M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il s’agit, avec cet article 4, de procéder à l’allongement de la durée de cotisation donnant droit à une pension versée à taux plein.
On commence donc par augmenter d’un an et demi la durée de cotisation, avec tout ce que cela implique.
Mes chers collègues, demandez-vous quelles sont les conséquences financières d’une telle mesure, qui se traduira tout de même pour un smicard par 750 euros à 800 euros de plus par an de cotisations versées pour la seule part ouvrière !
En effet, faute de mesures de recettes, le projet de loi commence par agir sur l’alimentation des régimes de retraite, en prolongeant la durée de cotisation.
Les salariés doivent donc cotiser plus longtemps, mais également se serrer la ceinture, puisque, faute de mesures efficaces sur les recettes, on n’a pas trouvé mieux que de restreindre les dépenses et de limiter leur évolution.
On nous a évidemment servi l’argument de la démographie pour justifier un tel allongement de la durée de cotisation. Les Français vivront en meilleure santé plus longtemps, ce qui justifie, selon vous, d’exiger d’eux plus d’efforts.
Aussi, j’invite tous ceux qui pensent ainsi à venir à trois heures du matin à la Marée au marché international de Rungis, à prendre le métro parisien sur la ligne 13 vers six heures du matin avec les femmes de ménage qui vont nettoyer les bureaux de la Défense ou encore à passer une journée sur les chaînes de fabrication de quelque entreprise du textile, avec les métiers en pleine action, pour voir ce que signifie l’exigence d’une retraite à taux plein à soixante ans !
Afficher comme des vérités tous les arguments que vous utilisez est une chose, regarder la réalité des conditions de travail et, partant, des inégalités sociales telles qu’elles sont en est une autre !
En fait, la démographie a bon dos lorsqu’elle sert juste d’écran pour justifier le fait de réserver une part sans cesse croissante de la richesse créée à la rémunération du capital.
En outre, comme les salariés d’aujourd'hui commencent à cotiser de plus en plus tard, bien souvent au-delà de l’âge de vingt-deux ans révolus, on peut s’attendre à ce que les 41,5 annuités soient difficiles à réunir et que la retraite à 65 ans à taux plein ne soit même pas envisageable pour nombre d’entre eux.
À ce stade, on se souviendra du fameux mot de Bismarck. Ayant posé la question de savoir à quel âge mouraient les ouvriers des grandes usines allemandes, le chancelier allemand obtint comme réponse : « À 65 ans ». Il conclut alors : « Nous fixerons donc l’âge de la retraite à 65 ans ! ».
Nous ne voulons pas d’un tel cynisme d’État, revenant à raboter le niveau des pensions au nom d’un équilibre financier qui pourrait être obtenu par une autre répartition des richesses ! (M. Guy Fischer applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, sur l'article.
Mme Marie-Agnès Labarre. Le nombre de retraités est passé de 7 millions à 15 millions en trois décennies, et ce quasiment sans hausse de cotisation. C’est la création d’emplois, environ 2 millions en dix ans, qui a permis de financer cette augmentation.
Nous le voyons donc bien, c’est la baisse massive du chômage qui est le véritable levier du financement de notre système de retraite, et non l’augmentation de l’âge légal et de la durée des cotisations.
Aucune de vos propositions, rien dans la politique que vous conduisez ne va dans ce sens. Notre opposition est donc résolue.
Quand bien même un effort significatif en matière d’emploi serait accompli sans produire la totalité du financement attendu pour préserver et améliorer notre système de retraite par répartition, d’autres sources de financement pourraient être mobilisées. Il suffit pour cela de vouloir ramener dans la sphère publique les milliards d’euros que vous avez siphonnés au profit de la rémunération du capital et de la rente.
Vous ne le voulez pas. Dont acte. Nous le ferons, parce que nous, nous le voulons. Et le peuple, qui n’a pas fini de vous le rappeler dans la rue, le veut également.
Vous avez pris aux pauvres pour donner aux rentiers et – quelle surprise ! – les caisses de solidarité se tarissent. Nous les remplirons par l’emploi, par la justice fiscale. Nous administrerons ainsi la preuve que des retraites convenables peuvent être versées sans toucher à l’âge légal de 60 ans, sans baisser le montant des pensions, en reconnaissant à la fois les particularités de certains métiers, la situation spécifique des femmes, la durée des études, et ce sans allongement de la durée des cotisations, qui reviendrait à remettre en cause le départ à 60 ans.
Compte tenu de l’entrée de plus en plus tardive sur le marché du travail, compte tenu aussi du développement du travail précaire et du statut de « travailleur jetable », vous savez pertinemment que l’augmentation de la durée des cotisations aura pour effet d’obliger les salariés à travailler sans limite d’âge afin de pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein.
Mes chers collègues, vouloir maintenir l’âge du départ à la retraite à 60 ans et accepter d’augmenter la durée des cotisations est donc à la fois stupide et cynique.
Vos mesures, qui sont pénalisantes pour tous, toucheraient particulièrement deux groupes de personnes : d’une part, les salariés aux carrières courtes ou discontinues, qui sont essentiellement des femmes ; d’autre part, les jeunes, puisqu’on constate au fil des générations la montée de leurs difficultés d’insertion dans l’emploi, qui diminue d’autant leur capacité à valider un nombre suffisant d’annuités pour leur retraite.
Selon le COR, les femmes qui sont parties à la retraite en 2004 ont validé en moyenne vingt trimestres de moins que les hommes. Leurs pensions sont en moyenne de 40 % inférieures à celles des hommes. Parmi les retraités, seulement 44 % des femmes ont validé une carrière complète, contre 86 % des hommes. Si cet écart se réduit, il est loin d’avoir disparu.
Un quart des femmes nées en 1950 n’avaient validé aucun trimestre entre 51 ans et 55 ans, contre 15 % des hommes, et ce en raison des difficultés d’emploi à de tels âges.
Par conséquent, toute augmentation de la durée de cotisation signifie que beaucoup plus de femmes que d’hommes devront soit prendre leur retraite à un âge plus tardif, soit subir une décote plus forte, puisqu’elles seront en moyenne encore plus loin de la durée exigée que les hommes. Votre réforme constitue donc une forme de discrimination à leur égard. Vous le savez, mais vous persistez !
Vous ignorez également, semble-t-il, que les femmes cumulent tout au long de leur vie de fortes inégalités par rapport aux hommes. Elles ont un temps de travail total, rémunéré ou non, souvent domestique, toujours supérieur, un salaire moyen qui reste très inférieur et un accès limité aux fonctions dirigeantes, alors même qu’elles sont plus diplômées que les hommes depuis une trentaine d’années. Elles travaillent donc déjà plus, et plus longtemps, que les hommes pour beaucoup moins de rémunération. Vous le savez, mais vous persistez à vouloir dégrader encore plus leur retraite !
Et pour les jeunes, le nombre d’annuités validées à l’âge de 30 ans ne cesse de diminuer au fil des générations.
Cette baisse traduit, outre une augmentation de la durée des études, la plus grande difficulté d’insertion sur le marché du travail, liée à votre politique du chômage. Elle signifie que, pour atteindre quarante-deux annuités, la génération née en 1974 devra travailler au moins jusqu’à 64,3 ans, et ce dans le cas très favorable, mais improbable, où elle réussirait à valider trente annuités entre 30 ans et 60 ans.
Votre réforme constitue donc à l’égard des jeunes une forme de double peine. Là encore, vous le savez, mais vous persistez !
Votre réforme est marquée de bout en bout du sceau de l’injustice sociale. Vous franchissez là une étape supplémentaire dans la régression sociale et dans l’iniquité.
La réforme juste sera celle qui, d’une part, corrigera les inégalités existantes entre les sexes ou au détriment des jeunes et des personnes exerçant un métier pénible et, d’autre part, garantira à tous une retraite de haut niveau.
La solution existe ; elle passe par une meilleure répartition des richesses et du travail. Cette réforme, vous n’en voulez pas. Eh bien, c’est nous qui la ferons ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L’accroissement du nombre d’annuités nécessaires pour faire valoir son droit à la retraite présente évidemment un certain nombre d’aspects et offre de nombreuses pistes de réflexion.
Mais ce qui est en jeu avec cet article, de manière bien plus générale, c’est le rapport que les Françaises et les Français entretiennent avec le travail. C’est une question pivot, la clé de voûte de notre modèle social.
Car, à l’évidence, le travail a profondément évolué depuis plusieurs décennies et le processus de production a connu des changements assez sensibles, fondés notamment sur les modes d’organisation, la variation des formations, l’usage des technologies nouvelles, la répartition des tâches et des fonctions.
De telles évolutions se sont d’ailleurs accompagnées d’une modification assez sensible du lexique du travail, comme s’il s’était agi de masquer l’enjeu de société, le rapport de force et la contradiction que constitue le salariat.
On parle non plus d’« ouvriers », mais d’« opérateurs » ; on parle non plus d’« employés », mais de « collaborateurs ». On nie la réalité des qualifications non reconnues, et on parle de « bas salaires ». Au demeurant, quand il le faut, on parle non pas de masse salariale ou de paie, mais de « coût du travail ». D’ailleurs, dans ce cas-là, c’est à se demander à qui cela coûte de travailler !
Ces formules lexicales, dont j’ai rappelé quelques aspects notables, ne masquent qu’avec la plus grande difficulté l’essentiel. L’essentiel, c’est que le rapport de classes n’a pas disparu ! C’est que l’exploitation du travail humain n’a fait que changer de forme sans changer de fond ! C’est que la conception que les salariés en ont n’est guère différente de celle qu’ils en avaient par le passé !
Je le souligne avec d’autant plus d’intérêt, si je puis dire, que sera menée demain une assez intéressante opération intitulée « J’aime ma boîte » ! Les salariés seront invités à expliquer à quel point ils sont heureux de travailler dans telle ou telle entreprise...
Mme Josiane Mathon-Poinat. D’ailleurs, mes chers collègues, je vous invite à vous y rendre. En effet, ce sera demain, le 14 octobre, et vous pourrez peut-être vous y associer si vous êtes tout à fait convaincus des bonnes conditions de gestion de nos entreprises.
Quels sont les partenaires d’une telle manifestation ? Je citerai notamment le groupe Primagaz, Pôle emploi, l’institut de sondage Opinion Way, Dromadaire – qui est un spécialiste de la carte postale virtuelle –, le Figaro Magazine, TF1, BFM Radio et BFM TV, RMC, ainsi que l’association Entreprises de taille humaine indépendantes et de croissance, ou ETHIC.
Cependant, j’élève tout de même une protestation contre la participation de la région d’Île-de-France et de Pôle emploi, qui sont des entités publiques, financées par les impôts et les cotisations de nos compatriotes, à cette opération publicitaire destinée à présenter la vie professionnelle et le travail salarié sous un jour faussement positif !
En revanche, qu’une société comme TF1, c'est-à-dire une chaîne de télévision autrefois payée par notre redevance, puis revendue à vil prix…
M. Guy Fischer. Bradée !
Mme Josiane Mathon-Poinat. … au groupe Bouygues, participe à cette opération d’intoxication, je n’en suis guère étonnée ! C’est dans leur logique.
Pour autant, on peut douter des bonnes intentions de la démarche, même si les dehors en sont fort séduisants. Ainsi, le site dédié à la manifestation propose l’organisation de petits déjeuners conviviaux, de concours de bureaux décorés, de journées ou d’instants de détente, avec massage, relaxation… (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.) Vous le voyez, c’est le bonheur absolu ! Travailler dans un tel esprit, c’est vraiment fabuleux ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Prenons l’exemple du mouvement ETHIC – lorsqu’on entend ce nom, on se dit qu’il y a là quelque chose d’intéressant –, créé en son temps par le fort célèbre Yvon Gattaz,…
Mme Béatrice Descamps. Vous n’avez pas parlé du MEDEF !
Mme Josiane Mathon-Poinat. … ancien président du Conseil national du patronat français, le CNPF, feu MEDEF en quelque sorte,…
M. Pierre Hérisson. C’est un gros mot, le MEDEF ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. … et aujourd'hui piloté par un comité directeur où siège Antoine d’Espous, P-DG du groupe CA Communication.
Pour des raisons qui échappent surtout aux élus de gauche que nous sommes, les deux principaux dirigeants d’ETHIC sont des professionnels de la communication.
Vous le constatez, quelque chose ne va pas dans ce bas monde. (Marques d’impatience sur plusieurs travées de l’UMP.)
Si on peut prendre cela sur le ton de la plaisanterie, il n’en demeure pas moins que l’on banalise la souffrance au travail, que l’on modifie le code du travail et que l’on en profite pour accroître le nombre des annuités, comme le prévoit cet article. Ainsi, la vie des uns pèse beaucoup moins que les intérêts et les profits des autres. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – MM. Claude Domeizel et Jean-Pierre Bel applaudissent également.)
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement vise à supprimer l’article 4.
Nous considérons qu’il constitue une étape importante dans le projet de loi, qui a pour effet de simplifier et de rendre automatique l’augmentation des durées d’assurance, abordant la question sous le seul aspect comptable.
Concrètement, chaque année, un décret fixera pour l’année n+4 la durée d’assurance nécessaire pour l’obtention du taux plein, durée toujours plus longue. Le projet de loi prévoit que le décret sera pris après avis du Comité d’orientation des retraites, mais il n’est plus fait référence à la Commission de garantie des retraites, ce que nous déplorons.
Cette réforme comptable a le défaut majeur de ne pas tenir compte de la réalité. Il est bien gentil de vouloir allonger la durée de cotisation sous le prétexte que la durée de vie augmente, cependant ce n’est pas faire preuve de réalisme. Vous allez obliger les salariés à travailler plus longtemps alors même que le patronat n’a qu’une idée : licencier ces derniers lorsqu’il estime qu’ils sont trop vieux et qu’ils ne sont plus assez compétitifs.
Ainsi, le taux de chômage de longue durée chez les plus de 50 ans est alarmant. Pour autant, vous souhaitez les faire travailler plus, c’est-à-dire leur faire passer plus de temps au chômage ! Je vous donne quelques chiffres à méditer : en 2008, le chômage de longue durée touchait 37,9 % des chômeurs, concernant davantage ceux qui ont plus de 50 ans, soit 55,5 % des chômeurs de cette tranche, c’est-à-dire plus de la moitié d’entre eux !
Par ailleurs, à l’autre bout de l’échelle, chez les 15-24 ans, le taux de chômage atteint près de 25 % en raison de l’inexpérience de ces derniers, mais aussi de leur arrivée sur le marché du travail à une période difficile. Même avec des salaires inférieurs, l’entrée dans le monde du travail reste un parcours d’obstacles, souvent fait de nombreux stages et de périodes de précarité : intérim, CDD, etc.
Les jeunes femmes, quant à elles, sont encore plus touchées, notamment en raison des périodes de maternité qui les amènent souvent à alterner au cours de leur carrière des phases d’activité et d’inactivité.
Votre réforme confine donc à l’absurde, car la réalité, c’est que l’augmentation de la durée d’assurance pour obtenir une retraite à taux plein privera, de fait, nombre de femmes et d’hommes de notre pays d’une retraite à taux plein et par là même réduira leurs pensions.
Nous n’avons de cesse de vous le dire : votre réforme est injuste puisqu’elle repose, pour sa plus grande part, sur l’effort des salariés et non sur la participation des capitaux financiers. Votre politique est antisociale.
Pour cette raison, nous demandons la suppression de l’article 4. (Mme Josiane Mathon-Poinat applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La réforme de 2003 a introduit une méthode de pilotage par rendez-vous quadriennaux destinée à adapter la durée d’assurance en fonction de la durée moyenne de retraite.
Cette méthode, bien que relevant de bonnes pratiques, s’est révélée anxiogène pour tous ceux qui approchaient de l’âge du départ à la retraite. Ainsi, un rendez-vous ayant été annoncé en 2008, de nombreux assurés ont préféré liquider leur retraite par peur d’une remise en cause de la durée d’assurance exigée.
L’article 4 tire les leçons de cette situation en mettant en place un dispositif glissant dans lequel la durée d’assurance est fixée pour chaque génération, après avis du COR, quatre ans avant qu’elle atteigne l’âge de 60 ans.
Cette simplification de la procédure de fixation de la durée d’assurance requise pour une pension à taux plein devrait permettre aux assurés de mieux anticiper le déroulement de la fin de leur carrière puisqu’ils connaîtront suffisamment à l’avance les paramètres de durée d’assurance qui leur seront applicables lors de la liquidation de leur pension.
Cette disposition participe ainsi à l’objectif d’une plus grande lisibilité du système de retraite.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Je voudrais d’abord souligner l’incohérence totale de la discussion de ce texte puisque les articles 5 et 6 ont été appelés en priorité et ainsi désolidarisés de l’examen de l’article 4.
Pourtant ces articles se complètent et la cohérence du funeste projet gouvernemental ne s’exprime qu’à l’articulation des trois mesures honteuses qu’ils visent à introduire : le relèvement de 60 à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite, le relèvement de 65 à 67 ans de l’âge permettant de bénéficier du taux plein et, enfin, le passage à 41,5 annuités de cotisation, mesure contenue dans l’article 4 et dont nous discutons, contre toute logique, en dernier.
Ces tentatives de manipulation quant à l’ordre de discussion des articles, destinées à démobiliser et à décourager les grévistes et les manifestants opposés au projet de loi portant réforme des retraites, sont inacceptables.
Je veux l’affirmer : le vote des articles 5 et 6 ne signifie pas l’adoption de la réforme et ne rend pas inutile le combat contre le dernier volet du triptyque de démantèlement des acquis sociaux en matière de retraite, à savoir l’article 4.
La mobilisation ne cessera pas aussi facilement. Sachez que nous nous ferons jusqu’à la fin du texte les porte-parole et les relais au Sénat de la révolte populaire !
Mme Annie David. Exactement !
M. Thierry Foucaud. Nous réaffirmons la nécessité de supprimer l’article 4, qui contient une des dispositions les plus graves du projet de loi.
Comme l’ont rappelé mes collègues qui se sont exprimés sur l’article, il n’est pas juste d’exiger que les salariés soient sacrifiés sur l’autel des intérêts des marchés financiers et de l’équilibre comptable.
Il ne s’agit pas, ici, uniquement d’argent et de comptes. Il y va aussi de la vie de millions de personnes qui seront forcées de travailler, pour certaines d’entre elles, jusqu’à l’épuisement en raison du cumul de ces dispositions scandaleuses allant toutes dans le même sens : l’allongement de la durée de travail des salariés et la réduction du montant des pensions en cas de non-respect des trois conditions d’âge et d’annuités.
En réalité, ce projet de loi est principalement guidé par la volonté de faire des économies sur le dos des retraités. Il s’agit moins ici de parler de retraites que d’assainir les comptes de l’État. Cette réforme n’est rien de moins qu’un nouveau volet social de la RGPP dont on connaît l’ampleur des dégâts sur les emplois publics.
Cette fois, le Gouvernement avance masqué en invoquant le prétexte de l’évolution démographique et se cache derrière le grand principe du sauvetage de la retraite par répartition pour articuler des mesures dont l’objet non avoué est simplement de diminuer le montant des pensions.
Le subterfuge est un peu gros, monsieur le ministre. Même si vous ne l’énoncez pas, les citoyens voient clair dans votre jeu : ce dispositif de réforme des retraites aura pour conséquence de rendre impossible, dans beaucoup de cas, le départ à la retraite à taux plein. Vous vous obstinez à renforcer les difficultés des assurés à toucher leur pension, quitte à paupériser les retraités en occultant le coût social de la misère que vous allez alimenter.
Les âges que vous prévoyez et le nombre d’années de cotisation sont tellement élevés et déconnectés de la réalité du travail que certains se verront dans l’impossibilité de remplir ces conditions. Il n’est en effet pas possible de lutter indéfiniment contre la fatigue physique et psychologique. Il est un temps où les salariés éreintés seront contraints de liquider leur retraite avec des décotes importantes, quelle que soit l’ampleur de la pauvreté qui les attend.
Voilà donc comment le Gouvernement prévoit d’économiser sur les hommes et les travailleurs et se garde bien de renflouer les caisses de la sécurité sociale en touchant au capital !
Tant d’indécence n’est plus tenable. On ne peut pas, d’une part, expliquer que l’État n’a plus d’argent et qu’il faut que le peuple travaille plus longtemps pour percevoir moins et, d’autre part, évoquer la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF. On ne peut multiplier les niches fiscales et favoriser le bouclier fiscal tout en expliquant aux travailleurs qu’ils financeront à 85 % la réforme des retraites. (Plusieurs sénateurs de l’UMP martèlent leurs pupitres.) Vous pouvez marteler vos pupitres ! Quand on vous parle d’injustice, cela vous fait bondir, je le sais.
L’injustice est trop flagrante et ne saurait durer. C’est pourquoi, encore une fois, je réaffirme la nécessité de supprimer l’article 4. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.