M. Jean Desessard. Cet amendement vise à garantir aux paysans, ici les chefs d’exploitation agricole et leurs conjoints, une retraite décente, correspondant à 85 % du SMIC.
La baisse des revenus agricoles touche l’ensemble des pays européens. Cette situation dramatique n’est que la conséquence logique d’une politique agricole calamiteuse, abandonnée aux seules lois du marché.
En 2009, le revenu des agriculteurs français a chuté de plus d’un tiers, pour se situer à 1 200 euros par mois en moyenne. Le revenu d’un producteur de lait, chef d’une exploitation moyenne, s’élève environ à 700 euros par mois.
La situation n’est guère plus enviable pour les retraités agricoles. En effet, pour des raisons historiques qui n’ont plus lieu d’être aujourd’hui, le régime dont dépendent les non-salariés agricoles, la MSA, ne leur garantit pas des pensions similaires à celles du régime général.
Les exploitants agricoles perçoivent parfois une pension inférieure à 85 % du SMIC, même quand ils ont effectué une carrière complète. En 2007, près de 80 % des non-salariés agricoles, comme les chefs d’exploitation et leurs conjoints, percevaient moins de 750 euros par mois. Cela concerne près de 330 000 personnes, qui vivent donc en dessous du seuil de pauvreté. Les femmes, en tant que conjointes, dépassent rarement 498 euros par mois.
Trop souvent, les retraites des agriculteurs sont des plus modestes. Sur les 400 000 agriculteurs à la retraite mono-pensionnés, 40 % touchent moins de 500 euros mensuels, et 40 % touchent entre 500 et 750 euros.
Par ailleurs, nombreux sont ceux qui ont commencé à travailler dès 14 ou 16 ans et ceux qui continuent à travailler la terre bien au-delà de l’âge de 60 ans.
Les revalorisations annoncées par le Gouvernement en 2009 n’ont pas été à la hauteur des attentes du monde agricole. Sur plus de 1,7 million de non-salariés agricoles retraités, seules 190 000 des plus petites retraites ont bénéficié d’une revalorisation, d’environ 11 %. Précisons que 80 % des revalorisations ont été d’un montant inférieur à 50 euros par mois, et 40 % d’un montant inférieur à 10 euros par mois.
Je vous invite à voter cet amendement, qui vise à répondre aux attentes du monde paysan en garantissant aux exploitants agricoles et à leurs conjoints une pension décente à hauteur de 85 % du SMIC.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’objectif de votre amendement est louable, mon cher collègue, puisqu’il vise à étendre aux non-salariés agricoles le principe posé par la loi de 2003, aux termes duquel une pension à taux plein doit être au moins égale à 85 % du SMIC. Cependant, vous avez oublié d’inscrire dans votre amendement les mots « lorsque l’assuré a cotisé sur la base du SMIC ».
Par ailleurs, dans le régime agricole, les cotisations peuvent être calculées sur une base nettement inférieure au SMIC.
Toutes ces incohérences ne peuvent que me conduire à émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Il s’agit d’un sujet important. Les cotisations dans le cadre d’un régime complémentaire ne sont pas les mêmes que dans le régime général : le rapport est de un à trois. Il est donc logique que les prestations servies ne soient pas les mêmes.
Par ailleurs, le régime complémentaire agricole est très récent par rapport à celui de l’AGIRC.
Pour ces deux raisons, il est difficile d’obtenir le même taux de retour.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je ne peux pas être d’accord avec le ministre et le rapporteur puisque mon amendement tend à accorder aux agriculteurs une retraite décente correspondant à 85 % du SMIC.
Le rapporteur a parlé d’incohérence : ce mot me choque, car nous parlons de gens qui ont travaillé toute leur vie...
Je maintiens cet amendement, que vous êtes en droit de ne pas voter. Mais le mot « incohérence » était de trop !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Soyez logique, mon cher collègue ! Ce mot ne s’appliquait en aucun cas au problème de fond des retraites du monde agricole, mais à la rédaction de vos propositions...
M. le président. L’amendement n° 41, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le Gouvernement remet au plus tard, dans les six mois qui suivent la promulgation de cette loi, aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport étudiant l'opportunité de la suppression de la référence de la durée minimale de cotisation dans le cadre de la majoration des retraites des non-salariés agricoles.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L’article L. 732-25-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit la possibilité de bénéficier d’une majoration de pension. Or elle est assortie d’une condition difficile à remplir : la durée minimale de cotisation prévue à l’article L. 732-25 du code de la sécurité sociale. Cela revient à exiger des non-salariés agricoles qu’ils disposent, tous régimes confondus, d’une carrière complète.
Sont ainsi écartés de ce dispositif de majoration celles et ceux des non-salariés agricoles dont les carrières sont incomplètes, alors même que leurs pensions, parmi les plus faibles, mériteraient d’être majorées. Là encore, les femmes sont particulièrement touchées par cette mesure.
L’application de l’article 40 interdisant aux parlementaires de supprimer cette référence, nous proposons qu’un rapport étudie cette possibilité, afin de garantir une retraite décente à tous les non-salariés agricoles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je ne vois pas comment on peut parler de majoration de surcote s’il n’y a pas de durée minimale ! Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’ai sous les yeux un courrier du ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, M. Bruno Le Maire, rappelant combien il est attentif, avec MM. Fillon et Woerth, aux problèmes du monde agricole et au niveau des pensions des agriculteurs.
Or, malgré toute cette attention, monsieur le ministre, je constate que vous refusez de saisir cette opportunité d’étudier au moins la revalorisation des petites pensions agricoles, celles que touchent notamment des femmes. C’est d’autant plus dommage que cette mesure n’aurait rien coûté.
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote sur l'article.
M. Claude Jeannerot. Dans ce projet de loi sur la « réforme » des retraites, texte globalement régressif, l’article 28 constitue une exception, même si elle est quelque peu timide.
Il s’agit d’étendre le bénéfice de la retraite agricole complémentaire obligatoire aux aides familiaux et aux collaborateurs de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole.
La retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles, mise en place par la loi du 4 mars 2002 « tendant à la création d’un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles », était inscrite dans un mouvement de fond en faveur de la justice sociale, que le gouvernement de gauche issu des élections législatives de 1997 avait accéléré très fortement.
Malheureusement, les deux catégories essentielles, mais insuffisamment reconnues, des aides familiaux et des conjoints collaborateurs, sur lesquelles a reposé une grande part de la capacité de développement de notre agriculture, notamment durant la seconde moitié du XXe siècle, n’avaient pu être intégrées initialement dans la loi.
La volonté de les inclure, dans le prolongement de l’extension alors mise en œuvre en faveur des non-salariés agricoles, avait tout de même été affichée, à travers l’article 5 de la loi du 4 mars 2002, qui précisait que le Conseil supérieur des prestations sociales agricoles était chargé de faire « des propositions sur son extension aux conjoints et aux aides familiaux ».
Depuis lors, aucune évolution n’est venue de la majorité gouvernementale, ni pendant les discussions sur le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ni lors de l’examen d’une proposition de loi déposée par notre collègue député Germinal Peiro.
Aujourd’hui, enfin, le Gouvernement souhaite apparemment revenir sur ce point, en allant malheureusement moins loin que notre proposition initiale. En effet, la rédaction de l’article 28 pose une restriction forte à cette extension de retraite complémentaire obligatoire : celle-ci ne concernera que les personnes qui obtiendront le statut d’aide familial ou celui de conjoint collaborateur à partir du 1er janvier 2011.
Cela écarte donc du bénéfice de la retraite complémentaire obligatoire les personnes cotisantes, soit, selon les données de 2008, environ 56 000 personnes, c'est-à-dire 10 % des assujettis au régime de retraite de base du régime des non-salariés agricoles qui ont déjà ces statuts du bénéfice de la retraite complémentaire obligatoire, de même que celles qui sont d’ores et déjà retraitées et qui souffrent du caractère faible, voire indécent, du montant des retraites agricoles versées.
Cette restriction ne nous convient pas. C’est pourquoi nous défendrons ultérieurement l’amendement n° 218, afin que soit, à tout le moins, étudiée postérieurement la possibilité d’élargir le champ d’application de l’article 28.
Cependant, nous voterons cet article, qui, après huit années d’attentisme, pendant lesquelles les agriculteurs n’ont presque rien obtenu, apporte néanmoins un élément positif, bien que tardif et insuffisant.
M. le président. Je mets aux voix l'article 28.
(L'article 28 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 28 (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements portant articles additionnels ont été réservés jusqu’après l'article 33.
Article 28 bis
(Non modifié)
Un rapport gouvernemental publié dans les douze mois suivant la publication de la présente loi examine les conditions dans lesquelles pourrait être mise en œuvre une modification du mode de calcul de la pension de retraite de base des non-salariés agricoles basée sur l’application des vingt-cinq meilleures années. Il étudie les conséquences d’un tel changement sur les prestations ainsi que sur les cotisations et émet des propositions relatives aux modifications à apporter à la structuration du régime de base des non-salariés agricoles.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, sur l'article.
Mme Jacqueline Alquier. Cet article concerne la création d’un rapport gouvernemental – un de plus ! – consacré aux conditions de modification du mode de calcul de la pension de retraite de base des non-salariés agricoles, en vue de la baser sur les vingt-cinq meilleures années d’activité.
Il semble effectivement nécessaire de réparer au plus vite une injustice manifeste puisque le mode de calcul actuel, sur 162 trimestres pour une carrière dite « complète », défavorise évidemment les agriculteurs, qui ont déjà un niveau de pension faible.
Les socialistes avaient présenté un amendement en ce sens lors des débats à l’Assemblée nationale, amendement repris par le groupe UMP. Que penser du fait que celui qu’a présenté la majorité a été retenu, alors que le nôtre a été rejeté ? Il faut y voir sans doute une manifestation de plus de votre mépris pour l’opposition, qui confine ici à l’absurde et qui témoigne surtout d’un manque de respect à un moment où nous pourrions être d’accord sur un sujet aussi important que celui de la retraite des agriculteurs.
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, sur l'article.
M. Yannick Botrel. Cet article étend le bénéfice de la retraite complémentaire obligatoire aux aides familiaux et aux conjoints collaborateurs.
M. Gérard Longuet. C’est une bonne idée !
M. Yannick Botrel. Si cette disposition nous paraît souhaitable, il nous semble cependant nécessaire de préciser certaines dispositions de l’article 28 bis. Celui-ci prévoit la remise d’un rapport dans les douze mois sur les conditions de modification de calcul de la pension de retraite des non-salariés agricoles basé sur les vingt-cinq meilleures années.
Je l’ai dit tout à l'heure, il est illogique que le régime des non-salariés agricoles soit basé sur la carrière complète, alors que le régime général pour tous les autres salariés est basé sur les vingt-cinq meilleures années. Rien ne justifie une telle discrimination, qui lèse gravement les retraités de la profession agricole.
Baser le calcul de la retraite sur les vingt-cinq meilleures années serait une mesure d’équité puisque le calcul actuel est largement défavorable aux agriculteurs en raison de l’incertitude de leurs recettes. En effet, ainsi que je l’ai souligné précédemment, les résultats d’exploitation peuvent être extrêmement variables d’une année sur l’autre, fluctuant en fonction des crises affectant les filières ou des aléas climatiques. Pour les agriculteurs, les années de pertes sur les 41,5 années de cotisation seront hautement préjudiciables au calcul de leur retraite, alors qu’un calcul sur les vingt-cinq meilleures années de cotisation les mettrait dans une situation moins pénalisante.
Du fait de la menace de l’article 40 – personne n’a oublié la mise au point du président Arthuis, la semaine dernière –, seul un rapport est envisageable pour faire avancer les choses. Mais ce n’est qu’un lot de consolation, car, au même titre que les groupes de travail, ces documents sont trop rarement suivis d’effets positifs.
Mes chers collègues, il s’agit d’une question fondamentale. Des avancées sont attendues par les non-salariés agricoles qui comptent sur notre action pour faire progresser ce dossier crucial. Sur ce point, il faut donc l’assurance du ministre pour que cette demande ne reste pas lettre morte, au même titre que de nombreuses initiatives de circonstance, toutes sans lendemain.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. Cette disposition a été introduite à l'Assemblée nationale. Elle concerne le mode de calcul des pensions des agriculteurs, qui n’est pas cohérent avec l’ensemble des divers régimes de retraite existants.
En effet, comment accepter que, pour des millions de nos concitoyens, le calcul de la pension se fasse sur la base de 162 trimestres, soit sur une carrière complète, et non pas sur les vingt-cinq meilleures années ? Rien ne justifie une telle différence. Bien au contraire, le montant des retraites agricoles est tel que nous devons tout faire pour corriger cette inégalité insupportable.
Bien plus, il s’agit de faire œuvre de justice sociale, ce qui constituerait une exception dans ce texte.
J’observe que, malgré des demandes répétées du monde agricole, notamment de ses retraités, la demande d’annulation de la décote à 65 ans n’a nullement été prise en considération. Dans les faits, le report de 65 ans à 67 ans de l’âge permettant la liquidation de la pension sans minoration pour les personnes ne justifiant pas d’une carrière complète constitue une mesure d’une extrême injustice. Elle pénalisera notamment les conjoints d’exploitants, essentiellement les femmes, qui ont déjà par ailleurs les plus faibles retraites.
Autre dimension du problème : le montant de la pension globale. En 2002, à l’occasion de la création de la retraite complémentaire obligatoire, le gouvernement de Lionel Jospin s’était engagé, par le biais d’une loi, à porter progressivement la pension des agriculteurs à 75 % du SMIC.
Depuis, la majorité a changé et, huit ans après, l’engagement n’a malheureusement pas été tenu. Il manque aujourd’hui 350 euros par an à la retraite complémentaire à taux plein pour atteindre cet objectif, et le Gouvernement ne semble pas vouloir effectuer le nécessaire pour rattraper le manque à gagner subis par les agriculteurs retraités et, en même temps, pour abonder les caisses de retraite complémentaire, afin que nos concitoyens bénéficient des 350 euros qui leur permettraient d’atteindre 75 % du SMIC.
Comment ne pas être scandalisé quand, conjointement, cette majorité multiplie les cadeaux fiscaux aux plus aisés et les niches fiscales ? (M. le rapporteur proteste.)
M. Roland Courteau. En effet !
M. Claude Domeizel. N’est-ce pas une nouvelle illustration du double langage de l’UMP et du Président de la République, Nicolas Sarkozy, qui avait pourtant promis au début de son mandat de « réduire les poches de pauvreté » dans le monde agricole et qui reconnaissait lui-même la faiblesse des pensions de retraites ?
Une fois de plus, le Président de la République, le Gouvernement et la majorité prouvent à quel point il leur est difficile de passer de la parole aux actes !
M. Roland Courteau. Ça oui !
M. Claude Domeizel. L’article 40 de la Constitution interdit malheureusement au Parlement d’amender cette disposition afin de procéder à une harmonisation des modes de calcul entre régimes. C’est pourquoi prévoir un rapport du Gouvernement portant sur la prise en compte des vingt-cinq meilleures années pour le calcul de la pension des non-salariés agricoles nous semble une disposition essentielle.
Même si nous connaissons d’ores et déjà une partie des conclusions de ce rapport, notamment l’avancée que constituerait pour le monde agricole la mise en œuvre de cette harmonisation sur le régime général, nous espérons surtout qu’il ne restera pas lettre morte.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 42, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le Gouvernement remet, dans les douze mois qui suivent l'adoption de la présente loi, aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport évaluant les différents mécanismes à mettre en place pour garantir, dans un souci d'alignement avec le régime général, aux non-salariés agricoles une retraite au moins égale à 85 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance. À ce titre il étudie notamment la possibilité de n'appliquer les coefficients d'adaptation qu'aux pensions atteignant 85 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance net.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. L’article 28 bis prévoit que le Gouvernement remettra un rapport afin d’envisager la prise en compte des vingt-cinq meilleures années dans le calcul de la pension des non-salariés agricoles.
Nous sommes favorables à toute mesure, ou même commencement de mesure, visant à remédier à la situation financière dramatique de bon nombre de travailleurs du secteur agricole.
Cependant, ce que vous proposez ici n’est absolument pas satisfaisant.
D’abord, comme nous l’avons souligné à maintes reprises, la référence aux vingt-cinq meilleures années a eu pour conséquence de faire baisser le montant des pensions. Ce n’est pas une bonne mesure et nous sommes plus favorables à la prise en compte des dix meilleures années.
De plus, et c’est particulièrement vrai pour le monde agricole et pour les non-salariés agricoles, un certain nombre de facteurs – la baisse des revenus agricoles, les carrières morcelées, en particulier pour les femmes – font que les montants des pensions sont parmi les plus faibles.
Je rappelle que les écarts de revenu entre agriculteurs se sont creusés, nécessitant plus de solidarité au bénéfice des exploitants familiaux qui, tout en travaillant de plus en plus, dégagent des revenus inférieurs au SMIC. C’est le cas pour plus d’un agriculteur sur deux.
Depuis la réforme de la PAC, en 1992, les prix agricoles ont baissé en moyenne de 30 %, sans que cela soit répercuté sur les prix à la consommation. Ainsi, l’agroalimentaire et la grande distribution détournent environ 15 milliards d’euros par an.
La crise de 2008 a démontré le rôle néfaste des fonds financiers spéculatifs sur les marchés à terme des matières premières agricoles.
Dans ce contexte délétère pour les exploitants agricoles, l’enjeu n’est pas tant d’intervenir sur un nombre d’années que de garantir un minimum du montant de la pension, afin que celle-ci permette aux retraités de vivre décemment.
On sait que la loi de 2003 portant réforme des retraites a inscrit pour les salariés, sous certaines conditions, l’objectif d’une pension de retraite au moins égal à 85 % du SMIC net en 2008.
Dans un souci d’équité entre les retraités, le même objectif devrait être inscrit pour les non-salariés agricoles : près de 90 % des mono-pensionnés n’atteignaient pas 85 % du SMIC net en 2007.
Dans cette logique, les coefficients d’adaptation ne doivent pas, selon nous, s’appliquer tant que la retraite n’atteint pas 85 % du SMIC net.
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur les évolutions législatives et réglementaires permettant d'augmenter de 25 % d'ici à 2012 les pensions majorées de référence pour les non-salariés agricoles.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Vous l’aurez compris, nous souhaiterions plus qu’un rapport en la matière. Cependant, l’article 40 nous interdit de déposer une mesure prévoyant la mise en œuvre de la majoration.
Comme vous le savez, les niveaux de majoration des pensions de retraite des non-salariés agricoles avaient pour but, depuis 1998 et jusqu’au 1er janvier 2009, d’atteindre le minimum vieillesse. Le Président de la République a annoncé une augmentation de 25 % d’ici à 2012 de cette prestation. Or, en 2009, seul le minimum vieillesse pour une personne seule a bénéficié d’une augmentation de 6,95 %.
Rappelons que les retraités non-salariés de l’agriculture sont actuellement en France parmi les personnes qui présentent les plus bas niveaux de retraite. Les chiffres ont été cités, mais ils sont tellement bas qu’on peut les répéter : 40 % des mono-pensionnés, qui n’ont donc pas d’autre retraite, perçoivent moins de 500 euros par mois et 90 % d’entre eux n’atteignent pas le seuil de pauvreté, qui est de 817 euros par mois.
Les mesures de revalorisation prises par le Gouvernement ne sont pas à la hauteur des enjeux : sur plus de 1,7 million de retraités non-salariés agricoles, seuls 190 000 des plus petites retraites ont bénéficié d’une revalorisation, soit 11 % de l’ensemble des retraités. Et 80 % des revalorisations ont été d’un montant inférieur à 50 euros par mois. De plus, 40 % des revalorisations ont été d’un montant inférieur à 10 euros par mois !
Nous considérons que les non-salariés agricoles doivent disposer de niveaux de retraite décents et que, par conséquent, les pensions majorées de référence pour les non-salariés agricoles doivent bénéficier d’une augmentation. Cela amènerait la pension majorée des chefs d’exploitation à 791 euros par mois et celle des conjoints à 628 euros par mois en 2012 : on ne peut pas dire qu’on est riche avec de telles sommes !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission souhaite s’en tenir à la rédaction actuelle de l’article, qui prévoit que le rapport du Gouvernement étudiera la mise en œuvre d’un calcul basé sur les vingt-cinq meilleures années.
L’avis est donc défavorable sur les amendements nos 42 et 43, qui constituent en outre une façon de contourner l’article 40 de la Constitution.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'article.
M. Jean Desessard. Cet article illustre la frilosité du Gouvernement et les incohérences du rapporteur.
Pas de frilosité du Gouvernement lorsqu’il s’agit de reculer l’âge de la retraite de 60 à 62 ans ! Pas de frilosité non plus lorsqu’il s’agit de reculer l’âge pour le taux plein !
Le rapporteur se vante d’être cohérent lorsqu’il augmente le taux des cotisations des fonctionnaires au nom de la convergence.
M. Philippe Dominati. Il a raison !
M. Jean Desessard. Mais, lorsqu’il s’agit d’améliorer la situation des poly-pensionnés, on se contente d’un rapport ! Lorsqu’il s’agit d’améliorer les retraites des non-salariés agricoles et de mettre en place un système convergent sur les vingt-cinq meilleures années, encore une fois, on se contente d’un rapport ! Où est la loi juste ? Où sont les mesures de justice ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.
M. Claude Jeannerot. L’ambition affichée avec ce projet de loi est de « renforcer l’équité de notre système de retraites. »
Mme Annie David. C’est raté !
M. Claude Jeannerot. Si votre ambition est celle-là, pourquoi votre projet initial, avant l’insertion de cet article 28 bis par l’Assemblée nationale, ne comportait-il aucune mesure d’alignement sur le régime général des modalités de calcul de la retraite des exploitants agricoles ?
En effet, il me semble inacceptable que le calcul des pensions agricoles se fasse sur une carrière complète, alors que, pour le régime général, le calcul se fait sur les vingt-cinq meilleures années.
Cela constitue une injustice au détriment des agriculteurs, qui font déjà, reconnaissez-le, un métier particulièrement difficile, souvent peu rémunéré, en butte à des crises successives, et dont les retraites sont ensuite parmi les plus faibles.
Au-delà de ces remarques, nous espérons que cet article, que nous ne voterons pas, aura au moins le mérite de permettre ultérieurement une relance du débat sur les modalités de calcul et le montant indigne des pensions versées actuellement aux non-salariés agricoles.
M. le président. Je mets aux voix l'article 28 bis.
(L'article 28 bis est adopté.)
Article 29
I. – Le troisième alinéa de l’article L. 815-13 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Lorsque la succession du bénéficiaire, en tout ou en partie, comprend un capital d’exploitation agricole, ce dernier ainsi que les bâtiments qui en sont indissociables ne sont pas pris en compte pour l’application du deuxième alinéa. La liste des éléments constitutifs de ce capital et de ces bâtiments est fixée par décret. »
II. – Le I est applicable aux personnes visées à l’article 2 de l’ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, sur l'article.
Mme Jacqueline Alquier. L’article 29 exclut le capital d’exploitation de l’assiette du recouvrement sur succession des prestations de minimum vieillesse des exploitants agricoles.
Cette mesure facilitera l’accès au minimum vieillesse pour cette catégorie de retraités, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Les propriétaires exploitants ne peuvent renoncer aisément à faire bénéficier leurs héritiers du peu de biens qu’ils ont acquis ! Ils souhaitent évidemment pouvoir leur transmettre leur domaine à leurs descendants afin que ceux-ci poursuivent l’activité agricole.
Cependant, la revalorisation du minimum vieillesse, lequel ne s’élève, rappelons-le une fois de plus, qu’à 709 euros, est encore réservée aux personnes seules, allocataires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées. En sont exclus ceux dont le montant de l’allocation est calculé pour un couple : je veux parler des personnes mariées, pacsées ou en concubinage.
Nous demandons donc que le Gouvernement évalue les conditions de l’extension de la revalorisation du minimum vieillesse aux conjoints, concubins et aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité.
Pour ne pas perdre encore de temps et laisser toute une population dans une précarité inacceptable, nous demandons que ses conclusions soient déposées sous la forme d’un rapport au Parlement avant le 31 décembre 2010.
J’insiste sur le fait que c’est bien l’application stricte de l’article 40 qui nous oblige à déposer des amendements de ce type, visant à demander des évaluations de faisabilité et des rapports devant le Parlement. C’est le seul moyen dont nous disposons pour infléchir des dispositions si restrictives qu’elles en deviennent injustes, même si l’expérience montre que les rapports demandés restent souvent sans lendemain.
Nous serons sans doute encore amenés à revenir sur ces sujets pour qu’enfin le sort des plus faibles, des oubliés ou plutôt des méprisés d’une réforme bâclée soit réellement amélioré. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, sur l’article.