M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
En effet, après les débats d’hier, le fait de laisser le Parlement se saisir du sujet au travers du rapport qui lui est présenté me semble aller de soi.
Vous me permettrez d’ajouter une remarque, monsieur Le Cam : heureusement qu’il était prévu, dans la réforme des retraites votée en 2003, de mettre progressivement fin, sur neuf ans, au mécanisme de la surcompensation !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai recherché dans le Journal officiel ce qui avait été dit ici lors de l’examen de notre proposition de loi tendant à renforcer les droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité et je vais vous lire quelques extraits du débat.
Mme Jacqueline Panis, ici présente, expliquait : « Eu égard au coût financier et à la complexité que le dispositif de réversion peut représenter, nous sommes particulièrement attachés à ce que cette possibilité soit envisagée dans le cadre plus large du débat sur la réforme des retraites de 2010… ».
Quant à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la justice, qui représentait le Gouvernement, il indiquait : « La question de la pension de réversion pour le pacsé survivant, évoquée par Mme le rapporteur et par plusieurs orateurs, fera sûrement l’objet d’un traitement particulier lors du grand débat national sur les retraites qui intéressera tous nos concitoyens. À cette occasion, nous pourrons mesurer les implications concrètes des mesures proposées, la diversité des situations et envisager les évolutions que plusieurs d’entre vous, Mme Muguette Dini notamment, appellent de leurs vœux. »
Enfin, M. Gélard, orateur de la majorité, déclarait : « Pour conclure, je le répète, nous devons disposer d’une étude comparative faisant le point sur la situation à l’étranger, et nous attendons avec impatience le débat qui aura lieu en 2010 sur les pensions de retraite en général, car ce problème ne peut être traité à part. ».
C’était le 9 décembre 2009, il y a moins d’un an !
On peut féliciter les sénateurs de la majorité et le Gouvernement pour la manière dont ils respectent leurs engagements ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste. –Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Nous allons voter l’amendement présenté par M. Le Cam, car il vise à ce que le Parlement ne soit pas déresponsabilisé sur ces questions.
Il est extrêmement important que les rapports, celui dont nous parlons en particulier, puissent faire l’objet d’un débat, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, pour alimenter la réflexion du législateur.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. S’agissant du problème de la compensation, une certaine réalité s’impose à nous. Ainsi, il est précisé dans le rapport : « En 2007, la compensation généralisée vieillesse a été financée à plus de 92 % par trois régimes : la CNAV, pour les trois cinquièmes, la CNRACL, à hauteur de 18 %, et le régime des fonctionnaires de l’État, pour 15 %. »
Il apporte également un complément d’information intéressant : « Les régimes agricoles – salariés et exploitants –ont reçu près de 80 % des transferts versés au titre de la compensation généralisée en 2007. »
M. Claude Domeizel nous rappelle toujours la réalité des chiffres qui dessinent le paysage de la compensation ! Il ne faut pas les oublier, afin de ne pas s’égarer en se contentant d’anathèmes ou de on-dit !
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er ter, modifié.
(L'article 1er ter est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Au dernier alinéa de l’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « d’une conférence présidée par les ministres chargés de la sécurité sociale, de la fonction publique et du budget et réunissant les organisations syndicales et professionnelles représentatives au plan national, dont les modalités d’organisation sont fixées par décret, » sont remplacés par les mots : « du Comité de pilotage des régimes de retraite, ».
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. Cet article 2 nous semble totalement incohérent par rapport à l’article 1er, qui porte création du Comité de pilotage des régimes de retraites.
Du reste, nous continuons de nous interroger sur cette nouvelle instance. Par exemple, quelle place entendez-vous donner aux organisations syndicales ? À l’inverse, quelle place réservez-vous aux personnalités qualifiées ? Seront-elles plus nombreuses que les représentants des organisations syndicales ? Auront-elles le droit de vote ?
En effet, il est prévu que le comité de pilotage se réunira une fois par an et pourra proposer au Parlement une correction du taux de revalorisation des pensions pour l’année qui suit. Or, monsieur le ministre, vous avez affirmé à l’Assemblée nationale : « Les pensions seront revalorisées à partir du 1er avril, de façon automatique, sur la base de l’inflation de l’année précédente, telle que calculée par l’INSEE. » Pourquoi, alors, remplacer la conférence tripartite chargée d’apporter un éventuel correctif au taux de revalorisation des pensions par le Comité de pilotage ?
On trouve, au moins partiellement, la réponse à cette question dans le rapport de notre collègue Dominique Leclerc : « Dorénavant, la revalorisation pour l’année sera égale à la prévision d’inflation établie par la Commission économique de la Nation. » Comment le Comité de pilotage pourrait-il alors se prononcer sur une revalorisation éventuelle du montant des pensions ?
Tout cela donne l’impression que la revalorisation des pensions ou plutôt leurs éventuelles revalorisations seront systématiquement confrontées aux analyses comptables, des analyses limitées puisque le Comité de pilotage s’interdit de proposer la création de ressources nouvelles, comme la taxation des revenus financiers ou la mise à profit, pour les comptes sociaux, des millions de dividendes que se partagent les actionnaires.
En fait, le passage devant le Comité de pilotage n’est qu’une mesure « esthétique », qui sera sans effet sur le montant des pensions. Autrement dit, qu’il s’agisse d’une réunion de la conférence tripartite ou du nouveau Comité de pilotage, tout est inscrit dans le marbre : les retraités n’auront plus droit, à l’avenir, à un petit coup de pouce financier. La rigueur est installée et frappera durement, sans doute même durablement, les retraités de notre pays.
Enfin, je voudrais souligner la pratique curieuse qui consiste à annoncer la suppression d’une conférence qui réunit les représentants de l’État et des organisations syndicales et patronales au motif qu’elle ne se serait jamais réunie, alors même que c’est au Gouvernement qu’incombe la responsabilité de la réunir !
Cette méthode nous inquiète et nous souhaiterions connaître le sort que vous allez réserver à la Conférence nationale des finances publiques, qui ne s’est plus réunie depuis que vous avez créé la Conférence sur le déficit. Cette substitution n’est pas anodine ! En effet, si la Conférence nationale des finances publiques a pour mission d’étudier toutes les propositions des organisations syndicales en matière de financement et d’utilisation des ressources qui en découlent, notamment en matière sociale, la composition et les missions de la Conférence sur le déficit sont limitées : non seulement elle n’intègre pas les organisations syndicales, mais son rôle se borne à gérer la crise économique que nous traversons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, sur l'article.
M. Ronan Kerdraon. Nous abordons l’article 2, qui a toute l’apparence d’une simple disposition de coordination.
Il vient conforter les arguments que nous avons déjà présentés et qui nous conduisaient à demander la suppression de l’article 1er. Nous avons souligné, en particulier, la nature ambiguë de ce Comité de pilotage des régimes de retraite et de la confusion des pouvoirs qu’il risque d’instaurer.
En effet, le fait de substituer ce Comité de pilotage des régimes de retraite à la conférence tripartite actuellement compétente pour proposer au Parlement une éventuelle « correction » du taux de revalorisation des retraites de l’année suivante révèle deux contradictions majeures.
Au moment où l’on prétend simplifier à tout-va, on charge d’un organisme supplémentaire un paysage déjà occupé par le Conseil d’orientation des retraites, la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la Cour des comptes, la Commission des comptes de la sécurité sociale, la Commission de garantie des retraites, le Conseil économique, social et environnemental, entre autres !
À cet égard, il est savoureux de lire le jugement de la commission des affaires sociales sur cette mesure de substitution : « Il s’agit d’une mesure de bon sens qui permet d’éviter la multiplication des organismes ad hoc. » On ne peut que saluer ce sens de l’humour !
Au-delà, c’est le rôle même de ce Comité de pilotage qui enlève à cette substitution le caractère anodin que l’on voudrait lui donner, et cela plus encore après les modifications qui ont été adoptées par la commission des affaires sociales et qui confèrent expressément à ce comité une mission d’alerte, dès lors qu’il considérera qu’il existe un risque sérieux que la pérennité financière de notre système de retraite ne soit plus assurée.
Compte tenu de cette mission, de l’état de déséquilibre chronique du régime et du fait que le financement que vous prévoyez – et dont vous n’avez pas voulu débattre dans le cadre de l’examen de ce projet – ne permettra pas d’assurer cet équilibre, imagine-t-on un instant que le Comité de pilotage proposera de rehausser le taux de revalorisation des pensions s’il constatait une sous-évaluation des prévisions ? Notre commission ne dit pas autre chose lorsqu’elle souligne que la conférence ne s’est jamais réunie en raison « de la situation financière des régimes de retraite et du taux de croissance de l’économie nationale ».
Certes, il est vrai que la « correction » prévue par l’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale peut être à la hausse, mais également à la baisse ! Il y a là, nous semble-t-il, des rôles difficilement compatibles et il est à craindre que ce comité ne se réunisse finalement pas plus que la conférence à laquelle il est amené à se substituer.
De plus, monsieur le ministre, je m’interroge sur la réelle possibilité de mettre en œuvre une telle disposition au regard des contraintes de calendrier.
Je souhaite formuler une dernière remarque sur la « rengaine » que vous nous servez en boucle, la seule que vous ayez pour justifier une telle réforme : assurer le paiement des futures retraites.
D’une part, les financements que vous prévoyez sont impropres à assurer l’équilibre du régime à moyen terme ; je ne mentionnerai que vos hypothèses de croissance, à mon sens irréalistes – d’ailleurs, elles ont été unanimement démenties –, et l’apport de 15 milliards d’euros, qui sont en réalité seulement du déficit nouveau ! D’autre part, vous ajoutez une baisse prévisible des niveaux de retraite à la baisse déjà réalisée par le changement de leur mode d’indexation.
Selon les chiffres de la CNAV, le basculement de l’indexation sur les salaires à une indexation sur les prix a déjà représenté, pour les pensions, une perte de 8 % sur la période 1994-2003. Et cela se poursuit avec une moindre évolution, certes en cumulant les effets « paramètre » et « revalorisation », puisque l’inflation reste inférieure sur le moyen et le long terme à l’augmentation des salaires. Les projections du COR laissent également présager une dégradation du taux de remplacement du salaire par la retraite de 18 à 20 points d’ici à 2030.
Voilà les certitudes que promet cette réforme : un déficit maintenu pour la CNAV, faute d’un projet de financement pérenne, et une nouvelle baisse des pensions de retraite, faute de perspectives d’emplois sérieuses. Telle est notamment l’expertise avertie de la présidente de la CNAV elle-même.
Derrière les discours, ce que l’on voit, c’est votre recours à des stratégies de procédure pour faire passer à toute force cette réforme ; c’est votre mépris pour les Françaises et les Français ; c’est la situation dans laquelle vos choix dogmatiques ont conduit les finances de ce pays ; c’est l’augmentation de la précarité et de la pauvreté ; et c’est enfin votre incapacité à assumer la responsabilité d’une telle situation !
À cet égard, le fait que vous proposiez de confier le pilotage de l’équilibre financier des retraites à un comité irresponsable est exemplaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le sénateur, vu la conviction que vous mettez dans vos propos, nous avons vraiment le sentiment que vous-même n’y croyez pas ! Et, finalement, c’est plutôt une bonne nouvelle ! (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Vous affirmez que nos hypothèses de croissance ne sont pas réalistes.
Mme Raymonde Le Texier. Nous ne sommes pas les seuls à le dire !
M. Jean-Louis Carrère. Nous avons toujours fait plus de croissance que vous !
M. Éric Woerth, ministre. Vous êtes fiers de nous dire que vous avez un projet. J’ai déjà indiqué qu’il ne reposait pas sur grand-chose !
Mme Annie David. Nous ne sommes pas là pour polémiquer ! Assez avec vos petites phrases, monsieur le ministre !
M. Éric Woerth, ministre. Mais vous vous fondez tout de même sur des hypothèses économiques. Or vos hypothèses de croissance et de productivité sont plus hautes que celles du Gouvernement ! Par conséquent, si les nôtres sont irréalistes, les vôtres le sont encore plus ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Annie David. Nous ne sommes pas au théâtre, ici !
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. L’article 2 prévoit de transférer la correction du taux de revalorisation des retraites, qui relevait de la conférence nationale, au Comité de pilotage des organismes de retraite. Je ne m’étendrai pas sur ce nouvel organe : mes collègues du groupe socialiste ont bien dit ce que nous en pensions.
Pour ma part, je m’interroge sur la portée exacte des termes « sur proposition » tels qu’ils figurent au dernier alinéa de l’article L. 161–23–1.
J’illustrerai mon propos d’un seul exemple. En raison d’une disposition législative qui figurait dans la réforme des retraites adoptée en 2003, les commissions des affaires sociales des deux assemblées avaient l’obligation, en 2008, de présenter au Gouvernement des recommandations permettant d’apprécier les montants de revalorisation des pensions. Plusieurs de ces recommandations ont fait état de la nécessité d’améliorer considérablement les allocations en faveur des plus modestes.
Les ministres du travail successifs s’étaient engagés à le faire. Depuis, plus rien ! La hausse de 0,9 % des pensions du régime général qui est intervenue au mois d’avril 2010, en décalage complet avec l’évolution du coût de la vie, témoigne de votre dogmatisme.
Avec l’article 2, vous parachevez la primauté des logiques comptables sur le pouvoir d’achat des personnes âgées.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Bernard Cazeau. Évidemment, on sait d’avance sur quoi se fonderont les conclusions de ce nouveau Comité de pilotage des retraites pour déterminer à l’avenir le calcul de la revalorisation des pensions : l’inflation. Celle-ci, qui constitue l’alpha et l’oméga du Gouvernement, ne reflète pourtant pas le coût de la vie réel pour les faibles revenus.
L’effet de ce décalage est, bien sûr, particulièrement rude pour les petites pensions, notamment dans les territoires ruraux.
Je rappelle que les mutuelles de santé ont augmenté leurs tarifs d’environ 5 % cette année et GDF-Suez, les prix du gaz de 9,7 % au mois d’avril dernier. Santé, énergie : deux postes de dépenses contraintes, incompressibles, qui pèsent proportionnellement plus lourd dans le budget des retraités modestes.
Aujourd’hui, 4 millions de retraités perçoivent le minimum contributif, c'est-à-dire 590,33 euros, et plus de 5 millions d’autres ne touchent que de 800 euros à 1 100 euros. Il n’y a rien d’étonnant, dès lors, à ce que la pauvreté refasse surface chez les aînés. Et le phénomène risque d’empirer. Les prochaines vagues de retraités subiront sur leurs allocations les effets de carrières davantage touchées par le chômage et la précarité.
La facture risque ainsi d’être particulièrement salée si, comme le prévoit le Gouvernement, les montants des pensions sont calculés en fonction d’un indice des prix artificiel.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 78 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 328 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 2.
Mme Annie David. L’article 2 modifie une disposition du code de la sécurité sociale qui fixe les conditions de revalorisation des pensions de vieillesse.
Celles-ci sont précisées dans le troisième alinéa de l’article L. 161-23-1 dudit code, qui permet au Gouvernement de proposer au Parlement, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, une correction des taux de revalorisation présentés par une conférence nationale tripartite.
En cohérence avec l’article 1er, que nous n’avons pas voté, l’article 2 tend à substituer à cette conférence le Comité de pilotage des retraites, ou COPILOR, organe chargé, je le rappelle, de veiller « au respect des objectifs du système de retraite par répartition » en vue du maintien d’un niveau de vie satisfaisant des retraités, ce qui le rend légitime à vos yeux pour jouer à présent un tel rôle de proposition.
L’article 2 transfère ainsi au Comité de pilotage la mission de la conférence tripartite puisque la correction du taux de revalorisation s’effectuerait désormais sur sa proposition.
Toutefois, il faut savoir que cette conférence n’a jusqu’à présent jamais été réunie, faute sans doute – nous ne pouvons que le regretter – de volonté politique du Gouvernement.
Je ne vois donc aucunement l’intérêt d’ajouter une mission au Comité de pilotage, sauf à vouloir dessaisir une instance de démocratie sociale de ses prérogatives. En effet, alors que le système actuel est tripartite, la présence de personnalités qualifiées au sein du Comité de pilotage met en cause l’équilibre de la démocratie sociale, qui repose essentiellement sur la présence des partenaires sociaux.
C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de l’article 2.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour présenter l'amendement n° 78.
M. Jean-Luc Fichet. Nous proposons également de supprimer l’article 2 parce que celui-ci vise à remplacer la conférence nationale chargée de proposer un éventuel correctif au taux de revalorisation des pensions par le Comité de pilotage des retraites.
Cet amendement pourrait être un simple amendement de cohérence, s’appuyant sur l’argumentation que nous avons développée à propos du Comité de pilotage.
En fait, il a surtout pour objectif de faire préciser par le Gouvernement le processus de décision concernant notamment la correction du taux de revalorisation.
Jusqu’à présent, et par dérogation à la loi existante, une conférence réunissant les organisations syndicales et professionnelles représentatives et présidée par les ministres chargés de la sécurité sociale, de la fonction publique et du budget pouvait proposer au Parlement une correction au taux de revalorisation de l’année suivante.
Or, dans la rédaction actuelle de l’article, il n’est plus fait mention d’une telle possibilité. Une fois de plus, on observe un glissement vers une déconsidération du Parlement. Et que deviennent les partenaires sociaux ?
Le rapporteur nous dit que cette conférence ne s’est jamais réunie ; demandons-nous pourquoi !
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano, pour présenter l'amendement n° 328 rectifié.
M. Robert Tropeano. À l’instar de l’article 1er, l’article 2 transfère au Comité de pilotage des organismes de retraites des compétences devant normalement incomber au Gouvernement. En effet, ce comité aurait la possibilité de proposer la correction du taux de revalorisation de l’année suivante.
Le présent amendement tend à supprimer l’article 2 en cohérence avec notre amendement visant la suppression de l’article 1er, qui crée le Comité de pilotage des retraites.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission ayant approuvé, s’agissant de la proposition au Parlement d’une correction au taux de revalorisation de l’année suivante, la substitution du Comité de pilotage à la conférence préexistante, elle est évidemment défavorable à la suppression de l’article 2.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements identiques.
En réalité, nous aurons à présent un mode de calcul différent, fondé non plus sur des prévisions, mais sur des chiffres avérés.
Nous voulons donc laisser au Comité de pilotage la possibilité d’ajuster, si nécessaire, le montant de la pension en fonction de l’inflation, mais sur la base de chiffres effectivement constatés.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 78 et 328 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'article.
M. Guy Fischer. L’article 2 apparaît strictement formel. Il ouvre au Comité de pilotage la possibilité de décider d’une revalorisation des pensions, alors qu’on nous annonce dans le même temps que celle-ci demeura indexée sur l’inflation. En d’autres termes, cet article n’est que théorique.
Pourtant, les retraités continuent à percevoir des pensions largement insuffisantes. Et cela va s’aggraver avec le report de l’âge permettant de bénéficier d’une retraite sans décote. En effet, les salariés les plus usés, ceux pour qui l’âge de la retraite apparaît comme une délivrance, n’attendront pas d’avoir 67 ans pour partir à la retraite. Pour preuve, actuellement, plus de 60 % des salariés partent à la retraite à 60 ans, quitte à subir des décotes. Ceux-là perdaient déjà beaucoup ; ils perdront encore plus demain !
C’est à croire, mes chers collègues, que vous ignorez les difficultés rencontrées par les retraités pour boucler leurs fins de mois ! Pourtant, dans vos permanences ou dans vos mairies, dans vos conseils généraux,…
M. Jean-Louis Carrère. Ils ont perdu beaucoup de conseils généraux, et ce n’est pas fini !
M. Guy Fischer. … vous devez voir par centaines ces anciens salariés et ces chômeurs qui, après avoir vécu toute une vie de précarité, vivent une vie de misère. Que leur dites-vous ? « Désolé, le contexte économique, la bulle spéculative qui se recrée et explose en permanence nous conduisent à baisser vos retraites ! » Est-ce cela que vous leur expliquez ? Je n’ose le croire ! Vous ne pouvez continuer indéfiniment à pressurer celles et ceux qui ont déjà tout donné.
Comment voulez-vous que nos concitoyens ne soient pas scandalisés quand, entendant vos discours, ils s’aperçoivent que les hyper-riches continuent, eux, d’être épargnés par votre politique ?
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. On découvre, par exemple, qu’en mai de cette année la nomination de Lars Olofsson à la tête de la direction de Carrefour s’est accompagnée d’un joli cadeau : un régime de retraite ultra-privilégié. Alors que l’ensemble des salariés sont mis au pain sec, que les employés de la grande distribution, souvent des femmes, sont soumis à des contrats précaires, travaillent dans des conditions difficiles et pour des salaires de misère, Lars Olofsson a, lui, obtenu du groupe Carrefour qu’il lui concède, dès la conclusion de son contrat, une retraite à vie de 500 000 euros par an, à la condition qu’il garde son poste durant trois années.
Mme Annie David. Honteux !
M. Guy Fischer. Pour ce faire, l’enseigne lui a reconnu d’emblée, de manière totalement fictive, treize ans d’ancienneté.
Mme Annie David. Quel scandale !
M. Guy Fischer. Eh bien, le scandale ne s’arrête pas là : à cette retraite dorée s’ajouteront de nombreux autres avantages. Ainsi, Lars Olofsson bénéficiera, par exemple, de 130 000 unités d’actions accordées au titre des stock-options, pour un montant unitaire de 33,70 euros ; le groupe évalue cette attribution à 1,7 million d’euros !
Mme Annie David. Et allez donc !
M. Guy Fischer. Et Carrefour se montre encore plus magnanime dans l’attribution d’actions gratuites : 165 000 !
Je dois encore mentionner une allocation de logement égale à 100 000 euros ainsi que, c’est la coutume, une prime d’assurance.
Tous avantages cumulés, hors les 500 000 euros annuels de retraite conférés à vie, cette nomination va rapporter au nouveau directeur général de Carrefour la modique somme de… 9,25 millions d’euros !
M. Jean-Louis Carrère. Avec ça, il pourrait même s’acheter le Fouquet’s !
M. Guy Fischer. Pendant ce temps-là, l’outil que vous mettez en place permettra d’exercer une pression terrible sur les salaires et les retraites en prenant le prétexte de l’évolution de l’inflation.
C'est la raison pour laquelle vous avez décidé, pour les trois prochaines années, de ne pas augmenter les traitements des fonctionnaires, tandis que les pensions des fonctionnaires retraités, ainsi que celles versées par la CNAV, n’augmenteront que de 0,9 %.
Voilà comment le Gouvernement fait pression sur les salaires et les retraites. Au demeurant, il n’est pas le seul dans l’Union européenne : c’est une même politique qui, dans les différents États, frappe le plus grand nombre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)