M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 32 bis A (nouveau)
L’article L. 351-15 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 351-15. – L’assuré qui exerce une activité à temps partiel au sens de l’article L. 212-4-2 du code du travail peut demander la liquidation de sa pension de vieillesse et le service d’une fraction de celle-ci à condition :
« 1° D’avoir atteint l’âge prévu au premier alinéa de l’article L. 351-1 ;
« 2° De justifier d’une durée d’assurance et de périodes reconnues équivalentes dans un ou plusieurs des régimes d’assurance vieillesse dont relèvent respectivement les salariés du régime général, les salariés agricoles et les personnes non salariées des professions artisanales, industrielles et commerciales, des professions libérales et des professions agricoles fixée à 150 trimestres.
« Cette demande entraîne la liquidation provisoire et le service de la même fraction de pension dans chacun des régimes mentionnés au 2° du précédent alinéa.
« La fraction de pension qui est servie varie dans des conditions fixées par voie réglementaire en fonction de la durée du travail à temps partiel ; en cas de modification de son temps de travail, l’assuré peut obtenir la modification de cette fraction de pension au terme d’un délai déterminé.
« L’assuré est informé des conditions d’application de l’article L. 241-3-1. »
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. L’article 32 bis A de ce projet de loi vise à pérenniser dans le temps le dispositif de la retraite progressive, qui, avouons-le, n’a pas encore – c’est peu dire ! – trouvé son public. On peut d’ailleurs rapprocher cette situation des mécanismes de cumul emploi-retraite, qui ne parviennent pas, eux non plus, à convaincre les salariés.
Pour mémoire, je rappelle que la retraite progressive permet aux salariés qui ont aujourd’hui plus de 60 ans, demain ce sera au-delà de 62 ans, de réduire leur temps de travail et de poursuivre ainsi leur activité professionnelle à temps partiel. Pour éviter une diminution de leurs ressources, la réduction du temps de travail entraîne l’ouverture immédiate de leurs droits à pension.
Notre rapporteur, Dominique Leclerc, voit dans ce dispositif un mécanisme de cohérence en lien étroit avec le tutorat. Telle n’est pas notre conviction.
Les salariés que nous avons rencontrés nous ont plutôt décrit un mécanisme permettant aux plus usés d’entre eux qui ne disposent pas d’un niveau de retraite suffisant, notamment en raison de l’application des décotes, de réduire leur activité, c’est-à-dire, en fait, d’amoindrir les incidences négatives du travail sur leur santé.
Autrement dit, l’indigence des mesures que vous proposez en matière de pénibilité, qui se limitent à une seule prise d’acte de la situation d’invalidité du travailleur, couplée au report à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite et à 67 ans de celui permettant de bénéficier d’une retraite sans décote, conduira les salariés les plus affaiblis par le travail à demander à bénéficier de ce dispositif.
Celui-ci sera financé, de fait, par les salariés, puisqu’il sera compensé par leurs droits à la retraite, ce qui permettra au Gouvernement de satisfaire l’exigence principale du patronat en matière de pénibilité : surtout ne rien payer !
C’est bien votre refus de reconnaître le droit à un départ anticipé à la retraite en cas de pénibilité qui vous conduit à proposer une telle mesure de substitution.
Nous ne saurions nous satisfaire de cela. Rappelons que, pour nous, tout travail pénible doit s’accompagner d’un départ à la retraite anticipé, sans décote ni réduction. Si nous proposons cela, c’est que nous sommes convaincus que la pénibilité réduit l’espérance de vie en bonne santé des salariés. Et rien, aucun modèle économique, ne justifie que le travail ait un impact sur l’espérance de vie.
Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi de réagir à la proposition formulée dans cet article, visant à permettre aux salariés concernés par ce dispositif de cotiser sur une base correspondant à un temps plein, alors qu’ils sont, dans les faits, à mi-temps.
Si nous comprenons la démarche, nous la trouvons illusoire. Les salariés qui peinent à boucler leurs fins de mois, qui doivent aider leurs enfants et, parfois, leurs parents dépendants, n’ont pas les moyens de cotiser davantage. Nous préférerions, quant à nous, que les employeurs bénéficiant de ce dispositif, qui leur permet de contourner leur responsabilité sociale en matière de pénibilité et de souffrance au travail, soient pour leur part contraints de cotiser sur une base concernant un temps plein, et ce sans que les salariés soient astreints à une telle mesure.
Les salariés de notre pays méritant un véritable droit à retraite anticipée, nous manifestons notre opposition à l’article 32 bis A.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Une nouvelle fois, nous sommes surpris et préoccupés par les solutions particulièrement faibles que vous préconisez pour apporter une vraie réponse au problème de l’activité des seniors.
Dans cet article, vous veillez à rendre possible le cumul emploi-retraite. En d’autres termes, vous faites en sorte qu’un senior occupant un emploi précaire à temps partiel ou peu rémunéré puisse percevoir une partie de sa retraite tout en continuant à travailler.
Cet article est dans la droite ligne de l’article 32, qui permettait un « CPE senior », autrement dit un contrat de dernière embauche. Cela prouve votre incapacité à provoquer une mutation des mentalités sur le sujet de l’emploi des seniors.
Le monde du travail a évolué, de même que les prérequis, et il est difficile pour les seniors de faire face à ces évolutions sans formation adéquate. Peu d’employeurs veulent prendre le temps de la formation, pourtant nécessaire. Nous avons la certitude qu’une entreprise qui joue sur la formation, sur la complémentarité des profils et des expériences a plus de chances de prospérer parce qu’elle saura s’adapter aux évolutions du marché.
Avant même de voir comment favoriser le cumul d’une retraite avec l’exercice d’une profession à temps partiel, il faut sans doute veiller à ce qu’un senior ait la possibilité de trouver et de conserver un véritable emploi.
En agissant sur ce levier, vous favoriserez le rebond d’une activité à temps plein et de qualité pour les seniors plutôt que la multiplication des petits boulots mal rémunérés : une tout autre perspective de développement, en somme, assurément plus humaine et plus digne pour nos seniors. Mais ce n’est visiblement pas votre choix ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 1100, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’article 32 bis A. Nous n’avons en effet pas la même lecture que vous des causes qui font que certains salariés optent pour la retraite progressive, qui permet en fait aux salariés de cumuler une pension et un emploi à temps partiel.
S’ils optent pour la retraite progressive, c’est qu’ils y sont contraints, soit pour des raisons de santé, soit pour des raisons économiques, ou encore, et c’est pire, pour les deux.
Comme vous savez, la retraite progressive permet aux salariés qui ont aujourd’hui plus de 60 ans et qui, demain, auront plus de 62 ans, de réduire leur temps de travail. La réduction du temps de travail qui en résulte entraîne alors, pour éviter une réduction de leurs ressources, l’ouverture immédiate de leurs droits à pension.
Pourquoi un salarié qui peut prétendre à la retraite, même si celle-ci n’est pas à taux plein, décide-t-il de continuer à travailler à temps partiel ? C’est la véritable question que nous devons nous poser. Malheureusement, la seule réponse que vous nous proposez, monsieur le ministre, dans votre vision qui nous semble quelque peu coupée des réalités du monde du travail et des aspirations des salariés telles que nous les connaissons, c’est que ce salarié aimait tant son travail qu’il souhaite continuer à le faire.
Certes, ce cas de figure existe, mais sachez que, dans leur immense majorité, les salariés sont contraints d’opter pour ce mécanisme, soit que leur santé ne leur permette plus de travailler à temps plein, soit – et c’est bien souvent cette réalité qui domine – que leur pension de retraite ne s’élève à un montant bien trop faible pour leur permettre de vivre avec cette seule ressource.
Concrètement, cela permet à ceux d’entre eux qui sont les plus usés et qui ne disposent pas d’un niveau de retraite suffisant, notamment en raison de l’application des décotes, de réduire leur activité, c’est-à-dire en fait de réduire l’impact négatif du travail sur leur santé. Dès lors que vous refusez de prendre en compte la pénibilité comme nous vous le demandons, ce « choix » est malheureusement le seul qui leur reste.
La vérité est donc celle-ci : le mécanisme de retraite progressive est en fait une illustration des piètres conditions de vie dans lesquelles une frange importante des personnes de plus de 60 ans sont obligées de vivre aujourd’hui. Elles préfèrent travailler, faute de mieux. Ce mécanisme, plutôt que de chercher à changer la situation, en prend acte et gère simplement la misère.
Nous ne saurions nous satisfaire de cela. Pour nous, tout travail pénible doit s’accompagner d’un départ à la retraite anticipé, sans décote ni réduction.
La retraite progressive n’est qu’un pis-aller que nous n’encourageons pas. C’est, en définitive, la fin du droit à la retraite à 60 ans sans décote et à un niveau de ressources suffisant pour vivre décemment.
C’est pourquoi nous vous demandons d’adopter notre amendement de suppression de l’article 32 bis A. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Excellent !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je suis quelque peu surpris des interprétations que vous faites de l’article 32 bis A. La cessation progressive d’activité n’a jamais été une solution au traitement de la pénibilité et nous n’avons jamais soutenu qu’il s’agissait d’un dispositif destiné à une large diffusion.
Toutefois, elle répond à certaines aspirations. Vous décrivez la situation d’une façon monolithique qui n’est pas conforme à la réalité. Des situations très diverses coexistent. Certaines personnes veulent quitter progressivement le monde du travail en percevant une retraite anticipée. La juxtaposition d’un travail à temps partiel et d’une fraction de la pension de vieillesse répond à une demande, certes minime, mais que nous devons prendre en compte. Tel est l’objet de cet article.
La commission est donc défavorable à cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1101, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Par cet amendement, nous souhaitons réitérer notre opposition à la pérennisation de la retraite progressive permise par cet article.
Ainsi, cette mesure entend développer le cumul emploi-retraite après 60 ans, alors que des millions de seniors sont écartés de l’entreprise. Pour rappel, le taux d’emploi des seniors âgés de 55 à 64 ans avoisinait 39,1 % au quatrième trimestre de 2009.
Comment peut-on vouloir pousser les salariés à travailler au-delà de 60 ans alors que des millions de femmes et d’hommes sont encore évincés des entreprises avant d’avoir atteint l’âge de la retraite ?
Une nouvelle fois, vous ne faites que traiter le symptôme, alors que le véritable problème est le maintien des salariés dans l’emploi jusqu’à l’âge de la retraite !
À ce sujet, monsieur le ministre, votre prédécesseur, M. Xavier Darcos, avait annoncé dans les médias, en février dernier, un projet de loi visant à interdire les plans sociaux s’appuyant sur le départ prématuré des seniors. Ou en êtes-vous sur ce dossier ? Serait-il tombé aux oubliettes ?
La pérennisation de la retraite progressive ne saurait être la panacée pour maintenir les salariés âgés dans l’emploi. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons, chers collègues, de bien vouloir voter cet amendement de suppression de l’alinéa 2.
M. le président. L'amendement n° 1203, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer la référence :
L. 212-4-2
par la référence :
L. 3123-1
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1203 et pour donner l’avis de la commission sur l'amendement n° 1101.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L'amendement n° 1203 est de caractère rédactionnel.
Quant à l'amendement n° 1101, la commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 1101 et favorable à l'amendement n° 1203.
M. le président. L'amendement n° 1102, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Par cet amendement, nous souhaitons souligner l’incohérence d’un texte qui, loin de régler le problème du financement des retraites, en proposant des dispositions injustes, ou des « mesurettes » comme c’est le cas pour l’emploi des seniors, ne fait que décaler le problème, puisque nous devrons reprendre ce débat en 2018.
Vos propositions pour l’emploi des seniors, telles que les exonérations de charges ou, comme le prévoit cet article, le développement de la retraite progressive, reflètent parfaitement cette incohérence.
La priorité, aujourd’hui, c’est d’aider les millions de salariés qui n’arrivent pas jusqu’à l’âge de la retraite dans un emploi, et non de détourner le problème en proposant de fausses solutions comme le cumul emploi-retraite, dispositif qui s’est d'ailleurs révélé peu attractif, puisque seules 2531 personnes l’ont sollicité depuis 2006.
Je ne pense pas que la nature législative et non plus réglementaire concernant la condition d’assurance y changera quelque chose.
C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1103, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Comme nous l’avons déjà expliqué, l’article 32 bis A est hypocrite, et cela à double titre.
Vous demandez à nos concitoyens de travailler plus longtemps, alors que le Gouvernement est incapable, comme nous venons de le détailler pendant près de deux heures, de leur garantir l’accès à l’emploi.
Vous proposez la pérennité de la retraite progressive, en insistant sur le fait que, si elle n’a pas eu le succès escompté, c’est par carence d’information et qu’il faut donc, pour reprendre les termes du rapporteur, « mieux informer les salariés et les entreprises ». Vous faites comme si les salariés pouvaient maîtriser tout à fait librement la durée de cotisation, autrement dit comme s’ils pouvaient choisir de conserver, ou non, leur emploi !
En outre, vous le savez, monsieur le ministre, l’allongement de la durée de travail se traduira moins par une augmentation du taux d’emploi des salariés âgés que par une diminution du montant de leur pension.
Pour faire face à la faiblesse du taux d’activité des salariés âgés en France, nous proposons, au contraire, de sécuriser la vie active de chacun jusqu’à la retraite.
Cela exige d’en finir avec les allégements de cotisations sociales patronales, qui ne visent qu’à organiser la mise en concurrence des salariés au seul bénéfice des actionnaires et déresponsabilisent socialement les entreprises.
Il faut s’en donner les moyens, notamment par des politiques publiques en matière de crédit et de fiscalité incitant fortement les entreprises à développer l’emploi et la formation et pénalisant celles qui s’y refusent !
En adoptant notre amendement de suppression de cet alinéa, mes chers collègues, vous feriez le choix de la justice et du progrès social, non celui de la régression sociale qui caractérise, depuis le début, l’ensemble de ce texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1104, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 5 de l’article 32 bis A. Cet alinéa, à l’instar de tout l’article, illustre selon nous l’ensemble de la politique mise en place par le Gouvernement.
Nous pensons que la retraite progressive est une mauvaise réponse apportée à un vrai problème.
Le problème, c’est que certains salariés ayant atteint l’âge de 62 ans ne peuvent pas partir à la retraite, car leur pension est trop faible, mais ils ne peuvent pas non plus continuer de travailler à temps plein, car leur état de santé ne le leur permet pas.
Dès lors, que font-ils ? Ils optent pour la retraite progressive, car ils pourront ainsi améliorer le montant de leur retraite dans la mesure de leurs capacités physiques.
N’est-ce pas choquant ? N’est-il pas cynique de nous présenter cette mesure comme l’expression d’un choix individuel, alors qu’elle est majoritairement subie ? Nous estimons que la réponse est oui.
Monsieur le ministre, vous ne fréquentez pas vraiment les salariés âgés dont nous vous parlons ici. Vous voulez continuer à vous persuader que la retraite progressive est une bonne solution, « un lent passage entre la vie professionnelle et la retraite », comme le dit M. le rapporteur. Or c’est vrai pour un nombre trop faible de personnes.
C’est très choquant, car, pour nous, l’âge de 60 ans représente la naissance d’un droit à la retraite. Vous, vous souhaitez que ce droit n’existe plus : non seulement vous reculez cet âge à 62 ans, mais désormais tout le monde devrait travailler toute sa vie, jusqu’au bout.
De manière progressive et insidieuse, par des propositions successives, vous en venez petit à petit au système anglo-saxon, dans lequel l’âge des retraités, notamment celui des travailleurs, augmente notablement.
Et quand on voit le contenu de votre contre-réforme, monsieur le ministre, on peut prédire que bientôt nos concitoyens à la retraite n’auront que les choix suivants : être indigents avec une retraite par répartition de plus en plus faible, ou être en retraite progressive, ou encore avoir souscrit une retraite par capitalisation.
Cet article signe bien la fin de la retraite par répartition, malgré vos dires et vos dénégations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1105, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’introduction de cet article au cours des débats parlementaires a été justifiée par le fait que le dispositif de retraite progressive mis en place en 2006 n’aurait pas connu le succès escompté.
Reconduit en 2010, ce dispositif va désormais être inscrit dans la loi, la majorité pensant que si la retraite progressive acquiert un statut normatif définitif, cela mettra fin à l’insécurité juridique qui l’entoure et poussera les salariés à y recourir un peu plus.
Pour notre part, nous pensons que le problème vient non pas de questions de forme, portant sur le statut légal de ce dispositif, mais de questions de fond. En effet, ce système de retraite soulève à nos yeux différents problèmes.
Tout d’abord, ce système est soumis à des conditions trop restrictives. En effet, pour bénéficier de ce droit, il faut avoir l’âge requis pour la retraite, c'est-à-dire 60 ans ou moins en cas de carrière longue, totaliser 150 trimestres validés, réduire son activité d’au moins un cinquième par rapport à la durée légale ou conventionnelle du travail applicable à l’entreprise ou à la profession, soit pas plus de 31 heures pour un horaire de 39 heures et pas plus de 28 heures pour un horaire de 35 heures. En outre, il ne faut pas exercer d’autre activité que celle à temps partiel relevant du régime général. Enfin, sont exclus de ce dispositif ceux qui ont acquis des trimestres dans les régimes spéciaux de salariés des fonctions publiques, de la SNCF, d’EDF-GDF, de la RATP, dans les régimes étrangers, ainsi que les majorations acquises au-delà de 65 ans.
Ensuite, de telles restrictions empêchent ceux qui pourraient avoir réellement besoin de ce dispositif d’en profiter. En effet, le critère de la pénibilité n’étant pas pris en compte, les salariés qui ont connu une carrière particulièrement usante n’auront pas nécessairement accès à la retraite progressive. A contrario, ce dispositif permettra encore plus aux employeurs de déréguler le temps de travail en faisant toujours plus appel à des temps partiels.
En l’état actuel des choses, nous pensons que ce système n’atteint pas les objectifs qui devraient lui être assignés. Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons de supprimer l’alinéa 6.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1106, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’article 32 bis A du projet de loi pérennise dans le temps le mécanisme de retraite progressive qui, pour l’heure, a séduit, il faut le dire, très peu de salariés, comme l’indique d’ailleurs le rapport de la commission.
Cela n’est pas dû au fait qu’il existe une insécurité juridique concernant son régime. Nous pensons plus simplement que les Françaises et les Français souhaitent pouvoir choisir le moment où ils prennent leur retraite, c'est-à-dire quand ils le peuvent financièrement, et que s’ils décident parfois de continuer de travailler avec le mécanisme de la retraite progressive, c’est qu’ils y sont contraints. Voilà tout !
Cependant, le Gouvernement, campant sur une position idéologique, veut continuer à mettre les seniors au travail. Il faudrait maintenant que nous fassions le deuil de la vie en dehors du travail. Il faudrait aussi que les pauvres s’habituent à travailler toute leur vie, car les riches, eux, pourront toujours capitaliser, « surcotiser » et, pour les plus fortunés d’entre eux, continuer d’investir dans des champs de courses, par exemple, ou des paradis fiscaux.
M. Guy Fischer. Oh non, ma chère collègue !
Mme Éliane Assassi. Ce projet de loi va ajouter une page de plus à votre législation de classe, véritable marque de fabrique du quinquennat. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Ils ne font pas d’idéologie !
Mme Éliane Assassi. En matière d’idéologie, monsieur Braye, excusez-moi, mais vous avez une longueur d’avance !
M. Dominique Braye. Les bolchéviques, vous êtes bons ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Éliane Assassi. Vous ne me faites pas peur, monsieur Braye, même si vous avez une grosse voix ! (Nouvelles exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David. Dès que les femmes s’expriment, vous hurlez !
Mme Éliane Assassi. Si ce sont les seules choses que vous avez à nous dire, franchement, elles ne sont véritablement pas intéressantes !
M. Dominique Braye. Parce que vous croyez que vous êtes intéressante ?
Mme Annie David. Soyez respectueux !
Mme Éliane Assassi. Nous pouvons en discuter en tête à tête dans la salle des conférences, monsieur Braye, quand vous le voulez ! Soyez un peu courageux ! (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !
Mme Éliane Assassi. La retraite progressive, c’est cette idée en action : tous au travail, jusqu’à la fin de la vie. De plus, elle s’accompagne d’une volonté de changer radicalement les mentalités en France pour que chacun trouve bien évidemment normal de continuer à travailler jusqu’au terme de son existence.
C’est ainsi que nous avons vu voilà quelques jours au journal télévisé de vingt heures, en plein conflit sur les retraites, un reportage, pour le moins partisan, montrant combien les salariés britanniques s’épanouissaient au travail à 70 ans et plus ! Si ce n’est pas de la propagande, je ne sais pas comment cela s’appelle !
Pour notre part, nous refusons cette logique libérale et antisociale. Nous revendiquons, je le répète, le droit à la retraite à 60 ans. Nous refusons votre vision utilitariste de l’humain, dont il faudrait capter, sa vie durant, la force de travail au profit du capital. Nous refusons donc la retraite progressive.
Tel est le sens de cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?