M. Albéric de Montgolfier. Vous faites de la publicité ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer. Face à cet énorme problème, les modalités du rendez-vous de 2018 nous paraissent peu de chose.
Aujourd’hui, vous refusez d’ouvrir un vrai débat de fond sur la répartition des richesses, alors que tous nos concitoyens sont choqués de voir que l’allongement de la durée du travail se fait en même temps que des restitutions record aux Français les plus riches par le jeu du bouclier fiscal.
M. Jean Desessard. Bien sûr !
M. Guy Fischer. Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre cet article.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Afin de défendre le pouvoir d’achat promis par le Président de la République, le Gouvernement a décidé une série de mesures au fil du temps : la loi TEPA, la monétisation des congés non pris, le travail le dimanche, l’implantation plus facile des hypermarchés. Reste qu’une donnée est presque toujours occultée : en vingt ans, la part des salaires dans le PIB français a baissé de 9,3 %, ce qui correspond à plus de 100 milliards d’euros, en partie transférée vers le capital.
« La part des profits est inhabituellement élevée à présent, et la part des salaires inhabituellement basse. » D’où est tirée cette phrase ?
M. Albéric de Montgolfier. On joue aux devinettes, maintenant !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. D’un texte de la CGT ? Non, absolument pas ! Elle vient d’un article de la Banque des règlements internationaux, une institution qui réunit chaque mois les banquiers centraux afin de coordonner les politiques monétaires.
Alors que les manifestants ont des revendications légitimes, encadrées par des syndicats représentant un contre-pouvoir respectueux de leurs prérogatives, de grâce, monsieur le sénateur Trillard – malheureusement, il n’est plus là –, arrêtez votre provocation ! La crise n’a pas été de même intensité pour tout le monde.
De plus, que l’on ne vienne pas nous parler des difficultés de financement des retraites à l’horizon de 2018 quand on voit que, sur 93,6 milliards d’euros de bénéfices après impôt des entreprises françaises, 71 milliards d’euros sont destinés aux actionnaires, 13,6 milliards d’euros à l’intéressement et à la participation et seulement 9 milliards d’euros à l’investissement.
Tout le monde a dorénavant bien compris que votre projet de loi pénalisera d’autant plus les petites retraites qu’il est financé presque exclusivement par les salaires, qui sont en diminution constante.
Par contre, en 2010, les grandes fortunes ont continué à prospérer et le bouclier fiscal a encore accentué les dérives apparues dès sa mise en application. Les remboursements faits à ce titre ont coûté 674 millions d’euros au budget de l’État cette année. Quant à l’exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires de la TEPA, elle a eu pour conséquence l’augmentation du chômage et le creusement des déficits. Son coût a été évalué à 4 milliards d’euros par an par la Cour des comptes !
Alors quand M. le ministre Woerth déclare à l’Assemblée nationale cet après-midi que ce projet de loi demande des efforts à tout le monde, chacun est bien conscient qu’il demande beaucoup plus à certains et moins à d’autres. Les manifestants le savent. D’ailleurs, la population les soutient majoritairement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Quel beau discours !
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au regard de la réforme des retraites qui nous occupe depuis plusieurs jours, très franchement, je ne vois pas le progrès que représente l’article que nous discutons.
Que nous dit-il ? Il précise que le Conseil d’orientation des retraites a une fonction de veille et d’alerte sur le COPILOR. Or le COR a été créé précisément dans cette optique ! Pour pérenniser et sécuriser notre système de retraite, ce n’est pas de rapports sur l’emploi que nous avons besoin, c’est d’emplois proprement dit !
Force est de reconnaître – et nos concitoyens le savent bien ! – que pour garantir la retraite et l’emploi, nous sommes aujourd’hui dans un contexte particulièrement défavorable. Nous venons – faut-il le rappeler ? – de franchir à nouveau le seuil des 10 % de chômeurs. Notre pays connaît le pire taux d’emploi des jeunes au niveau européen puisqu’un jeune sur quatre est au chômage. Le taux d’emploi des seniors est, de même, le plus faible de l’Union européenne, à savoir 38 % !
En regardant de plus près la manière dont nos voisins européens ont réussi leur réforme des retraites, on s’aperçoit qu’ils l’ont fait dans un cadre consensuel. Je pense notamment à la Suède et à la Finlande. Comment ont-ils abouti à ce consensus ? Ils ont su, parallèlement, se doter d’un grand plan quinquennal pour l’emploi qui a redonné confiance à leurs concitoyens.
Ainsi, ce dont nous avons besoin, ce n’est pas tant de rapports, de courbes ou de projections ! Notre pays requiert surtout un grand plan pour l’emploi !
Aussi ne voterai-je pas cet article parce, sur le champ de l’emploi, je crains qu’il ne soit au bout du compte qu’une sorte d’alibi.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d’État, en prenant exemple sur d’autres pays, vous nous dites que, à l’inverse de ce que nous prétendons, l’emploi des seniors et celui des jeunes vont de pair et que le maintien des premiers dans l’emploi n’empêche nullement le travail des seconds.
Je crois qu’il faudrait dire les choses autrement. Effectivement, quand l’emploi se porte bien, celui des seniors et celui des jeunes sont couplés. La réciproque est vraie : en France, l’emploi se porte mal et donc le chômage des seniors et celui des jeunes vont également de pair ! Voilà la réalité ! Telle est la situation de notre pays ! Ne cherchons pas à donner de fausses explications.
De plus, comparaison n’est pas raison, puisque ceux des pays européens qui connaissent un allongement de la durée de vie et comptent beaucoup de seniors, comme la France, ont en revanche des taux de natalité faibles depuis de nombreuses années et manquent de jeunes. Ce n’est pas notre cas ! Dès lors, on ne peut pas faire de comparaison.
Je voudrais à mon tour souligner, après mon collègue Claude Jeannerot, le fait que vous ne voulez rien entendre. C’est un constat. Vous demandez qu’un rapport en 2018 fasse le point sur la situation financière des régimes de retraites, étant entendu que vous ne souhaitez faire bouger aucun autre paramètre.
Or nous connaissons déjà la situation financière en 2018 : on sera de nouveau en déficit ! Nous avons essayé de dire qu’il faudrait que le rapport se préoccupe de l’emploi et des exonérations de cotisations qu’il conviendrait de supprimer. C’est surtout la réalité qui devrait en tenir compte. Ces sujets doivent être examinés à condition de mener une politique ciblée, de taxer notamment les revenus financiers. Ainsi, on pourrait dresser, en 2018, le bilan de la situation.
Avec la politique que vous proposez, toutes choses égales par ailleurs, si je puis dire, on se trouvera bien évidemment encore en déficit ! Par conséquent, ce constat nous fait dire – voilà notre conclusion sur vos propositions – que vous avez d’autres projets en tête. En effet, vous ferez constater en 2018 par un rapport l’existence d’un déficit que le COR et vous-même avez aujourd’hui déjà prévu. Il faudra alors amorcer la migration de notre système de retraites par répartition vers un système à comptes notionnels ! Il s’agit d’un chiffon rouge que vous agitez sans cesse mais, pour l’instant, vous avez l’impression que les esprits ne sont pas mûrs.
Avec ce rendez-vous de 2018, vous pourrez proposer la généralisation de la retraite par capitalisation, comme vous le demandent vos amis banquiers et assureurs, et comme il est prévu dans le programme du MEDEF, que vous appliquez à la lettre, bon an mal an, en tendant vers un régime par capitalisation. Voilà ce que vous voulez !
Vous pensez donc bien que nous votons contre ce type d’article qui, en réalité, nous cache quelque chose ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Les Verts et les écologistes du Sénat voteront contre cet article pour quatre raisons.
Tout d’abord, il est bavard. C’est un article qui pourrait être un décret ; il n’a pas sa place dans la loi. On sait très bien qu’il y a trop de choses dans la loi : il est donc inutile.
Ensuite, il est redondant, car il définit le rôle du Conseil d’orientation des retraites qui doit réfléchir à un système de financement des retraites. Pourquoi ? Ce dernier ne se posait-il pas la question du financement ? Mais que faisait-il donc ?
Par ailleurs, il est insuffisant puisqu’on lui donne des pistes très précises sans pour autant permettre l’examen d’une autre fiscalité ou d’un autre système dans son ensemble.
Enfin, il est surtout inutile parce que les manifestations d’aujourd’hui montrent qu’il y aura vraisemblablement un changement de majorité en 2012 et donc une autre politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 13 octobre 2010, à quatorze heures trente et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n° 713, 2009-2010).
Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 733, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 734, 2009-2010).
Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n° 727, 2009-2010).
Rapport d’information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 721, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 13 octobre 2010, à deux heures dix.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART