont vu, en moyenne, la valeur de leurs investissements baisser de 23 % dans les pays de la zone OCDE.
M. Gérard Longuet. Eh oui ! Le capitalisme ne gagne pas toujours !
Mme Isabelle Pasquet. Cela correspond à une perte nette de 5 400 milliards d’euros, qui sont purement et simplement partis en fumée. Certes, les experts de l’OCDE constatent un rebond récent, dû à la reprise des marchés boursiers. Il n’empêche : en dépit de cette légère reprise, les fonds de pension restent en retrait de 14 % par rapport à décembre 2007.
Dans le même temps, la sécurité sociale n’a perdu, si je puis dire, que 5 milliards d’euros, somme certes importante, mais largement inférieure aux pertes subies par les retraites privées. Surtout, la nature de ces pertes est différente. Alors que, dans les mécanismes de capitalisation, les pertes résultent de mauvais placements, de règles prudentielles pas assez sécurisantes, les pertes de la sécurité sociale découlent, quant à elles, de la suppression massive d’emplois.
Pour nous, et l’ensemble des salariés le savent, le seul système stable à long terme, dès lors qu’on lui permet de recevoir les financements dont il a besoin, reste celui qui a été mis en place au sortir de la Seconde Guerre mondiale, assuré par la sécurité sociale.
En dehors de ce système, et malgré l’ensemble des mesures que vous serez appelés à prendre, l’épargne privée ne sera jamais sécurisée.
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour présenter l'amendement n° 472.
M. Ronan Kerdraon. L’article 32 ter B du projet de loi reconnaît de manière explicite que les fonds placés par les salariés dans des dispositifs d’épargne retraite courent les plus grands risques.
Il s’agit en effet « d’éviter que les salariés ne soient exposés à des risques élevés de perdre leur épargne retraite placée sur un PERCO », et de « prévoir, à l’instar du plan d’épargne retraite populaire, ou PERP, la mise en place d’une convention de gestion qui limite progressivement le niveau de risque des placements du salarié au fur et à mesure de l’approche de la retraite ».
Cette formule, qui vise plutôt, en bon français, à essayer d’éviter des catastrophes, est appelée par l’exposé des motifs de l’amendement à l’Assemblée nationale, « désensibilisation de l’épargne ». On ne saurait mieux décrire les vices inhérents à la retraite par capitalisation.
Pourquoi, alors, a-t-on fait ce choix ?
L’article 1er de la loi du 21 août 2003 n’assurait-il pas que la Nation « réaffirme solennellement, dans le domaine de la retraite, le choix de la répartition, au cœur du pacte social qui unit les générations » ? L’actuel Premier ministre, M. François Fillon, expliquait à l’époque : « L’UMP fait le choix de consolider un régime par répartition, et pas de changer de système de retraite ».
Pourtant, loin de refuser les fonds de pension, la loi française empruntait finalement au système américain ses dispositifs de retraite par capitalisation les plus risqués, car les plus individualisés.
Avec le nouveau plan d’épargne individuel pour la retraite, ou PEIR, la France se dotait d’un clone des individual retirement accounts américains.
Cette forme d’épargne purement individuelle, subventionnée à coups d’exonérations fiscales supplémentaires, peu favorables au comblement des déficits publics, s’ajoute aux multiples formes d’épargne subventionnée existantes, et ce alors que la France est déjà un des pays où l’impôt sur les revenus du capital est particulièrement faible.
Le plan partenarial d’épargne salariale volontaire pour la retraite, ou PPESVR - lui-même clone des plans américains à cotisations définies dits « 401 (k) », plans de sinistre mémoire - est venu s’y ajouter.
Et que penser de ce souci affiché du Gouvernement « d’éviter que les salariés ne soient exposés à des risques élevés de perdre leur épargne retraite, en mettant en place une convention de gestion limitant progressivement le niveau de risque des placements du salarié au fur et à mesure de l’approche de la retraite » ?
Pourtant, cette valorisation est souvent obtenue « grâce » aux charrettes de licenciements, qui touchent tous les jours des masses de personnes à travers le monde, avant, un jour, de toucher ces salariés eux-mêmes.
Quelles catastrophes essaie-t-on, ici, d’éviter ?
En outre, il existe dans la France d’aujourd’hui, avec ses problèmes de déficits, un autre vice inhérent aux dispositifs de retraite par capitalisation. En effet, pour amener les salariés et les entreprises à cotiser dans des fonds bloqués jusqu’à la retraite, il faut multiplier les exonérations fiscales et sociales.
En 2000, dans un fameux rapport, Jean-Baptiste de Foucauld estimait que chaque euro d’épargne salariale faisait déjà, à l’époque, perdre 0,45 euro à la protection sociale et 0,12 euro au budget de l’État, par rapport à 1 euro de salaire.
Le plus absurde, dans cette affaire, c’est que, contrairement à l’économie américaine, l’économie française n’a pas vraiment besoin de développer l’épargne des ménages. Si ce taux devait encore monter sous l’impact de la réforme des retraites, l’activité économique s’en trouverait ralentie d’autant.
Autrement dit, le Gouvernement s’apprête à creuser les déficits publics, et particulièrement les déficits sociaux, en subventionnant une épargne nuisible à l’activité économique.