Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Alain Dufaut, Mme Anne-Marie Payet.
2. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
MM. Guy Fischer, le président.
Amendement n° 372 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Anne-Marie Escoffier.
Amendement n° 457 rectifié de Mme Christiane Demontès. – Mme Gisèle Printz.
Amendement n° 1086 de Mme Odette Terrade. – M. Guy Fischer.
Amendement n° 371 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Mme Anne-Marie Escoffier.
Amendements identiques nos 458 de Mme Christiane Demontès et 1088 de Mme Odette Terrade. – Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Odette Terrade.
MM. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; Mme Christiane Demontès.
M. le président.
M. Roland Courteau, Mmes Annie David, Gisèle Printz, MM. Guy Fischer, Jacques Muller, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Claude Jeannerot, le ministre. – Rejet des amendements nos 372 rectifié, 457 rectifié, 1086, 371 rectifié, 458 et 1088.
Amendement n° 1087 de Mme Odette Terrade. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 373 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Françoise Laborde, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 315 rectifié de Mme Isabelle Debré. – Mme Isabelle Debré, MM. le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Amendement n° 1089 de Mme Odette Terrade. – Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 582 rectifié de Mme Catherine Morin-Desailly. – Mme Catherine Morin-Desailly.
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
Amendement n° 1209 de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 459 de Mme Maryvonne Blondin. – Mme Maryvonne Blondin.
MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption de l’amendement no 582 rectifié, les amendements nos 1209 et 459 devenant sans objet.
Amendement n° 374 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Mme Françoise Laborde, MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 1090 de Mme Odette Terrade. – Mme Odette Terrade, MM. le rapporteur, le ministre, Mme Gisèle Printz. – Rejet.
Amendements nos 375 rectifié et 377 rectifié à 379 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Mme Françoise Laborde, MM. le rapporteur, le ministre, Mmes Marie-France Beaufils, Nicole Bricq, M. Yves Daudigny. – Rejet des amendements nos 375 rectifié et 377 rectifié, les amendements nos 378 rectifié et 379 rectifié devenant sans objet.
Amendement n° 460 rectifié de Mme Christiane Demontès. – Mme Patricia Schillinger, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 1091 de Mme Odette Terrade. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, Mmes Annie David, Christiane Demontès. – Rejet.
Amendement n° 376 rectifié bis de Mme Françoise Laborde. – Mme Françoise Laborde, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 1092 de Mme Odette Terrade. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, le ministre, Mmes Annie David, Nicole Bricq, Michèle André, Françoise Cartron. – Rejet.
Amendement n° 830 de Mme Annie David. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. – Rejet.
Amendement n° 965 de M. Guy Fischer. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Annie David. – Rejet.
Amendement n° 966 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 831 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 1093 de Mme Odette Terrade. – Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur, le ministre, Jacques Muller. – Rejet.
Mmes Nicole Bonnefoy, Claire-Lise Campion, Maryvonne Blondin, M. Ronan Kerdraon, Mmes Renée Nicoux, Raymonde Le Texier, MM. Claude Jeannerot, Yves Daudigny, Mmes Gisèle Printz, Nicole Borvo Cohen-Seat, Nicole Bricq, MM. Marc Daunis, Jacky Le Menn, Yannick Bodin, Jacques Muller, René-Pierre Signé, Roland Courteau, Jean-Jacques Mirassou, François Fortassin, le ministre, Claude Domeizel, Gérard Longuet, Martial Bourquin, Charles Revet, Mmes Christiane Demontès, Marie-France Beaufils, MM. David Assouline, Alain Chatillon, Bernard Frimat.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
3. Cessation du mandat d’un sénateur
4. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Articles additionnels après l'article 31 (réservés)
Mme Maryvonne Blondin.
Amendement n° 461 de Mme Maryvonne Blondin. – Mme Renée Nicoux, MM. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 31 bis (réservé)
Articles additionnels avant l'article 32 (réservés)
M. Ronan Kerdraon, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Éliane Assassi.
5. Candidatures à une commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
6. Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
7. Communication du Conseil constitutionnel
8. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
M. Jean-Marc Todeschini, Mme Bariza Khiari, M. Jacky Le Menn, Mme Nicole Bonnefoy.
Amendements identiques nos 465 de M. Ronan Kerdraon et 1096 de Mme Annie David. – M. Michel Teston, Mme Mireille Schurch, MM. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; Mme Annie David, M. André Trillard, Mme Annie Jarraud-Vergnolle. – Rejet des deux amendements identiques.
Amendements identiques nos 276 de M. Jean Desessard, 466 de M. Ronan Kerdraon et 1097 de Mme Annie David. – M. Jacques Muller, Mmes Odette Herviaux, Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le ministre, Mme Annie David, MM. Martial Bourquin, Guy Fischer. – Rejet des trois amendements identiques.
Amendement n° 467 de M. Ronan Kerdraon. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 468 de M. Ronan Kerdraon. – M. Ronan Kerdraon.
Amendement n° 380 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Anne-Marie Escoffier.
MM. le rapporteur, le ministre, François Fortassin, Mme Annie David, M. Ronan Kerdraon. – Rejet des deux amendements nos 468 et 380 rectifié.
Amendement n° 967 de M. Guy Fischer. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 969 de Mme Annie David. – MM. Bernard Vera, le rapporteur, le ministre, Mme Annie David, M. Martial Bourquin. – Rejet.
Mmes Bariza Khiari, Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jacques Muller, David Assouline, Jean-Luc Fichet,
Adoption, par scrutin public, de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 32 (réservés)
M. Guy Fischer, Mme Bariza Khiari.
Amendement n° 1100 de Mme Annie David. – Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 1101 de Mme Annie David. – M. Jean-Claude Danglot.
Amendement n° 1203 de la commission. – M. le rapporteur.
M. le ministre. – Rejet de l’amendement n° 1101 ; adoption de l’amendement n° 1203.
Amendement n° 1102 de Mme Annie David. – Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 1103 de Mme Annie David. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 1104 de Mme Annie David. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 1105 de Mme Annie David. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 1106 de Mme Annie David. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Mme Bariza Khiari, M. Bernard Vera, Mme Annie David.
Adoption, par scrutin public, de l’article modifié.
Mme Christiane Demontès, M. Martial Bourquin.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 32 bis B (réservés)
Mmes Isabelle Debré, Annie David, Marie-Agnès Labarre, MM. Guy Fischer, Jacques Muller, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. Jean-Pierre Sueur.
Amendements identiques nos 278 de M. Jean Desessard et 1107 de Mme Annie David. – M. Jean Desessard, Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre, David Assouline, Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Guy Fischer, Mme Isabelle Debré. – Rejet, par scrutin public, des amendements nos 278 et 1107.
Amendement n° 469 de Mme Christiane Demontès. – Mme Jacqueline Alquier, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
M. Jean Desessard.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 46 de Mme Annie David, 279 de M. Jean Desessard, 385 rectifié de M. Yvon Collin et 470 de Mme Christiane Demontès. – Mme Annie David, M. Jean Desessard, Mmes Françoise Laborde, Maryvonne Blondin, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des quatre amendements.
Amendement n° 641 rectifié de Mme Isabelle Debré. – Mme Isabelle Debré.
Amendement n° 1109 de Mme Annie David. – M. Michel Billout.
Amendement n° 1110 de Mme Annie David. – Mme Michelle Demessine.
Amendement n° 181 de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. – M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances.
Amendement n° 1111 de Mme Annie David. – Mme Mireille Schurch.
Amendement n° 1112 de Mme Annie David. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
MM. le rapporteur, le ministre, Mme Annie David, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. – Retrait de l’amendement no 181.
M. Jean Desessard, Mme Isabelle Debré. – Adoption de l’amendement no 641 rectifié rédigeant l’article, les autres amendements devenant sans objet.
Mme Annie David.
Amendements identiques nos 47 de Mme Annie David et 471 de Mme Christiane Demontès. – MM. Guy Fischer, Jean-Marc Todeschini, le rapporteur, le ministre, Gérard Longuet. – Adoption des amendements nos 47 et 471 supprimant l'article, les amendements nos 1114 à 1131 devenant sans objet.
Amendements identiques nos 48 de Mme Annie David et 472 de Mme Christiane Demontès. – Mme Isabelle Pasquet, MM. Ronan Kerdraon, le rapporteur, le ministre, Mme Annie Jarraud-Vergnolle. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 1211 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendements identiques nos 49 de Mme Annie David, 280 de M. Jean Desessard et 473 de Mme Christiane Demontès. – MM. Bernard Vera, Jean Desessard, Jacky Le Menn, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Sueur. – Rejet des trois amendements.
Amendement n° 1134 de Mme Annie David. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 1135 de Mme Annie David. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 1136 de Mme Annie David. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 1137 de Mme Annie David. – MM. Michel Billout, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 1138 de Mme Annie David. – Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 1139 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption, par scrutin public, de l'article.
Articles additionnels après l'article 32 ter (réservés)
Mme Annie David.
Amendements identiques nos 50 de Mme Annie David, 281 de M. Jean Desessard, 386 rectifié de M. Yvon Collin et 474 de Mme Christiane Demontès. – MM. Gérard Le Cam, Jean Desessard, Mmes Françoise Laborde, Catherine Tasca, MM. le rapporteur, le ministre, Gérard Longuet. – Adoption des amendements nos 50, 281, 386 rectifié et 474 supprimant l'article, les amendements nos 1141, 183, 479 rectifié bis, 1142 à 1146, 184 et 487 rectifié devenant sans objet.
MM. Gérard Longuet, Guy Fischer.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Alain Dufaut,
Mme Anne-Marie Payet.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites [projet n° 713 (2009-2010), texte de la commission n° 734 (2009-2010), rapports nos 721, 727 et 733 (2009-2010)].
Rappel au règlement
M. Guy Fischer. Monsieur le président, mon rappel au règlement s’inscrit dans la suite de ceux que nous avons faits lors des précédentes séances. Je voudrais appeler à être responsable ; or, être responsable aujourd’hui, c’est retirer le projet de loi et ouvrir les négociations.
Mme Janine Rozier. Oh !
M. Roland Courteau. Il a raison !
M. Guy Fischer. Nicolas Sarkozy vient d’appeler à la responsabilité « l’ensemble des acteurs » du mouvement sur les retraites, avant d’annoncer, sur un ton martial, le rétablissement de l’ordre.
Cette attitude est à notre avis dangereuse.
Chacun a noté la grande responsabilité des organisations syndicales, des millions de salariés et de jeunes qui, depuis un mois et demi sont dans l’action, soutenus par la grande majorité de la population.
Le Président de la République refuse tout dialogue, mais cherche depuis plusieurs jours l’affrontement social face au développement du mouvement.
M. Nicolas About. Mais non !
M. Guy Fischer. Débordé par le mouvement massif, unitaire, par l’irruption d’une jeunesse terriblement inquiète face à l’avenir, le chef de l’État n’a pas d’autre solution que la fuite en avant et le recours aux forces de l’ordre pour mettre au pas un peuple qui refuse sa politique.
Les sénateurs du groupe CRC-SPG appellent tous les parlementaires à faire preuve de responsabilité et à suspendre les débats au Sénat, pour créer les conditions de l’ouverture du dialogue social.
Mais avant de conclure, je voudrais répondre aux dernières appréciations de M. le Premier ministre sur l’état du mouvement. M. Fillon a en effet déclaré : « le mouvement commence à s’essouffler mais se radicalise. »
Je citerai deux exemples. L’AFP rapporte que, mardi, la manifestation sur les retraites a rassemblé, à Toulouse, 155 000 personnes selon l’intersyndicale, 35 000 personnes pour la préfecture, marquant ainsi un nouveau record.
M. Roland Courteau. Voilà !
M. Guy Fischer. Mardi, à Bordeaux, environ 140 000 personnes selon les syndicats – un record de participation depuis le début du mouvement –, 34 000 personnes selon la police, ont manifesté contre la réforme des retraites.
Ce matin, à Lyon, c’était le même type de protestation, c’est-à-dire une manifestation monstre.
Voilà pourquoi nous vous demandons, monsieur le président, de faire part de notre rappel au règlement à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Discussion des articles (suite)
M. le président. Nous poursuivons la discussion des articles.
TITRE V BIS A (suite)
MESURES RELATIVES À L'ÉGALITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES
M. le président. Hier, nous avons entamé l’examen de l’article 31, dont je rappelle les termes.
Article 31 (suite)
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 2242-5, il est inséré un article L. 2242-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2242-5-1. – Les entreprises d’au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité professionnelle mentionné à l’article L. 2242-5 ou, à défaut d’accord, par les objectifs et les mesures constituant le plan d’action défini dans les rapports prévus aux articles L. 2323-47 et L. 2323-57. Les modalités de suivi de la réalisation des objectifs et des mesures de l’accord et du plan d’action sont fixées par décret.
« Le montant de la pénalité prévue au premier alinéa est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par l’accord ou le plan d’action mentionné au même premier alinéa. Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance quant au respect des obligations fixées au premier alinéa.
« Le produit de cette pénalité est affecté au fonds mentionné à l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. » ;
1° bis (nouveau) Après le 10° de l’article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 11° ainsi rédigé :
« 11° Les sommes versées par les employeurs au titre de l’article L. 2242-5-1 du code du travail. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 2323-47, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le rapport établit un plan d’action en recensant les objectifs et les mesures prises au cours de l’année écoulée en vue d’assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les objectifs de progression prévus pour l’année à venir et la définition qualitative et quantitative des actions permettant de les atteindre ainsi que l’évaluation de leur coût.
« Une synthèse de ce plan d’action, comprenant au minimum des indicateurs et objectifs de progression définis par décret, est portée à la connaissance des salariés par l’employeur, par voie d’affichage sur les lieux de travail et, éventuellement, par tout autre moyen adapté aux conditions d’exercice de l’activité de l’entreprise. Elle est également tenue à la disposition de toute personne qui la demande et publiée sur le site internet de l’entreprise lorsqu’il en existe un. » ;
3° (Supprimé)
4° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 2323-57 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il établit un plan d’action en recensant les objectifs et les mesures prises au cours de l’année écoulée en vue d’assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les objectifs de progression prévus pour l’année à venir et la définition qualitative et quantitative des actions permettant de les atteindre ainsi que l’évaluation de leur coût.
« Une synthèse de ce plan d’action, comprenant au minimum des indicateurs et objectifs de progression définis par décret, est portée à la connaissance des salariés par l’employeur, par voie d’affichage sur les lieux de travail et, éventuellement, par tout autre moyen adapté aux conditions d’exercice de l’activité de l’entreprise. Elle est également tenue à la disposition de toute personne qui la demande et publiée sur le site internet de l’entreprise lorsqu’il en existe un. » ;
4° bis (nouveau) L’article L. 2323-59 du code du travail est abrogé ;
5° (Supprimé)
I bis. – À la fin de l’article L. 2241-9 et à la fin du premier alinéa de l’article L. 2242-7, les mots : « avant le 31 décembre 2010 » sont supprimés.
II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2012. Pour les entreprises couvertes par un accord ou, à défaut, par un plan d’action tel que défini à l’article L. 2242-5-1 du code du travail, à la date de publication de la présente loi, le I entre en vigueur à l’échéance de l’accord ou, à défaut d’accord, à l’échéance du plan d’action.
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 372 rectifié, présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 4
I. - Première phrase
Supprimer les mots :
au maximum
II. - En conséquence, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Sans allonger les débats et sans reprendre la discussion tout à fait intéressante que nous avons eue hier soir sur la place et le rôle des femmes dans notre société, je voudrais simplement indiquer que l’article 31 de ce projet de loi crée opportunément une pénalité financière pour les employeurs qui ne respecteraient pas l’obligation de transmettre à leur comité d’entreprise un rapport sur les conditions d’emploi et de formation des hommes et des femmes dans l’entreprise, parce que, de fait, ils n’auraient pas respecté non plus le principe d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Je ne reviendrai pas sur les chiffres que nous avons avancés hier à plusieurs reprises sur cette étude montrant que, en dépit des nombreuses tentatives de régulation, les femmes étaient pénalisées.
Il faut, me semble-t-il, tordre le cou avec détermination à ces mauvaises habitudes qui pénalisent les femmes, et c’est pourquoi nous proposons deux mesures : la première, présentée dans notre amendement n° 372 rectifié, vise à supprimer les mots « au maximum » à 1 % des rémunérations de façon que cette pénalité soit une stricte application du taux de 1 % et ne puisse pas être réduite. La seconde mesure, présentée dans l’amendement n° 371 rectifié, vise même à porter le taux à 2 % pour montrer l’intérêt de cette démarche.
J’ajoute que, dans l’amendement n° 372 rectifié, nous accompagnons la suppression des mots « au maximum » de la suppression de la seconde phrase de ce même alinéa 4, car les « efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité professionnelle » ne peuvent pas se mesurer et n’ont donc ici aucune portée.
M. le président. L'amendement n° 457 rectifié, présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 4, première phrase
Remplacer les mots :
au maximum à 1 %
par le pourcentage :
3 %
II. - Alinéa 4, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Le Gouvernement se propose d’infliger une pénalité financière pouvant atteindre 1 % de la masse salariale aux entreprises de plus de cinquante salariés qui n’ont signé aucun accord sur l’égalité professionnelle ou qui n’ont mis sur pied aucun plan d’action contre les écarts salariaux.
Les entreprises persistent malgré cinq lois, dont la dernière, en date du 23 mars 2006, relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, est restée lettre morte faute de mesures coercitives à l’égard des entreprises.
Cet article semble en tenir compte puisqu’il crée une obligation d’accord sous peine de pénalités financières. Reste à voir comment il sera appliqué. Autant le dire tout de suite, nous avons quelques doutes en constatant que le montant de la pénalité ne sera pas automatiquement de 1 % de la masse salariale, pourcentage d’ailleurs absolument dérisoire. Nous proposons que la pénalité soit de 3 %.
En cas d’absence d’accord, ou de plan d’action, l’autorité administrative fixera le montant de la pénalité « en fonction des efforts constatés dans l’entreprise […] ainsi que des motifs de sa défaillance ». On s’éloigne de la sanction automatique et donc de l’efficacité du dispositif. Il est nécessaire de fixer et de publier une grille d’appréciation de ces efforts et motifs à la fois pour préserver l’égalité entre les entreprises et pour que le texte ne tombe pas en désuétude comme tous les autres, faute de références.
Cet article aurait pu aller encore plus loin. Le texte initial proposait de limiter la procédure aux entreprises de trois cents salariés. Il a été modifié en commission pour en fixer l’application à cinquante salariés, mais pourquoi pas à toutes les entreprises ?
L’égalité salariale est un principe universel ; pourquoi doit-elle commencer à cinquante salariés, monsieur le ministre ?
M. le président. L'amendement n° 1086, présenté par Mmes Terrade, Schurch, David, Pasquet et Hoarau, MM. Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Remplacer le taux :
1 %
par le taux :
10 %
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à apporter une modification à la rédaction de l’alinéa 4 de l’article 31 du présent projet de loi.
Cet article se situe dans la partie du texte concernant l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Nous vous proposons de rendre plus contraignante la pénalité que pourraient encourir les entreprises qui ne respecteraient pas leur obligation de se mettre activement et dès maintenant à instaurer une politique volontariste en faveur d’une égalité concrète entre les femmes et les hommes dans leur entreprise.
Concernant la pénalité, nous vous proposons de remplacer le taux de 1 % de la masse salariale nette par le taux de 10 % de cette même somme. Nous ne sommes cependant pas accrochés à ce pourcentage ; c’est un objectif à atteindre dans des conditions qui restent à définir.
Cette mesure aurait pour conséquence de rendre beaucoup plus incitative l’obligation en question, l’argent étant souvent le seul levier qui fasse véritablement changer les pratiques des entreprises, comme des individus d’ailleurs.
L’exemple de la politique volontariste que mène l’État depuis des années en matière de sécurité routière en est une bonne illustration : quand on y met les moyens et que l’on décrète qu’un sujet est une priorité, cela fonctionne.
L’égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes n’est pas une priorité dans la France de 2010.
Pourtant, depuis la loi n° 83-635 du 13 juillet 1983 portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dite « loi Roudy », l’employeur est tenu, dans les entreprises de trois cents salariés et plus, de soumettre chaque année pour avis au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, soit directement, soit, si elle existe, par l’intermédiaire de la commission de l’égalité professionnelle, un rapport écrit sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes dans l’entreprise.
Aussi, aux termes de l’article L. 2323-57 du code du travail, ce rapport doit notamment comporter une analyse permettant d’apprécier, pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise, la situation respective des femmes et des hommes en matière d’embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de rémunération effective et d’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale.
Pourtant, selon le rapport d’information de la Délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, plus de la moitié des entreprises n’ont pas élaboré de rapport de situation comparée.
De même, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, et la Délégation du Sénat aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ont, elles aussi, émis des recommandations visant à demander au Gouvernement d’aller plus loin, d’où cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 371 rectifié, présenté par Mme Laborde, M. Collin, Mme Escoffier et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Remplacer le taux :
1 %
par le taux :
2 %
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Il est défendu.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 458 est présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 1088 est présenté par Mmes Terrade, Schurch, David, Pasquet et Hoarau, MM. Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l’amendement n° 458.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que l’égalité professionnelle et salariale a une base constitutionnelle. Ainsi, l’article 6 de la Déclaration de 1789 dispose, faisant référence à la loi : « Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. » Quant au troisième alinéa du préambule de la constitution de 1946, il prévoit ceci : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. »
Comme le préconise la HALDE, rendre effective la loi sur l’égalité professionnelle, réduire les causes structurelles des écarts de salaire entre les femmes et les hommes, lutter contre les discriminations, lutter contre le temps partiel subi, développer des modes d’accueil des jeunes enfants, restent d’actualité.
Le 5 juillet 2010, la HALDE s’est saisie d’office de la question des inégalités de genre en matière de retraite.
En 2008 déjà, le Conseil d’orientation des retraites, le COR, constatait dans un rapport des écarts significatifs entre les femmes et les hommes en matière de retraite.
La réduction des inégalités salariales s’essouffle avec la précarisation de l’emploi féminin. Les différences de pensions entre les sexes sont deux fois plus fortes que les différences de salaires. Les bénéficiaires du minimum contributif sont à 63 % des femmes ; les bénéficiaires du minimum vieillesse – désormais l’allocation de solidarité aux personnes âgées, ou ASPA – sont à 62 % des femmes.
S’il ne revient pas au seul système des retraites de corriger toutes les inégalités, il convient de ne pas les aggraver et de garantir l’égalité entre les femmes et les hommes.
Monsieur le président, il s’agit d’un amendement de repli, car une modulation de la pénalité prévue nous paraît constituer une très mauvaise idée.
Le problème est le même pour les accords sur l’emploi des seniors, la prévention de la pénibilité ou l’égalité professionnelle. À chaque fois, on impose une obligation de moyens, mais pas une obligation de résultats : à aucun moment, on ne prévoit de s’assurer, après la signature de l’accord, de sa mise en œuvre effective et de ses conséquences positives au sein de l’entreprise.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 1088.
Mme Odette Terrade. Avec cet amendement, nous entrons dans le cœur du dispositif prévu par l’article 31.
Nous avons, sur le papier, une affirmation de principe claire et nette : il s’agit de permettre à la société française de franchir une nouvelle étape sur la voie de l’égalité entre les hommes et les femmes en assurant l’égalité professionnelle entre les uns et les autres.
Cette nécessité impérieuse, véritable reconnaissance de la place des femmes dans notre société, doit être, de manière exemplaire, mise en œuvre et traduite dans la gestion quotidienne des entreprises de plus de cinquante salariés de notre pays. Ces entreprises devront adhérer au contenu d’un accord de branche, dont elles devront respecter les indicateurs et les objectifs, ou bien, faute d’accord existant ou à signer, passer par la voie d’un plan d’action d’entreprise, une sorte de lutte locale contre l’inégalité professionnelle.
Dans tous les cas, les critères et objectifs seront fixés par voie réglementaire, s’agissant tant des accords de branche que des plans d’action par entreprise.
En fait, nous craignons bel et bien que les pénalités imposées aux entreprises un peu à la traîne en matière d’égalité professionnelle ne soient pour le moins peu nombreuses. Pour tout dire, je dirai avec une note d’humour que nous avons même l’impression que l’encre sympathique du MEDEF viendra, assez vite, colorer le contenu du stylo du ministre signant le décret…
Mme Annie David. Évidemment !
Mme Odette Terrade. … et que l’atteinte des objectifs en matière d’égalité professionnelle n’aura rien du décathlon olympique !
Pourtant, il y a beaucoup à faire : on sait que toutes les entreprises du CAC 40 n’ont même pas encore signé d’accords sur l’égalité professionnelle ; c’est dire tout le travail qui reste à faire si l’on pense que ces entreprises peuvent servir de modèle. Et les accords recensés par l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises ne concernent encore, pour le moment, qu’un nombre restreint de salariés, un peu moins d’un million.
Dans ce qui nous est proposé, il est à craindre que le flou des critères retenus ou le choix laissé aux partenaires sociaux ou aux entreprises entre plusieurs critères qualitatifs ou quantitatifs ne conduisent, dans un premier temps, à minorer le nombre et le montant des pénalités et, dans un second temps, à favoriser leur contestation.
Pour faire bonne mesure, la seconde phrase de l’alinéa 4, que nous voulons supprimer, prévoit que cette contestation pourra prendre la forme d’une remise de pénalité. C’est donc pour donner sens à la démarche de pénalisation des mauvaises pratiques en termes de travail féminin que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’alinéa 4 de l’article 31 est essentiel dans le montage politique de cette réforme.
En effet, il définit les modalités des pénalités prévues pour les entreprises qui ne respecteront pas la mise en œuvre d’une politique volontariste en matière d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
L’amendement n° 372 rectifié de Mme Escoffier prévoit de supprimer le terme « au maximum » et la seconde phrase de l’alinéa 4, ce qui dénature l’article 31.
Le taux de la pénalité fixé au maximum à 1 % des rémunérations est significatif ; il permet de la moduler en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Ma chère collègue, vous voulez rendre cette pénalité automatique à un taux fixe. La commission ne peut vous suivre dans cette voie.
La commission a également émis un avis défavorable sur tous les amendements tendant à prévoir un taux supérieur à 1 %, qu’il s’agisse de l’amendement n° 372 rectifié, de l’amendement n° 457 rectifié, qui prévoit un taux de 3 %, de l’amendement n° 1086, qui prévoit un taux de 10 %, ou de l’amendement n° 371 rectifié, qui prévoit un taux de 2 %.
M. Roland Courteau. Ce n’est pas convaincant !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Quant aux amendements identiques nos 458 et 1088, ils ne sont pas non plus anodins, car ils vont à l’encontre d’une politique dynamique.
On n’est pas là pour sanctionner de façon aveugle et primaire, si je puis dire, les entreprises. En modulant la sanction, on instaure entre l’entreprise et l’inspection du travail un véritable dialogue, afin d’améliorer les politiques mises en œuvre.
C’est pourquoi la commission ne peut être que défavorable à ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Certains amendements en discussion commune ont trait aux sanctions prévues à l’encontre des entreprises qui ne respecteront pas l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, tandis que d’autres concernent la modulation du montant de la pénalité en fonction des efforts constatés dans l’entreprise.
Pour ma part, je pense que le niveau des sanctions est équilibré : 1 % de la masse salariale, c’est déjà beaucoup. Ce pourcentage constitue une dissuasion. Il s’agit pour nous non pas de sanctionner, mais d’inciter les entreprises à faire en sorte que les mesures prévues soient mises en œuvre.
Par ailleurs, il faut moduler la sanction, et le Conseil d’État nous a d’ailleurs encouragés à le faire.
Dans les accords relatifs à la pénibilité, nous avons prévu une modulation financière tendant à proportionner la peine administrative aux intentions de l’entreprise ou aux travaux qu’elle a pu engager en matière de prévention, suivant en cela l’avis du Conseil d’État.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote sur l'amendement n° 372 rectifié.
Mme Christiane Demontès. Au travers de ces amendements, nous abordons un sujet important, celui de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, qui est la conséquence de l’égalité professionnelle. À cet égard, nous estimons que cette question mériterait un projet de loi spécifique, et non pas un article examiné au détour d’un projet de loi portant réforme des retraites. Mais force est de constater que ce gouvernement n’a pas beaucoup avancé en la matière.
Je tiens à insister sur différents éléments.
L’égalité salariale renvoie aux métiers, aux emplois. Mais, aujourd'hui, les femmes et les hommes ne font pas les mêmes métiers. Cherchez l’erreur ! Ainsi – j’espère que vous voudrez bien me pardonner de caricaturer un peu mon propos ! –, certains métiers techniques sont plutôt exercés par les hommes, tandis que les métiers administratifs le sont par les femmes.
M. Charles Revet. C’est un peu limité !
Mme Christiane Demontès. En outre, les rémunérations ne sont pas les mêmes, pas plus que les déroulements de carrière.
Mais la différence est aussi en amont. Ainsi, les filles et les garçons ne suivent pas les mêmes études. Il faut examiner la question de l’orientation et de la formation des jeunes. En la matière, notre pays a plutôt régressé par rapport aux années quatre-vingt où des politiques volontaristes étaient engagées. Je me souviens ainsi d’une époque où des actions étaient menées par l’éducation nationale :…
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Christiane Demontès. … des chargés de mission, en liaison avec les établissements scolaires, incitaient les jeunes filles à choisir une filière plus technique, où l’accès à l’emploi était plus facile.
Les femmes et les hommes ne vivent pas la vie de la même manière. Dans le monde professionnel, le fait d’être marié n’a pas la même signification aux yeux de l’employeur selon que l’on est une femme ou un homme : pour une femme, c’est une difficulté, voire un handicap, pour un homme, c’est plutôt rassurant. Je ne développerai pas plus cette question, mais il faut, là aussi, modifier les comportements, et cela passe également par des politiques volontaristes.
La question de la conciliation de la vie professionnelle avec la vie personnelle et familiale est donc bien plus compliquée encore aujourd’hui dans notre pays pour les femmes que pour les hommes. Il est vrai qu’il est parfois difficile pour une femme d’harmoniser le « métier » de mère et la carrière professionnelle.
À cet égard, j’aimerais revenir sur ce qui a été dit sur le temps partiel, cette nuit, dans l’hémicycle.
Si, dans un certain nombre de cas, le temps partiel des femmes est effectivement choisi, il est la plupart du temps, subi (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) à cause des modes de garde des enfants : le nombre est insuffisant et les offres ne sont pas assez diversifiées par rapport aux amplitudes horaires professionnelles.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Christiane Demontès. Bien souvent, les mères de famille sont obligées de jongler avec ces difficultés.
M. Roland Courteau. C’est évident !
Mme Christiane Demontès. Par ailleurs, le temps partiel est également imposé dans certaines entreprises. Regardez donc, mes chers collègues, ce qui se passe dans les entreprises de la grande distribution : les femmes travaillent à temps partiel, et leurs horaires sont concentrés les jeudis soir, vendredis et samedis. C’est cela la réalité de l’emploi des femmes ! Et l’égalité salariale n’y changera pas grand-chose !
Cette réalité a bien évidemment des conséquences sur les retraites. Le travail à temps partiel et les interruptions de travail au cours de la vie professionnelle font que le niveau de retraite sera moindre. Sur ce sujet, je vous renvoie, mes chers collègues, au débat que nous avons eu sur l’article 6 et sur l’amendement proposé par le Gouvernement.
Concernant les pénalités, M. le ministre vient d’indiquer qu’il ne veut pas sanctionner pour sanctionner, préférant mener une action volontariste !
Mais, si cette pénalité est une épée de Damoclès menaçant les entreprises, il faut alors augmenter le taux prévu pour se donner les moyens de faire appliquer l’égalité entre les hommes et les femmes.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Christiane Demontès. Sinon, nous risquons de nous retrouver dans une situation similaire à celle de la loi SRU qui instaure le principe des 20 % de logements sociaux : à l’instar des communes qui préfèrent, en cas de non-respect, régler les sanctions prévues plutôt que de faire du logement social, les entreprises préféreront payer les sanctions instaurées pour non-respect de l’égalité professionnelle. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Mes chers collègues, je tiens à saluer la présence dans l’hémicycle de Mme Catherine Deroche, sénatrice du Maine-et-Loire, en remplacement de M. Christian Gaudin. Nous lui souhaitons une très cordiale bienvenue parmi nous. (Applaudissements.)
La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Il faut absolument augmenter le montant de la pénalité en cas d’absence d’accord ou d’absence de plan d’action relatif à l’égalité salariale.
Savez-vous, mes chers collègues, que la France a été très récemment pointée du doigt par une étude réalisée par le Forum économique mondial. Et devinez dans quel domaine ? Précisément dans celui des inégalités qui frappent les femmes.
Triste constat ! Au classement 2010 des inégalités hommes-femmes dans le monde, la France vient de chuter à la 46e place, loin, très loin derrière l’Islande, qui est à la première place, la Norvège, la Finlande, puis la Suède. Sur 134 pays, la France a dégringolé de vingt-huit places, passant du 18e rang au 46e. Triste constat en effet !
Mme Annie David. En effet !
M. Roland Courteau. Et savez-vous ce qui « plombe » le plus la France dans ce classement annuel sur les inégalités entre les sexes ? Notre pays a l’un des pires niveaux au monde en matière de ressenti de l’égalité de salaire à travail égal, se situant à la 127e place sur 134 !
Dès lors, vous comprendrez pourquoi nous souhaitons faire adopter aujourd'hui cette série d’amendements.
Comme cela vient d’être dit, cette inégalité salariale entre les hommes et les femmes nourrit toutes les autres inégalités frappant les femmes jusqu’à la fin de leurs jours ! À cet égard, je pense particulièrement aux pensions de retraite.
Si les salaires féminins sont toujours inférieurs de 17 % à 27 % en moyenne à ceux des hommes, les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes à être rémunérées au SMIC.
De plus, cinq fois plus de femmes que d’hommes travaillent à temps partiel. Et, croyez-moi, dans 90 % des cas, cela ne résulte pas d’un choix ! Comme vient de l’expliquer Christiane Demontès, pour mille raisons, le temps partiel est, en fait, subi.
Comment peut-on oser dire que, très majoritairement, les femmes choisissent le travail à temps partiel pour convenance personnelle et familiale ? Pour tenir de tels propos, il faut vraiment vivre dans un autre monde et être coupé des réalités de la vie !
Une chose est sûre : les femmes qui travaillent à temps partiel subissent la double peine : d’abord, la conséquence des inégalités salariales dont je viens de parler et, ensuite, une rémunération amputée du fait du temps partiel et des horaires éclatés. Leurs pensions de retraite sont, elles aussi, amputées !
Franchement, comment peut-on oser affirmer, comme je l’ai entendu dire au cours du débat de cette nuit, que ces femmes-là auront « le soutien familial » et que « leurs enfants leur en seront reconnaissants » ? Décidément, nous ne vivons pas dans le même monde !
Par conséquent, nous souhaitons vivement augmenter le montant de la pénalité en cas d’absence d’accord ou de plan d’action relatif à l’égalité salariale, afin de franchir plus rapidement encore cette étape décisive. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le président, si vous me le permettez, mon explication de vote vaudra pour l’ensemble des amendements en discussion commune.
Je ne reprendrai pas les arguments de Guy Fischer, d’Odette Terrade ou d’autres collègues qui sont intervenus, comme Mme Christiane Demontès pour le groupe socialiste.
Comme je vous l’ai indiqué hier, monsieur le ministre, l’article 31 est nettement insuffisant. Le fait d’aborder le sujet de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes par le biais d’un article du projet de loi portant réforme des retraites est inacceptable, même si, bien évidemment, l’égalité salariale – c’est de cela qu’il s’agit quand on parle de l’égalité professionnelle – aura forcément des conséquences sur le montant de pension des femmes.
Selon vous, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, le quatrième alinéa de l’article 31 est essentiel, car il permet de mettre en place une pénalité, mesure qui incitera vraiment les entreprises à respecter l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
Mais je vous rappelle que, à la suite des accords intervenus lors de l’adoption de lois précédentes, l’obligation de négocier avec les entreprises devait entrer en vigueur au 31 décembre de cette année. Par conséquent, non seulement vous la repoussez de fait d’un an, ce qui, déjà, n’est pas acceptable, mais, de plus, vous instaurez une pénalité de 1 % de la masse salariale qui est bien loin d’être incitatrice !
Toujours selon vous, il est important de pouvoir moduler, afin de prendre en compte les efforts accomplis dans les entreprises. Alors permettez-moi de vous faire une proposition. Pourquoi ne pas préciser que la pénalité est de 1 % « au minimum », et non « au maximum » ? Cette formulation donnerait ainsi à l’autorité administrative la possibilité de moduler en fonction des efforts accomplis dans les entreprises.
On pourrait même fixer le montant de la pénalité à 3 % ou même à 10 %. Je reconnais que ce dernier pourcentage est quelque peu exagéré... Quoi qu’il en soit, seul l’ajout des termes « au minimum » permettrait de moduler une pénalité qui, en tout état de cause, doit être appliquée à toutes les entreprises qui ne respecteraient pas l’accord.
Monsieur le ministre, en agissant de la sorte, vous feriez, en faveur des femmes, un petit pas sur la voie de l’égalité professionnelle, dont vous avez qualifié le non-respect de « scandale de la République », et nous pourrions peut-être vous croire quand vous affirmez que vous menez véritablement un combat. Telle est la proposition que je suis en mesure de vous soumettre aujourd’hui et qui me semble intéressante.
En revanche, je regrette d’avoir été quelque peu déstabilisée en raison de la rapidité du débat cette nuit. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. C’est vrai que c’était trop rapide !...
Mme Annie David. Mais, au cours de la discussion, je reviendrai peut-être sur la mesure relative au congé de maternité qui a été adoptée. En effet, là encore, mes chers collègues, sous couvert de nous présenter une avancée pour les femmes – le fait de prendre enfin en compte ce congé, qui était une revendication de longue date –, vous retardez l’entrée en vigueur de cette « avancée » au 1er janvier 2012. Qui plus est, la mesure n’étant pas rétroactive, les congés de maternité des jeunes mamans qui ont aujourd’hui des enfants ne seront pas pris en compte dans le calcul de leur pension de retraite. C’est d’autant plus dommage que la période visée porte sur seize semaines pour les femmes ayant eu un enfant, sur trente-deux semaines pour les mères de deux enfants. Il est vraiment regrettable qu’une telle avancée soit limitée aux futures mamans ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le ministre, connaissez-vous vraiment le monde des entreprises, celles qui emploient des femmes, bien sûr – entreprises de nettoyage, grandes surfaces, etc. -, celles au sein desquelles les femmes sont à la peine ? Ces entreprises-là n’emploient pas beaucoup d’hommes, ou ceux qui y travaillent occupent des postes de commandement.
En effet, les femmes ne sont pas considérées de la même manière. Pensez donc ! La femme embauchée aura des enfants et, par conséquent, elle sera absente. Alors on lui donne un poste, mais avec un salaire moins élevé. Cela réduira la pénalité...
Permettez-moi de vous signaler que c’est profondément injuste. Cela dit, je ne m’étendrai pas davantage sur le sujet, d’autres collègues devant encore intervenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Cela fait des décennies que l’on tente de parvenir à l’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes. Mais la Fondation Abbé Pierre, le Secours catholique ou le Secours populaire, en raison des expériences dont ils ont connaissance, diffusent nombre d’informations qui, jour après jour, prouvent que les inégalités en la matière sont grandissantes. Force est donc de constater ce fait.
De plus, aujourd’hui, avec la montée de la précarité, ces inégalités se creusent, et ce phénomène relevé en France touche aussi la plupart des pays européens ! Nous aurons l’occasion d’en reparler.
Le 17 octobre, Journée mondiale du refus de la misère, nous avons eu la possibilité de nous retrouver, soit au Trocadéro, soit dans nos villes, pour porter la parole diffusée par d’ATD Quart Monde et qui illustre bien non seulement la précarité, mais aussi la grande pauvreté qui se développe en France et qui, bien sûr, touche les familles, particulièrement les familles monoparentales. Il faut vraiment examiner de plus près la situation de ces femmes seules qui sont chargées de famille.
Tel est le sens des amendements que nous avons défendus et de tous ceux que nous présenterons encore sur l’article 31.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. L’article 31 prévoit l’application d’une pénalité financière pouvant atteindre 1 % de la masse salariale aux entreprises de plus de 50 salariés qui n’auraient signé aucun accord sur l’égalité professionnelle ou qui n’auraient mis sur pied aucun plan d’action contre les écarts salariaux.
Ainsi, de fait, on se contente de viser une simple obligation d’objectif au demeurant mal défini, plutôt que de fixer une obligation de résultat en matière d’égalité entre les hommes et les femmes. Si la finalité était vraiment l’atteinte d’un minimum d’efficacité, c’est l’absence de résultat qui devrait être sanctionnée et non la simple absence d’accord.
Cela étant, pour que la disposition minimaliste proposée soit effectivement respectée, on ne peut pas ne pas se donner les moyens de la faire appliquer !
En effet, depuis près de trente ans, malgré l’existence de plus d’une dizaine de lois et décrets supposés instaurer l’égalité salariale, rien n’a vraiment changé et la discrimination salariale à l’encontre des femmes n’a toujours pas disparu...
Certes, les diagnostics sont obligatoires depuis 1983, de même que les plans d’action dans les entreprises. Mais le présent projet de loi se limite à l’instauration d’une sanction pour absence non pas de résultat ou de plan d’action, mais simplement de diagnostic !
Pour ce qui concerne l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, il faut le dire, ce texte s’apparente à de la poudre aux yeux. Encore une fois, il s’agit uniquement d’un message adressé à l’opinion publique. De fait, la question des inégalités de pension de retraite entre les hommes et les femmes qui en découlent reste entière et non traitée.
En conclusion, pour donner un minimum de crédibilité à la disposition prévue dans l’article 31, j’estime qu’il faut appliquer une sanction suffisamment forte pour que les entreprises respectent effectivement cette obligation d’égalité. C’est pourquoi nous proposons, par le biais de l’amendement n° 457 rectifié, d’augmenter de 1 % à 3 % des rémunérations et gains le montant de la pénalité.
Ne pas adopter cet amendement reviendrait à laisser la situation perdurer et donc à se priver des moyens d’agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Il est vrai que le problème de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes perdure. Cela a d’ailleurs été relevé par différents organismes et associations.
Il est vrai aussi que, pour la première fois, un plan d’action nous est proposé pour tenter de remédier à cette situation.
M. René Garrec. Voilà !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Par conséquent, nous ne pouvons que nous féliciter de l’article 31, qui vise à résoudre ce problème.
J’en viens aux femmes qui, notamment dans les familles monoparentales, sont quelquefois obligées de travailler à temps partiel. Si nous ne contestons pas ce fait, il est vrai également que, pour un certain nombre d’entre elles, c’est un choix ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Marie-Thérèse Hermange. C’est aussi leur droit de travailler tout en ayant la possibilité de s’occuper de leurs enfants, à moins que vous ne considériez cette dernière tâche comme étant atroce ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. - Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Michelle Demessine. Il ne faut pas tout mélanger !
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Mme Hermange et moi-même ne devons pas connaître les mêmes femmes confrontées à la précarité ! (Vives protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Vous avez un air malheureux !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Je ne suis nullement en cause !
L’article 31 prévoit d’infliger une pénalité financière pouvant atteindre 1 % de la masse salariale nette aux entreprises de plus de 50 salariés qui n’ont signé aucun accord relatif à l’égalité professionnelle ou qui n’ont mis sur pied aucun plan d’action contre les écarts salariaux. Les modalités de suivi seront fixées par décret.
Dans le texte initial, il était proposé de limiter la procédure aux entreprises de 300 salariés au moins. La commission a unanimement décidé, avec l’accord également unanime de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes – nous pouvons les en remercier – d’étendre l’application de cette pénalité aux entreprises d’au moins 50 salariés.
L’article L. 2245-5 du code du travail prévoit que « l’employeur engage chaque année une négociation sur les objectifs d’égalité professionnelle, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre. » Cette négociation s’appuie sur les éléments figurant dans le rapport de situation comparée prévu par l’article L. 2323-57 du même code, article issu de l’adoption de la loi du 23 mars 2006. Elle porte notamment sur les conditions d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, les conditions de travail, le temps partiel et l’articulation entre la vie professionnelle et les responsabilités familiales.
La négociation est donc supposée s’ouvrir sur le fondement de ce rapport. Le projet de loi va plus loin en créant une obligation d’accord, sous peine de pénalité financière.
D’autre part, les articles L. 2323-47-1 et L. 2323-57 du code du travail prévoient que, dans le rapport général sur la situation de l’entreprise remis chaque année au comité d’entreprise, une rubrique concerne l’égalité professionnelle.
Aux termes du présent projet de loi, ce rapport général devra établir un plan d’action en recensant les objectifs et les mesures adoptés en faveur de l’égalité professionnelle, ainsi que leur coût. Il devra également comporter une définition qualitative de ces actions.
Il est aussi prévu que, dans les entreprises de plus de 300 salariés, l’employeur organise, après consultation du comité d’entreprise, la publicité des indicateurs et des objectifs de progression fixés par décret.
En cas d’absence d’accord ou de plan d’action, l’autorité administrative fixera le montant de la pénalité « en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance ».
Il est donc nécessaire de fixer et de publier une grille d’appréciation de ces efforts et motifs, à la fois pour préserver l’égalité entre les entreprises et pour faire en sorte que le texte ne tombe pas rapidement dans l’oubli.
On se souvient de la loi de modernisation du dialogue social, laquelle – c’est le moins que l’on puisse dire ! – n’a pas été concluante en matière de dialogue social dans l’entreprise. On connaît le résultat des mesures incitatives. Seuls, malheureusement, les dispositifs plus répressifs, comme celui qui a été mis en œuvre dans le cadre de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, s’avèrent efficaces, les entreprises pouvant difficilement s’y soustraire.
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.
M. Claude Jeannerot. L’article 31 a au moins un mérite : mettre en lumière les difficultés, inégalités et discriminations auxquelles sont confrontées les femmes dans la sphère professionnelle.
Je les rappellerai brièvement. Au moment de leur départ à la retraite, les femmes perçoivent une pension inférieure de 44 % en moyenne à celle des hommes. En outre, plus de la moitié des retraitées touchent une pension inférieure à 900 euros.
Deux raisons principales expliquent ces écarts injustifiés : les femmes sont généralement moins rémunérées que les hommes et leurs carrières sont plus « heurtées », notamment en raison de la maternité et des emplois précaires qu’elles occupent.
Cette réforme des retraites était donc l’occasion de lutter contre les inégalités, notamment en permettant aux femmes de conserver le droit de partir à la retraite à 60 ans et de bénéficier d’une pension à taux plein à 65 ans. Notre devoir n’est-il pas de faire respecter le préambule de la Constitution de 1946, qui dispose que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme » ?
Or nous regrettons que le présent texte ne fasse qu’ajouter des inégalités aux inégalités. Il n’est en effet qu’un bien maigre palliatif à l’inexorable discrimination dont les femmes sont victimes, d’autant que son adoption aura pour conséquence de créer de nouvelles injustices et d’accroître mécaniquement les écarts et les inégalités entre les hommes et les femmes.
En effet, en allongeant la période d’activité, les auteurs de ce texte supposent que le passage de l’emploi vers la retraite se produit de façon naturelle. Or cette hypothèse, vous le savez, mes chers collègues, se révèle particulièrement erronée pour ce qui concerne les femmes. Près du tiers d’entre elles, contre environ 20 % des hommes, a connu le chômage avant d’arriver à l’âge de la retraite.
D’ailleurs, 30 % des femmes salariées, contre 5 % des hommes, attendent d’avoir atteint l’âge de 65 ans pour liquider leurs droits à la retraite, faute de disposer auparavant du nombre de trimestres suffisant pour obtenir une pension à taux plein.
Les femmes âgées de 60 à 65 ans sont très nombreuses à connaître le chômage et la précarité. En relevant l’âge légal de départ de 60 à 62 ans et l’âge du bénéfice d’une pension à taux plein de 65 à 67 ans, cette période de précarité s’allongera de facto : le montant des pensions des femmes et leurs conditions de vie en souffriront tout particulièrement !
Pour lutter contre ces phénomènes, nous proposons de renforcer les dispositions contenues dans l’article 31 : il s’agit d’augmenter les pénalités financières et de les fixer à 3 % de la masse salariale en cas d’absence d’accord ou de plan d’action relatif à l’égalité salariale, et aussi de renforcer les dispositifs permettant de limiter les moyens dilatoires destinés à contourner le paiement de cette pénalité. De plus, nous prévoyons que l’inspection du travail procède annuellement au contrôle de l’application de l’accord ou du plan d’action dans l’entreprise.
Monsieur le ministre, vous défendez un projet de loi qui ne permet pas de lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes en matière de retraite. Pis, ce texte risque de les accroître. Les amendements que nous défendons ont précisément vocation à corriger les risques que font courir aux femmes les dispositions que vous nous proposez d’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Je souhaite apporter une précision importante : ce texte porte non pas sur l’égalité salariale,…
Mme Christiane Demontès. C’est bien le problème !
M. Éric Woerth, ministre. … mais sur les retraites. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Dans le cas contraire, il serait bien sûr très incomplet ! Par conséquent, le thème de l’égalité salariale devra faire l’objet de nouveaux textes ou, du moins, de nouvelles initiatives.
En la matière, la droite et la gauche partagent la responsabilité de la situation, les six ou sept textes législatifs consacrés à cette question ayant tous échoués.
Pour intégrer la notion de pénibilité dans ce projet de loi portant réforme des retraites, nous étions contraints de nous intéresser à la médecine du travail. De la même manière, pour améliorer la retraite des femmes, il convenait, par principe, de se pencher sur l’une des clefs de l’inégalité en la matière, c'est-à-dire sur l’inégalité des salaires.
Par conséquent, nous avons prévu dans ce texte un nouvel outil, à savoir le plan d’action en matière d’égalité professionnelle, lequel s’accompagne d’une lourde sanction financière en cas de manquement à cette obligation.
Une telle mesure est-elle suffisante ? Certainement pas ! Nous devons aller encore plus loin pour que la situation évolue plus vite. J’espère que nous en aurons l’occasion après l’adoption du présent projet de loi portant réforme des retraites.
La sanction prévue a été comparée à une épée de Damoclès. Tel est effectivement le cas : elle « tombera » sur les entreprises qui n’auront pas pris les mesures nécessaires en matière d’égalité salariale.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous avez évoqué à plusieurs reprises les conditions de travail particulières de certains salariés, nous reprochant de ne pas les prendre en compte à leur juste mesure. Bien sûr, je ne remets pas en cause la sincérité de votre analyse. Pour autant, ne croyez pas que les sénateurs qui siègent sur les travées de droite méconnaissent le monde du travail ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. Nous sommes tous des élus. Certains de nos administrés subissent des conditions de travail difficiles, tandis que d’autres voient leur situation s’améliorer.
Vous prétendez avoir le monopole de la connaissance du monde du travail, tandis que nous aurions une vision virtuelle ou déconnectée de la situation. Tel n’est pas le cas ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 458 et 1088.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 1087, présenté par Mmes Terrade, Schurch, David, Pasquet et Hoarau, MM. Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
l'entreprise n'est pas couverte par l'accord
supprimer les mots :
ou le plan d'action mentionné au même premier alinéa.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’amendement n° 1085 précédemment exposé.
Nous estimons que, en matière de réduction des inégalités professionnelles et salariales entre les hommes et les femmes, l’article 31 tel qu’il est actuellement rédigé n’est pas suffisamment incitatif.
Il convient de prévoir que les entreprises, pour échapper à la pénalité prévue – elle ne représente, je le répète, que 1 % de la masse salariale, peut être réduite et ne s’applique qu’aux entreprises de plus de 50 salariés –, soient obligées d’avoir conclu un accord.
Si les entreprises peuvent échapper à toute sanction en mettant simplement en place un plan d’action, rien n’avancera en ce domaine, c’est évident !
Un plan d’action, en effet, simple mesure de façade, n’engage à rien. C’est une pétition d’intention, qui dédouane le Gouvernement et les entreprises. Aucune obligation de résultat n’étant prévue, l’égalité professionnelle et salariale restera un vœu pieux, puisque le document susvisé ne sera suivi, dans l’entreprise, d’aucune mesure concrète.
D’ailleurs, nous sommes bien obligés de le constater, vous avez prévu un mécanisme exactement identique au sujet de la réduction de la pénibilité, de l’emploi des seniors et de l’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes.
Dans les trois cas, vous créez un droit qui ne sera pas contraignant pour les entreprises : la sanction, en effet, est minime ; elle pourra être diminuée et ne s’appliquera qu’aux grosses entreprises, et ce dans plusieurs années ! Les entreprises tremblent ! (Sourires.)
Si vous n’êtes pas en train de mettre en œuvre une commande du MEDEF, cela y ressemble ! Au demeurant, l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ne sera pas atteinte de cette manière.
C’est la raison pour laquelle nous proposons que, pour échapper à la sanction prévue par l’article 31, les entreprises concernées devront avoir conclu un accord relatif à l’égalité professionnelle mentionné à l’article L. 2242-5 du code du travail et non pas simplement rédigé un plan d’action.
Seule la peur de la sanction peut faire changer les mentalités. Il est temps que les pouvoirs publics s’attellent à cette tâche. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Nous l’avons répété, la pénalité financière prévue sera due en cas d’absence d’accord collectif ou de plan d’action. Supprimer la deuxième référence semble excessif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 373 rectifié, présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
au fonds mentionné à l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale
par les mots :
à la lutte contre les inégalités professionnelles
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Aujourd’hui encore, il reste beaucoup d’effort à fournir en matière d’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes. Malgré les multiples tentatives pour imposer cette égalité, très peu d’entreprises ont mené des négociations, faute de véritable sanction.
L’article 31 va donc dans le bon sens, même si je regrette qu’il ne soit pas plus contraignant.
Je pense également qu’il serait plus judicieux d’affecter le montant de la pénalité à des actions liées à l’égalité professionnelle plutôt qu’au Fonds de solidarité vieillesse. (M. Yvon Collin applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement vise à affecter le produit de la pénalité financière à des actions de lutte contre les inégalités salariales entre les hommes et les femmes, et non au Fonds de solidarité vieillesse, comme le prévoit le projet de loi.
Le dispositif proposé ne paraissant guère opérationnel, la commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 315 rectifié, présenté par Mme Debré, MM. Laménie, J. Gautier, Lardeux, Vasselle, Milon, Pinton et Vestri, Mme Rozier, M. Dériot, Mmes Giudicelli et Henneron, MM. P. Blanc et Gournac, Mmes Hermange et Goy-Chavent et M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
1° ter Après l'article L. 2242–5–1, il est inséré un article L. 2242–5–2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2242–5–2.- Pour les entreprises mentionnées à l'article L. 1251-2, les dispositions de l'article L. 2242-5-1 s'appliquent aux salariés permanents mentionnés au 1° de l'article L. 1251-54. »
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Les salariés temporaires sont directement intégrés et associés à la communauté de travail des entreprises utilisatrices auprès desquelles ils sont mis à disposition. Ainsi, leurs conditions de travail, d'emploi et de rémunération sont analogues à celles des salariés de l'entreprise utilisatrice. L'entreprise de travail temporaire doit garantir au salarié intérimaire cette identité de traitement, mais ne peut influer sur les conditions de la mise en place de ces éléments dans l'entreprise utilisatrice.
L’entreprise de travail temporaire ne peut davantage se fixer des objectifs d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes mis à disposition des entreprises utilisatrices, et ce tous secteurs d'activité confondus : chaque secteur ou chaque entreprise utilisatrice a en effet ses propres objectifs, lesquels s'appliqueront aux salariés temporaires au titre de l'égalité de traitement.
Le présent amendement a donc pour objet de rappeler cette identité de traitement et de préciser que les entreprises de travail temporaire ne peuvent être concernées par les dispositions de l'article L. 2242-5-1 que l’article 31 du projet de loi prévoit d’insérer dans le code du travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La pénalité prévue s’appliquera aux entreprises de plus de 50 salariés qui n’ont ni accord collectif ni plan d’action. Le présent amendement vise à exclure les salariés intérimaires pour le calcul du seuil. Or le montant de la pénalité sera fixé par l’inspecteur du travail dans la limite de 1 % de la masse salariale, et celui-ci tiendra compte, pour en fixer le montant, des efforts constatés et, surtout, des motifs de défaillance. La situation spécifique des entreprises d’intérim pourra être prise en compte lors du dialogue qui s’instaurera à cette occasion avec l’inspecteur du travail.
En conséquence, cet amendement est satisfait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Debré, l'amendement n° 315 rectifié est-il maintenu ?
Mme Isabelle Debré. Non, je le retire, monsieur le président. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 315 rectifié est retiré.
L'amendement n° 1089, présenté par Mmes Terrade, Schurch, David, Pasquet et Hoarau, MM. Fischer, Autain et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Parallèlement à la conclusion d'accord relatif à l'égalité professionnelle, les entreprises de plus de onze salariés constituent le plan d'action défini dans les rapports prévus aux articles L. 2323-47 et L. 2323-57, destiné à réduire les inégalités professionnelles entre hommes et femmes.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Par le biais de cet amendement, nous souhaitons soumettre les entreprises de moins de 50 salariés à des obligations en termes d’objectifs relatifs à l’égalité professionnelle.
En effet, alors que l’égalité au travail est un sujet récurrent, celui-ci n’a jamais été concrétisé.
Depuis 1972, quatre lois ont tenté d’imposer le concept « à travail égal, salaire égal », sans succès. Aujourd’hui, les auteurs du présent projet de loi veulent apporter des réponses à la stagnation de l’écart des salaires depuis les années quatre-vingt-dix.
Effectivement, le salaire moyen brut d’une femme est inférieur de 18,9 % à celui des hommes. Pour les cadres, cet écart se creuse et atteint 23 %.
Si l’article 31 est positif, nous continuons de penser qu’il faut aller plus loin. Nous considérons que soumettre à des obligations les seules entreprises de plus de 50 salariés ne permet pas de démontrer une volonté politique suffisante pour faire évoluer la situation.
Aussi, nous proposons d’insérer un alinéa disposant que les entreprises de plus de 11 salariés constituent elles aussi un plan d’action.
Cette prise de conscience de la nécessité de repenser les modèles sociaux, professionnels et personnels en accordant une égalité de droits et de devoirs aux femmes et aux hommes, en luttant contre toute forme de discrimination doit imprégner l’ensemble de la société, et donc les entreprises de moins de 50 salariés.
Par ailleurs, je voudrais faire remarquer à notre collègue Marie-Thérèse Hermange, qui a engagé une petite polémique tout à l’heure (Vives exclamations sur les travées de l’UMP.), que si certaines salariées choisissent de travailler à temps partiel, en règle générale à 80 %, on les retrouve majoritairement dans la fonction publique. Il faut être précis quand on s’exprime ! Elles peuvent faire d’autant plus un tel choix que leur carrière ne sera pas pénalisée, parce qu’elles sont protégées par un statut obtenu de haute lutte ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
S’agissant de celles qui travaillent dans le secteur privé, dans lequel le temps précaire a connu un développement fulgurant ces dernières années, elles n’ont, pour la plupart d’entre elles, pas eu le choix. D’ailleurs, je vous fais remarquer, mes chers collègues, que ces temps partiels sont pensés non pas pour mieux conjuguer la vie professionnelle et la vie familiale des salariées concernées, mais, bien plus, pour accentuer la flexibilité et faire baisser le coût du travail. Ils s’adressent – et on le constate dans les statistiques – majoritairement aux femmes qui sont obligées de les accepter, souvent en raison de leur situation monoparentale. Et là, on est bien loin d’un choix librement consenti, ma chère collègue ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Marie-Thérèse Hermange. C’est exactement ce que j’ai dit !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Mes chers collègues, je vous propose que nous en revenions à l’objet principal de cet amendement et que nous nous dispensions de toute nouvelle polémique.
Madame Demessine, vous voulez abaisser le seuil de 50 à 11 salariés, ce qui est excessif et irréaliste. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 582 rectifié, présenté par Mmes Morin-Desailly, Payet, Férat, N. Goulet et Gourault, MM. About, A. Giraud, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
I - Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le rapport établit un plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes après avoir évalué les objectifs fixés et les mesures prises au cours de l'année écoulée et détermine les objectifs de progression prévus pour l'année à venir, fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels, et la définition qualitative et quantitative des actions permettant de les atteindre ainsi que l'évaluation de leur coût.
II. - Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Il établit un plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes après avoir évalué les objectifs fixés et les mesures prises au cours de l'année écoulée et détermine les objectifs de progression prévus pour l'année à venir, fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels, et la définition qualitative et quantitative des actions permettant de les atteindre ainsi que l'évaluation de leur coût.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler au cours de la discussion générale, les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes persistent, en dépit des six lois qui ont été adoptées sur ce sujet depuis 1972. Il est vrai que ces textes étaient plus incitatifs que contraignants.
Lors de l’examen de la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, les membres de mon groupe avaient souhaité que soit mis en place un mécanisme coercitif au terme des cinq années qui seraient accordées aux entreprises de plus de 50 employés pour se mettre en conformité avec les exigences d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. À notre grand regret, l’amendement que nous avions déposé en ce sens n’avait pas été adopté, car, s’il l’avait été, nous aurions certainement gagné du temps lors du débat qui nous occupe aujourd’hui.
Nous sommes satisfaits des modifications qui ont été apportées à l’article 31, grâce, notamment, à la mobilisation de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale ; cependant, nous sommes convaincus que sa rédaction peut être encore améliorée, notamment en ce qui concerne le plan d’action.
C’est pourquoi je présente cet amendement, qui a pour objet de clarifier le passage d’une simple logique de moyens à une logique de résultat en matière de lutte contre ces inégalités. Pour ce faire, je vous propose une réécriture des alinéas 9 et 13 de l’article 31 qui définissent ce plan d’action établi par le rapport d’information annuel.
La nouvelle rédaction ordonne les éléments de ces alinéas en fixant tour à tour l’objectif – il me semble important de déterminer d’abord l’objectif d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes –, puis l’ordre séquentiel des actions qui doivent être menées dans ce cadre, à savoir l’évaluation. Le mot « évaluation » est important, parce qu’il sous-tend l’idée selon laquelle il existe à la fois des éléments quantitatifs et qualitatifs. Pour quelles raisons les mesures prises ont-t-elles fonctionné ou au contraire échoué ? Comment ensuite définir des objectifs de progression futurs pour l’année à venir ?
En outre, l’amendement n° 582 rectifié a pour objet d’ajouter une disposition selon laquelle les objectifs de progression à venir doivent être nécessairement fondés sur des « critères clairs, précis et opérationnels », de manière que puissent être définies les modalités du plan d’action, par exemple en matière de formation, d’égal accès à des postes à responsabilités ou, bien sûr, d’égalité salariale.
À défaut de telles précisions, il n’est pas sûr que soient déterminés tous les leviers indispensables pour faire progresser l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
(M. Roland du Luart remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. L'amendement n° 1209, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéas 9 et 13
I. - Après les mots :
plan d'action
insérer les mots :
en vue d'assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
II. - En conséquence, après les mots :
de l'année écoulée
supprimer les mots :
en vue d'assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. L'amendement n° 459, présenté par Mmes Blondin et Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy, Daudigny, Kerdraon et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau et Jeannerot, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 9 et 13
Après les mots :
pour l'année à venir
insérer les mots :
, fondés sur des critères précis et opérationnels,
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Il s’agit d’un amendement de précision, qui reprend la recommandation n° 1 de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Il vise à ce que les objectifs de progression du plan d’action, définis pour l’année à venir, soient fondés « sur des critères précis et opérationnels ».
Cette demande de précision s’appuie sur un constat : les dispositions législatives antérieures – lois Roudy, Génisson ou celle relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes de 2006 – n’ont pas convaincu les entreprises de modifier leurs pratiques et n’ont pas bénéficié d’une application très dynamique, c’est le moins que l’on puisse dire.
Le plan d’action doit donc définir des objectifs en fonction d’une grille d’évaluation permettant d’apprécier les efforts consentis par l’entreprise en matière d’égalité professionnelle.
La mention de cette précision rendrait donc possible plusieurs avancées.
Premièrement, elle permettrait de confirmer la volonté du législateur de voir les pratiques des entreprises réellement évoluer en insistant sur l’importance de la définition d’une grille d’évaluation des objectifs.
Deuxièmement, elle permettrait de combler une carence : seule la moitié des entreprises a procédé à un rapport comparatif des différences de situation entre les hommes et les femmes. Or, lorsqu’ils sont établis, de tels rapports sont très approximatifs, se résument à des déclarations de principe ou constituent de simples rappels à la loi.
Troisièmement, elle permettrait de renforcer l’obligation des employeurs de s’investir sur la question de l’égalité professionnelle en insistant sur l’exigence de précision et d’opérationnalité des objectifs.
Quatrièmement, elle permettrait de rendre ces objectifs réellement opérationnels : jusqu’à présent, les rapports établis étaient peu exploités ; ces critères permettraient de développer un regard critique sur les actions menées ou visées.
Cinquièmement, elle permettrait également de fournir des éléments de comparaison à l’autorité administrative sur les efforts constatés en cas d’absence d’accord ou de plan d’action sur l’égalité professionnelle.
Enfin, permettez-moi d’avancer un dernier argument qui, je l’espère, achèvera de vous convaincre, mes chers collègues : cette mesure ne coûtera rien ! (Ah ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Mme Morin-Desailly, par le biais de l’amendement n° 582 rectifié, propose une nouvelle rédaction pour les alinéas 9 et 13, qui définissent le plan d’action en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes. Cette rédaction est plus claire dans la mesure où sont évoqués certains critères opérationnels et précis sur lesquels doit être fondé le plan d’action. La préoccupation exprimée par notre collègue rejoint celles qu’a elle-même exposées la commission à travers l’amendement n° 1209. Personnellement, je me rallierais volontiers à l’amendement n° 582 rectifié.
L’amendement n° 459, quant à lui, serait satisfait par l’adoption de l’amendement n° 582 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces trois amendements. Toujours est-il qu’il se rallie au ralliement de M. le rapporteur. (Sourires.)
M. le président. Je constate que cet amendement est adopté à l’unanimité des présents.
Les amendements nos 1209 et 459 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 374 rectifié, présenté par Mme Laborde, M. Collin, Mme Escoffier et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport comporte une analyse permettant d'apprécier, pour chacune des catégories professionnelles de l'entreprise, la situation respective des femmes et des hommes en matière d'embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de rémunération effective et d'articulation entre l'activité professionnelle et l'exercice de la responsabilité familiale.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Dans les entreprises de plus de 300 salariés, l’employeur est tenu de remettre au comité d’entreprise un rapport écrit sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes dans l’entreprise.
Ce rapport doit notamment comporter une analyse permettant d’apprécier, pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise, la situation respective des femmes et des hommes en matière d’embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de rémunération effective et d’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale.
L’amendement n° 374 rectifié vise à imposer cette même obligation aux entreprises de moins de 300 salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. À travers cet amendement, Mme Laborde nous propose d’étendre une obligation imposée aux entreprises de plus de 300 salariés à celles ayant entre 50 et 300 salariés. Le rapport analyserait la situation des hommes et des femmes, alors que le projet de loi vise seulement un plan d’action.
Cette proposition constitue sûrement une avancée mais peut être également une contrainte supplémentaire pour les entreprises.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’était l’objectif !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Laissez-moi terminer mon exposé, mon cher collègue !
Ainsi, la commission avait, dans un premier temps, émis un avis défavorable, mais cet amendement, intéressant sur le fond, semble aller dans le bon sens.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, le Gouvernement émet un avis favorable. En effet, l’amendement n° 374 rectifié permet, par les précisions qu’il tend à apporter, une plus grande clarté et il s’inscrit dans la droite ligne des amendements précédemment adoptés. Ne tergiversons pas sur ce rapport sur l’égalité entre les hommes et les femmes !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Monsieur le président, compte tenu des explications de M. le ministre, la commission se rallie à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 1090, présenté par Mmes Terrade, Schurch, David, Pasquet et Hoarau, MM. Fischer, Autain et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les entreprises qui ne respectent pas les obligations fixées à cet article sont soumises à une majoration de 10 % des cotisations dues par l'employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l'ensemble de leurs salariés.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. L’article 31 a fortement évolué depuis son insertion dans le projet de loi, à la suite de son examen par l’Assemblée nationale puis par la commission des affaires sociales du Sénat. Il concerne les mesures en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes au sein de l’entreprise.
Ainsi, depuis la loi n° 83-635 du 13 juillet 1983 sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dite « loi Roudy », l’employeur est tenu, dans les entreprises de 300 salariés et plus, de soumettre chaque année pour avis au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, soit directement, soit, si elle existe, par l’intermédiaire de la commission de l’égalité professionnelle, un rapport écrit sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes dans l’entreprise.
Aux termes de l’article L. 2323-57 du code du travail, ce rapport doit notamment comporter une analyse permettant d’apprécier, pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise, la situation respective des femmes et des hommes en matière d’embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de rémunération effective et d’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale.
Par ailleurs, ce rapport recense les mesures prises au cours de l’année écoulée en vue d’assurer l’égalité professionnelle, les objectifs prévus pour l’année à venir et la définition quantitative et qualitative des actions qui doivent être menées à ce titre, ainsi que l’évaluation de leur coût.
Pourtant, selon le rapport d’information de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale, plus de la moitié des entreprises n’ont pas élaboré de rapport de situation comparée.
Avec l’article 31 du projet de loi, le Gouvernement a pour ambition de résoudre la question des inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes en sanctionnant les entreprises qui ne se soumettent pas à l’obligation de lutter contre ce fait. Il s’agirait de verser au Fonds de solidarité vieillesse un montant maximal égal à 1 % de la masse salariale brute. Ce montant serait néanmoins apprécié en fonction des efforts constatés dans l’entreprise.
Mais, comme nous l’avons déjà indiqué, depuis 1972, pas moins de six lois sur l’égalité professionnelle n’ont pas été suivies d’effet !
Aussi nous souhaitons aller plus loin. Nous proposons que les entreprises ne respectant pas les obligations fixées à l’article L. 2323-57 du code du travail soient soumises à une majoration de 10 % des cotisations dues par l’employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l’ensemble de leurs salariés.
Dès lors, cette majoration serait réellement dissuasive et éviterait que les entreprises ne se contentent de faire comme les communes qui ne respectent pas la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains et préfèrent payer les pénalités plutôt que de construire du logement social.
Tel est le sens de l’amendement n° 1090 que nous vous soumettons, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer le taux de pénalité de 10 % qui semble excessif. Bien sûr, obligation sera faite de publier, par voie d’affichage ou autres, les synthèses du plan d’action. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote.
Mme Gisèle Printz. Les inégalités salariales expliquent en partie l’écart des pensions de retraite entre les hommes et les femmes. Mais d’autres obstacles existent sur le marché du travail, notamment le travail précaire. Actuellement, 70 % des emplois précaires et 82 % des emplois à temps partiel subi sont occupés par des femmes. En raison de l’exercice d’un travail à temps partiel, les carrières des personnes concernées sont hachées, entrecoupées et ne permettent pas d’obtenir une pension de retraite d’un montant satisfaisant.
Il est regrettable que le présent projet de loi soit muet sur cette question du travail à temps partiel, alors que des mesures auraient pu être prises dans le cadre d’une réforme des retraites, comme l’imposition de sur-cotisations imposées aux employeurs ayant tendance à multiplier le recours au temps partiel. (M. Jean-Pierre Bel applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 375 rectifié, présenté par Mme Laborde, M. Collin, Mme Escoffier et MM. Mézard, Milhau, Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
...° Après l'article L. 2323-57, il est inséré un article L. 2323-57-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2323-57-1. - Le comité d'entreprise peut, de droit, recourir à un expert technique, dans les conditions prévues à l'article L. 2325-38, pour obtenir une contre-expertise au rapport prévu à l'article L. 2323-57. » ;
...° L'article L. 2325-35 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° En vue de l'examen du rapport prévu à l'article L. 2323-57. » ;
...° Après la référence : « L. 2323-13 », la fin du premier alinéa de l'article L. 2325-38 est ainsi rédigée : « L. 2323-14 et L. 2323-57-1. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, si vous me le permettez, par souci de cohérence, je présenterai en même temps cet amendement et les amendements nos 377 rectifié, 378 rectifié et 379 rectifié.
M. le président. J’appelle donc en discussion les amendements nos 377 rectifié, 378 rectifié et 379 rectifié.
L'amendement n° 377 rectifié, présenté par Mme Laborde, M. Collin, Mme Escoffier et MM. Mézard, Milhau, Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 16
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après l'article L. 2241-9, il est inséré un article L. 2241-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2241-9-1. - L'employeur qui n'a pas mené au 31 décembre 2011 sérieusement et loyalement les négociations visées à l'article L. 2241-9 verse une somme dont le montant est égal à 1 % de la masse salariale brute. Cette somme sera affectée à la lutte contre les inégalités professionnelles. »
L'amendement n° 378 rectifié, présenté par Mme Laborde, M. Collin, Mme Escoffier et MM. Mézard, Milhau, Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 16
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° L'article L. 2325-35 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° En vue de l'examen du rapport prévu à l'article L. 2323-57. »
L'amendement n° 379 rectifié, présenté par Mme Laborde, M. Collin, Mme Escoffier et MM. Mézard, Milhau, Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Après la référence : « L. 2323-13 », la fin du premier alinéa de l'article L. 2325-38 est ainsi rédigée : «, L. 2323-14 et L. 2323-57-1. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Françoise Laborde. Comme nous l’avons rappelé à plusieurs reprises, les femmes perçoivent, au moment de leur départ à la retraite, une pension inférieure en moyenne de 44 % à celle des hommes et plus de la moitié des retraitées touche une pension inférieure à 900 euros.
L’une des principales raisons de ces écarts injustifiés réside dans le fait que les femmes sont généralement moins rémunérées que les hommes.
L’amendement n° 375 rectifié vise donc à garantir une présentation sincère de la situation de l’égalité professionnelle dans l’entreprise. Pour cela, il est proposé de renforcer le rôle du comité d’entreprise en instaurant un droit à la contre-expertise sur le rapport présenté par l’employeur.
L’amendement n° 377 rectifié a pour objet de permettre l’engagement loyal et sérieux des négociations. Celui-ci est défini dans la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes de la façon suivante : il « implique que la partie patronale ait communiqué aux organisations syndicales les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et ait répondu de manière motivée aux éventuelles propositions des organisations syndicales. »
Mais les négociations prévues par cette loi n’ont que rarement abouti à des accords. Nous proposons donc d’imposer aux employeurs n’ayant pas mené des négociations sur l’égalité professionnelle de façon loyale et sincère des sanctions financières.
Enfin, les amendements nos 378 rectifié et 379 rectifié sont des amendements de coordination avec l’amendement n° 375 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je rappelle, tout d’abord, que la commission a prévu que les entreprises de plus de 50 salariés devront élaborer une synthèse du plan d’action comprenant au minimum les indicateurs et objectifs fixés par décret. Cette information est destinée à être publiée largement et mise à disposition de toute personne qui le demande.
L’amendement n° 375 rectifié tend à instituer une contre-expertise, qui ne paraît pas nécessaire à la commission. C’est pourquoi elle émet un avis défavorable.
L’amendement n° 377 rectifié comporte une mesure redondante avec la pénalité qui est déjà prévue. Il est inutile de surcharger les entreprises. La commission émet également un avis défavorable.
L’amendement n° 378 rectifié a pour objet de faire intervenir un expert-comptable au titre de l’évaluation. Mais que va faire ce professionnel en la matière ? La commission émet de nouveau un avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 379 rectifié vise des références présentes dans le texte initial mais qui ont été supprimées par l’Assemblée nationale. Ma chère collègue, vous ne pouvez donc pas raccrocher votre proposition à des dispositions qui ont disparu. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet, pour les mêmes raisons, un avis défavorable sur chacun des quatre amendements.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Ces amendements sont intéressants parce que, justement, ils donnent au comité d’entreprise un rôle que ne vise pas le présent projet de loi.
M. le rapporteur n’a pas jugé nécessaire l’instauration d’un droit à la contre-expertise. Or, malgré toutes les belles déclarations qui ont été faites depuis des années, malgré l’adoption de multiples textes, force est de constater que, aujourd'hui, les entreprises ne prennent pas les dispositions permettant de respecter l’égalité entre les hommes et les femmes dans le monde du travail.
Les conséquences sur les retraites sont très lourdes, comme nous l’avons vu tout à l’heure. On ne cesse de relever que l’allongement de la durée de la vie – par conséquent la retraite – est plus important pour les femmes que pour les hommes. Or les femmes percevront une pension de retraite encore plus faible. Les déclarations faites dans cette enceinte comportent vraiment des incohérences. C’est pourquoi il me semble au contraire très opportun de voter les amendements proposés par Mme Laborde.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Les membres du groupe socialiste soutiendront les amendements présentés par Mme Laborde.
Voilà peu de temps, lors des débats relatifs au projet de loi de régulation bancaire et financière, l’un de nos collègues de la majorité – et pas le moindre puisqu’il s’agissait du rapporteur général du budget – m’a indiqué qu’il ne savait pas ce qu’étaient les parties prenantes !
La série d’amendements que nous examinons en cet instant tend à instaurer de nouveaux droits de regard d’une partie prenante – les représentants des salariés – au travers de leurs organisations et du comité d’entreprise.
Chaque fois que nous pouvons faire progresser le droit de regard des organisations représentatives, nous devons le faire, particulièrement sur le sujet dont nous traitons actuellement, à savoir le droit des femmes et l’égalité salariale entre les femmes et les hommes dans l’entreprise.
J’invite nos collègues de la majorité à soutenir ces amendements, afin de faire preuve de bonne volonté à l’égard du dialogue social auquel ils se prétendent favorables, certes dans l’absolu mais jamais dans la réalité. Ils montreraient ainsi qu’ils peuvent infirmer l’impression générale des personnes qui manifestent aujourd’hui dans la rue, autrement dit qu’ils n’ont pas écouté les parties prenantes, les organisations syndicales.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Pour justifier mon soutien à ces amendements, je voudrais vous faire part, mes chers collègues de la citation suivante : « En ces temps de crise, les femmes cadres sont dans des situations de fragilité économique qui fait qu’elles ont peur de perdre leur emploi si elles se plaignent. Pour celles qui sont dans des emplois précaires, souvent à temps partiel puisque deux tiers des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes, la situation est tout aussi difficile. Elles ont intériorisé les discriminations dont elles peuvent faire l’objet. Les inégalités qu’elles subissent ont fini par leur sembler normales. Mais elles existent bel et bien, et ce dès l’entrée dans la vie active, voire dès l’obtention des premiers stages. Un tiers des femmes par exemple sont interrogées sur le projet parental lors de leur entretien d’embauche, c’est inadmissible. […]
« Elles travaillent de plus en plus en temps partiel subi et avec des horaires de plus en plus réduits. Elles acceptent aussi de se déqualifier pour conserver un travail, notamment les femmes seules qui ont besoin de travailler, ce que les hommes font beaucoup moins. Enfin, on observe une augmentation des licenciements sans faute réelle et sérieuse pour les femmes. » Ces propos sont de Mme Jeannette Bougrab, présidente de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, dans un entretien paru dans le journal Les Échos en date du 8 juillet 2010. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Le comité d’entreprise peut bien entendu recourir à une expertise. Libre à lui de le faire s’il le souhaite.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 378 rectifié et 379 rectifié n’ont plus d’objet.
L'amendement n° 460 rectifié, présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy, Daudigny, Kerdraon et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau et Jeannerot, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 16
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'inspection du travail procède annuellement au contrôle de l'application de l'accord ou du plan d'action dans l'entreprise.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que les précédents, puisqu’il vise à s’assurer que l’accord ou le plan d’action reçoive bien une application concrète dans l’entreprise. Pour l’instant, rien ne le garantit.
La rédaction actuelle de l’article 31 impose, certes, une obligation de moyens, mais absolument pas une obligation de résultat. Conclure un accord, c’est faire un pas en avant, mais ce n’est pas nécessairement arriver au bout du chemin.
Comme le rappelait Brigitte Grésy dans son rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, toute l’efficacité du dispositif repose sur la définition de critères précis pour permettre de mesurer la réalité et l’efficacité des « efforts » de l’entreprise en matière d’égalité professionnelle.
L’article 31 du présent projet de loi dispose que les indicateurs et objectifs de progression seront définis par décret. Nous considérons, pour notre part, qu’il faut également envisager un contrôle. C’est pourquoi, nous prévoyons l’intervention de l’inspection du travail, qui aura ainsi la possibilité de vérifier la bonne application de l’accord.
On ne peut obtenir de résultats que par la voie réglementaire. L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est un motif sans faille. Il nous faut donc agir dans cette direction en exigeant des résultats, une retraite décente pour toutes celles qui subissent ces inégalités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Comme cela a été rappelé tout à l’heure, le présent projet de loi conforte l’implication de l’inspecteur du travail dans l’évaluation des plans d’action. L’amendement n° 460 rectifié tend à assurer l’application de l’accord ou du plan d’action. Il comporte un ajout redondant. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1091, présenté par Mmes Terrade, Schurch, David, Pasquet et Hoarau, MM. Fischer, Autain et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Nous refusons que la date initialement prévue dans le code du travail pour définir et programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes soit repoussée d’une année, car la tâche à accomplir en matière d’égalité salariale et professionnelle est immense.
Un tel report signifierait que les négociations annuelle et quinquennale ne visent plus à définir et à programmer les mesures susvisées avant le 31 décembre 2010.
Cela signifierait aussi que la négociation sur les salaires effectifs que l’employeur est tenu d’engager chaque année ne tend plus à définir et à programmer les mêmes mesures, toujours avant le 31 décembre 2010.
Supprimer un repère de date, même s’il est en effet très proche, signe un aveu d’échec, une acceptation de l’échec de la lutte contre la discrimination liée aux rémunérations des femmes.
Pourtant, les juridictions, notamment la Cour de cassation, font de plus en plus part de cette exigence, affinent leur jurisprudence pour la rendre plus favorable aux femmes.
Il faut reconnaître que la situation reste préoccupante, comme le note très bien le rapport selon lequel « l’inégalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes, qui reste une donnée indéniable, risque de continuer à peser négativement ». En 2008, selon l’INSEE, le salaire net annuel moyen des femmes est inférieur à celui des hommes dans le secteur privé et semi-public. En se concentrant sur la classe d’âge de 25 à 55 ans, on constate que l’écart de revenu salarial entre hommes et femmes était de 21,2 % en 2007, pour l’ensemble du secteur privé et de la fonction publique d’État.
Nous sommes surpris de trouver au sein de l’article 31, globalement positif, une disposition si contradictoire avec les objectifs affichés. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’alinéa 17.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La date du 31 décembre 2010 prévue dans le code du travail nous laisse un délai bien trop court. Elle est irréaliste et c’est pourquoi la commission est défavorable à l’amendement n° 1091.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Notre dispositif est permanent. Il n’y a donc pas de date butoir. Il faut conclure des accords et, s’ils ne sont pas respectés, appliquer des sanctions.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous nous opposez que les accords doivent être permanents. Mais pour être permanents, encore faut-il qu’ils entrent en vigueur, d’autant que vous prévoyez une pénalité dans l’hypothèse où ils ne seraient pas respectés.
À moins qu’il ne faille comprendre que dès demain, c’est-à-dire dès que le présent texte sera voté – non pas demain, mais dans quelques jours –, ou plus exactement dès que les décrets d’application de la future loi seront publiés, les entreprises dans lesquelles il n’y a pas d’accord seront passibles d’une pénalité ? Si tel est le cas, je vous dis « banco ! »
Mais je ne crois qu’il en ira ainsi ; en fait, vous repoussez la conclusion de ces accords.
Je rappelle que ce dispositif ne vise que les entreprises de plus de 50 salariés. Mais celles de moins de 50 salariés – petites et moyennes entreprises ou très petites entreprises –, emploient 4 millions de salariés. Et parmi ces salariés, il y a des femmes, même si elles ne représentent sans doute pas la moitié des effectifs, car la parité n’est pas parfaite dans ces entreprises. Or ces femmes ne bénéficieront pas des accords prévus au présent article.
Dans les faits, non seulement certaines entreprises ne seront pas soumises aux accords, mais encore vous différez l’entrée en vigueur de ces accords dans les entreprises concernées.
Monsieur le ministre, vous comprendrez que je ne puisse que m’opposer à l’alinéa 17 de l’article 31, à moins que vous me donniez la garantie que les entreprises seront passibles d’une pénalité dès la publication des décrets d’application de la future loi.
Vous faites preuve de célérité lorsqu’il s’agit de lutter et de détruire des droits acquis par les femmes. Ainsi, voilà quelques mois, lorsque la Cour de justice de l’Union européenne a relevé une inégalité entre les hommes et les femmes en matière de majoration de durée d’assurance, ou MDA, vous vous êtes empressé de répondre à son injonction. Mais lorsque la même Cour souligne la mauvaise posture de la France en matière d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, vous prenez votre temps avant d’agir.
M. Roland Courteau a rappelé tout à l’heure le classement actuel de notre pays en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. À votre place, je ne serais pas très fier d’être le ministre qui, au cours de ses fonctions ministérielles, a vu la France perdre autant de places dans un tel classement… (Hou ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
En fait, c’est toujours la même chose : lorsqu’il s’agit d’instituer des droits nouveaux pour les femmes, de se rapprocher de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, vous n’êtes pas pressé, vous prenez le temps de la réflexion ; en revanche, comme le rappelait tout à l’heure Michelle Demessine, dès qu’il s’agit de faire « sauter » des avantages acquis, notamment par les femmes dans la fonction publique, vous agissez rapidement, sans autre forme de procès.
Nous ne pouvons donc pas vous suivre sur cette voie, monsieur le ministre. Votre explication n’est pas à la hauteur ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Dominique Braye. La vôtre non plus !
M. Alain Vasselle. Arrêtez de faire de la provocation, madame David !
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Les membres du groupe socialiste voteront l’amendement n° 1091 présenté par Mme Terrade. J’ajouterai un argument à l’appui de ce vote.
Aujourd’hui, dans les entreprises, la question de l’égalité professionnelle et salariale a été rangée au fond des tiroirs. Je considère que maintenir la date du 1er janvier 2011 permettrait de les inciter à engager leur plan d’action et à dresser un diagnostic sans délai. En optant pour le 1er janvier 2012, les entreprises pourront mettre un an, dix-huit mois, deux voire trois ans pour établir le diagnostic. C’est pour moi une raison supplémentaire de maintenir la date du 1er janvier 2011. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je déduis de notre discussion que vous soutenez la mesure du Gouvernement. (Sourires sur les travées de l’UMP.) Vous en contestez le taux, la date d’application, mais il s’agit simplement là de la gestion de cette disposition, et non d’une question de fond.
Doit-on laisser un peu de temps aux entreprises ? J’admets qu’on leur en a déjà laissé beaucoup. De nombreux textes ont d’ores et déjà été adoptés sur ce sujet, nul ne peut prétendre le contraire. Mais cette fois-ci, nous prévoyons une sanction forte, alors il faut laisser aux entreprises le temps de se mettre « d’équerre ». À quoi servirait d’instituer une sanction sans laisser aux entreprises le temps de se mettre en conformité avec la loi ? Ne pas appliquer la sanction prévue serait la pire des choses !
Madame David, vous dites que je suis le ministre qui a vu la France perdre le plus de places dans le classement des pays en matière d’égalité professionnelle. Je prends en compte la solidarité gouvernementale, mais je n’étais pas ministre au moment où certaines mesures ont été décidées. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Vous le reconnaissez !
Mme Nicole Bricq. Il y a huit ans que vous êtes au pouvoir. On peut en faire des choses, en huit ans !
Mme Raymonde Le Texier. En défaire aussi, d’ailleurs !
M. le président. L'amendement n° 376 rectifié bis, présenté par Mme Laborde, MM. Collin et Detcheverry, Mme Escoffier et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Rédiger ainsi cet alinéa :
...° Après la référence : « L. 2241-7 », la fin de l'article L. 2241-9 est ainsi rédigée : « aboutissent à un accord qui fixe les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2011. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, c’est garantir à tous les salariés, quel que soit leur sexe, les mêmes conditions et traitements lors de l’embauche et pendant toute la durée de leur contrat de travail.
La loi du 23 mars 2006 prévoit de réduire les écarts de rémunération, notamment par la négociation collective. Malheureusement, très peu de négociations ont abouti. Cet amendement vise donc à imposer une prescription d’accord.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’indiquer, l’accord n’est pas la solution la plus pertinente. Les autres mesures proposées dans le projet de loi, à savoir les plans d’action, les synthèses définies a minima par décret et la publicité qui en est faite, semblent plus efficaces.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 376 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1092, présenté par Mmes Terrade, Schurch, David, Pasquet et Hoarau, MM. Fischer, Autain et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. - Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2011. Pour les entreprises couvertes par un accord tel que défini à l'article L. 2242-5-1 du code du travail, à la date de publication de la présente loi, le I entre en vigueur à l'échéance de l'accord.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je serai brève, parce que cet amendement s’inscrit dans la même logique que le précédent.
Nous souhaitons que les dispositions prévues par l’article 31 entrent en vigueur au plus tôt, afin d’atteindre et de garantir les objectifs fixés en termes d’égalité salariale, objectifs qui font l’objet d’un consensus politique.
Nous proposons donc de retenir la date du 1er janvier 2011 pour la mise en œuvre du I du présent article.
Sur le fond, nous sommes satisfaits de la prise de conscience du fait que toute obligation qui ne serait pas soumise à sanction serait par nature inefficace. Nous prenons acte de l’évolution ainsi permise par cet article.
En effet, l’égalité entre les hommes et les femmes est un domaine où la loi doit être particulièrement ferme et ambitieuse – cela a déjà été indiqué – si nous voulons que les pratiques évoluent.
Nous demandons donc, par le biais de cet amendement, que la mise en œuvre du dispositif prévu à l’article 31 soit accélérée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Après tous les propos qui ont été tenus sur la date du 1er janvier 2011, vous comprendrez que la commission émette un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Finalement, nous discutons d’une négociation qui est en cours depuis le mois de juillet 1983, date de la première loi sur l’égalité professionnelle, dite « loi Roudy ».
Si les entreprises n’ont pas eu le temps de négocier en vingt-huit ans, c’est grave ! Je me demande quand ces négociations pourront aboutir…
Il est vrai que l’article 31 comporte une nouveauté : la pénalité minimaliste de 1 % de la masse salariale. Cela dit, je vous rappelle que, dans la dernière loi, une pénalité, certes de nature différente, avait déjà été adoptée, puisque le non-respect des mesures visées était sanctionné d’un an d’emprisonnement.
Je vous ai demandé hier ce que devenait cette disposition ; allait-elle s’ajouter ou se substituer à la nouvelle pénalité ? Il faudrait peut-être examiner la façon dont les diverses mesures s’imbriqueront les unes dans les autres dans le code du travail.
J’en viens au présent amendement. Nous refusons que la date d’entrée en vigueur du I de l’article 31 soit reportée d’une année.
Nous demandons aussi que les entreprises aboutissent à un accord. Je ne me suis pas encore exprimée au cours de la discussion sur la signification de ce mot, mais un accord, mes chers collègues, ce n’est pas la même chose qu’un plan d’action ou que toute autre décision prise arbitrairement par une entreprise.
Un accord, c’est le résultat de négociations entre les partenaires sociaux sur un sujet bien particulier. À partir du moment où un tel accord est signé, il doit être respecté, aux termes du droit du travail.
Malheureusement, bien souvent, dans les entreprises, les négociations sur l’égalité salariale n’aboutissent à aucun accord, en raison de la mésentente entre les employeurs et les représentants du personnel.
Cela étant, je vous rappelle, mes chers collègues, que l’article L. 2242-5 du code du travail prévoit déjà l’engagement d’une négociation annuelle sur les objectifs d’égalité professionnelle.
Le Gouvernement, par le biais du présent projet de loi, ajoute seulement la pénalité de 1 %, mais les négociations sont normalement déjà en cours, puisqu’elles doivent avoir lieu tous les ans. Nous demandons simplement que ces négociations aboutissent à un accord.
Or le Gouvernement repousse encore d’une année cet accord, et instaure une pénalité aléatoire, puisque c’est l’autorité administrative qui décidera si, en fonction de l’évolution des négociations, cette pénalité doit être appliquée ou pas.
Nous savons tous qu’il est très facile d’ouvrir des négociations – je vous renvoie aux négociations annuelles obligatoires –, mais il est très rare d’aboutir à un accord ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je lis attentivement les différents rapports, et, en me référant à celui de M. Leclerc, qui est le porte-parole de la commission, je me suis aperçu que ce dernier attirait « l’attention du Gouvernement sur l’importance de la rédaction du décret d’application qui fixera les modalités de suivi et la réalisation des objectifs et des mesures de l’accord ».
Vous en conviendrez, mes chers collègues, le rôle de la loi est précisément d’encadrer le règlement.
En l’espèce, le Gouvernement s’en remet à un décret d’application. S’il avait voulu montrer sa bonne volonté sur ce sujet – nous partageons tous le même objectif, et cela fait bientôt vingt-huit ans que la loi n’est pas respectée –, il aurait présenté, comme il a su le faire dans d’autres circonstances, ce décret d’application.
Quand on le veut vraiment, on peut aller très vite ! Vous savez bien le faire quand cela vous arrange… Si nous nous en remettons au décret, à de bonnes pratiques sans fixer un terme à la loi, nous n’accomplissons pas notre travail de parlementaires. Je le répète, la loi doit encadrer les décrets d’application. Or tous les amendements que vous repoussez ont pour objet de préciser, d’orienter cet encadrement.
Je note que M. le rapporteur lui-même demande que le Gouvernement publie un « guide de bonnes pratiques ». Parlons-en ! Vous le savez, le MEDEF est très hostile à la loi et lui préfère les codes de bonne conduite. Il se trouve que je suis très concernée par le code qui a été élaboré par le MEDEF et l’Association française des entreprises privées, l’AFEP, à propos de sujets dont nous reparlerons la semaine prochaine, mais aussi des rémunérations. Or je n’ai trouvé aucune trace dans ce document, y compris dans la nouvelle mouture de 2010, d’une recommandation relative aux rémunérations des femmes et des hommes.
S’en remettre à des guides de bonnes pratiques, à des décrets d’application, revient vraiment à passer par pertes et profits le travail que le législateur effectue sur l’égalité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, qui a été mis en cause avec son rapport. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Mais non !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ce rapport a une certaine logique : la page 258, à laquelle vous venez de vous référer, ma chère collègue, est précédée de la page 257.
Mme Nicole Bricq. Je l’ai lue !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Si la commission a émis une recommandation concernant l’importance de la rédaction du décret d’application, c’est pour une raison historique, qui a été évoquée tout à l’heure. Je rappelle que la loi Roudy date de 1983. Par ailleurs, n’oublions pas le rapport de Mme Brigitte Grésy, qui fait autorité, auquel tout le monde se réfère et dont tout un chacun loue la pertinence. Constatant que peu de négociations ont eu lieu – les pourcentages sont donnés à l’appui –, Mme Grésy affirme que ces accords ont un contenu presque inexistant, et ne sont parfois que des coquilles vides.
C’est pourquoi j’ai émis un avis défavorable sur les recommandations, qui faisait l’objet des amendements précédents.
Maintenant, forts de tout cela, tournons la page du rapport et, madame Bricq, vous pouvez alors constater que la commission accorde une certaine importance à la rédaction du décret d’application. En effet, la loi de 1983 et les rapports, même s’ils sont pertinents, reconnus par tout le monde, ne sont pas suffisants.
Mme Nicole Bricq. Quand paraîtront-ils ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Il s’agit de l’un des débats majeurs que nous avons au cours de l’examen de cette réforme très importante.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas fini !
M. Éric Woerth, ministre. Je m’en réjouis ! Vous avez raison de citer la loi Roudy de 1983. Mais on peut remonter plus loin dans le temps. Je pense, notamment, à la loi de 1972. Cela étant, tous les textes existants n’ont pas abouti, vous l’avez dit, à l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes. Néanmoins, les inégalités se réduisent en matière de rémunération, de pension de retraite. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. C’est faux !
M. Marc Daunis. Comment peut-on dire cela ?
M. Éric Woerth, ministre. Il en est également ainsi dans le domaine de la qualification, qui est aussi l’une des raisons de l’inégalité salariale : les femmes occupent généralement des emplois moins qualifiés que les hommes, en définitive, moins rémunérateurs. Elles travaillent plus souvent à temps partiel. Cette réalité est très pesante, mais la situation s’est améliorée.
Le Gouvernement souhaite évidemment aller beaucoup plus loin, et, pour la première fois, il veut instaurer une vraie sanction. Mais si celle-ci est adoptée, il n’est pas possible d’obliger à la conclusion d’un accord. Dans ce cas, en effet, il suffirait que l’une des deux parties décide de ne pas signer pour que l’autre en soit pénalisée. Par exemple, si les syndicats s’abstiennent, la sanction serait supportée par l’entreprise d’une façon unilatérale. C’est en droit impossible !
Quoi qu’il en soit, il existe une obligation de résultat. L’entreprise est bien obligée soit d’avoir établi un plan d’action, soit d’avoir conclu un accord d’entreprise, et la sanction intervient après.
Ce débat sur l’égalité entre les hommes et les femmes va se prolonger au-delà du projet de loi portant réforme des retraites. Le présent texte aborde le sujet. C’était essentiel ! Dans les mois qui viennent, le Gouvernement continuera à examiner cette question de façon très concrète. S’il le faut, nous pourrions travailler, je l’espère de manière consensuelle, à l’élaboration d’un nouveau texte, et le rapport de Mme Grésy est une bonne base de réflexion.
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.
Mme Michèle André. Monsieur le ministre, nous nous sommes entretenus à maintes reprises de ce problème.
La délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, si elle a formulé un certain nombre de recommandations, a plutôt regretté que cette question soit traitée au détour d’un article du projet de loi portant réforme des retraites. Nous demandons instamment que celle-ci soit examinée dans son intégralité et qu’un dispositif spécifique soit adopté.
D’ailleurs, monsieur le ministre, vos deux prédécesseurs s’y étaient engagés à l’égard de la délégation précitée, aussi bien de l’Assemblée nationale que du Sénat. S’il y a une volonté d’aboutir, c’est maintenant qu’il faut l’affirmer !
Pour ce qui me concerne, les sanctions financières me laissent assez dubitative. Si leur effet est le même que celui des sanctions adoptées afin d’assurer la parité au sein des titulaires de mandat électif, je me fais beaucoup de souci… Je pense que nous devrons attendre encore longtemps pour obtenir des avancées.
Il est indispensable aujourd’hui de prendre en considération le dispositif dans son ensemble, d’examiner ses forces et ses faiblesses, et de tout remettre à plat. C’était la première recommandation de la délégation susvisée, afin de faire cesser le flou.
Monsieur le ministre, vous le savez, il faut beaucoup de volonté en la matière. Cela suppose aussi que cette cause soit portée par le plus grand nombre.
Aujourd’hui, les forces dispersées entre les déléguées régionales rattachées au secrétariat général aux affaires régionales dans les préfectures et les chargées de mission réparties dans les directions de la cohésion sociale empêchent la mise en œuvre d’une volonté commune sur le territoire.
Je le répète, il est indispensable de tout remettre à plat, et vous ne pouvez pas vous contenter de traiter la question de l’égalité entre les hommes et les femmes au détour d’un article du projet de loi portant réforme des retraites. Je ne suis pas la seule à affirmer que ce n’est pas par ce biais que la situation évoluera positivement.
Vous avez le devoir d’aller plus loin, monsieur le ministre, et nous vous y engageons solennellement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.
Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas nous permettre de prendre encore du temps pour faire disparaître ces inégalités.
Comme l’a rappelé Roland Courteau, la France a dégringolé de la dix-huitième à la quarante-sixième place dans le classement mondial pour l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes. Elle occupe la cent vingt-septième place sur cent trente-quatre. Dans quelque temps, elle pourrait même arriver à la dernière place.
Vous avez évoqué la qualification. Les femmes, je le rappelle, à diplôme égal, perçoivent un salaire inférieur de 20 % à celui des hommes dans les entreprises. Elles subissent la double peine : lorsqu’elles ne sont pas qualifiées, les emplois à temps partiel, c’est pour elles, les emplois de service moins rémunérés, c’est pour elles ; lorsque les femmes se retrouvent en situation monoparentale, les horaires impossibles…
M. Alain Vasselle. C’est pour elles !
Mme Françoise Cartron. Effectivement, mon cher collègue !
Bien évidemment, lors de notre débat sur les retraites, toutes ces disqualifications que subissent les femmes reviennent en pleine lumière. « On en parlera plus tard » nous dit-on. Eh bien, quand on est le cent vingt-septième pays sur cent trente-quatre, il est urgent de ne pas attendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 830, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Le deuxième alinéa de l'article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Lorsque l'employeur n'a pas rempli au cours d'une année civile l'obligation définie au 1° de l'article L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code, le montant de l'exonération est diminué de 100 %.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Il s’agit, cette fois, d’un amendement non de suppression, mais de précision.
Je rappelle – ce n’est pas inutile – que, aux termes des chapitres II et III du titre IV du code du travail, chaque employeur doit engager une négociation annuelle portant, premièrement, sur les salaires effectifs, en vue de les augmenter en proportion des résultats de l’entreprise, deuxièmement, sur la durée effective et l’organisation du temps de travail, ainsi que, troisièmement, le cas échéant, sur la formation ou la réduction du temps de travail.
Il ne s’agit pas, de notre point de vue, de contraintes insurmontables pour les employeurs. Les syndicats que nous avons rencontrés nous ont toutefois indiqué que cette séance de négociation annuelle obligatoire, la NAO, prévue par la loi est loin de rencontrer l’adhésion des entreprises.
Aussi je rappelle également que, aux termes de l’article L. 2243-2 du code du travail, le fait de se soustraire aux obligations prévues aux articles L. 2242-5, L. 2242-8, L. 2242-9, L. 2242-11 à L. 2242-14 et L. 2242-19 du même code relatives au contenu de la négociation annuelle obligatoire est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 euros.
Le présent amendement vise donc à confirmer ces dispositions et à prévoir une suppression totale de l’exonération des cotisations sociales quand les entreprises qui en bénéficient ne respectent pas leurs obligations en la matière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ma chère collègue, vous entendez supprimer la progressivité de la sanction pour des entreprises installées en zone de redynamisation urbaine ou de revitalisation rurale.
La commission émet un avis défavorable sur le présent amendement, qui ne présente aucun lien direct avec le projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
M. le président. L'amendement n° 965, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
L'article L. 242-1-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Les rémunérations, versées ou dues à des salariés, qui sont réintégrées dans l'assiette des cotisations à la suite du constat de l'infraction définie aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail ne peuvent faire l'objet d'aucune mesure de réduction ou d'exonération de cotisations de sécurité sociale ou de minoration de l'assiette de ces cotisations et sont majorées de 10 %.
« En cas de récidive, la majoration applicable est de 50 %. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article L. 242-1-1 du code de la sécurité sociale prévoit qu’un employeur qui tente de dissimuler un salarié afin de ne pas s’acquitter des cotisations sociales ne peut bénéficier de réduction ou d’exonération sur les cotisations qu’il aurait dû normalement payer.
Cette mesure est tout à fait justifiée, et l’on peut même s’étonner qu’il soit besoin de la préciser.
En effet, la personne qui exerce une activité à but lucratif, de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services, ou qui accomplit des actes de commerce en se soustrayant intentionnellement à ses obligations, ne doit pas bénéficier d’exonérations de cotisations sociales, dont le principe est déjà critiquable en temps normal.
Il s’agit évidemment de pratiques très graves, mes chers collègues.
En général, soit le professionnel n’a pas demandé son immatriculation au répertoire des métiers, au registre des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, soit il a poursuivi son activité après refus d’immatriculation ou postérieurement à une radiation, soit il n’a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur.
Par le biais du présent amendement, nous proposons d’aller plus loin et de sanctionner les fraudeurs, la fraude en question s’effectuant au détriment de l’intérêt général et de celui des finances de la sécurité sociale.
Nous souhaitons donc que de tels actes ou omissions soient sanctionnés financièrement par une majoration de 10 % du montant total des cotisations dont la personne doit s’acquitter, et que la majoration soit portée à 50 % en cas de récidive.
La finalité est non pas d’infliger une double peine, mais d’instituer une sanction pécuniaire là où rien n’est prévu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement, qui vise le travail dissimulé, est étranger aux dispositions de ce projet de loi.
En conséquence, la commission émet un avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Vous nous dites, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que cet amendement, comme le précédent, ne présente aucun lien avec le projet de loi. Celui-ci porte effectivement sur la réforme des retraites, mais l’article 31 traite, pour sa part, de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Si l’on suit votre raisonnement, cet article n’a donc, lui non plus, pas grand-chose à voir avec ce texte ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Tout à l’heure, M. Woerth a indiqué qu’on ne pouvait pas résoudre tous les problèmes qui se posent en matière d’égalité salariale au travers d’un texte sur la réforme des retraites, et qu’il conviendrait de revenir sur ce sujet.
Je vous renvoie l’argument : certes, le présent projet de loi ne permettra sans doute pas de régler toutes les difficultés, mais il constitue pour nous une occasion de soulever ces problèmes qui, que vous le vouliez ou non, concourent aux disparités de pensions entre les femmes et les hommes.
L’amendement précédent portait sur les négociations annuelles obligatoires en matière de salaires. Au cours de ces dernières, normalement les niveaux de salaires des hommes et des femmes font l’objet d’une vérification.
L’amendement n° 965, dont l’objet est de lutter contre le travail au noir, peut aussi contribuer à réduire ces inégalités salariales. Il se trouve en effet que, parmi les trop nombreuses victimes de ces mauvais employeurs – rassurez-vous, mes chers collègues, je ne mets pas tous les patrons dans le même panier ! –, on trouve très souvent des femmes.
La lutte contre le travail au noir, parce qu’elle peut contribuer à améliorer le niveau des pensions de nos concitoyens, n’est donc pas étrangère à la réflexion sur la réforme des retraites. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Madame David, dans l’absolu, on peut certes considérer que tout est dans tout…
Nous nous efforçons, pour notre part, de conserver un minimum de cohérence et de logique dans ce texte. Nous nous accordons tous sur la réalité du différentiel de rémunérations entre les hommes et les femmes, et sur le fait que celui-ci explique en grande partie la différence de niveau des pensions. L’article 31 vise précisément à corriger ces inégalités, en instituant un dispositif de sanction.
Vos propositions ne me choquent nullement sur le principe, madame le sénateur, mais elles ne présentent pas un lien aussi étroit avec le texte. Il subsiste certes le lien commun du salariat, mais la logique n’est plus exactement la même.
M. le président. L'amendement n° 966, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
I. - Au premier alinéa de l'article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale, le mot : « six » est remplacé par le mot : « dix ».
II. - Après le premier alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de récidive, le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale visé à l'alinéa précédent est évalué forfaitairement à vingt fois la rémunération mensuelle minimale définie à l'article L. 141-11 du même code en vigueur au moment du constat du délit de travail dissimulé. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Je présume que cet amendement va subir le même sort que les précédents…
Mme Nicole Bricq. Ne soyez pas défaitiste ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Nous souhaitons poser le problème de la lutte contre le travail dissimulé.
Nous vivons tout de même une drôle d’époque ! Alors que nous avons inscrit dans la loi le principe de l’égalité salariale et professionnelle entre les hommes et les femmes – une égalité dont la mise en œuvre rencontre bien des difficultés, comme Annie David l’a fort bien démontré –, les entreprises ont encore très fréquemment des comportements délictueux à l’égard du respect des normes sociales.
Rappelez-vous, mes chers collègues, les informations diffusées cet été sur les redressements infligés aux entreprises quant au non-respect des normes sociales : si je me souviens bien, près des deux tiers des entreprises contrôlées avaient subi un redressement. Bien sûr, ce fait est dû à la complexification de la réglementation, mais, en matière de contributions sociales, il y aurait beaucoup à dire.
Loin de nous l’idée d’incriminer toutes les entreprises, mais force est de constater que le travail dissimulé caractérise l’activité de nombreux secteurs, singulièrement la confection, l’hôtellerie et la restauration, qui sont parmi les secteurs les plus employeurs de main-d’œuvre féminine.
La lutte contre l’économie dite « souterraine » se heurte, pour une grande part, à des intérêts spécifiques – je pense notamment au secteur de la confection, où certaines marques et certains réseaux de magasins ont objectivement besoin de recourir au travail dissimulé pour maintenir leur réactivité face aux tendances et au marché – que l’on se refuse à combattre avec les moyens nécessaires.
La pénalisation du travail dissimulé doit donc être renforcée, ne serait-ce que pour permettre aux femmes qui souffrent en raison de conditions de travail et de salaires souvent d’un autre âge de bénéficier d’une véritable prise en compte de leur apport à la société.
L’amendement n° 966 a donc pour objet de renforcer le caractère dissuasif de cette pénalisation, étape nécessaire dans la reconnaissance de la place des femmes dans la société et l’économie en particulier. Nous devons porter ce sujet sur la place publique. À l’instar de l’enquête estivale évoquée précédemment, qui m’avait surpris eu égard au nombre d’entreprises concernées, cette question fait régulièrement l’objet d’enquêtes dans la presse.
Nous ne nous faisons pas d’illusions sur le sort que la majorité réservera à notre proposition. Mais je crois, mes chers collègues, que vous n’échapperez pas, au cours des prochaines semaines, des prochains mois, ou des prochaines années, à un débat incontournable, ne serait-ce que pour assurer un haut niveau à notre protection sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement est très proche du précédent.
Nous avons écouté avec attention vos deux argumentaires, mes chers collègues, et il nous semble évident que les manquements au code du travail dont vous avez parlé, en particulier le travail dissimulé, doivent être combattus.
Toutefois, nous débattons d’un texte relatif aux retraites, et vous savez très bien que la pension a une relation directe avec le salaire. Nous devons donc impérativement commencer par améliorer cette disparité salariale de 38 % entre les hommes et les femmes, et les dispositions du projet de loi y concourent.
Nous ne pouvons pas trop nous éloigner de l’article 31. C’est pourquoi la commission émet, de nouveau, un avis défavorable sur l’amendement n° 966.
Mais, comme vous l’avez indiqué, monsieur Fischer, nous devrons encore progresser dans notre lutte contre les manquements que vous avez signalés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 831, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
L'article L. 242-4-3 du code de la sécurité sociale est abrogé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Mes chers collègues, je vous entends déjà me dire que cet amendement n’a pas, pour reprendre vos mots, monsieur le secrétaire d'État, « un lien étroit avec le texte ».
M. Nicolas About. Voilà !
Mme Annie David. Cependant, à la lumière de mes explications, vous me donnerez peut-être raison.
Mme Annie David. En effet, comme chacun sait, les hommes et les femmes, à qualification égale, ne perçoivent pas la même rémunération. L’article 31 a d’ailleurs comme finalité la lutte contre ce fait.
Cette situation anormale et injuste est une réalité d'un système économique qui a fait des jeunes et des femmes les victimes désignées de sa course permanente au moins-disant social.
De ce fait, les femmes disposent d’une pension de retraite moins importante que les hommes et elles subissent durement les conséquences de leurs choix de vie, pourtant légitimes, dans leur vie professionnelle.
C’est un peu comme si la maternité, tout de même plus souvent désirée aujourd’hui que par le passé, devenait un handicap dans une carrière professionnelle, reportant la promotion qui devrait découler de l’efficacité et de la compétence.
Confrontées à des rémunérations plus faibles, les femmes sont aussi l’objet fréquent d’expérimentations sur le temps partiel imposé, ou encore sur l’allongement, au-delà de l’âge légal de départ à la retraite, de la durée de la vie professionnelle.
Dans ce contexte, pour se prémunir d’un avenir pas nécessairement florissant eu égard au montant de leur pension, elles peuvent consacrer une partie du montant de leur compte épargne-temps à l’alimentation d’un plan d’épargne pour la retraite collectif, ou PERCO, comme le préconise notre collègue Isabelle Debré. Une fois encore, elles paient le prix de leur sous-rémunération.
Supprimer l’exonération de cotisations sociales sur les PERCO revient à dissuader l’usage de cet outil d’épargne et à proposer au contraire que, grâce aux sommes ainsi épargnées par le biais de la capitalisation, les entreprises puissent rémunérer correctement leurs salariées.
Moins de PERCO, plus de salaires et plus d’égalité salariale : tel est l’objet de l’amendement n° 831, dont les auteurs préfèrent une vraie politique salariale à une politique salariale différée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Madame David, il est bien sûr tentant d’adhérer à la plupart de vos propos. Vous allez pourtant trop loin lorsque vous proposez d’abroger l’article L .242-4-3 du code de la sécurité sociale, qui vise l’alimentation des PERCO et le financement d’autres prestations de retraite à caractère collectif.
Comme vous le savez – je le répète dans un souci de pédagogie –, nous devons défendre notre système par répartition, qu’il est urgent de réformer.
L’épargne retraite peut constituer un complément à ce régime général, et beaucoup de nos concitoyens y recourent.
Mme Isabelle Debré. Voilà !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Abroger l’article susvisé du code de la sécurité sociale reviendrait à supprimer cette possibilité. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 831.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1093, présenté par Mmes Terrade, Schurch, David, Pasquet et Hoarau, MM. Fischer, Autain et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les conditions de mise en œuvre du présent article et ses effets en termes de réduction des inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes font l'objet, au plus tard au 31 décembre 2011, d'une évaluation.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. La question de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes doit être suivie le plus précisément possible, comme l’ont précédemment rappelé l’ensemble des orateurs, majoritairement féminin.
Selon l’article 31, les entreprises ne seront pénalisées qu’au terme d'un processus relativement complexe puisque les éléments de mesure objective des efforts accomplis vont manquer, notamment les indicateurs, déterminés par voie réglementaire, retenus dans le cadre du plan d’action. Dès lors, nous craignons de disposer d’éléments très incomplets ou fragmentaires concernant le vécu des femmes salariées. En effet, nombre d’accords sont purement formels et ne comportent aucun élément engageant réellement l’entreprise.
Une véritable évaluation de l’égalité professionnelle suppose un regard sur les politiques salariales de recrutement, de formation et de promotion interne de l’entreprise. Tout autre indicateur n’aurait ni sens ni utilité. Il est de la responsabilité sociale des entreprises de ne pas faire de discrimination entre les hommes et les femmes en ces domaines.
Par exemple, l’ouverture éventuelle d’une crèche d’entreprise aura un goût d’inachevé si, parallèlement, le salaire des femmes cadres continue à être de 20 % à 30 % inférieur à celui de leurs collègues masculins, ou si celui des ouvrières est toujours de 15 % à 17 % inférieur à celui des ouvriers.
Une évaluation complète et régulière est donc indispensable. Nous pouvons nous fixer cette perspective dès l’an prochain. C’est pourquoi nous avons déposé le présent amendement.
Comme l’a dit M. le rapporteur, le travail doit être poursuivi, et notre proposition va dans ce sens. Nous pourrons ainsi savoir si les mesures incitatives que nous avons présentées étaient nécessaires, ou si les dispositions figurant à l’article 31 étaient effectivement suffisantes, comme la majorité l’affirme depuis le début de ce débat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission ne s’oppose pas au principe d’une évaluation, mais en quoi consisterait cette dernière et qui la réaliserait ? Je rappelle que les commissions d’enquête du Parlement sont compétentes en la matière. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Dans le cadre de la lutte contre les inégalités professionnelles qu’il nous invite à poursuivre, le rapport établit une forte corrélation entre ces inégalités et le développement du travail à temps partiel. Ce dernier résulte de l’application systématique d’un dogme : celui du « tout-marché », selon lequel il faut dérégler le marché du travail et se rapprocher du modèle anglo-saxon.
Finalement, le travail à temps partiel est devenu une variable d’ajustement de l’activité économique, un facteur de production comme un autre, une charge variable.
Il représente 17 % de l’emploi global et il frappe surtout les femmes. Il représente 31 % de l’emploi féminin contre 5 % de celui des hommes. En fait, la précarité professionnelle des femmes est six fois plus élevée que celles des hommes. Ainsi, elles accomplissent 85 % des emplois à temps partiel et 80 % des emplois à temps partiel imposé, ce cas de figure existant évidemment. Au total, le travail à temps partiel représente 1,2 million d’emplois.
Comme ces emplois sont mécaniquement moins bien rémunérés que les autres, on peut considérer que le travail à temps partiel est l’une des causes majeures des inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes.
Peut-on délibérément opter pour le travail à temps partiel ? Évidemment, on a évoqué la fonction publique dans laquelle il pourrait correspondre à un avantage, au demeurant obtenu de haute lutte. Mais deux problèmes de fond subsistent.
Le premier tient aux difficultés qu’éprouvent les femmes à concilier leurs orientations professionnelles avec le désir d’avoir des enfants, en raison du manque de crèches et d’accueil périscolaire. Je rappelle que plus de 50 % des enfants âgés de trois ans sont gardés par leur famille, à commencer, pour des raisons culturelles, par des femmes. N’oublions cependant pas le temps partiel imposé aux femmes par les entreprises de services, pour des raisons de flexibilité externe.
Je voudrais maintenant revenir sur une affirmation hallucinante entendue hier soir, selon laquelle si le travail à mi-temps a pour conséquence pour les femmes la perception d’une pension peu élevée, il faut prendre en compte la solidarité des enfants vis-à-vis de leurs parents âgés. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Thérèse Hermange. Bien sûr !
M. Jacques Muller. Une fois de plus, il s’agit là d’une affirmation complètement déconnectée de la réalité. Il suffit de regarder autour de nous : aujourd’hui, les familles modestes ont du mal à financer les études de leurs enfants et à prendre en charge la dépendance de leurs parents. Elles sont encore plus loin de pouvoir assumer la retraite de ces derniers ! Par conséquent, il n’est pas sérieux de le leur demander.
Mme Marie-Thérèse Hermange. C’est toute la différence entre vous et nous !
M. Jacques Muller. Le second problème de fond est plus grave encore : c’est la philosophie sous-jacente des promoteurs du projet de loi. Appeler à la solidarité intrafamiliale, c’est tout simplement abandonner le système collectif de retraite. Celui-ci est pourtant le fruit d’un consensus formé après la Seconde Guerre mondiale, visant à ce que chacun puisse décemment vivre la fin de sa vie.
Agir ainsi, c’est une injure à l’Histoire, ainsi, je le crois, qu’au pacte républicain et à la fraternité, qui ne peut être qu’une solidarité collective ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote sur l'article.
Mme Nicole Bonnefoy. La question de l’égalité entre les sexes ne peut pas être traitée seulement au détour de deux articles d’un projet de loi, en l’occurrence les articles 30 et 31.
En effet, cette question se pose dans chaque article de la réforme proposée, à commencer, bien sûr, par les articles 5 et 6, qui portent un réel coup à tous les travailleurs ayant connu des carrières longues, pénibles ou fractionnées, donc majoritairement aux femmes.
Deux maigres mesures proposées un matin ne peuvent apporter un changement de fond. Ce ne sont que deux gouttes d’eau dans l’injustice que la réforme fait aux femmes qui touchent actuellement une pension de retraite inférieure de 40 % à celle des hommes.
Je trouve également choquant que le Gouvernement puisse se targuer, dans les médias en particulier, de mettre en place des politiques prenant en compte les situations difficiles ou précaires et apportant des réponses aux femmes alors que, dans le même temps, il a fait voter, lors de l’examen de la loi de finances de 2009, la suppression de la demi-part fiscale pour les parents isolés, mesure qui concerne 3,6 millions de Français, dont une grande majorité de femmes.
Il est également choquant de le voir proposer la suppression de l’avantage fiscal consenti aux jeunes couples durant la première année qui suit leur union.
M. le ministre a rappelé à maintes reprises au cours des débats, tant au Sénat qu’à l'Assemblée nationale, que les femmes connaissaient non pas des « problèmes de retraite », mais seulement des « problèmes de carrière ».
Certes, leurs carrières sont plus fractionnées que celles des hommes ; elles comportent des périodes de chômage ou d'inactivité. Les femmes sont aussi dans une situation plus précaire – elles occupent 83 % des emplois à temps partiel – et moins bien rémunérées – elles touchent en moyenne un salaire inférieur de 27 % à celui des hommes. Je suis d'accord avec M. Woerth : mécaniquement, tout cela se répercute sur le calcul des retraites.
Mais cette situation est aussi et surtout le fruit d’une discrimination intolérable de tous les jours, qui se manifeste aussi à travers cette réforme des retraites.
En ne prenant pas suffisamment en compte les carrières à temps partiel, précaires, longues ou morcelées, le Gouvernement prolonge cette discrimination professionnelle jusqu’au moment de la retraite.
Ainsi, il occulte une part importante de femmes qui, pour s’occuper de leur foyer et de leurs enfants, ont couramment recours à des aménagements ou des suspensions temporaires de carrière. Pourtant, cette situation ne relève pas forcément d’une volonté de la mère de rester au foyer. Elle est bien souvent contrainte, et cela a été relevé à de multiples reprises.
Il ne suffit donc pas de proposer quelques avancées éparses pour régler ce problème de fond, qui, pour être traité, nécessite une véritable prise de conscience de la persistance des inégalités et des discriminations. Mais ce n’est pas ce que le Gouvernement fait avec la présente réforme !
Pour conclure, je tiens à répéter que les dispositifs de solidarité au sein des régimes de retraite ne compensent pas efficacement l’impact des enfants sur le calcul des pensions de retraite pour les femmes, comme l’a prétendu pourtant M. le ministre lors de la présentation du présent projet de loi. De telles affirmations sont archi-fausses !
Je vous appelle donc, mes chers collègues, à voter contre l’article 31, qui ne règle pas le fond du problème. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, jusqu’à présent, j’ai enregistré quatorze demandes d’explication de vote. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Fourcade. C’est ridicule : quatorze fois la même chose !
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.
Mme Claire-Lise Campion. La France vient d’être pointée du doigt par une étude du Forum économique mondial, qui la fait chuter de vingt-huit places. Elle passe ainsi du dix-huitième rang au quarante-sixième rang dans le classement de 2010 concernant l’égalité entre les hommes et les femmes, derrière le Lesotho. Cette chute ramène notre pays à son niveau de 2007.
Après s’être fortement réduit pendant quinze ans, l’écart des rémunérations entre les hommes et les femmes stagne. Rien ne permet donc aujourd’hui d’être optimiste quant à un revirement de situation dans les années à venir.
La France a pourtant beaucoup légiféré. Des accords ont même été conclus, mais ces prises de conscience et ces engagements n’ont jamais été contraignants : pas d’engagement chiffré, aucun engagement déterminé dans le temps, aucune proposition de sanction en cas de non-application.
Si le Gouvernement nous propose aujourd’hui de faire un pas en avant, il réalise également trois pas en arrière. En effet, si l’objectif de la réforme est, comme il le prétend, de garantir un niveau de retraite décent pour toutes et tous, celle-ci devrait comporter des mesures de grande ampleur relatives au marché du travail, afin d’agir durablement en faveur du développement de l’emploi, de lutter contre les contrats précaires, de faire en sorte que les congés parentaux soient partagés à égalité, de rehausser les salaires des femmes, encore victimes d’importantes inégalités à responsabilités égales, et de contraindre les entreprises à appliquer les lois sur l’égalité professionnelle.
Or il n’en est rien ! L’inégalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes continuera à peser encore longtemps.
Que nous propose le Gouvernement pour réduire cette inégalité ? La seule création d’une pénalité financière pour les entreprises qui ne signeraient pas un accord relatif à l’égalité professionnelle ou qui ne mettraient pas en œuvre un plan d’action en la matière. Nous avions d’ailleurs réclamé en vain une telle pénalité financière lors de l’examen de la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Quatre années se sont écoulées depuis …
Cette mesure doit, une fois encore, être relativisée. Le montant de la pénalité, contrairement à ce que certains pourraient croire, ne sera pas automatiquement de 1 % de la masse salariale. En effet, en cas d’absence d’accord ou de plan d’action, l’autorité administrative fixera le montant de la pénalité « en fonction des efforts constatés dans l’entreprise […] ainsi que des motifs de sa défaillance ».
Il est donc nécessaire de fixer et de publier une grille d’évaluation de ces efforts et de ces motifs à la fois pour préserver l’égalité entre les entreprises et pour que le texte ne risque pas de tomber rapidement en désuétude faute de référence.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que nous ne sommes pas dupes. Cette disposition ne saurait à elle seule constituer un dispositif suffisant, complet, de nature à garantir l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Celle-ci repose sur bien d’autres facteurs : la rénovation de la négociation collective ou des mesures relatives au temps partiel, par exemple.
La volonté politique doit être forte et suivie d’effets pour que nous puissions espérer une modification des comportements. Nous ne pouvons nous satisfaire de la multiplication des recours contentieux pour régler la question de l’égalité salariale.
Si je me réjouis de l’arrêt du 6 juillet 2010 de la Cour de cassation, qui a sanctionné des pratiques consistant à justifier des écarts de salaires en raison de fonctions différentes, mais qui étaient en réalité comparables, il nous revient à nous, législateur, de mettre un terme à ces pratiques.
À la lecture de l’article 31, l’engagement du Président de la République en 2007 d’assurer une égalité salariale totale entre les hommes et les femmes en 2010 risque malheureusement de demeurer lettre morte encore longtemps. Voilà pourquoi nous ne le voterons pas.
M. Claude Bérit-Débat. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote.
Mme Maryvonne Blondin. Les vraies mesures concernant la retraite des femmes se situent dans l’article 31, qui se veut le fer de lance de l’égalité professionnelle. Reste que, au vu de son contenu, nous pouvons nous interroger sur la réelle volonté du Gouvernement sur ce sujet.
Le Gouvernement nous répond par la mise en place d’une pénalité. Là encore, je lui fais part de mon scepticisme. D’aucuns dans cette enceinte lui ont opposé la loi SRU. Pour ma part, je citerai la pénalité frappant les entreprises et les collectivités ne respectant pas l’obligation d’employer 6 % de travailleurs handicapés : on sait que nombre d’entreprises préfèrent payer une pénalité que de réaliser de telles embauches.
Qu’est-ce que 1 % de pénalité, au maximum, pour les entreprises de plus de 50 salariés quand on sait que plus de la moitié des salariés travaillent dans des entreprises aux effectifs moindres ?
Qu’est-ce que 1 % de pénalité, au maximum, en cas d’absence d’accord sur l’égalité professionnelle quand on sait que la plupart de ces accords ne consisteront qu’en de belles déclarations de principe ou de simples rappels à la loi ? Vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le rapporteur, les accords d’entreprise seront des coquilles vides.
Qu’est-ce que 1 % de pénalité, au maximum, quand on connaît le caractère aléatoire de l’appréciation qui sera faite par l’autorité administrative chargée de fixer son montant réel ?
L’égalité professionnelle mériterait des mesures plus innovantes, plus contraignantes et, comme M. Woerth l’a évoqué, peut-être une nouvelle loi. Il a maintenant le dossier entre les mains.
Vous le savez, l’iniquité des pensions ne repose pas uniquement sur l’inégalité professionnelle. Elle trouve également sa source dans la condition de la femme dans notre société, dans l’ordre social établi, fondé avant tout sur le patriarcat.
Les femmes n’ont pas besoin d’être protégées. Elles doivent être traitées sur un pied d’égalité. Or, aujourd’hui encore, elles subissent largement les archétypes ancrés dans les mentalités : archétypes favorisant la carrière des hommes à qui il revient d’entretenir la famille, tandis que la femme n’apporte qu’un possible complément de salaire ; archétypes selon lesquels les femmes seraient moins productives en raison de leur maternité ainsi que de leur appartenance au sexe faible. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Gaudin. Ce n’est pas le cas au Sénat !
Mme Maryvonne Blondin. Outre les discriminations avérées, les femmes doivent encore affronter de nombreux obstacles pour obtenir une carrière complète : un taux de chômage supérieur à 11 %, contre 9,7 % pour les hommes ; des responsabilités familiales encore réparties de façon inéquitable ; une politique de la famille et de la petite enfance contraignant souvent à un retrait du marché du travail. Autant d’éléments qui se traduisent par des réductions de leurs droits à la retraite. Cette situation est profondément injuste !
Vous l’aurez compris, nous pensons que l’article 31 et le présent projet de loi ne sont pas à la hauteur des injustices subies par les femmes à la retraite.
Vous auriez pourtant pu tirer les bénéfices d’une vision avant-gardiste en préconisant, par exemple, une réelle déconnexion du temps travaillé et du temps cotisé, ou bien en lissant les effets de seuils des carrières incomplètes.
Vous auriez pu amorcer cette réforme des retraites à l’issue d’une politique de la famille, de la petite enfance et de l’emploi réellement favorable à la situation des femmes.
Vous auriez pu contribuer de cette façon à redonner à notre pays sa position de choix parmi les meilleurs élèves internationaux en matière d’équité entre les hommes et les femmes. À la place, il vous faudra faire face à un constat d’échec et de déception de millions de femmes.
Tout comme mes collègues du groupe socialiste, je ne voterai donc pas cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Gaudin. Quelle tristesse !
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.
M. Ronan Kerdraon. À l’instar de mes collègues du groupe socialiste qui se sont exprimés avant moi, je ne voterai pas l’article 31. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Ronan Kerdraon. Le débat que nous venons d’avoir sur l’égalité entre les hommes et les femmes ne m’a absolument pas convaincu, au-delà des bonnes intentions affichées – mais l’enfer est pavé de bonnes intentions –, de la pertinence de ce texte au regard d’une situation d’inégalité criante.
Je vais en rappeler quelques-unes.
Le montant des pensions de droit propre des femmes représente 48 % de celui des hommes, 62 % si l’on inclut les droits dérivés. Pour les générations qui partiront à la retraite entre 2025 et 2030, les pensions des femmes pourraient être encore inférieures de 30 % à celles des hommes.
Pourquoi de telles différences, alors que les taux d’activité féminins ont explosé depuis les années soixante-dix ?
Tout d’abord, les femmes connaissent, on l’a expliqué tout au long de ce débat, des interruptions de carrière, même si celles-ci sont de plus en plus courtes. Chaque année d’interruption se traduit par une baisse de 11 % du salaire.
Ensuite, l’augmentation du taux d’activité a surtout pris la forme d’un travail à temps partiel : 30 % des femmes travaillent ainsi.
Connaissant plus d’interruptions, les femmes doivent travailler plus longtemps avant d’accéder à une retraite à taux plein, ce qui explique le fait que nombre d’entre elles ne liquident aujourd’hui leurs droits qu’à 65 ans. Le recul à 67 ans de l’âge auquel on peut obtenir ce taux plein les frappera donc directement, elles qui sont déjà les plus concernées par la décote, le minimum contributif et le minimum vieillesse.
Par ailleurs, ces déséquilibres se traduisent aussi au sein de la famille où le partage des charges – tâches ménagères, éducation des enfants – reste très largement inégal.
Certes, du droit de vote aux premières lois sur l’égalité professionnelle, en passant par l’IVG, les droits des femmes ont évolué depuis la Seconde Guerre mondiale. Cependant, aujourd’hui, ils stagnent. L’égalité entre les hommes et les femmes aurait donc nécessité un nouvel élan. Les politiques publiques, sociales et familiales auraient pu y contribuer.
Au moment de la retraite, ces inégalités deviennent inéluctables pour les femmes. Celles-ci sont pénalisées par des écarts de pension comparables à ceux des salaires et par des conditions de vie plus précaires. Les retraitées vivant seules – veuves, divorcées ou célibataires – héritent encore plus durement de toute une vie d’inégalités, issues tant du travail que de la vie sociale.
Le présent projet de loi ne répond pas réellement à la volonté de lutter contre ces inégalités. Le Gouvernement se hâte trop lentement. Il aurait pourtant pu, au travers de l’article 31, proposer des mesures dynamiques réellement incitatives. Tel n’est pas le cas.
L’article 31 ne contient que des mesures tièdes, voire mièvres, pour ne pas heurter le MEDEF et Mme Parisot. Il traduit une conception de la femme – on l’a entendu hier à travers les propos de Mme Hermange ou de M. Longuet – quelque peu rétrograde !
M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux, pour explication de vote.
Mme Renée Nicoux. Les femmes sont les grandes perdantes de la présente réforme. Nous en avons tous rappelé longuement les raisons.
En 2008, leur pension de retraite s’élevait, en moyenne, à 825 euros par mois, soit un montant inférieur de 40 % à celle des hommes. Aujourd’hui, en ignorant certaines réalités socio-économiques, vous allez précariser encore plus les femmes, les seniors et l’ensemble des personnes ayant eu des carrières longues, difficiles et fractionnées.
L’article 31, tout comme l’article 30 et les deux amendements que le Gouvernement a fait voter lors de la première semaine des débats, n’est qu’un alibi qui lui permet, dans les médias, d’essayer de sauver un peu la face d’un gouvernement qui souffre actuellement.
Mais personne n’est dupe, à commencer par les Français. Le mouvement social s’étend, et de plus en plus de nos concitoyens manifestent leur opposition à cette réforme.
L’inégalité des hommes et des femmes devant la retraite est à la fois la conséquence d’inégalités professionnelles tout au long de leur carrière et d’une inégalité au moment de leur départ à la retraite lors du calcul de leur pension. Cette situation va s’aggraver avec la présente réforme. Il suffit pour s’en convaincre de lire les conclusions de la HALDE ou du COR.
L’article 31 vise à pénaliser les entreprises n’ayant signé aucun accord sur l’égalité professionnelle ou qui n’ont pas mis en place de plan d’action contre les écarts sociaux. C’est une démarche que nous ne pouvons que soutenir. Cependant, est-elle suffisante ? La pénalité financière de 1 % de la masse salariale au maximum sera-t-elle efficace et surtout suffisamment contraignante ?
Ne faudrait-il pas remonter beaucoup plus en amont pour traiter la question de l’inégalité entre les hommes et les femmes ? En effet, cette problématique ne relève pas seulement des entreprises. Elle est le fruit d’un conditionnement général des femmes, victimes directes ou indirectes de discriminations ; elles se retrouvent, bien souvent malgré elles, dans des situations personnelles et familiales qui les conduisent à mettre leur carrière professionnelle au second plan. La raison principale est l’arrivée d’un enfant.
Pour réduire ces inégalités, il est indispensable de commencer par mettre en place des politiques assurant la prise en charge des enfants, afin que les mères ne soient pas dans l’obligation de suspendre momentanément leur carrière ou de la poursuivre à temps partiel.
De plus, les femmes qui arrivent à mener leurs études et leur carrière comme elles le souhaitent constatent qu’à un niveau de qualification équivalent, elles sont payées 10 % à 15 % de moins que les hommes ; elles sont une minorité à occuper des postes à responsabilité. Là aussi, un problème doit être résolu.
En somme, mettre en place des mesures relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes ne peut se réduire aux deux seuls articles noyés dans une réforme qui, elle, aggrave profondément les inégalités entre les sexes.
C’est pourquoi nous ne voterons pas l’article 31. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur secrétaire d’État, mes chers collègues, l’esprit de la loi compte, certes, mais les paroles proférées par les personnes qui détiennent le pouvoir, notamment les membres du Gouvernement, comptent aussi. Je prendrai quelques exemples pour illustrer mon propos.
S'agissant des impôts, à chaque fois qu’un élu ou un ministre brandit comme un étendard l’engagement de ne pas les augmenter ou dès que l’on cherche, grâce aux niches fiscales, à en acquitter le moins possible, implicitement, on fait passer le message à nos concitoyens que, payer des impôts, c’est gâcher de l’argent ! On perd une occasion de leur indiquer que, au contraire, ceux-ci permettent de financer des enseignants, des infirmiers, des hôpitaux, des lycées, des universités, des routes, etc.
Quand on refuse de taxer correctement les entreprises ou les personnes les plus fortunées par crainte de délocalisation ou d’évasion fiscale, on perd une occasion d’encourager les personnes fortunées à adopter un comportement citoyen et à ne pas placer leur argent ailleurs qu’en France.
S’agissant des femmes, nous expliquons au Gouvernement depuis plus de deux heures que le présent texte est trop timoré, inutile, etc. Les uns et les autres développent leurs arguments à propos de ce que prévoit, ou ne prévoit pas, le projet de loi ; le ministre ou le secrétaire d’État répond point par point, sans entendre les critiques, mais en justifiant ce qu’il a mis ou omis dans le texte. Ce faisant, le message qu’il adresse aux employeurs est qu’ils peuvent dormir tranquilles et continuer à sous-payer les femmes : il ne va rien se passer !
M. Yves Daudigny. Exactement !
Mme Raymonde Le Texier. Nous aurions voulu que ce texte ne soit pas une mascarade ! Nous aurions voulu que le Gouvernement proclame haut et fort que les inégalités entre les hommes et les femmes – inégalités de traitement, de salaire – sont anachroniques et injustes, que notre pays doit cesser de se trouver en queue de peloton s’agissant de cette question ! Alors, les employeurs auraient commencé à se poser des questions… Malheureusement, rien de tel ne s’est produit.
Les membres du groupe socialiste vont voter contre l’article 31, pour qu’une poignée de parlementaires dise aux employeurs qu’il faut que cela cesse, que notre pays ne doit plus demeurer la lanterne rouge en matière d’inégalité entre les hommes et les femmes, inégalité non seulement injuste, mais aussi anachronique. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yves Daudigny. Très belle démonstration !
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà quarante ans, et nombre d’entre nous n’étaient pas nés (Exclamations amusées sur plusieurs travées.),…
M. Jean-Claude Gaudin. Les femmes ! (Sourires.)
M. Marc Daunis. Politiquement pas nés !
M. Claude Jeannerot. … Évelyne Sullerot, dans un ouvrage remarquable intitulé Le fait féminin, devenu un classique d’une étonnante modernité, dénonçait l’inégalité sociale et professionnelle entre les hommes et les femmes.
Elle situait l’origine de cette inégalité notamment dans l’image culturelle de la femme, à laquelle la société se référait pour maintenir celle-ci dans des emplois subalternes. Pour sortir de cette situation, elle préconisait un certain nombre de mesures parmi lesquelles l’exercice par les femmes des emplois traditionnellement masculins.
Depuis cette date, reconnaissons-le, comme en témoigne le classement de notre pays sur cette question, la situation, dénoncée avec force et pertinence par Évelyne Sullerot, ne s’est pas améliorée ; elle a même continué de se dégrader.
Il est vrai que l’article 31 du projet de loi peut sembler constituer une voie de progrès. Il prévoit notamment une obligation de moyens, mais son mérite s’arrête-là, car il ne garantit nullement que ceux-ci permettront d’avancer concrètement sur la voie de l’égalité. Les exceptions envisagées, les nuances introduites limiteront considérablement, pour ne pas dire complètement, les effets de cette disposition.
Sous les apparences d’une avancée, cet article n’est en réalité qu’un ersatz de progrès : du fait des exceptions qu’il comporte, il ne permettra pas d’obtenir les garanties escomptées.
Pis, comme l’ont souligné d’autres orateurs avant moi, on peut craindre, compte tenu de ces exceptions, de la timidité de cet article, qu’il ne soit perçu par les entreprises comme un faux-semblant, une invitation molle à avancer sur ce terrain, alors que nous aurions dû faire de la lutte contre les inégalités une priorité partagée par tous, quelles que soient nos sensibilités politiques.
L’égalité entre les hommes et les femmes est un progrès social attendu depuis très longtemps. Nous aurions pu mettre à profit ce texte sur les retraites pour opérer une avancée sur cette question. Ce rendez-vous est manqué et nous le regrettons. C’est pourquoi nous voterons contre l’article 31 ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. La Haute Assemblée a abordé l’examen de la partie de la présente réforme consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes – sujet d’importance s’il en est, M. le ministre l’a lui-même souligné – à trois heures ce matin, l’Assemblée nationale l’ayant examinée, quant à elle, à cinq heures du matin, étant précisé que cette partie ne comporte que trois articles.
Le Parlement en est donc réduit à constater que la considération réelle que le Gouvernement porte à cette question ne trouve pas de traduction à la hauteur, et que les bonnes intentions affichées sont contredites tant par la méthode que par la maigreur de ce texte, et restent purement déclaratoires.
L’article 31, dont nous achevons l’examen, prévoit d’infliger une pénalité financière d’un maximum de 1 % de la masse salariale aux entreprises de plus de 50 salariés qui n’auront pas signé un accord sur l’égalité professionnelle ou qui n’auront pas élaboré un plan d’action contre les écarts salariaux. Il prévoit également que les modalités de suivi seront fixées par décret.
Il est vrai qu’en l’absence de sanction, et de sanction suffisamment dissuasive, les entreprises font rarement preuve de spontanéité. La culture de négociation n’est pas celle du patronat français, qui pratique plus le sport de combat que la controverse éclairée. Il est vrai aussi que le mauvais exemple vient de haut !
Nous devrions donc nous féliciter que soient suivies les recommandations du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, du mois de juillet 2009 et l’avis du Conseil économique, social et environnemental du mois de février 2010.
Nous applaudirions des deux mains cet article 31 si, toutefois, plus de la moitié des salariés ne travaillaient pas dans des entreprises de moins de 50 salariés, dans des PME dépourvues de délégués du personnel et ne seront donc pas concernés, et si 80 % des femmes n’étaient pas, à 65 ans, depuis vingt ans sans travail et ne seront donc pas non plus concernées par cette mesure.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Yves Daudigny. Vous l’aurez compris, le périmètre d’application de l’article 31 sera fort restreint.
Nous applaudirions encore des deux mains si la mesure était d’application immédiate, mais son entrée en vigueur n’est prévue qu’à l’horizon de 2012.
Vous l’aurez compris aussi, la mesure n’est pas pour demain mais pour plus tard, et rien n’exclut qu’à l’orée de 2012 ce délai soit encore repoussé, de la même manière que le présent projet de loi prend simplement acte du non-respect de la date limite précédemment fixée au 31 décembre 2010 et l’efface.
Nous applaudirions des deux mains si la pénalité prévue était fixée à un niveau réellement dissuasif. Or le taux de 1 % de la masse salariale est un maximum et sera modulé « en fonction des efforts constatés dans l’entreprise […] ainsi que des motifs de sa défaillance ». Il est donc très vraisemblable qu’il sera le plus souvent moindre ou nul et que les entreprises, à partir de 50 salariés, préféreront provisionner ce risque plutôt que de se contraindre au respect des prescriptions légales.
Vous l’aurez encore compris, il est à craindre que ce qui n’était pas respecté hier ne le soit pas beaucoup plus demain : à l’heure actuelle, moins de 5 % des accords de branche abordent la question de l’égalité professionnelle et les rapports prennent la forme de coquilles vides et de déclarations de principes.
Nous applaudirions enfin des deux mains s’il était possible de dissocier cette mesure du contexte. Mais elle est malheureusement insuffisante et impuissante à modifier, à elle seule, l’ampleur des écarts de pension subsistants entre les hommes et les femmes. Elle le sera d’autant moins que les mesures d’âge contenues dans le projet de loi aggraveront mécaniquement la situation des quatre cinquièmes des femmes de 65 ans qui sont en moyenne, à cet âge, au chômage depuis vint ans et six mois et devront le rester deux ans de plus pour avoir droit à une retraite sans décote.
Nous ne cessons de vous alerter sur la précarisation de l’emploi féminin, la montée du travail à temps partiel et celle du chômage, qui annihilent les effets de la progression du taux d’activité des femmes sur le montant de leur pension. L’écart, de 40 % par rapport à celles des hommes, reste deux fois plus important que celui qui existe entre les salaires. Ainsi, 62 % des allocataires du minimum vieillesse sont des femmes. Nous ne cessons de vous poser la question : à quoi sert d’imposer deux années supplémentaires de travail quand il n’y a pas de travail ?
C’est en effet la donnée la plus inquiétante de toutes que celle de la stagnation des écarts actuels entre les hommes et les femmes, pour laquelle le Conseil d’orientation des retraites n’envisage pas d’amélioration à un horizon prévisible.
Outre la portée très limitée que je viens de mettre en évidence, l’effectivité de la disposition dépendra au surplus des mesures de suivi, que l’article 31 renvoie à la compétence réglementaire et dont on ignore le contenu.
En résumé, cet article constitue une petite avancée potentielle en contrepartie d’un grand recul immédiat ! Nous voterons contre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote.
Mme Gisèle Printz. Pour remédier aux inégalités et à la situation préoccupante des femmes, le Gouvernement prend en compte, dans le calcul de la pension de retraite, des indemnités journalières perçues lors du congé de maternité. Autant le dire tout de suite, cette mesure est pour le moins inefficace et insuffisante, car portant sur seize semaines par rapport à quarante ans de vie active, elle ne permet pas de corriger les inégalités accumulées tout au long de la carrière professionnelle.
De plus, cette mesure ne bénéficiera qu’aux femmes aujourd’hui âgées de 25 à 35 ans. Ses effets ne se feront donc sentir qu’à très long terme. N’oublions pas que, dans l’immédiat, le relèvement de l’âge auquel on peut percevoir une retraite sans décote de 65 à 67 ans conduira à la dégradation de la situation d’un grand nombre de femmes. Quelques « mesurettes » n’y changeront rien !
En réalité, si nous voulons que les femmes puissent mener une vie professionnelle à égalité avec les hommes, il faut évidemment mettre en œuvre une politique de prise en charge des enfants de nature à permettre la conciliation effective de la vie familiale et de la vie professionnelle.
À défaut, tout ce que l’on pourra dire sur la capacité à mener de front vie familiale et vie professionnelle sera inutile.
Il serait grand temps que le Gouvernement se préoccupe de façon sérieuse de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce problème doit être traité dans le cadre non pas de l’assistanat, mais du droit. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avant 1945, les femmes n’avaient pas le droit de vote. Jusqu’en 1951, elles n’avaient pas le droit d’avoir un compte bancaire. Des quantités de métiers, de diplômes et de professions leur étaient interdits. Fort heureusement, beaucoup de choses ont évolué depuis, grâce aux femmes, qui se sont battues pour cela.
Aujourd'hui cependant, – j’en reviens à notre sujet – les femmes sont discriminées en termes de salaires, de carrières et de qualifications. En outre, les tâches ménagères et les obligations familiales sont assurées à 90 % par les femmes.
Nous n’allons évidemment pas demander à M. Woerth, ministre du travail, de régler tous ces problèmes. Les femmes vont continuer de se battre pour l’égalité des salaires, pour le partage des tâches et pour l’égalité en politique. À cet égard, je rappelle que, en politique, les pénalités financières n’ont pas abouti à grand-chose. Seule la proportionnelle, là où elle est appliquée, a permis de parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes. Or vous vous apprêtez à la supprimer là où elle existe ! On le voit, on peut difficilement compter sur vous pour parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes.
J’en reviens à la reforme des retraites. Celle-ci va poser un problème très lourd : elle va en effet accroître les très fortes discriminations qui existent déjà, compte tenu notamment de l’inégalité salariale et du fait que ce sont les femmes, plutôt que les hommes, qui s’arrêtent pour s’occuper des enfants – certaines en tout cas et pour un certain temps. Les femmes connaissent très souvent le temps partiel subi. Quand elles choisissent de travailler à temps partiel – comme l’a fait remarquer M. Longuet, qui n’est plus là (Protestations sur les travées de l’UMP.), ce qui est dommage –, c’est souvent une décision familiale, prise avec le conjoint. Elles font ce choix parce que leur conjoint gagne plus qu’elles, parce qu’il est logique que la femme reste à la maison, plutôt que l’homme.
Or il arrive très souvent que vingt ou vingt-cinq ans plus tard les femmes se retrouvent seules et subissent seules les conséquences du temps partiel. Concrètement, elles sont pénalisées en termes de retraite, et non leurs conjoints.
Ce problème, qui existe déjà avec la retraite à 60 ans, va subsister et être aggravé demain avec le report à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite et à 67 ans de l’âge permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein sans décote.
M. Woerth et vous-même, monsieur le secrétaire d’État, avez réussi avec cet article un tour de force, un véritable tour de prestidigitation.
M. Robert del Picchia. Oh là là !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez orienté le débat sur l’égalité salariale, ce qui est en effet une question massue. Personne ici ne dira le contraire ! Vous arguez que l’égalité salariale est pour bientôt, grâce à l’instauration de la pénalité de 1 % à laquelle seront soumis les employeurs.
Pour ma part, je vous renvoie aux partis politiques. Vous verrez comme il est facile de parvenir à l’égalité salariale en instaurant une pénalité de 1 % ! Je vous renvoie également à la loi SRU. Toutes ces choses, vous les connaissez aussi bien que moi.
Par ce biais, nous avons beaucoup discuté de l’égalité des salaires, question qui mériterait d’ailleurs, selon M. le ministre, un débat à elle seule. En revanche, on a baissé d’un cran concernant les inégalités en termes de retraites. Or cette question se pose concrètement aujourd'hui dans le projet de réforme des retraites.
Jusqu’à présent, qu’avez-vous fait pour apporter un petit plus aux femmes…
Mme Bariza Khiari et M. Guy Fischer. Rien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … qui connaissent de fortes discriminations en termes de retraite, ce qui sera encore davantage le cas avec votre réforme, monsieur le secrétaire d’État ?
Vous avez accordé aux mères de trois enfants et plus, à condition qu’elles soient nées entre 1951 et 1955, une petite faveur.
M. Jean-Claude Gaudin. Une petite faveur ? Elle coûtera 3,5 milliards d’euros ! C’est honteux de dire cela !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà ce que vous avez fait. Point barre ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Certes, des mesures en faveur de l’égalité salariale sont nécessaires, mais, s’il vous plaît, ne tentez pas une fois de plus de faire passer des vessies pour des lanternes !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Gaudin. Ce n’est pas grave !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. M. le rapporteur, qui est toujours, ou en tout cas souvent, bien inspiré dans son rapport écrit, a dit que ce texte ne se prêtait pas à une réforme d’ensemble sur l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Or je pense au contraire qu’il est l’occasion pour nous de revenir sur ce problème, même si le texte, je le rappelle, traite fondamentalement des retraites.
À cet égard, il est dommage que les explications de vote des sénateurs de gauche n’intéressent pas le ministre chargé du droit des femmes et que les travées de la majorité soient soudainement dégarnies ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Fourcade. La répétition nous lasse !
Mme Nicole Bricq. Je le dis à ceux qui restent afin qu’ils le répètent à ceux qui sont partis à la buvette ou qui vaquent à leurs occupations. (Protestations sur les mêmes travées.) Leur absence montre tout de même que ce problème n’est vraiment pas au cœur de leurs préoccupations.
Cette explication de vote sera pour moi l’occasion de rappeler trois facteurs cumulatifs que l’on trouve dans la vie active des femmes et que l’on retrouve évidemment dans le calcul de leur retraite.
Le premier facteur – M. le ministre en a parlé tout à l’heure – est le rattrapage en termes de salaires dans la vie active. Certes, il y a un rattrapage et on pourrait être optimiste et considérer qu’il ira jusqu’à son terme. Mais, comme le montrent les statistiques de l’INED, qui a réalisé un travail important sur cette question, notamment en prévision de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites, on constate une stagnation depuis environ une dizaine d’années. Il n’y a désormais plus de rattrapage, comme ce fut le cas à partir des années cinquante.
À cela s’ajoute le deuxième facteur cumulatif, qui a souvent été évoqué ici, à savoir le travail à temps partiel, lequel, monsieur Longuet, vous devez le savoir, est rarement choisi. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Patrick Courtois. Il est là !
M. Gérard Cornu. Mais Mme Borvo Cohen-Seat n’est pas là !
Mme Nicole Bricq. J’ai vu que M. Longuet était revenu, c’est pour cela que je lui en parle ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
À partir de la génération née en 1955, la progression du temps complet chez les femmes s’est arrêtée depuis les années quatre-vingt-dix, précisément celle que vous avez refusé de prendre en compte, monsieur le secrétaire d’État, dans la mini-mesure à laquelle a fait référence Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
M. Jean-Patrick Courtois. Elle n’est pas là !
Mme Nicole Bricq. Le troisième facteur est sociétal. Vous ne pouvez ignorer que le nombre de divorces et de familles monoparentales est en augmentation. Dans ces familles, le chef de famille est souvent la mère, une femme seule avec enfants.
Cumulés, ces trois facteurs vont poser des problèmes pour les femmes dans les années à venir, problèmes que vous ne réglez absolument pas.
Mme Gisèle Printz. Voilà !
Mme Nicole Bricq. Bien au contraire, vous les aggravez. Comme cela a été dit, je n’y reviens pas.
La semaine prochaine, nous examinerons la proposition de loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance. Le 29 avril dernier, Mme Morano, qui siégeait au banc des ministres lors de l’examen de la proposition de loi du groupe socialiste, a déclaré : « en période de crise, d’incertitude économique et sociale, il existe toujours un risque : celui de voir les femmes devenir une variable d’ajustement économique ». C’est exactement ce qui va se passer !
Vous glissez sous le tapis les problèmes que vous ne voulez pas aborder, alors qu’ils pourraient faire l’objet d’une réforme systémique. Vous refusez de les régler. Dès lors, vous transmettez aux générations futures le problème immense de la retraite des femmes. Et cela, c’est une faute politique !
Vous pouvez toujours dire : « On verra ! », mais nous ne sommes pas ici pour élaborer le programme du candidat UMP à l’élection présidentielle de 2012. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Nous sommes là pour agir. C’est notre responsabilité de politiques. Et c’est d’abord la vôtre, parce que c’est vous qui êtes aux commandes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin et M. Guy Fischer applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Selon M. Woerth, l’égalité entre les hommes et les femmes progresse. Il n’y a que lui pour oser dire cela dans un débat parlementaire ! C’est un tel déni de la réalité, une telle négation de tous les exemples qui ont été donnés par les uns et par les autres que l’on peut se demander à quoi il sert de débattre. Les seules réponses qui nous sont faites, comme dans un monologue, sont les suivantes : la première, c’est qu’il n’y a pas d’autre réforme possible ; la seconde, c’est que cette réforme ne peut être que bonne puisque c’est le Gouvernement qui la présente.
À l’instar de notre collègue Raymonde Le Texier, je dirai que, dans ces conditions, ce qui a si mal fonctionné dans le domaine de l’égalité entre les hommes et les femmes ne peut que perdurer.
Sommes-nous là confrontés à un problème nouveau, dont nous découvririons l’existence et sur lequel nous rechercherions des éléments ? J’ai pourtant l’impression, depuis ma naissance – il y a quelques années ! (Sourires.) – de baigner dans ce problème individuellement. Or, collectivement, face aux progrès constatés, on ne peut qu’être déçus.
Je me souviens Du côté des petites filles, du complexe de Jocaste, de Féminisme et anthropologie, de réflexions de fond pour essayer de comprendre l’incompréhensible, à savoir une telle inégalité entre les femmes et les hommes, pour essayer d’en démonter les mécanismes. Nous disposons depuis longtemps de nombreuses études sur ce sujet.
Pourquoi devrions-nous une nouvelle fois rater l’occasion, à travers cet article, d’œuvrer en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes dans le monde du travail ?
Certes, cette avancée serait des plus modestes, mais elle aurait tout de même son importance, car les décisions qui seront prises aujourd'hui, par exemple le maintien des inégalités, auront des répercussions pendant vingt ou trente ans.
Les exemples que notre collègue Nicole Bricq a évoqués traduisent des injustices criantes, notamment sur la question des pensions de réversion. Et nous avons tous en tête des cas de femmes qui se trouvent dans des situations extrêmement difficiles.
Tout à l’heure, Mme Borvo Cohen-Seat déclarait faire confiance aux femmes pour se libérer et permettre à l’égalité de progresser. Mais je crois qu’il nous appartient à tous d’œuvrer collectivement en ce sens. D’ailleurs, cela correspond à la devise de la République : « Liberté, égalité, fraternité ».
Pouvons-nous accepter ainsi, par petits renoncements successifs, par une sorte d’adaptation à l’intolérable, le maintien dans notre République d’inégalités aussi flagrantes dont est victime plus de la moitié de la population ?
Ce n’est pas, hélas ! en examinant un simple article d’un projet de loi que nous réglerons le problème. Mais nous aurions tout de même pu profiter de l’occasion – et je regrette que cela ne soit pas le cas, mes chers collègues – pour adresser un message, même modeste, à ceux qui manifestent. Jeunes ou moins jeunes, tous ont en commun de penser que ces injustices ne sont plus tolérables, et ils ne les accepteront pas aussi longtemps que nous-mêmes avons pu le faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.
M. Jacky Le Menn. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà plus de deux heures que nous débattons sur l’article 31 et, à entendre certains, j’ai un peu l’impression que nous vivons dans un « monde enchanté », à mi-chemin entre jardin d’Éden et contes de Charles Perrault ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.) Voilà une société imaginaire dans laquelle tous les patrons seraient bons,…
M. Gérard Longuet. La plupart le sont !
M. Jacky Le Menn. … et, bien entendu, s’apprêteraient spontanément à combler les écarts salariaux entre les hommes et les femmes, même si cela ne leur était jamais venu à l’idée auparavant ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) S’ils ne l’ont jamais fait jusqu’à présent, c’est parce qu’ils n’y pensaient pas, et pas du tout par mauvaise volonté, évidemment… (Même mouvement.)
Hier soir, tard dans la nuit – il était peut-être trois heures –, j’ai entendu notre collègue Gérard Longuet, qui est d’ordinaire quelqu’un de très avisé, faire référence à une étude de l’INED, dont je ne doute pas d’ailleurs de la valeur heuristique, pour affirmer que les femmes choisissaient majoritairement de travailler à temps partiel.
M. Gérard Longuet. Oui ! La majorité d’entre elles !
M. Jacky Le Menn. Puis, nous dit-on, ce seront leurs enfants qui s’occuperont d’elles lorsqu’elles seront âgées… Ce n’est pas beau, tout cela ? C’est merveilleux ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Nous sommes en plein « illusionnisme social », au sens où Bourdieu l’entendait ! Regardons autour de nous ; il y aurait tout de même beaucoup à dire, notamment en matière de vie domestique. En l’occurrence, c’est un rapport de un à cent : les courses, le ménage, la vaisselle, les enfants, les devoirs…
M. Gérard Longuet. Le bricolage !
M. Jacky Le Menn. Tout cela n’existe pas, bien évidemment…
Que se passe-t-il dans la réalité, mes chers collègues ? Ne soyons pas hypocrites, surtout sur un sujet aussi important ! Puisque nous discutons des retraites, demandons-nous pourquoi les femmes ont des carrières en dents de scie qui vont les pénaliser.
Et on aggrave le problème en portant l’âge de départ en retraite à taux plein de 65 ans à 67 ans ! Celles qui n’auront pas pu faire carrière, qui n’auront pas pu cotiser, n’auront pas droit à une retraite à taux plein. Pourtant, nous savons tous qu’elles font deux, voire trois journées en une seule ! (Mme Béatrice Descamps s’exclame.)
M. Jean-Claude Gaudin. Même Mme Parisot !
M. Jacky Le Menn. Lors de l’examen d’autres amendements, j’ai eu l’occasion de vous inviter à regarder qui travaille dans nos propres locaux le matin à cinq ou six heures. Ce sont souvent des femmes, qui viennent astiquer pour que tout soit correct…
Et on constate la même chose quand on prend le métro. Évidemment, il est moins évident de connaître la situation que je décris quand on se fait conduire au Sénat par un chauffeur…
M. Jean-Claude Gaudin. Cela vous arrivera !
M. Jacky Le Menn. Le matin, dans le métro, on croise des femmes qui, après avoir fait deux ou trois heures de boulot, s’en retournent dans des conditions difficiles pour prendre un autre travail. Surtout, pour elles, c’est un véritable parcours du combattant pour placer leur enfant, trouver une nourrice, parce qu’il n’est pas possible, par exemple, d’aller voir la voisine, qui est malade… C’est cela, la réalité ! Et le nombre d’heures est cumulatif, contrairement aux salaires et pensions, qui, eux, sont plutôt régressifs !
Monsieur le secrétaire d’État, profitons de l’examen de cet article pour frapper un grand coup de poing sur la table ! (Plusieurs sénateurs de l’UMP frappent ironiquement sur leur pupitre.) Mais allez-y, mes chers collègues ! Vous avez encore beaucoup de chemin à faire ! Et nous aussi d’ailleurs, en tant qu’hommes…
Toujours est-il qu’il est vain de croire à des évolutions spontanées s’il n’y a pas une législation et une réglementation pour fixer des limites et réprimer sévèrement ceux qui les franchissent !
On nous propose de commencer par un taux de 1 % ? Soit, mais il faut des pénalités fortes !
Certaines de nos compagnes n’ont plus de cellule familiale, mais ont toujours la charge des enfants. Songeons à ces milliers de femmes dans les familles monoparentales qui ne pourront pas avoir de carrière ! Ouvrons les yeux sur le monde autour de nous et essayons tous ensemble, quelles que soient nos sensibilités politiques, de faire un texte qui soit digne ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. François Fortassin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.
M. Yannick Bodin. J’aurais souhaité m’adresser aux ministres.
M. Jean-Claude Gaudin. Arrêtez ! Il y en a un en séance !
M. Yannick Bodin. Faut-il voir un sens caché à l’absence de M. Woerth ? (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Yannick Bodin. Dans ce cas, disons qu’il s’agit pour le moins d’une maladresse. Nous discutons d’une question très importante pour la vie en société, l’égalité entre les femmes et les hommes, et c’est ce moment-là que M. le ministre a choisi pour s’absenter ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. C’est mesquin !
M. Gérard Cornu. Lamentable !
Un sénateur de l’UMP. Il a été là toute la nuit !
M. Yannick Bodin. En réalité, cette absence a un sens ! (Même mouvement.)
M. le président. Veuillez ne pas faire de provocation, monsieur Bodin !
M. Gérard Cornu. Surtout que c’est lamentable !
M. Yannick Bodin. Si la droite était capable de parler sérieusement de l’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes, ça se saurait ! Car ce n’est pas de ce côté-là de la Haute Assemblée que sont venues les avancées dans l’histoire de la République !
M. Gérard Longuet. Vous plaisantez ?
M. Yannick Bodin. Certes, vous allez me rétorquer que l’article 31 crée la possibilité d’infliger des pénalités. Mais, et cela a déjà été souligné, nous savons parfaitement ce qu’il en est avec les pénalités…
Par exemple, on a institué des pénalités pour faire respecter la parité en matière électorale, favoriser l’embauche des personnes handicapées ou garantir l’application de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU »…
En d’autres termes, si vous créez des pénalités dans cet article, c’est pour permettre à ceux qui veulent se débiner de le faire discrètement et à faible coût !
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. Yannick Bodin. Car de quoi s’agit-il ? Nous parlons surtout des femmes qui travaillent à temps partiel et qui ont des emplois précaires !
J’ai entendu le discours de M. Longuet sur le « temps choisi ».
M. Gérard Longuet. Vous ne l’avez pas entendu, vous n’étiez pas là !
M. Jean-Claude Gaudin. Il était en train de dormir !
M. Yannick Bodin. Je sais très bien ce que vous avez dit, monsieur Longuet !
C’est vrai qu’il y a des femmes qui peuvent, et c’est tant mieux pour elles, choisir leur temps et décider de leurs heures de shopping, de gymnastique, de piscine ou d’équitation !
Mme Colette Giudicelli. Caricature !
M. Yannick Bodin. Mais ce n’est pas de ces femmes-là que nous parlons !
Allez à la sortie des hypermarchés ! Interrogez les caissières, qui travaillent en temps décalé, pour leur demander comment elles font dans la journée, notamment pour s’occuper de leurs enfants ! Demandez aux femmes qui travaillent en milieu hospitalier ! (M. Nicolas About s’exclame.) Vous croyez que ce sont elles qui font les tableaux de service et qui choisissent le moment où elles seront présentes ? Pensez-vous qu’on se préoccupe de la garde de leurs enfants ?
Vous allez-même jusqu’à tenir des discours pour qu’on refuse de plus en plus des enfants de moins de trois ans dans les maternelles. Et vous prétendez aider les femmes ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudit également. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Non, véritablement, nous savons très bien que le « temps choisi » n’existe pas ! C’est toujours du temps subi !
Et vous savez ce que c’est, les petits chefs ? Parce que cela existe, les petits chefs ! Et quand on ne les écoute pas, on risque de ne pas avoir les congés payés à la date que l’on voudrait, voire d’être mis à la porte !
M. Gérard Longuet. C’est comme ça chez les socialistes !
M. Yannick Bodin. La voilà la véritable situation de toutes ces femmes qui ont des emplois précaires, avec des horaires décalés, et qui sont victimes du temps subi !
Franchement, on ne peut pas voter pour votre article 31 ! Une pénalité de 1 %, c’est quoi ? C’est « pschitt » ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Je m’adresserai à M. le secrétaire d'État, puisque M. Woerth est parti, probablement pour préparer le repas ! (Vives protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je vous prie de ne pas faire de commentaires à caractère personnel !
M. Jean-Claude Gaudin. D’autant que c’est nul !
M. Nicolas About. C’est honteux !
M. Philippe Richert. C’est du n’importe quoi !
M. François-Noël Buffet. Il n’a pas d’éducation !
M. Jacques Muller. Les femmes salariées sont particulièrement précarisées : inégalités de salaire à travail égal, bas salaires en raison de postes sous-qualifiés, emplois du temps précaires…
Elles connaissent des interruptions de carrière pour des raisons familiales ou culturelles – je n’y reviens pas – et à cause de la précarité de leur poste, souvent sur des contrats à durée déterminée ou de l’intérim.
En allongeant l’âge de liquidation de la retraite à 62 ans et la liquidation sans décote à 67 ans, le projet de loi en fait mécaniquement les premières victimes. Et c’est surtout vrai pour les salariées les moins qualifiées.
Les dispositions de cet article 31 n’y changeront rien. Ce sont des « mesurettes ». En témoignent les contraintes minimalistes qui sont imposées aux entreprises ; ce sont des contraintes que je qualifierais tout simplement de « symboliques ». Autrement dit, cet article 31 est un alibi médiatique.
Il existe une inégalité structurelle entre les hommes et les femmes, et j’estime qu’elle est peu digne d’une société développée. Et le classement de la France par rapport à d’autres pays ne nous fait guère honneur.
Cette inégalité structurelle va être encore accrue avec ce projet de loi, et l’article 31 n’y changera rien ! C’est pourquoi je voterai contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, pour explication de vote.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je crois que tout a été dit. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Cornu. Alors ce n’est pas la peine de parler !
M. René-Pierre Signé. Mes amis du groupe socialiste ont parfaitement dénoncé cet article 31.
J’ai un peu honte lorsque j’entends que notre pays se place au quarante-sixième rang du classement mondial pour l’égalité entre les hommes et les femmes. C’est consternant, surtout dans un pays qui chante avec Aragon : « La femme est l’avenir de l’homme » ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
L’homme s’inquiète peu de son avenir ! Nous pourrions évidemment développer de nouveau la question des retraites et des traitements. Mais je tiens à insister sur le fait que la situation des femmes est héritée de l’histoire. En effet, il existait jadis des sociétés primitives, peut-être plus évoluées qu’on ne le pense, régies par le matriarcat.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. C’est exact !
M. René-Pierre Signé. Les femmes commandaient alors. Mais la chasse a donné à l’homme sa place actuelle. En effet, aussi longtemps que la cueillette a dominé, la femme était l’égal de l’homme. Mais dès lors que la chasse s’est imposée, les femmes, pour des raisons tenant à leur force physique moindre, ont été confinées à des tâches prétendument subalternes. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) C’en était alors fini de l’égalité !
L’évolution de la place des femmes dans la société est extrêmement lente. Nous connaissons tous l’histoire de ces jeunes filles du XIXe, promises à des hommes dont elles ignoraient jusqu’aux détails physiques, qui se voyaient durement rembarrées lorsqu’elles osaient poser la moindre question sur leur futur époux. C’est ainsi que cela se passait. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Quand Mme Borvo rappelle que le droit de vote n’a été octroyé qu’en 1945-1946…
M. Gérard Longuet. Par le général de Gaulle !
Mme Nicole Bricq. Il doit se retourner dans sa tombe !
M. René-Pierre Signé. Non, par le Conseil national de la Résistance ! (Il a raison ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Je rappelle également que les premières femmes ministres ont été nommées par Léon Blum (Oui ! et applaudissements sur les mêmes travées. – Mme Marie-France Beaufils applaudit également.), avant même que les femmes n’aient le droit de vote !
M. Gérard Longuet. Il était plus facile de les faire entrer au Gouvernement que de leur donner accès aux urnes !
M. René-Pierre Signé. La loi a présidé à ces évolutions. Je pourrais développer de nouveau le sujet de la parité en politique. Nous avons en effet des progrès à faire dans ce domaine. Je pourrais également insister sur l’égalité salariale, le temps partiel, qui, malheureusement, échoit le plus souvent aux femmes, le taux de chômage supérieur des femmes, ou encore le temps de travail interrompu, dont pâtissent les caissières évoquées par Yannick Bodin, ou encore les femmes de ménage.
Certaines d’entre elles travaillent le matin dès six heures, finissent à huit heures pour reprendre leur activité le soir, et sont toujours absentes de leur domicile au déjeuner. Et on s’étonne que les enfants soient dans la rue, livrés à eux-mêmes ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. René-Pierre Signé. Mais il est un fait plus choquant encore : les femmes qui interrompent leur activité du fait de leur grossesse élèvent des enfants qui, demain, financeront la retraite de ceux qui ont bénéficié des carrières les plus faciles !
Mme Nicole Bricq. Tout à fait !
M. René-Pierre Signé. Ces femmes qui, mal traitées, déconsidérées, endurent beaucoup, sont des victimes. Roland Courteau a d’ailleurs beaucoup travaillé sur le sujet des femmes battues. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Vous pouvez bien vous exclamer, cela découle de la même démarche éthique ! La femme est considérée comme subalterne, soit sur le plan physique, soit sur celui des rémunérations ! C’est pourquoi nous n’acceptons pas cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Presque tout a été dit (Exclamations sur les travées de l’UMP. – M. François-Noël Buffet applaudit.), presque.
M. Marc Daunis. Et l’essentiel va l’être !
M. Roland Courteau. Cher René-Pierre Signé, la question se pose encore et vous avez bien fait d’y revenir : la femme est-elle encore l’avenir de l’homme ?
J’ai rappelé tout à l’heure que la France, sur le problème des inégalités qui frappent les femmes, avait dégringolé de 28 places dans le classement établi par une étude du Forum économique mondial. Cette situation est accablante. J’ai également rappelé que la France occupait l’un des pires niveaux en termes de ressenti d’égalité de salaires à travail égal : la 127e place sur 134. C’est plus accablant encore ! La France, quasiment lanterne rouge ! Incroyable ! Inacceptable ! Intolérable !
Or, ce que vous proposez avec cet article 31 n’est pas à la hauteur de nos attentes et de nos espoirs. Votre texte n’est pas pertinent au regard de la situation que nous connaissons, comme je viens de le démontrer. Votre texte manque de force, de vivacité et d’allant. Il est empreint, si j’ose dire, de mollesse, car les pénalités prévues seront très nettement insuffisantes.
Surtout, cet article 31 est noyé dans un projet de loi particulièrement défavorable au plus grand nombre et principalement aux femmes.
De façon générale, nous avons ici un texte de régression sociale. Et vous voudriez nous faire croire que cet article 31 fera oublier ce coup de frein, ce recul dans la longue marche de l’humanité engagée depuis des décennies ?
Permettez-moi cette courte parenthèse. Je l’ai dit il y a une semaine ici même, nous allons vers une société où le temps libre, le temps libéré, le temps conquis sur le temps de travail, sera de plus en plus important. Oh, je sais bien que vous ferez en sorte, vous, la majorité sénatoriale, de freiner cette évolution dans le but d’en ralentir les progrès. Mais sachez une chose : vous ne pourrez jamais l’arrêter ! (Très bien ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Les femmes sont les grandes perdantes de votre réforme. Et ce n’est pas cet article 31, particulièrement timoré, qui y changera quoi que ce soit. « Mascarade », a dit Raymonde Le Texier ! Elle a cent fois raison. Car en dépit de vos discours et de vos incantations, rien ne changera, en réalité, pour les femmes. Votre article 31 n’a que l’apparence d’une avancée sociale ! Un rendez-vous manqué, vous a-t-on déjà dit. Un rendez-vous manqué de plus, ajouterai-je, et un véritable gâchis. Vous ne serez pas étonnés que nous votions contre cet article 31. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. La teneur du débat qui nous préoccupe depuis maintenant quelques minutes (M. François Trucy s’esclaffe.)…
M. Patrice Gélard. Des heures plutôt !
M. Jean-Jacques Mirassou. … n’est pas sans rappeler la nature du précédent débat sur la pénibilité : au-delà de l’effet d’annonce induit par l’en-tête de votre article, vous passiez très rapidement de la pénibilité à un registre beaucoup plus réducteur, qui avait trait à l’incapacité permanente.
Vous appliquez ici la même stratégie. En dépit d’un titre ronflant, « mesures relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes », vous adoptez une logique réductrice qui conduit ce dispositif à bien peu de chose. Faut-il rappeler, comme vient de le faire avec éloquence Roland Courteau, que la France est passée de la 18e à la 46e place en matière d’égalité des sexes ? Ce débat est d’une extrême importance. C’est parce qu’il est de nature sociétale qu’il mobilise tant d’énergie !
Les discriminations subies par les femmes, que mes collègues ont évoquées, doivent être mises en regard du sort de leurs grand-mères et arrière-grand-mères, qui, à l’occasion du conflit de 1914-1918, ont été amenées à prendre la destinée de ce pays en main, dans le domaine industriel, éducatif et intellectuel. L’égalité était alors en quelque sorte inversée. (Mme Gisèle Printz opine.)
Les mêmes qui, à l’époque, ne s’en sont pas offusqués, bien au contraire, sont aujourd’hui ceux qui traînent des pieds pour faire véritablement franchir un palier à notre société. L’examen et l’adoption d’une telle loi nous donnaient pourtant l’opportunité de le faire !
M. Roland Courteau. Oui !
M. Jean-Jacques Mirassou. Mais vous vous y refusez, sous prétexte que les entreprises en seront incapables. Vous prescrivez la lenteur à celles qui seraient en mesure de le faire rapidement. Quant aux entreprises de moins de 50 salariés, n’en parlons pas ! Toutes les mesures que vous préconisez ne seront ni incitatives ni contraignantes ! Pour employer une métaphore empruntée au rugby, vous « faites les bordures ». (M. Yannick Bodin s’esclaffe.) Vous vous refusez à entrer dans le dur.
Mme Nicole Bricq. Vous êtes petits bras !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est là votre stratégie depuis quinze jours, et cela ne nous surprend donc plus. Mais cet article-là, parce qu’il fondamental et revêt une portée sociétale, marque les limites de la duperie dénoncée par un certain nombre de nos collègues et par nous-mêmes. En votant cet article en l’état, vous marquerez votre attachement à ce qu’il est convenu d’appeler l’ordre établi. Nous, nous sommes dans un autre camp et nous ne voterons pas cet article. Nous donnerons encore et toujours les moyens de faire avancer notre société dans le bon sens ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Guy Fischer et Gérard Le Cam applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Gaudin. Ah ! Un peu d’humour !
M. François Fortassin. Nous devisons actuellement d’un sujet très sérieux, mais dans une certaine turbulence ! Au même moment, une grande partie de la France est dans la rue.
Mme Annie David. Une très grande partie, même !
M. Jean-Jacques Mirassou. Et voilà !
M. François Fortassin. La présence de très nombreux jeunes dans la rue exprime avant tout un mécontentement profond et, à l’évidence, le sentiment d’une réforme parfaitement injuste…
M. Jean-Claude Gaudin. Qu’est ce qu’ils en savent ?
M. François Fortassin. … qui, loin de gommer les inégalités sociales, les accentue. Vous pourrez bien entendu prétendre que c’est inexact. Mais ce qui compte, c’est ce que ressentent nos concitoyens.
Un sénateur de l’UMP. Ils peuvent se tromper !
M. François Fortassin. Nous avons sans doute dans ce domaine, les uns et les autres, une action pédagogique à mener. Face à cela, le Gouvernement et la majorité sénatoriale restent campés sur leurs certitudes, voire drapés dans un linceul de convictions ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Attention, le linceul n’est pas toujours synonyme de vigueur et de vivacité.
M. Jean-Claude Gaudin. Le Saint Suaire ! (Plusieurs sénateurs de l’UMP se tournant vers M. Jean-Claude Gaudin applaudissent.)
M. François Fortassin. J’ai parfois même le sentiment, mesdames, messieurs, que vous faites preuve d’un brin d’autisme (Non, non ! sur les travées de l’UMP.) par rapport à nos concitoyens et à leurs aspirations. Votre bonne volonté ne saurait être mise en cause. (Ah, tout de même ! sur les travées de l’UMP.) Cependant, vous persistez à apporter vaille que vaille des réponses techniques, alors même que nos concitoyens attendent des réponses politiques. Ils veulent une politique audacieuse, non un simple replâtrage !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. François Fortassin. Vous faites de cet article 31 l’un des noyaux durs de votre réforme.
M. Roland Courteau. Noyau mou, oui !
M. François Fortassin. Mais ne nous y trompons pas. Nos concitoyens ont le sentiment que ces mesures sont molles et timides et qu’elles ont, si vous permettez cette expression facile, l’efficacité d’un sinapisme sur une jambe de bois ! (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. Louis Pinton. D’un cautère !
M. François Fortassin. La pénalité de 1 % est perçue par nos concitoyens, notamment par ceux qui souffrent, comme une duperie !
Mme Annie David. Une provocation, oui !
M. François Fortassin. Vous ne ferez jamais admettre à ceux qui ont des retraites de 700 ou 800 euros par mois…
M. Marc Daunis. Et encore !
M. François Fortassin. … que c’est là une pénalité efficace susceptible de faire rentrer dans le rang un certain nombre de patrons ou chefs d’entreprise. Beaucoup jouent le jeu, mais ceux qui ne le font pas doivent être sanctionnés de façon efficace.
Peu importe, d’ailleurs, que les pénalités soient fortes pour les autres puisque, dès l’instant où ils jouent le jeu, ils ne s’exposeront pas à ces pénalités. Ne donnez pas le sentiment que tous les patrons sont vertueux ! C’est aussi idiot que de dire que tous sont des voyous ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Il existe un très grand nombre de patrons sociaux et honnêtes, mais il en existe aussi qui ne le sont pas…
M. Gérard Bailly. Comme partout !
M. François Fortassin. … et il faut les sanctionner fortement.
M. Roland Courteau. Voilà !
M. François Fortassin. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que nous sommes à la veille de voir le pacte républicain rompu. Or, la rupture du pacte républicain concerne tous les responsables politiques, quelle que soit leur sensibilité !
M. Paul Blanc. Ah !
M. Jean-Claude Gaudin. Eh ben !
M. François Fortassin. Cette rupture vous paraît peut-être exagérée, mais lorsque la rue parle, la situation peut très bien échapper à tout contrôle. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le sénateur, la rupture du pacte républicain, c’est de ne pas défendre le régime par répartition ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) La rupture du pacte républicain, c’est de ne pas respecter les institutions, c’est de ne pas croire que le débat que nous avons se situe au cœur de la démocratie française ! (Applaudissements prolongés sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste. – Protestations et huées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Marc Daunis. Ça devient pathologique !
M. David Assouline. Et les conflits d’intérêt, c’est quoi ? La rupture du pacte républicain ?
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Je ne veux pas parler dans ce brouhaha, monsieur le président ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Demandez donc à vos collègues de se calmer !
M. Claude Domeizel. Cette explication de vote m’amène à rappeler ce que j’ai dit hier au début de la discussion de l’article 31 : bien sûr que nous adhérons à cet article !
M. Charles Revet. Ah !
M. Claude Domeizel. Bien sûr que nous adhérons à son principe, car il vise à renforcer l’efficacité des dispositifs garantissant l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, en prévoyant notamment d’infliger une pénalité financière aux entreprises de plus de 50 salariés qui ne joueraient pas le jeu.
Mais, tel qu’il est rédigé et eu égard aux propos qui sont tenus, cet article sera inefficace !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Claude Domeizel. Cet article, je serais tenté de le qualifier de placebo, car il donne l’impression d’apporter un remède à une inégalité, la différence de traitement des hommes et des femmes en matière salariale. C’est la raison pour laquelle, – je vous l’avais annoncé hier – si vous aviez accepté les amendements que nous avions déposés pour renforcer l’article 31 et faire prévaloir le principe que nous voulons défendre, nous aurions évidemment voté cet article. Mais, comme il n’a pas été modifié, nous voterons contre !
Par ailleurs, je voudrais revenir, mes chers collègues, sur les propos tenus par M. Longuet. (Ah ! sur les travées de l’UMP.) Monsieur Longuet, je vous ai déjà dit ce que j’en pensais : ces propos sont inadmissibles ! (M. le rapporteur s’exclame.) Oui, il est inadmissible de prétendre que les femmes qui travaillent à temps partiel ou d’une manière discontinue dans la journée le font par choix ! Elles ne l’ont pas choisi, monsieur Longuet, elles l’ont subi !
Le seul problème de fond, c’est que ces propos excessifs…
M. Jean-Claude Gaudin. Ce sont les vôtres qui sont excessifs !
M. Claude Domeizel. … prouvent, monsieur Longuet, que vous vous situez sur la même ligne que le Président de la République, le Premier ministre et le ministre,…
Une sénatrice de l’UMP. Oui !
M. Christian Cointat. Parfait !
M. Claude Domeizel. … c’est-à-dire que vous êtes pour l’affrontement et que vous ne voulez pas en sortir. La balle est dans le camp du Gouvernement pour trouver une issue à cette situation difficile. Or, vous choisissez de tenir des propos excessifs, vous l’avez encore fait hier soir. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Eh bien, monsieur Longuet, vous contribuez au malaise ambiant, vous entretenez les interrogations de nos concitoyens, au lieu de leur répondre ! Bien sûr, nous ne voterons pas cet article 31. Merci de m’avoir écouté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur quelques travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Gérard Longuet. Je m’étais inscrit pour donner l’explication de vote du groupe de l’UMP. Je remercie MM. les ministres de leur présence.
M. Yannick Bodin. Vous avez de la chance, ils sont là tous les deux !
M. Gérard Longuet. Première observation : mon cher collègue, je ne comprends pas cette polémique. Vous êtes un élu local, nous sommes des élus locaux : j’ai cité un document émis par l’Assemblée des communautés de France rappelant les résultats d’une étude réalisée par l’INSEE et l’INED en 2005 sur la condition des femmes au travail et le recours au temps partiel. Selon cette étude, effectuée par deux organismes publics reconnus, la majorité des femmes interrogées en 2005 sur les raisons pour lesquelles elles ont choisi un temps partiel ont répondu l’avoir fait pour concilier leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Rappeler ces faits n’a rien de choquant ! Sauf si vous considérez que les faits ne doivent pas être reconnus, dès lors qu’ils s’opposent à vos propres convictions… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Alain Fouché. Voilà !
M. Gérard Longuet. Cette méthode, par le passé, a fait ses preuves : il suffit de penser aux théories de Mitchourine et Lyssenko, selon lesquelles la science doit suivre l’idéologie ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Non, pour nous, les réalités sociologiques précèdent l’analyse !
M. Jean-Claude Gaudin. Absolument !
M. Gérard Longuet. Cessez donc de rouvrir cette polémique sur un fait qui est un fait de société exprimé par l’INED et par l’INSEE. (M. Yannick Bodin s’exclame.)
Deuxième observation : je me suis demandé, au nom du groupe UMP, pourquoi vous étiez si nombreux, notamment au sein du groupe socialiste, à intervenir sur cet article 31. La raison en est simple : vous êtes furieux d’avoir raté un rendez-vous, celui de la progression constante de la situation des femmes, dans notre pays, au regard de leur carrière et de la vie professionnelle ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Bricq. Nous vous avons prouvé le contraire !
M. Gérard Longuet. Car cet article 31, monsieur le ministre, donne un contenu à des obligations qui étaient théoriques, mais auxquelles vous apportez, par ce prélèvement, une sanction, laquelle est le début d’une prise de conscience – comme chacun sait, « la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse » – pour celles des entreprises qui y manqueraient. (Mme Nicole Bricq et M. Marc Daunis s’exclament.)
M. Guy Fischer. C’est un leurre !
M. Gérard Longuet. Depuis 1972, sept lois portant sur la condition des femmes au travail ont été adoptées. Chacune d’entre elles a contribué à corriger un fait de société, dont nous partageons en commun la responsabilité, car nous sommes, les uns et les autres, héritiers de l’histoire de notre pays : en effet, les femmes ne se sont pas vu suffisamment reconnaître, dans leur vie professionnelle, le statut d’égale dignité que l’on pouvait espérer.
M. Mirassou a évoqué le rôle joué par les femmes pendant la Première Guerre mondiale. Étant lorrain, je sais exactement de quoi il s’agit, et vous avez eu mille fois raison de le dire, mon cher collègue ! Mais je tiens à rappeler que les hommes ont payé l’impôt du sang, avec un million et demi de morts, ce qui mérite également considération. L’effort a été partagé par les hommes et par les femmes, par les épouses, par les mères, et c’est un pays rassemblé qui a gagné cette guerre.
Ce pays, au lendemain de la Première Guerre mondiale, – c’est là que je voulais en venir – avait la volonté ferme, en tout cas dans la famille politique à laquelle j’appartiens, la droite républicaine, de donner le droit de vote aux femmes dès 1919 ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Pourquoi diable la Troisième République ne l’a-t-elle pas fait ? Parce que le parti radical, à l’époque, ne le souhaitait pas (M. André Lardeux applaudit.), considérant, sans doute, que les femmes étaient dans la main des curés !
C’est en raison de cette triste réalité que le Conseil national de la Résistance, qui était très largement composé de démocrates chrétiens, a proposé au général de Gaulle, chef du Gouvernement qui l’a rendu possible, le droit de vote aux femmes ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) C’est bien une mesure gaulliste qui a mis en œuvre une aspiration ancienne de notre pays, qui remontait à 1919, mais que le centre gauche, à l’époque, avait toujours combattu.
J’ajoute que nous n’allons pas, avec cet article, réviser la totalité de la condition féminine dans notre pays. Je voudrais simplement vous dire que, sur ces travées du Sénat, nous n’avons strictement aucun complexe, parce que nous appartenons à la majorité qui, en effet, a donné le droit de vote aux femmes,…
M. David Assouline. Quoi ?
M. Gérard Longuet. … en particulier la famille gaulliste que je salue ! (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
C’est avec Lucien Neuwirth, un vrai résistant, que nous avons permis aux femmes françaises d’accéder, dans des conditions dignes et responsables, à la contraception,…
M. René-Pierre Signé. Avec les voix de gauche !
M. Gérard Longuet. … c’est-à-dire à la procréation maîtrisée, qui représente, reconnaissez-le, un changement considérable dans la condition féminine ! Enfin, étant député, j’ai soutenu Mme Veil, lorsqu’il a fallu reconduire la loi expérimentale de 1975, qui était l’œuvre de Valéry Giscard d’Estaing ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Bricq. Vous n’étiez pas là !
M. Yannick Bodin. La droite a voté contre la loi Veil !
M. Gérard Longuet. Je ne voudrais pas dépasser mon temps de parole, mais laissez-moi vous dire, mes chers collègues, que nous avons écouté avec patience vos dix-neuf interventions (Les huées se poursuivent sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) et que, s’agissant de la défense de la femme, nous n’avons aucun complexe ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. Yannick Bodin. Ne parlez pas de la loi Veil : vous n’avez pas été nombreux à la voter ! C’est nous qui l’avons votée !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Chers collègues de la majorité, je me demande parfois si nous vivons dans le même monde !
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Nous aussi !
M. Martial Bourquin. Je connais beaucoup d’entreprises, notamment parmi les plus grandes. Chaque fois que les femmes travaillent à temps partiel – même si, bien sûr certaines l’ont choisi –, des statistiques bien connues prouvent que ce mode de travail est souvent imposé. Les femmes subissent en premier la précarité, les salaires les plus bas…
M. Alain Fouché. On est d’accord !
M. Martial Bourquin. Si nous sommes d’accord sur ce constat, faisons en sorte que l’on en tienne compte dans ce projet de loi et dans le calcul de la retraite, non pas uniquement en créant des pénalités, mais aussi pendant la durée de cotisation.
Chers collègues, vous savez que le niveau de civilisation d’une société se mesure souvent à la place qu’elle accorde aux femmes.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Martial Bourquin. Lorsque notre collègue donne le classement de la France dans ce domaine et que nous constatons qu’il est si bas, nous devrions, surtout au Sénat, nous poser des questions et faire en sorte de corriger ces anomalies ! Ce projet de loi doit tenir compte de cette situation, pour donner aux femmes, avec des points de cotisation, une place qu’elles n’ont pas aujourd’hui !
Ensuite, monsieur le ministre, vous avez répondu à notre collègue François Fortassin que vous défendiez le régime par répartition. Mais qui, sur ces travées, a remis en cause le régime par répartition ? Personne ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Si ! Vous !
M. Gérard Longuet. Vous le menez à la faillite !
M. Martial Bourquin. La différence qui nous sépare du Gouvernement et de sa majorité, c’est que nous ne voulons pas faire porter le poids de cette réforme aux seuls salariés ! Nous avons d’autres propositions.
Vous, vous proposez de faire porter l’effort à 80 % par les salariés et vous augmentez le temps de cotisation. Nous voulons aussi sauver le régime par répartition, mais nous voulons faire en sorte que les banques et les stock-options soient beaucoup plus taxées, que le capital soit beaucoup plus mis à contribution que le travail, à l’inverse de ce que vous proposez.
Dernier point, monsieur le ministre : vous ne disposez pas d’un mandat démocratique pour effectuer cette réforme. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Je vais très simplement vous expliquer pourquoi, mes chers collègues, si vous faites l’effort de m’écouter un moment.
Le 2 mai 2007, le candidat à la présidence de la République, M. Nicolas Sarkozy, répond au journaliste l’interrogeant sur la position de Laurence Parisot, qui demandait alors une augmentation de l’âge de la retraite, au minimum, à 62 ans : « Elle a le droit de dire ça. Je le dis, je ne le ferai pas, pour un certain nombre de raisons, et la première est que je n’en ai pas parlé pendant la campagne présidentielle. Ce n’est pas un engagement que j’ai pris devant les Français. Je n’ai donc pas de mandat pour faire cela. » Il ajoute : « Et comme je n’ai pas de mandat, cela compte beaucoup pour moi. »
M. Roland Courteau. C’est clair !
M. Martial Bourquin. Eh bien, mes chers collègues, le Président de la République n’a pas de mandat pour effectuer cette réforme qui engage durablement les différentes générations ! Par conséquent, monsieur le ministre, vous n’en avez pas non plus ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Enfin, quand l’autisme va-t-il cesser dans notre assemblée ? Les Français manifestent par millions. (Non ! sur plusieurs travées de l’UMP.)
Un sénateur de l’UMP. Menteur !
M. Martial Bourquin. Ne vous en déplaise, mes chers collègues de la majorité, les manifestants sont des millions et votre électorat, lui-même, condamne la fermeté – la fermeture – du Gouvernement. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Christian Cointat. Je demande à voir !
M. le président. Votre temps de parole est écoulé, monsieur Bourquin.
M. Martial Bourquin. Permettez-moi juste de finir mon intervention, monsieur le président. Avec leurs interruptions, ils ont pris au moins trente secondes sur mon temps de parole ! (Nouvelles exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Gaudin. Asseyez-vous, monsieur Bourquin !
M. Martial Bourquin. Mes chers collègues de la majorité, je vous demande une nouvelle fois de revenir à la raison, d’écouter le peuple, y compris celui qui vous a élus, et de faire en sorte que nous revenions à la table des négociations et que ce projet de loi sur les retraites soit revu de fond en comble ! C’est une nécessité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Marie-France Beaufils et M. Gérard Le Cam applaudissent également.)
M. Jean-Claude Gaudin. C’était mauvais !
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Pendant tout l’après-midi et toute la nuit dernière, nous avons entendu des orateurs – M. Claude Domeizel encore à l’instant – laisser entendre que le temps partiel était subi par tous ceux qu’il concernait, particulièrement par les femmes.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Charles Revet. Permettez-moi donc, mes chers collègues, de vous raconter une anecdote qui remonte à quarante-huit heures.
Je préside un syndicat interdépartemental de l’eau et de l’assainissement, qui emploie neuf collaboratrices et collaborateurs. J’ai participé à son assemblée générale samedi matin, ce qui ne m’a pas empêché d’être présent ici samedi après-midi, et la nuit, pour travailler sur ce texte. (M. Jean-Patrick Courtois applaudit. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Bricq et M. Guy Fischer. Bravo !
M. Charles Revet. Puis-je m’exprimer un tout petit peu ?...
Il y a quinze jours, les collaboratrices de ce syndicat m’avaient demandé s’il était possible de faire voter une délibération les autorisant à travailler à temps partiel. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Samedi matin, j’ai donc fait adopter par l’ensemble de mes collègues de toutes tendances politiques, à l’unanimité, une délibération autorisant le temps partiel.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jacques Mahéas. C’est la loi !
M. Charles Revet. Pour deux femmes, au moins, ce sera un temps choisi ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Bricq. On ne fait pas la loi à partir de cas particuliers !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Le débat s’échauffant, je souhaiterais intervenir brièvement et, en particulier, inviter M. Martial Bourquin à faire un peu attention. Je crois, en effet, que nous avons un problème de vocabulaire.
Vous parlez d’autisme, monsieur Bourquin. L’autisme, je vous le rappelle, est une maladie et des gens en souffrent ! Je souhaiterais donc que ce vocabulaire ne soit pas employé systématiquement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous êtes très attentifs au vocabulaire que nous employons. Je voudrais que vous soyez aussi attentifs à celui que vous utilisez. Il ne s’agit pas d’un procès d’intention et je n’irai pas plus loin. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Par ailleurs, le Président de la République a un mandat, celui, justement, de Président de la République.
M. Jean-Patrick Courtois. Voilà !
M. Éric Woerth, ministre. Ce mandat comprend l’obligation d’affronter les situations telles qu’elles apparaissent.
Il n’était pas prévu, toujours dans le cadre de ce même mandat, que nous aurions à affronter une des plus graves crises que l’économie mondiale a traversée depuis cinquante à soixante-dix ans, en tout cas depuis très longtemps. Cette crise a eu des conséquences qui impacteront durablement nos systèmes sociaux.
Il est naturel, face à cette situation, que le Président de la République ne se soit pas dit : « je ne fais rien, je laisse faire les choses et on verra bien plus tard… ». Il affronte la situation de crise, telle qu’elle est,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut l’affronter autrement !
M. Éric Woerth, ministre. … et en tire les conséquences s’agissant de nos systèmes sociaux, notamment notre système de retraite. Aujourd’hui, c’est cela être Président de la République ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’Union centriste. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Je voudrais donner mon point de vue sur les propos tenus par le président du groupe UMP.
Mme Nicole Bricq. Il est sorti !
Mme Christiane Demontès. Monsieur Longuet, la société change, les modes de vie changent, la sociologie de notre pays change.
M. Alain Fouché. On avait compris !
Mme Christiane Demontès. Sur toutes ces questions, mes chers collègues, on peut avoir des opinions – cela appartient à chacun d’entre nous… Il n’en demeure pas moins que la société change !
M. André Lardeux. Mais pas les socialistes !
Mme Christiane Demontès. Les femmes se retrouvent de plus en plus souvent seules à élever leurs enfants, pour des raisons que vous connaissez comme moi, que vous rencontrez dans vos familles et autour de vous, et qui appartiennent à la société d’aujourd’hui. (Mme Nicole Bricq acquiesce.)
Que les femmes choisissent, quand elles le peuvent, un temps partiel, c’est leur liberté la plus totale.
Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr !
Mme Christiane Demontès. Il n’est pas question de remettre cela en cause !
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
Mme Christiane Demontès. Tout comme nous tenons à la retraite choisie, nous tenons à l’emploi choisi ! Ce point ne pose aucune difficulté.
Le problème, monsieur Longuet, c’est que certaines femmes, dans notre pays, cherchent du travail et n’en trouvent pas.
M. Paul Blanc. Et des hommes aussi !
M. Alain Fouché. Et les hommes ?
Mme Christiane Demontès. Ces femmes sont condamnées à travailler à temps partiel, parce qu’elles n’arrivent pas à faire garder leurs enfants, parce que le père de leurs enfants est absent, parce que l’entreprise qui les emploie leur impose de travailler à temps partiel.
Je le disais tout à l’heure, mais vous n’étiez pas là, monsieur Longuet.
Un sénateur du groupe socialiste. Il n’est toujours pas là !
Mme Christiane Demontès. Décidément ! Il faudra donc que je reprenne la parole plus tard.
Je répète donc ce que j’ai expliqué précédemment : dans les entreprises de la grande distribution, des personnels, hommes ou femmes – essentiellement des femmes –, travaillent actuellement à temps partiel,…
M. Alain Fouché. On est d’accord !
Mme Christiane Demontès. … vingt-huit heures par semaine, uniquement le vendredi soir, le samedi, et parfois le dimanche matin du fait de la fameuse loi sur le travail dominical.
Ce sont ces femmes-là auxquelles nous pensons dans le cadre de l’examen de cet article 31.
Que les gens aient le choix, encore une fois, cela ne nous pose aucun problème. Nous sommes vigilants sur un point : comment faire en sorte que ces femmes, dont le déroulement de carrière est compliqué, haché, qui ne font pas ce qu’elles veulent, puissent tout de même bénéficier d’une retraite décente ?
Monsieur le ministre, vous avez déplacé la question de la retraite des femmes et du passage de 65 à 67 ans, en prétendant que le problème résidait non pas dans l’inégalité des retraites, mais dans l’inégalité des salaires.
Il faut vingt ans, avec un peu de chance, monsieur le ministre, pour régler le problème de l’inégalité salariale. Celui qui concerne la retraite des femmes, le passage de 65 ans à 67 ans, c’est aujourd’hui qu’il se pose… et demain si ce projet de loi est adopté.
Par conséquent, nous nous opposons à ces mesures et, j’insiste, c’est une question d’obligation, et non de choix, pour les femmes qui n’ont pas d’autres solutions. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Madame Demontès, les personnes que vous citez, essentiellement des femmes – des caissières, j’imagine – travaillant dans la grande distribution, occupent souvent un poste à temps partiel subi, mais pas toujours.
Mme Christiane Demontès. On est d’accord sur ce point !
M. Éric Woerth, ministre. Je sais qu’il y a des points sur lesquels – heureusement – nous sommes d’accord !
Certaines enseignes de la grande distribution proposent aussi à leurs salariés de compléter les heures de travail à la caisse par des heures effectuées à d’autres postes. Cela existe et on ne peut que se réjouir du fait que certains employeurs essaient de faire correctement leur métier. Néanmoins, je le reconnais, le temps partiel subi est important.
Mais ce ne sont pas ces femmes qui partent à la retraite à 65 ans ou qui partiront, demain, à 67 ans. Ce n’est pas ce type de population qui est concerné,…
Mme Christiane Demontès. Si ! Et c’est là où vous vous trompez !
M. Éric Woerth, ministre. … comme je me suis efforcé de l’expliquer au moment où nous avons examiné certains articles du projet de loi, notamment l’article 6.
Quand une personne travaille vingt-huit heures par semaine – c’est le chiffre que vous avez évoqué –, elle cotise à temps plein et valide donc une année complète.
Mme Raymonde Le Texier. Sur quel salaire ?
M. Éric Woerth, ministre. Notre système de retraite est conçu ainsi et c’est tant mieux ! Protéger notre système de retraite revient donc aussi à protéger ce type de dispositifs de solidarité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
L’assuré cotise comme s’il travaillait à taux plein, voilà la réalité !
Mme Nicole Bricq. Sur quelle base ? Sur quelle assiette ?
M. Éric Woerth, ministre. D’ailleurs, parfois, la pension de retraite perçue est supérieure au dernier salaire du fait de ce mécanisme de cotisation.
Je souhaitais tout de même le dire, car vous ne pouvez pas décrire la situation telle qu’elle n’est pas, vous devez la décrire telle qu’elle est. Il y a certes des difficultés – personne ne les nie – et nous sommes là pour essayer de les régler. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Pierre Fauchon applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. M. Longuet…
Un sénateur de l’UMP. Encore ?
Mme Marie-France Beaufils. … nous a fait une lecture assez particulière de l’étude de l’INED. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.) Veuillez m’excuser, mes chers collègues de la majorité, mais nous sommes aussi présents, ici, pour réagir à des propos que nous avons entendus.
MM. Alain Fouché et Jean-Claude Gaudin. On l’a vu !
Mme Marie-France Beaufils. Sinon, il ne s’agit plus d’un débat parlementaire !
Quand on nous dit que les femmes ont indiqué, dans l’étude, avoir fait le choix du temps partiel, c’est d’un choix par défaut qu’il est question. Telle est la formulation exacte.
Mme Annie David. Voilà !
Mme Marie-France Beaufils. Quelle est la raison pour laquelle je souhaite revenir sur ce sujet ?
D’une certaine façon, monsieur le ministre, vous venez de m’inciter à réexpliquer le problème rencontré par ces femmes qui travaillent à temps partiel.
J’aurais pu moi aussi, en tant qu’élue et à l’instar de mon collègue Charles Revet, vous citer des exemples de personnels communaux m’ayant demandé de travailler à temps partiel.
M. Alain Fouché. Nous aussi ! Nous voyons cela tous les jours !
Mme Marie-France Beaufils. Si ces femmes ont formulé une telle demande, c’est parce qu’elles ont besoin d’avoir du temps à disposition pour prendre en charge leurs enfants,…
M. Jean-Claude Gaudin. Nous le savons !
Mme Marie-France Beaufils. … parce qu’elles n’ont pas la possibilité de demander à leur conjoint de s’en occuper ou qu’elles n’ont pas, dans leur commune, des services de garde d’enfants leur permettant de travailler à temps complet. (Mme Annie David acquiesce.)
Il est très exceptionnel que des femmes fassent réellement un choix de temps partiel. Il faut regarder la vérité en face. Monsieur le ministre, c’est tout ce que nous vous demandons de faire dans ce domaine.
En outre, vous nous dites que ces femmes travaillant à temps partiel ne sont pas de celles qui partiront à la retraite à 67 ans.
Malheureusement, je rencontre beaucoup de femmes employées, à temps partiel, dans le secteur de la grande distribution et dont le parcours de vie est chaotique. Je peux vous assurer qu’elles ne sont pas en capacité de pouvoir prendre une retraite à taux plein à 60 ans et qu’elles sont obligées d’attendre 65 ans afin de pouvoir le faire. Et elles partent avec des pensions de retraite dont le montant est absolument catastrophique et qui ne leur permettent pas de vivre correctement.
Voilà la question qui, pour nous, se trouve au cœur de ce débat et à laquelle, je crois, vous ne répondez pas !
Nous réclamons une retraite par répartition à taux plein sans décote à 60 ans, mais financée autrement qu’avec les moyens proposés dans ce projet de loi. Ce sont ces modes de financement alternatifs que vous n’avez pas voulu mettre en discussion en même temps que les modifications prévues aux articles 3, 4, 5 et 6 et dont l’examen a été repoussé jusqu’après l’article 33. En effet, vous n’avez pas voulu que nous débattions simultanément des questions de financement du régime par répartition et du reste !
M. Alain Fouché. Nous le ferons après, naturellement !
Mme Marie-France Beaufils. En outre, j’ai entendu M. Longuet prétendre que l’UMP était le « champion » de la place de la femme dans la société.
M. Roland Courteau. Cela se saurait si c’était vrai !
Mme Marie-France Beaufils. J’ai tout de même un peu de mal avec cette remarque… Deux femmes ont été élues dans ma commune en 1924, parce qu’il s’agissait d’une municipalité à direction communiste et qu’il avait été décidé, à l’échelon national, de marquer la volonté du parti communiste de l’époque d’octroyer le droit de vote aux femmes. Ces deux femmes, élues par la population, ont siégé pendant un an, le préfet ayant mis un an pour les destituer.
Cette volonté affirmée en faveur du droit de vote des femmes, les communistes l’ont portée pendant des années. Ils ont été de ceux qui l’ont défendue au sein du Conseil national de la Résistance, avant que le général de Gaulle la mette en œuvre.
Tout de même, entendons bien qui sont les porteurs de ces choix !
M. Jean-Jacques Hyest. Vous n’avez pas été les seuls !
Mme Marie-France Beaufils. Je n’ai jamais dit cela ! Écoutez correctement ce que je dis, mes chers collègues de la majorité ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Elle a raison !
Mme Marie-France Beaufils. J’ai bien dit que cette demande avait été portée par le Conseil national de la Résistance. Une fois de plus, vous détournez le sens des interventions ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Enfin, nous sommes un certain nombre de femmes à avoir été élues en 2001, ici, au Sénat, grâce à la représentation proportionnelle et parce que nous nous présentions dans des départements disposant de trois sièges sénatoriaux. Or, au lendemain de l’élection, vous avez supprimé le mode de scrutin proportionnel pour les départements ayant trois représentants. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Vous savez très bien pour quelle raison : vous cherchiez justement à bloquer la parité dans ces départements ! Nous verrons bien ce que cela donnera lors des prochaines élections. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Mes chers collègues, M. Longuet veut raccrocher le débat de fond que nous avons à notre histoire, qu’il a en quelque sorte revisitée. Certes, les idées conservatrices et réactionnaires vis-à-vis des femmes ont, durant le XXe siècle, été largement partagées par l’ensemble des couches de la société, y compris par les différentes familles idéologiques. Il faut dire qu’elles remontaient de loin !
Mais, durant le même temps, grâce notamment aux travailleurs, une famille politique s’est toujours battue pour que les femmes puissent avoir les moyens de leur autonomie, tandis qu’une autre a toujours considéré qu’elles devaient avant tout faire des enfants et s’occuper d’eux. (Vives protestations sur les travées de l’UMP.) Chers collègues de la majorité, c’est pourtant la réalité !
L’article 31 fait ressortir ce clivage. Vous avez reconnu, monsieur le ministre, qu’il existait une injustice dans votre projet de loi initial, et vous avez souhaité la corriger en faisant une proposition pour les mères de trois enfants.
Mais, si vous estimiez qu’il y avait une injustice générale, vous n’auriez pas fait une proposition si ciblée ! Vous auriez vu que l’injustice qui touche les femmes tient aussi aux carrières fractionnées, à la mutation sociétale évoquée par Christiane Demontès, ou au fait que les familles monoparentales sont majoritairement composées de femmes seules et de leurs enfants à charge. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Il est inutile de contester les évidences ! En tout cas, si les Françaises nous regardent, elles savent bien, elles, de quelle façon elles vivent et travaillent et comment elles sont considérées !
Alors je veux juste dire une chose : c’est que toutes ces injustices – difficultés de mener une carrière, périodes d’interruption de travail, différence de salaires, pénibilité – doivent être compensées.
Quand la femme travaille, ce qui est maintenant largement accepté, son salaire doit-il être considéré comme un revenu d’appoint ou comme le moyen de lui permettre d’être libre et autonome ?
La retraite d’une femme doit-elle être une simple retraite d’appoint ? J’ai entendu sur les travées de la majorité qu’il ne fallait pas exagérer la situation de ces femmes, car elles peuvent bénéficier, par ailleurs, d’une pension de réversion. (Mme Bernadette Dupont s’exclame.) Doivent-elles se contenter des malheureux 800 euros dont elles pourront bénéficier à 65 ans et, maintenant, à 67 ans ?
Oui, monsieur le ministre, il y a des injustices, mais votre mesure, en ne ciblant que les mères de trois enfants - tant mieux pour elles ! – ne vise qu’à faire du tintamarre sur votre façon de défendre la famille face à la gauche. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Christian Cointat. C’est insupportable !
M. Alain Fouché. Incroyable !
M. David Assouline. Tout cela, ce n’est finalement que de l’idéologie. (Brouhaha sur les mêmes travées.) Chers collègues de la majorité, vous savez faire du brouhaha, mais on vous entend peu sur le fond !
Nous continuons de débattre, mais vous voyez bien le décalage. Sept Français sur dix considèrent que votre réforme n’est pas bonne, et il y a encore des millions de manifestants dans la rue.
Dans toutes les autres démocraties – sans même parler des démocraties avancées ! –, après six semaines de mouvements soutenus, des négociations auraient déjà été ouvertes. Vous portez la lourde responsabilité de ne pas proposer un dialogue ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Nicolas About. C’est faux !
M. le président. La parole est à M. Alain Chatillon, pour explication de vote.
M. Alain Chatillon. Je ne vais pas revenir sur la question du travail des femmes, mais simplement vous donner un exemple. J’ai été chef d’entreprise pendant trente-cinq ans dans le secteur agroalimentaire, qui, je le rappelle, représente 400 000 emplois dans notre pays. Avant, nous pratiquions les trois-huit sur cinq jours, ce qui représentait 40 heures de travail par semaine. Après, pour arriver à 35 heures, il a fallu faire avec les « trois-sept », qui ne couvrent que 21 heures d’une journée…
On nous parle du temps fractionné, du temps partiel… Mais qui a créé le problème ? Et je suis mieux placé que certains pour le dire ici car lorsque Lionel Jospin est venu dans ma ville, à Revel, en février 1998, il en est convenu. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Aussi, il faudra peut-être poser de nouveau la question des 35 heures (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.), car, dans les entreprises qui travaillent en continu, la situation est ingérable. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Frimat. J’ai écouté tous les intervenants avec beaucoup d’attention. Je suis toujours satisfait de voir que nous débattons, ce que nous faisons effectivement cet après-midi après les interventions de Charles Revet, d’Alain Chatillon et du président Longuet.
Mon propos n’est pas de mettre en cause la qualité d’une étude. Pour en avoir commis un certain nombre, j’y suis très attaché. Je ne vois donc a priori aucune raison de critiquer l’INSEE et l’INED, qui ont fait leur travail. Mais ce n’est qu’une étude parmi d’autres.
Je ne mets pas en doute non plus M. Longuet lorsqu’il nous dit que cette étude montre que, dans leur majorité, les femmes qui travaillent à temps partiel l’ont choisi. Mais il me semble qu’il y a un abus de langage. En effet, que signifie ce « choix » ? Ce n’est pas un familier de ces questions, M. Fourcade, qui me contredira si je dis que, dans n’importe quelle économie, tout choix est toujours réalisé sous contraintes. Aucun choix ne peut être parfaitement libre, absolu, détaché.
Une femme ayant des enfants en bas âge peut « choisir » de travailler à temps partiel parce qu’elle n’a accès à aucun système de garde et que cette solution est économiquement préférable pour son foyer. C’est un choix, mais qui est contraint par un environnement.
Monsieur le ministre, vous avez repris un exemple cité par Mme Demontès, celui des caissières qui travaillent vingt-huit heures dans les grandes surfaces. Mais certaines ne travaillent que douze heures, seize heures ou vingt heures et sont souvent dans l’impossibilité de travailler davantage.
Mais on pourrait prendre d’autres exemples de tâches exercées non pas exclusivement, mais principalement par des femmes travaillant à temps partiel. Je pense au nettoyage des bureaux tôt le matin et tard le soir, et le Sénat n’échappe d’ailleurs pas à la règle, avec les bureaux du 36, rue de Vaugirard. À ces horaires de travail subis, s’ajoutent des heures et des coûts de transport.
Lorsqu’elle était otage et que sa photographie était sur tous les murs, Florence Aubenas nous a émus. Lisez son livre, Le quai de Ouistreham, dans lequel elle raconte le quotidien de ces femmes qu’elle a partagé en immersion totale. Quel sort imaginez-vous pour ces femmes, lorsqu’elles seront à la retraite ? Combien d’annuités auront-elles pu atteindre ? Quelle pension percevront-elles ? Mes chers collègues, nous sommes bien là confrontés à une réalité qui n’est pas la nôtre mais qui est celle de nombreuses Françaises.
M. Longuet nous expliquait que l’objet de l’article 31 est de donner un contenu à des obligations théoriques. Mais, monsieur le ministre, nous savons tous que, derrière cet article, il y aura un décret, que le 1 % est un maximum, qu’il sera géré par une autorité administrative, bref, que le dispositif sera éminemment complexe.
Nous savons aussi que la sanction a des effets ô combien limités ! Nous avons l’exemple de la loi sur la parité en politique et de la loi SRU. Lorsqu’on en a les moyens, on peut choisir de payer. Peut-être faudrait-il demander à l’INSEE de faire une étude sur la sanction choisie ? Je vous remercie de m’avoir écouté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Frimat, le texte porte sur les retraites, et non sur l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, mais il améliore très concrètement la situation des femmes en matière de retraite. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Si nous avons voulu faire figurer des mesures dans ce texte, c’est parce qu’il était naturel qu’elles y soient, parce que l’égalité en termes de retraites dépend de l’égalité salariale. C'est la raison pour laquelle nous avons notamment introduit un dispositif de sanctions à l’égard des entreprises. Nous irons plus loin et j’espère que vous nous accompagnerez.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, permettez-moi simplement de vous faire remarquer que vous n’avez pas provoqué ce débat sur la retraite des femmes lorsque vous étiez au pouvoir et que M. Jospin a créé le Conseil d’orientation des retraites et le Fonds de réserve pour les retraites. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Et pourtant vous avez eu quelques années pour vous poser alors toutes les questions que vous posez aujourd'hui la main sur le cœur.
Où sont vos réformes en ce qui concerne les retraites des femmes ? (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Alain Fouché. Il n’y en a aucune !
M. Éric Woerth, ministre. Et je ne parle pas d’il y a vingt ou trente ans : c’était dans les années 2000 ! À l’époque, vous avez bénéficié d’une période de croissance inespérée. Pourquoi n’avez-vous pas réparti les fruits de cette croissance sur les retraites des femmes ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. François Zocchetto applaudit également.) Posez-vous donc ces questions !
M. le président. Je mets aux voix l'article 31, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 65 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 183 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Roland Courteau. Vous n’avez pas de quoi être fiers !
3
Cessation du mandat d’un sénateur
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Alain Lambert une lettre par laquelle il remet son mandat de sénateur de l’Orne, à compter du lundi 18 octobre 2010 à minuit.
Acte est donné de cette décision.
À la suite de la cessation du mandat de M. Alain Lambert, sénateur de l’Orne, le siège détenu par ce dernier est devenu vacant et sera pourvu selon les termes de l’article L.O. 322 du code électoral lors du prochain renouvellement partiel du Sénat.
4
Réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Articles additionnels après l'article 31 (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 31 bis
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article L. 2242-5 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette négociation porte également sur l’application de l’article L. 241-3-1 du code de la sécurité sociale. »
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, sur l'article.
Mme Maryvonne Blondin. L’article 31 bis va, me semble-t-il, soulever moins de passion, même s’il concerne le même public féminin travaillant à temps partiel.
Cet article a été rajouté par amendement à l’Assemblée nationale sur la recommandation de la Délégation aux droits des femmes et s’adresse à ces femmes travaillant à temps partiel, voire très partiel.
À celles-ci s’applique une double peine : la précarité dans l’emploi et la pauvreté à la retraite.
On le sait bien désormais, si 83 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes,... elles représentent aussi près de 76 % des allocations du minimum vieillesse tandis que leur niveau de pension demeure inférieur de 40 % en moyenne à celui des hommes !
En outre, les périodes de temps partiel se traduisent la plupart du temps par une importante décote qui contraint les femmes à partir plus tard à la retraite pour accéder au taux plein.
Enfin, le système de majoration de durée d’assurance, venant compenser les désavantages de carrière pour les femmes, s’est notablement dégradé et est désormais en complet décalage avec nos modèles contemporains d’organisation familiale et sociale. Tout à l’heure, ma collègue Christiane Demontès vous a parlé de cette sociologie qui changeait.
En reculant encore l’âge légal de départ à la retraite, les femmes sont bien les premières victimes de cette réforme ! Il nous faut donc trouver ici ou là de bien maigres compensations...
Cet article 31 bis complète les dispositions de l’article 31 en ce qu’il se rapporte au contenu des négociations relatives aux objectifs d’égalité professionnelle. Il vient ainsi compléter l’article L. 2242-5 du code travail.
À ce jour, les entreprises de plus 300 salariés doivent engager, chaque année, nous l’avons dit, une négociation sur les éléments devant figurer dans leur rapport de situation comparée, soit sur les conditions d’accès à l’emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle, les conditions de travail et d’emploi, en particulier celles des salariés à temps partiel, et l’articulation entre la vie professionnelle et les responsabilités familiales.
Avec cet article 31 bis, il est prévu que ces négociations portent également sur la possibilité de surcotiser à hauteur du salaire d’un temps plein, en cas de temps partiel.
En effet, si cette possibilité existe, vous l’avez dit, monsieur le ministre, elle est largement restée lettre morte. Il s’agit donc ici d’inscrire l’obligation de traiter de cette possibilité lors des négociations collectives.
Il faut bien reconnaître que cette possibilité de surcotisation est bien la moindre des concessions que l’on puisse accorder aux femmes précaires afin de tenter de compenser le faible niveau de leur pension.
Certes, avec l’amendement n° 310 à l’article 3, nous avons déjà adopté un renforcement du droit à l’information sur la possibilité de surcotiser.
Cet article s’inscrit dans cette même démarche, mais il vise à permettre la prise en charge des cotisations du salarié par l’employeur car les salariés n’ont pas toujours la possibilité de payer davantage.
Une réforme ambitieuse et innovante pour les retraites des femmes eût été, toutefois, de plaider pour une réelle déconnexion entre temps travaillé et temps cotisé ; d’accorder une réelle reconnaissance à leur rôle fondateur pour l’institution tant familiale que nationale, ou encore de lisser pleinement les effets de seuil des carrières incomplètes.
Mais, pour cela, il aurait fallu une réelle volonté politique : celle de prendre en considération l’iniquité de la situation des femmes et d’envisager de changer cet ordre sociétal actuel. Mais cette volonté, de toute évidence, fait encore défaut à ce jour au Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudit également.)
M. Jean-Claude Gaudin. Mon Dieu !
M. le président. L'amendement n° 461, présenté par Mmes Blondin et Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy, Daudigny, Kerdraon et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau et Jeannerot, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et sur les conditions dans lesquelles l'employeur peut prendre en charge tout ou partie du supplément de cotisations
La parole est à Mme Renée Nicoux.
Mme Renée Nicoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 31 bis complète les dispositions de l’article 31 en ce qu’il se rapporte au contenu des négociations collectives relatives aux objectifs d’égalité professionnelle.
Avec cet article, il est prévu que ces négociations portent également sur la possibilité, en cas de temps partiel, de maintenir l’assiette de cotisations à hauteur du salaire correspondant à un temps plein, c’est-à-dire de surcotiser.
Cette possibilité de surcotiser à l’assurance vieillesse en cas de temps partiel existe depuis 1993 et a été étendue par la loi de 2003 portant réforme des retraites.
Toutefois, cette disposition n’a pas été suivie d’effet.
L’article 31 bis vise à inscrire dans la négociation collective l’obligation de traiter de cette possibilité.
Néanmoins, il ne garantit pas que les négociations portent sur la répartition de la charge du supplément de cotisations vieillesses entre le salarié et l’employeur. Or, on sait très bien que les chefs d’entreprise refusent de surcotiser pour leurs employées.
Cet amendement vise donc à renforcer l’incitation de l’employeur à prendre en charge tout ou partie du supplément de cotisations.
Ce dispositif de surcotisation vise à instaurer un système allégeant la précarité et la pauvreté des femmes, déjà fortement touchées par des interruptions de carrières. Dès lors, il paraît normal que le supplément de cotisations soit pris en charge par l’employeur afin de ne pas pénaliser davantage encore les femmes en leur imposant une nouvelle charge.
Cet amendement répond à la recommandation n° 8 de la Délégation aux droits des femmes qui insiste sur la nécessité d’inciter les salariés à temps partiel et leurs employeurs à surcotiser.
Enfin, cette disposition ne présage pas le résultat des négociations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à mettre l’accent sur une mesure qui peut s’avérer intéressante. En conséquence, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 31 bis, modifié.
M. Guy Fischer. Le groupe CRC-SPG vote contre.
(L'article 31 bis est adopté.)
Article additionnel après l'article 31 bis (réservé)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
TITRE V BIS
MESURES RELATIVES À L’EMPLOI DES SENIORS
Articles additionnels avant l'article 32 (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 32
I. – Le chapitre III du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Aide à l’embauche des seniors
« Art. L. 5133-11. – Les employeurs, qui se trouvent dans le champ d’éligibilité de la réduction prévue à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, perçoivent sur leur demande une aide à l’embauche, en contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée d’au moins six mois, de demandeurs d’emploi âgés de cinquante-cinq ans ou plus, inscrits sur la liste des demandeurs d’emploi mentionnée à l’article L. 5411-1 du présent code.
« L’aide, à la charge de l’État, représente, pour une durée déterminée, une fraction du salaire brut versé chaque mois au salarié dans la limite du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions et modalités d’application de l’aide. »
II. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, sur l'article.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne le répétera jamais assez : l’avenir des retraites se joue aussi et surtout sur le marché du travail.
Aujourd’hui, le taux de chômage des jeunes explose : 23,7 %.
Parallèlement, le taux d’emploi de la classe d’âge de 55 à 64 ans est en France de 38,9 %, ce qui au regard de la moyenne européenne nous place dans une situation difficile car elle est de 46 %.
Plutôt que de mettre à plat les dispositifs existant en matière d’insertion professionnelle des jeunes et des seniors, évaluant ainsi les mesures qui fonctionnent et celles qui ne font qu’entretenir la précarité et la sortie de l’emploi de ces catégories de salariés, plutôt que de prendre des mesures d’envergure qui s’imposent à nous en cette période de crise et alors que Pôle Emploi dérive, vous décidez de nous proposer cet article 32, dans lequel il n’y a aucune mention des jeunes !
Vous attendez sans doute le projet de loi de finances pour 2011 pour nous annoncer la suppression des outils d’insertion pourtant indispensables pour aider les jeunes à trouver un emploi !
Monsieur le ministre, pensez-vous sérieusement que l’article 32 soit la solution miraculeuse à la résolution du problème de l’emploi des seniors ?
Belle originalité ! Souvenons-nous : à la suite de l’accord national interprofessionnel du 13 octobre 2005, des mesures avaient été prises et sont demeurées pratiquement sans effet. Seulement quelques « CDD seniors », réservés aux plus de 57 ans, pour dix-huit mois renouvelables une fois, ont été signés.
Constatant que ce CDD ne fonctionne pas, vous en créez un nouveau : une sorte de « CDD senior nouvelle génération ».
Il s’agit de faire bénéficier, pendant un an, les entreprises qui recrutent en CDI ou CDD de plus de six mois des demandeurs d’emploi de plus de 55 ans d’une aide égale à 14 % du salaire brut.
Une question au préalable : considérez-vous sérieusement qu’un CDD d’au moins six mois définisse un emploi stable ?
Que va-t-il se passer à l’issue du contrat ?
L’employeur est libre de ne pas reconduire le CDD du salarié et d’en recruter un autre, pour bénéficier lui aussi de cette mesure.
Autre scénario envisageable : le salarié en fin de CDD peut se voir proposé par l’employeur un autre contrat précaire sur un poste différent, avec un salaire diminué de 14 %...
Et le pire, c’est que le salarié serait contraint d’accepter de telles décisions car il devra attendre 62 ans pour avoir le droit de partir à la retraite et 67 ans pour avoir une retraite à taux plein.
Vous devriez requalifier la section 3 du chapitre III du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail : Aide à la précarité des seniors. Cela aurait le mérite de la cohérence !
Avouez quand même qu’il n’y a pas matière à s’enthousiasmer... et même Laurence Parisot a déclaré : « Un allégement par cibles de personnes est assez peu efficace et même discriminatoire. »
En reculant l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, vous transformez des retraités en chômeurs.
En refusant de prendre des mesures d’envergure pour résoudre le problème du chômage des seniors, vous les cantonnez à être des chômeurs de longue durée.
M. Nicolas About. Mais non !
M. Ronan Kerdraon. Vous pouvez critiquer les politiques mises en place, telles que la préretraite, qui selon vous sacrifiait l’emploi des seniors...
Mais quand même, il vous faut comprendre que tant que les employeurs et les salariés souhaiteront, pour des raisons différentes, mettre fin au contrat de travail, supprimer les dispositifs de préretraites n’y changera rien. D’autant plus que la procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail, mise en place en 2008, fait un véritable tabac : pas moins de 20 000 ruptures enregistrées par le ministère du travail chaque mois !
Monsieur le ministre, c’est la place des seniors dans l’entreprise qu’il faut réinventer. C’est la vision que notre société a de ses aînés qu’il faut modifier.
Vous êtes convaincus que le seul recul de l’âge légal de 60 à 62 ans aura un effet direct sur l’employabilité des seniors. Sans doute, mais, permettez-moi de vous le dire, si vous croyez sérieusement que ce raisonnement peut s’appliquer à la seconde borne d’âge, vous vous trompez.
Et ce n’est certainement pas le CDD senior nouvelle génération que vous nous proposez qui changera cela !
Non, monsieur le ministre, ce qu’il faut faire, c’est accompagner véritablement les salariés et les entreprises.
C’est aider les entreprises à mettre en place des plans d’action efficaces en matière d’emploi des seniors, notamment avec un accompagnement relatif à l’amélioration de l’accès à l’emploi et à la formation professionnelle.
C’est mettre en place, tous les deux ou trois ans, un rendez-vous pour tous les salariés dès 45 ans, spécifiquement destiné à envisager leur évolution dans l’emploi.
C’est aménager les conditions de travail des plus de 55 ans en limitant ou en supprimant le travail de nuit et les tâches physiques et en augmentant les temps de pause.
C’est établir une négociation triennale obligatoire de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les entreprises de plus de 300 salariés.
C’est renforcer le tutorat entre les seniors et les jeunes pour faciliter la transmission des savoirs.
C’est, enfin, créer un mécanisme de bonus-malus, comme la modulation de 1 point des cotisations patronales, en fonction de la part des seniors parmi les salariés.
Vous le voyez, monsieur le ministre, les socialistes ont des propositions : ils les mettent à votre disposition ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, sur l'article.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Le report de l’âge de la retraite aura comme conséquence de transformer les retraités actifs en chômeurs déprimés et inactifs.
Monsieur le ministre, vous voulez faire croire que le report de l’âge légal de départ à la retraite stimulera l’emploi des seniors. Malheureusement, rien n’est moins sûr.
Le problème de l’emploi des seniors est déjà ancien puisqu’il remonte aux années soixante-dix. En effet, entre 1970 et 1983, le taux d’emploi des hommes de plus de 55 ans a diminué de 19 % ; la baisse s’est poursuivie pour atteindre 25 % sur la période 1970-2003. En revanche, pour la même période, on a constaté une hausse de 10 % du taux d’emploi des femmes.
Il apparaît donc que l’abaissement à 60 ans de l’âge d’ouverture des droits en 1983 a accompagné un mouvement de retrait des plus de 55 ans du monde du travail salarié, plus qu’il ne l’a incité, mais, surtout, il a permis de le faire dans des conditions décentes.
La situation des femmes est sensiblement différente : souvent cantonnées dans des emplois tertiaires sous-qualifiés et sous-payés, elles ont maintenu un taux d’emploi élevé pour compenser leur situation précaire.
Aujourd’hui, notre pays connaît le plus faible taux de travail des plus de 55 ans de toute l’Europe. Cela a été dit plusieurs fois, chez les 55-65 ans, ce taux est de 38,9 % et celui des 55-59 ans est de 58,5 %, contre 61,4 % en moyenne européenne. Seuls 25 % des seniors retrouvent un emploi après six mois de chômage. Or rien ou presque rien n’est prévu pour pallier cette situation.
Ce projet de loi prévoit une aide à l’embauche des seniors de plus de 55 ans en CDI ou en CDD de plus de six mois pendant un an à hauteur de 14 % du salaire brut plafonné à 2 885 euros par mois.
Mais que se passera-t-il après six mois ? Soit le salarié en fin de CDD sera remercié et l’employeur en prendra un autre, soit on lui proposera un nouveau CDD avec une baisse de salaire de 14 %, ce qu’il sera bien obligé d’accepter, compte tenu du recul de l’âge d’ouverture des droits à la retraite. On arrive à la logique des pays anglo-saxons, où les salaires baissent de 10 % à 15 % après 55 ans.
Mais, monsieur le ministre, il y a un aspect de votre projet de loi que vous n’avez pas présenté, c’est son impact sur les comptes de l’assurance chômage.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Selon les chiffres de la DARES, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, à 59 ans, plus d’un senior sur deux s’est retiré du marché du travail et, à 60 ans, seules trois personnes sur dix continuent à être actives.
Votre projet de report de l’âge légal de la retraite obligera donc ces milliers de personnes à rester plus longtemps en situation de non-emploi, étant ainsi à la charge de l’UNEDIC, des minima sociaux ou du RSA.
Selon l’UNEDIC, le report de 60 ans à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite aura, en 2018, un surcoût pour l’organisme de 440 millions à 530 millions d’euros par an, soit le double de ce que rapportera le recul de l’âge légal en cotisations.
Vous nous proposez un véritable jeu de bonneteau, qui consiste à remplir les caisses des organismes de retraite aux dépens de celles de l’assurance chômage ou des minima sociaux, sans régler le problème de l’emploi des seniors.
De surcroît, vous prévoyez une nouvelle aide financière pour les entreprises, qui se surajoute aux anciennes mesures pour l’embauche des seniors, lesquelles ont, pourtant, démontré leur inefficacité.
Monsieur le ministre, supprimez les exonérations sur les heures supplémentaires de la loi TEPA et vous créerez plus de 100 000 emplois par an ! Engagez-vous sur une plus grande justice sociale et fiscale ! Dialoguez avec les partenaires sociaux ! Donnez du sens à votre politique et, là, vous serez sans aucun doute mieux compris par tous les Français, qui ne cherchent qu’à vivre sereinement !
Malheureusement, votre politique va aujourd'hui à contresens, et nous ne pourrons jamais nous satisfaire de tant d’injustices et de mauvaise foi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.
Mme Raymonde Le Texier. Nous avons eu de nombreuses fois à le déplorer dans cette enceinte, la problématique de l’emploi est à peine effleurée dans le cadre de cette réforme – et l’article 32 du projet de loi n’y fait pas exception ! –, alors que ce sujet est au cœur de toute réflexion relative aux retraites.
Sous l’intitulé « Mesures relatives à l’emploi des seniors », on ne trouve, en tout et pour tout, qu’un dispositif visant à délivrer une aide à l’embauche des seniors demandeurs d’emploi âgés de 55 ans ou plus ! Pour un enjeu aussi déterminant, l’ambition de ce texte peut sembler médiocre.
Même vos obligés du MEDEF n’y croient pas ! Laurence Parisot a d’ailleurs déclaré : « Un allégement par cibles de personnes est assez peu efficace et même discriminatoire. » Un tel enthousiasme augure mal des effets concrets d’une telle aide !
Il est vrai que le passé a de quoi alimenter ces doutes. L’ensemble des mesures mises en œuvre après l’accord national interprofessionnel du 13 octobre 2005 relatif à l’emploi des seniors « en vue de promouvoir leur maintien et leur retour à l’emploi » est demeuré pratiquement sans effet : seule une vingtaine de CDD seniors ont été mis en place !
Pourtant, la question mérite que l’on s’y intéresse. La France a un taux d’emploi des 55-64 ans des plus faibles d’Europe. Avec 38 % des seniors au travail, nous sommes bien loin des 45,6 % de la moyenne européenne et encore plus loin de l’objectif affiché de 50 %.
Or, en éliminant les plus âgés sans aider pour autant l’entrée des jeunes sur le marché de l’emploi, on n’aboutit qu’à concentrer toute la productivité sur une partie de plus en plus réduite de ceux qui sont en âge de travailler. Cette situation durcit, de fait, les conditions de travail, sature les contraintes, augmente la pénibilité, multiplie la charge de travail, etc. Elle empêche aussi toute avancée sur l’organisation du travail, tout changement du regard porté sur les cycles d’âge, tout investissement sur le bien-être au travail, toute évolution sur un autre mode de gestion des carrières.
Ce gouvernement n’a cessé de nous vanter le mérite de son projet de loi. Or, dès qu’il s’agit d’aborder concrètement les questions d’emploi, le texte est si creux que cela en dit long sur les objectifs réels du Gouvernement. Après tout, il ne s’agissait que de faire passer le recul des bornes d’âge ! Dès lors, pourquoi s’encombrer de politiques actives en matière d’emploi ?
Les bonnes recettes que les Finlandais ont su mettre en œuvre, ce gouvernement ne semble même pas daigner les étudier. Pourtant, une telle situation mériterait de ne pas être balayée d’un « en relevant les bornes d’âge, on changera la donne ». Car la seule donne qui risque de changer, avec votre réforme, c’est la dignité avec laquelle on pourra sortir de l’emploi.
En effet, aujourd’hui, si l’âge effectif de sortie du marché du travail est de 58 ans, alors que celui où les salariés font valoir leurs droits à la retraite est de 61 ans, c’est parce que les gens sortent du travail non pas par la retraite, mais par le chômage, le licenciement, la maladie.
L’abaissement, au début des années quatre-vingt, de l’âge d’ouverture des droits à 60 ans n’a pas suscité, contrairement à ce que vous n’avez cessé de dire ici même, un mouvement de retrait des salariés de plus de 55 ans du monde du travail ! On observe un tel mouvement depuis le début des années soixante-dix. En revanche, cette loi a permis de faire en sorte que ces départs se fassent dans des conditions décentes. Mais, avec votre réforme, on en est loin !
Le seul résultat tangible de votre politique se traduira par la baisse drastique du revenu des seniors, niant ainsi l’esprit même de notre système, alors que vous feignez d’en respecter la lettre.
Dommage ! L’emploi des seniors méritait mieux que ces mesures sur lesquelles nous n’avons aucune illusion !
Tout comme pour l’article relatif à l’égalité entre les hommes et les femmes, dont nous venons de parler si longuement, nous aurions aimé non seulement une loi forte, mais une parole forte. Or nous n’avons ni l’une ni l’autre !
Dans notre pays, l’emploi des seniors ne s’améliorera pas plus que le sort des femmes. Et si cela finit par bouger un jour, ce ne sera pas grâce à la volonté de ce gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Selon nous, l’article 32 est vraiment révélateur de la réforme qui nous est proposée.
En effet, monsieur le ministre, vous avez fait le choix de reculer l’âge légal de départ à la retraite, alors qu’aujourd’hui six salariés sur dix sont hors emploi à l’heure de la retraite. Les salariés les plus âgés sont la première variable d’ajustement des plans de modernisation ou, autrement dit, des plans de sauvegarde de l’emploi qui, en vérité, sont des plans de suppression d’emplois !
De même, tout comme les licenciements, les ruptures conventionnelles concernent plus souvent les salariés âgés, soit un cas sur cinq. Ce phénomène a d’ailleurs été qualifié de « consensus paradoxal » par M. Xavier Gaullier, sociologue au CNRS, ou encore de « faux consensus » par Guillaume Huyez-Leva, chercheur au Centre d’études de l’emploi.
Aujourd’hui encore, pas un jour ne se passe sans que l’on annonce des licenciements et des suppressions de postes. Les quinquagénaires sont massivement touchés et restent pratiquement sans espoir de retrouver un emploi. Des dizaines de milliers de seniors continuent de se retrouver au chômage. Cette situation est dramatique non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour notre système de protection sociale.
Dans ces conditions, comment pouvez-vous affirmer qu’il faut travailler plus longtemps, alors qu’on est incapable d’interdire ces licenciements sans véritable reclassement ?
Votre gouvernement a pris plusieurs mesures supposées maintenir les seniors dans l’emploi : la libéralisation du cumul emploi-retraite, l’instauration d’une surcote, mais surtout d’une décote, la taxation des préretraites, la suppression des mises à la retraite d’office.
Pourtant, force est de constater que ces mesures sont sans succès, puisque le taux d’emploi des seniors avoisinait les 39,1 % au quatrième trimestre 2009 pour les 55-64 ans. Ce taux reste l’un des plus faibles d’Europe, la moyenne étant de 45 %.
Devant ce constat d’échec, et pour rendre crédible votre contre-réforme des retraites, vous proposez avec cet article ce qui vous semble être la panacée pour l’emploi : des exonérations de charges patronales avec, en filigrane, l’idée que les seniors coûtent trop cher aux entreprises. C’est faire fi de la corrélation positive entre ancienneté et productivité !
Non seulement ces exonérations coûtent très cher à l’État, mais, à ce jour, aucune étude d’impact n’a été réalisée sur l’ensemble des exonérations qui ont été réalisées ces dernières années.
En outre, d’après de nombreux économistes, elles sont souvent contre-productives pour l’emploi. On a pu le constater avec les exonérations sur les bas salaires, qui ont encore plus tiré les salaires vers le bas, ou encore avec les exonérations des heures supplémentaires, lesquelles ont mis en concurrence le temps de travail et l’emploi, cela, bien évidemment, au détriment de l’emploi. Et je ne parle pas des effets d’aubaine qu’elles ont générés... En fait, dans la majorité des cas, l’entreprise aurait de toute façon embauché !
Vous le savez, dans un contexte marqué par une faible croissance et un taux de chômage élevé, les exonérations de charges patronales sur une population ciblée ne sont pas efficaces et pénalisent les autres catégories de salariés. Vous ne faites donc qu’inverser le problème.
Aujourd’hui, ce dont a besoin notre pays, c’est véritablement d’une politique de l’emploi axée notamment sur la prévention, afin de rendre le travail « soutenable », selon les propos de la sociologue Anne-Marie Guillemard. C’est là toute la question de la pénibilité et du mal-être au travail évoquée à plusieurs reprises par Annie David.
L’exemple de l’entreprise Lejaby dans le Rhône est très révélateur, car six des dix ruptures conventionnelles en 2009 ont touché les plus de 50 ans, dont « des ouvrières à bout de souffle », selon une déléguée syndicale.
Ce dont a besoin notre pays pour notamment garantir et développer notre système de retraite par répartition, c’est d’une réforme profonde du marché du travail, d’une politique qui permettrait de tendre vers le plein-emploi, avec des emplois stables et rémunérateurs !
Chers collègues, vous le voyez, le débat sur le report de l’âge légal de départ en retraite avec, comme corollaire, l’augmentation de l’emploi des seniors à travers les exonérations n’a vraiment pas de sens. C’est la raison pour laquelle le groupe CRC-SPG votera contre cet article.
5
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale.
J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à cette commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale.
La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : Mme Muguette Dini, M. Alain Vasselle, Mmes Colette Giudicelli, Marie-Thérèse Hermange, MM. Bernard Cazeau, Jacky Le Menn et Guy Fischer ;
Suppléants : M. Yves Daudigny, Mmes Annie David, Christiane Demontès, Françoise Henneron, MM. Jean-Jacques Jégou, Marc Laménie et Mme Janine Rozier.
7
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le Président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 19 octobre, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-86 QPC).
Le texte de décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
8
Réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Article 32 (suite)
M. le président. Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 32.
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, sur l’article.
M. Jean-Marc Todeschini. L’article 32 vise à permettre aux employeurs qui en font la demande de percevoir une aide à l’embauche, en contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée d’au moins six mois, de demandeurs d’emploi âgés de 55 ans ou plus.
Avant toute chose, il faut rappeler qu’aucune réforme des retraites ne sera durablement viable si elle n’est pas accompagnée d’une profonde restructuration du marché de l’emploi. Ainsi, les pays qui se sont engagés dans une refonte de leur système de retraite avaient tout d’abord cherché à renforcer les taux d’emploi. Le Gouvernement semble, sur ce point, prendre les problèmes à l’envers !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Marc Todeschini. Précisément, c’est l’augmentation du taux d’emploi des plus de 55 ans qui conditionne la viabilité de toute politique en matière de retraite. Or, à ce sujet, toutes les déclarations d’intention du Gouvernement sont restées lettre morte, et la place réservée à « l’emploi des seniors » dans ce projet de réforme s’apparente surtout à un gadget, comme le démontre déjà l’emploi du terme « senior », qui ne recouvre aucune réalité juridique.
Dans ces conditions, le « CDD senior » que le Gouvernement préconise paraît bien insuffisant face à la réalité de l’emploi des plus de 55 ans en France. Cela a été dit et redit fort justement, leur taux d’emploi, qui n’atteint que 38 %, est l’un des plus faibles d’Europe. De plus, non seulement les seniors ont désormais des difficultés à se maintenir dans l’emploi, mais ils en ont plus encore à y revenir. En effet, 57 % des chômeurs de 50 ans et plus sont des chômeurs de longue durée.
Depuis plus de trente ans, l’emploi des seniors a ainsi servi de variable d’ajustement, conformément à l’idée que s’en trouverait amélioré l’emploi des jeunes : c’est le contraire qui s’est produit.
Aussi, il aurait été plus utile sur ce point de s’inspirer de ce qui a été fait avec succès dans des pays comme la Finlande ou le Canada : garantir l’accès à la formation après 50 ans, alors que moins d’un tiers des seniors en bénéficie ; accompagner les salariés tout au long de leur vie professionnelle ; adapter les postes aux salariés plutôt que l’inverse, ce qui passe par la généralisation des dispositifs de tutorat en entreprise, l’encouragement des départs en retraite progressive, la limitation, voire la suppression, du travail de nuit et des tâches physiques au-delà de 55 ans ; ou bien encore instaurer un bonus sur les cotisations pour les entreprises qui joueront le jeu.
À l’inverse, le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, semblez préférer vous obstiner à mener une politique d’affichage, au risque de renforcer la paupérisation des plus de 55 ans.
M. Roland Courteau. Très juste !
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir défendu la cause des jeunes, pour ce qui concerne les stages, la cause des femmes, si bien soutenue de ce côté-ci de l’hémicycle… (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. C’est la vérité !
Mme Bariza Khiari. … nous plaiderons la cause des seniors, parce que le chômage dont ils sont victimes constitue une véritable question de société qui devient de plus en plus préoccupante.
Nous n’avons fait que vous le répéter, monsieur le ministre, avec ce projet de loi, vous serez incapable de tenir vos engagements. Vous évoquez sans cesse la nécessité d’équilibrer les comptes publics en retardant le moment où les travailleurs pourront prétendre à une juste et méritée retraite. Cependant, en France, le taux d’activité des seniors, qui n’atteint que 38,9 % chez les 55-65 ans, est très faible et bien inférieur à la moyenne européenne. En d’autres termes, les seniors, en attendant leur retraite, sont principalement des chômeurs.
En repoussant l’âge de la retraite, vous ne faites en conséquence que déplacer le problème, sans le résoudre.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Bariza Khiari. Les déficits seront reportés sur l’assurance chômage, les minima sociaux ou les finances des collectivités locales, que vous avez déjà mises à mal.
M. Roland Courteau. Très juste !
Mme Bariza Khiari. Je doute que l’on puisse qualifier de réforme d’envergure ou de projet de long terme un texte dont l’objet essentiel est un tour de passe-passe comptable. Il faut, monsieur le ministre, que l’État s’engage réellement en faveur de l’emploi des seniors. C’est la vocation officielle d’une minuscule section du texte, ce qui en dit long sur votre souci de veiller à un réel rééquilibrage des comptes sociaux.
S’il fallait une preuve de la non-validité de votre projet de loi, cette section en constituerait la plus éloquente. Les « mesurettes » que vous proposez ne sont pas, très clairement, à la hauteur des enjeux. Elles s’avéreront aussi inutiles que coûteuses, tant socialement qu’économiquement.
Nous ne pouvons que regretter que nos collègues députés, qui ont subi le couperet du temps législatif programmé, n’aient pas eu le temps de développer ces thèmes.
Dès lors, ne vous étonnez pas que nous nous penchions sur le sujet. Vous proposez une énième incitation financière aux employeurs, après le « succès » qu’ont connu d’autres mesures du même ordre.
Les obligations pour l’employeur sont minimes. Le CDI n’est pas imposé ; il peut s’agir d’un CDD renouvelable de six mois en six mois. En d’autres termes, après avoir proposé le « contrat première embauche » pour les jeunes, avec le succès que l’on sait, vous défendez maintenant le « CPE senior », que j’appellerai « contrat dernière embauche », autorisant ainsi la précarisation et la fragilisation des plus anciens. Alors qu’ils ont déjà une vie de travail derrière eux, parfois faite de galères et de renoncements, vous ne leur proposez qu’une forme supplémentaire de difficulté.
Vous condamnez ainsi les « seniors », lesquels, comme l’a dit mon collègue Jean-Marc Todeschini, ne représentent pas une catégorie juridique bien définie, à occuper des postes au rabais, tandis que votre texte ne tente nullement d’éviter d’éventuels abus des employeurs. Alors que l’État doit protéger les catégories les plus fragiles face aux plus puissantes, vous pratiquez une politique qui affaiblit encore les plus précaires, en produisant des chômeurs de plus en plus âgés et des seniors de plus en plus pauvres.
Faire de la politique, c’est porter sur soi, ici et maintenant, le destin d’autrui. Comme pour ce qui concerne les femmes, vous repoussez en permanence les décisions à prendre. Avec cet article 32, vous vous conformez à la règle du parallélisme des formes, en appliquant aux seniors la méthode que vous avez adoptée pour les femmes à l’article 31. Dans les deux cas, il s’agit d’un semblant d’amélioration qui ne règle rien.
M. Roland Courteau. Voilà !
M. Guy Fischer. C’est un leurre !
Mme Bariza Khiari. Devant un traitement si caricatural d’une question aussi sérieuse, nous ne sommes pas dupes, monsieur le ministre, vous vous en doutez bien.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bertrand Auban. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, sur l'article.
M. Jacky Le Menn. Nos réflexions sur l’article 32, qui concerne l’aide à l’embauche des seniors, s’inscrivent dans la suite logique, tant sur la forme que sur le fond, de celles qui ont été longuement exposées sur l’article 31.
L’expérience confirme maintenant suffisamment que la question de l’emploi ne trouve pas sa réponse au travers d’incitations, aussi multiples soient-elles. Elle s’insère, vous le savez bien, dans une politique d’ensemble, inexistante aujourd’hui, de sécurisation des parcours professionnels.
Nul ne conteste l’importance majeure du problème de l’emploi des seniors en général au regard du taux de chômage actuel et de ses conséquences en termes de précarité et de pauvreté, et ce particulièrement au regard de la constitution des droits à retraite.
Comment ne pas s’étonner, dès lors, que ce sujet ne soit traité qu’à la marge de ce projet de loi, de manière tout aussi minimaliste que l’est la question, que nous avons encore évoquée cet après-midi, de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes ?
Au fond, nous devons nous interroger plus particulièrement sur l’efficacité réelle des choix politiques menés, à savoir, d’une part, l’instauration, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, d’une pénalité à hauteur de 1 % de la masse salariale et, d’autre part, la nouvelle aide à l’embauche prévue dans ce projet de loi.
Sur ce dernier aspect, l’expérience nous conduit effectivement à nous interroger eu égard aux 34 milliards d’allégements de cotisations sociales patronales qui existent déjà. L’aide prévue par l’article 32 sera versée aux entreprises, quel que soit leur effectif, qui recruteront en CDI ou CDD de plus de six mois un chômeur de plus de 55 ans et représentera 14 % du salaire brut pendant un an.
Il faut rappeler que l’Accord national interprofessionnel du 13 octobre 2005 relatif à l’emploi des seniors en vue de promouvoir leur maintien et leur retour à l’emploi est demeuré pratiquement sans effet. Il s’agit des fameux « CDD seniors », destinés aux plus de 57 ans recrutés pour dix-huit mois et renouvelables une fois. Vingt contrats environ ont vu le jour…
Il apparaît que déroger toujours plus au droit commun en inventant toujours plus de contrats atypiques non seulement n’engendre pas un plus grand nombre d’embauches, mais contribue à fragiliser le cadre juridique du droit du travail et à précariser, par contrecoup, les salariés dont ces contrats sont supposés favoriser l’embauche, ce qui est tout de même paradoxal.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Jacky Le Menn. De même, le « Plan en faveur de l’emploi des seniors », auquel les entreprises de plus de 50 salariés sont astreintes, sous peine d’une pénalité de 1 % de la masse salariale, n’a pas produit les effets attendus.
Les accords et les plans analysés se limitent le plus souvent à fixer un objectif de maintien dans l’emploi dans des termes peu contraignants – je pense notamment à celui qui évoque la prévision d’une mesure annuelle de l’effectif des salariés seniors, afin de réfléchir à la définition d’un plan d’action pluriannuel – ou forts modestes.
Mais, surtout, la pénalité prévue n’étant pas liée aux résultats des accords ou des plans, elle perd tout effet dissuasif et risque donc d’être de peu d’effet, tout comme celle qui est prévue à l’identique pour assurer l’égalité salariale entre les hommes et les femmes.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Jacky Le Menn. À ce manque d’efficacité des « plans et accords » non réellement sanctionnés et du subventionnement public, jusqu’à présent à fonds perdus, des entreprises privées s’ajoute un autre paramètre également important pour l’emploi des seniors, à savoir la volonté des salariés eux-mêmes de ne pas rester dans l’emploi.
Nous avons déjà longuement évoqué, au cours de nos débats, les résultats d’une enquête sur l’évolution des conditions de travail, menée en 2009 par la CNAV, la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Qu’il ait été jugé nécessaire de mener une telle étude est déjà significatif en soi. Le résultat est en outre sans appel : les conditions de travail se sont terriblement détériorées.
La précarisation constante du cadre juridique du droit du travail, auquel on déroge toujours plus au nom de « l’employabilité », et la dégradation accélérée des conditions de travail, au nom de « l’adaptabilité », aboutissent en réalité à dévaloriser le travail lui-même.
L’expérience nous le prouve, rétablir la « valeur travail » suppose au contraire, je le redis, de sécuriser, au lieu d’instaurer une flexibilité qui appauvrit finalement tant les salariés que les entreprises elles-mêmes.
L’exemple de la Finlande est probant à cet égard, avec une politique globale menée de manière volontariste sur le long terme, ce dont, à l’évidence, cet article 32 ne peut tenir lieu.
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Jacky Le Menn. Plutôt qu’une politique « à la découpe » qui déroge ici pour les jeunes et qui déroge là pour les vieux, peut-être est-il temps, toutes expériences faites, toutes mesures échouées, « d’opter enfin pour une culture du droit du travail, et ce à tous les âges ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
MM. Marc Daunis et Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, sur l’article.
Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans cet article est proposée la mise en place d’une aide à l’embauche pour les employeurs recrutant une personne âgée de 55 ans ou plus en CDI ou en CDD de plus de six mois. Cette proposition est tout à fait louable, mais elle vient s’ajouter aux autres mesures en faveur de l’emploi des seniors sans constituer en rien un ensemble cohérent. Au contraire, je ne peux m’empêcher de penser que cet article est d’abord un aveu, l’aveu que votre réforme aura bel et bien des impacts néfastes sur l’emploi des seniors.
Depuis le début de l’examen de ce texte, nous nous sommes opposés au report de l’âge de départ à la retraite pour de multiples raisons. Parmi elles, nous avons évoqué les conséquences de ce report sur l’emploi des seniors et des plus jeunes.
Actuellement, deux tiers des actifs de plus de 55 ans sont sans emploi, et plus de la moitié des personnes liquidant leur retraite sont au chômage au moment de le faire. Cette situation n’est pas nouvelle et pourtant, il a fallu attendre cette réforme pour que le Gouvernement, au détour d’un article, semble y attacher une importance.
Pour ces raisons je pense que vous faites, ici, l’aveu que cette réforme aura des conséquences catastrophiques pour l’emploi des seniors en faisant des jeunes retraités de vieux chômeurs.
Monsieur le ministre, si vous vouliez vraiment lutter contre le chômage des seniors, n’aurait-il pas fallu mettre en place des mesures d’envergure favorisant la poursuite de l’activité professionnelle jusqu’à 60 ans, au lieu de repousser, dès maintenant, la retraite à 62 ans ?
Cette réforme va aussi avoir des conséquences sur l’entrée des jeunes sur le marché du travail. Les 18-25 ans, rappelons-le, n’ont jamais été dans une situation aussi précaire où la dévalorisation des diplômes, le chômage de masse et les incertitudes qui pèsent sur leur avenir, à commencer par leur retraite, ne les poussent pas à l’optimisme, et je peux les comprendre. D’ailleurs, ils sont dans la rue pour vous le dire : entendez-les !
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Nicole Bonnefoy. En effet, les mutations actuelles du marché du travail conduisent à une précarisation structurelle de la situation des travailleurs. Aujourd’hui, un jeune diplômé doit passer par une phase de transition d’une dizaine d’années avant d’atteindre une stabilisation de sa situation professionnelle. Durant cette période, il sera amené à multiplier les emplois précaires, les temps partiels, les CDD, les périodes de chômage...
En repoussant l’âge de départ à la retraite et en ne prenant pas en compte les carrières fractionnées, vous occultez cette réalité. Vous ne permettez pas aux jeunes générations de prendre le relais des anciennes. Vous empêchez donc des salariés de pouvoir se reposer après une vie de travail, tout en ne permettant pas la libération de milliers d’emplois pour les plus jeunes.
C’est pour ces raisons que le groupe socialiste proposera la suppression de cet article qui n’apporte aucune solution réelle aux problèmes d’emplois des seniors.
De plus, cet article, tout comme l’article 31 l’a fait pour les femmes, est la parfaite illustration de la politique « de l’effet d’annonce » du Gouvernement qui a pour objectif, avant tout, de tenter d’anesthésier par des « mesurettes » les Françaises et les Français, mais qui ne répond en rien à leurs vrais problèmes. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 465 est présenté par M. Kerdraon, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau et Jeannerot, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 1096 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Teston, pour présenter l’amendement n° 465.
M. Michel Teston. L’article 32 prévoit la mise en place d’une nouvelle aide aux employeurs pour l’embauche de salariés de 55 ans ou plus en CDI ou en CDD d’au moins six mois. Cette aide représenterait 14 % du montant du salaire pendant une durée d’un an, sans limitation de montant.
En réalité, ce dispositif ne fait-il pas courir un risque d’insécurité aux salariés ? En effet, que peut-il se passer au bout d’un an ? Soit le salarié est en fin de CDD et l’employeur peut utiliser le dispositif pour recruter un autre salarié, soit l’employeur peut proposer au salarié un autre contrat, sur un poste différent.
Le salaire risque d’être diminué de 14 %, diminution que le salarié sera obligé d’accepter, compte tenu du recul de l’âge d’ouverture des droits, du nombre d’annuités nécessaires pour bénéficier d’une retraite à taux plein, et de la fin probable de l’allocation équivalent retraite.
Parallèlement, le Gouvernement se targue d’avoir mis en place des mesures supposées coercitives, bien qu’elles le soient en réalité fort peu, et qui ne donnent en tout cas aucun résultat probant.
Depuis le 1er janvier 2010, les entreprises d’au moins 50 salariés doivent être dotées d’un « plan en faveur de l’emploi des seniors », sous peine de se voir infliger une pénalité représentant au maximum 1 % de la masse salariale.
Ces plans doivent comporter un objectif chiffré de maintien dans l’emploi des salariés de plus de 55 ans et de recrutement des salariés de plus de 50 ans, ainsi que des mesures d’amélioration des conditions de travail et de prévention de la pénibilité, de développement des compétences et de la qualification, de formation, d’aménagement des fins de carrière et, enfin, de transmission des savoirs. Les entreprises entre 50 et 300 salariés peuvent être couvertes par un accord de branche étendu, et non d’entreprise.
Le bilan n’est pas brillant : à ce jour, une entreprise sur cinq s’engage à recruter des seniors, et 75 % de celles qui le font s’engagent dans la transmission des savoirs, ce qui signifie des périodes de tutorat, des salariés en « binôme jeune-senior », soit une sortie des seniors de l’emploi en douceur.
Les employeurs évitent ainsi les pénalités, les contentieux de licenciements, et peuvent diminuer les salaires des seniors par des temps partiels assortis de tutorat.
Ainsi, M. le ministre peut venir devant la commission des affaires sociales du Sénat expliquer que 250 entreprises seulement paieront la pénalité, que 80 accords de branche ont été signés ainsi que 33 900 accords d’entreprises.
Selon nous, il serait au moins nécessaire que l’inspection du travail procède annuellement au contrôle de la stricte application des accords et des plans d’action dans les entreprises.
Dans cette perspective, la mise en place d’une pénalité un peu plus dissuasive ne serait pas inutile. Elle pourrait par exemple être fixée à 3 %.
Nous connaissions jusqu’à présent le traitement statistique du chômage. Nous en venons aujourd’hui au traitement statistique de l’emploi des seniors. C’est la raison pour laquelle notre amendement vise à supprimer cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° 1096.
Mme Mireille Schurch. Le taux de chômage s’aggrave pour les plus de 50 ans. Je n’exposerai pas de nouveau les chiffres car ils ont été cités à maintes reprises et vous les connaissez parfaitement, monsieur le ministre.
Au vu des échecs des mesures précédentes pour renforcer l’emploi des seniors, nous ne pensons pas que ces nouvelles mesures laissent augurer un succès réel : ceux que l’on appelle « les seniors », ou les « salariés âgés », ou encore « les salariés à bout de souffle » – que je veux bien appeler « les vieux » – iront encore grossir les rangs des chômeurs à pôle emploi, ou devront se contenter d’un « ersatz » d’emploi.
Vous aviez pourtant exhorté les entreprises de 50 salariés et plus à se doter d’un accord sur l’emploi des seniors ou à définir un plan d’action sur le sujet, sous peine de pénalités financières. Bien rares sont celles qui ont embauché davantage de seniors.
Le recul de l’âge légal de 60 à 62 ans coûtera entre 440 millions et 530 millions d’euros par an à l’assurance chômage en 2018, et ce au vu des chiffres sur la situation de « l’emploi » desdits seniors.
L’allongement de l’âge légal de départ en retraite empêchera au moins 18 000 personnes au chômage de basculer à la retraite. Parmi elles figurent bien sûr beaucoup de femmes et personnes aux carrières heurtées, qui devront rester au chômage, voire aux minima sociaux, deux ans de plus. Je rappelle ici que le RSA, c’est 460 euros, soit un montant très inférieur au minimum vieillesse, qui ne s’élève qu’à 708 euros.
Pourquoi vouloir s’acharner à faire travailler les plus vieux quand les plus jeunes ne trouvent pas de travail, a-t-on pu entendre lors des manifestations, et aujourd’hui encore parmi la jeunesse ? La question résume toute l’absurdité dans laquelle nous sommes plongés aujourd’hui.
Nous ne pouvons vous suivre sur ce chemin à rebours de l’histoire, car nous pensons que la réduction de la durée de la vie de travail que permet l’augmentation de la productivité est la marque du progrès social.
Nous considérons que l’objectif d’une retraite « citoyenne » et « solidaire » est l’un des défis de société du XXIe siècle : penser les retraités comme des acteurs potentiels du développement social et local est tout de même une idée plus stimulante que celle qui consiste à les concevoir comme des « surcoûts » pour la société.
Derrière les retraites, ce qui est en jeu, c’est la place du travail et du temps libéré dans la vie, la place des travailleurs et des retraités dans notre société. Ce qui est en jeu aussi, c’est le type de développement humain que nous voulons promouvoir : sur ce sujet, monsieur le ministre, nos points de vue divergent fortement. À votre contre-réforme des retraites correspond un modèle dans lequel est exclue la possibilité d’utiliser les gains de productivité pour réduire la durée du travail et gagner du temps libre, un modèle où la société est vouée à jamais au productivisme.
Il en est tout autrement pour nous, et c’est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à voter notre amendement de suppression de l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Il s’agit de deux amendements de suppression de l’article 32. Cet article créé une aide à l’embauche des seniors. Nous pensons qu’il constitue un élément supplémentaire dans l’ensemble des mesures prises par le Gouvernement pour augmenter le taux d’emploi des seniors. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Je souhaiterais d’abord dire un mot sur ce que le Gouvernement attend comme impact de ces mesures de retraites sur le taux d’emploi des seniors. Le taux d’emploi des seniors va s’améliorer, bien sûr. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Christiane Demontès. C’est incantatoire !
M. Éric Woerth, ministre. Non, ce n’est pas incantatoire ! Nous nous appuyons sur des études. L’étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, montre qu’entre 2010 et 2018 le taux d’emploi augmenterait de 10 % pour les 55-59 ans, et d’un peu plus de 10 % pour les 60-64 ans. (M. Jean-Marc Todeschini s’exclame.) Ce sont des prévisions, certes, mais elles sont réalisées par les services de statistique du ministère.
Cette mesure vient en complément de celles qui ont déjà été prises pour améliorer le taux d’emploi des seniors en France. Je pense, par exemple, à l’augmentation du taux de la surcote, qui est passé de 3 % à 5 % dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, à la réforme de la mise à la retraite d’office, à la possibilité du cumul emploi-retraite, ou à la réforme de la limite d’âge dans la fonction publique. Nous avons par ailleurs fermé les préretraites publiques, en dehors, bien entendu, du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA. Nous pénalisons, enfin, les préretraites privées.
Ce sont autant de dispositions qui ne sont pas si faciles à prendre, et qui vont dans le sens de l’amélioration de l’emploi des seniors.
Je rappelle aussi que nous avons la profonde conviction que l’emploi des seniors n’est pas l’ennemi de l’emploi des jeunes. Ce n’est pas parce que des personnes partent à la retraite que les jeunes vont trouver un emploi. L’emploi, ce n’est pas le partage de l’emploi, c’est la résultante de la croissance d’un pays. C’est un point très important, qui nous fait penser que l’on peut améliorer le taux d’emploi des seniors en même temps que celui des jeunes.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Pour affirmer que le taux d’emploi des seniors va s’améliorer, monsieur le ministre, vous vous appuyez sur des prévisions pour 2018. Il faut tout de même être un peu sérieux, et regarder la situation actuelle pour se rendre compte que l’on est loin d’une prévision à la hausse pour le taux d’emploi des seniors.
Il y a un fossé entre les discours des politiques, des confédérations syndicales ou du patronat sur le vieillissement actif et la réalité dans les entreprises. Ce n’est pas moi qui le dis, monsieur le ministre, c’est Delphine Vegas, qui occupe la fonction de consultante chez Sextant Expertise.
Je vous ai déjà parlé du « consensus paradoxal », ou « faux consensus »... (M. le ministre s’entretient avec l’un de ses collaborateurs.) Je vous ai écouté, monsieur le ministre, essayez de m’écouter à votre tour !
Mme Annie David. Sur le terrain, je peux vous le dire, employeurs, syndicats, salariés et pouvoirs publics ont toujours de bonnes raisons à invoquer pour considérer les plus âgés comme première variable d’ajustement. Nous en avons tous des exemples autour de nous. On invoque, par exemple, le souhait pour les salariés de partir, car ils n’en peuvent plus. On invoque l’usure, la pénibilité du travail. Du côté des employeurs, on invoque également la paix sociale, qu’ils essaient parfois d’acheter en faisant partir les plus anciens. On invoque, enfin, les embauches que les départs anticipés pourraient favoriser.
La crise n’arrange rien, qui a vu se multiplier les licenciements ou les plans de départs volontaires ouvrant des boulevards aux seniors. Révélateur, la part des 55-64 ans au chômage – 3,2 % à la fin de l’année 2009 – est en nette hausse. C’est du jamais-vu depuis 2003.
Un exemple, chez HP-EDS, les plus de 57 ans représentaient plus de 40 % des 651 volontaires !
Le renchérissement de la fiscalité sur les allocations de préretraite, dans le but d’en limiter l’attractivité, n’arrête pas certains grands groupes, et vous le savez très bien.
Autre brèche dans la volonté publique de réduire les départs anticipés ou leur prise en charge par l’assurance chômage : le nombre important de ruptures conventionnelles de CDI parmi les seniors. Là encore, vous devez disposer de chiffres fournis par les services du ministère. Les spécialistes tirent, depuis longtemps, la sonnette d’alarme sur le risque que cette nouvelle rupture du contrat de travail favorise les cessations anticipées et s’ajoute aux contournements connus, par exemple, le déguisement juridique d’une rupture en raison de l’âge en licenciement pour faute. Cela concerne beaucoup les seniors.
Malheureusement, les faits semblent leur donner raison, puisque chez IBM Île-de-France, par exemple, un quart des cinquante-sept ruptures conventionnelles accordées en 2009 concerne des plus de 57 ans, selon la CFDT.
Certaines directions de Pôle emploi s’en inquiètent aussi. Ainsi, comme le pointe celle de Champagne-Ardenne, en 2009, 23 % des chômeurs inscrits à l’issue d’une rupture conventionnelle étaient âgés de 50 ans et plus, alors que, « tous motifs d’inscription confondus, les seniors représentent seulement 10 % de la demande d’emploi enregistrée au cours de la même période ».
Monsieur le ministre, en dépit de vos prévisions incantatoires, je ne pense pas que ce soit une nouvelle mesure d’exonération patronale qui permettra d’augmenter le taux d’emploi des seniors. En revanche, ce qui est certain, c’est qu’elle grèvera les recettes de notre protection sociale.
M. Roland Courteau. Très juste !
Mme Annie David. Empêchez donc les licenciements, faites en sorte que les entreprises maintiennent les salariés dans l’emploi jusqu’à 60 ans, l’âge de la retraite, faites en sorte que ceux qui ont un emploi ne le perdent pas pour des raisons économiques, à la suite de licenciements boursiers ou de délocalisations, comme c’est trop souvent le cas !
Je pourrais vous citer l’exemple, dans mon département, de Caterpillar qui, après avoir licencié plus de 600 salariés, embauche maintenant du personnel en intérim, y compris certains de ses anciens salariés, partis voilà seulement quelques mois au moment où a été mis en place le plan social.
Ce n’est pas normal, parce qu’il s’agit là de salariés de plus de 50 ans qui n’ont pas la possibilité de retrouver un emploi. Aussi, monsieur le ministre, faite en sorte qu’ils ne perdent pas cet emploi. Dès lors, vous n’aurez pas besoin d’accorder de nouvelles exonérations de charges patronales. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Mon propos rejoint celui d’Annie David. L’INSEE a dressé un constat, que nous connaissons tous : en 2009, en France, moins de 39 % des personnes âgées de 55 ans à 64 ans avaient un emploi, soit un niveau inférieur de sept points à la moyenne de l’Union européenne. Il faut savoir que le taux d’emploi des seniors est, en moyenne, beaucoup plus élevé dans certains États du nord de l’Europe.
Par ailleurs, selon les chiffres du ministère du travail publiés en août dernier, le taux de chômage des personnes âgées de 50 ans et plus a augmenté de plus de 17 % entre juillet 2009 et juillet 2010.
On serait en droit d’attendre de la part du Gouvernement des mesures qui s’inscriraient dans un ensemble cohérent en faveur de l’emploi des seniors. Or, avec cet article 32, il nous est proposé simplement quelques dispositions qui, tout au plus, favoriseront peut-être l’emploi de chômeurs en contrats précaires. En tout cas, cette nouvelle aide financière ne nous paraît pas répondre à la nécessité de conforter l’emploi des seniors dans notre pays.
C’est la raison pour laquelle, bien évidemment, nous maintenons notre amendement de suppression de cet article.
Monsieur le ministre, nous demandons au Gouvernement de s’atteler réellement à cette tâche et de proposer de vraies mesures en faveur de l’emploi des seniors. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.
M. André Trillard. Je voudrais simplement inviter certains de mes collègues…
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Lesquels ?
M. André Trillard. … à regarder au-delà des statistiques de 2009 et à étudier les publications de la Banque de France, qui sont toujours très intéressantes.
Elles montrent que, dans le département que je représente, le niveau de l’emploi a rattrapé celui de 2008, la situation s’améliore et tous les indicateurs sont au vert. Je ne pense pas que la Banque de France soit composée de joyeux farceurs qui dénaturent la réalité.
Aussi, je ne saurais que trop encourager nos collègues, et particulièrement Mme David, à lire avec intérêt ces publications ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Chacun ses références !
M. Adrien Gouteyron. Vous devriez élargir votre horizon, monsieur Fischer !
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Peut-être n’avons-nous pas la même culture, mon cher collègue, pourtant nous vivons apparemment dans le même monde. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Comment comprendre que ce projet de loi sur les retraites soit déconnecté d’une politique de l’emploi ? Réformer le système des retraites en pleine phase de hausse du chômage est particulièrement inopérant. Vous savez parfaitement que l’amélioration du marché du travail est essentielle non seulement pour l’emploi des seniors, mais aussi pour les jeunes : un point de masse salariale supplémentaire représente 1,9 milliard d’euros de cotisations supplémentaires.
Pour rendre efficace l’emploi des seniors, il faut concevoir des projets leur permettant d’accéder à la formation continue, adapter les postes de travail à des salariés plus âgés, développer de nouvelles carrières et, surtout, changer les représentations de l’âge.
Pourtant, nous en sommes loin dans les pratiques managériales des entreprises. (Oh ! sur plusieurs travées de l’UMP.)
Les départs précoces y sont devenus un outil essentiel dans la gestion des ressources humaines. Ils permettent une baisse des rémunérations, facilitent les restructurations et les changements d’organisation et accélèrent les promotions internes. Pour que les entreprises abandonnent ces pratiques, des sanctions positives et négatives sont nécessaires.
L’aide à l’embauche des seniors ne suscite pas un enthousiasme effréné, y compris du côté patronal. Voici ce que déclarait Mme Parisot : « Un allégement par cible de personnes est assez peu efficace et même discriminatoire. »
En réalité, au-delà des déclarations lénifiantes et des dispositifs d’aide financière aux employeurs, la question qui fait surface, après avoir été longtemps confinée à des rapports confidentiels, est celle du salaire des seniors.
Oui, mes chers collègues, décidément, encore une fois, ce sont les coûts salariaux qui préoccupent certains chefs d’entreprise et non la valorisation humaine du savoir-faire et du savoir-être des seniors dans l’entreprise.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 465 et 1096.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 276 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
L'amendement n° 466 est présenté par M. Kerdraon, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau et Jeannerot, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 1097 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Supprimer les mots :
ou à durée déterminée d’au moins six mois
La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l’amendement n° 276.
M. Jacques Muller. Nous ne pouvons évidemment qu’être favorables à la mise en œuvre de mesures efficaces, relevant d’une politique active de l’emploi, y compris celui des seniors, car c’est bien l’emploi qu’il faut développer avant de vouloir réformer le système de retraite en difficulté, mais pas n’importe quel emploi. Si l’on veut développer l’emploi, il faut qu’il s’agisse d’emplois socialement utiles et de bonne qualité, c'est-à-dire des emplois non précaires.
Regardons la réalité en face. Actuellement, l’inquiétude des salariés âgés n’est pas tant de travailler au-delà de 60 ans que de pouvoir conserver un emploi jusqu’à 60 ans ! En effet, le taux d’emploi des plus de 50 ans en France, de l’ordre de 38 % seulement, est l’un des plus faibles d’Europe.
Basculer dans le chômage après 50 ans est aujourd’hui dramatique. Le retour à l’emploi relève d’une mission quasi impossible.
Monsieur le ministre, vous considérez le travail jusqu’à 62 ans pour bénéficier de la retraite comme une nécessité, en quelque sorte comme un devoir, alors que le travail au-delà de 50 ans n’est plus, depuis longtemps, un droit.
En retardant l’âge de la retraite à 62 ans et l’âge de départ à la retraite sans décote à 67 ans, vous invitez implicitement les seniors chômeurs, toujours plus nombreux, à rester chômeurs plus longtemps.
Certes, vous prévoyez des mesures pour favoriser l’emploi des plus de 55 ans, mais pourquoi obliger les seniors actifs à travailler plus longtemps, alors que le chômage des jeunes connaît une véritable explosion ? Aujourd’hui, plus de 25 % des jeunes sont au chômage !
M. Roland Courteau. Hélas !
M. Jacques Muller. La mobilisation de la jeunesse en ce moment devrait vous interpeller : elle est l’expression d’une profonde souffrance sociale.
Puisqu’il faut développer l’emploi des seniors pour faire remonter un taux d’emploi particulièrement faible, pourquoi ne pas privilégier l’emploi de qualité, c'est-à-dire le contrat à durée indéterminée ? Pourquoi encourager une fois encore les emplois précaires pour les salariés en fin de carrière ?
Cet amendement vise à ce que l’incitation à l’embauche des seniors permette de développer un emploi stable, et non des contrats à durée déterminée.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à l’adopter.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour présenter l'amendement n° 466.
Mme Odette Herviaux. Cet amendement, comme celui qui vient d’être présenté à l’instant, tend à supprimer la possibilité pour les entreprises de bénéficier d’une aide à la charge de l’État pour embaucher des salariés âgés de 55 ans ou plus pour une durée d’au moins six mois.
D’un côté, on nous propose d’augmenter l’âge de départ à la retraite ; de l’autre, on encourage, grâce à une aide financière importante, les entreprises à garder les seniors, même si ce doit être au moyen d’une sorte de turnover de quelques mois chaque fois.
Cette mesure permettra de multiplier les contrats précaires en jouant sur les qualifications différentes de postes. C’est un encouragement à la précarisation des salariés âgés, comme l’a très bien expliqué Jacques Muller.
C’est le signe aussi que le Gouvernement considère que, après tout, les préjugés d’un certain nombre d’employeurs à l’égard des salariés seniors sont peut-être justifiés : les salariés âgés seraient démotivés, moins productifs ou, surtout, coûteraient trop cher.
Une nouvelle fois, ce type de disposition n’aboutira qu’à changer l’ordre de la file d’attente des chômeurs et à créer, là encore, des effets d’aubaine pour les entreprises.
Monsieur le ministre, j’aurais presque envie de vous soumettre un problème du même type que celui qui consiste à calculer l’âge du capitaine : sachant qu’un tiers des salariés de plus de 55 ans est en recherche d’emploi, il faudrait exercer une dizaine de CDD d’environ six mois ou plus pour parvenir à 60 ans, voire quatre de plus pour parvenir à 62 ans. Combien de temps les chercheurs d’emploi auront-ils passé à Pôle emploi pour trouver quatorze CDD en aussi peu de temps ? En outre, combien l’État aura-t-il versé au bout du compte pour favoriser une éventuelle embauche, ou, plus exactement, le turnover de ces seniors ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 1097.
Mme Marie-Agnès Labarre. L’article 32, comme cela a été dit, prévoit la mise en place d’un nouveau contrat aidé. Les employeurs percevront, à leur demande, une aide à l’embauche s’ils recrutent un demandeur d’emploi âgé de 55 ans ou plus, inscrit sur les listes des demandeurs d’emploi.
L’aide à l’embauche, qui prendra la forme d’une exonération partielle ou totale de cotisations sociales afférentes à ce contrat, sera versée en cas de recrutement du senior en CDI ou en CDD d’au moins six mois.
Comme nous l’avons déjà dit lors de notre intervention sur article, nous ne croyons pas à l’efficacité d’une énième mesure d’aide à l’embauche des seniors.
Nous dénonçons les effets d’aubaine que cette mesure ne manquera pas de créer. En effet, chaque création de contrat aidé – trente-cinq heures, contrat nouvelle embauche, bas salaire, etc. – s’est accompagnée de son lot d’effets d’aubaine ou de choix opportunistes de la part des employeurs.
Au demeurant, c’est naturel : puisque le Gouvernement offre à ces derniers cette faculté, ils la prennent et disent simplement merci ! Malheureusement, ces mesures n’ont qu’un effet très limité sur de vraies embauches. Le dernier exemple en date concerne l’abaissement de la TVA dans la restauration.
Mais le dispositif s’accompagnera encore moins d’effets positifs sur l’emploi des seniors si l’aide est attribuée pour une embauche en CDD de six mois.
Tout au plus va-t-on assister à la conclusion de multiples contrats et à leur rupture six mois plus tard, un simple effet de retard qui risque de développer encore la précarisation des seniors.
Le Gouvernement est-il à ce point aux abois qu’il cherche des bouées de sauvetage, même pour six mois ?
Avec cet amendement de repli, nous vous proposons de réserver l’aide à l’embauche aux salariés de 55 ans ou plus qui seront recrutés en CDI.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Les amendements nos 276, 466 et 1097 tendent à supprimer l’aide à l’embauche pour les CDD d’au moins six mois. Une telle restriction nuirait à l’efficacité du dispositif. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements.
Loin de moi l’idée de céder à la caricature, mais j’ai l’impression que vous ne croyez pas à la possibilité de développer l’emploi des seniors. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Selon vous, la meilleure façon de régler la question serait de mettre les gens à la retraite, donc de les exclure du marché du travail. Lorsque nous soutenons qu’ils peuvent y rester, vous répondez que les entreprises n’en voudront pas. Il s’agit, me semble-t-il, d’une vision quelque peu fataliste !
Je considère, pour ma part, que les seniors ont leur place et beaucoup d’avenir dans l’entreprise. Les études la DARES, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, montrent l’évolution de la vision des chefs d’entreprise quant à l’âge auquel on devient un senior. Voilà trois ou quatre ans, on était considéré comme un senior à 55 ans, contre 58 ans aujourd’hui. Cela reste certes insuffisant, mais cela témoigne de l’évolution culturelle que connaît notre pays. Il faut donc tout faire pour développer l’emploi des seniors.
Les mesures que nous prévoyons dans ce texte sont en fait des coups de pouce. Nous mettons en place des allégements de charges, des subventions qui viennent en déduction de charges sociales. C’est une politique somme toute assez classique, inventée voilà bien longtemps avec les 35 heures et qui a depuis évolué.
L’allégement de charges que nous envisageons pour financer la retraite est un allégement ciblé, sur les CDI, certes, mais aussi sur certains CDD. Proposer un CDD de plus de six mois à un senior, ce n’est pas rien, c’est lui mettre le pied à l’étrier.
Il faut conserver la souplesse du dispositif, et c’est pourquoi je suis défavorable à ces trois amendements.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, la politique que vous mettez aujourd’hui en œuvre avec cet article n’est pas nouvelle. Vous vous y êtes déjà essayé par le passé, notamment avec la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, dont nous avons demandé l’abrogation. J’aurais d’ailleurs bien aimé savoir combien d’emplois ont pu être créés grâce à cette loi, mais aussi combien d’emplois n’ont pas été créés précisément du fait de cette loi ! Mais la fiscalité n’étant pas l’objet de notre discussion, je n’attends pas de réponse ce soir.
En revanche, je souhaite vous poser une question à laquelle vous pouvez répondre.
Depuis janvier 2010, les entreprises d’au moins 50 salariés ou appartenant à un groupe d’au moins 50 salariés encourent une pénalité si elles ne sont pas couvertes par un accord d’entreprise, un accord de groupe ou un plan d’action relatif à l’emploi. L’étendue du choix est donc assez vaste.
Cela nous ramène aux fameux feux vert, orange et rouge évoqués par M. Darcos, qui ont bien vite été mis au rebut, tant le nombre élevé de feux rouge était inquiétant pour les entreprises et, par voie de conséquence, pour le Gouvernement.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer combien d’entreprises sont aujourd’hui couvertes par ce type d’accord et combien ont fait l’objet de la pénalité prévue en cas d’absence d’accord, pénalité qui s’élève, je le rappelle, à 1 % de la masse salariale ?
Par ailleurs, au nombre des mesures que vous avez évoquées, figure le durcissement de la fiscalité. J’ai déjà eu l’occasion de vous dire ce que je pensais d’une telle disposition. Développer le cumul d’un emploi et d’une retraite ne fera que favoriser les salariés experts dans leur métier, ceux qui peuvent se projeter dans un emploi qui les motive véritablement. Cette possibilité de cumul débouchera soit sur l’augmentation de ce type d’emploi, soit sur l’obligation, pour les travailleurs pauvres, de continuer à travailler après l’âge légal de départ à la retraite. En effet, vous le savez, la majorité des salariés qui peuvent partir à l’âge légal de la retraite sans être contraints de continuer à travailler le feront.
Vous pouvez élaborer toutes les stratégies que vous voulez, des blocages culturels subsisteront, que ce soit chez les salariés qui, à 60 ans, souhaitent profiter d’une retraite bien méritée, ou de la part des entreprises qui voient dans les « quinquas » des salariés usés, moins corvéables, moins flexibles, moins « à la botte », si vous me permettez cette expression un peu familière…
M. Dominique Braye. Un peu trop !
Mme Annie David. …. – la fatigue commence à se faire sentir ! –, ...
Mme Annie David. … bref, des salariés qui répondront moins facilement aux exigences du patronat.
Monsieur le ministre, nous ne refusons pas de demander aux gens de travailler après 58,5 ans, mais, aujourd’hui, bien que vous ne vouliez pas l’entendre, les salariés âgés de 58,5 ans sont hors de l’emploi. Dès lors, tant que vous ne nous proposerez pas des mesures qui permettent réellement aux salariés de travailler, vous n’apporterez rien aux seniors.
Vous pouvez nous présenter les choses de la manière que vous voulez, vous ne parviendrez pas à nous convaincre.
M. Dominique Braye. Nous n’essayons même pas ! On ne peut pas faire boire un âne qui n’a pas soif ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. Pour véritablement stimuler l’emploi des seniors, il faut les maintenir dans l’emploi. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Vous n’y connaissez rien !
Mme Annie David. Vous aurez beau crier, mes chers collègues, il me reste encore une minute et vingt-quatre secondes de temps de parole, et je peux, si j’en ai envie, continuer à vous parler de l’emploi des seniors, de ce qui se passe dans les entreprises. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. Vous n’y connaissez rien !
Mme Annie David. Peut-être devriez-vous de temps en temps faire des stages dans les entreprises ? (La voix de l’orateur est couverte par les exclamations sur les travées de l’UMP.)
Monsieur le président, normalement, l’orateur a seul la parole. Mais ce n’est pas grave, j’aime bien qu’il y ait des échanges dans cet hémicycle…
M. Jacques Berthou. C’est Dominique Braye qui provoque !
Mme Annie David. Notre collègue Braye n’est effectivement pas le dernier à hurler depuis son siège. Mieux vaudrait qu’il prenne la parole et qu’il nous dise devant un micro ce qu’il pense, plutôt que de crier sans cesse et d’insulter tout le monde.
M. Dominique Braye. Si c’est pour dire les mêmes bêtises que vous…
Mme Annie David. Savez-vous, monsieur le sénateur, que vous pourriez être soumis à des sanctions ? (Hou ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Nous l’avons appris récemment, je ne sais plus si c’est lors d’une conférence des présidents ou d’une réunion de bureau. Le règlement prévoit que des sanctions pouvant aller jusqu’à la mise à pied des sénateurs qui se montrent irrespectueux dans cet hémicycle. Peut-être devrait-on commencer par vous ? (Rires et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Si le ridicule tuait, vous ne seriez plus là !
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Personne dans cet hémicycle ne peut contester la nécessité d’une politique active de l’emploi pour les seniors au regard de leur taux d’emploi particulièrement faible, qui distingue la France des autres pays d’Europe. Le maintien de l’emploi devrait être une priorité.
Le refus de la commission et du Gouvernement de lier l’aide aux entreprises à la création des seuls CDI me paraît emblématique de leur vision, et ce pour deux raisons.
D’abord, force est de constater que, décidément, le travail précaire est devenu la norme. C’était déjà le cas dans les faits, hélas ! Mais, aujourd’hui, on veut l’inscrire dans la loi.
Ensuite, ce refus traduit un déni de la réalité. Le retour à l’emploi est particulièrement malaisé pour les aînés, ceux qui ont plus de cinquante ans. Lorsqu’ils auront achevé leur CDD, ils basculeront dans le chômage et connaîtront à nouveau une situation difficile.
Il faut engager une politique active de l’emploi en direction des seniors. Je ne peux pas imaginer que l’on rejette des amendements qui visent tout simplement à permettre la création d’emplois normaux, c’est-à-dire d’emplois en CDI. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. J’ai été quelque peu surpris par l’agressivité dont a fait l’objet Annie David (Oh ! sur les travées de l’UMP.), alors qu’elle ne faisait que défendre des positions tout à fait naturelles. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Pour une personne de plus de 50 ans, chercher du travail est devenu un vrai calvaire.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Martial Bourquin. Ignorer cette réalité, c’est être en dehors du monde d’aujourd’hui.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas croyable !
M. Martial Bourquin. Dans de nombreuses entreprises, les salariés âgés de 52 à 55 ans sont systématiquement touchés par les plans sociaux.
Aborder la question dans cette enceinte montre la bonne santé du Sénat. Cela veut dire qu’il n’est pas loin des réalités du pays.
Notre collègue Annie David a été interrompue d’une manière pour le moins disgracieuse, alors que nous évoquions tout à l’heure encore la place des femmes dans nos sociétés. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Yann Gaillard. Cela suffit !
Mme Annie David. Cela démontre qu’il y a encore du chemin à faire !
M. Martial Bourquin. Par ailleurs, ne sous-estimons pas la gravité de la situation des seniors. On ne pourra pas y remédier avec les seules dispositions qui sont proposées, c’est-à-dire des bonifications et des allégements de charges.
La place des seniors dans notre société relève d’une mutation culturelle. Les pays qui ont réussi à régler ce problème sont ceux qui ont opéré cette mutation culturelle, ceux qui ont refusé que les plans sociaux touchent systématiquement les seniors.
J’ajoute que les seniors possèdent souvent un savoir-faire, un savoir-être. C’est en opérant des tuilages savants avec les générations suivantes que le savoir-faire des entreprises peut être transmis.
C’est pourquoi les interruptions qui ont entrecoupé les propos de Mme David m’ont semblé déplacées.
M. Jacques Berthou. Absolument !
M. Martial Bourquin. La situation des seniors, la disparité entre les hommes et les femmes, la pénibilité du travail ont amené des centaines de milliers, des millions de manifestants à descendre dans la rue aujourd’hui encore.
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Oui, des milliards ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Martial Bourquin. Tout à l’heure, j’ai interrogé M. le ministre, lui demandant quand il allait enfin ouvrir des négociations sur ce projet, complètement dépassé et rejeté par la majorité de la population. J’attends, comme nombre de mes collègues, une véritable ouverture, et non une fermeture.
Il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Je sais que la surdité est une maladie, mais je vise ici la surdité politique. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Christiane Demontès. Voilà !
M. Martial Bourquin. Il y a une surdité politique de la part du Gouvernement et de la majorité. Il faudra bien un jour engager des négociations, rouvrir le dossier de la réforme des retraites qui a été bâclé et qui est conduit sur le dos des salariés. C’est tout à fait inadmissible ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Le Gouvernement est sourd lorsque des centaines de milliers, des millions de manifestants descendent dans la rue. (Des milliards ! sur les travées de l’UMP.)
En revanche, il est tout ouïe lorsqu’il est question de Mme Bettencourt, … (Huées sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Démago !
M. Martial Bourquin. Oui, je le dis…
M. Dominique Braye. Populiste ! Provocateur !
M. le président. Mes chers collègues, un peu de calme, je vous prie ! Laissez M. Bourquin conclure son explication de vote.
M. Martial Bourquin. Je vous remercie, monsieur le président.
Le Gouvernement, disais-je, est tout ouïe devant les 1 100 contribuables qui ont reçu quelque 360 000 euros d’avoir fiscal.
Mme Christiane Demontès. En moyenne !
M. Michel Doublet. Et alors ?
M. Martial Bourquin. Rendez-vous compte, des personnes qui exercent des métiers difficiles vont devoir travailler deux années de plus alors qu’elles sont usées par le travail, tandis que, dans le même temps, on envoie des chèques d’un montant moyen de 360 000 euros à 1 100 contribuables !
Politiquement sourd au peuple, mais tout ouïe devant les plus privilégiés de notre société, voilà ce qu’est ce gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. On ne peut pas laisser interrompre Mme David comme cela ! (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
Ce qui vous gêne,…
M. Dominique Braye. C’est vous !
M. Guy Fischer. …– et le problème deviendra inexorablement d’une actualité accrue –, ce sont les millions de Français qui manifestent ! (Des milliards ! sur les travées de l’UMP.)
Je ne plaisante pas ! Ils sont déterminés, et vous pouvez bien raconter ce que vous voulez…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est vous qui racontez ce que vous voulez !
M. Guy Fischer. … tout le monde, y compris votre police, s’accorde pour dire qu’il y avait aujourd’hui bien plus de manifestants que lors des précédentes manifestations. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.) C’est la vérité !
M. Robert del Picchia. Non !
M. Guy Fischer. Quand on examine les procédures employées actuellement par les patrons en France concernant le travail des seniors, on perçoit une volonté de se trouver en concordance avec ce qui a pu se faire dans les pays scandinaves, notamment. Nous savons bien que ces pays ont une culture totalement différente de la nôtre.
M. Josselin de Rohan. Il n’y a pas la CGT là-bas ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Monsieur de Rohan, heureusement que, en France, il y a la CGT ! (Protestations prolongées sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme Annie David. Oui, heureusement !
M. Guy Fischer. Croyez-moi, de plus en plus de travailleurs se reconnaissent dans ce syndicat et dans d’autres. (Marques d’ironie sur les mêmes travées.)
L’autre réalité, c’est que les plans sociaux continuent et que l’on utilise de plus en plus de nouveaux outils, comme les ruptures conventionnelles. Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous en donniez le nombre exact.
Mme Annie David. Et les âges !
M. Guy Fischer. Dans ma commune, Vénissieux, qui est traditionnellement la plus industrielle de la région Rhône-Alpes avec Lyon, de grands groupes, notamment Bosch, se délectent véritablement avec les ruptures conventionnelles.
Or nous savons aujourd’hui que tous les dispositifs d’allégement de charges conduisent à un véritable pillage des finances publiques. Vous êtes dans l’impossibilité de nous dresser le bilan de ces allégements de charges par rapport au nombre d’emplois créés.
M. Alain Vasselle. C’est une conséquence des 35 heures !
Mme Annie David. C’est faux !
M. Guy Fischer. C’est là un des points importants que je veux souligner.
Si l’on regarde la réalité, deux chiffres sont marquants.
D’une part, on s’aperçoit qu’une très grande majorité de travailleurs ont cessé de travailler à 58,5 ans ; ils utilisent un certain nombre de dispositifs qui les mèneront jusqu’à la retraite.
D’autre part, on sait bien que, en 2010, la moyenne d’âge de la liquidation des retraites est de 61,5 ans.
Ces deux chiffres sont à prendre en compte si l’on veut vraiment accompagner les seniors dans l’entreprise, leur permettre de poursuivre leur vie active, engager une politique active de formation professionnelle, de valorisation des savoir-faire. C’est dans ce sens que nous avons présenté cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 276, 466 et 1097.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 467, présenté par M. Kerdraon, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau et Jeannerot, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'aide ne peut être accordée lorsque l'entreprise a procédé, dans les six mois précédents, à un licenciement économique au sens de l'article L. 1233-3, sur le poste pour lequel est prévue l'embauche, ni lorsque l'entreprise n'est pas à jour de ses obligations déclaratives et de paiement à l'égard des organismes de recouvrement des cotisations et des contributions de sécurité sociale ou d'assurance chômage.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à prévenir le détournement prévisible du dispositif d’aide financière aux employeurs.
De nombreuses mesures possibles pour l’emploi des seniors semblent avoir été utilisées, notamment la suppression de la « contribution Delalande » et du plafond de revenus en cumul emploi-retraite, les surcotes pour les plus de 60 ans encore en activité, les aides aux employeurs pour embaucher des seniors en contrats précaires, les reports de l’âge de la retraite.
Une seule mesure n’a pas encore été médiatisée, celle de la baisse des salaires des seniors. Mais on trouve opportunément cette suggestion dans le rapport de septembre 2010 de l’Institut Montaigne, organisme dirigé par Claude Bébéar :
« Si les chômeurs âgés ont un faible taux de retour à l’emploi, c’est en partie en raison de la rigidité des salaires. Aux États-Unis, les chômeurs âgés retrouvent plus facilement un emploi, mais avec des pertes de salaires substantielles. L’évaluation du système britannique semble montrer que ce type de mesures est vraiment incitatif. »
Cette théorie omet de rappeler que les seniors, dans les pays anglo-saxons, sont souvent obligés d’occuper un emploi et demi, voire deux emplois, pour survivre et que leurs retraites sont très insuffisantes, puisqu’ils ne reçoivent que le reliquat de la rémunération des principaux actionnaires institutionnels des fonds de pension.
Les auteurs de ce rapport proposent de supprimer l’âge légal de départ à la retraite, en fait, tout âge d’ouverture des droits, et de fixer une surcote de 7 % par an, au-delà d’une durée nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein à 44 annuités.
Ils indiquent qu’il convient de développer la mobilité et d’adapter la rémunération au poste occupé. Ils évoquent « d’autres pays industrialisés où l’évolution des salaires suit une hausse jusqu’à un âge compris entre 50 et 55 ans, puis une baisse de 10 % à 15 % ensuite ».
Dans la même perspective, les auteurs proposent d’« assouplir le CDI, qui présente une rigidité inadaptée à la souplesse exigée des entreprises par le marché et l’évolution souhaitable des carrières ». Ainsi, la flexibilité serait obtenue en autorisant la modification du contrat de travail, en distinguant une partie fixe comprenant le métier et les éléments listés de rémunération, et une partie variable incluant, entre autres, les fonctions additionnelles et le temps de travail.
Les conditions du licenciement seraient bien entendu assouplies en développant les contrats de mission.
M. Jean-Claude Carle. C’est l’heure !
M. Roland Courteau. Enfin, le statut-cadre serait supprimé, parce qu’il « gêne la progression des carrières ». (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mon cher collègue, il est temps de conclure !
M. Roland Courteau. Comme on le constate, la mise en œuvre de ce programme de précarisation, de baisse des salaires et de la protection sociale est déjà bien entamée, avec plus ou moins de clarté, par les gouvernements de droite qui se sont succédé depuis 2002. (C’est trop long ! sur les travées de l’UMP.)
Voilà pourquoi nous vous demandons d’adopter cet amendement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Mes chers collègues, vous avez largement la possibilité de vous exprimer dans les temps de parole qui vous sont impartis. Je demande instamment à chacun de les respecter.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
Pour autant, cet alinéa 4, qui résume un dispositif législatif d’aide à l’embauche des seniors, est volontairement simple. Il pourrait peut-être être plus opérationnel, mais certaines précisions nous manquent.
Monsieur le ministre, pourriez-vous préciser les conditions de cette aide, dont les modalités seront prévues dans un futur décret en Conseil d’Etat ?
Nous nous interrogeons plus spécialement sur les obligations des entreprises, puisque l’on sait que les chômeurs pourraient être embauchés en CDD ou CDI.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Cet amendement tend à poser deux conditions qui sont, d’une part, de ne pas avoir procédé à un licenciement économique dans les six mois précédents et, d’autre part, d’être à jour de ses obligations déclaratives et sociales.
Même si elles sont plutôt d’ordre réglementaire, ces dispositions peuvent figurer dans le texte. C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements.
L'amendement n° 468, présenté par M. Kerdraon, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau et Jeannerot, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'intégralité des aides perçues par l'entreprise est restituée en cas de cumul continu ou discontinu d'embauches de plus de deux demandeurs d'emploi âgés de cinquante-cinq ans ou plus sur une durée de vingt-quatre mois.
La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Cet amendement de bon sens s’inscrit dans la continuité de l’amendement n° 467. J’espère qu’il aura le même sort que ce dernier.
Il s’agit, pour les entreprises, de restituer les aides qu’elles ont perçues en cas de fraude de leur part tendant à détourner ces aides.
En effet, dans sa rédaction actuelle, l’article 32 n’empêche nullement les entreprises de procéder à des licenciements économiques pour, par la suite, procéder au recrutement d’un demandeur d’emploi de plus de 55 ans sur le même poste.
L’entreprise pourrait alors bénéficier d’une aide à l’embauche, alors qu’un tel comportement est inadmissible et doit être sanctionné.
Il s’agit juste de participer à un vaste programme de précarisation en fondant sur de mauvaises motivations le recrutement des seniors, ceux-ci devenant alors une variable d’ajustement.
Ce n’est pas l’incitation financière qu’il faut développer ; c’est la place des seniors dans l’entreprise qui est à réinventer. Je vous le répète, il importe de modifier la vision que notre société a de ses aînés.
Nous pensons « emploi des seniors », vous pensez à tort « chômage des seniors ».
Nous proposons des mesures efficaces pour intégrer les seniors dans l’entreprise tout en prenant en compte leurs besoins et ceux de l’entreprise.
Dans un souci de justice et d’honnêteté, il nous semble indispensable d’organiser les sanctions à l’encontre des entreprises qui profiteraient de l’aide à l’embauche de manière sournoise.
Je ne fais pas de procès d’intention. Il s’agit en l’occurrence de prévention.
Ainsi, rien n’empêchera l’employeur de ne pas reconduire le CDD du salarié engagé pour six mois, et d’en recruter un autre.
Belle incitation à la précarité ! Belle incitation au détournement ! Belle incitation aux abus ! Pour l’instant, l’amour des entreprises pour les seniors est purement théorique.
C’est pourquoi nous vous proposons cet amendement, qui vise à sanctionner les dévoiements de la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 380 rectifié, présenté par MM. Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'intégralité des aides perçues est restituée en cas de cumul continu ou discontinu d'embauches de plus de deux demandeurs d'emploi âgés de cinquante-cinq ans ou plus sur une durée de vingt-quatre mois. »
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. À la différence des auteurs de l’amendement n° 468, qui avaient placé leur amendement après l’alinéa 4, nous proposons, nous, de l’insérer après l’alinéa 6. Sinon, la rédaction est identique.
Une fois encore, j’ai écouté avec la plus grande attention M. le ministre, et j’ai été sensible à ses arguments.
S’il est vrai qu’il ne s’agit pas de donner un coup de pouce aux seniors, il ne faut pas non plus donner un coup de main trop important aux employeurs indélicats.
Tel est le sens de notre amendement, qui s’inscrit dans le même esprit que celui de notre collègue.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Comme je viens de le dire, les conditions de l’utilisation de l’aide à l’embauche des seniors seront fixées par un décret en Conseil d’État.
L’amendement que vous proposez limiterait à deux personnes sur une durée vingt-quatre mois l’utilisation de cette aide. Cela nous paraît tout de même assez limitatif.
Donc, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Si quelqu’un use d’un droit de façon abusive, les procédures judiciaires d’abus de droit peuvent être engagées. Donc, le présent amendement ne nous semble pas justifié.
C’est pourquoi le Gouvernement suit l’avis de la commission.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Pour ma part, je voterai bien entendu l’amendement défendu par notre collègue Anne-Marie Escoffier.
Je veux dire aussi combien cette situation a quelque chose d’ubuesque. D’un côté, on incite à juste titre les chefs d’entreprises à embaucher des seniors. Mais, de l’autre, si ces derniers recherchent un contrat, à durée déterminée ou indéterminée, c’est souvent parce qu’ils ont été préalablement licenciés d’une autre entreprise… En réalité, il aurait fallu avant tout pénaliser fortement les entreprises qui ne gardent pas leurs seniors ! (Mmes Raymonde Le Texier et Annie David acquiescent.)
M. Gérard Longuet. C’était le but de la contribution Delalande. Elle a échoué !
M. François Fortassin. Ce n’est pas parce que cette contribution, mal conçue, a échoué qu’il faut persister dans cette voie.
Pourquoi est-il important que les seniors restent dans les entreprises, qu’ils se sentent utiles et qu’ils aient envie de continuer à travailler ? Tout simplement parce que le brassage des générations est indispensable à l’entreprise, en particulier si des formes de tutorat sont instaurées.
Les seniors ou, à tout le moins, les personnes les moins jeunes peuvent faire profiter de leur expérience les plus jeunes générations, qui ont certes beaucoup plus d’allant, mais qui peuvent aussi parfois commettre des erreurs.
Cette harmonie entre générations est à l’image de la société. On ne pourrait pas s’opposer à vos propositions, monsieur le ministre, si, parallèlement, vous aviez travaillé sur des mesures susceptibles de contraindre autant que faire se peut les entreprises à garder leurs employés.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que si certains employeurs ne respectaient pas la loi, on ferait en sorte qu’ils la respectent.
Pourtant, rien de tel n’est prévu dans l’article 32, qui se contente d’indiquer que « l’aide, à la charge de l’État, représente, pour une durée indéterminée, une fraction du salaire brut versé chaque mois aux salariés dans la limite du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale », et de renvoyer à un décret en Conseil d’État les conditions et les modalités d’application de l’aide.
Je rappelle que cet article du projet de loi prévoit qu’une aide sera accordée aux employeurs pour l’embauche, en contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée d’au moins six mois, de demandeurs d’emploi âgés de 55 ans ou plus.
Le risque est que les entreprises embauchent successivement une série de demandeurs d’emplois en CDD de six mois et que, au final, cette mesure ne contribue pas véritablement à maintenir les salariés de plus de 55 ans dans l’emploi.
C’est pourquoi la précision contenue dans ces amendements me semble judicieuse, en ce qu’elle permet de limiter le recours à des CDD consécutifs. En effet, je ne sais pas comment les salariés pourront travailler jusqu’à l’âge de 62 ans s’ils doivent, à partir de 55 ans, cumuler les petits boulots et aller de CDD en CDD !
M. le rapporteur estime qu’il serait dommage de limiter le champ de cette aide à l’embauche de deux salariés successifs. Mais veut-on favoriser le retour et le maintien de l’emploi des salariés âgés de plus de 55 ans ou, une fois encore, accorder des exonérations patronales aux employeurs ?
Si vous optez pour la seconde hypothèse, je comprends que vous vouliez repousser ces amendements. En revanche, si vous voulez véritablement que les salariés de plus de 55 ans retrouvent définitivement un emploi en CDI, il faut voter ces amendements.
C’est ce que je vous invite à faire, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.
M. Ronan Kerdraon. Je regrette que ces amendements aient reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement. Ils visaient non pas à stigmatiser le monde de l’entreprise, mais simplement à revaloriser l’emploi des seniors et à mettre en pratique ce vieil adage : « Mieux vaut prévenir que guérir. »
Voilà quelques années, quand les communes se battaient pour attirer des entreprises sur leurs zones artisanales, je me souviens qu’on leur allouait des subventions. Une fois le délai passé, les entreprises appliquaient une autre vieille maxime : « Prends l’oseille et tire-toi ! »
Par cette proposition, nous voulions tout simplement vous aider à crédibiliser vos propositions. C’est pourquoi nous déplorons votre refus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 967, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les employeurs qui, sous quelque forme que ce soit, remettent en cause les accords concernant le temps de travail visés à l'article 10 de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi perdent immédiatement le bénéfice de l'application de cette mesure.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Comme vous le savez sans doute, mes chers collègues, de plus en plus d’entreprises organisent ce qu’elles appellent des « référendums », ce que, pour notre part, nous appelons un chantage permanent à l’emploi.
La question posée est toujours la même : acceptez-vous de réduire considérablement vos droits sociaux afin de conserver votre emploi ? Et les employeurs d’indiquer plus ou moins clairement que le refus des salariés entraînerait immanquablement des délocalisations et, à la clef, bien évidemment, des suppressions de postes.
Nous contestons d’ailleurs l’expression même de référendum, qui laisse accroire que les salariés sont libres. En réalité, ils ne le sont pas, et c’est bien sous la pression des employeurs, avec la crainte de perdre leur emploi dans un contexte économique marqué par un chômage de masse qu’ils ont à se prononcer.
Et quand bien même ces salariés accepteraient de sacrifier leurs droits sociaux, qu’il s’agisse de la réduction du temps de travail, la RTT, du renoncement aux primes, du gel des salaires, les employeurs disposent toujours de la possibilité de revenir sur leurs engagements et de supprimer les emplois.
Chacun se souviendra ici de l’exemple de Général Motors à Strasbourg : la firme américaine avait accepté de reprendre l’usine alsacienne à condition que les salariés du site consentent à réduire de 10 % le coût de la main-d’œuvre. Concrètement, l’usine conservait son effectif, mais les salariés devaient accepter un gel des salaires pour une période de deux ans et sacrifier plus d’un tiers de leurs dix-sept jours de RTT. Les 1150 salariés appelés à se prononcer sur ces mesures ont accepté, pour conserver leur emploi, les importants sacrifices qui étaient exigés d’eux. Or chacun sait aujourd’hui que ces sacrifices ne suffisent plus, la firme estimant que les écarts de coûts avec le Mexique demeurent trop importants.
Cette pratique renforce ce que nous dénonçons, et qui devient une règle : la mutualisation des pertes et la privatisation à court terme des bénéfices. Ainsi, selon le journal Les Échos, « General Motors (GM) envisage de lever 15 à 20 milliards de dollars en réduisant la part du Trésor de 61% à 49% dans son capital ». Le seul objectif est de pouvoir redevenir une cash-machine pour les actionnaires ! Une mesure qui, une nouvelle fois, accroîtra les appétits des actionnaires et se traduira par des suppressions d’emplois…
Dans ce contexte, il nous paraît profondément choquant que les entreprises ayant bénéficié de réductions de cotisations sociales aux termes des accords sur le temps de travail puissent conserver le bénéfice de cette mesure. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement qui ne présente pas de lien direct avec l’aide à l’embauche des seniors, objet de l’article 32.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 969, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale est abrogé.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement vise à supprimer les déductions forfaitaires de cotisations sociales accordées pour les heures supplémentaires réalisées par les salariés.
En effet, aujourd’hui, force est de constater que ce dispositif coûte doublement à notre pays.
En premier lieu, il grève nos comptes sociaux, alors que le déficit public s’élève à 7,9 % du PIB pour 2009 et que la dette publique a atteint plus de 1500 milliards d’euros. Dans le même temps, le Gouvernement a décidé du gel des dotations aux collectivités locales, de la suppression de 16 000 emplois au sein de l’éducation nationale et de 34 000 emplois au total dans la fonction publique, sous couvert, justement, de rigueur budgétaire !
Si, encore, la mesure se révélait efficace pour l’emploi, ce serait un moindre mal. Or c’est le contraire que l’on constate.
En effet, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, faisait état, en 2007, c’est-à-dire avant le vote de la loi TEPA, d’une utilisation de 730 millions d’heures supplémentaires par 5,5 millions de salariés. Cela prouve que, lorsque les entreprises ont besoin de recourir aux heures supplémentaires, elles n’hésitent pas, et qu’il n’y avait nul besoin d’une loi pour les inciter à y recourir !
Puis, au quatrième trimestre de 2008, en pleine récession économique, on constate un pic important dans le recours aux heures supplémentaires : les entreprises en ont fait effectuer 184 millions par leurs salariés, soit 40 millions de plus qu’au quatrième trimestre de 2007. Selon certains économistes, ce chiffre correspond à 90 000 emplois à temps plein !
Ainsi, en période de récession économique, la défiscalisation des heures supplémentaires a créé du chômage. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Ne nous leurrons pas, quand la reprise reviendra,…
M. André Trillard. Elle est là !
M. Bernard Vera. … – ne soyez pas si optimiste, mon cher collègue ! – cette défiscalisation constituera un frein à l’embauche, car elle met en concurrence le temps de travail et l’emploi.
À l’heure des bilans, il apparaît clairement que cette mesure a été néfaste, tant pour l’emploi que pour nos comptes sociaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement, comme le précédent, nous semble étranger au projet de loi.
En conséquence, l'avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. À l’heure où l’on veut maintenir les salariés seniors dans l’emploi, nous dénonçons, au travers de cet amendement, le fait que la défiscalisation non seulement ne rapporte rien en termes d’emplois, mais coûte cher à la nation.
En effet, le coût total de cette mesure pour le budget de l’État est évalué à 4,4 milliards d’euros par an en régime de croisière, une somme considérable, surtout dans une période marquée par la raréfaction des ressources.
D’ailleurs, la Cour des comptes a également critiqué ces exonérations de charges sociales et fiscales, pointant du doigt le coût du dispositif pour l’État et son effet « ambigu » sur l’emploi. Depuis des années, elle tire la sonnette d’alarme sur « le maquis des multiples exonérations, abattements, déductions ou réductions » de charges sociales, mais le Gouvernement persiste dans son entêtement idéologique,…
M. Dominique Braye. C’est vous qui parlez d’idéologie !
Mme Annie David. … et ce au péril de nos comptes sociaux.
M. Josselin de Rohan. Changez de disque !
Mme Annie David. La crise n’est pas seule responsable de l’explosion du déficit public ; la politique fiscale de votre gouvernement en porte également la responsabilité.
En réduisant les recettes publiques dans des proportions alarmantes, en étant incapables de relancer la croissance, les politiques fiscales entreprises depuis 2003, et plus encore depuis 2007, ont eu des conséquences catastrophiques pour l’ensemble de nos concitoyennes et concitoyens, avec le démantèlement du système de protection sociale et des services publics. Et l’on nous annonce encore de nouveaux déremboursements dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, ainsi que la mise à mal de notre service public d’éducation. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Aujourd’hui, vous persistez à diminuer les dépenses sociales et vous refusez de toucher à ce qui grève les comptes du pays. Je pense aux multiples exonérations, à la baisse de la TVA dans la restauration, ainsi qu’au dispositif emblématique d’une politique qui contraint nos concitoyennes et concitoyens à payer la facture des cadeaux fiscaux faits aux plus aisés : j’ai nommé le bouclier fiscal, que M. Baroin a lui-même désigné comme étant le symbole de l’injustice.
Au final, selon le rapport préalable au débat d’orientation budgétaire pour 2011 à l’Assemblée nationale, entre 2000 et 2009, le budget général de l’État aurait perdu entre 100 et 120 milliards d’euros de recettes fiscales, soit environ 6 % du PIB. Selon ce même rapport, c’est cette « accumulation de baisses d’impôts depuis 2000 » qui a « conduit à un accroissement du déficit structurel ».
De surcroît, le déficit conjoncturel provoqué par la crise de la finance privée a enfoncé le clou !
Vous pouvez constater, monsieur le ministre, que de plus en plus nombreux, y compris au sein de la majorité, sont ceux qui remettent en cause, dans sa globalité, la politique fiscale du Gouvernement.
C’est donc dans un souci de cohérence et de justice sociale que nous formulons à nouveau notre souhait de voir cet amendement adopté.
S’il est vrai que vous avez une idéologie libérale,…
M. Dominique Braye. Vous êtes bien placée pour parler d’idéologie !
Mme Annie David. … au lieu de hurler dans l’hémicycle, M. Braye pourrait peut-être prendre la parole et nous l’expliquer, au cas où nous n’aurions pas compris. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Richert. C’est de la provocation !
M. Dominique Braye. Mme David n’a peur de rien !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Avouez, mes chers collègues, sans idéologie aucune, que la défiscalisation des heures supplémentaires est une question qui mérite qu’on s’y arrête un moment. (M. Alain Vasselle s’exclame.)
S’il est une mesure à prendre en période de croissance et de plein emploi, c’est celle-là. Si notre pays connaissait le plein emploi et la croissance, si des tensions apparaissaient sur notre marché de l’emploi, je pourrais sincèrement admettre une telle mesure. Elle serait même évidente !
En revanche, dans une période de chômage de masse, de pauvreté et de précarité comme celle que nous traversons aujourd’hui, cette disposition est dévoreuse d’emplois.
Mme Jacqueline Panis. C’est faux !
M. Martial Bourquin. Comment expliquer, dans des bassins d’emplois où le chômage s’élève à 12 % ou 13 %, que des employés n’ont pas d’autre choix que de multiplier les heures supplémentaires pour faire face aux commandes de leur entreprise ?
S’il est une mesure à abandonner, c’est la défiscalisation des heures supplémentaires. Elle est dévoreuse d’emplois ; elle est nocive pour l’emploi ! Il ne s’agit même pas là d’une position partisane. C’est une question de bon sens. Dans une économie où sévit un chômage si important, on ne peut pas défiscaliser les heures supplémentaires.
J’ajoute qu’un dispositif efficace ne saurait prévoir uniquement des bonus : il doit aussi instaurer des malus. Les entreprises qui ne sont pas citoyennes ou qui ne jouent pas le jeu devraient évidemment se voir infliger des malus. Malgré cela, les propositions qui nous sont faites ne prévoient que des bonus, lesquels engendrent des effets d’aubaine.
C’est ce qui justifie pleinement l’intervention de notre collègue Annie David. S’il est une mesure dont le projet de loi de finances devrait prévoir la suppression le plus vite possible, c’est la défiscalisation des heures supplémentaires, vécue par beaucoup comme une profonde injustice.
Pour un senior au chômage, comme pour un jeune en recherche d’emploi, savoir que son voisin multiplie les heures supplémentaires constitue une aberration. Pourtant, on nous avait présenté la défiscalisation des heures supplémentaires comme une possibilité d’accroître le pouvoir d’achat, …
Mme Jacqueline Panis. Quel est le rapport avec le projet de loi ?
M. Martial Bourquin. Il y a là un vrai rapport avec les retraites, ma chère collègue. (Vives protestations sur les travées de l’UMP.)
Je vous rappelle, en effet, que l’allongement de la durée de cotisation est un moyen destiné à financer les retraites. En l’occurrence, en vous proposant d’abroger la défiscalisation des heures supplémentaires, nous trouvons un moyen supplémentaire de financement. Le problème, c’est que ce moyen ne vous convient pas.
Sortons donc des débats partisans ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. David Assouline. Parlez au lieu de rire ! Vous n’êtes qu’une machine à voter !
M. Martial Bourquin. Cherchez des pays d’Europe appliquant une telle mesure ! Cela n’existe tout simplement pas !
Messieurs les sénateurs de la majorité, je suis certain que vous reviendrez sur cette disposition.
Déjà, la pertinence du bouclier fiscal est de plus en plus discutée sur vos travées. Comme l’opposition vous le demande depuis plusieurs années, vous finirez par le supprimer ! La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires est un dossier tout à fait similaire. L’une comme l’autre sont des mesures aberrantes en période de décroissance…
M. Gérard Longuet. La France est en croissance !
M. Martial Bourquin. … ou de croissance molle.
Il faut donc supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires. Si vous voulez de l’argent pour les retraites, voilà une mesure simple à mettre en œuvre dès maintenant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Comme l’ont déjà largement exposé mes collègues (Exclamations sur les travées de l’UMP.),…
M. Dominique Braye. Il est inutile de le répéter !
Mme Bariza Khiari. … cet article ne répond pas aux principaux enjeux… (Les exclamations se prolongent sur les mêmes travées.)
Monsieur le président, ai-je la parole seule ?
M. le président. Vous l’avez, ma chère collègue !
Mme Bariza Khiari. Cet article, disais-je, ne répond pas aux principaux enjeux et se contente de faire porter davantage la précarité sur les seniors sans que les employeurs soient soumis à de quelconques règles.
Le groupe socialiste ne peut que s’opposer avec vigueur à une politique s’attaquant toujours aux plus faibles et dédouanant certaines entreprises de leurs responsabilités sociales.
On ne peut pas considérer les entreprises comme des partenaires sociaux et ne jamais leur demander d’assumer leur rôle. En cela, notre vision est singulièrement différente de la vôtre.
Notre projet – ne vous en déplaise, nous en avons un – est à la fois plus juste et plus efficace. Il ne se contente pas d’attribuer un bonus aux entreprises qui acceptent de coopérer, sans vérification aucune de leur bonne foi. Nous sommes en effet opposés à des aides données sans contrôle, sans garde-fou. Nous établissons, au contraire, un système de bonus-malus qui récompense les entreprises méritantes et sanctionne celles qui ne font manifestement aucun effort.
Ainsi, nous proposons de moduler d’un point la cotisation patronale suivant la part de l’emploi senior. Par ce biais, on assure un plus fort taux d’activité des seniors et donc un meilleur financement des retraites, à moindre coût pour la collectivité.
Plus encore, nous souhaitons rendre obligatoire une négociation triennale de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les entreprises de plus de 300 salariés. Il s’agit donc de sensibiliser les entreprises à cette question, de les inciter à y réfléchir à long terme et à prendre des engagements que l’État peut contrôler.
Monsieur le ministre, voilà des propositions concrètes, claires et intéressantes. Votre gouvernement a choisi, quant à lui, des mesurettes sans réelle efficacité. L'étude d’impact chiffre le coût de votre dispositif à 55 millions d’euros par an, selon les statistiques actuelles du retour à l’emploi des seniors. Est-ce à dire que cette aide n’aura qu’une efficacité très limitée sur l’emploi des seniors ? On peut s’étonner que rien ne soit tenté pour évaluer combien de postes cette incitation pourrait créer.
Tout cela me conduit à dire que cette étude d’impact est particulièrement sommaire. Notre projet est plus juste, plus efficace et, surtout, plus responsable devant l’ampleur du défi. Nous cherchons à réellement impliquer les entreprises dans ce qui va constituer une révolution des mentalités.
Le projet gouvernemental ne prend pas véritablement la mesure du problème et propose des solutions non adaptées. Concernant les seniors, il est surtout incantatoire, comme l’a dit Christiane Demontès.
C’est pourquoi nous voterons contre cet article.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les articles 32, 32 bis A et 32 bis B concernent les mesures relatives à l’emploi des seniors.
Ils se résument en trois idées : d’abord, un nouveau contrat aidé pour inciter à l’embauche des demandeurs d’emploi âgés de plus de cinquante-cinq ans ; ensuite, la pérennisation de la retraite progressive, qui permet de cumuler provisoirement sa pension et la rémunération d’un travail à temps partiel ; enfin, la prorogation du versement de l’allocation équivalent retraite aux bénéficiaires actuels jusqu’à l’âge de leur départ en retraite.
La première de ces mesures est donc un nouveau contrat aidé. Comme l’indique M. le rapporteur dans son rapport, cette aide à l’embauche se situe « dans le prolongement des mesures lancées depuis quelques années », et c’est bien là tout le problème.
La France a multiplié, depuis plusieurs années, les contrats aidés. Non seulement le résultat en matière d’emploi n’est pas au rendez-vous, mais, de surcroît, ils ont eu des effets pervers que nous avons souvent dénoncés.
Parmi ceux-ci, évoquons la stagnation sans précédent des salaires à une valeur proche du SMIC pour un nombre croissant de salariés, certaines aides concernant notamment les bas salaires.
À cela s’ajoute l’effet d’aubaine pour les entreprises qui ont systématiquement développé ce type d'embauche pour bénéficier des exonérations offertes, quitte à dévaloriser de nombreux emplois. Elles ont engrangé les aides liées, en particulier, aux contrats de 35 heures, aux bas salaires, aux contrats nouvelle embauche, les contrats jeunes, tout en critiquant, notamment, la durée légale hebdomadaire de 35 heures. Il en est résulté un assèchement des comptes sociaux et, donc, des caisses de l'État.
Aujourd'hui, alors que l'on sait à quel point les niches sociales, et aussi fiscales – mais c’est un autre sujet –, coûtent cher à notre budget et plombent notre économie, la seule solution trouvée par le Gouvernement pour promouvoir l’emploi des seniors est de créer un nouveau contrat aidé.
Pourtant, dans son rapport annuel sur la sécurité sociale, la Cour des comptes estime que, pour combler le déficit de la sécurité sociale, il faudrait, au contraire, faire progresser les ressources et supprimer les niches fiscales.
La Cour des comptes estime que les modifications devraient être encore plus importantes que celles qui sont prévues par le Gouvernement et que la remise en cause des différents dispositifs existants permettrait de « récupérer » entre 67 et 73 milliards d’euros.
Pour dynamiser le maintien dans l’emploi des seniors, il existe d’autres voies que celle de l’abaissement, généralisé ou ciblé sur certains publics, du coût du travail.
Mais en prenant cette mesure pour privilégier le seul levier de l’attractivité financière à l’embauche, vous n’agissez en rien sur les mentalités. Or ce sont elles qu’il faut faire changer en France, notamment celle des employeurs, qui estiment que, passé 55 ans, un salarié n’est plus aussi productif.
Pourquoi les seniors restent-ils si peu au travail au-delà de cet âge en France ? Parce qu’il devient alors très dur de travailler dans notre pays. Il enregistre, certes, l’une des meilleures productivités au monde et dispose d’une main-d’œuvre qualifiée et efficace. Mais cette dernière est précarisée, atomisée et craint de perdre son emploi.
M. Roland Courteau. Voilà !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pour que les seniors puissent travailler dans de bonnes conditions après l’âge de 55 ans, il faut améliorer les conditions de travail dans toutes les entreprises de France, en particulier dans les TPE. Il faut agir sur la prévention de l’exposition aux pénibilités, penser l’aménagement du temps et du poste de travail, favoriser la formation tout au long de la vie professionnelle, et non se contenter de créer un contrat aidé.
Les mesures que vous proposez ne suffiront pas à encourager l’embauche et le maintien des seniors dans l’emploi. En revanche, elles constitueront une nouvelle aubaine pour le MEDEF, ainsi qu’un nouveau coup porté à notre protection sociale.
C’est pourquoi le groupe CRC-SPG votera contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. L’article 32 est censé favoriser l’emploi des seniors par le biais de l’octroi d’aides financières aux entreprises. Encore une fois, on prévoit des bonus, mais pas de malus !
L’aspect le plus emblématique réside dans le refus de la commission et du Gouvernement de tous les amendements de repli, lesquels visaient simplement à encadrer et à sécuriser le dispositif.
Le projet de loi n’impose aucune obligation de créer de vrais emplois en CDI. Il ne prévoit aucune contrainte pour les entreprises qui licencient, ni pour celles qui ne sont pas à jour en termes de cotisations sociales, ni non plus pour celles ne respectant pas les accords portant sur le temps de travail ou sur les salaires. Autrement dit, on permet aux patrons des bénéfices sans aucune contrainte !
J’estime, pour ma part, que ce refus d’intégrer un minimum d’encadrement relève d’une posture idéologique.
Une fois de plus, nous allons créer des effets d’aubaine. Sans faire un inventaire à la Prévert de tous ceux qui existent déjà dans notre pays, je me contenterai de dire qu’ils n’atteignent jamais les objectifs qu’ils sont censés viser, et qu’ils représentent toujours un coût pour l’État, c’est-à-dire pour les contribuables.
Je n’évoquerai pas non plus la défiscalisation des heures supplémentaires, dont le rapport entre le coût et le bénéfice est tout à fait catastrophique, ni la baisse de la TVA dans la restauration.
En tout état de cause, cet article, qui se traduit tout simplement par des cadeaux faits aux entreprises sans contrepartie, n’est pas acceptable. Aussi, je voterai contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. L’emploi des seniors, qui est l’objet de cet article, est un vrai sujet de société, tout comme l’égalité hommes-femmes, dont on vient de parler, ou la retraite à 60 ans.
Tous l’ont souligné, il est absolument inadmissible que, dans un pays comme la France, un senior sur deux se retrouve exclu de l’activité professionnelle après 55 ans.
Monsieur le ministre, repousser à 62 ans l’âge de départ à la retraite, indépendamment même des mesures que vous croyez prendre en leur faveur, aggravera fortement la situation des seniors dans les dix prochaines années, et ils le savent.
Un sénateur de l’UMP. On prend rendez-vous !
M. David Assouline. Aujourd’hui, un salarié qui se retrouve exclu de l’activité à 58 ans a droit à des indemnités en rapport avec une fin de vie professionnelle, puis, à 60 ans, après avoir trimé toute sa vie, il peut toucher sa retraite.
Avec votre texte, celui qui a été jeté de son entreprise – c’est la première humiliation ! – touchera des indemnités chômage, payées par l’État, je le souligne, puis se retrouvera en fin de droits. Hormis le fait que vous allez transférer la charge financière sur une autre caisse sociale, vous obligerez certaines personnes à tomber dans le RSA, alors qu’elles n’auront souvent jamais vécu d’autre chose que de leur travail, sans aucune assistance. C’est la deuxième humiliation que vous leur infligez.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. David Assouline. Voilà ce que vont vivre massivement les seniors !
Comme vous avez fini par vous rendre compte de la situation, vous avez présenté un article pour faire semblant de penser à eux et tenter de soutenir leur emploi.
Or votre dispositif ne provoquera que des effets d’aubaine. En effet, un système de bonus comme celui que vous mettez en place n’est équitable que s’il existe un système de malus, c’est-à-dire s’il s’accompagne de sanctions. Or vous ne prodiguez que des pseudo-encouragements pour garder les seniors. Les entreprises qui s’en débarrasseront ne perdront donc rien !
Si vous nous aviez présenté une vraie loi sociale, vous auriez pu nous fournir des estimations afin d’alimenter le débat. Par exemple, vous auriez pu nous dire combien de seniors resteront dans l’emploi grâce à votre mesure.
Mais vous vous en gardez bien, car vous savez qu’une grande majorité d’entreprises préfèrent se séparer des seniors et les mettre à la charge de l’assurance chômage, plutôt que d’être obligées de payer des charges fixes pour un salarié exigeant. Car les seniors, on ne peut pas les traiter n’importe comment !
Bien entendu, le problème de l’emploi des seniors dans notre pays est lié au problème de l’emploi en général.
M. Gérard Longuet. Voilà !
M. David Assouline. On connaît les exigences de productivité et de malléabilité liées au monde du travail. On a vu ce qui s’est passé à France Télécom. Il est possible de balancer à l’autre bout de la France du jour au lendemain un salarié jeune en se disant qu’à son âge, ce n’est pas grave, il va faire sa vie.
Mais avec les seniors, on sait qu’on ne peut pas faire n’importe quoi : il faut leur montrer un peu plus de respect. C’est la raison essentielle pour laquelle les entreprises s’en séparent tôt. (C’est fini ! sur les travées de l’UMP.)
Si vous n’apportez pas de vraies réponses à ces sujets, qui ne touchent pas seulement à la question de la retraite, vous serez à côté de la plaque. (Huées sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. David Assouline. Comme pour la question des femmes, celle de la retraite à 60 ans, vous bradez un droit essentiel. (Brouhaha. – Les sénateurs de l’UMP martèlent leur pupitre.)
Mme Annie David. On se croirait vraiment dans une cour de récréation !
M. David Assouline. En faisant passer la retraite à 62 ans et à 67 ans, vous faites régresser les lois sociales ! (Le brouhaha s’amplifie.)
Mme Annie David. C’est pitoyable !
M. le président. Il faut conclure !
M. David Assouline. Rassurez-vous, mes chers collègues, j’ai terminé ! (Le brouhaha tend à couvrir la voix de l’orateur.)
Mme Annie David. Tout ça parce qu’ils n’ont rien à dire !
M. David Assouline. Mais, par votre brouhaha, vous m’encouragez à reprendre la parole tout à l’heure ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Vives protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Je veux simplement apporter quelques éléments pour éclaircir notre position au regard de l’emploi des seniors et, surtout, citer les vrais chiffres.
Lors de sa communication en Conseil des ministres, Laurent Wauquiez a souhaité déminer le terrain concernant l’embauche des seniors en rappelant les mesures qui avaient été prises par le Gouvernement. Les résultats présentés étaient évidemment satisfaisants : de 48,2 % en 2000, le taux d’emploi des seniors est monté à 60 % en 2010. Il y a donc tout lieu de se satisfaire et nous vivons dans le meilleur des mondes… (M. Roland Courteau s’exclame.)
Le problème est que M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi ne fait malheureusement que retenir les chiffres qui arrangent le plus le Gouvernement. En effet, ceux-ci ne concernent que les personnes de 55 ans à 59 ans. Il oublie de préciser que, pour celles qui sont âgées de 60 ans à 64 ans, le taux d’emploi tombe à 16,5 %.
Il ne mentionne pas non plus le fait que, dans les quinze pays de l’Union européenne qui ont le même régime social, le taux est de 32 %, soit deux fois plus élevé que chez nous.
Il oublie encore que le chômage des seniors avait enregistré, à fin août, une augmentation de 17,6 % en un an.
Il oublie, enfin, la note confidentielle de Pôle emploi parue dans Les Échos en juillet, qui chiffrait à 265 millions d’euros en année pleine le coût de la réforme des retraites pour l’UNEDIC.
Ce n’est donc pas cet article 32 qui peut nous faire oublier la réalité des chiffres. Voilà pourquoi nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 32, modifié.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 66 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l'article 32 (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 32 bis A (nouveau)
L’article L. 351-15 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 351-15. – L’assuré qui exerce une activité à temps partiel au sens de l’article L. 212-4-2 du code du travail peut demander la liquidation de sa pension de vieillesse et le service d’une fraction de celle-ci à condition :
« 1° D’avoir atteint l’âge prévu au premier alinéa de l’article L. 351-1 ;
« 2° De justifier d’une durée d’assurance et de périodes reconnues équivalentes dans un ou plusieurs des régimes d’assurance vieillesse dont relèvent respectivement les salariés du régime général, les salariés agricoles et les personnes non salariées des professions artisanales, industrielles et commerciales, des professions libérales et des professions agricoles fixée à 150 trimestres.
« Cette demande entraîne la liquidation provisoire et le service de la même fraction de pension dans chacun des régimes mentionnés au 2° du précédent alinéa.
« La fraction de pension qui est servie varie dans des conditions fixées par voie réglementaire en fonction de la durée du travail à temps partiel ; en cas de modification de son temps de travail, l’assuré peut obtenir la modification de cette fraction de pension au terme d’un délai déterminé.
« L’assuré est informé des conditions d’application de l’article L. 241-3-1. »
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. L’article 32 bis A de ce projet de loi vise à pérenniser dans le temps le dispositif de la retraite progressive, qui, avouons-le, n’a pas encore – c’est peu dire ! – trouvé son public. On peut d’ailleurs rapprocher cette situation des mécanismes de cumul emploi-retraite, qui ne parviennent pas, eux non plus, à convaincre les salariés.
Pour mémoire, je rappelle que la retraite progressive permet aux salariés qui ont aujourd’hui plus de 60 ans, demain ce sera au-delà de 62 ans, de réduire leur temps de travail et de poursuivre ainsi leur activité professionnelle à temps partiel. Pour éviter une diminution de leurs ressources, la réduction du temps de travail entraîne l’ouverture immédiate de leurs droits à pension.
Notre rapporteur, Dominique Leclerc, voit dans ce dispositif un mécanisme de cohérence en lien étroit avec le tutorat. Telle n’est pas notre conviction.
Les salariés que nous avons rencontrés nous ont plutôt décrit un mécanisme permettant aux plus usés d’entre eux qui ne disposent pas d’un niveau de retraite suffisant, notamment en raison de l’application des décotes, de réduire leur activité, c’est-à-dire, en fait, d’amoindrir les incidences négatives du travail sur leur santé.
Autrement dit, l’indigence des mesures que vous proposez en matière de pénibilité, qui se limitent à une seule prise d’acte de la situation d’invalidité du travailleur, couplée au report à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite et à 67 ans de celui permettant de bénéficier d’une retraite sans décote, conduira les salariés les plus affaiblis par le travail à demander à bénéficier de ce dispositif.
Celui-ci sera financé, de fait, par les salariés, puisqu’il sera compensé par leurs droits à la retraite, ce qui permettra au Gouvernement de satisfaire l’exigence principale du patronat en matière de pénibilité : surtout ne rien payer !
C’est bien votre refus de reconnaître le droit à un départ anticipé à la retraite en cas de pénibilité qui vous conduit à proposer une telle mesure de substitution.
Nous ne saurions nous satisfaire de cela. Rappelons que, pour nous, tout travail pénible doit s’accompagner d’un départ à la retraite anticipé, sans décote ni réduction. Si nous proposons cela, c’est que nous sommes convaincus que la pénibilité réduit l’espérance de vie en bonne santé des salariés. Et rien, aucun modèle économique, ne justifie que le travail ait un impact sur l’espérance de vie.
Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi de réagir à la proposition formulée dans cet article, visant à permettre aux salariés concernés par ce dispositif de cotiser sur une base correspondant à un temps plein, alors qu’ils sont, dans les faits, à mi-temps.
Si nous comprenons la démarche, nous la trouvons illusoire. Les salariés qui peinent à boucler leurs fins de mois, qui doivent aider leurs enfants et, parfois, leurs parents dépendants, n’ont pas les moyens de cotiser davantage. Nous préférerions, quant à nous, que les employeurs bénéficiant de ce dispositif, qui leur permet de contourner leur responsabilité sociale en matière de pénibilité et de souffrance au travail, soient pour leur part contraints de cotiser sur une base concernant un temps plein, et ce sans que les salariés soient astreints à une telle mesure.
Les salariés de notre pays méritant un véritable droit à retraite anticipée, nous manifestons notre opposition à l’article 32 bis A.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Une nouvelle fois, nous sommes surpris et préoccupés par les solutions particulièrement faibles que vous préconisez pour apporter une vraie réponse au problème de l’activité des seniors.
Dans cet article, vous veillez à rendre possible le cumul emploi-retraite. En d’autres termes, vous faites en sorte qu’un senior occupant un emploi précaire à temps partiel ou peu rémunéré puisse percevoir une partie de sa retraite tout en continuant à travailler.
Cet article est dans la droite ligne de l’article 32, qui permettait un « CPE senior », autrement dit un contrat de dernière embauche. Cela prouve votre incapacité à provoquer une mutation des mentalités sur le sujet de l’emploi des seniors.
Le monde du travail a évolué, de même que les prérequis, et il est difficile pour les seniors de faire face à ces évolutions sans formation adéquate. Peu d’employeurs veulent prendre le temps de la formation, pourtant nécessaire. Nous avons la certitude qu’une entreprise qui joue sur la formation, sur la complémentarité des profils et des expériences a plus de chances de prospérer parce qu’elle saura s’adapter aux évolutions du marché.
Avant même de voir comment favoriser le cumul d’une retraite avec l’exercice d’une profession à temps partiel, il faut sans doute veiller à ce qu’un senior ait la possibilité de trouver et de conserver un véritable emploi.
En agissant sur ce levier, vous favoriserez le rebond d’une activité à temps plein et de qualité pour les seniors plutôt que la multiplication des petits boulots mal rémunérés : une tout autre perspective de développement, en somme, assurément plus humaine et plus digne pour nos seniors. Mais ce n’est visiblement pas votre choix ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 1100, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’article 32 bis A. Nous n’avons en effet pas la même lecture que vous des causes qui font que certains salariés optent pour la retraite progressive, qui permet en fait aux salariés de cumuler une pension et un emploi à temps partiel.
S’ils optent pour la retraite progressive, c’est qu’ils y sont contraints, soit pour des raisons de santé, soit pour des raisons économiques, ou encore, et c’est pire, pour les deux.
Comme vous savez, la retraite progressive permet aux salariés qui ont aujourd’hui plus de 60 ans et qui, demain, auront plus de 62 ans, de réduire leur temps de travail. La réduction du temps de travail qui en résulte entraîne alors, pour éviter une réduction de leurs ressources, l’ouverture immédiate de leurs droits à pension.
Pourquoi un salarié qui peut prétendre à la retraite, même si celle-ci n’est pas à taux plein, décide-t-il de continuer à travailler à temps partiel ? C’est la véritable question que nous devons nous poser. Malheureusement, la seule réponse que vous nous proposez, monsieur le ministre, dans votre vision qui nous semble quelque peu coupée des réalités du monde du travail et des aspirations des salariés telles que nous les connaissons, c’est que ce salarié aimait tant son travail qu’il souhaite continuer à le faire.
Certes, ce cas de figure existe, mais sachez que, dans leur immense majorité, les salariés sont contraints d’opter pour ce mécanisme, soit que leur santé ne leur permette plus de travailler à temps plein, soit – et c’est bien souvent cette réalité qui domine – que leur pension de retraite ne s’élève à un montant bien trop faible pour leur permettre de vivre avec cette seule ressource.
Concrètement, cela permet à ceux d’entre eux qui sont les plus usés et qui ne disposent pas d’un niveau de retraite suffisant, notamment en raison de l’application des décotes, de réduire leur activité, c’est-à-dire en fait de réduire l’impact négatif du travail sur leur santé. Dès lors que vous refusez de prendre en compte la pénibilité comme nous vous le demandons, ce « choix » est malheureusement le seul qui leur reste.
La vérité est donc celle-ci : le mécanisme de retraite progressive est en fait une illustration des piètres conditions de vie dans lesquelles une frange importante des personnes de plus de 60 ans sont obligées de vivre aujourd’hui. Elles préfèrent travailler, faute de mieux. Ce mécanisme, plutôt que de chercher à changer la situation, en prend acte et gère simplement la misère.
Nous ne saurions nous satisfaire de cela. Pour nous, tout travail pénible doit s’accompagner d’un départ à la retraite anticipé, sans décote ni réduction.
La retraite progressive n’est qu’un pis-aller que nous n’encourageons pas. C’est, en définitive, la fin du droit à la retraite à 60 ans sans décote et à un niveau de ressources suffisant pour vivre décemment.
C’est pourquoi nous vous demandons d’adopter notre amendement de suppression de l’article 32 bis A. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Excellent !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je suis quelque peu surpris des interprétations que vous faites de l’article 32 bis A. La cessation progressive d’activité n’a jamais été une solution au traitement de la pénibilité et nous n’avons jamais soutenu qu’il s’agissait d’un dispositif destiné à une large diffusion.
Toutefois, elle répond à certaines aspirations. Vous décrivez la situation d’une façon monolithique qui n’est pas conforme à la réalité. Des situations très diverses coexistent. Certaines personnes veulent quitter progressivement le monde du travail en percevant une retraite anticipée. La juxtaposition d’un travail à temps partiel et d’une fraction de la pension de vieillesse répond à une demande, certes minime, mais que nous devons prendre en compte. Tel est l’objet de cet article.
La commission est donc défavorable à cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1101, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Par cet amendement, nous souhaitons réitérer notre opposition à la pérennisation de la retraite progressive permise par cet article.
Ainsi, cette mesure entend développer le cumul emploi-retraite après 60 ans, alors que des millions de seniors sont écartés de l’entreprise. Pour rappel, le taux d’emploi des seniors âgés de 55 à 64 ans avoisinait 39,1 % au quatrième trimestre de 2009.
Comment peut-on vouloir pousser les salariés à travailler au-delà de 60 ans alors que des millions de femmes et d’hommes sont encore évincés des entreprises avant d’avoir atteint l’âge de la retraite ?
Une nouvelle fois, vous ne faites que traiter le symptôme, alors que le véritable problème est le maintien des salariés dans l’emploi jusqu’à l’âge de la retraite !
À ce sujet, monsieur le ministre, votre prédécesseur, M. Xavier Darcos, avait annoncé dans les médias, en février dernier, un projet de loi visant à interdire les plans sociaux s’appuyant sur le départ prématuré des seniors. Ou en êtes-vous sur ce dossier ? Serait-il tombé aux oubliettes ?
La pérennisation de la retraite progressive ne saurait être la panacée pour maintenir les salariés âgés dans l’emploi. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons, chers collègues, de bien vouloir voter cet amendement de suppression de l’alinéa 2.
M. le président. L'amendement n° 1203, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer la référence :
L. 212-4-2
par la référence :
L. 3123-1
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1203 et pour donner l’avis de la commission sur l'amendement n° 1101.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L'amendement n° 1203 est de caractère rédactionnel.
Quant à l'amendement n° 1101, la commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 1101 et favorable à l'amendement n° 1203.
M. le président. L'amendement n° 1102, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Par cet amendement, nous souhaitons souligner l’incohérence d’un texte qui, loin de régler le problème du financement des retraites, en proposant des dispositions injustes, ou des « mesurettes » comme c’est le cas pour l’emploi des seniors, ne fait que décaler le problème, puisque nous devrons reprendre ce débat en 2018.
Vos propositions pour l’emploi des seniors, telles que les exonérations de charges ou, comme le prévoit cet article, le développement de la retraite progressive, reflètent parfaitement cette incohérence.
La priorité, aujourd’hui, c’est d’aider les millions de salariés qui n’arrivent pas jusqu’à l’âge de la retraite dans un emploi, et non de détourner le problème en proposant de fausses solutions comme le cumul emploi-retraite, dispositif qui s’est d'ailleurs révélé peu attractif, puisque seules 2531 personnes l’ont sollicité depuis 2006.
Je ne pense pas que la nature législative et non plus réglementaire concernant la condition d’assurance y changera quelque chose.
C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1103, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Comme nous l’avons déjà expliqué, l’article 32 bis A est hypocrite, et cela à double titre.
Vous demandez à nos concitoyens de travailler plus longtemps, alors que le Gouvernement est incapable, comme nous venons de le détailler pendant près de deux heures, de leur garantir l’accès à l’emploi.
Vous proposez la pérennité de la retraite progressive, en insistant sur le fait que, si elle n’a pas eu le succès escompté, c’est par carence d’information et qu’il faut donc, pour reprendre les termes du rapporteur, « mieux informer les salariés et les entreprises ». Vous faites comme si les salariés pouvaient maîtriser tout à fait librement la durée de cotisation, autrement dit comme s’ils pouvaient choisir de conserver, ou non, leur emploi !
En outre, vous le savez, monsieur le ministre, l’allongement de la durée de travail se traduira moins par une augmentation du taux d’emploi des salariés âgés que par une diminution du montant de leur pension.
Pour faire face à la faiblesse du taux d’activité des salariés âgés en France, nous proposons, au contraire, de sécuriser la vie active de chacun jusqu’à la retraite.
Cela exige d’en finir avec les allégements de cotisations sociales patronales, qui ne visent qu’à organiser la mise en concurrence des salariés au seul bénéfice des actionnaires et déresponsabilisent socialement les entreprises.
Il faut s’en donner les moyens, notamment par des politiques publiques en matière de crédit et de fiscalité incitant fortement les entreprises à développer l’emploi et la formation et pénalisant celles qui s’y refusent !
En adoptant notre amendement de suppression de cet alinéa, mes chers collègues, vous feriez le choix de la justice et du progrès social, non celui de la régression sociale qui caractérise, depuis le début, l’ensemble de ce texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1104, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 5 de l’article 32 bis A. Cet alinéa, à l’instar de tout l’article, illustre selon nous l’ensemble de la politique mise en place par le Gouvernement.
Nous pensons que la retraite progressive est une mauvaise réponse apportée à un vrai problème.
Le problème, c’est que certains salariés ayant atteint l’âge de 62 ans ne peuvent pas partir à la retraite, car leur pension est trop faible, mais ils ne peuvent pas non plus continuer de travailler à temps plein, car leur état de santé ne le leur permet pas.
Dès lors, que font-ils ? Ils optent pour la retraite progressive, car ils pourront ainsi améliorer le montant de leur retraite dans la mesure de leurs capacités physiques.
N’est-ce pas choquant ? N’est-il pas cynique de nous présenter cette mesure comme l’expression d’un choix individuel, alors qu’elle est majoritairement subie ? Nous estimons que la réponse est oui.
Monsieur le ministre, vous ne fréquentez pas vraiment les salariés âgés dont nous vous parlons ici. Vous voulez continuer à vous persuader que la retraite progressive est une bonne solution, « un lent passage entre la vie professionnelle et la retraite », comme le dit M. le rapporteur. Or c’est vrai pour un nombre trop faible de personnes.
C’est très choquant, car, pour nous, l’âge de 60 ans représente la naissance d’un droit à la retraite. Vous, vous souhaitez que ce droit n’existe plus : non seulement vous reculez cet âge à 62 ans, mais désormais tout le monde devrait travailler toute sa vie, jusqu’au bout.
De manière progressive et insidieuse, par des propositions successives, vous en venez petit à petit au système anglo-saxon, dans lequel l’âge des retraités, notamment celui des travailleurs, augmente notablement.
Et quand on voit le contenu de votre contre-réforme, monsieur le ministre, on peut prédire que bientôt nos concitoyens à la retraite n’auront que les choix suivants : être indigents avec une retraite par répartition de plus en plus faible, ou être en retraite progressive, ou encore avoir souscrit une retraite par capitalisation.
Cet article signe bien la fin de la retraite par répartition, malgré vos dires et vos dénégations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1105, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’introduction de cet article au cours des débats parlementaires a été justifiée par le fait que le dispositif de retraite progressive mis en place en 2006 n’aurait pas connu le succès escompté.
Reconduit en 2010, ce dispositif va désormais être inscrit dans la loi, la majorité pensant que si la retraite progressive acquiert un statut normatif définitif, cela mettra fin à l’insécurité juridique qui l’entoure et poussera les salariés à y recourir un peu plus.
Pour notre part, nous pensons que le problème vient non pas de questions de forme, portant sur le statut légal de ce dispositif, mais de questions de fond. En effet, ce système de retraite soulève à nos yeux différents problèmes.
Tout d’abord, ce système est soumis à des conditions trop restrictives. En effet, pour bénéficier de ce droit, il faut avoir l’âge requis pour la retraite, c'est-à-dire 60 ans ou moins en cas de carrière longue, totaliser 150 trimestres validés, réduire son activité d’au moins un cinquième par rapport à la durée légale ou conventionnelle du travail applicable à l’entreprise ou à la profession, soit pas plus de 31 heures pour un horaire de 39 heures et pas plus de 28 heures pour un horaire de 35 heures. En outre, il ne faut pas exercer d’autre activité que celle à temps partiel relevant du régime général. Enfin, sont exclus de ce dispositif ceux qui ont acquis des trimestres dans les régimes spéciaux de salariés des fonctions publiques, de la SNCF, d’EDF-GDF, de la RATP, dans les régimes étrangers, ainsi que les majorations acquises au-delà de 65 ans.
Ensuite, de telles restrictions empêchent ceux qui pourraient avoir réellement besoin de ce dispositif d’en profiter. En effet, le critère de la pénibilité n’étant pas pris en compte, les salariés qui ont connu une carrière particulièrement usante n’auront pas nécessairement accès à la retraite progressive. A contrario, ce dispositif permettra encore plus aux employeurs de déréguler le temps de travail en faisant toujours plus appel à des temps partiels.
En l’état actuel des choses, nous pensons que ce système n’atteint pas les objectifs qui devraient lui être assignés. Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons de supprimer l’alinéa 6.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1106, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’article 32 bis A du projet de loi pérennise dans le temps le mécanisme de retraite progressive qui, pour l’heure, a séduit, il faut le dire, très peu de salariés, comme l’indique d’ailleurs le rapport de la commission.
Cela n’est pas dû au fait qu’il existe une insécurité juridique concernant son régime. Nous pensons plus simplement que les Françaises et les Français souhaitent pouvoir choisir le moment où ils prennent leur retraite, c'est-à-dire quand ils le peuvent financièrement, et que s’ils décident parfois de continuer de travailler avec le mécanisme de la retraite progressive, c’est qu’ils y sont contraints. Voilà tout !
Cependant, le Gouvernement, campant sur une position idéologique, veut continuer à mettre les seniors au travail. Il faudrait maintenant que nous fassions le deuil de la vie en dehors du travail. Il faudrait aussi que les pauvres s’habituent à travailler toute leur vie, car les riches, eux, pourront toujours capitaliser, « surcotiser » et, pour les plus fortunés d’entre eux, continuer d’investir dans des champs de courses, par exemple, ou des paradis fiscaux.
M. Guy Fischer. Oh non, ma chère collègue !
Mme Éliane Assassi. Ce projet de loi va ajouter une page de plus à votre législation de classe, véritable marque de fabrique du quinquennat. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Ils ne font pas d’idéologie !
Mme Éliane Assassi. En matière d’idéologie, monsieur Braye, excusez-moi, mais vous avez une longueur d’avance !
M. Dominique Braye. Les bolchéviques, vous êtes bons ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Éliane Assassi. Vous ne me faites pas peur, monsieur Braye, même si vous avez une grosse voix ! (Nouvelles exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David. Dès que les femmes s’expriment, vous hurlez !
Mme Éliane Assassi. Si ce sont les seules choses que vous avez à nous dire, franchement, elles ne sont véritablement pas intéressantes !
M. Dominique Braye. Parce que vous croyez que vous êtes intéressante ?
Mme Annie David. Soyez respectueux !
Mme Éliane Assassi. Nous pouvons en discuter en tête à tête dans la salle des conférences, monsieur Braye, quand vous le voulez ! Soyez un peu courageux ! (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !
Mme Éliane Assassi. La retraite progressive, c’est cette idée en action : tous au travail, jusqu’à la fin de la vie. De plus, elle s’accompagne d’une volonté de changer radicalement les mentalités en France pour que chacun trouve bien évidemment normal de continuer à travailler jusqu’au terme de son existence.
C’est ainsi que nous avons vu voilà quelques jours au journal télévisé de vingt heures, en plein conflit sur les retraites, un reportage, pour le moins partisan, montrant combien les salariés britanniques s’épanouissaient au travail à 70 ans et plus ! Si ce n’est pas de la propagande, je ne sais pas comment cela s’appelle !
Pour notre part, nous refusons cette logique libérale et antisociale. Nous revendiquons, je le répète, le droit à la retraite à 60 ans. Nous refusons votre vision utilitariste de l’humain, dont il faudrait capter, sa vie durant, la force de travail au profit du capital. Nous refusons donc la retraite progressive.
Tel est le sens de cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Cet article n’est pas à la hauteur des enjeux, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire.
Augmenter le taux d’activité des seniors, permettre un passage moins abrupt entre travail et retraite, tenir compte du souhait de certains de continuer à travailler, implique une véritable révolution des modes de pensée et une réflexion plus globale que ce que vous proposez. La pauvreté de l’étude d’impact sur ces questions témoigne du peu d’importance que vous leur accordez et de l’impréparation de votre réforme sur ces sujets pourtant essentiels.
Favoriser le travail des seniors suppose d’améliorer leur formation. Il s’agit de leur proposer une mise à niveau dans certains domaines de manière à ce qu’ils n’aient pas l’impression d’être dépassés par les évolutions, notamment technologiques, mais aussi d’étudier avec eux les possibilités d’évolution de leur emploi. Cela passe par un effort de formation à destination des plus de 45 ans, ce qui constitue le b.a.-ba de la politique de formation dans les pays scandinaves, pays que vous prenez souvent en exemples sans réellement connaître le détail de leur modèle.
Nous proposons ainsi un bilan de compétences pour tous les salariés âgés de plus de 45 ans, avec une réunion de bilan tous les deux ou trois ans, afin qu’ils puissent faire état de leurs besoins, de leurs envies et de leurs projets. Ainsi les seniors seront-ils mieux intégrés dans l’entreprise et pourront-ils progresser avec le monde du travail sans se sentir constamment en retard d’une évolution.
Par ailleurs, nous estimons que, pour favoriser l’emploi des seniors, il faut également que le monde de l’entreprise cesse de considérer qu’un salarié ne répondant plus aux critères généraux n’est plus bon à rien dans la sphère professionnelle. La fin de carrière doit être adaptée et plus souple.
On n’échappera pas à une révolution des consciences dans le management pour veiller à une meilleure intégration des seniors dans l’entreprise. Or vous ne faites rien pour préparer ces évolutions, monsieur le ministre. En cela, votre réforme est assez inefficace.
Vous êtes également silencieux sur le binômat, qui devrait être généralisé afin que les seniors puissent former concrètement les jeunes arrivant en entreprise. Ces pratiques créent une solidarité intergénérationnelle et permettent de favoriser un départ en retraite progressif. Sur tous ces points, le projet de loi est silencieux, absent, insuffisant.
Vous parlez de courage, concernant cette réforme. Or le courage eût consisté à préparer notre pays à mieux respecter une grande partie de sa main-d’œuvre et à favoriser l’entraide intergénérationnelle que constitue le tutorat, lequel permet la transmission des savoir-faire.
Je regrette que votre réforme ne soit qu’idéologique. Ce texte est une occasion manquée. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. À notre sens, c’est l’absence de véritables mesures en matière de pénibilité qui conduit les salariés affaiblis par le travail à demander à bénéficier du dispositif prévu à l’article 32 bis A.
Quand on se sent fatigué, usé, on demande à être soulagé de sa peine et à partir à la retraite. Cependant, quand on n’a pas les moyens de vivre avec sa pension, on fait un choix contraint et on continue à travailler à temps partiel.
En définitive, la retraite progressive, c’est une logique libérale en action ! C’est l’intériorisation par nos concitoyens de l’idée que la vie doit être uniquement consacrée au travail ! C’est faire de chacun un auto-entrepreneur, qui pourra compter seulement sur lui-même et sur son travail jusqu’à la fin de sa vie.
Nous souhaiterions insister sur un point relatif à la proposition formulée dans cet article, visant à donner aux salariés concernés par le dispositif la possibilité de cotiser sur une base correspondant à un temps plein alors qu’ils sont, dans les faits, à mi-temps.
Pensez-vous sérieusement que les salariés concernés seront nombreux à pouvoir, financièrement, se permettre de cotiser à temps plein, alors que s’ils ont décidé de continuer à travailler à temps partiel en plus de leur retraite, elle aussi partielle, c’est précisément parce qu’ils rencontrent de graves difficultés financières ?
Nous ne pensons pas qu’il appartienne au salarié à temps partiel de surcotiser.
En revanche, il nous semblerait normal que ce soit les employeurs qui se voient contraints dans ce dispositif de cotiser sur une base de temps plein.
En effet, à y regarder de près, d’une part, c’est bien la pénibilité du travail qui conduit les salariés à ne pas avoir d’autre choix, physique ou économique, que d’opter pour la retraite progressive ; d’autre part, ce dispositif permet aux employeurs de contourner leur responsabilité sociale en matière de pénibilité et de souffrance au travail.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. En complément de ce qui vient d’être souligné par mon collègue Bernard Vera, je regrette que, dans leurs explications, M. le ministre et M. le rapporteur aient mélangé les différentes procédures existant aujourd'hui en matière de cessation d’activité.
En effet, l’article 32 bis A concerne la retraite progressive. Pour pouvoir bénéficier d’un tel processus, il faut avoir atteint l’âge de la retraite, qui sera fixé à 62 ans si le projet de loi et ses décrets d’application entrent en vigueur.
Or, monsieur le rapporteur, dans votre réponse, vous avez évoqué la cessation anticipée et la cessation progressive d’activité. La cessation anticipée est destinée aux salariés qui sont reconnus en invalidité et qui peuvent s’arrêter avant d’avoir atteint l’âge de la retraite. La cessation progressive d’activité est également une mesure applicable aux personnes qui n’ont pas encore atteint l’âge de la retraite.
Par conséquent, monsieur le rapporteur, même s’il est tard, j’aurais aimé que vous soyez un peu plus précis et clair sur la seule explication que vous nous avez apportée s’agissant de cette série d’amendements. En effet, comme mes collègues l’ont très bien expliqué, nous sommes vraiment opposés à la retraite progressive !
Mais il ne faut pas tout mélanger. La cessation anticipée, la cessation progressive d’activité et la retraite progressive ne s’adressent pas aux mêmes salariés et ne sont pas fondées sur les mêmes procédures.
Pour notre part, nous avons bien parlé de la retraite progressive, qui est l’objet de cet article, pour vous dire que nous n’y sommes pas favorables ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 32 bis A, modifié.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 67 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Article 32 bis B (nouveau)
L’article L. 5423-19 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les demandeurs d’emploi qui en bénéficient au 31 décembre 2010 continuent d’en bénéficier jusqu’à l’âge prévu à l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale. »
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote sur l’article.
Mme Christiane Demontès. Cet article prévoit que les demandeurs d’emploi bénéficiant de l’allocation équivalent retraite, l’AER, au 31 décembre 2010 continueront d’en bénéficier jusqu’à l’âge de 62 ans.
Cet article apporte donc non le rétablissement de l’allocation équivalent retraite que nous réclamons depuis 2008, mais seulement sa prorogation pour les actuels bénéficiaires.
Je le rappelle, l’allocation équivalent retraite s’adresse aux chômeurs n’ayant pas atteint l’âge de la retraite, qui est encore fixé à 60 ans pour le moment, mais ayant validé tous les trimestres pour faire valoir leurs droits à pension.
Il s’agit donc de personnes ayant commencé à travailler tôt, souvent fatiguées, usées par le travail et des conditions de vie difficiles et fréquemment précaires.
En loi de finances initiale pour 2008, le Gouvernement a décidé de supprimer cette allocation, qui coûtait 538 millions d’euros au budget de l’État. Ce n’est pourtant pas une somme considérable, surtout si elle est répartie entre plusieurs dizaines de milliers de bénéficiaires.
Vous vous en souvenez tous, la même année, c'est-à-dire en 2008, la banque Dexia, sauvée de la faillite par les contribuables belges et français, a versé 8 millions d’euros de bonus à ses dirigeants.
M. Guy Fischer. Scandaleux !
Mme Christiane Demontès. Le patron de Total, société directement responsable de catastrophes écologiques, empochait 2 millions d’euros de bonus.
Nous pouvons continuer la liste. Dès l’année 2000, le patron du groupe Elf quittait l’entreprise après la fusion avec Total, en empochant 45 millions d’euros d’indemnités et de stock-options.
M. Guy Fischer. Scandaleux !
Mme Christiane Demontès. En 2006, éclatait le scandale concernant Antoine Zacharias, contraint de démissionner de Vinci après avoir encaissé une indemnité de 13 millions d’euros, une retraite chapeau et s’être constitué un patrimoine de 250 millions d’euros.
M. Guy Fischer. Encore plus scandaleux !
Mme Christiane Demontès. Regardons à présent les salaires. La presse économique publiait la rémunération, c'est-à-dire la part fixe et la part variable, des patrons de Danone, 4,280 millions d’euros, de LVMH, 3,880 millions d’euros, de GDF-Suez, 3,465 millions d’euros. Le nouveau patron de Total a gagné 2,803 millions d’euros et – je l’ai gardé pour la fin – celui de l’Oréal a touché 3,465 millions d’euros ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Marc Todeschini. Qui travaille chez l’Oréal ?
Mme Annie David. Ou travaillait !
Mme Christiane Demontès. Ces patrons portent la lourde responsabilité de n’avoir pas eu suffisamment de conscience et de moralité pour refuser des sommes pareilles.
Ce sont des sommes qui portent atteinte aux intérêts des entreprises que ces patrons prétendent diriger. Elles ne rémunèrent pas les efforts des salariés et n’alimentent donc ni la consommation ni la croissance ! C’est un système de captation, qui met notre économie en coupe réglée.
Permettez-moi de vous rappeler une question posée par le secrétaire général de la CFDT, qui n’a pas pour habitude de tenir des propos extravagants et qui a un langage d’ordinaire plutôt mesuré. Dans une émission de télévision, il s’est demandé : « Mais qu’est-ce qu’ils en font de tout leur pognon ? » (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Raymonde Le Texier. Bonne question !
Mme Gisèle Printz. On aimerait bien le savoir !
Mme Christiane Demontès. En effet, c’est une question qui mérite d’être posée.
Pendant ce temps, au lieu de prendre des dispositions pour que de telles sommes restent dans l’entreprise et alimentent l’investissement en France ou soient versées en salaires aux travailleurs, que fait le Gouvernement ? Laurent Wauquiez, en débat de loi de finances, nous l’explique : « L’allocation équivalent retraite est un encouragement à la cessation précoce d’activité, alors que nous mettons en place un plan pour l’emploi des seniors. Il faut donc la supprimer. »
De tels propos pour parler de chômeurs âgés et prématurément usés montrent une ignorance alarmante des réalités chez un responsable. Et ils ne sont pas acceptables humainement !
De plus, on a vu les brillants résultats du plan pour l’emploi des seniors. En fait, c’est surtout la rupture conventionnelle qui a été une réussite, nous en avons déjà parlé.
Aujourd’hui, vous en êtes réduits à proposer de l’argent public aux employeurs pour favoriser l’embauche de chômeurs âgés en contrats précaires.
J’ajouterai un dernier mot sur l’allocation équivalent retraite. Aujourd'hui, son montant est de 994 euros par mois pour une personne seule, et ce au maximum, puisque l’AER est servie sous conditions de ressources. C’est évident !
Un calcul simple montre que, sur un an, le chômeur âgé aura perçu 11 928 euros quand un patron de grande société cotée aura touché entre 2 millions et 4 millions d’euros. Et cela, même s’il a fait perdre des sommes considérables à l’entreprise,…
Mme Annie David. Surtout dans ce cas !
Mme Christiane Demontès. … s’il a provoqué des milliers de licenciements et a mis ces chômeurs à la charge de la collectivité. C’est ce qui s’appelle un transfert direct, mes chers collègues ! Je n’évoque pas ici l’évasion fiscale par les rémunérations versées dans des paradis fiscaux !
L’allocation équivalent retraite n’est donc pas rétablie. Ce projet de loi, qui prolonge la durée de versement dans la logique du recul de l’âge de la retraite, ne prévoit pas l’ouverture de nouveaux droits.
Les chômeurs âgés qui ne pourront plus entrer dans l’allocation équivalent retraite seront renvoyés vers l’allocation de solidarité spécifique, l’ASS,…
M. Roland Courteau. Et voilà !
Mme Christiane Demontès. … destinée aux chômeurs en fin de droits, d’un montant – cela vaut la peine de le rappeler – de 454 euros par mois ! Le Gouvernement ne nous dit pas qui peut vivre avec une telle somme.
Mais ce n’est pas tout. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.) Un bruit insistant court selon lequel le Gouvernement voudrait aussi supprimer l’ASS…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Christiane Demontès. … et renvoyer ces chômeurs en fin de droits vers le RSA, donc vers les collectivités territoriales. Ainsi, la boucle sera définitivement bouclée ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. La question de l’AER concerne environ 60 000 personnes qui ont vécu, année après année, avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Ces personnes, qui ont souvent commencé à travailler très tôt, disposent parfois de leurs quarante années d’ancienneté. Elles ont souvent effectué des travaux pénibles et ont accepté les plans sociaux proposés par leurs entreprises, pensant bénéficier de l’AER à l’issue des 36 mois d’indemnisation des ASSEDIC et dans l’attente de partir en retraite.
Ces plans sociaux ont été validés par les directions départementales du travail. Mais, sous prétexte de lutter pour l’emploi des seniors, vous avez tenté de supprimer purement et simplement ce dispositif. Toutefois, sous la pression, vous avez accepté de le prolonger, en 2009, pour un an. Vous y avez à nouveau consenti en février pour l’année 2010.
Nous pensons cependant qu’il faut prolonger le dispositif jusqu’en 2011. Mais, dans le même temps, vous affirmez que l’article 40 de la Constitution ne nous permet pas de proposer directement sa prolongation.
Je vous le dis franchement, monsieur le ministre, des dizaines de milliers de personnes ayant travaillé très dur attendent une décision de votre part : la prolongation du dispositif jusqu’en 2011. Ces personnes ayant accepté les plans sociaux et disposant de documents attestant qu’ils bénéficieraient de l’AER et qu’ils pourraient ainsi partir en préretraite, je vois mal le Gouvernement se dédire et ne pas accepter la prolongation jusqu’en 2011.
Ces plans sociaux ayant été avalisés par les directions départementales du travail, on ne conçoit pas un seul instant que l’AER ne soit pas prolongée. Vous n’ignorez pas que les carrières longues vont prendre fin dans quelques années. Par ailleurs, les personnes dont nous parlons ont déjà quitté l’entreprise. Il est hors de question que cette AER ne soit pas prolongée.
Quand comptez-vous, monsieur le ministre, décider d’assumer les conséquences des actions du Gouvernement et prolonger une fois pour toutes le dispositif AER jusqu’au 31 décembre 2011 ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 32 bis B.
(L'article 32 bis B est adopté.)
Articles additionnels après l'article 32 bis B (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Titre V ter
MESURES RELATIVES À L’ÉPARGNE RETRAITE
Article 32 bis C (nouveau)
L’épargne retraite, qui vise à compléter les pensions dues au titre des régimes de retraite par répartition légalement obligatoires, permet de disposer, à partir d’un âge déterminé, de revenus provenant d’une épargne constituée individuellement ou collectivement pour faire face à des besoins viagers, à partir de versements sur une base volontaire ou obligatoire réalisés à titre privé ou lors de l’activité professionnelle.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, sur l’article.
Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous connaissez, pour certains, mon intérêt pour les dispositifs d’épargne retraite.
Mme Annie David. Ça, oui !
M. Guy Fischer. Pour la capitalisation, oui !
Mme Isabelle Debré. Je voudrais tout d’abord rappeler, afin de lever toute ambiguïté sur les objectifs de notre majorité, que nous n’avons pas la moindre intention, en favorisant le développement de l’épargne retraite, de nous engager plus avant dans la voie de la capitalisation au détriment du système par répartition. (Ah ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. À peine ! C’est la porte ouverte à la capitalisation !
Mme Isabelle Debré. Notre système de retraite par répartition est le socle de la solidarité intergénérationnelle nationale. Il faut le préserver, et ce projet de loi s’en donne les moyens.
M. Guy Fischer. C’est la louve dans la bergerie !
Mme Isabelle Debré. Pour autant, l’épargne collective, au travers des dispositifs d’épargne salariale et d’épargne retraite est, j’en suis convaincue, un outil à ne pas négliger afin de permettre aux salariés de nos entreprises de se constituer un complément de retraite appréciable, je dis bien un complément.
Salariés et entreprises l’ont d’ailleurs bien compris. J’en veux pour preuve le succès grandissant du plan d'épargne pour la retraite collectif, le PERCO, et plus largement des dispositifs d’épargne d’entreprise.
Quelques chiffres permettent de démontrer cet intérêt croissant pour l’épargne retraite. Au 31 décembre 2009, les encours sur le PERCO représentaient plus de 3 milliards d’euros, soit une progression de 63 % en un an. Par ailleurs, au 30 juin 2010, près de 112 200 entreprises proposaient à leurs salariés ce véhicule d’épargne retraite salariale, soit une progression de 24 % sur un an. Enfin, 2,5 millions de salariés étaient couverts à cette date et près de 630 000 avaient déjà effectué des versements, soit une progression de 31 % du nombre d’épargnants en un an.
Certes, 2 millions de salariés bénéficiant d’un dispositif d’épargne retraite en entreprise, c’est peu au regard des 16 millions de salariés que compte le secteur privé dans notre pays.
De même que les 3 milliards d’euros d’encours sur le PERCO pèsent peu au regard des 85 milliards d’euros d’encours d’épargne salariale, des 12 millions de comptes de bénéficiaires, et des 230 000 entreprises équipées d’un véhicule d’épargne salariale.
Il nous faut, je le crois, rééquilibrer dès à présent les différents véhicules d’épargne au profit de l’épargne retraite, en gardant toutefois à l’esprit que cette épargne doit continuer à être investie autant que possible dans des fonds permettant d’alimenter la croissance et le développement de nos entreprises.
En d’autres termes, nous nous devons de privilégier l’épargne de long terme destinée tout à la fois au financement des retraites des salariés et des fonds propres des entreprises.
Le projet de loi qui nous est soumis prévoit des mesures intéressantes pour favoriser l’épargne retraite dans les entreprises. Je ne les énumérerai pas à cette heure très tardive ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Nous avons tout notre temps !
Mme Isabelle Debré. Mes chers collègues, l’épargne retraite présente bien des avantages, et c’est la raison pour laquelle il nous faut aujourd’hui l’encourager. Les salariés seront gagnants, n’en doutons pas, car nous savons tous ici combien il est nécessaire de préparer, au plus tôt et tout au long de sa vie active, sa retraite.
Lorsque l’effort d’épargne est étalé dans le temps et, qui plus est, encouragé par l’entreprise grâce à l’abondement, il est plus supportable et mieux accepté.
Il nous faudra cependant veiller à la fiscalité de l’épargne. Nous ne pouvons en effet faire peser la même fiscalité sur l’épargne courte et sur l’épargne longue. Leurs mécanismes propres, leurs objets, ne sont pas identiques. La charge fiscale et sociale doit être adaptée à la nature de l’épargne : plus importante lorsqu’elle est de court terme, réduite lorsque les sommes épargnées sont immobilisées jusqu’à la retraite.
C’est un débat que nous aurons, j’en suis certaine, lorsque nous examinerons le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. La musique ne sera pas la même, vous l’aurez compris, ma chère collègue !
Mme Isabelle Debré. Je m’en doutais !
M. Charles Revet. On l’avait compris !
Mme Annie David. Nous en arrivons aux articles concernant l’épargne retraite. En 2003, la réforme de M. François Fillon avait largement contribué à favoriser le développement de l’épargne retraite individuelle, avec, notamment, la création du plan d’épargne retraite populaire, le PERP, et du plan d’épargne retraite collectif, le PERCO.
Au total, tous produits confondus, l’encours de l’épargne retraite était de 123,8 milliards d’euros en 2009, soit un tiers du régime par répartition dont le versement des pensions était estimé pour la même année à 230 milliards d’euros. Ces chiffres révèlent bien l’ampleur que prend actuellement l’épargne retraite individuelle au sein des régimes de retraite.
Mais cela ne suffit pas à la majorité et au Gouvernement, puisqu’avec ce texte, un pas supplémentaire est franchi vers le renfoncement de la retraite par capitalisation, au détriment bien sûr de l’actuel système par répartition.
Pourtant, nous avons toutes et tous en mémoire les mots du Président de la République, que je cite : « Je garantirai la pérennité du régime de retraite... Je ne changerai pas le régime par répartition [..] par un régime où chacun épargnerait de son côté... ».
Mais, à l’évidence, l’appel des banques et des sociétés d’assurances, qui convoitent les milliards d’euros de la retraite par répartition, aura été plus fort. À ce sujet, je rappelle, que le premier groupe paritaire de protection sociale en France n’est autre que Malakoff Médéric, dirigé par Guillaume Sarkozy ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Comme par hasard ! Nous y reviendrons !
Mme Annie David. Or, fait troublant, cet été, c’est-à-dire pendant la discussion de ce texte à l’Assemblée Nationale, ce groupe a créé, avec la Caisse nationale de prévoyance, une société d’assurance du nom de Sevriena, dont l’objectif consiste à développer massivement la retraite par capitalisation. Il y a fort à parier que cette société attend avec impatience l’adoption de ce texte.
En effet, non seulement le régime par répartition est malmené, mais diverses dispositions incitent nos concitoyennes et concitoyens à contracter une épargne retraite individuelle, et ce dans le souci de compenser la baisse inéluctable du niveau des pensions versées par les régimes obligatoires, baisse organisée par votre projet de loi.
Avec les articles consacrés à cette partie du texte, vous enfoncez le clou : monétisation des congés payés pour alimenter le PERCO, augmentation du plafond de jours exonérés de charges sociales et utilisés à partir d’un compte épargne-temps pour abonder un plan d’épargne retraite, versement des sommes perçues par un salarié au titre de la participation aux résultats de l’entreprise sur le PERCO, obligation – j’y insiste, mes chers collègues – faite aux partenaires sociaux d’engager au plus tard le 31 décembre 2012 des négociations de branche en vue de la mise en place de PERCO, de plans d’épargne retraite d’entreprises. Il n’était pourtant pas question tout à l'heure d’obligation pour l’égalité salariale ou autres accords devant être conclus !
Mme Isabelle Debré. Là non plus !
Mme Annie David. Ce tarissement organisé des régimes par répartition au profit du système par capitalisation est également très attendu par le MEDEF, dont la présidente, Mme Parisot, estime que la capitalisation « crée des richesses et n’en ponctionne pas » et que « sur le long terme, l’évolution des marchés est toujours gagnante », comme si la crise financière et économique de 2008 n’avait jamais existé.
Pourtant, cette crise a fait baisser le montant des actifs des fonds de retraite de 5 400 milliards de dollars, et le montant des pensions de 23 %, dans les pays où domine ce système de retraite.
La capitalisation représente un risque, car ces fonds dépendent de la rentabilité des marchés financiers et sont soumis à leurs aléas. Affirmer le contraire, c’est tromper nos concitoyennes et nos concitoyens.
En outre, la capitalisation ne sert pas la croissance, car les fonds, capitalisés à partir de l’épargne individuelle, vont à la finance et la spéculation (M. Jean Desessard s’exclame.), au détriment de la sphère réelle et, tout simplement, de la vie quotidienne des gens !
Seul le régime par répartition, expression de la solidarité nationale, est à même de garantir à toutes et tous, une retraite digne, que nous souhaitons avec un départ à 60 ans, à taux plein. C’est possible, nous l’avons démontré avec nos propositions, tout au long des débats.
Sous couvert d’un manque de financement du régime de répartition, vous légitimez le développement de la capitalisation. Mais vous refusez pourtant tout débat sur un vrai financement pour garantir la répartition, puisque vous refusez d’entendre nos propositions de financement, qui ont par ailleurs fait l’objet d’une proposition de loi !
Force est de constater, monsieur le ministre, que vous maintenez vos positions, non pas comme vous vous plaisez à nous le répéter, par sens des responsabilités, puisque nous vous proposons une alternative, mais bien pas entêtement idéologique. (Fini ! Terminé ! Chrono ! sur les travées de l’UMP.)
Nous nous opposerons donc, vigoureusement, à toutes mesures servant le développement de la capitalisation, qui n’est pas un complément à la répartition, mais bel et bien une arme pour la détruire.
Et je me tourne vers Mme Debré : pour faire le bonheur des gens, plutôt que de leur proposer un régime de retraite par capitalisation, battez-vous pour une vraie politique salariale qui permette à toutes et à tous de vivre dignement ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Isabelle Debré. Nous pouvons faire les deux !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, sur l’article.
Mme Marie-Agnès Labarre. Ah, qu’ils étaient beaux, les discours enfiévrés de la majorité sur notre précieux pacte républicain, sur la solidarité entre les générations, sur la sacro-sainte retraite par répartition qu’il fallait à tout prix sauvegarder par des mesures douloureuses mais tellement nécessaires !
Et puis, patatras, surgit l’article 32 bis C de ce superbe projet de loi !
C’est par inadvertance, sans doute, que l’aveu est formulé à la fin de l’article et que la dernière salve est tirée. L’avenir de la retraite, mes chers collègues, est tracé : ce sera l’épargne-retraite, constituée, vous avez bien lu, « sur une base volontaire ou obligatoire, à titre privé ou lors de l’activité professionnelle ». L’entreprise de démolition se poursuit donc.
La méthode est insidieuse qui pousse les Français vers des modes de financement individuels de la retraite, retraite qu’au passage ils paieront deux fois : une fois par répartition pour les retraités d’aujourd’hui, une fois par capitalisation pour eux-mêmes, s’ils le peuvent.
Cette méthode du catastrophisme est éprouvée : vous la mettez en œuvre dans l’hôpital public, à La Poste et partout où l’occasion vous est offerte. Vous organisez la faillite du système pour mieux l’achever. Vous dégradez les comptes publics pour justifier la grande braderie des biens nationaux.
Parce que le comble du cynisme n’est jamais atteint et que le temps presse, vous ne résistez pas à brandir, au moment même où nos compatriotes ont le plus mal au porte-monnaie, le chiffon rouge de la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF. Vous n’êtes jamais à court de provocations.
« L’épargne retraite vise à compléter les pensions dues au titre des régimes de retraite par répartition », écrivez-vous.
Comment mieux dire que les pensions sont insuffisantes et vont baisser ? Comment mieux nous convaincre que la retraite par répartition sera la retraite du pauvre ?
Les turbulences des marchés financiers sont déjà oubliées : la ruine de millions d’épargnants ne vous aura pas servi de leçon. Décidément, l’appétit des vautours qui guident vos pas est plus fort que tout !
Voilà donc les fonds de pension renforcés et rendus obligatoires dans le système de retraite des Français, avec les profits pour les uns et les risques pour les autres, mais toujours les mêmes ! Peu vous importe, visiblement, que les fonds de pension créent une nouvelle inégalité au détriment des plus faibles, ceux qui n’ont pas les moyens, ceux qui ont du mal à boucler leurs fins de mois. En votant ce texte, vous enfoncerez délibérément un coin de plus dans la cohésion nationale !
Le peuple français est dans la rue parce qu’il n’en peut plus de cette litanie de mesures qui vont toujours dans le même sens ! Il n’en peut plus de voir bafoués, jour après jour, les principes de l’égalité républicaine ! Il n’en peut plus de voir se creuser tous les jours davantage l’écart entre les riches, toujours plus riches, et les pauvres, toujours plus pauvres, et plus nombreux.
Le moyen de financer un bon niveau de retraite par répartition existe, vous le savez, mais vous avez préféré, une fois encore, rompre le fil de notre tradition républicaine. Nos débats, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, et vos excès ont montré que nos conceptions de la Nation n’étaient pas conciliables.
Arrêtez maintenant le train de l’injustice et laissez-nous faire : nous mènerons une politique de plein emploi, nous mettrons un terme aux exonérations et autres niches à rentiers, nous oserons toucher aux profits spéculatifs, nous inverserons le cours de la répartition de la richesse nationale.
La France est riche, mais sa richesse est confisquée. Le « Hiroshima social » de M. Accoyer, c’est notre Eldorado républicain ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l’article.
M. Guy Fischer. Nous y voilà ! C’est ce que l’on pourrait être tenté de dire à la lecture des dispositions du titre V ter de ce projet de loi qui, sur l’initiative de notre rapporteur, tente de donner une définition du périmètre de l’épargne retraite.
Nous sommes en effet en présence d’une série de dispositions qui, sous des dehors évidents de technique financière, rouvrent le débat sur la question des fonds de pension et de l’épargne retraite.
Soyons clairs, ce titre V ter pose en fait les fondements de la retraite par capitalisation. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David. Ça, c’est sûr !
M. Guy Fischer. Nous pouvons nous interroger pendant de longues heures sur les motivations profondes de cette orientation. Tenez : pas plus tard que ce lundi, sur l’initiative de M. Marini, le Club de l’épargne salariale se réunissait au restaurant du Sénat : il ne pouvait pas être mieux accueilli !
Mme Isabelle Debré. Je n’étais même pas invitée ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Première observation : tout laisse à penser, quand on y réfléchit un peu, que l’on a mis en perspective la réforme de notre régime de retraite par répartition pour amener les habitants de ce pays, les assurés sociaux, à procéder à la souscription de plans d’épargne retraite : il suffit d’ouvrir son poste de télévision pour s’en convaincre.
Cette intervention est donc l’occasion de revenir sur quelques-uns des aspects du projet de loi.
Comme nous l’avons vu, les mesures mises en œuvre pour le régime général comme pour le régime de la fonction publique vont conduire à la réduction des prestations servies par l’un et l’autre régime. Vous pourrez toujours dire ce que vous voudrez, monsieur le ministre, mais ce sera le cas, quoi qu’on en dise ou quoi qu’on fasse !
Tout concourt, dans le projet de loi portant réforme des retraites, pour jouer au détriment des salariés et au profit de l’équilibre comptable des régimes de retraite et, par-dessus tout, au profit du patronat, que vous avez systématiquement refusé de placer face à ses responsabilités en matière de protection sociale.
Vous nous répondrez évidemment, dans ce cadre-là, que vous avez préservé les régimes de retraite par répartition, mais vous avez préservé des retraites au petit pied, une solidarité à la petite semaine, qui ouvre en fait la porte aux pires inégalités de situation entre retraités, car tel sera le résultat de l’application du présent projet de loi.
Dans les faits, tout laisse à penser, à y regarder d’assez près, que ce n’est rien d’autre qu’une extension de l’étage individualisé de retraite qui est mise en œuvre, rompant avec l’équilibre solidaire des régimes par répartition. Nous ne pouvons en particulier oublier, dans ce débat, que seuls ceux qui en ont les moyens pourront vraiment épargner, ce qui ne fera que transposer à la retraite les inégalités de ressources existant entre salariés.
Nous sommes évidemment obligés de nous interroger sur une question d’ordre macroéconomique : quels seront les effets de ces dispositifs d’épargne sur la croissance économique ? La France est en effet un pays où l’épargne des ménages est très importante, notamment chez les retraités et les actifs âgés de plus de 40 ans. Avec ce titre V ter, nous courons le risque d’un développement complémentaire de cette épargne qui pèsera sur la croissance, à moins qu’il ne s’agisse de recycler – le but de la manœuvre est là – une partie de cette épargne accumulée, ou encore d’en modifier l’affectation, c’est-à-dire de pomper cette épargne pour asseoir les fonds propres des entreprises.
Le recyclage des primes d’assurance vie, la vidange de l’épargne logement, la décollecte du livret A sont autant d’objectifs visés à travers ce titre. À moins, bien entendu, qu’il ne s’agisse plus prosaïquement d’engager de nouvelles masses financières sur les marchés boursiers ! Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Comme l’expérience des plans d’épargne pour la retraite collectifs, les PERCO, n’est pas nécessairement concluante – vous ne l’avez pas dit, madame Debré, vous n’avez mentionné que leur montée en puissance –, surtout depuis les ébranlements de l’été 2008, nous ne pouvons que nous intéresser de très près aux amendements qui vont maintenant être discutés. Nous défendrons nos positions, argument contre argument ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, sur l’article.
M. Jacques Muller. Il convient de resituer dans leur contexte les dispositions de cet article 32 bis C. Je dénonce ici les fondements de ce projet de loi, car ils traduisent en fait une vision archaïque de l’économie d’aujourd’hui et la volonté politique inavouée de sauver les riches !
En effet, accentuation du déséquilibre entre actifs et inactifs oblige, la refondation nécessaire de notre système de retraites par répartition, élaboré consensuellement par le Conseil national de la Résistance, ne saurait faire fi d’une réalité macroéconomique structurelle, à savoir l’envolée historique des dividendes versés aux actionnaires. Autrement dit, la nécessaire solidarité intergénérationnelle ne peut plus reposer sur la seule taxation du travail.
Permettez-moi de m’appuyer sur un certain nombre de données chiffrées tirées des comptes de la Nation, établis par une institution incontestée, l’INSEE.
Sur la longue période, la progression du salaire mensuel net moyen, inflation déduite, est restée modeste : entre 1970 et aujourd’hui, il est passé de 1 850 euros à 2 200 euros, soit une augmentation de 14 % du pouvoir d’achat en quarante ans, ou de 0,4 % par an. Ces chiffres moyens ne doivent pas occulter une explosion des inégalités salariales, entraînée par la dérégulation systématique du marché du travail. En effet, le néolibéralisme a sévi, multipliant les emplois précaires, les contrats à durée déterminée, l’intérim, le temps partiel non choisi et, le plus souvent, mal payé.
Dès lors, comment financer nos retraites, dans un contexte démographique aussi déséquilibré ? Le Gouvernement essaie de nous faire croire qu’il n’y aurait pas de solution de rechange à son projet de loi. Ce faisant, il ignore délibérément la progression exponentielle des dividendes versés aux actionnaires : ils sont passés, en euros constants, c’est-à-dire inflation déduite, de quelque 20 milliards d’euros, en 1970, à 230 milliards d’euros aujourd’hui !
De plus, depuis 2003, ces dividendes prélevés sur la valeur ajoutée des entreprises dépassent l’excédent net d’exploitation : autrement dit, les dividendes pèsent directement, aujourd’hui, sur l’investissement économique et l’emploi, dans la mesure où les entreprises s’endettent désormais pour payer leurs actionnaires.
Il nous faut donc mettre à contribution ces dividendes colossaux, essentiellement versés aux ménages les plus riches, en rompant avec la logique qui prévaut depuis maintenant un demi-siècle. Il faut cesser de construire la nécessaire solidarité intergénérationnelle sur des prélèvements limités aux seuls revenus du travail. Il faut oser innover et mettre à contribution, enfin, les revenus du capital.
Cela relève, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, d’une « ardente obligation » ! Mais le Gouvernement s’y refuse, il préfère s’arc-bouter sur ses positions, en continuant de faire reposer le financement du système sur les seuls salariés et en n’hésitant pas à sacrifier, au passage, les plus précaires et les femmes, qui seront les grands perdants !
S’agit-il de conservatisme ?
M. André Trillard. Mais oui !
M. Jacques Muller. De paresse intellectuelle…
M. Josselin de Rohan. Encore oui !
M. Jacques Muller. … ou d’alliance de classe avec les riches ? (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
J’allais dire : peu importe !
En tout cas, en introduisant des dispositions très concrètes pour stimuler l’épargne retraite, le Gouvernement confirme, une fois de plus, sa soumission à une idéologie néolibérale qui gangrène notre système économique et social…
M. Dominique Braye. Toujours oui ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Jacques Muller. En fait, ces dispositions constituent l’aveu implicite de l’échec comptable programmé de cette détestable réforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, sur l’article.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Avec cette disposition, nous voilà au cœur de la pensée qui sous-tend l’ensemble de ce texte. Cette logique était également à l’œuvre dans la réforme de 2003 : dévitaliser les régimes par répartition pour favoriser les systèmes par capitalisation.
À ce titre, le sixième assureur mondial affirme que les vingt-sept pays de l’Union européenne devront trouver 1 900 milliards d’euros pour assurer une « retraite décente » à leurs citoyens qui prendront leur retraite entre 2011 et 2051. La France devrait, quant à elle, trouver 243 milliards d’euros. Cet assureur considère que nos concitoyens devront épargner 8 000 euros par an pour compléter leur retraite future. D’autres analyses laissent apparaître qu’en fonction de la baisse du taux de remplacement qu’imposerait ce texte le marché pourrait représenter la bagatelle de 40 à 100 milliards d’euros !
Avec l’instauration des « plans d’épargne pour la retraite collectifs », les PERCO, des « plans d’épargne retraite populaire », les PERP, et la baisse du montant des pensions, la réforme Fillon de 2003 a constitué une première étape dans la généralisation du système de retraite par capitalisation.
Mme Isabelle Debré. L’un n’empêche pas l’autre !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Nos concitoyens demeurent pourtant attachés au système par répartition, à la solidarité entre générations et à la justice. Ils le manifestent actuellement et n’ont que peu versé dans cette logique de fonds de pension.
Avec ce texte, comme nous l’ont révélé notamment quelques amendements déposés à l’Assemblée nationale, la logique de 2003 est considérablement renforcée. Le PERP et le PERCO sont des fonds de pension investis en bourse ; ils sont l’un comme l’autre abondés par le salarié, selon ses moyens, et par son employeur, selon sa volonté, avec en général une contrepartie : le gel des salaires ou une très faible revalorisation.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Ce système entraîne donc automatiquement une baisse des cotisations du régime général, comme le souligne un hebdomadaire satirique cette semaine. Il s’agit donc, dans les faits, d’un transfert de fonds du système par répartition vers la capitalisation individuelle.
Cette logique de fragilisation des recettes est renforcée par ce texte, puisqu’il est désormais question de généraliser les PERCO, jusqu’alors réservés aux grandes entreprises, pour les étendre aux PME.
En outre, il est proposé d’y affecter la moitié des sommes versées au titre de la participation et d’exiger des entreprises offrant une retraite chapeau à leurs dirigeants de créer systématiquement un PERCO à destination de leurs salariés.
Enfin, il est proposé aux salariés qui n’auraient pas fait valoir leurs droits aux réductions de temps de travail de les reverser sur un fonds d’épargne retraite.
M. Guy Fischer. Et voilà !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Comment ne pas voir dans ce faisceau de mesures, toutes issues d’amendements parlementaires déposés au cours de l’examen à l’Assemblée nationale, la volonté de généraliser la retraite par capitalisation, alors qu’elle a été, jusqu’à présent, une exception ?
Une récente étude universitaire, réalisée par un centre de recherche d’une université américaine, Boston College, sur la base des chiffres de la Banque centrale sur le patrimoine des ménages, montre qu’il manque 6 600 milliards de dollars aux fonds de pension américains pour maintenir le niveau de vie de leurs assurés pendant leur retraite, soit 45 % du produit intérieur brut des États-Unis. Parallèlement, les fonds de pension des cent premières entreprises américaines accusent un déficit de 460 milliards de dollars.
De fait, les retraités américains ne sont pas sûrs de recevoir le fruit de leur épargne…
Qui plus est, les diverses crises financières que nous avons connues ces deux dernières décennies ont causé, dans la société américaine, de véritables drames, des millions de citoyens ayant vu leur épargne retraite disparaître du jour au lendemain.
On n’aurait pu croire que des leçons seraient tirées… Il n’en est rien, puisque c’est bien ce système que le Gouvernement et la majorité sont en train d’imposer aux Français !
Ainsi, ce projet de loi, comme nous l’avons vu durant ces dernières semaines de débat, tend à fragiliser les régimes par répartition. Dès lors, le cadre propice à l’éclosion et au développement du marché des retraites par capitalisation est mis en place. Si tel était le cas, il serait du plus grand intérêt pour les grands groupes d’assurance d’investir ce marché et on comprendrait bien que des alliances se fassent d’ores et déjà.
Ce qui pourrait être un peu moins compréhensible serait, par exemple, qu’un groupe privé en capacité d’investir ce marché fasse, par exemple, alliance avec la Caisse des dépôts et consignations ou avec sa filiale, la Caisse nationale de prévoyance !
En effet, la Caisse des dépôts et consignations gère les 33 milliards d’euros du Fonds de réserve pour les retraites. Dès lors, il serait complètement antinomique de sa part de nouer des liens avec le système adverse. (C’est terminé ! C’est fini ! sur les travées de l’UMP.)
Mes propos semblent vous déranger, chers collègues de la majorité… (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Troendle. Non, vous avez épuisé votre temps de parole, c’est tout !
M. Roland Courteau. Vous feriez mieux d’écouter !
M. le président. Je vous prie de conclure, ma chère collègue !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Ce serait donc incompréhensible (Vives protestations sur les mêmes travées.), sauf à supposer l’existence d’une logique de vases communicants entre un système de retraite par répartition fragilisé et un système par capitalisation se renforçant.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article. (On s’en réjouit sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David. Quel succès !
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai écouté avec beaucoup d’attention, comme toujours, les propos de notre collègue Isabelle Debré.
M. Charles Revet. Et vous avez raison, car notre collègue ne dit que des choses intelligentes !
M. Dominique Braye. Tout à fait !
Mme Isabelle Debré. C’est trop d’honneur !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez commencé, madame Debré, par dire avec beaucoup de fermeté : « Nous sommes pour la retraite par répartition ! ». Vous l’avez ensuite répété.
Je me suis donc interrogé : finalement, si cela va de soi, pourquoi le dites-vous et le redites-vous ? (Mme Isabelle Debré marque son étonnement.)
J’ai aussitôt pensé, monsieur le président Longuet, à la célèbre pièce de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, qui s’intitule Le Barbier de Séville ou la Précaution inutile. (Sourires.) C’est en effet une précaution inutile, parce que, si vous commencez la rhétorique en disant que vous êtes pour la retraite par répartition et que vous tenez à le dire, et si vous le dites et le redites un certain nombre de fois, cela finit par devenir suspect. En d’autres termes, si cela va de soi, ce n’est pas la peine de le dire ! (M. Roland Courteau acquiesce.)
En réalité, madame Debré, dès votre première intervention, vous sentiez bien qu’il fallait tenter – de nouveau, c’est une précaution inutile – de vous justifier et de répondre par avance aux reproches qui pourraient vous être faits. En effet, ce titre, relatif à l’épargne retraite, met en cause la retraite par répartition et ouvre la porte à la retraite par capitalisation.
M. Josselin de Rohan. Nous savons qui vous êtes, madame Debré,… un agent du grand capital ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. D’ailleurs, monsieur le rapporteur, j’ai lu votre rapport, dans lequel vous commentez les modifications apportées par l’Assemblée nationale, et il est vrai que, comme Mme Annie Jarraud-Vergnolle l’a dit à l’instant, on a bien senti à l’Assemblée nationale quelque montée en puissance de mécanismes relevant de la capitalisation.
Que lis-je dans votre rapport, à la page 272 ?
« Cet article part d’un bon sentiment : » – vous savez que l’enfer est pavé de bonnes intentions, mon cher collègue – « offrir la possibilité au salarié de choisir une gestion des fonds du PERCO moins risquée à l’approche de sa retraite. Il est vrai que les règles prudentielles d’un PERCO sont aujourd’hui moins contraignantes que celles d’un contrat assurantiel.
« Pour autant, la rédaction choisie, même si elle renvoie à un décret d’application, est obscure. »
Vous avez raison de le dire !
Que cache donc cette obscurité ? On se le demande, mais nos interrogations ne durent pas longtemps puisque, en lisant votre rapport jusqu’à la page 274, on voit bien ce qu’il en est par rapport à la participation.
« L’idée originelle des commissions des finances et des affaires sociales de l’Assemblée nationale était d’obliger à la création de PERCO en cas d’accord de participation dans l’entreprise et d’orienter les sommes dues au titre de la participation vers ce type de plan. »
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Voilà !
M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit donc, avec toutes les génuflexions dues à la retraite par répartition, d’en maintenir le principe mais en ouvrant, dans le même temps, des quantités de brèches. Ce que vous mettez en œuvre après le PERCO, chers collègues de la majorité, c’est une épargne retraite obligatoire, avec des négociations obligatoires, des décisions obligatoires, au niveau tant de l’intéressé que de l’entreprise et de la branche.
La participation est un très bon dispositif.
Mme Isabelle Debré. Je suis contente de vous l’entendre dire !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous ne sommes pas contre, tout comme, d’ailleurs, nous ne nous opposons pas à l’épargne retraite (Exclamations sur les travées de l’UMP), dès lors qu’elle est volontaire. Mais là, il s’agit de créer un « tuyau » qui flèche, de manière évidente, la participation vers l’épargne retraite obligatoire.
Il est donc assez facile de voir que, en dépit de toutes les précautions, il y a là un danger tout à fait clair. Ce danger, nous tenons à le mettre en évidence mais aussi à le combattre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 278 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
L'amendement n° 1107 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 278.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, avec cet article 32 bis C, vous allez faire quelques heureux ! Les compagnies d’assurance et les compagnies bancaires l’attendent avec impatience ! Je pense, en particulier, au groupe Malakoff Médéric, dirigé par un certain Guillaume S. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
J’ai dit « S. », et non « X. », parce que ce monsieur est connu ! (Sourires sur les mêmes travées.)
Le PERCO, en effet, n’est rien d’autre qu’un fonds de pension à la française, qui vient en sus de la retraite versée par la sécurité sociale et de sa retraite complémentaire.
Pourquoi ajouter un troisième étage à ce système dont beaucoup disent qu’il est déjà trop complexe ?
Depuis 1993, les réformes successives ont eu pour conséquence de faire baisser le taux de remplacement. Ainsi, en quinze ans, celui-ci a diminué de dix points et ne se situe plus qu’à 65,3 %. Cela signifie qu’une personne touchant un salaire de 2 000 euros en fin de carrière percevait une pension de 1 500 euros en 1995, alors que, à situation identique, sa retraite n’est plus que de 1 300 euros aujourd’hui.
Votre projet de loi ne fera que prolonger cette évolution. D’ores et déjà, les compagnies qui vendent des produits d’épargne retraite avancent à leurs clients que leur taux de remplacement ne sera plus que de 50 % !
La baisse du taux de remplacement sera particulièrement sévère – nous le répétons depuis les dernières semaines – pour les salariés qui auront subi des « trous » de carrière et pour les générations qui prendront leur retraite après l’année 2020. Belle perspective, sachant que vous avez prétendu, pendant toute la durée des débats, défendre la retraite par répartition !
Ces articles 32 bis C et suivants illustrent le désengagement de l’État vis-à-vis du système de retraite.
Nous allons devenir plus dépendants encore des marchés financiers, car cet argent est placé en actions et en obligations, de sorte qu’une baisse de la valeur de ces titres constitue une menace pour des millions de retraités, actuels ou futurs. Or nous savons que spéculer avec l’argent des retraites n’est pas raisonnable. Cette pratique est même dangereuse pour l’ensemble de la société.
C’est pourquoi les sénatrices et sénateurs Verts demandent la suppression de cet article et voteront contre toutes les dispositions tendant à promouvoir l’épargne retraite. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 1107.
Mme Annie David. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous sommes également opposés à l’ensemble des dispositions proposées dans ce titre V ter et concernant la retraite par capitalisation.
Par cet amendement, nous vous proposons précisément de supprimer l’article 32 bis C, qui a été introduit par M. le rapporteur en commission.
Cet article est, pour nous, révélateur de la volonté de la majorité d’asseoir encore un plus la légitimité de l’épargne retraite, dans l’objectif inavoué de la rendre obligatoire. En outre, il répond parfaitement aux doléances des compagnies d’assurance et des banques. Je souscris aux propos que vient de tenir notre collègue Jean Desessard sur ce sujet et n’insisterai pas davantage.
Il est vrai que la retraite est un marché alléchant, puisque ce sont 230 milliards d’euros par an qui sont versés au titre des pensions, une somme phénoménale qui échappe donc aux marchés financiers. Lors de l’examen de la motion tendant à opposer la question préalable, j’évoquais l’« or gris » tant convoité.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, force est de constater – en ce sens, je rejoins notre collègue Jean-Pierre Sueur – que l’article 1er du présent projet de loi, selon lequel « la Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations », n’est qu’un affichage.
En effet, tout au long du texte, vous incitez nos concitoyennes et concitoyens à souscrire des plans d’épargne retraite, au motif que ces dispositifs complètent parfaitement le régime par répartition.
Or, de toute évidence, en organisant la mise à mal de ce régime, les unes et les autres, si tant est qu’elles et ils le peuvent, n’auront pas d’autre choix que de se retourner vers ces dispositifs.
Si nous garantissons, à toutes et à tous, une retraite équitable, juste et décente – tout d’abord par la mise en place d’une meilleure politique salariale, puis à travers le renforcement de notre système par répartition, expression de la solidarité nationale –, nul besoin d’avoir recours à une retraite par capitalisation individuelle, par ailleurs intrinsèquement inégalitaire !
Outre le problème de fond que nous vous avons exposé, il me semble que l’article pose également un problème de forme.
Nous disposons effectivement d’une belle déclaration d’intention, qui ne fait référence à aucun code, qu’il s’agisse du code du travail ou du code de la sécurité sociale. Nous ne savons donc pas où le texte de cet article apparaîtra. Mes chers collègues, il me semble qu’il serait nécessaire de rectifier au moins ce point et de préciser dans quel code l’article sera inséré.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il est bien entendu défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Je trouve, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, que vous en faites beaucoup sur l’épargne retraite et que vos propos ne correspondent pas du tout à la réalité vécue aujourd’hui en France.
La retraite par répartition représente actuellement environ 98 % des prestations versées.
Quand vous indiquez, madame David, que les 100 milliards d’euros présents dans les comptes des assureurs représentent un tiers des 300 milliards d’euros de retraite versée, vous confondez le stock et le flux. Les 100 milliards d’euros constituent un stock de provisions dans les comptes des assureurs,…
Mme Annie David. Ils sont joués en bourse !
M. Éric Woerth, ministre. … alors que les 300 milliards d’euros représentent un flux.
Ces deux notions ne sont évidemment pas comparables.
Mme Annie David. L’argent n’est pas dans un coffre !
M. Éric Woerth, ministre. Nous restons bien dans le cadre d’un système français : la répartition représente 98 % des retraites versées. Remettons les choses à leur place !
J’observe d’ailleurs que certains ont su dépasser le débat idéologique sur l’épargne retraite. M. Laurent Fabius, par exemple, a créé le plan partenarial d’épargne salariale volontaire – le PPESV –, qui est l’ancêtre du PERCO. Au fond, ce dispositif a très bien fonctionné et vous y étiez, à l’époque, favorables.
Mme Annie David. Personne n’en veut, de votre PERCO !
M. Éric Woerth, ministre. D’ailleurs, les salariés sont également favorables à ce type de solutions.
Il semblait évidemment important, comme l’a souhaité l’Assemblée nationale, qu’un texte sur la retraite comprenne une partie, au demeurant modeste, sur l’épargne retraite.
Nous ne remettons pas en cause le système de l’épargne retraite ; nous ne faisons qu’intervenir sur quelques points pour améliorer ou ajuster les choses.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous faites de l’idéologie à outrance, alors que la répartition représente quasiment la totalité des retraites en France.
M. Dominique Braye. Ils ne savent plus où ils sont !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, vous nous accusez d’en faire trop, mais je voudrais vous rappeler les déclarations de M. le rapporteur et de certains de nos collègues sur le système par répartition au début de l’examen du texte – il est vrai que cela commence à faire loin !
M. Leclerc nous a indiqué que, comme rapporteur, il défendait bien évidemment le projet de loi, mais qu’il regrettait que l’on n’ait pas été plus loin dans une étude systémique. Notre collègue n’a pas caché qu’il était intéressé par d’autres systèmes, comme les comptes notionnels ou le système par points, que nous aurions dû examiner.
M. Jean Desessard. À plusieurs reprises, le groupe de l’Union centriste a manifesté sa préférence pour le système par points, et ce n’est pas insulter nos collègues que de le rappeler.
Monsieur le ministre, je rappelle les termes du premier alinéa du texte proposé par l’article 1er A pour l’article L.161-17A du code de la sécurité sociale : « La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations. » Plus loin, le texte proposé pour le quatrième alinéa énumère les objectifs de ce système de retraite : « Le système de retraite par répartition poursuit les objectifs de maintien d’un niveau de vie satisfaisant des retraités, de lisibilité, de transparence, d’équité intergénérationnelle, de solidarité intragénérationnelle et de pérennité financière ».
Si tous ces objectifs sont garantis par la répartition, pourquoi vouloir, à la fin du texte, comme « au cas où », introduire la capitalisation ?
M. Charles Revet. Mais l’un n’empêche pas l’autre !
M. Jean Desessard. Ce n’est pas logique !
Nous vous l’avons dit, cette réforme injuste va échouer, car elle n’est pas financée et parce qu’elle va à contresens. Nous voulons un autre système, qui ne soit pas celui la capitalisation.
Vous n’avez pas arrêté de nous répéter que vous alliez sauver le système, qui est satisfaisant, et vous nous en donnez des garanties à l’article 1er A. Et tout cela pour terminer sur une incitation à la capitalisation pour assurer des revenus complémentaires !
Alors, de deux choses l’une : ou bien vous anticipez une baisse générale des pensions, mais ce n’est pas ce que vous avez dit depuis le début du débat ; ou bien vous considérez, une fois de plus, que les entreprises doivent aider les dirigeants, les cadres et les salariés les plus riches.
Alors, monsieur le ministre, oui, nous voyons loin, mais nous n’en faisons pas trop ! Nous voyons surtout où vous voulez aller : vous êtes tout aussi conscients que nous que votre réforme n’est pas au point et vous préparez pour demain un système par capitalisation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Leclerc, rapporteur. N’importe quoi !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. M. Woerth nous dit que nous voyons loin, mais là est tout l’enjeu de la discussion ! Au début du débat sur les retraites, vous avez expliqué qu’il était important d’aller vite et que nous devions pouvoir regarder nos enfants dans les yeux en leur assurant un système de retraite pérenne. Cette entrée en matière vous permet de tout justifier.
Or, vous le savez, votre réforme ne pérennise le système de retraite que jusqu’en 2012, 2014, voire, comme vous le prétendez, 2018 ! Ce n’est donc pas du tout la réforme systémique que vous annonciez, d’autant qu’il y a déjà une clause de rendez-vous en 2014.
Vous « insécurisez » le système avec une réforme purement conjoncturelle, qui ne vise qu’à colmater une brèche. Lorsque l’on interroge les jeunes générations, on se rend compte qu’elles n’ont aucune garantie quant à l’avenir du système de retraite par répartition, ce qui les encourage à se doter d’une retraite propre. D’ailleurs, je ne sais pas si la retraite par répartition existera encore pour ceux qui entrent aujourd’hui dans la vie active, la réforme n’allant pas plus loin que 2012.
Avec l’allongement de la durée de cotisation et le faible taux d’emploi des seniors, le niveau des pensions, qui a déjà diminué de 25 % depuis 2002, continuera automatiquement de baisser. Les pensions qu’ils touchent actuellement ne permettent déjà pas aux retraités de vivre décemment, mais la situation va se dégrader brutalement. La grande pauvreté est devant nous, et de plus en plus de retraités vivront avec le minimum vital, voire sous le seuil de pauvreté défini par la Communauté économique européenne, c’est-à-dire 880 euros.
Telles sont les deux perspectives. Donc, ne nous dites pas que nous voyons loin ! Nous sommes bien obligés de regarder ce qui se passera après, car votre réforme repose sur une logique politique d’insécurisation qui va naturellement conduire les Français à rechercher les moyens de s’assurer une retraite décente. Aussi, lorsque nous voyons apparaître à la fin du projet de loi cet article, nous y regardons à deux fois et nous ne pouvons que constater qu’il ouvre une porte. C’est parfois dans le détail…
M. Martial Bourquin. … que se cache le diable !
M. David Assouline. Je n’irai pas jusque-là, pour ne pas risquer de diaboliser le Gouvernement, énerver le ministre et provoquer un brouhaha général sur les travées de la majorité. Je garde donc dans un langage qui permette à chacun de garder son calme. (Sourires.) Non, je préfère parler de projet caché, qui serait ainsi révélé.
Enfin, j’ai interrogé le Gouvernement, mais je n’ai obtenu, jusqu’à présent, qu’une explication confuse – peut-être M. Tron me répondra-t-il ? –, sur les 15 milliards d’euros qui manquent au financement de votre réforme après 2012, une fois que le Fonds de réserve pour les retraites aura été vidé.
Non seulement votre réforme est injuste, mais elle est inefficace. Ces 15 milliards d’euros, ce sont des contributions de l’État, donc du déficit. Alors, vous voulez faire la réforme vite, n’importe comment, sans négocier, parce que le système coule, et vous ne faites en réalité que transférer du déficit. Mais votre réforme n’est qu’un habillage pour faire payer toujours les mêmes, les salariés.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur Assouline, je vous réponds très volontiers en quelques mots, mais nous pourrons, si vous le souhaitez, poursuivre cette conversation en privé pour ne pas allonger les débats.
Vous m’avez posé plusieurs fois cette même question et je vous y ai déjà répondu. Soit je ne suis pas clair du tout, ce qui est possible ; soit, si j’ose dire, vous avez un problème de compréhension.
En deux mots, le COR a établi que, le montant total des pensions versées étant à base 100 en 2000, il est à base 115 en 2010.
Premièrement, ces 15 milliards d’euros de différence sont identifiés comme étant l’évolution du montant total des pensions.
Deuxièmement, ils serviront à abonder le montant total du versement des retraites. Ils sont donc sanctuarisés, identifiés en dépenses dans le cadre du budget de l’État et en recettes dans le cadre du compte d’affectation spéciale.
Loin d’être virtuels, ces 15 milliards d’euros sont parfaitement identifiés !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Pour ma part, je voudrais élargir le débat en vous faisant part d’une dépêche d’une agence qui est très sérieuse, mais que vous ne manquerez pas de contester, chers collègues de la majorité.
M. Josselin de Rohan. L’agence Tass ?
M. Guy Fischer. Non, l’agence Mediapart ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Josselin de Rohan. C’est pareil !
M. Jean Desessard. C’est une excellente agence !
M. Guy Fischer. Cela me permettra de répondre à Mme Debré : avec les amendements qu’elle a déposés sur le PERCO, il s’agit en fait de capter l’épargne populaire.
Selon Mediapart, la réforme « va conduire à l’asphyxie financière des grands régimes par répartition » et sera donc « propice à l’éclosion de ces grands fonds de pension qui n’étaient pas encore parvenus à s’acclimater en France, à quelques rares exceptions près ». Parmi les opérateurs privés qui sont d’ores et déjà sur les rangs, figure le groupe Malakoff Médéric, présidé par Guillaume Sarkozy. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
Celui-ci bénéficie d’alliés puissants. « Il ne s’agit pas que d’une coïncidence. Mais bien plutôt d’une stratégie concertée en famille », écrit Mediapart.
M. Josselin de Rohan. Un vrai complot !
M. Guy Fischer. « L’un assèche les régimes par répartition tandis que l’autre pose les fondements du système par capitalisation ». On ajoute : « Guillaume Sarkozy a engagé son entreprise dans une politique visant à en faire un acteur majeur de la retraite complémentaire privée. Et il a trouvé des alliés autrement plus puissants que lui, en l’occurrence la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, le bras armé financier de l’État, et sa filiale, la Caisse nationale de prévoyance, la CNP. Ensemble, tous ces partenaires vont créer, le 1er janvier prochain, une société commune qui rêve de rafler une bonne part du marché qui se profile. » Cette société s’appellera Sevriena.
« Cette société n’aurait jamais vu le jour sans l’appui de l’Élysée », écrit Mediapart. En effet, la Caisse des dépôts et consignations est une institution publique présidée par un parlementaire. Pour sa part, la CNP est une filiale de la CDC, de La Banque postale et du groupe Caisses d’Épargne, lui-même présidé par… François Pérol, ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée !
En outre, la Caisse des dépôts et consignations gère le Fonds de réserve pour les retraites, qui a été « siphonné » pour payer les dettes de la CADES !
« Pourquoi la CDC se lance-t-elle dans pareille aventure pour faire le jeu du système adverse, celui par capitalisation ? », demande Mediapart. « Et pourquoi, de surcroît, le faire avec une entreprise dont le patron est le frère du chef de l’État ? »
L’enjeu n’est pas mince. Le marché pourrait représenter « 40 à 100 milliards d’euros » en fonction de l’aspect final de la réforme dont nous discutons. Les Français connaîtront une baisse, plus ou moins considérable, du taux de remplacement, c’est-à-dire du montant de la pension rapporté au salaire. Ils se précipiteront donc sur les systèmes de retraite complémentaire. D’ailleurs, les publicités pour les sociétés spécialisées dans la retraite par capitalisation fleurissent déjà à la télévision ! Mediapart publie notamment un business plan confidentiel, qui fixe pour objectif une part de marche de « 17 % » d’ici dix ans.
Pour ma part, je crois ce que dit cette dépêche.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Bien sûr !
Mme Isabelle Debré. Le contraire serait étonnant !
M. Guy Fischer. Voilà quelle est la ligne tracée pour l’avenir : elle permettra d’asseoir de futurs systèmes de retraite par capitalisation. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Et je vous remercie infiniment de m’avoir écouté, chers collègues.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Une vision pareille !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. J’ai été interpellée, aussi vais-je répondre.
Monsieur Desessard, vous confondez, me semble-t-il, comptes notionnels, système à points et régimes par capitalisation.
Je rappelle que l’idée même d’une réforme systémique est proposée par Mme Aubry elle-même.
Mme Christiane Demontès. Oui, et alors ?
Mme Isabelle Debré. Je voulais juste vous le rappeler ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Vous confondez aussi l’épargne retraite avec les régimes par capitalisation et les fonds de pension.
M. le ministre l’a dit tout à l’heure, en France, sur 100 euros de retraite, seuls deux euros vont sur les dispositifs d’épargne retraite.
M. Guy Fischer. Cela va changer !
Mme Isabelle Debré. Pourquoi dites-vous cela ?
Nous nous donnons énormément de mal aujourd’hui pour sauver le régime de retraite par répartition, mais l’un n’empêche pas l’autre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) C’est ahurissant, c’est vraiment totalement idéologique !
Vous nous dites que les dispositifs d’épargne retraite, notamment les PERCO, sont réservés aux cadres. C’est totalement faux : au contraire, ce sont des dispositifs collectifs et c’est dans la définition même de leur régime juridique.
M. Josselin de Rohan. Ils disent n’importe quoi !
Mme Isabelle Debré. En effet, c’est absolument n’importe quoi ! De telles approximations montrent que votre approche est terriblement idéologique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Je veux juste ajouter que, par exemple, la PREFON est un régime par capitalisation géré par les partenaires sociaux.
Mme Isabelle Debré. Oui !
M. Éric Woerth, ministre. De même, la retraite additionnelle de la fonction publique, la RAFP, est un régime par capitalisation géré par les partenaires sociaux.
Quant au Fonds de réserve pour les retraites, c’est encore de la capitalisation, ce n’est pas autre chose : c’est la mise en réserve d’un capital.
Ne soyez donc pas crispés sur une idéologie !
Mme Isabelle Debré. Et FONPEL, monsieur le ministre ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 278 et 1107 tendant à supprimer l’article 32 bis C.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 68 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 182 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 469, présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
ou obligatoire
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. L’article 32 bis C permet d’avoir enfin une définition de l’épargne retraite, ce qui n’est pas inutile.
On y rappelle que l’épargne retraite vise à compléter les pensions – je dis bien « compléter » – dues au titre des régimes de retraite par répartition qui sont légalement obligatoires.
On ajoute que l’épargne retraite a pour but de disposer de revenus découlant d’une épargne constituée individuellement ou collectivement à partir de versements sur une base volontaire ou obligatoire réalisés à titre privé ou lors de l’activité professionnelle.
Pour nous, il est clair que seules les cotisations au régime par répartition doivent être obligatoires, parce qu’elles sont seules à garantir le versement de pensions viagères. Nous pouvons toujours discuter du montant des pensions issues de la répartition, mais nous avons la garantie qu’elles existeront. Nul ne s’aventure à le contester.
En revanche, la participation de salariés à des contrats collectifs d’entreprise, pour le dire simplement, pose problème dès lors qu’elle est obligatoire.
Nous nous sommes informés sur les systèmes d’épargne retraite décidés dans d’autres pays.
Le plus intéressant est évidemment ce qui a été mis en place dans les pays atteints par un vieillissement de la population. La Suède, la Norvège, le Danemark, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande se sont ainsi dotés d’un dispositif d’épargne retraite obligatoire ayant pour but de compléter les régimes par répartition.
Nous avons constaté que ces régimes n’ont souvent d’obligatoire que le nom et qu’ils ne sont, en tout cas, pas généraux. Par exemple, en Australie, en Suède et en Norvège, l’obligation ne pèse que sur l’employeur. En Nouvelle-Zélande et en Australie, la répartition relève de la négociation collective. Au Danemark, l’épargne retraite est demeurée marginale et ne repose que sur les employés.
Le plus intéressant est une disposition spécifique propre au Royaume-Uni. Dans ce pays largement acquis à l’idéologie ultralibérale, il existe une disposition qui respecte – précisément – le libre choix du salarié. L’affiliation de l’employeur n’entraîne pas obligatoirement l’adhésion du salarié, qui a le choix de résilier le contrat le concernant pour son propre compte.
En France, avec le régime de l’article 83, par exemple, l’adhésion de l’employeur emporte celle du salarié, alors que ce régime est à cotisations définies et non – faut-il le préciser – à prestations définies.
C’est une question de fond, sans jeu de mots.
Les évolutions erratiques des cours de bourse, une bourse où est investie une grande partie des sommes apportées par les salariés et abondées par les employeurs, ne doivent-elles pas constituer un signal d’alerte ?
Cet argent ne va pas à la consommation, puisqu’il est malheureusement utilisé à la spéculation financière par les gestionnaires de fonds.
Il ne va pas à la consommation ni donc à la croissance, croissance dont nous avons pourtant un besoin impératif pour créer des emplois et pour augmenter le nombre de cotisants pour la retraite par répartition.
Il ne va pas plus à l’investissement des entreprises ni à la recherche pour le développement de nouveaux produits.
Le système actuel, et celui que vous mettez en place, est d’une parfaite hypocrisie, puisque les salariés, même s’ils ne le veulent pas, même s’ils préféreraient disposer immédiatement de leur argent, sont obligés, par les contrats groupés, de faire un placement en épargne retraite. (C’est fini ! sur les travées de l’UMP.)
Il n’existe aucune loi claire sur le sujet, simplement des dispositifs épars, illisibles, dont on voit qu’ils exercent une contrainte sur les salariés, sans que rien n’ait été publiquement débattu. (Mêmes mouvements.)
En conséquence, nous souhaitons que le caractère obligatoire des contrats soit supprimé. L’épargne retraite doit rester du libre choix du salarié. Le consentement individuel, exprès et éclairé du salarié doit demeurer en toutes circonstances requis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il existe des dispositifs individuels et facultatifs d’épargne retraite et des dispositifs collectifs. Mais, si le salarié ne veut pas y adhérer, ce n’est pas obligatoire.
Il n’a jamais été prévu que le salarié soit obligé d’abonder ce plan d’épargne retraite ; ce sont des contrats qui peuvent être abondés par l’employeur.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Je répète ce que j’ai dit en commission : obligatoire, cela veut dire que ces contrats font partie d’un accord d’entreprise. Par conséquent, le salarié y adhère parce qu’il y a un accord d’entreprise valant pour tous.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, vous aurez compris le sens de mon vote puisque j’ai défendu un amendement tendant à la suppression de cet article.
Mme Debré – je l’en remercie – a tenté de me prouver que je mélangeais tout. Il me faut donc reprendre mes explications.
J’ai voulu dire qu’au début de l’examen du projet de loi, les avis étaient partagés sur le bon système et que, idéologiquement, certains collègues étaient pour le système à points, qui se rapproche tout de même d’un système par capitalisation. (Mme Isabelle Debré s’exclame.)
Certains étaient pour un système de comptes notionnels, qui est non pas directement un compte par capitalisation, mais une capitalisation de génération vers génération, personnalisée. (M. Gérard Longuet s’exclame.)
Mme Isabelle Debré. Oh là là !
M. Jean Desessard. Tout cela faisait débat. Aussi, quand M. le ministre nous dit que nous allions trop loin, je lui réponds que je me fondais simplement sur les différentes appréciations du bon système.
J’ai entendu M. le rapporteur, il y a trois semaines – je sais que cela fait loin, maintenant – dire qu’il fallait, bien sûr, être favorable à ce projet de loi, mais tout en regrettant que l’on n’ait pas étudié d’autres systèmes. (M. le rapporteur fait un signe dubitatif.) Je me rappelle l’avoir entendu, monsieur le rapporteur, ou alors il faudra que nous relisions ensemble le compte rendu !
Donc, c’était le premier point, je voulais dire que nous n’allions pas trop loin lorsque nous prêtions aux promoteurs de ce projet de loi des intentions qui n’étaient pas simplement la défense du système par répartition.
S’agissant du PERCO, madame Debré, je n’ai jamais dit qu’il n’était pas ouvert à tous.
Mme Isabelle Debré. Vous avez dit qu’il était réservé aux cadres !
M. Jean Desessard. Je prétends que ceux qui ont les moyens d’en profiter davantage, ce sont les salariés les plus aisés. Par conséquent, cela veut dire que les plus bas salaires utiliseront moins ce système.
Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas ce que vous avez dit, vous avez parlé des cadres !
M. Jean Desessard. C’est étonnant : on dit que les entreprises ne peuvent pas payer de cotisations supplémentaires ou d’impôts supplémentaires, mais, là, les entreprises peuvent payer, comme par hasard, lorsqu’il s’agit d’arranger les dirigeants d’entreprise ! (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.) Et, comme par hasard encore, lorsqu’il y a des exonérations de charges !
M. David Assouline. Eh oui !
Mme Annie David. Et voilà !
M. Jean Desessard. Mais qui va payer ?
On nous a fait tout un plat, si je puis dire, à propos de ce projet de loi concernant le système de retraite par répartition et, dans les tout derniers articles, on autorise les entreprises à bénéficier d’exonérations en cas de versement de jours de congé sur un PERCO. Autrement dit, c’est l’État qui paiera !
C’est signé, nous sommes sur la voie d’un système par capitalisation.
Ce qu’a dit M. Fischer est important.
M. Robert del Picchia. Ce qu’il dit est toujours important ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Pourquoi la Caisse des dépôts et consignations mettrait-elle ses fonds à la disposition des prédateurs, ceux qui achètent une entreprise et qui, pour obtenir un taux de rentabilité compris entre 10 % à 15 %, la dépècent en la délocalisant et en licenciant, après avoir pris les brevets !
Voilà ce que sont les capitaux prédateurs ! Et ce sont les capitaux prédateurs qui tuent l’économie !
Mme Isabelle Debré. Oh !
M. Jean Desessard. Il n’appartient pas à la Caisse des dépôts et consignations de jouer ce rôle !
Mme Annie David. Exactement !
M. Jean Desessard. Lorsque les copains et les coquins s’associent, cela ressemble plus à une République bananière ! Prenons-y garde, tant l’opposition que la majorité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 32 bis C.
(L'article 32 bis C est adopté.)
Article 32 bis
I. – L’article L. 3334-8 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« En l’absence de compte épargne-temps dans l’entreprise, le salarié peut verser sur le plan d’épargne pour la retraite collectif, dans la limite de cinq jours par an, les sommes correspondant à des jours de repos non pris. Le congé annuel ne peut être affecté au plan d’épargne pour la retraite collectif que pour sa durée excédant vingt-quatre jours ouvrables.
« Les sommes ainsi épargnées bénéficient de l’exonération prévue à l’article L. 242-4-3 du code de la sécurité sociale ou aux articles L. 741-4 et L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime en tant qu’ils visent l’article L. 242-4-3 du code de la sécurité sociale. »
II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 46 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 279 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
L'amendement n° 385 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 470 est présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy et Daudigny, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 46.
Mme Annie David. Après avoir mis à sac les 35 heures au travers notamment de la monétisation des RTT et de la création des comptes épargne-temps, vous récidivez dans l’attaque de nos acquis sociaux, en portant atteinte, cette fois-ci, aux congés payés, un droit acquis au prix de longues luttes sociales et syndicales.
En effet, cet article prévoit d’étendre aux salariés qui ne disposent pas d’un compte épargne-temps la possibilité de verser sur un PERCO les sommes correspondant à des jours de congé non pris, dans la limite de cinq jours par an. Voilà une nouvelle variante du « travailler plus pour gagner plus », qui se décline ici en comment « travailler plus pour espérer toucher une retraite décente » !
En favorisant la monétisation des congés payés, vous ouvrez une brèche dans l’existence même de cet acquis, vous le remettez en question de manière insidieuse. C’est d’autant plus inacceptable que la période de cinq jours de congé correspond à la cinquième semaine de congés payés, semaine que nous avons gagnée, je vous le rappelle, mes chers collègues, en 1982, en même temps que la retraite à 60 ans.
Avec ce dispositif, vous incitez ouvertement au développement du régime de retraite par capitalisation, un choix auquel nous ne pouvons évidemment souscrire.
On ne le répétera jamais assez, le système de retraite par répartition est plus équitable, et, surtout, il assure une sécurité que n’apportera jamais la capitalisation : nul ne peut effectivement dire ce que sera le niveau des marchés financiers dans dix, vingt ou trente ans !
Il est vrai que les retraites complémentaires telles que l’AGIRC ou l’ARCCO se font aujourd'hui par capitalisation.
Mme Annie David. Vous voyez, monsieur le ministre, tout le monde commence à être fatigué… (Non ! sur les travées de l’UMP.) Elles se font par points.
Chaque année, le salarié reçoit un décompte faisant figurer le nombre de points acquis au cours de l’année, avec la valeur du point, ce qui lui permet de calculer ce que sera sa future retraite. Et il peut être surpris de la valeur du point. En effet, celle-ci varie à la hausse, mais aussi, parfois, à la baisse ! Mais peu d’entre vous sont, semble-t-il, concernés par ce système !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 279.
M. Jean Desessard. L’article 32 bis permet à ceux qui n’ont pu prendre leurs RTT de verser l’équivalent sur leur PERCO. Les sommes ainsi épargnées bénéficieront d’une exonération de cotisations sociales !
Très clairement, on voit ici qu’un régime par capitalisation ne peut qu’affaiblir le régime par répartition.
Je souhaite réaffirmer ici l’attachement des Verts à la réduction du temps de travail.
MM. René Garrec et Robert del Picchia. Très bien ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, vous nous ressortez encore votre credo éculé : travailler plus pour gagner plus ! Travailler plus pour produire plus ! Vivre plus longtemps pour travailler plus longtemps ! Mais pourquoi travailler plus longtemps ?
Non, la croissance n’est pas la solution miracle à toutes les difficultés économiques et sociales, et ce, tout simplement, parce que, dans un monde aux ressources limitées, la croissance ne peut pas être infinie.
J’ai parlé, jeudi dernier, d’un autre projet de société, qui peut vous sembler utopique, monsieur le ministre, mais qui correspond à la réalité de demain : une société qui préférerait le « mieux » au « plus », le « travailler tous » et le « travailler mieux » au « travailler plus » !
Les écologistes réfutent la logique du « toujours plus ». Rien ne sert de travailler toujours plus, de produire à outrance. En incitant ceux qui sont en poste à travailler encore plus, vous entretenez le chômage de ceux qui n’ont pas la chance d’avoir un emploi.
En invitant ceux qui ont un emploi à arbitrer entre RTT et retraite, quel message envoyez-vous à ceux qui apprécient ces jours de repos ou à ceux qui n’ont pas d’emploi ?
Les acquis sociaux ne sont pas optionnels : ce n’est pas RTT ou retraite !
Devoir choisir entre des rythmes de travail plus doux et une retraite décente, c’est un non-choix ! Et ce non-choix, nous refusons de l’imposer aux salariés !
C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 385 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement vise à supprimer l’article 32 bis. Le dispositif prévu, symbole d’injustice sociale, incite les salariés à ne pas prendre leurs jours de congé obligatoires pour les convertir en un versement sur un plan d’épargne pour la retraite collectif, un PERCO.
Nous ne voulons pas faire de faux procès à ceux qui bénéficient de jours de congé justifiés, mérités et nécessaires.
Nous sommes opposés à un système qui favoriserait le développement de la retraite par capitalisation et serait, de fait, facteur d’inégalité entre les salariés.
Enfin, il est, à nos yeux, inacceptable que ce soient les salariés qui viennent, au titre du financement de leur retraite, accroître les capitaux des fonds de pension.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Françoise Laborde. Cela devrait être purement et simplement l’inverse.
Le Gouvernement a jugé préférable de relever les bornes d’âge de départ à la retraite plutôt que de taxer les produits du capital. Nous ne pouvons que le regretter. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour présenter l'amendement n° 470.
Mme Maryvonne Blondin. Par cet article, vous proposez de permettre aux salariés de convertir des jours de repos non pris en un versement sur un PERCO lorsque l’entreprise ne dispose pas de compte épargne-temps.
Conscient que votre réforme ne sauve nullement à long terme le système de retraite par répartition, vous entendez ainsi encourager un dispositif de retraite par capitalisation, source d’inégalité entre les citoyens face à la retraite.
Bien entendu, ce renoncement des jours de congé au profit du PERCO, reste, pour l’heure, volontaire, mais les salariés, conscients qu’ils seront asphyxiés par des pensions qui n’auront de cesse de diminuer, seront contraints d’y recourir. C’est la fin annoncée de la retraite par répartition, et ce sont les salariés exerçant les métiers les plus pénibles qui pâtiront encore de ce nouveau recul, alors qu’ils bénéficient souvent du minimum légal de jours de congé.
En encourageant les salariés à monétiser les jours de congé et de RTT auxquels ils ont droit, vous remettez en cause, à terme, la santé au travail, d’autant que ces femmes et ces hommes, abîmés par un métier difficile, ne pourront pas compter sur les conditions trop restrictives de la pénibilité pour espérer partir plus tôt en retraite.
Après avoir rayé d’un trait de plume l’acquis social que représentait le départ à la retraite à 60 ans, véritable « ligne de vie » comme nous le rappelait, la semaine dernière, avec beaucoup d’émotion, notre collègue Pierre Mauroy, vous revenez aujourd’hui insidieusement sur le droit au repos et aux congés pour chaque salarié.
Vous savez parfaitement que votre réforme ne permet pas de financer, à compter de 2020, le système de retraite par répartition que nous défendons. C’est pourquoi vous proposez aux Français, pour l’avenir, une retraite à deux vitesses : une retraite par capitalisation à celles et ceux qui pourront se la constituer, tandis que les autres, souvent les plus défavorisés, devront se contenter du minimum vieillesse accordé par la sécurité sociale. S’ils souhaitent disposer d’un revenu supplémentaire, ils devront renoncer à leurs jours de congé durant leur période d’activité et, éventuellement, comme cela arrive déjà aujourd’hui, reprendre une activité, une fois à la retraite, pour compléter leurs revenus.
Le sort que vous réservez aux salariés, avec un nouveau détournement du compte épargne-temps au profit de l’épargne retraite, nous ne pouvons l’accepter, monsieur le ministre !
C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 46, 279, 385 rectifié et 470.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 641 rectifié, présenté par Mme Debré, MM. Laménie, J. Gautier, Lardeux, Vasselle, Milon, Pinton et Vestri, Mme Rozier, M. Dériot, Mmes Giudicelli et Henneron, MM. P. Blanc et Gournac, Mmes Goy-Chavent et Bout et M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 3334-8 du code du travail est ainsi modifié :
1° Cet article est complété par les mots : « ou contribuer au financement de prestations de retraite qui revêtent un caractère collectif et obligatoire déterminé dans le cadre d'une des procédures mentionnées à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale. »
2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« En l’absence de compte épargne-temps dans l’entreprise, le salarié peut, dans la limite de cinq jours par an, verser les sommes correspondant à des jours de repos non pris sur le plan d’épargne pour la retraite collectif ou faire contribuer ces sommes au financement de prestations de retraite qui revêtent un caractère collectif et obligatoire déterminé dans le cadre d'une des procédures mentionnées à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale. Le congé annuel ne peut être affecté à l’un de ces dispositifs que pour sa durée excédant vingt-quatre jours ouvrables. »
« Les sommes ainsi épargnées bénéficient de l’exonération prévue à l’article L. 242-4-3 du code de la sécurité sociale ou aux articles L. 741-4 et L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime en tant qu’ils visent l’article L. 242-4-3 du code de la sécurité sociale.
« Elles bénéficient également, selon le cas, des régimes prévus aux 2° ou 2° 0 bis de l'article 83 du code général des impôts ou de l'exonération prévue au b du 18° de l'article 81 du même code. »
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Cet amendement vise à rétablir l’égalité de traitement entre le PERCO et les régimes de retraite supplémentaire visés par l’article 83 du code général des impôts quant à la possibilité d’affecter des jours de congés non pris sur un dispositif de retraite lorsque l’entreprise n’a pas mis en place de compte épargne-temps.
Cet amendement de cohérence est d’autant plus justifié qu’il est possible, dans le cadre d’un CET ou d’un régime de retraite visé par l’article 83 précité, d’affecter des jours de congé sur un dispositif de retraite collectif.
M. le président. L'amendement n° 1109, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. L’article 32 bis prévoit d’autoriser les salariés qui ne disposent pas d’un compte épargne-temps d’alimenter leur plan d’épargne pour la retraite collectif par des jours de repos non pris.
Actuellement, comme le souligne notre rapporteur, les salariés qui disposent d’un compte épargne-temps peuvent, en vertu de l’article L. 3334-8 du code du travail, s’en servir pour alimenter leur PERCO. Il ne s’agirait donc, à en croire notre rapporteur, que d’une mesure d’extension de cette possibilité à celles et ceux des salariés qui n’ont pas de compte épargne-temps.
En réalité, il s’agit non pas d’une simple mesure d’extension, mais, comme nous l’avons déjà souligné, d’une nouvelle mesure visant à renforcer le système par capitalisation.
En effet, loin de son objet initial, le CET vise essentiellement à monétiser les jours de repos obtenus quand le salarié travaille au-delà de la durée hebdomadaire de travail réglementaire. Les comptes épargne-temps constituent, et nous l’avions alors dénoncé, une mesure de contournement des dispositions législatives et réglementaires en matière de durée hebdomadaire de travail.
Avec cet article, vous allez encore plus loin, considérant que les jours de repos acquis par les salariés peuvent être utilisés pour alimenter les PERCO.
Or le PERCO, tel qu’il est défini sur le site internet « service-public.fr », est un plan d’épargne pour la retraite collectif qui permet au salarié de se constituer une épargne, accessible au moment de la retraite sous forme de rente ou, si l’accord collectif le prévoit, sous forme de capital.
Autrement dit, il s’agit d’un plan d’épargne retraite par capitalisation, une capitalisation qui pourra être adossée à la bourse dans la mesure où les PERCO offrent, vous le savez bien, la possibilité de se constituer un portefeuille de valeurs mobilières. Comme vous avez modifié la législation afin de rendre automatiques les PERCO, vous transformez progressivement les salariés en boursicoteurs contraints !
Il faut dire que, compte tenu de la chute brutale de la rentabilité des fonds de pension, nos concitoyens sont échaudés ! Alors, il faut bien un mécanisme autoritaire pour les obliger à souscrire de tels contrats.
Avec cet article 32 bis, vous incitez donc les salariés à travailler plus, non pour gagner plus, car vous savez que le slogan est usé par le temps et a fait la démonstration de son inefficacité, mais à travailler plus pour se constituer une retraite suffisante. C’est dire que vous renoncez, de fait, à garantir à nos concitoyens une retraite décente assise sur la répartition !
Voilà pourquoi nous proposons la suppression de l’alinéa 1 de l’article 32 bis.
M. le président. L'amendement n° 1110, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Avec cet amendement, nous marquons notre profond désaccord avec cet article, qui constitue une régression sociale manifeste.
Les congés payés font partie de ces grands acquis sociaux auxquels une nation qui se dit progressiste ne doit pas renoncer et sur lesquels elle ne doit faire aucune concession.
Or, avec cet article, vous mettez les salariés devant un dilemme injuste : choisir entre ses congés payés ou une retraite décente. Monsieur le ministre, votre texte est donc bien aux antipodes du progrès social !
Au-delà du caractère anti-progressiste de cette mesure, le dispositif qui est proposé est également contre-productif pour notre pays.
En effet, les congés payés non seulement relèvent du légitime besoin d’un juste repos pour les salariés, mais sont utiles pour l’économie d’un pays. De plus, ils ont permis d’ouvrir la voie à une nouvelle économie : le tourisme de masse, qui contribue grandement à la croissance de notre pays. Je rappellerai que 80 % des Français choisissent la France comme destination de vacances.
En outre, monsieur le ministre – vous ne me contredirez pas sur ce point –, les congés payés ont un effet positif sur la productivité des salariés. Si l’on prend en considération le niveau du PIB par heure travaillée, la France, nous le savons, se situe dans le peloton de tête des pays développés.
À travers cet amendement, nous réitérons notre opposition à toutes les manœuvres destinées à encourager le régime de retraite par capitalisation, qui, chacun le sait, se développera au détriment du système par répartition, plus juste et plus équitable.
Compte tenu de ces éléments, nous vous demandons, chers collègues, de bien vouloir voter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 181, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« En l'absence de compte épargne-temps dans l'entreprise, le salarié peut verser à son choix, sur le plan d'épargne pour la retraite collectif, sur le plan d'épargne retraite d'entreprise, sur un contrat souscrit dans le cadre de régimes de retraite supplémentaire, auxquels l'affiliation est obligatoire et mis en place dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale ou, en l'absence de ces dispositifs, sur le plan d'épargne retraite populaire de son choix, dans la limite de cinq jours par an, les sommes correspondant à des jours de repos non pris. Le congé annuel ne peut être affecté dans ces conditions que pour sa durée excédant vingt-quatre jours ouvrables.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances. L’article 32 bis ouvre la possibilité pour un salarié de verser l’équivalent des jours de RTT non utilisés sur un plan d’épargne pour la retraite collectif, ou PERCO, en l’absence de compte épargne-temps.
Le PERCO est un dispositif d’épargne salariale qui répond à une logique de gestion différente de celle des produits d’assurance de retraite.
En conséquence, cet amendement vise à étendre le dispositif du présent article aux autres produits d’épargne retraite assurantiels que sont les plans d’épargne retraite entreprise, ou PERE, les contrats de retraite d’entreprise à cotisations définies relevant de l’article 83 du code général des impôts et, enfin, en l’absence de l’un des dispositifs précités, les plans d’épargne retraite populaire, ou PERP.
En effet, il n’y a aucune raison que la mesure de l’article 32 bis ne profite qu’au PERCO, à l’exclusion des produits d’assurance retraite.
M. Jean Desessard. C’est la logique !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. L’épargnant doit avoir le choix entre l’ensemble des dispositifs qui lui sont proposés, que ce soit l’épargne salariale ou des produits d’assurance.
Ce choix est même étendu à un produit souscrit individuellement comme le PERP.
En effet, les personnes n’ayant pas la possibilité de prendre la totalité de leurs RTT sont celles qui constituent le cœur de cible du PERP.
En conséquence, le fait de prévoir qu’en l’absence d’un dispositif d’épargne retraite collectif le salarié peut demander que soient versées sur son PERP les sommes représentant ses RTT non prises est de nature à favoriser non seulement le développement de l’épargne retraite, mais plus particulièrement celui de ce dispositif, dont l’essor s’essouffle.
Je le répète, il importe que l’ensemble des produits de l’épargne retraite soit accessible à tous, qu’il s’agisse des dispositifs individuels, comme le PERP, ou collectifs, comme le PERCO, pour l’épargne salariale, ou des contrats à cotisations définies de l’article 83 pour les produits d’assurance.
Le blocage des sommes versées au titre des jours de RTT non pris constitue un vecteur de développement volontaire et économiquement pertinent de l’épargne retraite.
M. le président. L'amendement n° 1111, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. L’article 32 bis, ajouté par l’Assemblée nationale, permet à un salarié qui ne dispose pas d’un compte épargne-temps d’alimenter son plan d’épargne pour la retraite collectif par des jours de repos non pris.
Les sommes correspondantes sont exonérées des cotisations salariales de sécurité sociale et des cotisations à la charge de l’employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales. Cette mesure vaut également pour les salariés agricoles.
Pour justifier cette extension, le rapport fait état d’une question d’équité. Selon le code du travail, les salariés qui bénéficient d’un compte épargne-temps dans leur entreprise peuvent l’utiliser pour alimenter leur PERCO. Il semblerait donc juste d’élargir cette possibilité à ceux qui ne disposent pas d’un tel compte.
Vous favorisez la monétisation des congés des salariés et encouragez la constitution d’une épargne retraite. Nous sommes contre cette extension et contre toutes les dispositions qui, dans votre texte, tendent à développer l’épargne salariale.
L’épargne salariale est vraiment votre objectif principal. C’est vers cette épargne que vous souhaitez emmener nos concitoyennes et nos concitoyens. Finalement, à la lecture de l’ensemble de votre projet de loi, c’est assez logique.
Dans un premier temps, par toutes vos mesures de relèvement d’âge et de durée de cotisation, vous rendez, de fait, impossible ou quasi impossible une retraite à taux plein avant un âge très avancé.
Avec votre contre-réforme, et la précarité professionnelle qui frappe de plus en plus, les montants des pensions seront encore plus dérisoires. Nos concitoyens ne pourront plus vivre avec le montant de leur retraite.
Mais vous y avez songé, et la dernière partie de votre texte est là pour offrir la solution de rechange : la retraite par capitalisation !
Monsieur le ministre, en parfait VRP, vous venez nous vanter les mérites des plans d’épargne retraite. Ainsi, vous facilitez, à terme, la translation de notre régime de retraite par répartition vers un régime de retraite par capitalisation.
Pour notre part, nous refusons cette mort annoncée de la retraite par répartition. C’est pourquoi nous vous demandons avec insistance de voter notre amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 1112, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article que nous examinons a été introduit à l’Assemblée nationale par la volonté d’un groupe de députés de la majorité qui, à travers ce texte, a décliné une proposition de loi visant à renforcer l’épargne retraite.
Leur souhait, moins dissimulé, sans doute, que celui du Gouvernement, est de vouloir assouplir et renforcer les deux principaux dispositifs d’épargne retraite existants : le plan d’épargne retraite populaire et le plan d’épargne retraite populaire collectif.
Cet article, en visant à étendre aux salariés qui disposent d’un compte épargne-temps la possibilité de verser sur un PERCO les sommes correspondant à des jours de congé non pris, dans la limite de cinq jours par an, s’inscrit donc pleinement dans cette démarche.
Bien évidemment, nous sommes en profond désaccord avec cette proposition. Mais reconnaissons au moins à ses auteurs la transparence de leur propos : ils ont en effet clairement pour ambition de permettre le développement de la retraite par capitalisation sur le cadavre encore chaud de la retraite par répartition.
Reconnaissons également que la sincérité ultralibérale de ces députés de la majorité démystifie quelque peu les propos du Gouvernement.
Comment accorder désormais le moindre crédit au plaidoyer répété inlassablement par différents ministres et par le Président de la République sur leur volonté de « sauver le système par répartition » ?
Les flashes publicitaires diffusés aux heures de grande écoute – vous savez de qui ! – et nous vantant les mérites des offres de retraite par capitalisation nourrissent une exaspération que nous sommes une majorité de Français à partager.
Tous les sondages, mêmes ceux qui proviennent des instituts les plus proches du pouvoir, montrent le refus de cette réforme par la population. Depuis des semaines, chaque manifestation draine des millions de personnes ; les grèves touchent de nombreux secteurs de l’économie.
Or, face à cette mobilisation populaire d’une grande ampleur, le Gouvernement favorise les intérêts d’un petit groupe de privilégiés au service d’un pouvoir financier.
Chers collègues, ce mode de gouvernance à un nom : l’oligarchie !
Sous le bénéfice de l’ensemble de ces observations, je vous invite à voter notre amendement de suppression du quatrième alinéa de l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n° 641 rectifié contient la même idée que l’amendement n° 181 présenté par notre collègue Jean-Jacques Jégou, au nom de la commission des finances. La différence se situant au niveau rédactionnel, je souhaite connaître votre avis, monsieur le ministre.
La commission est défavorable aux amendements nos 1109, 1110, 1111 et 1112.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 641 rectifié, présenté par Mme Debré, qui étend la possibilité de transférer ses jours de repos non utilisés.
En revanche, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 1109, 1110, 1111 et 1112.
Enfin, l’amendement n° 181 de M. Jégou est effectivement dans le même esprit que l’amendement n° 641 rectifié de Mme Debré, mais il est plus large, notamment sur les plans d’épargne retraite populaire. Au fond, le Gouvernement considère qu’une telle extension est problématique, parce que les PERP sont des produits individuels, situés en dehors de l’entreprise, et parce que tout le monde n’a pas. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est plutôt défavorable à l’amendement n° 181.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 641 rectifié.
Mme Annie David. Monsieur le président, je souhaite seulement poser une question à Mme Debré, à M. le ministre et à M. le rapporteur.
À force de monétiser les jours de congés – en l’occurrence, cinq jours, mais ce sera vingt jours avec le prochain article, puis les articles suivants offriront d’autres possibilités d’alimenter un PERCO, un PERE ou un PEE grâce à ces jours de repos non utilisés –, combien de jours de congé comptez-vous laisser aux salariés qui ne disposent que de cinq semaines dans l’année ? Vous leur enlevez déjà vingt-cinq jours, ce qui réduit considérablement leur nombre de jours de congé !
En plus de ces jours de congé non pris que l’on peut mettre sur le compte épargne-temps, il y a, certes, les jours de récupération.
Mais, monsieur le ministre, qui monétisera ses jours de congé ?
Ceux qui n’ont pas le choix, car ils n’ont même plus le temps de prendre des jours de congés du fait qu’ils ont un emploi du temps très chargé, qu’ils sont débordés et qu’ils n’en peuvent plus, comme de nombreux cadres !
Ce seront aussi des salariés payés au SMIC, quand ce n’est pas moins, qui courent tous les mois pour arriver à joindre les deux bouts, faute d’avoir suffisamment de revenus pour vivre. Ils penseront, peut-être, qu’en monétisant leurs jours de congé ils pourront, peut-être, mettre un peu d’argent de côté, afin d’obtenir, peut-être, une meilleure retraite à l’âge de 62 ans, voire 67 ans pour les femmes qui ont eu un travail à temps partiel, dont la carrière a été hachée, et qui n’ont pas eu la chance d’avoir trois enfants et d’être nées entre 1951 et 1955 !
À force de prendre aux salariés tous leurs droits, qu’allez-vous leur laisser, au bout du compte ?
S’ils n’alimentent pas leur PERCO de cette manière, vous leur direz : pour avoir une meilleure retraite, vous auriez dû monétiser vos jours de repos, adopter un système par capitalisation ! Ne venez donc pas vous plaindre aujourd’hui de percevoir le minimum vieillesse ! Vous avez eu du mal à vivre quand vous étiez en activité ? Attendez de voir ce que ce sera à la retraite ! Si vous aviez fait comme la fourmi de La Fontaine, au lieu de vous comporter en cigale, vous n’en seriez pas là ! Finalement, c’est tant pis pour vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, bien que je sois quelque peu surpris, je comprends que mon amendement pose un certain nombre de problèmes. Effectivement, l’amendement n° 641 rectifié s’inscrit davantage dans le droit fil du projet de loi.
M. Jean Desessard. À mi-chemin ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Par conséquent, je retire l’amendement n° 181.
M. Guy Fischer. Comme par hasard !
M. le président. L’amendement n° 181 est retiré.
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Avant d’expliquer mon vote, j’aurai deux questions à poser.
M. Gérard Longuet. Non ! Il n’y a plus de débat !
M. le président. Vous avez la parole pour une explication de vote, mon cher collègue.
M. Jean Desessard. J’ai tout de même le droit de dire ce que je veux, monsieur Longuet !
M. Gérard Longuet. Vous avez tous les droits ! Pour notre part, nous avons le droit de respecter le règlement de cette assemblée !
M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jean Desessard. Monsieur Longuet, nous avons écouté avec intérêt, alors qu’il est plus de deux heures du matin, votre très intéressante analyse du temps partiel choisi. Dès lors, permettez que je pose mes questions.
Si la procédure accélérée n’avait pas été engagée,…
M. David Assouline. Et sur une grande réforme !
M. Jean Desessard. … il y aurait eu une deuxième lecture de ce texte, ce qui m’aurait permis de poser mes questions à un autre moment. Mais tel n’est pas le cas !
Monsieur Jégou, j’apprécie vos analyses.
Mme Isabelle Debré. Nous aussi ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Au moment de la présentation de ce texte, voilà plusieurs semaines, vous avez affirmé, en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, que cette réforme était loin d’être équilibrée financièrement.
M. David Assouline. Elle ne l’est toujours pas !
M. Jean Desessard. Vous aviez émis des doutes à cet égard, ce qui témoignait d’une certaine lucidité de votre part.
Aujourd’hui, vous m’avez beaucoup intéressé quand vous avez dit que les personnes concernées par cet article 32 bis étaient le « cœur de cible » des PERP.
Pour ma part, j’aimerais mieux comprendre cette expression, même si j’ai bien sûr une petite idée à ce sujet. Par conséquent, si vous souhaitez me l’expliquer, mon cher collègue, je vous écouterai avec intérêt. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Nous avons le droit d’être attentifs à ce qui se dit et, le cas échéant, de nous faire expliquer la teneur exacte des propos qui sont tenus ici !
Monsieur le ministre, ma seconde question s’adresse à vous : quel est le montant total des exonérations de fiscalité de toutes sortes destinées à favoriser la capitalisation ? Bien sûr, j’ai aussi ma petite idée sur ce point…
M. André Lardeux. Si vous avez la réponse, pourquoi posez-vous la question ?
M. François Trucy. Expliquez-lui !
Mme Annie David. Il a simplement une « petite idée » de la réponse !
M. Jean Desessard. Je pose la question pour être sûr que nous nous référons aux mêmes bases, mon cher collègue !
Vous ne cessez de mettre en avant un prétendu dialogue qui n’existe ni dans cet hémicycle ni avec le peuple ! Aujourd’hui, pour m’être rendu sur place, je peux vous dire que les manifestants n’ont pas l’impression que le Gouvernement veut dialoguer.
Je sais bien que le Gouvernement, comme il en a d’ailleurs l’intention, n’est pas obligé de répondre aux parlementaires ! C’est pour cette raison que, sur un projet de loi que vous dites vous-mêmes « fondamental », il a choisi d’engager la procédure accélérée, afin d’éviter tout dialogue. Et quand, au cours du débat, on pose une question au ministre, vous estimez, chers collègues de la majorité, que ce n’est pas normal ! Jusqu’où allez-vous aller ? (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il n’y a que vous qui parlez !
M. Jean Desessard. Vous savez, je suis en forme ! Débattre jusqu’à cinq heures du matin ne me fait pas peur…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. À nous non plus !
Mme Béatrice Descamps. Non, à nous non plus !
M. Jean Desessard. Nous allons passer la nuit ensemble ! Aussi permettez-moi de m’expliquer. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. Pendant une minute et quarante-deux secondes !
M. Jean Desessard. Je respecterai mon temps de parole, comme je l’ai toujours fait.
Monsieur le ministre, quel est le montant de l’ensemble des exonérations fiscales payé par les contribuables pour favoriser la capitalisation, c'est-à-dire les plus aisés d’entre nous ? Bien évidemment, si ce montant était affecté à la retraite par répartition, les choses se présenteraient de façon bien différente !
Madame Debré, vous êtes toujours dans la même logique ! À une époque, il fallait faire plus d’heures supplémentaires, on les a donc exonérées. Aujourd’hui, il faut alimenter sa retraite par des journées de repos non utilisées On exonère donc les sommes correspondantes de cotisations salariales et patronales !
Ce qui se profile, derrière ce type de mesures, c’est un véritable détricotage social. Face au patronat, face aux difficultés financières, face à la précarité, il n’est pas vrai que les gens sans travail ont la liberté de refuser celui qu’on leur propose. Ils ne choisissent pas le travail qu’ils veulent ! En cherchant à tout individualiser en matière sociale, vous niez le code du travail, ainsi que les acquis et droits sociaux. Il faut toujours rester dans une démarche collective. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Je vous remercie, monsieur Jégou, d’avoir bien voulu retirer votre amendement au profit de l’amendement n° 641 rectifié.
Madame David, l’amendement que je propose ne vise pas à « monétiser » les journées de repos, bien au contraire ! Il s’agit en effet d’un amendement de cohérence, puisque les heures en question seraient perdues en cas d’absence de compte épargne-temps, ce qui serait stupide.
M. le président. En conséquence, l'article 32 bis est ainsi rédigé, et les amendements nos 1109, 1110, 1111 et 1112 n'ont plus d'objet.
Article 32 ter A
(Non modifié)
Au troisième alinéa de l’article L. 3153-3 du code du travail, le nombre : « dix » est remplacé par le nombre : « vingt ».
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. Avec cet article, vous poursuivez votre démarche de « monétisation », vous intéressant cette fois-ci aux comptes épargne-temps, pour abonder le PERCO.
À l’article précédent, il fallait absolument monétiser cinq jours, qui, sinon, auraient été perdus. Maintenant, c’est vingt jours qui doivent être monétisés puis versés sur le PERCO, toujours, bien sûr, de manière volontaire. Mais les propos de M. Desessard vous feront, je l’espère, réfléchir sur la notion de « volontariat ».
Par cet article, vous faites la démonstration que le PERCO est un produit qui ne se vend pas bien. Vous voulez absolument le rendre le plus accessible possible. Finalement, quelles sont donc les qualités de ce plan qui motivent un tel comportement ?
Peut-être cela a-t-il à voir avec son affectation, c'est-à-dire l’utilisation de la collecte mise en œuvre. Celle-ci est essentiellement destinée aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières cotées sur la place de Paris.
Non, la qualité principale du PERCO est de permettre aux gestionnaires d’avoir les mains libres sur une longue durée, puisque les conditions de dénouement du plan leur sont, tout de même, très favorables de ce point de vue.
En effet, le PERCO est reversé sous forme non pas de capital au moment du départ à la retraite, mais de mensualités. Évidemment, plus la durée de vie des salariés à la retraite est courte, moins le PERCO est distribué.
En revanche, pour les gestionnaires, le fait de savoir que, pendant huit ou dix ans, ils peuvent jouer en bourse avec l’argent des salariés est tout de même intéressant, avouez-le !
Sans adopter un point de vue idéologique, que M. le ministre nous reproche, je souhaite en revenir à la question des vingt jours de compte épargne-temps monétisables sous forme d’abondement du PERCO.
Honnêtement, quelles sont les entreprises, grandes ou petites, où l’organisation des temps de travail est conçue de telle sorte qu’elle produise vingt jours de repos compensateurs pour les salariés, au-delà des jours de congés payés légaux ? Quelle est donc cette organisation du travail qui permet d’accumuler heures supplémentaires, jours de repos compensateurs et je ne sais trop quoi encore ? C’est justement une organisation en flux tendu, où les horaires atypiques sont devenus le quotidien et les amplitudes s’avèrent terriblement élastiques !
Il est temps de faire de l’ergonomie et de lutter contre les dérives des organisations du travail qui liquident la vie familiale et aliènent le salarié !
Je souhaite alerter celles et ceux d’entre nous qui ont participé à la mission d’information sur le mal-être au travail sur les conditions de vie des salariés dans ces entreprises. Nous avons pu toucher du doigt la détresse de certains, qui les amène parfois à attenter à leur vie.
Plutôt que de monétiser les jours de repos compensateurs, on ferait mieux de réfléchir à une autre organisation du travail, qui permettrait de diminuer leur nombre, afin de préserver la santé des salariés.
Vous nous avez parlé, monsieur le ministre, de prévention de la pénibilité et de conditions de travail. J’attire donc votre attention sur le fait que tous ces jours de repos compensateurs sont accumulés au détriment de la santé des travailleurs. Et vous voulez les monétiser pour que, ensuite, ils les placent sur un PERCO ! En matière de lutte contre la pénibilité et d’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise, vous avez de drôles d’idées !
Plutôt que d’encourager une telle organisation du travail et de monétiser les jours de congé, vous feriez mieux de réfléchir à une autre organisation du monde du travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 47 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 471 est présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy et Daudigny, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer, pour défendre l'amendement n° 47.
M. Guy Fischer. Le Président de la République s’étant montré incapable de faire respecter son engagement présidentiel, « travailler plus pour gagner plus », notamment en raison des pressions constantes du MEDEF en faveur d’une réduction permanente du coût du travail, vous nous proposez aujourd’hui, monsieur le ministre, de porter de dix à vingt le nombre de jours que le salarié pourrait décider de placer sur un compte épargne-temps, afin d’en obtenir par la suite la monétisation et réinjecter les sommes qui en découlent sur un dispositif d’épargne retraite.
Cet article 32 ter A se borne en réalité à proposer un «troc » au salarié : temps de repos contre un peu plus de droits à la retraite. Cette mesure pourrait paraître séduisante si elle n’actait pas une situation extrêmement grave. Bien souvent, en effet, les salariés sont tellement usés par le travail qu’ils veulent partir tôt à la retraite, sans pour autant subir une baisse considérable de leur pouvoir d’achat. Ils sont donc prêts à tous les sacrifices, y compris celui du droit fondamental aux congés.
Pour vous, tout a un prix, tout peut se monnayer, tout peut être marchandé.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Qu’importe que cette disposition remette en cause le droit collectif aux congés payés, qu’importe qu’elle amplifie la part de capitalisation ! Ce qui compte, c’est de donner l’illusion que le salarié a pu décider lui-même. Mais, en réalité, la seule liberté que votre gouvernement laisse aux salariés, singulièrement aux plus précaires, c’est de choisir entre pâtes, riz ou pommes de terre !
C’est bien parce que les travailleurs sont de plus en plus nombreux à ne plus pouvoir boucler leurs fins de mois, à restreindre leurs dépenses dès le 15 du mois, à compter chaque centime et à renoncer aux soins qu’ils acceptent ces mesures.
Vous imposez la capitalisation en maintenant la pression sur les bas salaires, en gelant les pensions et en interdisant toute hausse des rémunérations, puisque celles-ci seront bloquées, notamment dans les fonctions publiques, pendant trois ans.
Monsieur le ministre, plus de 7 millions de salariés perçoivent un salaire inférieur à 722 euros par mois et se trouvent dans l’incapacité de se nourrir, de se loger ou de s’habiller décemment, ainsi que leur famille. Plus de 12 millions de personnes ont moins de 843 euros de revenu mensuel. Plus de trois SDF sur dix ont un travail à temps complet, partiel ou précaire, gagnent souvent entre 900 et 1 300 euros, et cherchent pourtant soir après soir où dormir.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue
M. Guy Fischer. Entre la moitié et les deux tiers des femmes qui travaillent ont un contrat au sigle étrange – CES, CIE, CEC –, touchent moins de 750 euros par mois, ont un enfant, vivent seules et représentent 90 % des familles monoparentales.
Telle est la réalité, celle de l’effondrement des ressources d’un nombre croissant de Français et de Françaises. Voilà à quoi ressemble l’univers de la précarité, celui que vous contraignez à adopter cette mesure.
Nous y sommes résolument opposés, raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour défendre l'amendement n° 471.
M. Jean-Marc Todeschini. Par ce nouvel article 32 ter A, vous poursuivez, monsieur le ministre, dans votre volonté de forcer les salariés à travailler toujours plus pour gagner de moins en moins, puisque vous proposez d’élargir le nombre de jours de congés pouvant être transférés d’un compte épargne-temps à un plan épargne retraite.
Je note que M. Jégou, dans son rapport pour avis, précise que cet élargissement permet au salarié de préparer sa retraite « sans effort d’épargne supplémentaire ».
Comment peut-on affirmer que renoncer à des jours de congés ne coûtera aucun effort aux salariés ? C’est faire preuve, à mon sens, d’une grande méconnaissance de leurs conditions de travail. C’est aussi, sans doute, l’explication de votre refus d’une réelle prise en compte de la pénibilité.
L’effort d’épargne ne sera peut-être pas directement financier. Néanmoins, il s’agit toujours bel et bien d’un effort supplémentaire demandé aux salariés, sommés de travailler toujours plus en renonçant à leur droit légitime au repos et aux loisirs.
Obliger les salariés à renoncer à leur repos pour financer leur retraite, c’est nier le droit que nous avons tous de profiter de la vie d’une autre manière que par l’exploitation au travail.
Après être revenus sur l’acquis social de la retraite à 60 ans, vous revenez aujourd’hui, insidieusement, sur celui des congés payés.
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Jean-Marc Todeschini. Vous voulez ainsi doubler le temps de congés que les salariés pourront attribuer à leur plan épargne retraite. En passant de dix à vingt jours, c’est avec votre réforme quatre semaines par an, presque un mois de congé, auquel les salariés renonceront pour financer une retraite toujours plus tardive et caractérisée par des pensions toujours plus faibles.
L’inefficacité et le manque d’originalité de vos propositions, monsieur le ministre, prouvent l’amnésie du Gouvernement. Avez-vous oublié que ce dernier a déjà condamné les jours de congés des salariés, sacrifiés sur l’autel de la hausse du pouvoir d’achat ?
En effet, l’un vos prédécesseurs, M. Bertrand, a défendu en 2008 un texte modestement intitulé « projet de loi en faveur des revenus du travail » qui permet aux salariés de convertir un certain nombre de droits à congés en argent. Et que dire de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, la loi TEPA, et de ces heures supplémentaires qui coûtent une fortune aux contribuables et constituent un terrible frein à l’emploi en période de chômage ?
Telle était la réponse que le Président de la République, autoproclamé le Président du pouvoir d’achat, apportait au problème récurrent de la stagnation des salaires et de la baisse du pouvoir d’achat des salariés.
Quelle est aujourd’hui la réponse de ce même Président, au problème de l’avenir de nos retraites ? Une nouvelle fois, monsieur le ministre, vous proposez aux salariés de renoncer à leurs congés pour préparer leur retraite.
Ce n’est pas en supprimant tous les jours de repos des salariés que vous sauverez le système de retraite, que vous répondrez au problème du pouvoir d’achat et que vous renforcerez la productivité et la compétitivité de notre pays.
C’est bien entendu par une politique de la formation et de l’emploi offensive que ces problèmes pourront être traités sur le long terme.
Depuis 2002, et plus encore depuis 2007, toutes les politiques menées par les gouvernements successifs, faites de régression sociale et d’injustice économique, ont été vouées à l’échec. Dans ces conditions, nous ne pouvons que refuser le développement anarchique du système de retraite par capitalisation que vous nous proposez.
C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Sur ces deux amendements, le Gouvernement émet un avis favorable. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
En effet, la possibilité de transférer les droits affectés sur le CET, dans la limite d’un plafond de dix jours par an, vers le plan d’épargne pour la retraite collectif n’a été introduite que récemment, par une loi n° 2008-789 du 20 août 2008. À la réflexion, peut-être faut-il laisser du temps au temps, et s’en tenir au plafond de dix jours.
Je souhaiterais donc que vous votiez cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Pour les excellentes raisons que vient d’exposer M. le ministre, et aussi pour l’organisation des débats, nous souhaitons voter ces amendements.
Mme Annie David. Belle stratégie, monsieur Longuet !
M. Gérard Longuet. Il reste la commission mixte paritaire ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 47 et 471.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 32 ter A est supprimé et les dix-huit amendements déposés sur cet article, nos 1114 à 1131, n’ont plus d’objet.
Article 32 ter B
L’article L. 3334-11 du code du travail est complété par les mots : «, dont l’un au moins permet aux participants de réduire les risques financiers du placement à partir d’un moment et dans des conditions fixés par décret. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 48 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 472 est présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy et Daudigny, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour défendre l'amendement n° 48.
Mme Isabelle Pasquet. L’article 32 ter B a le mérite de nous rappeler, au cas où nous l’aurions oublié, que les PERCO sont bel et bien des outils financiers. Ils sont, pour être précis, de véritables fonds de pension à la française, lesquels sont naturellement investis en actions sur les marchés financiers.
Sécuriser de tels comptes paraît naturellement important pour celles et ceux qui ont souscrit ces contrats, ou plutôt devrais-je dire, pour celles et ceux qui ont été contraints de souscrire de tels contrats. En effet, depuis le PLFSS pour 2009, certains salariés n’ont plus le droit de s’opposer à ce que leurs employeurs souscrivent pour eux à des PERCO. Votre gouvernement, qui vante la liberté individuelle, semble l’oublier dès lors qu’il s’agit de leur permettre de refuser le « boursicotage contraint » que vous avez mis en place.
Une telle sécurisation est importante, quand on sait les conséquences dramatiques que peuvent avoir les crises économiques sur le montant des pensions. La crise débutée en 2008 a été lourde de conséquences pour les systèmes de retraite par capitalisation. Les chiffres de l’OCDE sont à cet égard éloquents : en 2008, du fait de l’effondrement des bourses mondiales, les fonds de pension ont vu, en moyenne, la valeur de leurs investissements baisser de 23 % dans les pays de la zone OCDE.
M. Gérard Longuet. Eh oui ! Le capitalisme ne gagne pas toujours !
Mme Isabelle Pasquet. Cela correspond à une perte nette de 5 400 milliards d’euros, qui sont purement et simplement partis en fumée. Certes, les experts de l’OCDE constatent un rebond récent, dû à la reprise des marchés boursiers. Il n’empêche : en dépit de cette légère reprise, les fonds de pension restent en retrait de 14 % par rapport à décembre 2007.
Dans le même temps, la sécurité sociale n’a perdu, si je puis dire, que 5 milliards d’euros, somme certes importante, mais largement inférieure aux pertes subies par les retraites privées. Surtout, la nature de ces pertes est différente. Alors que, dans les mécanismes de capitalisation, les pertes résultent de mauvais placements, de règles prudentielles pas assez sécurisantes, les pertes de la sécurité sociale découlent, quant à elles, de la suppression massive d’emplois.
Pour nous, et l’ensemble des salariés le savent, le seul système stable à long terme, dès lors qu’on lui permet de recevoir les financements dont il a besoin, reste celui qui a été mis en place au sortir de la Seconde Guerre mondiale, assuré par la sécurité sociale.
En dehors de ce système, et malgré l’ensemble des mesures que vous serez appelés à prendre, l’épargne privée ne sera jamais sécurisée.
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour présenter l'amendement n° 472.
M. Ronan Kerdraon. L’article 32 ter B du projet de loi reconnaît de manière explicite que les fonds placés par les salariés dans des dispositifs d’épargne retraite courent les plus grands risques.
Il s’agit en effet « d’éviter que les salariés ne soient exposés à des risques élevés de perdre leur épargne retraite placée sur un PERCO », et de « prévoir, à l’instar du plan d’épargne retraite populaire, ou PERP, la mise en place d’une convention de gestion qui limite progressivement le niveau de risque des placements du salarié au fur et à mesure de l’approche de la retraite ».
Cette formule, qui vise plutôt, en bon français, à essayer d’éviter des catastrophes, est appelée par l’exposé des motifs de l’amendement à l’Assemblée nationale, « désensibilisation de l’épargne ». On ne saurait mieux décrire les vices inhérents à la retraite par capitalisation.
Pourquoi, alors, a-t-on fait ce choix ?
L’article 1er de la loi du 21 août 2003 n’assurait-il pas que la Nation « réaffirme solennellement, dans le domaine de la retraite, le choix de la répartition, au cœur du pacte social qui unit les générations » ? L’actuel Premier ministre, M. François Fillon, expliquait à l’époque : « L’UMP fait le choix de consolider un régime par répartition, et pas de changer de système de retraite ».
Pourtant, loin de refuser les fonds de pension, la loi française empruntait finalement au système américain ses dispositifs de retraite par capitalisation les plus risqués, car les plus individualisés.
Avec le nouveau plan d’épargne individuel pour la retraite, ou PEIR, la France se dotait d’un clone des individual retirement accounts américains.
Cette forme d’épargne purement individuelle, subventionnée à coups d’exonérations fiscales supplémentaires, peu favorables au comblement des déficits publics, s’ajoute aux multiples formes d’épargne subventionnée existantes, et ce alors que la France est déjà un des pays où l’impôt sur les revenus du capital est particulièrement faible.
Le plan partenarial d’épargne salariale volontaire pour la retraite, ou PPESVR - lui-même clone des plans américains à cotisations définies dits « 401 (k) », plans de sinistre mémoire - est venu s’y ajouter.
Et que penser de ce souci affiché du Gouvernement « d’éviter que les salariés ne soient exposés à des risques élevés de perdre leur épargne retraite, en mettant en place une convention de gestion limitant progressivement le niveau de risque des placements du salarié au fur et à mesure de l’approche de la retraite » ?
Pourtant, cette valorisation est souvent obtenue « grâce » aux charrettes de licenciements, qui touchent tous les jours des masses de personnes à travers le monde, avant, un jour, de toucher ces salariés eux-mêmes.
Quelles catastrophes essaie-t-on, ici, d’éviter ?
En outre, il existe dans la France d’aujourd’hui, avec ses problèmes de déficits, un autre vice inhérent aux dispositifs de retraite par capitalisation. En effet, pour amener les salariés et les entreprises à cotiser dans des fonds bloqués jusqu’à la retraite, il faut multiplier les exonérations fiscales et sociales.
En 2000, dans un fameux rapport, Jean-Baptiste de Foucauld estimait que chaque euro d’épargne salariale faisait déjà, à l’époque, perdre 0,45 euro à la protection sociale et 0,12 euro au budget de l’État, par rapport à 1 euro de salaire.
Le plus absurde, dans cette affaire, c’est que, contrairement à l’économie américaine, l’économie française n’a pas vraiment besoin de développer l’épargne des ménages. Si ce taux devait encore monter sous l’impact de la réforme des retraites, l’activité économique s’en trouverait ralentie d’autant.
Autrement dit, le Gouvernement s’apprête à creuser les déficits publics, et particulièrement les déficits sociaux, en subventionnant une épargne nuisible à l’activité économique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Les mesures d’épargne retraite sont complexes, diverses, et sans cohésion d’ensemble. Elles sont l’amorce de fonds de pension à la française. Malgré le désastre subi actuellement par les systèmes de retraite de ce type, leurs partisans ne renoncent pas à les développer. La loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail a même rendu obligatoire l’adhésion aux PERCO dans les entreprises qui en proposent. Mais seuls 413 000 salariés ont adhéré à ce type de fonds, pour seulement 1,8 milliard d’euros.
Le remplacement d’une part des salaires fixes par des rémunérations dépendant des bénéfices des entreprises ne présente pas que des inconvénients pour les salariés. En liant en partie l’évolution de la masse salariale à la santé financière de l’entreprise, ces mécanismes limitent les tentations, pour l’entreprise, de jouer sur l’emploi comme variable d’ajustement, certes, mais, parallèlement, ils introduisent une incertitude sur les revenus des salariés.
Pour cette raison, ces mécanismes ne doivent avoir qu’une ampleur très limitée, surtout pour les salariés en bas de l’échelle, qui ne peuvent se permettre de voir leurs revenus varier sans cesse.
Étendre ces mécanismes à l’ensemble des salariés peut s’avérer très dangereux, surtout quand ces mécanismes sont utilisés en plus pour développer leur actionnariat dans leur propre entreprise, comme c’est souvent le cas aujourd’hui.
L’an dernier, 30 milliards d’euros d’épargne salariale, investis en action dans l’entreprise, ont perdu 30 % de leur valeur. De plus, pour développer ces dispositifs, vous les avez exonérés de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu. C’était un moyen de les rendre attractifs, mais aux dépens du financement des grandes fonctions collectives. Il y a deux ans, la Cour des comptes avait estimé les pertes liées à l’investissement et la participation à 5,2 milliards d’euros pour les seules cotisations sociales en 2005.
Veut-on rendre inévitable le démantèlement de la protection sociale ?
De plus, à défaut d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés, on leur fait miroiter qu’ils profiteront demain de dividendes au moment de la reprise, tout en légitimant le fait que les grands patrons continuent de recevoir stock-options et autres bonus, puisque tous les salariés bénéficieront, eux aussi, de mécanismes du même genre.
Mais les salariés ne sont pas dupes. Ils sont très en colère, monsieur le ministre, considérant les innombrables inégalités qui se sont creusées du fait du niveau indécent des dividendes versés aux actionnaires, et des salaires faramineux des grands patrons.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 et 472.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 1211, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 3334-11 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il leur est également proposé une allocation de l'épargne permettant de réduire progressivement les risques financiers dans des conditions fixées par décret. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 32 ter B est ainsi rédigé.
Article 32 ter
I. – L’article L. 3323-2 du même code est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Le dernier alinéa est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :
« Tout accord de participation existant à la date de promulgation de la loi n° … du … portant réforme des retraites doit être mis en conformité avec le présent article et l’article L. 3323-3 au plus tard le 1er janvier 2013. »
II. – (Supprimé)
III. – (Supprimé)
IV. – Le premier alinéa de l’article L. 3324-12 du même code est ainsi rédigé :
« Lorsque le salarié et, le cas échéant, le bénéficiaire visé au deuxième alinéa de l’article L. 3323-6 et au troisième alinéa de l’article L. 3324-2, ne demande pas le versement en tout ou partie des sommes qui lui sont attribuées au titre de la participation dans les conditions prévues à l’article L. 3324-10 ou qu’il ne décide pas de les affecter dans l’un des dispositifs prévus par l’article L. 3323-2, sa quote-part de réserve spéciale de participation, dans la limite de celle calculée à l’article L. 3324-1, est affectée, pour moitié, dans un plan d’épargne pour la retraite collectif lorsqu’il a été mis en place dans l’entreprise et, pour moitié, dans les conditions prévues par l’accord mentionné à l’article L. 3323-1. Les modalités d’information du salarié sur cette affectation sont déterminées par décret.
« Les modalités d’affectation de la part des sommes versées aux salariés au titre de la participation aux résultats de l’entreprise supérieure à celle calculée selon les modalités de l’article L. 3324-1 peuvent être fixées par l’accord de participation. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 49 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° 280 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
L'amendement n° 473 est présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy et Daudigny, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l’amendement n° 49.
M. Bernard Vera. Tout en détruisant la retraite par répartition et la solidarité intergénérationnelle, des amendements à but très lucratif faisant la promotion des plans d’épargne collectifs pour la retraite et les plans d’épargne retraite populaire ont été adoptés par la majorité à l’Assemblée nationale, et ce alors même que la crise financière que nous venons de subir donne toute la mesure de la fragilité d’un tel système et ne garantit en rien les retraites futures.
Votre réforme s’inscrit dans la rhétorique du dénigrement du modèle social français, oubliant par là même que la retraite par répartition est largement dominante en Europe continentale.
Au contraire, au Royaume-Uni, le niveau de vie des retraités est inférieur de 10 % au niveau moyen national ; presque 20 % des retraités britanniques vivent en deçà du seuil de pauvreté et il n’est pas rare de voir des sexagénaires – et même des septuagénaires – en uniforme, dans les rayons ou postés aux caisses de supermarchés.
De nombreux Britanniques ont cru que la retraite par capitalisation était la solution miracle devant apporter sécurité et prospérité aux retraités, face à un régime public de répartition à bout de souffle, écrasé par le choc démographique. Le bilan est sans appel : la plupart des salariés ont vu leurs futures retraites s’effondrer en même temps que les marchés financiers.
Dans les autres pays anglo-saxons, il faudrait demander aux anciens salariés de Maxwell, d’Enron ou de Lehman Brothers, impitoyablement privés de toutes ressources, ce qu’ils en pensent ! Et que dire des fonds de pension qui avaient tenu le titre British Petroleum pour un placement « de père de famille » ?
Les retraites par capitalisation, c’est l’assistance pour les pauvres et les rentes pour les riches. C’est ce modèle que vous défendez et votre réforme ne marche que pour ceux qui en profitent !
Comment croire en votre bonne foi alors que, depuis peu, plusieurs journaux nous rappellent que Malakoff Médéric, l’un des plus puissants organismes de retraite par capitalisation, est propriété de Guillaume Sarkozy, frère du Président de la République ?
La solidarité est le fondement de notre identité et le socle de la reconstruction nationale d’après-guerre. Nous refusons le triomphe de la mercantilisation et dénonçons l’effet pervers de la financiarisation des rapports humains.
N’y a-t-il pas une formidable hypocrisie lorsque vous prônez une réforme du système mondial au G20 tout en mettant en place, en France, un système où le social dépendrait autant de la « surfinanciarisation » de la société ? N’est-il pas hypocrite de penser qu’un bon niveau de pension dépendra d’une bulle financière ?
Dans quelle société vit-on quand les financiers et la morale douteuse de Wall Street deviennent les garants de la cohésion sociale et du modèle républicain ? C’est un renoncement politique sans précédent, une trahison de ceux qui, de droite comme de gauche, ont porté une certaine idée de la France, idée qui est presque devenue une arrière-pensée face à la protection des intérêts d’un petit nombre, et qui, demain, ne sera qu’un souvenir si vous ne votez pas notre amendement, dont l’ambition est de protéger notre corps social.
La retraite par répartition est la seule qui garantisse les droits de tous !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 280.
M. Jean Desessard. L’article 32 ter dispose que la moitié des sommes attribuées au titre de la participation sera automatiquement affectée au PERCO, sauf décision contraire du salarié.
On imagine déjà que, si les employeurs se mettent à abonder les PERCO, ils gèleront bien évidemment les salaires. Ce sont autant de cotisations perdues pour le régime général ! Comment prétendre préserver la retraite par répartition dans de telles conditions ?
C’est votre vision de cet élément clé du pacte de solidarité nationale : d’un côté, l’État s’arrange pour que les retraites des assurés fondent comme neige au soleil ; de l’autre côté, l’État veille à ce que les banques et les assurances viennent compenser les pertes de revenu des retraités. Contrairement à tout ce qui a été annoncé depuis deux semaines, la priorité n’est donc plus la retraite par répartition.
À ce propos, je voudrais revenir sur les négociations entre la Caisse des dépôts et consignations, sa filiale la Caisse nationale de prévoyance et Malakoff Médéric, afin de créer un acteur majeur dans le secteur de l’épargne retraite, comme cela a été fait dans le secteur de l’économie.
Cette alliance est contre nature ! D’un côté, un acteur essentiel de la retraite par répartition, la Caisse des dépôts et consignations, qui gère les 34 milliards d’euros du fonds de réserve pour les retraites et qui assure, à ce titre, une mission d’intérêt général ; de l’autre côté, Malakoff Médéric, premier groupe paritaire de protection sociale en France, avec plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et dont le délégué général n’est autre que Guillaume S. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Guillaume Sarkozy, si vous préférez !
M. Jean Desessard. Cette société bâtie sur mesure a été baptisée Sevriena. Son démarrage opérationnel est prévu pour janvier 2011. Le président du conseil d’administration serait bien évidemment Guillaume Sarkozy.
Mme Isabelle Debré. Lâchez-le !
M. Jean Desessard. Les missions de cette société seront donc : la création, la gestion, la distribution de produits de retraite complémentaire par capitalisation, à titre collectif ou individuel, principalement à destination des entreprises et de leurs salariés, des associations et de leurs adhérents, des travailleurs non salariés et des retraités ; la création, la gestion et la distribution de produits d’épargne salariale à destination des entreprises et des salariés des entreprises ainsi que la tenue de compte et conservation ; et, à titre accessoire, la distribution de services liés à la retraite.
Selon un document intitulé « Projet de regroupement des activités d’épargne retraite et d’épargne salariale de CNP Assurances et Malakoff Médéric », la joint venture nouvellement créée espère une part de marché d’ici à dix ans de 17 %, contre 9 % actuellement pour Médéric et la CNP. Ce même document prévoit l’augmentation de 650 % du chiffre d’affaires, qui passerait de 692 millions d’euros à 5,2 milliards d’euros d’ici à 2020.
L’objectif est donc de devenir le leader de l’épargne retraite collective et individuelle. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Ce mélange des genres entre public et privé est indigne, et tous ces articles sur l’épargne retraite qui visent à faciliter ce mélange des genres sont indignes.
C’est pourquoi les sénatrices et sénateurs Verts demandent la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour présenter l'amendement n° 473.
M. Jacky Le Menn. L’article 32 ter vise à orienter les fonds de la participation par défaut vers un plan d’épargne entreprise ou interentreprises ou un PERCO.
Une fois encore, on nous propose de renforcer la retraite par capitalisation en faisant de la participation un substitut au système de retraite par répartition.
Cet article pose deux problèmes sérieux
Xavier Bertrand, alors ministre du travail, a défendu, dans la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail, la promotion de la participation et de l’intéressement pour renforcer le pouvoir d’achat des salariés, alors que des hausses de salaire leur étaient refusées.
Le Gouvernement avait alors proposé aux salariés d’opter pour la disponibilité immédiate des fonds placés au titre de la participation dans une logique, selon vos termes, « de pouvoir d’achat à court terme ».
Aujourd’hui, vous comptez faire de cette même participation un placement pour pallier la baisse du niveau des retraites, que votre réforme ne finance pas. Après avoir libéré les fonds, vous faites un virage à 180 degrés : vous voulez les bloquer sur une longue durée.
Voilà une politique économique d’une grande cohérence ! C’est vraiment ce qui s’appelle suivre le fil de l’eau. À moins qu’il ne s’agisse cette fois d’une opération mûrement réfléchie et concertée, dans un but de captation de l’épargne des salariés.
Par cette réforme, vous imposez donc aux salariés le choix entre une baisse immédiate de leur pouvoir d’achat ou une baisse de leur niveau de retraite. C’est toujours le problème du revenu salarial auquel le Gouvernement n’apporte aucune réponse.
Après avoir favorisé l’intéressement et la participation comme substitut de hausse de salaire, vous proposez aujourd’hui de faire de cette participation un substitut à la retraite. Or l’épargne salariale, abondée par la participation ou tout autre moyen, n’a pour vocation, comme nous l’avions dit en 2001, lors de l’examen de la loi du 19 février 2001 sur l’épargne salariale, ni de porter atteinte au principe de la retraite par répartition ni de se substituer au salaire.
Un autre problème se pose : l’affectation de la participation prévue par l’article 32 ter ne requiert pas l’accord explicite du salarié. Le versement de 50 % de la participation peut se faire par défaut, à l’issue d’un délai de cinq ans.
Ce procédé est extrêmement grave. Il y a d’abord le risque que certains salariés ne saisissent pas pleinement la portée de ce document émanant de la direction de l’entreprise, par lequel il leur sera demandé non pas ce qu’ils veulent faire, mais s’ils s’opposent au versement sur un PERCO de leur quote-part de la réserve de participation.
Une démarche expresse du salarié sera nécessaire pour obtenir le versement des sommes qui lui reviennent. C’est l’inverse qui devrait être appliqué : qu’il soit demandé au salarié s’il décide d’affecter 50 % de sa quote-part sur un PERCO.
Par ce procédé, le salarié est délesté de son choix. On décide pour lui.
La question du consentement explicite du salarié doit être clairement posée : le versement ne doit pas pouvoir être réalisé sans qu’il ait été consulté sur sa volonté de faire, et non pas seulement de laisser faire.
Ce point est d’autant plus grave que l’épargne salariale recueillie sur les PERCO est investie aux deux tiers en actions, donc sur des produits à haut risque. Les spéculateurs vont jouer à la roulette avec l’épargne confisquée aux salariés dans des conditions plus que discutables.
Cet article est donc, à plusieurs titres, inacceptable, et c’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je pense que cet article est d’une particulière gravité en ce qu’il crée une véritable confusion.
Je ne vais pas reprendre ce qui a été excellemment dit par Jacky Le Menn. Pour nous, les choses sont claires : il y a le salaire et il y a la participation. Nous ne sommes pas hostiles à la seconde, mais nous nous méfions plus que tout des processus tendant à transformer, de manière plus ou moins forcée, une part du premier en participation.
Autre distinction, celle qu’on doit faire entre la retraite par répartition, à laquelle chacun dit être attaché, et l’épargne retraite. Dans une société de liberté, on devrait pouvoir choisir d’adhérer ou non à des mécanismes de participation – le salaire, on ne le choisit pas, en général – et à des dispositifs d’épargne retraite. Or cet article 32 ter contraint à ce que j’appellerai des choix forcés, ce qui est problématique.
Tout le monde comprend bien qu’un choix forcé n’est plus un choix, même si, comme toujours, madame Debré, on nous dit, en guise de justification, que c’est pour le bien du salarié.
Permettez-moi de relire l’alinéa 8 de l’article 32 ter, d’une longueur presque proustienne, quoique Marcel Proust écrivît mieux, René Garrec ne me démentira pas : « Lorsque le salarié et, le cas échéant, le bénéficiaire visé au deuxième alinéa de l’article L. 3323-6 et au troisième alinéa de l’article L. 3324-2, ne demande pas le versement en tout ou partie des sommes qui lui sont attribuées au titre de la participation dans les conditions prévues à l’article L. 3324-10 ou qu’il ne décide pas de les affecter dans l’un des dispositifs prévus par l’article L. 3323-2, sa quote-part de réserve spéciale de participation, dans la limite de celle calculée à l’article L. 3324-1, est affectée, pour moitié, dans un plan d’épargne pour la retraite collectif lorsqu’il a été mis en place dans l’entreprise et, pour moitié, dans les conditions prévues par l’accord mentionné à l’article L. 3323-1. »
Même si les textes sont beaucoup plus clairs quand on les lit, je ne suis pas certain que tout le monde ait compris le sens de cet alinéa, tant il est complexe. En réalité, ce qu’il signifie est fort simple : il prévoit tout bonnement de faire fi de l’avis du salarié !
M. Jacky Le Menn. Voilà !
M. Jean-Pierre Sueur. On affecte une part des sommes qui vous sont versées au titre de la participation aux résultats de l’entreprise à un plan d’épargne retraite, même si vous ne le voulez pas. On ne vous demande pas votre avis ! Si vous n’avez pas pris les devants, c’est automatique !
Semblable procédé n’est ni acceptable ni respectueux de la liberté. On doit laisser aux salariés le choix d’utiliser, comme ils l’entendent, les sommes qui leur sont versées au titre de la participation.
D’ailleurs, je ne vois pas quels arguments peuvent justifier le recours à un mécanisme imposé d’affectation de ces sommes à un plan d’épargne retraite. Il s’agit, en fait, et c’est le moins que l’on puisse dire, d’un mécanisme tarabiscoté : on mélange tout à des fins qui ne sont pas claires.
Ce qui ne se conçoit pas clairement ne peut s’énoncer clairement ! Dès lors, le dispositif devient suspect. Dans ces conditions, comme l’a indiqué M. Jacky Le Menn, nous ne pouvons qu’être d’une extrême vigilance et nous opposer à ce qui est bien une contrainte, et non pas un libre choix.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je ne peux qu’aller dans le sens de M. Sueur.
On nous a dit que, grâce à l’article 1er du projet de loi, le système par répartition était préservé : tout était réglé et l’on pourrait servir des retraites décentes. Le Gouvernement avait sauvé la situation !
Et ici, pour sauver les salariés davantage encore, il les oblige, par défaut, sauf avis contraire et express de leur part, à affecter une partie des sommes qui leur sont versées au titre de la participation à un plan d’épargne retraite. Or, ce plan n’a plus d’utilité puisque, normalement, tout a été réglé avec l’article 1er !
Mais en fait, ce n’est pas le but recherché, nous le savons bien, madame Debré.
Mme Isabelle Debré. Je n’ai rien dit !
M. Jean Desessard. Que se passe-t-il ? Comme je l’ai démontré, on crée un groupe qui veut devenir le géant de l’assurance retraite. Tous les fonds collectés vont tomber dans ses caisses et nourrir la spéculation. Les personnes qui auront été mises en place réaliseront alors des profits. Voilà le capitalisme expliqué au Sénat, à trois heures du matin !
En fait, la démarche suivie est simple. D’abord, on conçoit un système par répartition destiné à faire travailler les salariés plus longtemps ; ensuite, on élabore un mécanisme de capitalisation ; enfin, si un salarié ne précise pas explicitement ce qu’il veut faire de ce qui lui est attribué au titre de la participation, peut-être tout simplement parce que la paperasse l’ennuie, on place ces sommes pour lui sur un plan d’épargne retraite ! Et, comme par hasard, un certain groupe s’est mis en place, en l’occurrence Malakoff Médéric, est prêt à agir, à gérer tous ces fonds, avec la bénédiction de M. Sarkozy… Guillaume !
Dans le même temps, on casse la Caisse des dépôts et consignations, une institution qui a une moralité. Il ne faudrait pas qu’elle se mêle d’affaires de profit…
Nous sommes vraiment dans une logique de casse des services publics, de casse des droits sociaux, de casse des institutions qui ont fait la réussite financière de notre pays. Nous sommes face à une entreprise de démolition générale.
Monsieur le ministre, pourquoi les manifestants sont-ils toujours aussi nombreux dans la rue ? C’est pour défendre leur retraite, certes, mais c’est aussi pour toutes ces raisons. Ils savent que vous engagez le pays dans une direction qui aura des conséquences dramatiques. Et tout cela se décide au Sénat, à trois heures du matin.
L’article 32 ter est indigne et il faut absolument voter contre. Je vous y engage, mesdames, messieurs de la droite. Vous prendriez une responsabilité considérable en adoptant un tel article, qui dépasse le cadre de la simple gestion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 49, 280 et 473.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 1134, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement de notre groupe porte sur l’alimentation des plans d’épargne pour la retraite collectifs, les PERCO.
Filtre choisi pour l’épargne retraite, le PERCO n’a pas connu, depuis sa création, un grand succès.
Mme Isabelle Debré. Vous n’avez pas écouté ce que je vous ai dit tout à l’heure !
Mme Marie-Agnès Labarre. On peut avancer deux explications.
La première est que les dernières années n’ont pas été marquées par une progression spectaculaire du pouvoir d’achat des ménages.
J’y vois plusieurs raisons, la moindre n’étant pas que les politiques publiques ont conduit, notamment au travers de la modération salariale dans la fonction publique et des exonérations de cotisations sociales dans le secteur privé, à un tassement global des revenus du travail. Ce tassement ne se traduit pas dans le volume et dans le taux d’épargne des ménages tout simplement parce que d’autres éléments du revenu des ménages ont connu une bien plus grande évolution.
Que voulez-vous, lorsque l’on mène concurremment une politique de modération salariale, le bouclier fiscal; l’allégement de la fiscalité sur les donations et successions, on assiste au tassement des revenus salariaux et au gonflement des revenus du patrimoine et du capital !
Sans vouloir faire de publicité clandestine, permettez-moi de vous conseiller la lecture de l’un des succès de librairie de cette rentrée, Le Président des riches, écrit par les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, livre qui permet de découvrir bien des aspects de cette question.
La seconde explication tient au développement de la culture économique des Français.
Nos concitoyens se sont en effet rendu compte, notamment pendant la crise financière de l’été 2008, que les placements financiers et la bourse, c’était bien pour terminer un journal télévisé, mais que l’on pouvait y perdre beaucoup de sous, et, après les sous, on risquait aussi d’y laisser quelques emplois !
C’est d’ailleurs ce qui s’est produit puisque nombreuses sont les entreprises qui ont tiré parti de la crise financière pour justifier la liquidation de centaines et de milliers d’emplois, alors que les causes réelles de ces suppressions sont ailleurs, notamment, comme c’est bien souvent le cas, dans l’exigence de rendement du capital.
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que le PERCO n’ait guère eu de succès. Que vous tentiez de le relancer, par une sorte d’acharnement thérapeutique, est dans le droit fil de vos positions ; que nous estimions plus urgent de relever les salaires plutôt que de capter l’épargne des salariés est dans le droit fil des nôtres.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1135, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Soyons clairs : avec l’alinéa 3 de l’article 32 ter, vous tentez une nouvelle fois de donner une certaine priorité à l’abondement des plans épargne retraite en inscrivant celui-ci au rang des priorités d’investissement de la réserve spéciale de participation.
Résumons-nous : aujourd’hui, l’article L. 3323-2 du code du travail dispose que les accords de participation affectent le produit de la réserve spéciale de participation, la RSP, soit à des comptes ouverts au nom des salariés dans un plan d’épargne entreprise, un PEE, soit à un compte provisionnel pour investissements sur lesquels les salariés disposent d’une créance.
Sans entrer dans le détail des multiples affectations dont peuvent faire l’objet les sommes recueillies au sein des plans d’épargne entreprise, je tiens néanmoins à souligner que « prioriser » l’abondement des PERCO dans le cadre de la réserve spéciale de participation pourrait avoir quelques effets pervers.
Ainsi, cela pourrait mettre en question l’utilisation de l’épargne entreprise en faveur de l’économie solidaire, dont les PEE peuvent constituer une affectation. En d’autres termes, cela pourrait mettre en question des investissements socialement positifs, notamment dans les quartiers sensibles de nos villes ou dans le cadre de politiques de développement.
Cela pourrait aussi mettre en cause le fléchage de l’épargne salariale en direction de fonds communs de placement de proximité, destinés à faciliter le développement économique local.
Faciliter le développement des PERCO va peser sur les autres formules d’épargne existantes, d’autant que l’on ne peut pas multiplier les produits à l’infini, compte tenu des capacités d’épargne des salariés, fortement contraintes ces dernières années.
Il faut rejeter l’article 32 ter et cette coûteuse priorité que vous souhaitez donner à l’épargne retraite sous forme de PERCO. Une telle insistance me semble, hélas ! montrer une grande attention aux attentes des boursicoteurs et des spéculateurs, loin de ce qu’attendent les salariés, inquiets pour leur retraite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1136, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Lors de la discussion de l’article 1er A, nous avions dénoncé un projet de loi en trompe-l’œil qui, bien que réaffirmant l’attachement de la Nation à la retraite par répartition, prévoyait de la sacrifier ! L’examen du titre V ter de ce projet de loi nous donne raison.
Ainsi, l’alinéa que notre amendement tend à supprimer vise, curieusement, à donner un effet rétroactif à la loi.
L’article L. 3323-2 du code du travail prévoit que, à compter de 2007, les sommes issues d’un accord de participation aux résultats de l’entreprise peuvent être affectées à un compte que l’entreprise consacre à des investissements – compte courant bloqué –, à un plan d’épargne salariale – plan d’épargne entreprise – ou à un plan d’épargne pour la retraite collectif. Or cette limite dans le temps constitue pour les banques une limite supplémentaire à la circulation des capitaux. Afin d’inciter les salariés à alimenter leurs PERCO, vous proposez donc de supprimer la référence à l’année 2007. Ainsi, l’ensemble de sommes perçues au titre des accords d’intéressement pourront alimenter l’épargne par capitalisation.
Cette nouvelle mesure, destinée à accroître les encours des PERCO, est une démonstration du désintérêt de nos concitoyens pour de tels mécanismes. Preuve en est que, pour atteindre le nombre de 2,5 millions de salariés ayant accès à un PERCO, il vous aura fallu prendre une mesure que nous qualifions d’autoritaire, à savoir l’adhésion obligatoire à un plan de retraite, dès qu’il est institué dans une entreprise.
Plus intéressante est l’indication concernant le nombre de dépôts sur ces comptes. Alors que 2,5 millions de salariés détiennent un PERCO, seuls 557 000 d’entre eux y ont effectué des versements, les 2 millions de salariés restants s’étant abstenus ou n’ayant pas eu les ressources financières suffisantes pour alimenter leur compte.
Il faut dire que la capitalisation reposera toujours sur les capacités financières des salariés et les plus modestes, si inquiets qu’ils soient quant à leur avenir, ne disposent pas toujours des ressources suffisantes pour leur permettre d’abonder leur plan. C’est précisément pour pallier cette insuffisance que vous proposez que les sommes issues des accords de participation alimentent les PERCO.
Or ces sommes sont par nature variables, puisque la participation consiste à attribuer aux salariés, selon des règles précises, une fraction du bénéfice réalisé par l’entreprise.
Au final, par l’article 32 ter, vous vous limitez à proposer un financement non pérenne d’un compte lui-même instable puisque fondé sur les variations boursières.
Voilà une drôle conception d’un financement pérenne !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1137, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Avec les PERCO et les autres mécanismes individuels ou collectifs de retraite complémentaire, vous entendez poser les bases d’un système dans lequel la répartition serait à terme marginalisée.
Naturellement, nous n’entendons pas stigmatiser les salariés qui, volontairement ou non, accèdent à de tels mécanismes. Nous comprenons parfaitement que les salariés, inquiets devant le faible niveau de leurs salaires, craignent l’avenir. Qu’ils utilisent l’ensemble des outils dont ils disposent est tout à fait légitime.
En revanche, il est de notre responsabilité, en qualité de législateur, de tout faire pour éviter que les salariés ne soient les victimes des fluctuations boursières. C’est sans doute ce qu’avaient souhaité les salariés de la Royal Bank of Scotland. Le déficit du fonds de pension de la banque d’affaires écossaise est tel que près de trois ans de bénéfices seront nécessaires pour le combler. La crise financière a réduit en cendres l’épargne retraite de millions de salariés et retraités américains, britanniques ou néerlandais et mis en péril pour plusieurs années la solvabilité des fonds de pension.
L’instabilité est le corollaire de tels comptes, et les victimes sont toujours les salariés : les banques savent trouver dans les gouvernements des soutiens importants quand elles sont en péril, ce qui n’est pas le cas des salariés. Avec de tels mécanismes, les risques sont permanents.
À titre d’exemple, le fonds de pension de General Motors accusait un déficit de 14 milliards de dollars à la fin de 2008, contre un excédent de 19 milliards de dollars un an plus tôt. Cette situation résulte de la volatilité sans précédent des marchés financiers.
C’est dans ce contexte de crise économique profonde que vous proposez l’extension des mécanismes de retraites par répartition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1138, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Grande innovation juridique de la loi Fillon, le PERCO n’a pas eu l’honneur de rencontrer le succès escompté, comme viennent de le souligner mes collègues.
Au bout de plusieurs années d’existence, nous voici en effet en présence d’un encours de 3,5 milliards d’euros, autant dire presque rien, notamment eu égard aux besoins de financement des entreprises.
Le « produit » n’a donc pas rencontré le succès, et l’on serait même tenté de se demander pourquoi.
Nous avons une explication, qui tient à la faiblesse des salaires semblant priver une grande partie du monde du travail du bonheur d’épargner avec constance et détermination pendant quarante ans pour sa retraite ; mais comme vous n’avez pas voulu la retenir précédemment, il faut en trouver une autre.
Le rapport Jégou nous la fournit : les épargnants qui veulent éviter les soubresauts et les incertitudes de la Bourse sont plutôt portés à investir dans les formules de capitalisation qui suivent le mouvement serein et tranquille des marchés obligataires.
L’aventure, ils laissent cela aux détenteurs de PEA, ceux-là mêmes qui ont des stock-options et autres spécialités, et de l’argent à revendre !
Évidemment, avec cet article, c’est une nouvelle démarche : on va essayer de faire en sorte que, dans certaines limites, l’argent de la participation puisse servir à alimenter le PERCO.
Pour que chacun comprenne, comme le PERCO risque fort de rester défiscalisé et que cela ne sera plus forcément le cas de l’intéressement comme de la participation, on mesure à quel point le fléchage va se révéler la plus parfaite illustration du libre arbitre du salarié-contribuable.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, de voter notre amendement de suppression de l’alinéa 8 de l’article 32 ter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1139, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Vous l’aurez compris, nous ne sommes pas favorables à cet article 32 ter, et je vais conclure cette longue liste d’amendements visant à la suppression d’un alinéa.
Cette affectation du surplus de la réserve spéciale, cette fameuse RSP, doit se faire en direction du PERCO. Mais, mes chers collègues, lorsqu’il y a un surplus de réserve spéciale de participation, on peut dire que c’est le résultat d’une exploitation renforcée du travail. De fait, on pourrait imaginer, dans une entreprise responsable socialement, que cette exploitation renforcée du travail soit réinvestie, par exemple dans une augmentation des salaires, dans une distribution de prime exceptionnelle – pourquoi pas ? –, ou encore dans un effort particulier d’embauche ou d’investissement sur les machines, sur la formation...
Eh bien non, l’exploitation renforcée du travail va servir à l’abondement d’un PERCO ! Certes, il profitera finalement aux salariés quand ils arriveront à la retraite ; mais quand même…
On exploite les salariés et, au bout du compte, le résultat de cette exploitation est versé dans un PERCO qui va de nouveau alimenter les fonds de pension et la financiarisation de notre économie.
Je trouve donc cet article particulièrement arrogant dans la volonté qui est manifestée de toujours plus capitaliser, toujours plus ponctionner sur le dos des travailleurs le résultat de leur travail pour le verser sur le capital.
Mais, finalement, il n’y a rien d’étonnant à cet article, puisque votre réforme des retraites va déjà faire supporter – cela a été dit – 85 % de son coût aux travailleurs, alors que le capital, lui, sera tranquille ! Non seulement il sera tranquille, mais, avec le titre V ter de ce texte, il sera même renforcé.
Vraiment, mes chers collègues, dans cette volonté de nous emmener vers la société que vous souhaitez, on atteint le summum de l’arrogance ! Décidément, nous ne voulons pas vous suivre dans cette voie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 32 ter.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 69 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 183 |
Contre | 152 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l'article 32 ter (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 32 quater
I. – Des négociations de branche en vue de la mise en place de plans d’épargne pour la retraite collectifs ou de plans d’épargne retraite d’entreprises tels que définis au b du 1 du I de l’article 163 quatervicies du code général des impôts ou de groupements d’épargne retraite populaire de branche sont engagées au plus tard le 31 décembre 2012.
À défaut d’initiative de la partie patronale au plus tard le 31 décembre 2012, la négociation s’engage dans les quinze jours suivant la demande d’une organisation de salariés représentative.
II. – L’article L. 3334-5 du code du travail est ainsi modifié :
1° (nouveau) Les mots : « cet article » sont remplacés par les mots : « le plan d’épargne d’entreprise » ;
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le premier alinéa ne s’applique pas aux entreprises ayant adhéré au plan d’épargne pour la retraite collectif conclu en vertu de l’article L. 2241-8. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Si nous sommes opposés aux mécanismes de retraite par capitalisation, c’est parce que, contrairement à ce que voudraient nous faire croire les défenseurs de cette dernière, dont vous êtes – des acharnés défenseurs, d’ailleurs –, ils n’accompagnent pas la retraite par répartition mais se nourrissent au contraire de son affaiblissement. Chaque euro donné à la capitalisation est un euro de moins pour la répartition – vous ne pourrez pas le contester. C’est donc un euro de plus en direction de la spéculation, et donc un euro de moins pour la solidarité. Il n’y a là rien d’idéologique, c’est seulement un constat.
Dans ce contexte, marqué par les efforts importants que devront supporter les salariés – 85 % du coût de la réforme, entre autres –, on ne peut que s’interroger sur les motifs du rapprochement qu’opèrent actuellement le secteur privé commercial de l’assurance complémentaire et la Caisse des dépôts et consignations, laquelle, comme chacun le sait, est un pilier historique de la retraite par répartition.
En garantissant une partie du financement de la sécurité sociale et en gérant le Fonds de réserve pour les retraites, la Caisse des dépôts et consignations participe, jusqu’à aujourd’hui pour le moins, à assurer la solidarité et la pérennité des régimes de retraites par répartition.
Au printemps dernier, Médiapart, dont Guy Fischer nous a déjà parlé tout à l’heure, rendait public un rapport relatif au regroupement des activités de Malakoff Médéric, société dirigée par le frère du Président de la République, et de la Caisse des dépôts et consignations, rapport selon lequel, avec la dégradation prévisible de la situation, le taux de remplacement versé au moment de la liquidation des droits à la retraite et le niveau du dernier revenu brut tiré de l’activité, c’est un formidable marché qui s’ouvre pour le secteur privé. Je sais que vous en êtes convaincus.
Et le rapport de préciser : « Un complément d’épargne annuel de 40 milliards à 110 milliards d’euros en 2020 serait nécessaire pour maintenir le niveau de vie des futurs retraités. »
Là encore, il faut lire entre les lignes. Comme le souligne le journaliste Laurent Mauduit, « les régimes de retraite par répartition vont à ce point être étranglés par l’absence de nouvelles recettes que cela fera forcément les affaires d’autres opérateurs ».
Monsieur le ministre, tout cela va conduire à l’explosion des profits générés par les salariés, des produits qui, contrairement à la répartition, s’orienteront tous non vers la solidarité, mais vers l’accroissement des richesses pour une minorité, que vous connaissez bien.
D’ailleurs, la société Malakoff Médéric ne le cache pas. Selon le business plan élaboré par ses soins, il est confirmé que, pour l’activité de retraites d’entreprises, le mécanisme issu du rapprochement avec la Caisse des dépôts et consignations devrait aboutir sur une part de marché d’ici à dix ans de 17 % contre 9 % actuellement. À la page 7 de ce business plan, il est précisé que le chiffre d’affaires de la société commune dans cette activité devrait exploser, passant de 692 millions d’euros à 5,2 milliards d’euros en 2020. Les encours totaux collectés connaîtraient la même explosion, passant de 9,4 milliards en 2010 à 100,6 milliards d’euros en 2029.
Et le journaliste de poursuivre : « C’est donc bel et bien un siphonage qui est alors conçu, avec en perspective un assèchement des régimes collectifs par répartition. Et puis aussi avec, à la clef, un formidable enrichissement des groupes privés qui se seront lancés dans l’aventure. »
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la participation de la Caisse des dépôts et consignations – et chacun sait que la nomination est de compétence élyséenne – à la construction d’un édifice qui se fait contre la retraite par répartition et pour l’enrichissement d’une minorité, fondée sur la généralisation des mécanismes de retraites par capitalisation, individuels comme collectifs, nous semble être contre nature.
C’est un détournement des missions et des finalités de la Caisse des dépôts et consignations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 50 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 281 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
L'amendement n° 386 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 474 est présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy et Daudigny, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l’amendement n° 50.
M. Gérard Le Cam. Alors que le débat sur le projet de loi portant réforme des retraites n’avait pas encore débuté à l’Assemblée nationale, les députés et sénateurs recevaient tous, de la part de la Fédération française des assurances, un petit livret faisant état des propositions des assureurs en matière de retraites ou plutôt, devrais-je dire, de retraites par capitalisation.
Comme vous le savez, les assureurs, qui ne proposent pas de plans d’épargne retraite collectifs, ou PERCO, mais défendent l’idée de la généralisation des mécanismes issus de la loi de 2003, lesquels reviennent à instaurer, aux côtés de notre système de retraite solidaire, des mécanismes de retraites par points, aimeraient voir leurs produits financiers bénéficier d’une meilleure publicité et de conditions de souscriptions encore plus avantageuses.
Aussi surprenant que cela soit, ils se font les principaux détracteurs des PERCO, soulignant notamment qu’en cas de difficultés financières les salariés sont les seuls à en assumer les conséquences. Et Jean-François Lequoy, président de la FFSA, de préciser : « Le PERCO, qui offre une certaine souplesse, a des avantages. Mais les montants versés sur un PERCO sont investis directement dans des OPCVM. Le salarié est alors seul porteur du risque financier, et donc exposé aux fluctuations des marchés. » On ne saurait mieux dire !
Mais alors pourquoi prendre de tels risques ? Pourquoi livrer ainsi une partie des retraites de nos concitoyens à la seule volonté des marchés et à l’incertitude ? Pourquoi prendre le risque, comme cela a déjà eu lieu dans d’autre pays, de brûler les retraites des salariés ? Encore et toujours pour satisfaire les appétits des marchés !
Les actionnaires étant devenus tellement véloces, engloutissant toutes les richesses produites par le travail, vous n’avez d’autre choix, afin de réinjecter de l’argent dans les marchés financiers, que de prendre celui des travailleurs. On assiste à un transfert de risque encore jamais vu. Les patrons, que vous présentez à loisir comme des investisseurs, n’investissent plus que dans leur propre niveau. Ils abandonnent leurs entreprises à la spéculation et limitent leurs investissements financiers en direction des outils productifs qu’au strict minimum.
Il faut alors trouver de l’argent nouveau pour faire fonctionner un système qui ne repose que sur un principe, la multiplication de l’argent qui sert à la spéculation et qui peut possiblement créer de la richesse, au risque de faire naître des bulles financières qui éclatent. Mais cette richesse est encore et toujours destinée aux plus puissants.
Voilà une raison supplémentaire pour certains de développer les PERCO, ou plutôt, devrais-je dire, voilà pour nous une raison supplémentaire de ne pas les développer et de proposer la suppression de cet article 32 quater.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 281.
M. Jean Desessard. L’article 32 quater favorise la diffusion du PERCO aux petites et moyennes entreprises, alors qu’il n’était jusqu’ici utilisé que par les grandes entreprises.
À l’instar des articles précédents, cet article vise à opérer un transfert de pouvoir de l’économie réelle, sur laquelle repose le système de répartition, vers l’économie financiarisée, sur laquelle repose le système par capitalisation.
Pendant la crise financière, les fonds de pension dans l’OCDE ont perdu 5 400 milliards d’euros, soit 20 % de leurs actifs.
On est bien loin de l’affirmation de Mme Parisot, qui, dans le Journal du dimanche du 13 février 2010, estimait que « les régimes par capitalisation s’avèrent toujours gagnants à terme ». À moins que Mme Parisot considère que les contribuables seront toujours amenés à renflouer les pertes et à payer les pots cassés…
Dans tous les pays, les autorités surveillent ces fonds pour s’assurer qu’ils disposent de suffisamment de moyens pour faire face à leurs engagements futurs – l’affaire Madoff a montré de quelle manière elles s’acquittaient de cette mission… Or, avec la crise, cela n’a très souvent plus été le cas, et les autorités de surveillance ont donc demandé aux entreprises, ou aux gouvernements pour les fonds de pension publics, de renflouer d’urgence les fonds pour compenser les pertes constatées sur les marchés. Du coup, ce renflouement a sensiblement aggravé les difficultés financières des entreprises et des États, et je peux vous garantir que la prochaine crise est en route.
Nous sommes pour notre part persuadés que l’épargne privée n’est pas le secteur le plus protecteur pour les salariés et l’économie d’un pays ; c’est le système par répartition qui permet d’amortir les chocs économiques. La garantie pour les retraites, c’est non pas le système privé mais la solidarité publique qui l’apporte.
C’est pourquoi les sénatrices et sénateurs Verts demandent la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 386 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Le présent amendement tend à la suppression de l’article 32 quater, qui prévoit de créer des négociations de branche obligatoires pour la mise en place de plans d’épargne pour la retraite collectifs avant le 31 décembre 2012.
En effet, à l’instar de notre amendement précédent, qui visait à supprimer l’article 32 bis, nous nous opposons ici à toutes les mesures de ce projet de loi qui pourraient faciliter le développement de la retraite par capitalisation.
Nous soutenons que ce n’est pas aux retraités de financer les fonds de pension, et c’est l’inverse qui aurait dû être mis en place par le Gouvernement grâce la taxation des revenus du capital.
Puisque cette mesure risque de creuser les inégalités entre les retraités les plus démunis et ceux qui sont les plus aisés, nous demandons la suppression de cet article. (M. David Assouline applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour présenter l'amendement n° 474.
Mme Catherine Tasca. Cet article prévoit d’imposer l’ouverture de négociations de branche au plus tard le 31 décembre 2012 en vue de la mise en place de PERCO et de plans d’épargne retraite d’entreprises, ou PERE.
Les entreprises qui adhéreront à un PERCO de branche pourront le faire sans avoir préalablement activé un plan d’épargne d’entreprise.
L’objectif est clairement de généraliser l’épargne retraite dans le secteur des PME et des TPE.
Selon la formule employée par les représentants des sociétés de gestion, il faut « orienter les flux liquides vers une épargne bloquée destinée à la retraite ». Et l’on voit avec cet article 32 quater que la captation de l’épargne doit être totale et qu’aucun secteur ne doit y échapper.
Ce projet de loi a été largement influencé par l’association française de gestion financière, qui a obtenu le vote de ces amendements au dernier moment à l'Assemblée nationale, selon les bonnes vieilles recettes du lobbying, qui s’insinuent au Parlement.
Qu’il s’agisse du passage de dix jours à vingt jours de compte épargne temps placés par défaut sur un produit d’épargne retraite, qu’il s’agisse de la captation de l’intéressement et de la participation, qu’il s’agisse de la transformation de contrats d’assurance vie en produits d’épargne retraite, toutes ces dispositions sont directement issues des propositions de l’association française de gestion financière.
Nous assistons à un véritable forcing pour contraindre les salariés à placer l’argent qui leur revient sur des produits financiers présentés comme de l’épargne retraite, et contribuer ainsi eux-mêmes à la fois à la destruction de la retraite par répartition et à la fortune de quelques privilégiés.
L’épargne des Français atteint le taux de 16 %, ce qui est considérable, notre pays demeurant relativement peu sensible aux sirènes du crédit.
Pourtant, les Français ne s’y trompent pas.
Le représentant de la fédération des épargnants pour la retraite, comme la représentante de l’association française de gestion, auditionnés par la commission des finances, ont tous deux déploré le peu d’appétence de nos compatriotes pour ces produits à haut risque et pour les promesses de rente aléatoire.
Avec cet article, vous utilisez donc des procédés plus que discutables, que ce soit le placement par défaut ou la généralisation des contrats collectifs obligatoires, pour faire avaler aux Français votre potion de force.
Vous allez ainsi siphonner les autres circuits d’épargne à plus court terme, comme le Livret A. Vous allez ponctionner la consommation, et donc ralentir la croissance et l’emploi, dans le seul objectif d’alimenter non pas la retraite, comme vous le prétendez, mais les fonds spéculatifs, leurs gros actionnaires et leurs gérants.
C’est un détournement de ce qui est présenté aux Français comme de l’épargne retraite, en niant les dangers inhérents à ces dispositifs et les inégalités qu’ils favorisent. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Excellent !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces quatre amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Cet article est redondant avec les dispositions existantes du code du travail, dont l’article L. 2241-8 énonce déjà, pour les branches, une obligation de négociation triennale sur l’épargne retraite. Il ne nous semble donc pas nécessaire de fixer la même obligation d’ici au 31 décembre 2012.
En conséquence, le Gouvernement est favorable à ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. J’ai été impressionné par la déclaration de M. le ministre qui, avec sobriété, nous a rappelé le devoir du législateur de ne faire que des textes utiles.
C’est la raison pour laquelle, sans partager aucune des convictions de Mme David, je suggère au groupe UMP de voter ces amendements de suppression. (Exclamations amusées.)
M. Guy Fischer. Il faut croire que nous sommes clairvoyants.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 50, 281, 386 rectifié et 474.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je constate que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.
M. Charles Revet. Voilà une belle unanimité ! (Sourires.)
M. le président. En conséquence, l'article 32 quater est supprimé. (M. Guy Fischer applaudit.)
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Je me réjouis de constater que nous travaillons sereinement et que nos débats se poursuivent à un rythme satisfaisant.
Le groupe UMP ne serait toutefois pas opposé à ce que vous leviez la séance, monsieur le président, à moins, bien évidemment, que nos collègues de l’opposition souhaitent prolonger nos débats, auquel cas nous accepterions volontiers d’accompagner leurs efforts…
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Pour une fois, je rejoins l’avis de M. Longuet, qui me semble vraiment frappé au coin du bon sens, d’autant que la commission des affaires sociales se réunit ce matin à neuf heures trente pour examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. le président. La suite de la discussion est donc renvoyée à la prochaine séance.
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 20 octobre 2010, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
1. Désignation des quinze sénateurs membres de la mission commune d’information sur les toxicomanies.
2. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n° 713, 2009-2010)
Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 733, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 734, 2009-2010).
Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n° 727, 2009-2010).
Rapport d’information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 721, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 20 octobre 2010, à trois heures vingt-cinq.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART