M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Cet amendement a été déposé par les membres du groupe socialiste.
Je le rappelle, la loi de 2005 a instauré une priorité pour l’emploi des travailleurs handicapés. Lors de la mise en place des MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées, en 2006, un important travail a été mené sur l’évaluation des capacités des personnes handicapées, qui conditionne désormais l’attribution de l’AAH, l’allocation aux adultes handicapés.
Or il est nécessaire que Cap emploi, Pôle emploi et les employeurs établissent des liens, afin que des postes soient proposés aux personnes handicapées et que les compétences qu’ils exigent soient mises en regard des capacités de ces personnes.
Paul Blanc et moi-même avons travaillé sur cette question dans une étude publiée l’année dernière. Par ailleurs, la Cour des comptes a regretté dans un rapport que les personnes qui touchent une pension d’invalidité ne bénéficient pas du même accompagnement vers l’emploi que celles qui perçoivent une AAH.
Il sera donc utile d’évaluer, dans ce cadre, les efforts qui seront accomplis pour permettre aux personnes handicapées de trouver un emploi.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Je voterai bien entendu cet amendement qui a été déposé par des membres de mon groupe et que j’ai cosigné. En effet, de grandes avancées sont encore nécessaires en faveur de l’emploi des handicapés.
Je profite de cette intervention pour revenir sur l’application de l’article 40 de la Constitution qu’a déjà évoquée notre collègue Christiane Demontès. Nous avions déposé, au nom du groupe socialiste, un amendement visant également les situations de handicap, et plus précisément les pensions de réversion de parents qui ont des enfants handicapés.
Je regrette que cet amendement ait été frappé par l’article 40 alors qu’il s’agit d’un problème extrêmement simple, lié à une mauvaise rédaction de la loi et dont la résolution n’aurait qu’une incidence financière tout à fait mineure. J’y reviendrai lorsque nous examinerons l’article 19 du projet de loi, mais c’est absolument inadmissible.
Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, vous avez émis sur cet amendement un avis de sagesse. Vous auriez pu aller plus loin, me semble-t-il.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote sur l'amendement n° 73.
M. Yves Daudigny. Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, j’ai bien écouté vos réponses, mais celles-ci ne m’ont pas convaincu !
La notion d’espérance de vie ne peut être associée seulement à celle de pénibilité, d’autant plus que votre approche de cette dernière est essentiellement individuelle et que vous la confondez parfois avec l’invalidité. Ce n’est vraiment pas ainsi que l’espérance de vie, dont vous nous affirmez vous-même régulièrement qu’elle est fondatrice du système de retraites, doit être appréhendée ! L’exemple du système suédois des comptes notionnels l’illustre parfaitement.
Depuis la loi Fillon, le système français utilise, pour le calcul de la durée de cotisation, une formule mathématique dans laquelle intervient l’espérance de vie. Or celle-ci est une notion bien plus complexe qu’il n’y paraît, ne serait-ce que parce qu’il faut distinguer l’espérance de vie simple et l’espérance de vie sans incapacité. Cette complexité aurait mérité l’étude proposée par les auteurs de cet amendement. En tout cas, nous voterons celui-ci.
M. le président. La parole est à M. Yves Chastan, pour explication de vote sur l'amendement n° 74.
M. Yves Chastan. Comme nous l’avons longuement souligné hier, les jeunes, de même que les femmes et les plus précaires, seront aussi les victimes de ce projet de loi. D'ailleurs, ils l’ont bien compris : ils ne sont ni naïfs ni irresponsables. On a pu le constater aujourd'hui, puisqu’ils étaient nombreux dans les manifestations et que plusieurs centaines d’établissements scolaires ont été touchés ou bloqués.
Si les jeunes sont autant mobilisés, c’est bien parce qu’ils se rendent compte de ce que signifie le report de l’âge légal de départ à la retraite, comme d'ailleurs celui de l’âge d’annulation de la décote, que le Gouvernement était si pressé de nous faire acter. À cause de ces mesures, des postes ne seront pas libérés et il y aura donc moins d’emplois proposés aux jeunes. Ceux-ci seront davantage frappés par le chômage, auquel ils paient pourtant déjà un très lourd tribut dans notre pays.
Les jeunes sont déjà beaucoup trop nombreux à rencontrer des difficultés à entrer dans la vie active, qu’ils soient sans diplôme ou formation qualifiante ou, au contraire, très diplômés, avec des durées d’études de plus en plus longues. Obtenir un emploi stable est souvent une gageure. Plusieurs générations de jeunes ont déjà dû subir un véritable parcours du combattant, au cours duquel ils ont accumulé les stages, les petits boulots et les CDD, autant de périodes durant lesquelles leurs cotisations pour la retraite sont dérisoires ou insuffisantes.
Monsieur le secrétaire d'État, au lieu de proposer des mesures concrètes et efficaces en faveur de l’emploi, vous nous proposez, ou plutôt imposez, cette réforme-là, qui, en outre, vient malheureusement noircir encore davantage l’avenir des jeunes. D’autres dispositions seraient nécessaires, voire urgentes, pour eux. Par exemple, nous avons proposé – pourquoi pas ? –, de réfléchir à une cotisation volontaire au titre des années d’études, qui pourrait être prélevée dans le cadre des premières années de leur vraie vie professionnelle, de façon à leur permettre de valider quelques années d’études. Une telle possibilité doit être étudiée.
Dans ce contexte, la remise par le COR d’un rapport au Gouvernement et au Parlement pour faire le point sur l’âge moyen d’entrée sur le marché du travail me semble plus que jamais nécessaire C’est ce que nous préconisons à travers l’amendement n° 74. C'est pourquoi, mes chers collègues, je le voterai et je vous invite à en faire de même.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l'amendement n° 880.
Mme Marie-France Beaufils. Je voudrais réagir à l’avis exprimé par M. le secrétaire d'État. Je vous rappelle que les exonérations de cotisations sociales patronales accordées par l’État, qui avaient été estimées à 16 milliards d’euros en 2006 par la Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, étaient de 32 milliards d’euros en 2009, dont 2,8 milliards non compensés. Elles devraient atteindre 31,5 milliards d’euros en 2010, dont 3 milliards à la charge de la seule sécurité sociale.
Le rapport annuel de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, présenté le 8 septembre 2010, part du constat que les comptes de la sécurité sociale se sont considérablement dégradés en 2009. Le déficit global a dépassé 20 milliards d’euros – il devrait être d’environ 27 milliards d’euros en 2010 –, alors qu’il n’était jamais descendu en deçà de 10 milliards d’euros les années précédentes.
Afin d’assurer le retour à l’équilibre financier, la Cour des comptes préconise de donner la priorité à une révision des niches sociales. Il s’agit, selon elle, d’un « dispositif incontrôlé », au coût « très élevé » et à « l’efficacité incertaine ». Quant à l’ensemble des allégements, exonérations et niches sociales, ils représentent environ 58 milliards d’euros de pertes pour les finances publiques.
Dans le rapport susmentionné, la Cour des comptes fait également état d’une différence notable entre le montant des exonérations présenté en loi de financement de la sécurité sociale et le montant réel de ces dernières.
Cet état de fait démontre le bien-fondé de notre amendement, qui vise – je le rappelle – à une meilleure évaluation de l’évolution des exonérations de cotisations sociales et de leur impact sur les comptes de la sécurité sociale.
Monsieur le secrétaire d'État, vous nous répondez que le projet de loi de financement de la sécurité sociale devrait permettre de répondre à ces questions. J’avoue que je ne comprends pas votre réponse : en quoi cela vous gêne-t-il que le rapport qui devra être remis avant le 31 mars 2018 intègre l’analyse de l’évolution et de l’impact des exonérations des cotisations sociales ?
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale examine la situation pour l’année 2011, alors que le rapport doit dresser un bilan de la situation financière des régimes de retraite et procéder à un examen d’ensemble de leurs paramètres de financement pour le 31 mars 2018. Il serait, à mon sens, tout à fait nécessaire que ce dernier intègre la mesure de l’impact des exonérations de cotisations sociales sur les comptes de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote sur l'amendement n° 749.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le secrétaire d'État, les mesures incitatives à l’intégration professionnelle des jeunes que vous avez programmées depuis des années sont malheureusement très insuffisantes et fort peu pertinentes. Les résultats sont là pour le démontrer. Dès lors, nous comprenons que vous ne souhaitiez pas qu’elles soient évaluées.
Le fameux plan Marshall annoncé par le candidat Nicolas Sarkozy à grands roulements de tambour n’a eu qu’une seule conséquence : après avoir jeté de la poudre aux yeux, vous avez surtout aggravé la situation de la grande majorité de notre jeunesse. Par là même, vous les découragez. Votre politique entraîne un véritable recul de civilisation pour notre pays, qui est pourtant l’un des plus riches du monde. Votre projet de loi sur les retraites est foncièrement anti-jeunes.
Selon nous, la situation suppose, au contraire, d’avoir une politique très ambitieuse en faveur de la jeunesse et pour un autre choix de société. Faire le choix de la jeunesse, c’est s’engager sur d’autres logiques que celles qui viennent d’enfoncer notre pays dans la crise, alors qu’une minorité se « gave » encore plus grâce aux mesures que vous avez prises.
Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est sécuriser les parcours professionnels, les parcours résidentiels, les parcours d’étude – en somme, les parcours de vie – et répondre aux aspirations de notre jeunesse, en se donnant les moyens de les réaliser. Par des mesures appropriées prises avec les jeunes eux-mêmes, nous devons être capables d’accorder des droits et des pouvoirs qui permettraient de redonner sa véritable place à notre jeunesse. Nous devons mettre au premier plan la question de la citoyenneté pour qu’elle puisse être réellement exercée et respectée.
Alors que vous allez supprimer 16 000 postes supplémentaires dans l’éducation nationale, nous estimons qu’il faut, au contraire, renforcer le droit à une formation initiale et continue, pour promouvoir la réussite de tous nos jeunes. En mettant un quart de nos jeunes au chômage, vous allez à l’encontre d’un droit fondamental, celui d’assurer à chaque citoyen, et à chaque jeune, un emploi ou une formation tout au long de la vie.
Trop de jeunes sont contraints de rester chez leurs parents, et quelquefois d’y retourner, ou se trouvent à la rue sans ressources, sans emploi, sans avenir. Nous devons leur assurer le droit au logement, à la santé, à la mobilité, en instituant de nouveaux droits sociaux pour garantir leur autonomie.
Au lieu de les précariser dans l’emploi, nous devrions renforcer le contrat à durée indéterminée afin de sécuriser leurs parcours professionnels et leur permettre de recevoir un salaire identique à celui de l’ensemble des salariés.
Monsieur le secrétaire d'État, nous devons promouvoir une politique incitative du droit à la formation, car, pour trop de jeunes, le parcours professionnel s’apparente, en réalité, à un parcours du combattant. Ce serait une bonne façon de leur assurer également une retraite décente et de donner des moyens aux caisses de retraites. Pour débarrasser la société du chômage et de la précarité, il faudrait faire preuve d’une audace comparable à celle dont firent preuve les créateurs de la sécurité sociale. Avec votre projet de loi, vous êtes à l’opposé de ces orientations.
Vouloir ignorer ou ne pas vouloir mesurer l’impact des politiques incitatives à l’intégration professionnelle me semble une façon supplémentaire de sous-estimer, voire d’humilier, notre jeunesse.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote sur l'amendement n° 750.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Examiner l’impact des retraites sur le pouvoir d’achat des familles permettrait de mieux percevoir l’importance de cette catégorie dans notre vie économique. Il ne faudrait pas oublier non plus que ces retraités ont été des actifs qui, pour la plupart, ont largement contribué à faire croître la richesse de notre pays. Depuis les années soixante, la productivité a été multipliée par cinq. Ces vingt dernières années, la richesse de la France a doublé et il devrait en aller de même pour le PIB d’ici à 2050.
Pourquoi n’est-il pas possible, malgré cette richesse accumulée, de payer aujourd’hui les retraites à leur juste mesure ? L’explication est relativement simple : en trente ans, 10 % de la richesse produite a été prise dans les poches des salariés pour être transférée vers les comptes des actionnaires. Cela représente huit fois le déficit de la caisse d’assurance vieillesse.
C’est cette même politique menée dans notre pays depuis des décennies que vous poursuivez de façon encore plus caricaturale. J’en veux pour preuve le bouclier fiscal et les centaines de milliers d’euros que vous faites distribuer par le fisc à certains de vos amis. Vous préférez favoriser la rémunération des dividendes plutôt que les pensions de nos anciens.
Pour mener ces politiques, vous avez le plein appui des dirigeants européens, puisque la Commission européenne vient de sortir, au mois de juillet dernier, un Livre vert sur les retraites. Elle part du même constat que le vôtre : « À partir de 2012, la population en âge de travailler en Europe va commencer à diminuer et il nous appartient de relever ce défi. » Elle se félicite que de nombreux États membres aient « réformé leurs systèmes de pension à des degrés divers », néanmoins elle remarque que la crise financière et économique a « rendu la situation plus difficile et plus urgente ».
On ne peut croire, vous en conviendrez, que ce discours puisse s’adresser aux grands groupes du CAC 40 comme la Société Générale, qui vient de multiplier par soixante-dix ses profits au cours du premier semestre de l’année 2010 !
Le Livre vert, qui part de votre constat, arrive à la même conclusion : il faudrait aller plus loin, plus vite et, si possible, tous ensemble. La principale voie préconisée est « de faire en sorte que le temps passé à la retraite ne continue pas à augmenter par rapport à celui passé à travailler ».
Les membres de la Commission européenne doivent fréquenter les mêmes milieux, les mêmes spéculateurs boursiers, et doivent entretenir peu de relations avec les salariés du privé ou du public. En détournant la formule qui a permis à M. Sarkozy de se faire élire en abusant les électeurs, je dirais que votre but est de faire travailler plus les Français en tant qu’actifs pour qu’ils gagnent moins en tant que retraités.
En réalité, le Livre vert prévoit un recul généralisé de nos retraites au niveau européen. Dans tous les pays d’Europe, les salariés ont fait savoir le 29 septembre dernier leur opposition à ces politiques de casse.
Depuis 1993, les mêmes politiques produisent les mêmes effets : un calcul sur 25 années de cotisations au lieu de 10, une indexation sur les prix et non plus sur les salaires, l’exigence de 40 années de cotisation au lieu des 37,5 années et une décote de 5 % par année manquante, tout cela a conduit à une baisse de 20 % du pouvoir d’achat des pensions depuis la mise en œuvre de ces mesures. Comment s’étonner dès lors que la moitié des retraités disposent de moins de 1 000 euros par mois, qu’un million d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté et que des veuves survivent avec des pensions de réversions minables ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote sur l'amendement n° 751.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement a pour objet de mesurer les différences entre les hommes et les femmes dans l’accès à la retraite. Force est de constater, comme nous le faisons depuis le début de ce débat, que les inégalités sont flagrantes. Elles portent particulièrement sur la durée de cotisation, les femmes ayant eu le plus souvent des carrières chaotiques et irrégulières, en raison des congés parentaux ou de maternité. Ces durées de cotisation moindres entraînent nécessairement des pensions réduites.
Qui plus est, ces périodes de cotisation se sont déroulées bien souvent sur des emplois à temps partiel ou moins qualifiés. En France, le recours au temps partiel s’est développé de manière significative depuis le début des années quatre-vingt-dix. La proportion de l’emploi salarié à temps partiel est ainsi passée de 7 % en 1980 à 12 % en 1990, puis à 17,3 % en 1997, pour atteindre son niveau le plus élevé en 1998, avec 18 %. Il concerne près de 5 millions d’actifs sur les 28 millions recensés en 2005 en France métropolitaine. On peut ainsi mieux comprendre pourquoi les femmes sont à ce point discriminées.
Le rapport du Conseil économique et social de 2008 intitulé Les femmes face au travail à temps partiel en conclut « que choisi ou contraint le travail à temps partiel alimente les inégalités entre les femmes et les hommes : inégalités de revenus présents, donc de retraites futures, aggravées en cas de divorce ou de veuvage, moindres carrières … ».
En 2004, 86 % des hommes ont validé une carrière complète, contre 44 % des femmes. La pension mensuelle d’une retraitée est donc de 745 euros, contre 1 550 euros pour un retraité, soit presque la moitié ; dans le secteur public, la différence est de 38 %. Le différentiel devrait se réduire en 2040, mais il resterait tout de même de 25 % pour les femmes de 65 ans à 69 ans.
D’après l’étude réalisée par le CES, « L’impact du temps partiel est maximal pour les carrières croissantes et lorsque le temps partiel intervient en fin de carrière. Par exemple, dix ans de travail à mi-temps en fin de carrière peuvent faire chuter de 26 % la retraite de base et de 19 % la retraite complémentaire par rapport à un travail à temps complet. Or, ce phénomène concerne beaucoup de femmes puisque 30 % des femmes âgées de 50 à 59 ans dans le secteur privé et 25 % dans le secteur public étaient à temps partiel en 2005, contre 5 % des hommes […] ».
Selon le rapport du COR, « Environ un quart des hommes et plus de 40 % des femmes ont liquidé leurs droits avec une durée d’assurance inférieure à celle requise pour le taux plein, majoritairement avec une durée d’assurance inférieure à 35 ans ».
Les différences sont également probantes pour l’âge réel de départ à la retraite : « Environ 60 % des hommes et 42 % des femmes ont liquidé leurs droits avec une durée d’assurance supérieure à 40 ans ».
On voit ainsi que les différentes études, qu’elles soient menées par le COR ou par le Conseil économique et social, révèlent que les ségrégations entre hommes et femmes au travail se poursuivent au moment de la retraite. L’examen attentif de ces évolutions est donc indispensable, même si les contraintes européennes interdisant la discrimination, auxquelles vous avez fait allusion tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, invitent à un statu quo aveugle en niant la vie réelle.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour explication de vote.
Mme Marie-Agnès Labarre. Le nombre de femmes qui valident une carrière complète progresse. Cependant, il est de plus en plus évident que les mesures d’âge prévues aux articles 5 et 6 du projet de loi ne visent tout simplement, entre autres effets, qu’à réduire le nombre de retraitées qui seront en situation de valider une carrière complète.
Pour donner quelques éléments d’explication de notre vote, vous me voyez conduite à vous rappeler, mes chers collègues, ce que vous préconisiez en 2007 dans le cadre d’un rapport fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, intitulé – cela pourrait faire sourire – Transparence, équité, solidarité : les trois objectifs d’une réforme de la réversion.
La MECSS, sur les recommandations de notre rapporteur, proposait cinq orientations principales pour « Dégager des marges de manœuvre financières » :
« a) Rétablir une condition d’âge pour l’ouverture des droits à la réversion dans le régime général et les régimes alignés ;
« b) Rétablir une condition de durée de mariage pour l’ouverture des droits à la réversion dans le régime général et les régimes alignés ;
« c) Proratiser pour les ayants droit divorcés le montant de la réversion en fonction de la durée du mariage rapportée à la durée totale d’assurance du conjoint décédé ;
« d) Poser la question, dans la fonction publique et les régimes spéciaux, de l’introduction d’un plafond pour les réversions les plus élevées, en contrepartie d’un relèvement du plancher existant en faveur des basses pensions ;
« e) Envisager, en fonction des revenus du conjoint survivant, de faire varier à l’intérieur d’une fourchette le taux de la réversion ».
À ce stade du débat, il importe donc de se souvenir que, dans 90 % des cas, la réversion est accordée à une femme, retraitée ou non d’ailleurs, mais qu’elle n’affecte pas les retraites du régime général si ces femmes disposent d’une retraite personnelle suffisamment élevée, c’est-à-dire quand celles-ci ont accompli une carrière complète et que les salaires perçus ont été suffisamment raisonnables. C’est le cas notamment d’un certain nombre de femmes ayant fait carrière dans la fonction publique. Cette réversion est également plafonnée pour des femmes qui disposent d’une retraite personnelle, mais dont les droits ne doivent pas dépasser une valeur annuelle de 2 080 fois le SMIC horaire, soit environ 14 500 euros.
Or, dans votre rapport de 2007, mes chers collègues, vos propositions visaient très concrètement, aux motifs de transparence, d’équité et de solidarité, à réduire les droits des uns, acquis par le travail, pour mieux accorder une sorte d’aumône publique aux autres, le tout sans mettre en péril, évidemment, le fragile équilibre des caisses de retraite, c’est-à-dire en dédouanant par avance le patronat de pratiquer à longueur d’année la discrimination salariale à l’encontre des femmes.
De tout cela, nous ne voulons guère ! Pour rédiger le rapport prévu par l’article 1er bis A, nous ne pouvons donc que préconiser une prise en compte de la réalité des faits et de la situation du salariat féminin pour mieux ouvrir le droit à la retraite.
Pour nous, la transparence, l’équité et la solidarité passent par le renforcement des droits de tous et de toutes, et non par les mesures que vous recommandez.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'article 1er bis A.
M. Guy Fischer. L’article 1er bis A reprend les dispositions relatives à ce que l’on nomme « le rendez-vous de 2018 », qui étaient initialement inscrites à l’article 1er.
Ce rendez-vous de 2018 prévoit que, avant le 31 mars 2018, le Conseil d’orientation des retraites remet au Gouvernement et au Parlement « un rapport faisant le point sur la situation financière des régimes de retraites, l’évolution du taux d’activité des personnes de plus de cinquante-cinq ans, l’évolution de la situation de l’emploi et un examen d’ensemble des paramètres de financement des régimes ».
Sur le fondement de ce rapport, le Gouvernement consultera le comité de pilotage des régimes de retraite sur un projet de réforme des régimes destiné à maintenir leur équilibre financier au-delà de 2020.
Concernant ce rendez-vous de 2018, la première chose qu’il nous semble indispensable de dire est que nous avons appris, de l’aveu même de la CNAV qui a été auditionnée par la commission des affaires sociales du Sénat, que, en 2018, malgré votre réforme, le système des retraites sera à nouveau déficitaire de l’ordre de 5 milliards d’euros.
Pour un projet que vous vantez aujourd’hui être à l’équilibre, il semble que le compte n’y est pas, loin de là ! En plus d’être d’une profonde injustice, il n’est donc pas équilibré. Voilà un argument supplémentaire pour revoir votre copie ou, mieux encore – mais êtes-vous enfin prêts à agir dans ce sens ? –, pour la réécrire totalement.
Un tel projet de société, qui engage une nation sur des générations, doit faire l’objet d’un long et large débat. Comme je l’ai déjà dit, votre réforme est brutale, injuste et inefficace. Voyez l’Allemagne et la Suède, où la discussion et l’aboutissement des réformes se font pratiquement sur une décennie et demie, voire deux décennies !
En plus de vouloir faire vite, vous faites mal, comme bien trop souvent ces dernières années. Le Président de la République, voulant profiter de l’émoi créé par la crise financière, a opté pour un passage en force, reniant par la même occasion ses engagements de campagne, d’où les manifestations considérables de cette journée du 12 octobre.
Pourtant, malgré votre prétendue pédagogie, cette méthode et cette contre-réforme ne passent pas. D’ailleurs, vous sentez bien que la contestation grossit, mais, dans votre déni permanent, vous ne voulez pas le reconnaître. C’est pourquoi je vous le redis à nouveau : cette réforme ne passera pas !
Certes, vous prétendez vouloir sauver notre système par répartition, mais vous ne vous en donnez pas les moyens. Vous refusez ainsi d’ouvrir le débat de l’élargissement des modes de financement, alors que l’opposition vous montre qu’il existe d’autres solutions. Mais ces solutions ne vous plaisent pas, car elles risqueraient de porter atteinte aux intérêts de ceux pour qui vous gouvernez, à savoir la France du Fouquet’s, du « premier cercle » et des jetons de présence. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mes chers collègues, reconnaissez que je n’ai pas abusé ce soir.